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Correction guidée

1. Première partie : question relative aux textes proposés

À partir des textes du corpus, vous vous interrogerez sur la manière dont se
construit
la relation entre mémoire et histoire.

Rem. Pour les étapes 1 (phase préparatoire ou découverte du sujet) et 2 (les


phases de lecture) nous renvoyons au tome 1.

 Étape 3 : La rédaction
Comment utiliser ce corrigé ?
La correction proposée n’est évidemment pas la seule réponse possible pour ce
sujet. Au contraire il y a autant de possibilités que de sensibilités.
Nous vous conseillons donc de lire attentivement ce corrigé en mesurant ce qui
vous pose problème lorsque vous rédigez vous-même. Nous indiquons les titres
des parties (introduction, développement et conclusion), et entre [crochets] les
différentes étapes de ces trois parties. Il est entendu que ces éléments ne doivent
en aucun cas apparaitre sur votre copie.

Élaboration du plan
La formulation du sujet invite les candidats à cibler leur réflexion autour du lien
(ou non-lien) entre mémoire et histoire. Un plan thématique s’impose donc ici
selon les points de vue explicités dans les textes.
I- Mémoire et oubli (T1 + T2)
II- Mémoire et illusion (T4)
III- Mémoire vs Histoire (T3)

Proposition de rédaction

Introduction
[Phrase d’accroche] Mémoire et Histoire sont deux angles sous lesquels envisager
le passé, mais deux angles que tout semble opposer.
[Présentation des documents] Les documents proposés examinent la notion de
mémoire dans deux de ses révélations : l’oubli et l’illusion. Les deux premiers
textes examinent le lien entre mémoire et oubli. Ce lien est nécessaire puisque la
mémoire ne se révèle que par et dans son contraire : l’oubli. Patrick Modiano, dans
la conclusion de son discours de réception du Prix Nobel de Littérature en 2014,
paru dans le journal Le Monde du 7 décembre 2014, explicite cette fragmentation
mémorielle et le rôle de tisserand du romancier. En revanche dans l’extrait de
Voyage au bout de la nuit de Louis-Ferdinand Céline paru en 1932, le personnage
de Bardamu explique avec violence l’oubli généralisé qui condamnent les
individus. Mais la mémoire métamorphose parfois le passé, c’est ce qui est
transmis par le quatrième texte, le scénario du film Hiroshima mon amour, écrit par
Marguerite Duras en 1960 et paru chez Gallimard. Il appert de ces différents textes
que la mémoire est profondément individuelle, et c’est en cela qu’elle s’oppose à
l’Histoire, ainsi que le stipule Pierre Nora dans son article « Entre Mémoire et
Histoire. La problématique des lieux », paru dans la revue Les lieux de Mémoire,
en 1984.
[Annonce de la problématique et du plan] L’examen de chacun des extraits
permet de circonscrire la notion de mémoire et partant celle d’histoire : les deux
premières parties seront donc consacrées à l’examen de la Mémoire dans ses
particularités propres : l’oubli et l’illusion, la dernière à son lien avec l’Histoire.

