Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
de paix, puis
tu t’ éveilleras
hervé rené martin
ISBN : 979-10-95292-03-6
Deuxième édition, 2020
Mise en page : Double You
www.double-you-design.fr
TABLE DES ILLUSTRATIONS
TU RÊVERAS DE PAIX,
PUIS TU T’ ÉVEILLERAS
2015 – 2020
des attentats au coronavirus
1
Pour Aurélien et Virgil, qui m’ ont posé la question
à laquelle je tente de répondre dans ce petit livre.
2
Tu rêveras de paix, puis tu t’éveilleras
PREMIÈRE PARTIE
UN CHEMIN DE CONNAISSANCE
« Le fait est que ce sont des imbéciles heureux les gens qui pensent qu’ une
goutte d’ eau est simple ou qu’ un rocher est fixe et inerte. Quant aux
savants qui savent que la goutte d’ eau est un univers immense et que le
rocher est un monde actif de particules élémentaires jaillissant comme
des fusées, ce sont des imbéciles savants. »
Masanobu Fukuoka
4
Tu rêveras de paix, puis tu t’éveilleras
1
SORTIR DE LA CAVERNE
5
2015 - 2020 : des attentats au coronavirus
6
Tu rêveras de paix, puis tu t’éveilleras
2
LE VRAI ET LE FAUX
Celui qui tient le vrai et le faux pour égal glissera tout naturellement sur
la pente de la facilité vers le faux. S’ engager sur un chemin de conscience
implique dès lors de se doter d’ une intention clairement affirmée. Je
l’ exprime pour ma part en ces termes : même si j’ ignore pour l’ heure
encore ce qu’ est la vérité, elle est mon unique objectif.
N’ étant ni un spécialiste des conflits internationaux, ni un politique
en charge des affaires de la nation, et encore moins un spécialiste des
pandémies, je m’immisce ici dans un débat auquel personne ne m’a invité.
Un spécialiste est quelqu’ un qui pose un regard particulier sur une
problématique donnée, ignorant le tout dont elle est une partie. La
spécialisation grossit le détail jusqu’ à masquer l’ ensemble. Ainsi, en
médecine occidentale, un spécialiste de telle ou telle partie du corps,
s’ abstrait volontairement de l’ individu pris dans sa globalité afin de se
concentrer sur le détail. Le résultat est que lorsque le détail (le symptôme)
disparaît, un autre apparaît ailleurs.
Un politique, quant à lui, défend des intérêts particuliers contre d’ autres
intérêts particuliers, générant ainsi une opposition qui exacerbe d’ autant
les tensions. L’ effet produit est la métastase des conflits, lesquels ne
peuvent être apaisés qu’ au moyen d’ une vision globale et d’ une approche
totalement désintéressée.
Ce que nous avons à comprendre ici n’ est donc affaire ni de spécialistes
ni de politiques.
Notre incapacité actuelle à dépasser un tel état de conflit vient de ce
que nous faisons primer la fonction sur l’ être. Ce n’ est pas en tant que
« politique » que je dois apprécier les questions qui relèvent de ma
fonction mais en tant qu’ « humain », en mon âme et conscience. Dans
cette dimension de mon être, je sais que classifier les guerres en « justes »
et « injustes » (fussent-elles celles que nous déclarons aux virus) est au
mieux une ineptie, au pire un mensonge au service d’ inavouables fins.
Ce que je vois s’ éclairer à la lumière des attentats, puis aujourd’ hui du
7
Tu rêveras de paix, puis tu t’éveilleras
confinement, est une dictature mondialisée qui resserre ses filets autour
des populations de la planète afin de les contraindre à se couler dans le
moule de l’ organisation marchande du monde.
Le sentiment d’ insécurité, généré par l’ appel constant à la guerre, est
un leurre qui nous empêche de voir la réalité du désastre en cours.
Ici l’ arbre de la barbarie – ainsi nommé par le microcosme politico-
médiatique – cache la forêt de la terreur : combien d’ emprisonnements,
de dénis de la démocratie, de tortures, d’ assassinats… au Moyen-Orient
avant l’ éclosion de l’ État islamique ? Là, la chasse à un virus – qui tue
largement moins de monde que la pollution – légitime la mise en place
d’ un « état d’ urgence », au nom duquel les « gouvernements de l’ ombre »
testent un appareil de répression qui était jusqu’ à jour inédit dans les
démocraties : interdiction aux médecins de prescrire tel médicament,
infantilisation des populations, préparation de campagnes vaccinales
forcées, serrage de la vis du pressoir économique...
Une bonne nouvelle pourtant ! Toute médaille ayant par chance son
revers, je postule que par l’ irruption soudaine de cette violence dans nos
vies, il nous est offert la possibilité d’ ouvrir les yeux sur le monde dans
lequel nous vivons pour de vrai : un monde que nous créons de toutes
pièces – chacun de nous séparément et tous ensemble.
Pour être à même de changer nos conditions d’ existence, nous devons
retourner notre système de pensée. Le mettre sens dessus dessous, en
passant de la pensée égotique de la séparation – au prisme de laquelle
nous nous percevons au mieux comme concurrents, au pire comme
ennemis mortels – à celle de l’ unification, où nous nous reconnaissons
semblables, animés chacun d’ une commune aspiration à vivre en paix.
Répondre à une attaque par l’ attaque augmente d’ autant l’ intensité
du conflit. Mettre de la compréhension dans le chaos qui nous agite,
aussi bien collectivement qu’ individuellement, est le chemin de paix sur
lequel s’ engage aujourd’ hui l’ humanité.
Cela s’ appelle un saut de conscience, ou un changement de paradigme.
Nous incarnons l’ énergie de la vie. Du mieux que nous pouvons. Tous
8
2015 - 2020 : des attentats au coronavirus
9
Tu rêveras de paix, puis tu t’éveilleras
3
CE QUE RÉVÈLENT LES ATTENTATS
10
Tu rêveras de paix, puis tu t’éveilleras
« Pour atteindre la vérité dans la vie, nous devons rejeter toutes les idées
apprises et reconstruire l’ ensemble de notre système de connaissance »
(Descartes).
Après avoir passé plusieurs décennies à me défaire de mes croyances,
il me reste peu ou prou une seule conviction : JE CRÉE LE MONDE À
MON IMAGE.
Je le crée par mes pensées, mes paroles et mes actions.
Que puis-je faire dès lors par mes actions pour que cessent les attentats ?
Première option. Pousser l’ oppression jusqu’ à l’ anéantissement de celui
que je désigne comme mon ennemi. Passer d’ une oppression si peu
que ce soit réglementée et encadrée à un écrasement total. Il ne faut pas
seulement anéantir les combattants mais également leurs enfants, qui
n’ auront sinon de cesse, leur vie durant, de venger leurs parents. Cela se
pratiquait en des temps pas si éloignés où l’ on ne prenait pas la peine de
légitimer les actes de barbarie, la loi communément admise étant celle
du plus fort. Les hommes étaient réduits en esclavage, les femmes et les
filles faisaient partie du butin de guerre au même titre que l’ argenterie,
et les garçons passés au fil de l’ épée afin de se prémunir de leurs futurs
désirs de vengeance.
Sommes-nous prêts à aller jusque là ? Un chef de guerre, un homme
politique, un stratège, un intellectuel est-il prêt à poser en ces termes le
problème sur la table ?
Et si c’ était le cas, serions-nous disposés à entériner un tel choix ?
Deuxième option. Arrêter la surenchère des coups donnés-reçus.
Dire : OK, nous avons compris que poursuivre dans cette voie nous
conduit à la catastrophe. Pouvons-nous dès lors essayer d’ imaginer un
nouveau mode de vivre ensemble satisfaisant pour tous et toutes ?
12
Tu rêveras de paix, puis tu t’éveilleras
Ce ne sont certes pas les humains de bonne volonté qui manquent pour
un tel projet.
Bien évidemment, ce ne peuvent être les marchands d’ armes qui
s’ expriment ainsi. À moins, pourquoi pas, qu’ ayant compris que le
vent était en train de tourner, ils décident de mettre leur technologie,
leur savoir-faire entrepreneurial, leur capital, leur logistique au service
d’ autre chose justement que la fabrication et la vente d’ armes. Au service,
par exemple, du bien-être des populations du globe, de l’ écologie, de la
santé, d’ une nourriture saine, etc., etc.
En attendant, nous le pouvons, nous les citoyens des pays vendeurs
d’ armes qui réprouvons leur usage. Et puisqu’ on raconte à l’ école à
nos enfants la jolie histoire de la démocratie, nous pourrions jouer à
la prendre au mot et voir si nous sommes une majorité, dans un pays
comme la France par exemple, à désirer réellement en finir avec l’ état de
guerre (larvé ou actif) dans lequel se trouve le monde depuis le début de
l’ Histoire. Ce serait le premier référendum où l’ on demanderait à une
population de se prononcer sur la poursuite de la guerre ou l’ avènement
de la paix. Quelqu’ un se sent-il de lancer une pétition sur le sujet ?
Il est bien entendu que nous devons prendre conscience au préalable de
ce à quoi une telle démarche nous engage. Sachant que notre économie
est adossée conjointement à la fabrication et l’ usage d’ armes (que nous
employons aussi bien contre les humains que contre la nature), une telle
décision entraînera de facto une refonte de notre économie, et donc de
nos modes de vie.
