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Direction éditoriale : Stéphane Chabenat

Édition : Aurélie Le Guyader


Conception graphique : Isabelle Glomaud
Conception graphique de la couverture : olo. éditions

Les Éditions de l’Opportun


16, rue Dupetit-Thouars
75003 Paris
www.editionsopportun.com

ISBN : 978-2-38015-069-8

Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo.


À ma chère Séverine,
sans qui ce livre n’aurait jamais
pu voir le jour.
Faut-il régner au bureau ?
Petit manuel de management selon Kaamelott

« Choisissez un travail que vous aimez et vous n’aurez pas à travailler


un seul jour de votre vie », affirmait Confucius 1. La phrase peut prêter à
sourire. Elle contient pourtant une vérité fondamentale : l’espace
professionnel occupe une grande place dans notre existence. Il a donc un
impact sur notre développement personnel et notre épanouissement, deux
points fondamentaux pour accéder au bonheur.

La notion de travail, pourtant, prend un sens différent pour chacun de


nous. Elias de Kelliwic’h, le collègue de Merlin dans Kaamelott, voit par
exemple les choses d’une autre manière : « Dans la vie, faut bosser pour
personne, et il faut faire bosser personne ! C’est le secret de la liberté. » 2 Un
regard furieusement acerbe sur le monde du travail, qu’Arthur ne partage
probablement pas. Il faut dire que le roi de Bretagne revient de loin : après
s’être émancipé de Rome et ses légions, il est monté sur le trône, érigeant
Kaamelott, négociant pour fédérer les différents royaumes, le tout avec
l’ambition de conduire une quête divine : celle du Graal.

Pour mener à bien cette mission, il s’est entouré d’une ribambelle de


personnages hauts en couleur, parmi lesquels son équipe numéro 1 : les
chevaliers de la Table ronde. Mais face à des personnalités parfois
complexes, absurdes, lunaires, avides, ce N+1 a dû adapter son
management au jour le jour, du mieux possible, en essayant autant que
possible de ne pas se fourvoyer.

Manager une équipe s’accompagne en effet d’un lot de responsabilités


qui peut en faire trembler plus d’un : il y a la gestion directe du personnel,
les comptes rendus à sa propre hiérarchie, les salariés compliqués, ceux qui
dépassent systématiquement leurs objectifs… Et, au milieu de tout cela, une
production et une productivité attendues, qui prouveront que vous êtes le
leader idéal.

Et si nous nous inspirions des leçons qu’Alexandre Astier a distillées


dans son œuvre pour nous améliorer au quotidien ? Et si nous apprenions,
comme n’importe quel chef d’équipe, à définir les valeurs et les objectifs de
notre poste, de l’entreprise ? À développer nos compétences et celles de
notre staff ? À gérer les relations avec les collaborateurs pour que chacun y
trouve son compte, et que l’entreprise fleurisse ? Et qu’en est-il des clans
autonomes façon start-up de passionnés ?

Ce petit guide a pour ambition de vous aider au quotidien en tant que


manager, que vous soyez cadre, directeur, patron… Il se découpe en quatre
parties, rythmées par des exercices courts qui vous permettront de faire le
point sur votre façon de gérer les personnes que vous encadrez : une
approche didactique vous aidant à vous replacer en tant que professionnel
au sein de votre entreprise et dans votre secteur, suivie d’un travail plus
approfondi sur les thématiques liées strictement au management. La
dernière partie offre des pistes de réflexion, si vous êtes le big boss de la
boîte, pour vous aider à gérer au mieux vos équipes.

Être manager, c’est être un chevalier avec un peu plus de


responsabilités. C’est travailler avec l’humain et permettre à vos pairs de se
développer de façon positive. C’est aussi apprendre à jongler entre
l’encadrement strict et la productivité, particulièrement si vous êtes
également exécutant. Tournez donc la page, et débutez votre quête, non pas
d’un récipient ou d’une pierre incandescente, mais du parfait manager :
vous avez franchi la première étape. En avant vers vos nouvelles aventures !