Développement :
[Transition : I] Définir la Mémoire n’est pas chose aisée, aussi les auteurs
considérés rappellent son lien avec son antonyme : l’Oubli. P. Modiano part du lien
entre mémoire et oubli en disant que la mémoire, par essence individuelle, est
fragmentaire, sélective : « à cause de cette couche, de cette masse d’oubli qui
recouvre tout, on ne parvient à capter que des fragments du passé […]
insaisissables. » Pour contrer cette fragmentation, le romancier se fait tisserand :
« Mais c’est sans doute la vocation du romancier, devant cette grande page blanche
de l’oubli, de faire ressurgir quelques mots à moitié effacés ». Modiano infère,
grâce à la mention de l’année 1945 et à sa sensibilité aux choses mémorielles, que
la Mémoire est liée à l’affect. C’est également un des éléments présents dans le
scénario écrit par M. Duras : plus le passé est horrible, plus on l’oublie ou le
transforme. L’horreur ne reste pas.
C’est également ce qui est présent chez L.-F. Céline pour qui l’oubli condamne
chaque individu. C’est de cet argument dont se sert Bardamu pour justifier son
aversion pour la guerre. Effectivement, l’Histoire retiendra des mouvements, des
dates, mais pas le nom des « morts pour la patrie », par conséquent : « Il n’y a que
la vie qui compte. Dans dix mille ans d’ici […] dont elle fut illustrée. » Il
semblerait donc que chaque individu soit condamné au néant et n’apparaisse qu’en
filigrane des grandes hécatombes.
[Transition : II] Si la Mémoire est sélective, elle est également illusionniste. C’est
ce qui apparait chez M. Duras. En effet, le personnage « Elle » relate l’après
Hiroshima, situant son propos à deux jours de la Bombe. Elle explique un
« Hiroshima [couvert] de fleurs. » Cela est naturellement impossible, de fait deux
interprétations sont possibles et ouvertes par le texte :
1. les actualités, les témoignages, i.e. le vecteur d’informations de « Elle »
(« Des chiens ont été photographiés. Je les ai vus. J’ai vu les actualités. Je
les ai vues. ») transforment les images (du coup notre vision n’est plus
fiable) afin de les rendre ‘visibles’ ;
2. l’horreur et l’injustice d’Hiroshima sont trop grandes, trop inhumaines
pour pouvoir être conservées ou appréhendées par l’esprit humain, de fait
notre mémoire les transmue en image romantique (« Hiroshima se couvrit
de fleurs […] inconnue jusque-là chez les fleurs. »).
Dans les deux cas il s’agit d’illusion, volontaire en 1, inconsciente et protectrice en
2 (« J’ai vu la patience, l’innocence, la douceur […] se ferme. »).
[Transition : III] C’est à partir de ces deux spécificités de la Mémoire que l’on
comprend son lien avec l’Histoire, lien expliqué par P. Nora et que l’on peut
résumer par l’opposition entre l’individuel et l’universel. La Mémoire est
fragmentaire, individuelle et affective (« elle est par nature multiple et
démultipliée, collective, plurielle et individualisée »). C’est l’adjonction des
Mémoires individuelles qui construit des Mémoires collectives, et c’est à partir du
croisement des Mémoires collectives que nait l’Histoire : déconnectée de
l’expérience, donc universelle (« L’Histoire est dé-légitimation du passé vécu »).

Conclusion :
[Synthèse en réponse à la problématique] Le lien entre Mémoire et Histoire est
donc particulier en ce que sans Mémoire il n’y a d’Histoire possible, et sans
Histoire, il n’y aurait plus de Mémoires, celles-ci étant soumises à l’oubli ou à
l’illusion.

Rappels :
Au terme de la rédaction, conservez un peu de temps à la relecture pour corriger
l’orthographe et la langue de votre production et vérifier votre utilisation des
citations (voir la fiche idoine de l’ouvrage).
En ce qui concerne les noms des auteurs : la première fois que vous les citez
(dans l’introduction généralement), il convient de donner l’intégralité du prénom et
du nom du ou des auteurs de l’extrait, par la suite vous pouvez ne donner que la
première lettre du prénom (ex : P. Modiano), ou seulement le nom (ex. Modiano).

2. Deuxième partie : connaissance de la langue


1. Relevez, dans l’extrait suivant (texte 1), les différentes occurrences de « que
/ qu’» et distinguez-les selon leurs classes grammaticales.

« Il me semble, malheureusement, que la recherche du temps perdu ne


peut plus se faire avec la force et la franchise de Marcel Proust. La
société qu’il décrivait était encore stable, une société du XIXème
siècle. La mémoire de Proust fait ressurgir le passé dans ses moindres
détails, comme un tableau vivant. J’ai l’impression qu’aujourd’hui la
mémoire est beaucoup moins sûre d’elle-même et qu’elle doit lutter
sans cesse contre l’amnésie et contre l’oubli. À cause de cette couche,
de cette masse d’oubli qui recouvre tout, on ne parvient à capter que
des fragments du passé, des traces interrompues, des destinées
humaines fuyantes et presque insaisissables. »

Nous relevons trois types de mots « que » :


- Conjonction de subordination :
o (il me semble) que la recherche du temps perdu …Marcel Proust ;
o (j’ai l’impression) qu’aujourd’hui la mémoire est beaucoup moins
sûre d’elle-même et qu’elle doit lutter …l’oubli.

- Pronom relatif :
o (la société) qu’il décrivait était encore stable.

- Elément d’une négation restrictive :


o On ne parvient à capter que des fragments du passé.