Je ne parle pas ici d’ un simple réaménagement du système politico-
économique actuellement à l’ œuvre sur la planète, mais de l’ émergence
de nouvelles manières d’ « être au monde » et de « vivre ensemble »,
générant à terme le renouvellement complet d’ un système de
gouvernance désormais obsolète.
Comme le montrent les films « Demain », « En quête de sens », ou
encore « Human », les initiatives allant dans le sens d’ un changement de
comportement ne cessent de se multiplier, n’ étant limitées pour l’ heure
que par la puissance d’ inertie du vieux système – laquelle a forcément
une limite. La loi de conservation de l’ énergie établit que celle-ci étant
13
Tu rêveras de paix, puis tu t’éveilleras
Par ma parole.
Comment puis-je contribuer par ma parole au changement que je désire
voir dans le monde ? Je m’ en tiendrai ici au premier accord Toltèque2 :
« Que ta parole soit impeccable ».
« Votre parole, écrit l’ auteur, peut créer les rêves les plus beaux ou tout
détruire autour de vous ». Or, aujourd’ hui, la parole publique, telle qu’ elle
s’ impose dans le champ politico-médiatique, est peccable, c’est-à-dire :
« fautive, erronée, mensongère ». Quand un politicien, s’ exprimant dans
les médias, vous dit que contrairement à ses opposants il n’ utilise pas,
lui, la langue de bois, vous pouvez être assuré qu’ il ment. « Enlevez la
négation », disait Freud. Je n’ ai jamais entendu Gandhi, Socrate, Nelson
Mandela ou Martin Luther King – pour ne citer que ceux-là – utiliser
une telle expression. Quand vous dites ce que vous pensez, en votre âme
et conscience, être la vérité, vous ne perdez pas de temps en précautions
oratoires. Vous allez droit au but. Et si les membres de l’ appareil d’ État
avaient une parole impeccable, ils n’ auraient aucun besoin de classer des
documents « secret défense », consacrant ainsi une partie de nos impôts
aux fins même de nous en interdire l’accès. Un ami journaliste m’a
raconté que lors de la première conférence de presse de Barack Obama
après son accession à la Maison-Blanche, il lui avait été demandé s’ il allait
ouvrir une commission d’ enquête sur les attentats du 11 septembre 2001.
« Obligez-moi », a répondu celui-ci.
Est-ce à dire que le président du pays le plus puissant du monde ne peut
pas se permettre de prendre l’ initiative d’ une véritable enquête sur une
14
2015 - 2020 : des attentats au coronavirus
15
Tu rêveras de paix, puis tu t’éveilleras
16
Tu rêveras de paix, puis tu t’éveilleras
Nous sommes ainsi, chacun de nous, formés par une pensée collective
que nous contribuons à former en retour. Comme nous évoluons sur le
plan physique, ayant traversé les règnes minéral, végétal et animal3 pour
parvenir à notre condition humaine, nous évoluons aussi sur le plan de
l’ esprit. C’ est une évolution que nous accomplissons individuellement,
laquelle produit ses effets sur le collectif que nous formons tous ensemble.
De même que sur le plan physique, une telle évolution se produit de
façon linéaire et graduelle en période stable, et sous forme de sauts
évolutifs en période instable. Le philosophe allemand Karl Jaspers
inventa le terme de « moment axial » pour décrire la mutation que
connut l’ humanité au Ve siècle avant Jésus-Christ. À une époque où
les humains, disséminés à la surface de la planète, n’ étaient certes pas
interconnectés au moyen de la technologie comme nous le sommes
aujourd’ hui, un foisonnement soudain de nouveaux modes de pensées
s’ étendit à travers l’ Eurasie : le bouddhisme, l’ hindouisme, les grands
prophètes juifs, Lao-Tseu en Chine, Zoroastre en Iran, Platon, Aristote,
Socrate, Pythagore, Archimède… en Grèce ; laquelle initia de nouveaux
modèles sociétaux qui allaient profondément marquer les siècles à venir :
séparation du politique et du religieux, invention de la démocratie,
développement de l’ usage de la monnaie dans les cités, émergence des
notions d’ individu, de liberté, de rationalité et de science. Dans le même
temps, les cultes à mystères, porteurs de valeurs universelles (morale, charité,
immortalité de l’ âme…), se répandirent dans le monde gréco-romain.
Un certain nombre d’ auteurs s’ accordent aujourd’ hui pour dire
que le monde a connu depuis deux autres périodes axiales. La fin
de l’ Empire romain, qui favorisa la montée en puissance de l’ Église
adossée au monarchisme : le religieux envahit dès lors tout l’ espace
politique et social, et les pouvoirs temporel et spirituel furent à nouveau
confondus. Puis la Renaissance, berceau de la modernité, qui signa la
fin de la puissance divine, privilégiant l’ expérimentation, la méthode,
la rationalité, la recherche scientifique et l’ individualisme, lesquels
allaient évoluer tout naturellement, au fil des siècles, vers la révolution
industrielle et le libéralisme économique.
3 Règnes dont nous ne sommes pas « séparés », contrairement à ce que nous avons un peu
trop tendance à croire pour notre plus grand malheur, mais dont nous sommes l’élaboration.
17
2015 - 2020 : des attentats au coronavirus
18
Tu rêveras de paix, puis tu t’éveilleras
« L’ hiver »
19
Tu rêveras de paix, puis tu t’éveilleras
DEUXIÈME PARTIE
LE DEHORS
20
2015 - 2020 : des attentats au coronavirus
4
POURQUOI JE NE SUIS PAS CHARLIE
21
Tu rêveras de paix, puis tu t’éveilleras
23
2015 - 2020 : des attentats au coronavirus
« (...) Et toc !
- Et tic et tac
- Tacatacatacatacatacatacata.... »
Il peut parfois suffire d’ un simple petit « et toc ! » pour que s’ impose
en deux temps trois mouvements le staccato d’ une mitraillette. Nul ne
se souvient alors de la phrase qui précéda l’ interjection. Seul compte
désormais sa conclusion : « Et toc ! » Nous l’ avons tous dit un jour ;
enfant c’ était un jeu. Ma petite fille me le lance parfois – le pouce pressé
sous le menton – quand elle gagne une partie serrée de quelque jeu.
C’ est une façon de manifester son plaisir d’ avoir gagné. On ne risque
rien à dire « et toc » quand on s’ aime. Quand Manon me le lance, j’ ai
envie de l’ embrasser tellement je suis heureux de cette complicité entre
nous. « Et toc Papé ! »
Quand on s’ aime, on ne risque rien. C’ est dans l’ absence d’ amour que
survient le danger – parce que « Et toc ! » veut dire alors : Prends-toi ça
dans les dents !
« Prends-toi ça dans les dents !
- Va te faire mettre.
- Paf ! (le bruit de la baffe)
- Tacatacatacatacatacatacata.... »
24
Tu rêveras de paix, puis tu t’éveilleras
25
Tu rêveras de paix, puis tu t’éveilleras
me serais pas rendu compte que j’ en avais. À croire que si elles n’ avaient
existé, il m’ aurait fallu les inventer, au risque sinon de continuer à me
gratter la tête sans savoir ce qui me démangeait.
Je vais le dire bien que cela soit particulièrement difficile à entendre :
je pense que dans une dimension de nous-mêmes qui échappe à notre
conscience, nous créons les conditions objectives de notre évolution
– c’ est-à-dire de l’ expansion de notre conscience. Et je ne vois rien
d’ étonnant à ce que celles-ci nous obligent à sortir bien malgré nous de
notre zone de confort. Étant par nature un paresseux actif, je ne me fais
certes pas l’ apôtre de l’ effort pour l’ effort, mais ayant toujours eu le goût de
la dépense physique, je peux en mesurer les effets sur ma santé. Et ce qui
vaut pour le corps vaut tout autant pour l’ esprit – l’ un et l’ autre n’ étant
pas des entités distinctes mais deux dimensions de mon être vibrant
sur des fréquences différences. Les bouddhistes l’ expriment au moyen
d’ une très jolie formule : « le corps est le barattage du lait de l’ esprit. »
26
2015 - 2020 : des attentats au coronavirus
5
LA TERRE PROMISE
22 février 2015. Suite aux tensions actuelles sur le sol français entre
juifs et musulmans, la question est publiquement posée de l’ appel aux
violences racistes sur Internet.
Ce qui se passe aujourd’ hui en France entre juifs et musulmans s’ origine
en Palestine où deux peuples frères se font la guerre pour l’ appropriation
d’ un territoire. Les guerres fraternelles sont les plus haineuses qui soient.
Quand les juifs retournèrent en Palestine après l’ holocauste, ils s’ y
revendiquèrent propriétaires historiques des lieux pour les avoir habités
deux mille ans plus tôt avant d’ en être chassés par le colonisateur romain.
Symboliquement, ils le firent parce qu’ ils n’ avaient d’ autre choix, après
la Shoah, que celui de retourner sur la terre promise de l’ enfance de
leur peuple afin d’ y recouvrer l’ estime d’ eux-mêmes. Sauf que cette
terre était occupée par leurs frères immémoriaux. C’ est l’ histoire du
fils prodigue que le père accueille en le fêtant, au grand dam du frère qui
a tenu la maison en son absence.