1. Sur les Sentences du philosophe, lire notamment Confucius, Les Quatre Livres : la grande
wétude, l’invariable milieu, les entretiens de Confucius, les œuvres de Meng Tzeu, Scotts
Valley : CreateSpace Independent Publishing Platform, 2017.
2. Réplique d’Elias de Kelliwic’h (Bruno Fontaine), Kaamelott, Livre V, épisode 9.
Livre I

Kaamelott au bureau
L’espace professionnel est un monde à part, entend-on souvent. C’est
un lieu qui doit être clairement séparé de la sphère privée et ne pas
empiéter sur cette dernière. En théorie, l’idée est charmante. Elle est
pourtant bien souvent difficile à mettre en pratique. Pourquoi ? Parce que
l’être humain n’est pas une machine, il se définit par un grand nombre de
choses ; le travail en fait nécessairement partie. Il nous permet de gagner
notre vie, certes, mais nous offre aussi un statut, donc une représentation
sociale. Et pas seulement : notre job fait partie intégrante de ce que nous
sommes, car il est synonyme d’intérêts personnels et de compétences
spécifiques. C’est tout le sens du final du Livre VI de Kaamelott : Arthur
comprend que son identité dépend aussi de son statut de roi de Bretagne,
avec toute sa complexité, ses qualités et défauts, les défis et responsabilités
que sa fonction suppose : « Je suis le roi Arthur, je ne me désespère pas,
jamais je perds courage, je suis un exemple pour les enfants. » 1

Être heureux au boulot n’est pas toujours facile, et pour de multiples


raisons. On peut avoir un boss caractériel comme Arthur, avoir des Karadoc
comme collègues, supporter difficilement la pression d’une quête du
Graal… Ce type de situation est d’autant plus compliquée quand on manage
une équipe : crainte de se retrouver en porte-à-faux avec sa hiérarchie,
sentiment de trop en demander aux collaborateurs qu’on encadre, etc.

La première étape, dans le développement personnel au travail, c’est


d’apprendre à se connaître soi-même, à comprendre ce qu’on aime, ce
qu’on veut, comment on se projette. Léodagan par exemple connaît ses
objectifs (faire fructifier son pécule, assurer la gloire de sa descendance…)
et il aime son métier : la sécurisation du royaume, notamment, lui tient
particulièrement à cœur.
Mais avant cela, il est nécessaire de porter un nouveau regard sur
l’environnement matériel et humain dans lequel vous exercez votre
profession, qui joue un rôle important dans l’épanouissement individuel.

Ces premières leçons vous aideront à vous construire et vous affirmer


au bureau, un indispensable pour évoluer sainement (et sereinement).
N’oubliez jamais qu’un manager est un chevalier comme les autres, même
s’il a des responsabilités d’encadrement et de retours sur objectifs plus
importants. Vous serez ainsi, au fil des pages, amené à écrire sur le guide
pour :

définir vos objectifs ;


clarifier vos valeurs ;
améliorer votre productivité ;
vous épanouir plus sereinement dans le cadre professionnel.

Gardez en tête que rien n’est jamais figé ; ce petit guide pourra ainsi
vous aider à tout moment de votre carrière. Car, comme le dit Perceval,
dans le fond, « ce qui compte, c’est les valeurs. » 2

1. Réplique d’Arthur (Alexandre Astier), Kaamelott, Livre VI, épisode 9.


2. Réplique de Perceval (Franck Pitiot), Kaamelott, Livre II, épisode 72.
Épisode 1

Votre Kaamelott est un espace de vie

Derrière ses 16 130 pierres 1, la cité de Kaamelott est un lieu de travail


autant qu’un espace de vie. C’est là, bien souvent devant la Table ronde ou
dans la salle du trône, que sont prises les décisions du chef de l’État, après
discussions, s’il y en a, avec ses divers conseillers. Mais on y croise
également les épouses des chefs de clans, ou d’autres membre de la famille
à l’image d’Ygerne, des servantes, des courtisanes, des alliés de passage,
des ambassadeurs, des sujets habitués à la façon de Guethenoc…

C’est peu dire que le château brasse une jolie brochette d’énergumènes
en tout genre qui trouvent en ce lieu un espace de respiration, pour ne pas
dire un endroit où manger et dormir à l’œil !

Kaamelott est un endroit qu’on pourrait qualifier de polychrone, c’est à


dire qu’il n’a pas de fonction unique mais plurielle et disparate. Votre lieu
de travail, de la même manière, constitue un microcosme dans lequel vous
évoluez au jour le jour. Il a des fonctions :
sociale : vos rapports à vos collaborateurs, vos clients, vos
prestataires…
économique : élévation ou stagnation du niveau de vie ;
psychologique : l’affirmation de soi au travail, le fait d’assumer des
responsabilités…
identitaire : votre métier définit (en partie) ce que vous êtes ;
de plaisir : il vous apporte de la satisfaction, notamment stimulée par
des récompenses (financières en particulier) ;
de justice : le principe de l’égalité entre des collaborateurs situés au
même niveau hiérarchique est de mise.

Autant dire que nous n’allons pas au travail uniquement pour travailler.
Ce microcosme est positif dans un environnement sain car il vous permet de
vous élever ou, pour le dire autrement, de grandir et mûrir.