2. Relevez les participes passés dans cet extrait du texte 4 et justifiez leur
accord.

« J’ai vu les actualités. Le deuxième jour, dit l’Histoire, je ne l’ai pas


inventé, dès le deuxième jour, des espèces animales précises ont
ressurgi des profondeurs de la terre et des cendres. Des chiens ont été
photographiés. Pour toujours. Je les ai vus. J’ai vu les actualités. Je les
ai vues. Du premier jour. Du deuxième jour. Du troisième jour. »

- (j’ai) vu (les actualités) : le pp vu reste invariable car il est conjugué avec


l’auxiliaire avoir et est suivi de son COD ;
- (je ne l’ai pas) inventé : le pp inventé s’accorde avec le pronom clitique
COD antéposé l’ (au masculin singulier qui renvoie au SN le deuxième
jour) ;
- (des espèces animales précises ont) ressurgi (des profondeurs…) : le pp
ressurgi reste invariable car il est conjugué avec l’auxiliaire avoir et n’a
pas de COD ;
- (des chiens ont) été photographiés : le pp et auxiliaire du passif été reste
invariable sous la forme du pp ; le pp photographiés s’accorde en genre et
en nombre avec le sujet (au masculin pluriel) ;
- (je les ai) vus : le pp vus s’accorde en genre et en nombre avec le pronom
clitique COD antéposé les (qui renvoie au SN des chiens) ;
- (j’ai) vu (les actualités) : le pp vu reste invariable car il est conjugué avec
l’auxiliaire avoir et est suivi de son COD ;
- (je les ai) vues : le pp vues s’accorde en genre et en nombre avec le
pronom clitique COD antéposé les (qui renvoie au SN les actualités).
3. À partir de l’analyse de ces deux prises de paroles, expliquez les effets
produits.

« LUI (il lui coupe la parole).


— Tu n’as rien vu. Rien. Chien amputé. Gens, enfants. Plaies. Enfants
brûlés hurlant.
ELLE
— ... du quinzième jour aussi. Hiroshima se recouvrit de fleurs. Ce
n’étaient partout que bleuets et glaïeuls, et volubilis et belles d’un jour
qui renaissaient des cendres avec une extraordinaire vigueur, inconnue
jusque-là chez les fleurs. »

Ces deux tours de paroles contrastent par la syntaxe employée d’une part et le
lexique d’autre part. En effet, le locuteur du premier tour de parole emploie des
phrases très courtes, parfois constituées d’un seul mot (« rien », « plaies ») et
d’autres phrases de style télégraphique, ne comportant que des mots lexicaux
(« chien amputé », « enfants brûlés hurlant ») ; de plus, le lexique employé relève
du champ lexical de la douleur : amputé, plaies, brûlés, hurlant.
Le locuteur du second tour de parole emploie au contraire des phrases plus longues
et entièrement construites. La plus longue des phrases comporte des coordinations
en « et », une subordination relative en (« qui ») et une apposition (« inconnue
jusque-là chez les fleurs »). De plus, le lexique employé relève à la fois du champ
lexical de la vie : se recouvrir de fleurs, belles d’un jour, renaître des cendres,
extraordinaire vigueur et plusieurs termes employés sont des hyponymes de
fleurs : bleuets, glaïeuls, volubilis, belles d’un jour.

4. Expliquez dans le texte 3 le sens du mot « dé-légitimation ». Faites l’analyse


morphologique de ce terme.

Le mot « dé-légitimation » signifie que l’histoire contredit la mémoire liée au vécu


de l’individu, car l’histoire tend à objectiver les faits tandis que la mémoire tend à
les travestir dans la mesure où elle est influencée par l’affect de l’individu.
Ce mot est formé sur la base du verbe « légitimer » par suffixation nominale en -
(a)tion qui indique l’action ou le résultat de l’action de légitimer, puis par
préfixation en dé- qui indique le contraire de la base nominale à laquelle il
s’attache.