Alors nous, les Grandes puissances, qui avons décimé les premiers
et colonisé les seconds, ne pourrions-nous, plutôt que d’ attiser pour
des raisons stratégiques les tensions au Moyen-Orient, aider les frères
ennemis à faire la paix ?
Nous le pourrions puisque nous sommes de grandes puissances.
Et c’ est puisque nous sommes de grandes puissances que nous ne le
faisons pas.
C’ est même pour cela que nous avons, au même titre que les nazis, favorisé
le mouvement sioniste. Déjà, au 19e siècle, la France et l’ Angleterre
cherchaient à refouler leurs ressortissants juifs vers la Palestine pour en
faire des agents de l’ impérialisme européen dans la région.
S’ agissant donc des troubles que cela nous cause – pour ceux d’ entre
nous qui ne sont ni juifs ni musulmans – nous pouvons dire que nous
avons collectivement ce que nous méritons.
27
Tu rêveras de paix, puis tu t’éveilleras
Et ce n’ est pas cher payé au regard de ce que cela nous rapporte en armes
vendues et en énergies fossiles acquises à bon compte.
Avec les gains que leur rapporte la vente du pétrole, les gouvernements
arabes achètent les armes dont ils ont besoin pour s’ approprier les sites
d’ exploitation, le plus souvent au détriment de leurs propres peuples.
C’ est tout bénéfice pour nous. Finalement le pétrole ne nous coûte pas
grand-chose.
Et c’ est heureux, parce que sinon nous n’ aurions pas les moyens de nous
le payer. Ou c’ est bien malheureux, si l’ on pense à toutes les économies
d’ énergie que nous pourrions faire si le pétrole était trop cher pour nous.
Plutôt que de gaspiller l’ énergie à tout vent, nous l’ économiserions
aux ailes des moulins à vent, tendant des filets dans les déserts pour y
recueillir l’ humidité de la nuit en eau des fontaines, traversant du pas
lent de nos montures des paysages qui nous réjouissent l’ âme, essaimés
de champs, de pâturages, de vergers… propices tout autant à nous
alimenter le corps qu’ à nous bercer les yeux.
Ceci n’ est pas un passé englouti dans nos mémoires ancestrales. Cela
n’ a jamais existé : avant le pétrole, il y avait le fouet pour puiser l’ énergie
des esclaves.
Cela éclot à ma conscience comme un futur possible à vivre. Le seul futur
possible – autre que l’ enfer – à vivre pour nous désormais sur cette terre.
28
Tu rêveras de paix, puis tu t’éveilleras
Étrange histoire que celle de la Palestine, qui est à la fois la terre promise
des juifs, la terre sainte des chrétiens et le futur État arabe. Sur ce
minuscule territoire en forme d’ appendice, les trois grandes religions
monothéistes embrasent leurs haines divines en un foyer fortement
infectieux. À croire qu’ en avalant le dieu unique, l’ humanité a oublié de
recracher le noyau.
Si la Palestine est aujourd’ hui le lieu symbolique de la guerre que se
fait l’ humanité à elle-même, il est celui où la paix, si nous parvenons à
l’ établir, aura le plus de retentissement dans le monde. Je fais le pari qu’ à
partir de ce premier exemple, la paix s’ étendra par capillarité sur toute
la surface du globe. Sommes-nous prêts – nous les humains – à y mettre
les moyens nécessaires ? Il existe déjà des échanges visant à la paix entre
Palestiniens et Israéliens de bonne volonté. Plutôt que de nous en tenir
à déplorer la guerre, nous pouvons encourager de telles tentatives de
fraternisation, les aider à se développer, les montrer en exemple. Nous
pouvons en faire une cause mondiale ; une expérimentation grandeur
29
2015 - 2020 : des attentats au coronavirus
4 Leader de la liste arabe unie, troisième force politique d’Israël avec 13 sièges obtenus à
la Knesset lors des dernières élections.
30
Tu rêveras de paix, puis tu t’éveilleras
31
Tu rêveras de paix, puis tu t’éveilleras
32
2015 - 2020 : des attentats au coronavirus
33
Tu rêveras de paix, puis tu t’éveilleras
6
LA DÉMOCRATIE DE LA CANNE BLANCHE
La mondialisation est le plus grand empire ayant jamais existé sur terre.
Ses centres de commandement sont les places boursières du monde. Ses
sujets sont tous les humains. Elle s’ étend sur toute la surface du globe : il
ne lui reste plus un seul barbare susceptible de la menacer de l’ extérieur,
les ayant tous aspirés dans son champ d’ influence.
La mondialisation est un empire de barbares civilisés qui broie d’ une
main d’ acier tout ce qui vit sur la terre, depuis ses entrailles jusqu’ au
sommet de ses plus hautes montagnes. Entre ses doigts de fer gicle un
jus riche en oligo-éléments dont se repaissent les nantis. Sous la table du
saccage s’ étagent des monceaux de déchets dont se nourrissent à leur
tour les servants de l’ empire. Quand tout le monde s’ est servi, la grande
cohorte des intouchables, chargée d’ évacuer les restes avariés, mange ce
dont personne n’ a voulu.
La mondialisation n’ a d’ autre horizon que son propre imaginaire et
pour seule limite ce qui ne lui sert à rien et qu’ elle laisse de côté. Ce
manque d’ imagination lui est son talon d’ Achille. Et ce côté d’ elle dont
elle ne sait que faire est ce qui la perdra.
Ceux qui, dans l’ empire mondialisé, ne servent à rien, comme ceux qui
refusent de le servir, et encore ceux qui refusent de se servir aux rebuts
des agapes, préférant s’ en tenir à cultiver leurs propres jardins, déposent
des morceaux de silence sur l’ impérial vacarme. Chaque morceau
de silence éteint aussi doucement que sûrement un morceau égal
de vacarme.
Chaque fois qu’ un morceau de silence est posé sur un morceau équivalent
de bruit, il l’ éteint à jamais. Le bruit ne renaît jamais du silence.
Chaque fois que nous choisissons le silence plutôt que le bruit ; chaque
fois que nous nous accordons à nous-mêmes une plage de silence, nous
déposons une goutte d’ eau sur l’ incendie.
C’ est l’ histoire du colibri que raconte Pierre Rabhi.
34
Tu rêveras de paix, puis tu t’éveilleras
35
2015 - 2020 : des attentats au coronavirus
36
Tu rêveras de paix, puis tu t’éveilleras
37
Tu rêveras de paix, puis tu t’éveilleras
7
ET DIEU DANS TOUT ÇA ?
6 Il portait alors le nom de Yahvé Sabaoth, généralement traduit par « des armées ».
Voir Nous réconcilier avec la terre, de H.R. Martin et C. Cavazza, chap « De la déesse
mère à Dieu le père » (entretien avec E. Grieder).
38
2015 - 2020 : des attentats au coronavirus
39
Tu rêveras de paix, puis tu t’éveilleras
40
Tu rêveras de paix, puis tu t’éveilleras
Aujourd’ hui, nous restons dans la guerre parce que nous sommes encore
indifférenciés, soumis 24 heures sur 24 à des appareils de mesures qui
n’ ont de cesse de nous dénaturer afin de nous transformer en objets
comptables, variables d’ ajustement, sujets d’ enquêtes… Or, même si
cela est difficile à entendre, il est de notre responsabilité d’ accepter cet
état de servitude volontaire ou de décider d’ en sortir.
Il ne s’ agit pas de nous révolter contre l’ ordre établi. L’ histoire est jonchée
de révoltes qui, une fois le bain de sang épongé, accouchent d’ un nouvel
ordre remis entre les mains d’ une nouvelle élite et s’ imposant à une
masse indifférenciée.
Il s’ agit de sortir, une fois pour toutes, du placenta originel où nous
vivons les uns sur les autres sans aucun pouvoir de choix sur rien. Et pour
cela, prendre la mesure de notre unicité, donc, de notre responsabilité.
Moi, vous, chaque feuille d’ arbre, chaque instant présent… est unique
dans l’ univers. C’ est ce que nous apprenons dans la douleur au cours de
l’ évolution de la conscience. Chaque brin du réel est unique. Dieu n’ existe
pas. En tout cas aucun de ceux que nous avons nommés, représentés
et devant lesquels nous nous mettons à genoux. Ce ne sont là que des
idoles, des fantasmagories de notre esprit que nous inventons pour nous
protéger de nous-mêmes. Par peur de notre unicité. Du vertige de notre
unicité. Parce que lorsque nous en sommes là, nous percevons que nous
sommes maîtres de notre destin et que ne nous arrive que ce que nous
créons nous-mêmes. Alors, quand nous inventons le malheur, personne
d’ autre ne peut en endosser la responsabilité. Il ne s’ agit pas de renier
Dieu (ce qui est la meilleure façon de continuer à le faire exister), mais
de réintégrer en nous les fonctions que nous lui avons attribuées.
Les dieux pluriels étaient les divinités de la nature : le souffle de la forêt,
l’esprit des eaux, celui des morts, du volcan, du soleil… C’était une façon
pour nous de dialoguer avec la nature avant que nous la mettions en pièces
détachées pour voir ce qu’elle a dans le ventre. Le dieu unique, lui, est une
société d’assurance dont la couverture s’étend sur tout ce qui vit sous les
cieux. « Protégez-nous, donnez-nous notre pain quotidien, pardonnez-
nous, délivrez-nous du mal, ne nous laissez pas succomber à la tentation... »
Plus nous désirons de garanties, plus le montant de la prime est élevé.