1. Kaamelott, Livre II, épisode 18.


1
Apprendre à s’épanouir dans son royaume

Que vous soyez roi, chevalier, valet, il vous faut apprendre à penser
votre espace professionnel comme un endroit où vous avez la possibilité de
vous épanouir. Le rapport au métier est considéré depuis longtemps comme
particulièrement aliénant pour des raisons économiques autant que sociales.
On travaille parce qu’on doit travailler. On le comprendra en remontant à
l’étymologie latine du terme : labor signifie tant « travail » que « peine » 1
et a donné en français le mot laborieux. On se référera aussi à la pyramide
de Maslow pour expliquer l’évolution du rapport au travail, partant des
besoins physiologiques primordiaux (la nécessité de survivre) jusqu’au
besoin d’accomplissement (le souhait d’être épanoui) 2.

La définition du bonheur au travail est complexe et varie selon les


individus.
Léodagan, par exemple, est sans doute beaucoup plus satisfait de son
métier qu’Arthur ne l’est du sien. Il suffit, pour s’en convaincre, d’observer
leur façon respective de vivre au jour le jour : le père de Guenièvre semble
plus épanoui que le roi, en proie permanente à des doutes existentiels.
Quelle en est la raison ? De nombreux paramètres entrent en considération,
et pas seulement économiques ou sociaux (hiérarchiques). On estime que
59 % des Français, tous secteurs et statuts confondus, se considèrent
globalement heureux de leur emploi 3. Qu’en est-il des 41 % restants ? Et
comment mesurer l’épanouissement personnel dans cette satisfaction ?

Être heureux au boulot passe par une forme d’apprentissage. Arthur


l’a bien compris : on ne naît pas avec une prédisposition au travail mais
avec une capacité à apprendre et à évoluer. C’est ce qui lui vaudra, avec
force intelligence, de gagner le royaume de Bretagne, un bien joli lot en
comparaison des légions romaines. Mais comment procède-t-il pour
supporter les responsabilités annexes à la quête du Graal ? Pourquoi décide-
t-il finalement de reprendre le flambeau à l’issue de son abdication et sa
tentative de suicide ? Parce qu’au fond, il apprécie son job, et il s’amuse (le
plus souvent) des difficultés inhérentes à son poste : des collaborateurs
lunaires (Perceval), ou peu concernés (Karadoc), un pilote de projet tête en
l’air (la Dame du Lac), des colériques (Léodagan), des quêtes qu’il juge peu
intéressantes, une tenue de travail – et surtout un casque – peu
confortable…

Pour y voir plus clair, listez ci-dessous ce que vous n’aimez pas dans votre
travail. Cela peut être de tout ordre : missions, rapports humains,
aménagement du bureau, salaire, etc.

Quêtes : _____________________

Chevaliers et autres collaborateurs : _____________________

Rétributions financières : _____________________

Autres : _____________________

Analysez chacune de vos notes et réfléchissez à un moyen de les rendre


positives. Par exemple, Arthur accepte les quêtes secondaires proposées par
la Dame du Lac car il y trouve ses intérêts. L’argent, certes, mais surtout le
défi et l’entraînement : c’est ainsi qu’il abandonnera la « petite quête
secondaire fastoche » 4 de la caverne au trésor, la jugeant trop facile et pas à
son niveau.

Notez en face de chaque tâche déplaisante un moyen de la rendre plus


excitante à vos yeux. Un travail chronophage, par exemple, peut être rendu
positif en se donnant un objectif concret (finir 30 % du dossier d’ici la fin
de semaine) ou en le rythmant avec des petits plaisirs (se faire un cadeau
quand on a achevé la moitié du dossier). De même dans les rapports
humains, vous pouvez vous lancer des défis personnels : faire rire un
collègue, placer une boutade en réunion d’équipe, etc.

Reproduisez le même mécanisme mais, cette fois, en vous concentrant


sur les aspects positifs de votre métier : sont-ils complètement
satisfaisants ? Existe-t-il un moyen de les rendre plus excitants encore ?

Cette technique ne vous permettra pas forcément de vous épanouir


entièrement dans votre poste, mais elle vous aidera à percevoir votre
quotidien professionnel autrement et à vous ouvrir à un nouveau
fonctionnement, qui vous convient mieux. Gérer une équipe suppose de
veiller à son bien-être et, indirectement, participer à son épanouissement.
En assumant ce rôle, vous devez être capable de trouver ce juste milieu qui
vous satisfera personnellement et qui laissera assez de place aux salariés
que vous encadrez pour qu’ils parviennent à se développer sereinement.

