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La question pour quoi évaluer nous renvoie bien entendu au pour quoi enseigne-t-on, au
pour qui enseigne-t-on, qui apprend, que doit-on enseigner et que doivent-ils savoir
(faire) ? Une évaluation de qualité répond de façon claire à ces questions en apparence
simples.
Nous n’entendons pas défendre une attitude pédagogique en particulier. Selon le contexte,
un enseignement centré sur la grammaire ou sur la compréhension de l’écrit aura toute sa
légitimité. La centration sur l’apprenant sera envisageable avec de petits groupes mais
beaucoup moins en amphithéâtre avec une centaine d’apprenants, et une certaine culture
scolaire vous obligera peut-être dans certains pays à suivre pas à pas le livre et la méthode.
La qualité de votre cours ou de l’institution dont vous aurez la charge dépendra donc de vos
compétences en ingénierie éducative pour vous adapter à ces contextes et adopter une
attitude congruente avec les finalités annoncées et les moyens mis en œuvre. Ce n’est pas
toujours simple.
Dans le cas qui nous intéresse, nous avons choisi de développer ce cours autour d’une étude
de cas, celle du Cadre européen commun de référence pour les langues, désormais le Cadre
européen.
La plupart des institutions éducatives qui enseignent le français langue étrangère en Europe,
et dans une certaine mesure dans le monde, le font désormais sur cette base du Cadre
européen, et cet ouvrage dont nous allons découvrir les grands principes didactiques inspire
aujourd’hui les politiques linguistiques de nombreuses institutions en FLE mais aussi dans
d’autres langues. C’est aussi le socle de référence affiché des grands certificateurs
européens. Nous n’oublions pas que ce n’est cependant pas le seul, et l’étude que nous vous
proposons prétend donc surtout vous permettre de repérer les principes méthodologiques
qui vous permettront demain de mettre en place des dispositifs évaluatifs, qu’ils soient
diagnostiques, formatifs ou certificatifs, éthiques et pertinents. En évaluation, tout est
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Le glossaire se trouve à la fin de ce cours n°1.
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affaire de choix explicites, de centrations adaptées et de méthodologies rigoureuses. Le
décor est posé, nous pouvons commencer.
Ces principes fondamentaux reposent sur une approche plurilingue qui « met l’accent sur
le fait que, au fur et à mesure que l’expérience langagière d’un individu dans son contexte
culturel s’étend de la langue familiale à celle du groupe social puis à celle d’autres
groupes (que ce soit par apprentissage scolaire ou sur le tas), il/elle ne classe pas ces
langues et ces cultures dans des compartiments séparés mais construit plutôt une
compétences communicative à laquelle contribuent toute connaissance et toute expérience
des langues et dans laquelle les langues sont en corrélation et interagissent » (Le Cadre,
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Vous lirez à ce sujet les résultats de l’enquête mise en ligne par le Conseil de l’Europe : Synthèse des résultats
d’une enquête sur l’utilisation du CECR au niveau national dans les Etats membres du Conseil de l'Europe. 2006.
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2001 : 11). Cette conception qui se différencie du multilinguisme (connaissance et
coexistence de plusieurs langues) a davantage une visée systémique qu’analytique ; on peut
en effet penser que l’individu qui se trouve au contact d’au moins une langue étrangère
avec l’intention de la maîtriser au moins partiellement a toujours une attitude plurilingue
dans la mesure où il convoquera pour parvenir à ses fins tous les savoirs et savoir-faire à sa
disposition. En revanche, les systèmes sont encore trop souvent pensés en unités
cloisonnées comme à l’école où peu de concertations sont proposées par l’Institution entre
les professeurs de langues vivantes, ceux de langue maternelle ou même d’autres matières.