41
2015 - 2020 : des attentats au coronavirus
est enseigné dans les églises, les temples, les mosquées et consigné dans
des textes sacrés tant de fois traduits, interprétés, commentés que nous
avons fini par en perdre le sens.
Je ne postule pas que nous nous sommes créés nous-mêmes – ce qui
ressort à mes yeux d’ une impossibilité ontologique8. J’ avance qu’ à partir
de l’ intuition profonde que nous sommes tous issus d’ une source en
effet unique, et de notre incapacité pour l’ heure encore à surmonter le
vertige qu’ une telle intuition génère en nous, nous avons créé de toutes
pièces des dieux égotiques. C’ est-à-dire des idoles à notre image. Ou
plutôt à l’ image que nous avons de nous-mêmes, laquelle n’ a aucune
réalité, étant une simple illusion que nous intercalons entre nous et cette
réalité qui nous fait tellement peur.
On notera au passage, s’ agissant de nommer la source de toute vie, que
là où un théologien utilise le vocable Dieu, un physicien quantique parle
lui du vide.8
Nommer un même phénomène de noms différents fut longtemps
considéré par les religieux comme un sacrilège, envoyant les hérétiques
aux bûchers, et par les rationalistes comme des errements valant
relégation au ban de la communauté scientifique. Tout le monde cherche
la vérité unique valant pour tous et, croyant l’ avoir trouvée, entend
l’ imposer aux autres.
Et si nous considérions plutôt cette pluralité de points de vue comme
une richesse ? Il n’ y a pas UNE façon de nommer le mystère de notre
création. Il y en a soit aucune, soit autant que d’ êtres de conscience
qui peuplent l’ univers. Penser qu’ il n’ y en a qu’ une, et donc que c’ est
forcément la mienne qui est la bonne, est le terreau même de la guerre.
Ta vision m’ enrichit. Puisse la mienne t’ enrichir de même.
8 Un vide dont nous savons désormais qu’il est considérablement plus plein que ce que
nous appelons le plein. Il y a plus d’énergie dans un cm³ de vide que dans toute la matière
contenue dans l’univers.
43
Tu rêveras de paix, puis tu t’éveilleras
8
LANCER LA MODE DE LA PAIX
9 Machines à sous.
44
2015 - 2020 : des attentats au coronavirus
*
Aujourd’ hui, on parle à la radio de la Françafrique, cette vieille rengaine
post-coloniale.
Mais qu’ est-ce que la Françafrique au juste ?
Ce sont des rois nègres que nous adoubons, puis que nous flagornons
pour qu’ ils nous laissent piller les richesses de leurs pays et nous achètent
des armes en prime pour maintenir leurs peuples sous la tyrannie.
C’ est tout bénéfice pour nous. Ainsi nous pouvons nous emparer de
leurs matières premières à bas prix, leur revendant en échange de la
haute technologie hors de prix. Peu d’ hôpitaux (rarement adaptés aux
besoins lorsque c’ est le cas) et beaucoup d’ avions de chasse.
Quand il leur vient un opposant, nous l’ achetons, ou l’ assassinons s’ il
refuse d’ être corrompu.
C’ est aussi simple que cela : nous sommes chez nous en Françafrique,
jusqu’ à ce qu’ une puissance plus grande que nous, plus agressive, ou la
révolte des peuples nous en chasse.
45
Tu rêveras de paix, puis tu t’éveilleras
*
Nous cherchons à écraser ceux qui nous résistent pour des raisons soi-
disant de pétrole. (Je parle ici des raisons non avouées, lesquelles se
cachent derrière la grande farce de la lutte contre un terrorisme que
nous avons créé de toutes pièces.) Mais à quoi nous sert in fine le pétrole
si ce n’ est à écraser le monde jusqu’ à nous écraser nous-mêmes ?
Alors cessons de nous mentir, le terrorisme n’ est pas la cause de nos
agissements mais sa conséquence. Le pétrole n’ est pas l’ enjeu de nos
guerres mais le moyen de les faire. Que reste-t-il dès lors, une fois révélée
l’ inconsistance des alibis ? Il reste l’ écrasement. Pour qui ose regarder
la réalité sans fard, l’ enjeu est donc l’ écrasement. Point. Pourquoi dès
lors nous mentir, le dissimuler sous de fausses intentions ? Lâchons-
nous que diable ! Que tous les écraseurs de la terre se donnent la main ;
on écrase beaucoup mieux ensemble que séparément. L’ union fait la
farce. Et qu’ on en finisse une bonne fois pour toutes puisque tel semble
être notre désir. La logique commande que nous y passions tous : les
hommes, les femmes, les vieillards, les enfants, les nouveau-nés. Que
pas un de nous ne subsiste puisque nous jouons à être la mauvaise
graine de l’ univers. Ce sera rendre un service à la vie. Nous serons la
première espèce vivante à nous autodétruire en conscience pour le bien
du Tout. Si notre nature est d’ être des écraseurs et que nous ne sommes
pas en mesure de changer de nature, alors écrasons mes frères. Mais ne
nous voilons pas la face, ne nous jetons pas de la poudre aux yeux. Parce
46
Tu rêveras de paix, puis tu t’éveilleras
47
2015 - 2020 : des attentats au coronavirus
9
NOUS SOMMES LIBRES DE PENSER AUTREMENT
11 Je ne parle pas ici d’un personnage historique, dont nous ne savons s’il a ou non existé,
mais d’une histoire que nous nous racontons et qui influe fortement sur nos modes de
pensées – que nous soyons croyants ou athées.
48
Tu rêveras de paix, puis tu t’éveilleras
Au fil du temps, les fils d’ or ont été remplacés par des fils de soie puis de
coton, l’ esclavagisme par le capitalisme – lequel se révéla d’ une efficacité
bien supérieure en termes de rentabilité économique – et la messe (qui
relevait de l’ espace public) par la télévision, dont l’ effet hypnotique
s’ immisce désormais jusque dans le moindre interstice de la vie privée.
Pendant ce temps, les vrais fidèles – ceux qui le sont non aux rites mais au
message originel d’amour et de paix, incompatible pour le coup avec les ors
du pouvoir – reculaient dans l’ombre. Ils le firent tout autant pour se mettre à
l’abri des bûchers de l’Inquisition que pour comprendre ce qui était réellement
en jeu. Ceux-là reviennent aujourd’ hui pour témoigner de ce qu’ ils ont
vu et qui demeure encore pour l’ heure caché au plus grand nombre.
L’ église chrétienne valorise la crucifixion, la culpabilité, l’ obéissance
aveugle. Celui qui descend dans son ombre (cette part de nous qui
nous terrifie tellement que nous ne cessons de la refouler hors de notre
conscience) y découvre qu’ il se crucifie lui-même, se juge coupable et
obéit à des forces aveugles dont il ignore tout. Nul besoin de soldats
romains, de Sanhédrin, de Ponce Pilate, de Dieu le père qui nous
abandonne. Le piège de l’ ego a remarquablement fonctionné. Désormais
(croyants comme athées) nous exécutons nous-mêmes la tâche avec
tout le zèle requis, construisant de nos propres mains les murs de notre
prison, sans qu’ il soit nécessaire de nous y contraindre en rien.
Nous créons notre propre servitude par autosuggestion, parce que nous
croyons qu’ il n’ existe pas d’ autre destinée possible pour nous sur cette
terre. Et que c’ est tout ce que nous méritons.
Comment en sortir ?
En changeant d’ histoire. « Nous sommes remontés jusqu’ à la source,
nous disent ce qui reviennent de l’ ombre ; là, nous l’ avons vu et nous
vous le rapportons : nous sommes libres de penser autrement. »
Contrairement aux admonitions de l’Église s’arrogeant le droit de prêcher
en son nom, l’enseignement premier de Jésus repose non sur la crucifixion
mais sur la résurrection – c’est-à-dire sur la vie éternelle. Non sur la culpabilité
mais sur l’ amour fraternel : « aimez-vous les uns les autres comme je
vous ai aimés ». Non sur l’ obéissance aveugle mais sur la rédemption –
qui est délivrance de la culpabilité et libération de la servitude.
49
Tu rêveras de paix, puis tu t’éveilleras
C’ est parce que nous croyons que nous sommes coupables – que nous le
croyons vraiment, au profond de nous – que nous nous laissons asservir
par toutes les formes de pouvoir – civils ou religieux – qui s’ exercent sur
nous. Et cette fausse pensée est soigneusement entretenue par lesdits
pouvoirs. Notre tâche est de l’ amener à la lumière de la conscience qui
la dissipera avec une déconcertante facilité, pour la raison qu’ elle n’ a pas
la moindre réalité et que ce qui n’ est pas réel ne peut prendre l’ ascendant
sur nous qu’ en demeurant tapi dans l’ ombre. Ramenée au jour, elle est
une chimère qui s’ évapore.
Une telle fantasmagorie de l’ esprit se forme à l’ illusion que nous ne
sommes pas aimés. Et si nous ne le sommes pas, pensons-nous, c’ est
parce que nous ne sommes pas aimables. C’ est donc de notre faute. Ici
se referment les mâchoires du piège.