1. En latin : « Peine qu’on se donne pour faire quelque chose, fatigue, labeur, travail » (Félix
Gaffiot, Dictionnaire Latin-Français, Paris : Hachette, 1934).
2. Cette théorie, développée dès 1943 par le psychologue américain Abraham Maslow, entend
expliquer via une représentation pyramidale la hiérarchie des besoins, en fonction des
motivations et dans un ordre qui peut (mais pas nécessairement) être progressif. Les cinq
groupes de besoins identifiés sont les suivants : physiologiques, sécurité, appartenance et amour,
estime, accomplissement de soi. Cette théorie a depuis été remise en cause par différents
scientifiques, notamment pour son prétendu universalisme. Pour en savoir plus sur le sujet, lire
notamment Abraham Maslow, Devenir le meilleur de soi-même, Paris : Eyrolles, 2013 (1956
pour l‘édition originale).
3. Étude réalisée en 2019 par Viavoice sur un échantillon de 1 058 personnes en activité
professionnelle, représentatif de la population active française de 18 ans et plus.
4. Réplique de la Dame du Lac (Audrey Fleurot), Kaamelott, Livre III, épisode 65.
2
Un Kaamelott à votre image

Le château gouverné par Arthur, nous l’avons dit, est également un


espace de vie. Les chevaliers y dorment et y évoluent au quotidien auprès
de leur famille. Ce modèle n’est évidemment pas à prendre au pied de la
lettre, la séparation entre sphères professionnelle et privée reste
fondamentale pour une évolution saine. Pour autant, considérer le bureau
comme un espace froid et déconnecté de ce que vous êtes est une erreur.
Pourquoi ? Car notre cerveau fonctionne en s’aidant de repères, visuels en
particulier. Dans cette perspective, les études de psychologie
environnementale 1 ont mis au jour l’importance de l’aménagement de
l’espace personnel, y compris dans le cadre professionnel, pour permettre
une évolution individuelle et des rapports sociaux sains.

Dans Kaamelott, on apprécie la mode médiévale aux allures de pierres


de taille et de bois robuste. C’est un choix esthétique réfléchi, assumé, celui
d’Arthur en l’occurrence. Par opposition, le type d’aménagement choisi par
Lancelot pour asseoir son clan autonome est d’une infinie sobriété, proche
de la nature, ce qui n’est pas du goût de tout le monde. Guenièvre s’en
plaindra et tentera même d’ajouter un peu de délicatesse dans
l’environnement :
« J’avoue, parfois il m’arrive de penser qu’en modifiant légèrement
quelques bricoles, nous pourrions améliorer le cadre de vie, mais ce n’est
qu’un détail. […] Aujourd’hui j’ai taillé un peu les branchages autour de la
cabane parce qu’il y en avait drôlement besoin ! » 2
Guenièvre n’a pas tort ; on travaille mieux dans un environnement
agréable, et c’est aussi vrai pour un manager d’équipe que pour ses
collaborateurs eux-mêmes Mais comment faire ? Comme elle, cherchez un
moyen de rendre votre cadre de vie plus zen. Ce peut être en développant
son potentiel feng shui.

Disposez votre bureau dos à un mur, avec un espace libre devant,


mais jamais dos à la porte ou à une fenêtre. Vous assurez ainsi un lieu où
vous pouvez vous sentir en sécurité sans risquer de vous prendre l’épée
d’un chevalier dans le dos.

Lorsque vous quittez cet espace en fin de journée, pensez à toujours


ranger derrière vous, en particulier vos dossiers de travail, et à nettoyer.
C’est fondamental, car l’harmonie du lieu dépend aussi de son ordre ; évitez
donc d’empiler les documents comme le fait le Père Blaise 3, le meilleur
moyen pour n’y rien retrouver et se décourager.

Votre bureau doit être un espace traversé par l’air et la lumière, le


symbole du renouvellement de l’énergie. Aérez souvent, ou en tout cas plus
qu’Yvain ne le fait, et exploitez la lumière naturelle en ouvrant les rideaux
ou, à défaut, orientez-vous vers la luminothérapie. Bohort aurait été bien
heureux de disposer de cette option, lui qui dut aller en Andalousie pour
soigner sa déprime hivernale 4.
Si vous avez la possibilité d’aménager vous-même le mobilier du
bureau, privilégiez les courbes aux angles droits, par exemple avec des
meubles aux coins arrondis. Et pourquoi pas une table ronde, dans la droite
lignée d’Arthur lui-même ?