3. Troisième partie : analyse de supports d’enseignement


1. Comment analysez-vous les rubriques « Objectifs » et « Compétences »
présentes dans la fiche de préparation au regard des nouveaux programmes ?
En exergue du domaine « Français », le BO stipule pour le cycle 2 : « Pour l'étude
de la langue, une approche progressive fondée sur l'observation et la manipulation
des énoncés et des formes, leur classement et leur transformation, conduit à une
première structuration de connaissances qui seront consolidées au cycle suivant ;
mises en œuvre dans des exercices nombreux, ces connaissances sont également
exploitées - vérifiées et consolidées - en situation d'expression orale ou écrite et de
lecture. »
Il semble donc que cette séance s’inscrive dans l’esprit des textes officiels, dans la
mesure où l’identification des phrases affirmatives et négatives doit se faire lors du
cycle 2, et en lien avec la cohérence sémantique, i.e. la valeur sémantique de la
transformation. Toutefois on pourrait émettre une réserve dans la mesure où les
transformations de polarité ne sont pas ici utilisées pour déterminer la présence du
prédicat verbal. (« Phrases affirmatives et négatives (notamment, transformations
liées à l'identification du verbe »). Du coup cette séance en étude de la langue
(d’ailleurs titrée grammaire) parait un peu décontextualisée.

2. Analysez le travail proposé sur la fiche de préparation.


La fiche de préparation de la séance propose trois phases :
1. une phase de mise en situation qui consiste en des manipulations orales
d’énoncés positifs à transformer en énoncé négatifs et inversement. Cette
phase est collective et conduit à l’élaboration orale d’une synthèse, dont il
est précisé qu’il s’agit d’un rappel. Il aurait donc été bienvenu d’indiquer
les prérequis, et quelques pistes de différenciation car cette phase de mise
en situation s’appuie sur des connaissances antérieures qui, si elles ne sont
pas suffisamment acquises, peuvent bloquer certains élèves. D’autant plus
que cette phase est un oral collectif, donc les élèves les plus en difficultés
risquent de se taire.
2. une phase de recherche conduite dans un jeu. Il s’agit de permettre aux
élèves de répondre à son voisin par l’affirmative ou la négative à des
questions à partir d’un modèle langagier : oui, je ou non, je ne V pas/plus.
L’idée est de faire émerger la régularité du système et la valeur sémantique
de l’affirmation vs. négation. Toutefois, il semble que ce jeu ne permette
pas, notamment en regard du carcan langagier imposé, aux élèves de faire
émerger la notion de négation. Ainsi formulé, le jeu se présente plutôt
comme un test syntaxique d’identification du verbe par encadrement,
objectif qui n’est pas ici présenté ou visé. Cette phase de recherche
mélangerait donc deux niveaux : la segmentation syntaxique et la
sémantique, mélange toujours dangereux et peu opératoire lorsqu’il s’agit
de permettre à des élèves d’acquérir des connaissances.
3. une phase d’institutionnalisation qui repose sur l’élaboration d’une trace
écrite synthétique qui est équivalente à la synthèse orale de rappel
proposée en phase de mise en situation. De fait, on peut se demander ce
que les recherches ont vraiment apporté à la leçon donnée initialement.
3. À quelles conditions les élèves pourront-ils être actifs lors de la phase
d’institutionnalisation ?
Les élèves peuvent être actifs lors de la phase d’institutionnalisation si la phase de
recherche leur a permis de faire émerger des éléments nouveaux par rapport à leurs
connaissances antérieures, puisqu’il s’agira alors de modifier des hypothèses de
départ.
Mais ce travail des élèves ne pourra être élaboré que si, au cours de la phase de
recherche, l’enseignant a inscrit au tableau les hypothèses ou mots clés trouvés par
les élèves, questions posées, etc. c’est-à-dire que le tableau doit représenter
l’ensemble du travail qu’il reste à organiser en trace écrite synthétique.

4. Proposez une activité de départ qui soit en cohérence avec l’objectif visé
pour cette séance.
L’activité de départ pourrait être de trier dans un tableau les phrases affirmatives
(qui disent « oui ») et celles négatives (qui disent « non »). Cette activité pourrait
se faire en petits groupes de 4 élèves, avec des textes différents pour chaque groupe
et comprenant 3 ou 4 phrases, ainsi cela pourrait permettre de faire émerger les
différences entre négation totale et partielle, et la variation lexicale qui touche la
position postverbale. La différenciation pourrait porter sur le nombre de phrases
par texte ou par la copie ou le collage des phrases dans le tableau.
Il conviendrait également d’intégrer des phrases dans lesquelles le mot ne est
absent car les élèves ne l’emploient que rarement – ainsi que les adultes en
situation d’oral spontané.
La mise en commun des résultats pourrait se faire au tableau et pourrait donner lieu
à une discussion portant sur la segmentation (ce qui est écrit) et le sens (ce que ça
dit).
Cela préparerait les élèves aux manipulations nécessaires de ne…pas pour
l’identification du verbe.

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