Or, tout au fond de nous, sous la culpabilité, qui n’ est qu’ un écran de
fumée que nous étendons par peur devant la réalité, nous sommes
amour. Aimer est le seul moyen de connaître l’ amour (littéralement :
« naître avec »). En aimant, nous ouvrons une écluse en nous par laquelle
s’ écoule l’ amour. Il s’ écoule de l’ intérieur vers l’ extérieur. Il suffit de
demander pour recevoir. Et l’ on ne peut recevoir qu’ en donnant !
Quand, en aimant, nous libérons l’ espace occupé en nous par l’ énergie
de l’ amour, nous l’ offrons à un autre afin qu’ il puisse y transfuser à son
tour sa propre énergie d’ amour. Et ainsi de suite. C’ est une chaîne sans
fin. Une chaîne humaine dont nous sommes les maillons. C’ est à cet
effet que nous sommes si nombreux aujourd’ hui sur terre. Pour que la
lumière de l’ amour s’ expanse à travers nous. Dès que nous le retenons,
il se liquéfie, s’ accumule, pousse de toute sa masse contre la digue du
barrage. Quand la poussée est trop forte, le barrage lâche ses eaux dans
la vallée des larmes, dévastant tout sur leur passage. N’ attendons plus
que surviennent les catastrophes, offrons-nous l’ amour dont nous avons
besoin pour vivre en plénitude. Guérissons-nous les uns les autres de
nos fausses croyances. Tu crois faire le mal, mon frère, comme je l’ ai
longtemps cru ? Tu te juges coupable ? Tu crois à la réalité de la haine, de
la peur, de l’ attaque ? Réveille-toi, tu fais un cauchemar.
50
2015 - 2020 : des attentats au coronavirus
*
À mon frère musulman.
Il y a un temps pour les croisades, les maux croisés des croix dressées et
des croissants en lame de sabre. Et il y a un temps pour les mathématiques,
les langues croisées, les philosophies... qui sont une dentelle que depuis
des siècles nous tissons ensemble au point de croix.
Chacun de notre côté, nous avons exploré la peine, la souffrance et le
labeur de la guerre.
Que nous reste-t-il dès lors à partager ? L’ apocalypse, où nous lâchons
pour de bon les chiens de la terreur ? Ou la musique, la poésie qui sont
une sous des formes multiples ?
Les deux sont possibles. Il y a toujours eu parmi nous des hommes de
paix pour échanger les savoirs et les saveurs. Et des hommes de guerre
pour rendre les coups aux blessures.
Seront-ce dès lors les frères aimants qui gagneront la paix, ou sera-ce la
guerre qui perdra les frères ennemis ?
La résolution de ce dilemme, où nous engageons cette fois l’ avenir de
l’ humanité, nous est enseignée par nos frères juifs : le Grand pardon.
Alors ce jour, si tu veux bien mon frère, je fais ma part du chemin. Moi,
le chrétien qui domine aujourd’ hui le monde, invoquant la religion du
sacrifice pour légitimer mon règne, je te demande pardon. Je dépose mon
épée à tes pieds et, allant au bout de ma croyance, je te dis : « Frappe-moi
si tu penses que ce dernier coup t’ est nécessaire à l’ assouvissement de
ta colère. Je t’ abandonne ma vie plutôt que de continuer à la perdre en
essayant de te prendre la tienne. Et cette fois, par ce don de moi-même
que je te fais, je ne me sacrifie pas, je me sauve.
« Quant au tombeau que je voulais délivrer jadis de ta croyance que je
nommais impie, je t’ en remets les clefs. Quand tu l’ ouvriras, tu verras
au nom de quoi nous nous sommes si longtemps battus : quelques
ossements et de vieilles croyances. Elle n’ est pas celée dans ce sombre
caveau, le nom de la double force qui depuis si longtemps d’ un élan nous
attire et de l’ autre nous effroie. Tu la trouveras dans ton cœur comme je
l’ ai trouvée dans le mien, elle a pour nom : l’ Autre, L’ Étrange, qui excite
notre curiosité tout autant que nos alarmes.
51
Tu rêveras de paix, puis tu t’éveilleras
52
Tu rêveras de paix, puis tu t’éveilleras
53
Tu rêveras de paix, puis tu t’éveilleras
TROISIÈME PARTIE
LE DEDANS
55
Tu rêveras de paix, puis tu t’éveilleras
11
LA DANSE DE MA VIE
56
Tu rêveras de paix, puis tu t’éveilleras
57
2015 - 2020 : des attentats au coronavirus
*
« L’ espace et le temps ne sont pas les conditions de notre vie ; ce sont des
modalités de notre pensée. » Albert Einstein
Je postule que la pensée préexiste au monde physique. Les sportifs, les
danseurs l’ expérimentent au quotidien quand ils répètent mille fois
un geste en pensée, enseignant ainsi à leur corps le bon chemin pour
parvenir à l’ exécuter de la meilleure façon qui soit.
58
Tu rêveras de paix, puis tu t’éveilleras
59
Tu rêveras de paix, puis tu t’éveilleras
60
2015 - 2020 : des attentats au coronavirus
*
Un lecteur me pose la question suivante : « Vous vous présentez comme
un homme ayant longtemps été en guerre avec lui-même. Comment un
être peut-il se faire la guerre à lui-même ? À qui la fait-il s’ il est seul ? »
Parce que nous ne sommes pas « seuls » justement. Nous ne sommes pas
unifiés au-dedans de nous. Une des acceptions de Satan, le démon des
chrétiens à qui échoit le mauvais rôle de faire le pendant à l’ unité divine,
est le diviseur. Nous sommes en guerre quand nous sommes divisés au-
dedans de nous, nous sommes en paix quand nous sommes unifiés.
J’ ai récemment rencontré une très gentille dame de 80 ans qui m’ a
montré comment elle se donnait toute seule des coups de pied aux
fesses en se traitant d’ imbécile, ce qui, à cet âge, requiert une certaine
souplesse. Bon, c’ est anecdotique et ça nous a bien fait rire. Mais sur
le fond on peut s’ interroger sur le mécanisme. Il y a au moins deux
personnes en elle, deux entités, deux forces en opposition : une qui traite
l’ autre d’ imbécile et lui donne des coups de pied aux fesses, l’ autre qui
reçoit les coups de pied et s’ entend qualifier d’ imbécile.
Du coup j’ ai décidé d’ observer à l’ occasion comment cela se passait à
l’ intérieur de moi. J’ utilise pour ce faire un truc assez simple, je mets
un signal d’ alerte dans un coin de mon esprit, un peu comme un post-
it qu’ on colle sur le frigo, avec écrit dessus : « quand je sens un conflit
en moi, je me mets en état d’ observation ». Quelques nuits plus tard, je
suis en train de penser seul dans mon lit quand la petite lampe s’ allume
dans ma tête et je prends conscience que je suis en train de me juger.
« OK Hervé, me dis-je, tu es bien seul là ? ». (Vous voyez ? Je me parle.
« Je » – le sujet – parle à « moi » : le complément.) Et je reprends mon
61
Tu rêveras de paix, puis tu t’éveilleras
62
Tu rêveras de paix, puis tu t’éveilleras
*
Il y a quelques années, lassé de l’ ignorance dans laquelle je me trouvais
de l’ origine des tumultes m’ éreintant l’ âme, j’ ai offert ma voix à je ne sais
quelle partie obscure de moi dont j’ ignorais tout mais dont je pressentais
la malfaisance. « Parle », lui ai-je proposé. Et je me suis effacé. Je suis
littéralement sorti de moi afin de lui laisser le champ libre, l’ écoutant
sans intervenir. Alors cette entité (je ne sais au juste comment la
nommer) s’ est exprimée par le véhicule de ma parole. Les mots sortaient
de ma bouche mais ce n’ était pas « moi » qui les prononçait. Ce n’ était
pas mon moi conscient, ce complexe autonome, comme l’ appellerait
C.G. Jung, par lequel je me représente à moi-même et au monde, mais
un champ de forces m’ habitant, et qui donc était tout autant moi que je
peux l’ être quand je dis « je ». Un champ de forces sans contours définis
et qui, pour se trouver hors du champ de ma conscience, avait barre
sur moi. Et là, s’ exprimant par le véhicule de ma parole, elle s’ adressait
à moi. « Je t’ ai piégé », furent les seuls mots qu’ elle répéta à plusieurs
reprises, exprimant par son intonation une haine viscérale à mon égard :
JE T’ AI PIÉGÉ ! En même temps, je percevais un fléchissement en elle
à mesure qu’ elle répétait sa seule incantation, comme si elle ne pouvait
tenir sa haine entière que dans l’ obscurité et, qu’ advenant au jour,
celle-ci commençait de s’ étioler, allant irréversiblement en s’ affaiblissant.
63
2015 - 2020 : des attentats au coronavirus
64
Tu rêveras de paix, puis tu t’éveilleras
65
Tu rêveras de paix, puis tu t’éveilleras
66
2015 - 2020 : des attentats au coronavirus
12
THE SHOW MUST GO ON
67
Tu rêveras de paix, puis tu t’éveilleras
que nous les produisons, quel égarement de l’ esprit nous ferme les yeux
quand elles tuent les enfants des autres et nous fait crier à l’ injustice
quand il s’ agit des nôtres ? Pouvons-nous adosser notre économie sur la
vente d’ engins de mort et jouer les outragés quand ceux-ci se retournent
contre nous ?