N’oubliez pas que votre bureau est à votre image. Ajoutez-y des repères
qui vous permettront de vous y retrouver : des plantes, photos, tableaux,
objets que vous aimez… Si Karadoc en avait l’autorisation, il n’hésiterait
pas une seule seconde à installer une cuisine dans la salle de la Table
ronde : faites de même, le saucisson en moins.
Le choix de l’aménagement du bureau dépend aussi du nombre de
salariés que vous encadrez. Gardez en tête qu’un poste de travail est
personnel. Vous ne devez pas être en mesure d’observer ce que les salariés
que vous encadrez font ou ne font pas : cette attitude passerait pour un
manque de confiance, et risquerait d’entraîner une situation de défiance à
votre égard, ce qui n’est pas souhaitable. Trouvez plutôt une solution afin
de respecter l’intimité des autres : prévoir une grande Table ronde pour des
réunions d’équipe où chaque collaborateur se sent au même niveau – évitez
par exemple de vous asseoir sur un trône imposant qui n’ajouterait que de la
distance entre eux et vous. Et, dans le bureau en tant que tel, évitez les
situations où un salarié ne se sent pas à sa place : Merlin, dépossédé de la
jouissance entière de son espace de travail au profit d’Elias, pourrait vous
en dire long sur le sujet. Choisissez plutôt la stratégie inverse : définissez
clairement où chaque collaborateur va travailler et s’épanouir, et traduisez-
le matériellement. Il est à peu près certain que le plus fidèle des salariés du
roi n’aurait pas pris la poudre d’escampette si Arthur avait aménagé le
bureau des enchanteurs de façon cohérente et transparente.
1. Sur le sujet, lire notamment Jean Morval, La Psychologie environnementale, Montréal :
Presses de l’Université de Montréal, 2007.
2. Répliques de Guenièvre (Anne Girouard), Kaamelott, Livre IV, épisode 11 et épisode 54.
3. Kaamelott, Livre V, épisode 27.
4. Kaamelott, Livre II, épisode 66.
« La joie de vivre
et le jambon,
y’a pas trente-six recettes
du bonheur ! »
1
Karadoc

1. Réplique de Karadoc (Jean-Christophe Hembert), Kaamelott, Livre III, épisode 93.


Profil no 1 : Décryptage
Apprendre à vivre avec un Karadoc
« Le gras, c’est la vie ! » 1
On a tous, parmi nos collègues, un indécrottable gourmand dont le
tiroir renferme, tel un coffre aux innombrables trésors, diverses sucreries
à consommer sur le court ou le moyen terme. C’est généralement le
même qui, dans les périodes de travail lourdes, affiche des lèvres
souillées de traces du chocolat dont tout le monde sait pertinemment
qu’une tablette au moins fit l’objet de l’heureux délit. Karadoc le
comprend, même s’il préfère troquer la sucrerie pour une part de
fromage ou un saucisson (entier, de préférence). Et, comme lui, le
gourmand dissimule parfaitement ses biens au regard des jaloux, de
manière à ne jamais se trouver dans une dramatique situation de pénurie,
particulièrement en cas de crise.

Il faut dire que le compère de Perceval est étonnant à plus d’un titre.
Sa capacité à ingurgiter le moindre aliment, même le pain produit par
Guethenoc (« C’est de la merde ! » 2), force le respect. Il le fait à toute
heure du jour et de la nuit mais en suivant un planning précis de 11
repas 3. S’il ne le respecte pas, il se sent à deux doigts du malaise :
« Sire, enfin, vous arrivez pour me sauver […] de l’hypolipémie ! […]
J’ai plus de gras dans le sang, je vais me mettre à peler, à perdre mes
cheveux ! » 4

Chose plus étonnante encore : il a développé au cours du temps une


étonnante réputation de conseiller gastronome et, en tant que spécialiste,
assume le plaisir (les bienfaits ?) du gras qu’il juge indispensable à sa
santé.
Il est certes rare de découvrir un saucisson dans le tiroir d’un de ses
collègues. Mais les sucreries diverses, gâteaux, bonbons, chocolat, y
sont généralement légion.
Lors de crises boulimiques caractérisées, le gourmand est plus
qu’agaçant, car son habitude masticatoire nous met l’eau à la bouche,
particulièrement quand on fait attention à sa ligne et que l’accusé, lui,
parvient à ne jamais prendre un gramme. On le maudit, on l’exècre
parfois, et on culpabilise quand il nous propose, sourire plaqué sur le
visage : « Tu veux un bout de chocolat ? »

Ce collègue n’est pas un monstre. Bien au contraire. Et pour parvenir


à le manager du mieux possible, il faut d’abord apprendre à le
comprendre. Cette consommation frénétique trouve une explication dans
la psychologie et s’apparente à une forme d’addiction :

la consommation peut être compulsive et servir à réduire le stress.