Mais comme le soulignent les auteurs du Cadre (2001 :11) « de ce point de vue,
l’enseignement des langues se trouve modifié. Il ne s’agit plus simplement d’acquérir la
maîtrise d’une, deux, voire trois langues, chacune de son côté avec le locuteur natif comme
ultime modèle. Le but est de développer un répertoire langagier dans lequel toutes les
capacités linguistiques trouvent leur place ». C’est une notion fondamentale à laquelle nous
adhérons volontiers qui complète les représentations populaires sur
l’apprentissage/enseignement des langues vivantes. En remettant en question l’image du
locuteur natif, les auteurs du Cadre nous rappellent implicitement que la variété des
registres sociolinguistiques ne fait pas des locuteurs natifs, entendus comme le groupe de
celles et ceux qui partagent une langue dès leur naissance, un groupe homogène. Dès lors, il
est non seulement peu utile en termes scientifiques de vouloir baser une norme ou une
référence sur un ensemble aussi hétérogène, mais il est par ailleurs tout aussi vain de penser
qu’être natif suffit intrinsèquement pour maîtriser une langue. Enfin, cette idée met en
évidence la liberté pour l’apprenant de ne pas viser une maîtrise parfaite de la langue cible,
légitimant le choix d’atteindre par exemple un niveau élémentaire parce que celui-ci lui
suffit, ou encore de ne se consacrer qu’à l’acquisition d’une compétence spécifique (la
compréhension écrite, la compréhension orale…), en fonction de besoins spécifiques très
particuliers.
Cette politique dessinée par le Conseil de l’Europe a eu un fort impact sur la didactique des
langues, et en particulier dans l’émergence du concept de compétences interculturelles.
« La fluidité des frontières nationales, l’internationalisation de la vie moderne et les enjeux
qui en résultent à l’égard des identités sociales, notamment de l’identité nationale,
affectent notre façon de conceptualiser la communication (…). L’éducation dans son
ensemble est désormais perçue par les responsables politiques comme cruciale pour le
développement économique et l’intégration sociale et dans un espace multilingue comme
celui de l’Europe, la politique linguistique représente une part essentielle de la politique
éducative (…). C’est par l’acquisition d’une compétence interculturelle et la capacité
d’affronter des situations complexes sur le plan linguistique et culturel que les citoyens
pourront tirer profit d’un cadre théorique et pratique commun pour l’apprentissage, non
seulement des langues, mais aussi des cultures » (Byram, 2003 : 6). Nous tenterons de voir
comment ce concept désormais central peut être pris en compte dans l’évaluation en langue.
3
Cela aura bien entendu des conséquences lourdes de sens dans la mise en place
d’évaluations.
Le Cadre européen
La principale manifestation de ces principes est donc l’élaboration du Cadre européen
commun de référence pour les langues, qui est en passe d’occuper une place unique dans la
didactique des langues et des cultures. Son succès et son large développement au-delà de
ses frontières originelles semblent marquer d’une pierre blanche l’histoire de
l’enseignement des langues. Il est encore trop tôt pour s’en réjouir ou pour le déplorer, et le
manque de recul dont nous disposons nous oblige à faire preuve de modération dans
l’analyse que nous pourrions faire de ce phénomène, mais force est de reconnaître qu’il
recueille un certain consensus, sans doute parce qu’il est lui-même le fruit d’un consensus.
Elaboré entre 1993 et 2000 par des experts rassemblés et dirigés par la division des
Politiques linguistiques du Conseil de l’Europe ; comme le souligne Goulier (2005 :5) « ce
projet correspond aux missions de cet organisme dont le siège est à Strasbourg. Le Conseil
de l’Europe mène en effet des activités en faveur de la diversité linguistique et de
l’apprentissage des langues dans le cadre de la convention culturelle européenne ouverte à
la signature le 1er décembre 1954. Il regroupe actuellement quarante-six états européens.
Son action promeut des politiques visant à renforcer et à approfondir la compréhension
mutuelle, à consolider la citoyenneté démocratique et à maintenir la cohésion sociale ».
L’originalité du Cadre européen qui a été publié lors de l’année internationale des langues
réside avant tout dans le fait qu’il s’agit du premier outil de politique linguistique
véritablement transversal à toutes les langues vivantes. Il prolonge en ce sens les travaux
effectués sur les « niveaux seuils » tout d’abord en anglais, Threshold Level (Van Ek, 1975)
puis en français, Niveau Seuil (Coste, Courtillon, Ferenczi, Martins-Baltar, Papo, 1976) et
dans d’autres langues européennes3. Ces ouvrages étaient certes élaborés sur la base d’une
vision commune de l’apprentissage et de l’utilisation des langues, mais ils étaient consacrés
chacun à une langue spécifique.