Je suis citoyen d’ un pays qui crée sa richesse en fabricant des mines
antipersonnel, des avions de combat, des chars d’ assaut, des canons… ;
je suis conscient que ces armes peuvent à tout moment se retourner
contre moi et n’ ai d’ autre choix que d’ en accepter l’ éventualité ou de
m’ opposer de toute mon énergie à leur fabrication.
En attendant, le spectacle doit continuer.
Ce 30 novembre 2015 s’ ouvre la COP 21, c’ est-à-dire la 21e édition
d’ une conférence mondiale sur le climat, dont les effets attendus ont
toutes les chances d’ être inversement proportionnels aux moyens
pharaoniques consacrés à son organisation. Aurions-nous vraiment
besoin de tout ce cérémonial si nous étions vraiment décidés à inverser
la tendance autodestructrice dans laquelle l’ humanité semble se trouver
irréversiblement engagée ? Dans son discours d’ ouverture, Laurent
Fabius raconte que lors de sa visite au Bangladesh, une femme ayant dû
déménager 9 fois à cause des inondations lui demande si l’ organisation
de cette énième conférence mettra fin à son calvaire. Je ne sais ce qu’ il
lui a répondu, mais à l’ évidence la seule réponse honnête possible est,
là encore, « Non madame ». Les cycles du climat sont de l’ ordre de
plusieurs milliers d’ années et la tendance ne va certes pas s’ inverser par
miracle au prétexte que 150 têtes couronnées se réunissent en grand
apparat dans la Ville Lumière. Dans les années 70, Guy Debord appelait
cela « La société du spectacle ». En attendant, pour raison invoquée
« d’ état d’ urgence », les opposants à l’ aéroport de Notre Dame des
Landes sont, eux, privés de scène. Ainsi, ceux qui ont quelque chose
à dire – à savoir qu’ il est mensonger de faire croire que nous luttons
contre le dérèglement du climat alors même que nous encourageons une
intensification des transports aériens – sont priés de se taire.
Tout l’ art du spectacle est de mettre les attentats à profit pour museler
la réflexion et la contestation d’ un processus létal à l’ œuvre.14 Ainsi
68
Tu rêveras de paix, puis tu t’éveilleras
nous ne voyons pas les véritables forces en jeu. Qu’ y a-t-il derrière cette
guerre, où s’ affrontent d’ un côté une quarantaine de nations surarmées,
et de l’ autre des individus bardés d’ explosifs qui se font sauter en essayant
d’ entraîner avec eux le plus grand nombre possible de leurs ennemis dans
la mort ? Un empire mondialisé à bout de souffle qui cherche à ratisser
le dernier carré de richesses exploitables. Le sol s’ effondre sous la fonte
du permafrost, le sixième continent étend sa pollution de plastique sur
trente mètres d’ épaisseur au milieu de l’ océan, l’ économie mondiale se
trouve au bord de l’ effondrement, le climat se dérègle... tandis que les
cotations boursières des marchands d’ armes ne cessent de grimper.
À partir de là, nous n’ avons d’ autre choix que de regarder la réalité en
face. Elle s’ énonce ainsi : pour que la civilisation du gaspillage puisse
aller son train, il est nécessaire qu’ une frange conséquente de l’ humanité
soit asservie et la nature surexploitée.
Nous sommes dès lors tous responsables du monde que nous habitons.
Observons comment nous pensons le monde et nous saurons dans quel
monde nous aspirons à vivre. C’est cela un changement de paradigme.
Quand nous changeons notre façon de penser, le monde change. Un
humain après l’autre, chacun en son âme et conscience. Sinon nous
demeurons les esclaves de nos pulsions, de notre paresse et nous inventons
des théories du complot pour nous affranchir de notre responsabilité.
Il existe actuellement un déséquilibre entre les forces de destruction qui
s’ expriment dans la guerre de tous contre tous, orchestrée par les grandes
places financières de la planète, et celles de transformation, mises en
œuvre par de petits groupes d’ individus conscients. Les premières sont
encore beaucoup plus puissantes à cette heure, mais elles sont vieilles et
ont entrepris leur déclin ; les secondes sont encore fragiles, mais elles
ont en elles l’ énergie de la jeunesse. Ces forces naissent et meurent en
chacun de nous. La seule porte ouvrant sur une transformation possible
de l’ humanité se trouve en chacun nous. « Nous sommes appelés à pleins
poumons à faire neuf ce qui était vieux », écrivait Christiane Singer
quelques heures avant de mourir, « le pessimisme m’ ennuie à mourir, il
croit si bêtement que ce qui a été va se répéter. »14
69
2015 - 2020 : des attentats au coronavirus
13
IL N’ Y A QU’ UNE PORTE
ET ELLE EST EN CHACUN DE NOUS
70
Tu rêveras de paix, puis tu t’éveilleras
autres gardiens, il lui semble que le premier est le seul qui l’ empêche
d’ entrer dans la Loi. Et il maudit bruyamment la cruauté du hasard.
Plus tard, en devenant vieux, il ne fait plus que grommeler. Il retombe
en enfance, et comme, au cours des longues années où il a étudié la
sentinelle, il a fini par connaître jusqu’ aux puces de son col de fourrure,
il prie les puces elles-mêmes d’ intercéder en sa faveur. Finalement, sa
vue s’ affaiblit et il ne sait si c’ est la nuit qui se fait autour de lui ou s’ il est
trompé par ses yeux. Mais maintenant il discerne dans l’ ombre l’ éclat
d’ une lumière qui brille à travers les portes de la Loi. Il n’ a plus pour
longtemps à vivre désormais. Avant sa mort, tous ses souvenirs viennent
se presser dans son cerveau pour lui commander une question qu’ il n’ a
pas encore posée. Et, ne pouvant redresser son corps raidi, il fait signe
à la sentinelle d’ approcher. Celle-ci se voit obligée de se pencher très
bas sur lui car la différence de leur taille a considérablement augmenté.
Que veux-tu donc encore savoir ? lui demande-t-elle, tu es insatiable.
– Si tout le monde cherche à connaître la loi, dit l’ homme, comment
se fait-il que depuis si longtemps, personne d’ autre que moi ne t’ ait
demandé d’ entrer ?
La sentinelle voit que l’ homme est sur sa fin et, pour atteindre son
tympan mort, elle lui rugit à l’ oreille : « Personne d’ autre que toi n’ avait
le droit d’ entrer ici, car cette entrée n’ était faite que pour toi, maintenant
je ferme et je m’ en vais. »
*
« Attention, à partir de maintenant matière et esprit se touchent. »
Dialogues avec l’ ange.
La rencontre se produit en nous, ici et maintenant. Je l’ imagine comme
deux magnifiques vaisseaux spatiaux ayant entamé leurs manœuvres
d’ approche. L’ Un, le vide, le terrible, le silence absolu, le néant, l’ impensé ;
l’ Autre, le plein, le bruyant, le fragile, l’ expérimenté qui revient à sa
source et dit « Voilà ce que j’ ai trouvé ». Et le seul fait que nous ayons
commencé l’ approche, modifie forcément notre manière de penser le
monde. Nous ne pouvons pas penser le monde de la même manière
lorsque nous voguons à ses confins et lorsque nous nous rapprochons
71
Tu rêveras de paix, puis tu t’éveilleras
*
L’ idée de mourir nous est à ce point insupportable qu’ elle nous conduit
tout droit au suicide ! (qui est une mort par anticipation, au moyen de
laquelle nous raccourcissons le temps de la peur).
Alors nous disparaîtrons. Comme ça ! Pfuit ! Plus rien.
Et nous ne serons plus qu’ un souvenir dans l’ univers.
Les anges – s’ ils existent – raconteront comment nous avons nous-
mêmes détruit notre jardin d’ Éden, persuadés qu’ en échange nous en
recevrions un nouveau encore plus beau.
C’ est mal connaître l’ univers. Celui qui y casse un jouet n’ a d’ autre
solution que de le réparer. Notre jardin d’ Éden nous est donné une fois
72
2015 - 2020 : des attentats au coronavirus
73
Tu rêveras de paix, puis tu t’éveilleras
74
Tu rêveras de paix, puis tu t’éveilleras
14
CHANGER DE PARADIGME
75
2015 - 2020 : des attentats au coronavirus
77
Tu rêveras de paix, puis tu t’éveilleras
78
2015 - 2020 : des attentats au coronavirus
nous ? Et dans cet échange de regards, lui, devant qui hier encore le
monde tremblait, prend l’ abyssale mesure de son inhumaine solitude.
La découvre-t-il dans mes yeux, moi qui à cette heure ne suis que
communion avec la source qui m’ irrigue ? Ne suis-je là que pour
permettre à la source d’ amour de découvrir à travers mes yeux ce qu’ elle
n’ est pas, son contraire, sa négation : la peur ? Oui, je vois la peur en lui.
Non celle des hommes, mais de la source qui le regarde à travers moi.
Le temps d’ un battement de cils, je le vois aux prises avec une indicible
horreur et je dois le retenir pour ne pas qu’ il s’ effondre. Mais je le tiens
et il reste debout tandis que son âme seule se met à genoux.
C’ est fini. L’ enfer n’ est plus de ce monde.