C’est ce qu’on appelle compenser ;

elle peut être délictueuse et constituer une marque d’affirmation de


soi : l’éducation nous impose un rythme alimentaire régulier
auquel nous ne sommes pas censés déroger ;

elle peut apporter un rythme dans une journée de travail, dans le


cadre d’une pause ou en guise de récompense ;

elle peut, enfin, être une réponse à l’ennui ou retarder d’autant le


moment d’attaquer une tâche que l’on repousse.

Le grignotage peut avoir d’autres explications. Il est dans tous les


cas synonyme d’une certaine forme d’angoisse, à la différence de
Karadoc, probablement, qui voit dans l’alimentation un objectif de vie –
pour ne pas dire le sens de son existence. Plutôt que de haïr
profondément le salarié que vous encadrez, prenez le temps, quand il
vous propose une sucrerie, de faire une pause avec lui, boire un café,
sortir prendre l’air. Si le moment se présente, vous pouvez lui expliquer
que vous avez le sentiment qu’il n’a va pas bien, qu’il se sent peut-être
débordé par son travail, et que vous êtes en mesure de lui venir en aide.
En plus de la cohésion d’équipe, cet échange humain vous permettra à
l’un et l’autre de prendre un peu de distance avec votre travail en
profitant d’un court moment plaisant.

Attention néanmoins, s’il vous propose un morceau de gigot, il est


sans doute fondamentalement karadoquien ; il refusera probablement le
café au profit d’une bonne goulée maltée. Autant dire que la journée,
aux effluves vinaigrées, risque de se terminer sous des auspices plus
joyeux mais moins productifs ! Prudence, donc.

1. Réplique de Karadoc (Jean-Christophe Hembert), Kaamelott, Livre II, épisode 76.


2. Ibid. , épisode 68.
3. Ibid. , épisode 76.
4. Ibid. , épisode 92.
Épisode 2

Définissez votre quête du Graal

Être ou ne pas être un chevalier. Telle est la question qui taraude tout un
chacun dans son quotidien professionnel. Et le bureau, à la façon d’un
château fantasmé du royaume de Bretagne, se déploie en un labyrinthe de
possibilités pour vous permettre d’évoluer sereinement dans vos rapports
avec votre boss, vos collègues, vos prestas – et même ce petit stagiaire
arrivé il y a quelques semaines et auquel on a quand même un peu envie de
s’attacher.

Être chevalier, ce n’est pas facile tous les jours. Il y a des matins où l’on
est revêche, où l’on a envie d’envoyer valser le roi avec sa satanée lubie du
Graal, voire de prendre le baluchon pour se frayer une voie romaine vers
une destination inconnue, tant que c’est loin de Tintagel et de ses
célébrations. Ces matins-là, on se questionne : est-on vraiment fait pour ça ?
a-t-on le bagage suffisant pour combattre un dragon ? et les quêtes de la
Dame du Lac, ne serait-ce pas plutôt pour une autre pomme que la sienne ?

Douter est fondamental. Et c’est une bonne chose. Dans l’univers


professionnel, se remettre en question nous amène à faire des choix
conscients et à évoluer. Être statique dans le travail est humainement
impossible. Mais comment faire ? Et par quoi commencer ?

Il faut d’abord bien saisir notre fonctionnement dans la sphère


professionnelle. Le but de tout individu est de parvenir à avancer dans sa
carrière tout en respectant ses valeurs personnelles et ses objectifs. Ces trois
points sont interdépendants, c’est à dire qu’ils dépendent l’un de l’autre et
se répondent nécessairement. C’est ce qu’on appelle un cercle vertueux.
Prenons un exemple concret. Dans Kaamelott, Arthur a :
un objectif : trouver le Graal ;
des valeurs : être entouré de ceux qu’il aime, assurer sa
construction psychologique, sa descendance… ;
des finalités d’avancée de carrière : la quête lui permet
d’affirmer son statut d’élu et d’obéir aux exigences de sa
hiérarchie (c’est à dire, symboliquement, les dieux).