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On consultera la liste des versions disponibles sur le site du Conseil de l’Europe, www.coe.int
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Philosophie générale
Le Cadre européen a adopté une perspective actionnelle, définie comme suit (:15) :
- Les savoir-être
- Le savoir apprendre
- La compétence linguistique
- La compétence sociolinguistique
- La compétence pragmatique
- La réception
- La production
- L’interaction
- La médiation
Nous ne reviendrons pas sur cette structure générale, qu’un certain nombre d’ouvrages
présentés dans la bibliographie vous permettront de mieux appréhender (Beacco, 2007,
Rosen, 2007).
L’un des objectifs du Cadre étant d’apporter une meilleure lisibilité aux différents
dispositifs internationaux de certification, et s’inspirant des travaux de l’Association of
Language Testers in Europe, ALTE celui-ci propose également une dimension verticale et
présente une série ascendante de niveaux de référence communs pour décrire la
compétence de l’apprenant, qu’ils décomposent en 6 niveaux de référence :
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Chaque niveau peut cependant être à son tour interprété de manière horizontale grâce à une
série de descripteurs qui sont toujours formulés de la façon suivante (répondant à la
fameuse règle de Porcher stipulant que tout objectif pédagogique inclut dans sa formulation
les éléments de son observation) :
Nous noterons par ailleurs l’attention toute particulière que le Cadre prête à la définition
des stratégies de production, de réception, d’interaction et de médiation et que les auteurs
définissent comme « le moyen utilisé par l’usager d’une langue pour mobiliser et
équilibrer ses ressources et pour mettre en œuvre des aptitudes et des opérations afin de
répondre aux exigences de la communication en situation et d’exécuter la tâche avec
succès et de la façon la plus complète possible (…). On a pu utiliser le mot « stratégie »
avec des sens différents. On l’entend ici comme l’adoption d’une ligne de conduite
particulière qui permet l’efficacité maximum » (Le Cadre, 2001 : 48).
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Si nous considérons que le Cadre est donc aujourd’hui l’une des références les plus
utilisées, que signifie donc proposer une évaluation congruente avec cette approche ?
Cela revient tout d’abord à nous poser plusieurs questions sur le plan des compétences
individuelles générales. Nous les aborderons dans le deuxième cours.
Travaux
Informez-vous
1. Le Conseil de l’Europe.
Visitez le site du Conseil de l’Europe, www.coe.int, identifiez les principaux axes d’action
de cet organisme et repérez-en les instances décisionnelles. Découvrez ensuite le volet plus
spécifique de la politique éducative du Conseil de l’Europe, et en particulier celui de la
politique linguistique. Nous vous conseillons de repérer les actions spécifiques qu’il mène
dans votre pays ou dans l’espace géographique vous concernant. Visitez également le site
du Centre européen pour les langues vivantes, http://www.ecml.at/ qui lance régulièrement
des appels d’offre auxquels, pourquoi pas, vous pourrez être amené à répondre dans votre
future carrière.
Comme nous le verrons dans le cours n°3, le Conseil de l’Europe a rapidement compris que
le Cadre européen en lui-même ne suffirait pas. Afin d’illustrer l’approche transversale et
plurilingue qu’il défend, il a donc promu un certain nombre de travaux parmi lesquels
l’illustration des niveaux de référence en production orale (disponible en ligne libre de droit
sur le site : www.ciep.fr).
Vous visionnerez, pour un niveau donné de votre choix (de A1 à C2), les productions orales
proposées dans des langues que vous dominez au moins partiellement (anglais, espagnol,
italien ou allemand), et vous les comparerez avec les corpus en français.
Repérez
Alliant systématiquement clarté et concision, les descripteurs du Cadre européen sont
toujours formulés positivement en termes de « est capable de » ou « peut » au lieu par
exemple de formulations telles que « ne maîtrise pas encore ». Repérez dans la grille
suivante pour l’auto-évaluation les mots clés qui peuvent caractériser chaque niveau.
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Bibliographie
BYRAM, M, la compétence interculturelle, éd du Conseil de l’Europe, Strasbourg, 2003
GOULIER, F., les outils du Conseil de l’Europe en classe de langue, Cadre européen
commun et Portfolios, Didier, Paris, 2005
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VAN EK, J.A., The Threshold level, Conseil de l’Europe, Strasbourg, 1975
ROSEN, Evelyne, Le point sur le Cadre européen commun de référence pour les langues,
Clé International, Paris, 2007
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