Il ferme doucement les yeux, se blottit dans mes bras comme seuls
savent se blottir les nouveau-nés et je le sens qui s’ immerge à petits coups
de cœur dans le fleuve d’amour. Je n’ ai jamais été aussi ouvert. Jamais
aussi transparent. Rien ne m’ appartient. Je ne dirige rien. Je me laisse
traverser par un fleuve d’ amour qui opère sa guérison à travers moi.
Quand je le sens prêt, je lui prends le menton entre le pouce et l’ index
et relève à nouveau doucement son visage. Je décèle maintenant une
présence en lui. Quelqu’ un qui regarde. Quelqu’ un en lui regarde avec
un indicible étonnement, mais sans aucune frayeur désormais, la source
dont il est issu et qu’ il avait cru perdue à jamais. La source qu’ il a haïe de
toute son âme pour l’ avoir laissé se perdre. Pendant un moment rien ne
se passe, il est un lichen asséché qui retrouve peu à peu le goût de la pluie.
Quand il a suffisamment bu à la source, que je sens la paix suffisamment
ancrée en lui pour qu’ il ne risque pas d’ imploser à la vue de ce qui l’ attend,
je fais apparaître une à une dans mes yeux, avec toute la lenteur requise,
chacune des atrocités auxquelles il a ouvert la porte du monde, et dont il
m’ a été donné de recevoir connaissance : des images de Nuit et Brouillard,
des scènes de Shoah, des phrases de Mein Kampf, les acclamations de la
foule à ses hurlements... Sans rien dire, en silence, toujours sans le moindre
jugement, la moindre appréciation, je ne lui en épargne aucune – elles sont
les siennes et il ne m’appartient pas de l’en priver – lui laissant tout le temps
d’en prendre connaissance avant de passer à la suivante. J’accorde la vitesse
de défilement des images au rythme de sa lecture. Quand je perçois un
79
Tu rêveras de paix, puis tu t’éveilleras
80
Tu rêveras de paix, puis tu t’éveilleras
Nous sommes à l’ intérieur les uns des autres dans le grand fleuve de
la vie, dont nous sommes les formes sans cesse changeantes. Et peu
importe au fond le rôle que nous y jouons. Il n’ est d’ autre réalité que le
roulement du fleuve. Une seule chose est de notre responsabilité : quel
que soit le personnage qu’ il nous revient d’ interpréter, le jouer au mieux
de nos capacités. Mieux vaut, pour la réussite du grand œuvre de la
vie, un bon acteur jouant les mauvais rôles, qu’ un mauvais acteur à qui
échoit le beau rôle.
Ce n’ est que des mois plus tard qu’ il me sera donné de prendre conscience
que, par cet exercice de la pensée, je m’ étais sauvé. Je ne l’ ai pas sauvé
lui, qui n’ est dans cette histoire qu’ un archétype, une personnification
commode du mal : un point de fixation qui, m’ hypnotisant, me privait
de tourner les yeux vers le mal en moi, la souffrance en moi, l’ attaque en
moi, la peur en moi. C’ est en l’ accueillant, non comme un étranger mais
comme mon frère en humanité, que je me suis sauvé. Sans le savoir. Je
ne savais pas alors ce que je faisais. Je me laissais simplement guider par
une voix intérieure en laquelle j’ avais mis ma confiance – était-ce celle
du metteur en scène ?
Il est impossible d’ être traversé d’ un tel élan d’ amour sans en être sauvé.
La nature de l’ amour est de s’ écouler vers ceux qui en ont besoin. Et
jamais aucun homme sur terre n’ avait manqué autant d’ amour que
celui-là. Il fut, en son temps, une personnification particulièrement
marquante de l’ archétype de la peur – qui est privation d’ amour. J’ eus
même l’ intuition qu’ il n’ était venu qu’ à cette seule fin : obliger, par ses
appels désespérés, l’ Amour à descendre sur terre. Mettre en demeure le
ciel de se réconcilier avec la terre. Parce que le ciel est l’ adulte, le premier
né, c’ est à lui de faire le dernier pas, qui est celui de la paix.
Et comme le raconte si joliment la cosmogonie des Navajos, nous
sommes, nous les humains, des envoyés du ciel sur la terre. Nous sommes
les envoyés spéciaux du ciel, porteurs d’ un message de paix que nous
adressons en son nom à la guerre. Et quand l’ ampleur même de notre
tâche semble nous la rendre insurmontable, nous appelons à notre aide,
du plus fort que nous pouvons, le ciel dont nous sommes les envoyés sur
81
2015 - 2020 : des attentats au coronavirus
terre. Quand nous appelons suffisamment fort, que nous joignons nos
voix les unes aux autres pour appeler du plus fort que nous pouvons,
le ciel nous répond. La vérité commande de dire que nous n’ appelons
jamais aussi fort que lorsque nous sommes dans la plus grande affliction
qui soit.
Quant à l’ Histoire, qui ne fut que guerres, carnages, conquêtes, trahisons,
génocides…, elle est le temps qu’ il nous fallut, pour, jouant au jeu de la
paix après avoir bu le breuvage de l’ oubli, en comprendre les règles.
Quand nous sommes en paix, nous ne pouvons plus faire un seul pas.
Le dernier pas est celui par lequel nous sortons du monde pour entrer
dans l’ éternité. Là, ni temps ni espace où nous aurions à nous déplacer.
Seulement l’ infinité de l’ instant présent.
Ici se termine la partie.
82
2015 - 2020 : des attentats au coronavirus
QUATRIÈME PARTIE
2020 : LA NOUVELLE HARMONIE
84
Tu rêveras de paix, puis tu t’éveilleras
15
LA VIE EST LE DROIT À L’ ERREUR
85
2015 - 2020 : des attentats au coronavirus
17 Ibidem
86
Tu rêveras de paix, puis tu t’éveilleras
87
Tu rêveras de paix, puis tu t’éveilleras
88
2015 - 2020 : des attentats au coronavirus
16
LE CHEVAL DE TROIE DE L’ AMOUR
89
Tu rêveras de paix, puis tu t’éveilleras
90
Tu rêveras de paix, puis tu t’éveilleras
91
2015 - 2020 : des attentats au coronavirus
La question, ici posée, mérite selon moi réponse, et je ne doute pas que
chacun aura la sienne à proposer.
Je pense pour ma part que c’ est parce qu’ elle nous aime !
La nature nous aime de manière inconditionnelle. Comme une mère
aime ses enfants, même quand ils commettent le pire. Cet amour fait
partie de sa nature : il est inscrit dans sa fibre maternelle. Et plus nous
nous éloignons d’ elle (bien qu’ il s’ agisse là d’ une vaine croyance, dans
la mesure où partout où nous allons, nous l’ amenons avec nous), plus
elle étend ses bras loin pour nous empêcher de tomber. Et quand nous
nous trouvons à une distance de sécurité suffisante, elle voit bien que
nous ne sommes que des enfants turbulents. Que nous ne pensons pas
à mal quand nous crevons les yeux des chats. Elle applique à la lettre
la prière du Christ sur la croix : « Père, pardonne-leur car ils ne savent
pas ce qu’ ils font ». Oui, c’ est elle qui demande à notre père de ne pas
nous punir – ce qu’ au reste, contrairement à l’ idole judéo-chrétienne
que nous avons nous-mêmes dressé sur son socle, il n’ a pas la moindre
intention de faire ! Jusqu’ au moment où elle comprend que nous sommes
vraiment en danger et qu’ il lui faut absolument trouver d’ urgence une
solution. Alors, contrairement aux dinosaures, qui étaient simplement
92
Tu rêveras de paix, puis tu t’éveilleras
19 Variante d’un texte qui circule sur le Net, dont je ne connais pas l’auteur originel,
et dont je vous livre ici ma propre facture.
93
Tu rêveras de paix, puis tu t’éveilleras
94
2015 - 2020 : des attentats au coronavirus
aussi beaux qu’ il l’ est à leurs yeux, aussi doués de toutes les qualités dont
ils le parent. Le problème est que c’ est facile d’ idéaliser quelqu’ un dont
on entend parler sans jamais le voir, quelqu’ un qu’ on s’ en tient seulement
à imaginer. Alors que moi, qui m’ occupe d’ eux au quotidien, ils me
considèrent comme une « chose » acquise, qui leur doit tout et à laquelle
ils ne doivent rien : « nourris-moi, nettoie mes déjections, donne-moi
de la bonne eau à boire, du bon air à mes poumons,... » Et quand je le
fais, ils font caca dedans, puis y rajoutent de la javel avant de la boire, me
recouvrent de goudron, m’ intoxiquent de plastique... Forcément, leur
père, lui, n’ est pas là pour intervenir. Il règne, très haut, là-bas, dans le
futur des cieux, pendant que moi je m’ active dans la profondeur de leur
présent. Lui, a donné sa semence puis s’ est retiré, attendant qu’ ils soient
grands pour s’ occuper d’ eux. Du coup je l’ ai contacté pour lui faire part
de mes craintes. Il m’ a répondu immédiatement, sans s’ alarmer, c’ est
un être d’ un calme absolu auquel je fais entièrement confiance. Nous
avons chacun un rôle bien spécifique à tenir, dans lequel l’ autre ne se
permet jamais d’ intervenir. Le problème est que ni lui ni moi n’ avions
pensé à ce moment extrêmement délicat où nos enfants ne sont plus des
enfants, tout en n’ étant pas encore des êtres autonomes : cette traversée
de l’ adolescence qui, aux temps premiers, était un apprentissage de la
vie adulte et qui n’ est aujourd’ hui plus qu’ une révolte, un refus obstiné
d’ accéder au monde des parents. Un monde, dont, en attendant de ne
pas y entrer, ils continuent en toute insouciance de profiter. L’ humanité
traverse aujourd’ hui cet instant critique de l’ adolescence, où la mère
que je suis n’ arrive plus à les tenir, alors même que leur père ne peut
venir les chercher sans les priver de leur liberté – qui est la condition
sine qua non de leur réalisation. Ils se retrouvent dès lors livrés à eux-
mêmes. Et comme ils ont passé jusque-là leur temps à jouer, n’ ayant
rien appris des modalités du voyage, nous avons décidé de leur accorder
un temps supplémentaire d’ apprentissage. Pour te le dire de façon plus
imagé, je viens de sonner la fin de la récréation. Maintenant je les mets
en rang deux par deux et les fais entrer en classe dans le plus grand
silence. Quand ils ont pris place derrière leurs pupitres, je leur annonce
que je ne suis plus leur maman mais leur maîtresse. Que personne ne
sera autorisé à redoubler et qu’ à la fin de l’ année tout le monde passera
95
Tu rêveras de paix, puis tu t’éveilleras
dans la classe supérieure, où leur père les attend afin de parfaire leur
enseignement. Ensuite seulement, ayant appris à répondre d’ eux mêmes
et de leurs actes, ils seront libres.