Comparons alors cette structure à un autre personnage qui se donne le


même objectif. Perceval a :
un objectif imposé : trouver le Graal ;
des valeurs : être loyal ;
des finalités d’avancée de carrière mal définies mais réelles :
assurer sa place aux côtés d’Arthur, devenir chef de clan…

La nuance entre les objectifs, valeurs et avancée de carrière d’Arthur et


de Perceval sont tout à fait comparables. Ce ne sont pourtant pas tout à fait
les mêmes. Si l’objectif professionnel est similaire (trouver le Graal), la
mise en œuvre pour le faire sera nécessairement divergente car leurs valeurs
et finalités d’avancée de carrière respectives ne correspondent pas tout à
fait. En tant que manager, vous devez comprendre que le salarié que vous
encadrez est une personne différente de vous, qui est accepté dans son poste
pour d’autres finalités que les vôtres.
1
Tout chevalier a des valeurs

Le concept de valeur a de multiples définitions. En philosophie et en


psychanalyse, il correspond à toute forme d’idéologie universelle et/ou
individuelle qui anime notre façon d’être, définit notre essence, mais aussi
stimule notre façon d’agir dans une recherche personnelle de plaisir, ou tout
au moins de satisfaction 1.

Nous sommes tous pétris de valeurs, dont nous avons conscience ou


non. Par exemple, parmi celles de Lancelot, nommons l’amitié, celle
notamment pour Arthur qui le poussera à sauver son ami du suicide 2. La
loyauté est également essentielle pour lui, et c’est bien là l’origine de son
mal-être quand il décide d’abandonner Kaamelott et de vivre avec
Guenièvre. Cette relation passionnelle rejoint une autre de ses valeurs :
aimer et être aimé, d’où sa constante aspiration à l’amour courtois digne du
Lancelot légendaire. En lien avec cette attitude, il se place toujours dans
une démarche d’aide aux plus faibles ; c’est ainsi qu’il sauvera Karadoc fait
prisonnier 3.

Si nos valeurs tiennent un rôle essentiel dans notre façon de vivre et de


penser le monde, elles ont également un impact certain sur notre manière de
travailler, influent sur nos choix et, de fait, sur nos perspectives d’avenir
professionnel. Elles sont nos sources de motivation.
Penchons-nous sur le cas de Léodagan : le roi de Carmélide aime
l’argent. Derrière cette valeur en existe une deuxième : l’attrait du pouvoir.
Et il peut y en avoir d’autres encore : le besoin de reconnaissance,
l’excitation du défi, l’attrait du combat…
Concentrons-nous maintenant sur ses valeurs positives. Léodagan est
une figure d’autorité :
il a confiance en lui ;
il sait ce qu’il veut ;
il sait s’amuser (certes, le plus souvent en brûlant des gens 4) ;
il aime se battre ;
il aime avoir raison ;
il aime diriger…

Définir clairement vos valeurs personnelles vous aidera, comme le


beau-père d’Arthur, à saisir ce que vous voulez dans le travail et ce vers
quoi vous souhaitez évoluer.

Pour comprendre vos valeurs, réservez-vous du temps pour vous : c’est le


début de l’introspection.

Fouillez dans votre mémoire et souvenez-vous des moments qui


vont ont apporté de la joie et de l’apaisement au travail. Notez dans le
tableau suivant les émotions et sentiments qui ont accompagné ces
périodes. Faites de même pour les moments de tristesse.

Demandez-vous quelles émotions vous avez ressenties, et pourquoi.


Sentiment d’accomplissement ? d’injustice ? de faute ?

Notez alors, en face de chaque moment, la façon dont vous auriez


idéalement souhaité que ça se déroule.
Synthétisez ces notes en un adjectif : c’est une valeur.

Prenons un exemple hypothétique mais néanmoins concret :

Le Père Blaise est irrité par les récits d’aventures de Perceval dont
les détails changent en permanence. Il se met en colère : « Apportez-les
vous-même, les modifications, moi j’en ai marre, j’arrête ! » 5

Il a un sentiment d’échec et de frustration.

Il aurait pu souhaiter que Perceval synthétise ses récits avant de les


mettre lui-même en scène à la façon de chroniques médiévales.

Les valeurs correspondantes sont multiples : il aime le travail bien


fait (perfectionniste), il aime les récits bien construits (logique) et bien
écrits (érudit).

SOUVENIRS ÉMOTIONS ADAPTATION VALEUR


(POSITIFS OU RESSENTIES DU SOUVENIR
NÉGATIFS)

Les récits de Échec frustration Perceval synthétise Perfectionniste,


Perceval, colère le récit de ses logique, érudit
aventures

Les valeurs jouent un rôle essentiel dans les objectifs personnels. Plus
encore, on pourrait dire que sans valeurs il ne peut y avoir d’objectifs. Et
pour cause, les buts que l’on se donne résultent de la recherche individuelle
d’une forme d’accomplissement. Pour le dire autrement, ils donnent du sens
à notre existence et justifient la quête de plaisir.