- Et moi, tu peux me dire ce que je viens faire dans ton plan ?
- Je vais te confier une mission. Tu es si petit que tu peux te faufiler
partout sans qu’ on te voie. Comme je te l’ ai dit, j’ ai mis dans le cœur
de chaque humain, avant leur naissance, une quantité d’ amour infinie
qui n’ attend que de sortir pour se répandre partout à travers l’ univers,
jusqu’ à atteindre leur père. Tu vois, pour être très franche avec toi, je
dois t’ avouer que même si je les aime plus que tout, je me sers quand
même un peu d’ eux : en les chargeant d’ amour avant qu’ ils ne partent
rejoindre leur père, je me dis qu’ en le recevant, il comprendra que tout
cet amour vient de moi et qu’ il m’ aimera d’ autant plus en retour.
- Bon, j’ai compris ma mission, mais je ne sais toujours pas comment opérer.
- Ce que j’ ai fait pour eux, en les chargeant d’ amour, je l’ ai fait exactement
de même avec toi. Et comme tu es beaucoup, beaucoup plus petit, j’ ai
dû d’ autant plus comprimer l’ amour. C’ est comme le Big bang : plus
c’ est replié, plus ça contient d’ énergie. Ainsi tu seras mon cheval de
Troie. Quand tu arriveras dans leurs poumons, tu profiteras de leur
état de grande faiblesse pour te glisser incognito dans leurs cœurs. Il se
produira alors une étincelle qui mettra le feu aux poudres de l’ amour.
Pour cette dernière opération tu n’ auras besoin de t’ occuper de rien.
Tout est programmé d’ avance. Il suffit que tu pénètres dans leur cœur
pour que l’ étincelle se produise d’ elle-même : c’ est le rapprochement des
deux infinis d’ amour, infiniment repliés sur eux-mêmes, qui déclenche
le processus de réaction en chaîne.
- Cette fois j’ ai tout compris, Nature. Je file de ce pas remplir ma mission.
(un peu plus tard)
- Tu es parti tellement vite que dans ta précipitation tu as oublié ta
couronne, je viens juste de la retrouver.
- Non, je ne l’ ai pas oubliée, je l’ ai laissée exprès. Je la récupérerai quand
j’ aurais accompli ma mission. Les couronnes sont pour les rois, et pour
le moment j’ ai bien assez à faire comme sujet.
96
Tu rêveras de paix, puis tu t’éveilleras
17
SORTIR DE L’ ILLUSION
(DE LA FONCTION À LA RÉALISATION)
97
2015 - 2020 : des attentats au coronavirus
98
Tu rêveras de paix, puis tu t’éveilleras
la place à un grand rêve de paix qui, peu à peu, se transforme à son tout
en un rêve d’ éveil, qui nous dépose avec une infinie tendresse au seuil de
l’ éternité, où nous attendons, dans un état de ravissement qui confine à
l’ extase, que quelqu’ un vienne nous chercher.
99
2015 - 2020 : des attentats au coronavirus
18
L’ ADIEU AUX ARMES ET AUX LARMES
Je vois l’ esprit qui se fait matière pour prendre forme. Quand l’ Être
émerge, façonné de lave en fusion fraîchement éteinte, il apparaît sous
les traits d’ un monstre – étymologiquement : « un prodige avertissant de
la volonté des dieux ». À l’ aube des temps, l’ Esprit, formé de sa propre
volonté, est une bête émergeant du chaos du sans forme. La suite de
l’ histoire – qui est la nôtre : la plainte de la bête sous les cieux, sa honte, sa
colère, sa voracité, son innocence, sa culpabilité... – nous la connaissons.
Ici commence l’ histoire nouvelle. La mue du monstre. Sa carapace qui
se lézarde. Le masque se fissure sous la poussée de l’ Être. Un à un, nous
en ôtons les morceaux qui nous collent à la peau. Il nous est poussé des
mains pour ce travail de patience, ce puzzle à l’ envers. Nous entrons
dans le temps de l’ apparition de l’ Être.
Jusqu’ alors je me cachais dans l’ ombre sous un masque d’ urbanité,
afin que nul ne voit le monstre que j’ étais, cherchant dans des traités
d’ esthétique où se trouvait le « beau » dont je sentais l’ appel en moi.
Il appelait en moi et je me cachais à sa vue pour ne pas qu’ il me
découvre dans mon insondable laideur. Et tandis que je me cachais, il
me venait de sous le masque qu’ il détissait du dedans, me laissant le
soin de parachever ma mue en m’ ôtant moi-même les morceaux qui me
collaient à la peau. Nul n’ advient au monde s’ il n’ en manifeste le désir
par des actes concrets ; ainsi seulement pouvons-nous être assurés de
notre volonté de participer à la grande aventure de l’ Esprit fait chair.
Sans cette inébranlable volonté, nous ne pourrions accoster aux rivages
de l’ existence. Rien ne nous est jamais imposé de ce que nous vivons.
Maintenant je me lave le visage. Ô le bien que cela fait, la fraîcheur de
la source sur ma nouvelle peau. Le bonheur que c’ est d’ avoir la figure
à l’ air. libre Pour la première fois, je ne sens pas le jugement sur moi.
C’ est un silence partout, sur la terre et sous les cieux. Mes yeux se
dessillent. Le monde s’ écarte à mon regard. Aucun reflet de moi où je
puis m’ apparaître. Quelle liberté ! Je me couche dans l’ herbe, étire mes
membres de bien-être et, la bouche ouverte, je bois à la source des cieux.
Couché dans l’ herbe, je songe au vieux théâtre où nous jouions jadis,
échangeant les rôles au gré de nos humeurs. Viols, meurtres, holocaustes,
attentats, trahisons, tromperies… nous les connaissions par cœur,
101
2015 - 2020 : des attentats au coronavirus
102
Tu rêveras de paix, puis tu t’éveilleras
103
2015 - 2020 : des attentats au coronavirus
104
Tu rêveras de paix, puis tu t’éveilleras
Fin
NOUS SOMMES UN
Je suis un et indivisible.
L’ humanité est une et indivisible.
La terre est une et indivisible.
L’ univers est un et indivisible.
L’ Esprit est un et indivisible.
La séparation est une illusion.
Nous sommes Un.
Aux humains de bonne volonté qui font leur part dans le changement
de paradigme qui s’ opère à cette heure sur la terre. Ici commence ce qui
ne connaîtra pas de fin.
Plus tard dans la soirée, mon filleul m’ appelle : les rorquals et les
dauphins reprennent possession des calanques de Marseille.
Je vois une danse. Nous reculons d’ un pas, la nature avance d’ un. Nous
nous tenons à l’ exacte distance qui nous préserve de nous effondrer l’ un
sur l’ autre, tout en créant un espace relationnel entre nous. « J’ ai pensé
à un jeu, dit l’ humanité à la nature : dans cet espace, que je m’ engage
105
Tu rêveras de paix, puis tu t’éveilleras
106
Tu rêveras de paix, puis tu t’éveilleras
107
Tu rêveras de paix, puis tu t’éveilleras
REMERCIEMENTS
À Claire Cavazza, pour ses belles encres de Chine et pour m’avoir une
nouvelle fois accompagné dans la finalisation du manuscrit. Comme
d’habitude son sens critique et son ouverture d’esprit ont fait merveille.
108
Tu rêveras de paix, puis tu t’éveilleras
DU MÊME AUTEUR
À paraître :
NOTRE PRÉSENCE AU MONDE (tétralogie) :
* NOTRE PRÉSENCE AU MONDE,
** LE CIEL EST À L’ENVERS,
*** L’ESSENCE DES CHOSES,
****PREMIERS FRAGMENTS D’HUMANITÉ.
109
Tu rêveras de paix, puis tu t’éveilleras
U
YO
LE
UB
DO
U
YO
LE
UB
DO
110