1. Sur le sujet des valeurs, lire notamment Jean-Marc Ferry, Valeurs et normes. La question de
l‘éthique, Bruxelles : Éditions de l‘Université de Bruxelles, 2020 et Christine Chataigné,
Psychologie des valeurs, Paris : De Boeck, 2015.
2. Kaamelott, Livre V, épisode 50.
3. Kaamelott, Livre VI, épisode 5.
4. Kaamelott, Livre III, épisode 2. Dans cet épisode, Léodagan subit une période de déprime.
Sa fascination pour l‘homicide, bien connue à Kaamelott, s‘éteint brutalement, inquiétant son
entourage jusqu‘à Arthur lui-même. Après une courte période de détente en Carmélide, il
revient en pleine forme et brûle 43 condamnés : « 43 exactement, parce que le voleur de l‘autre
fois, je l‘ai coupé en dés et je l‘ai donné à bouffer aux porcs. Oui, parce que c‘est thématique
avec la faute. Oh et puis merde hein ! Ça change un peu ! » – Réplique de Léodagan (Lionnel
Astier).
5. Réplique du Père Blaise (Jean-Robert Lombard), Kaamelott, Livre I, épisode 51.
2
Quelle(s) quête(s)pour quel chevalier ?

Définir clairement ses objectifs est la deuxième étape fondamentale de


tout développement personnel dans la sphère professionnelle.
Concrètement : que voulez-vous ? quels sont vos buts dans le travail ?

Pour y voir plus clair, revenons sur Léodagan. Ses objectifs sont
multiples.

Certains sont inhérents à ses responsabilités en tant que chevalier de la


Table ronde et chef de guerre ; la défense du royaume fait partie de ses
tâches. Son objectif, dans cette perspective, est de répondre aux attentes de
sa hiérarchie (c’est à dire d’Arthur) pour mener à bien ses missions (comme
sécuriser le château).

Léodagan a également des obligations en tant que chef de clan (c’est à


dire roi de Carmélide). Son rôle est d’ailleurs fondamental dans le tissage
des relations entre Rome et les royaumes bretons indépendants, ainsi que
dans le jeu d’échecs politique qui se déploie quand Arthur prend le
pouvoir ; c’est ainsi qu’est décidé le mariage avec Guenièvre, au grand dam
du roi qui vient de célébrer ses noces avec une autre 1.
Enfin, Léodagan définit des objectifs qui lui sont personnels : rester, avec
Dame Séli, du côté du pouvoir, donc auprès du roi, et en profiter pour se
composer une petite fortune. Le changement d’épouse d’Arthur interroge
alors violemment son statut : « C’est à dire que si vous n’êtes plus mes
beaux-parents, je ne vois pas bien de raisons de vous voir crécher chez moi.
Ça sera peut-être une bonne occasion de réinvestir votre cabane en
Carmélide. » 2

Définissez une liste exhaustive d’objectifs professionnels en vous


aidant du tableau précédent. Cela vous permettra de mieux cerner le
chevalier qui sommeille en vous. Les réponses peuvent être de tout ordre.
Perceval, par exemple, s’est donné comme objectif de rester aux côtés du
roi, une figure d’autorité manifeste à ses yeux. Léodagan, lui, travaille pour
l’argent (en partie), Lancelot pour la reconnaissance morale… N’hésitez pas
à être prolixe !

Entourez ensuite 10 objectifs qui sont les plus importants pour


vous. Vous venez de définir vos objectifs professionnels.

Remettez en lien ces 10 objectifs avec vos valeurs au travail en


complétant le tableau puis classez-les par ordre de faisabilité en
commençant par 1. Cela pourra par exemple donner :
1. finir un projet ;
2. demander une augmentation ;
3. monter mon entreprise.
OBJECTIFS OBJECTIFS SUR OBJECTIFS SUR VALEURS
IMPOSÉS LE MOYEN LE COURT
TERME TERME
Vos responsabiltés
dans le travail Que m’apporte Quel rôle à mon
mon métier au métier dans mon
quotidien ? avenir
professionnel ?

1. Kaamelott, Livre VI, épisodes 6 et 8.


2. Réplique d’Arthur (Alexandre Astier), Kaamelott, Livre IV, épisode 24.
« J’irai me coucher quand
vous m’aurez juré qu’il
n’y a dans cette forêt
pas d’animal plus
dangereux que le lapin
adulte ! »
1
Bohort

1. Réplique de Bohort (Nicolas Gabion), Kaamelott, Livre I, épisode 61.


Profil no 2 : Décryptage
Comment survivre à un Bohort ?
« Faut que j’enlève mon armure, sinon
il va se passer quelque chose d’atroce. » 1
Parmi les personnages marquants de la légende arthurienne, Bohort
figure au plus haut rang : chevalier estimé, il sera de ceux qui iront
jusqu’au bout de la quête du Graal. Dans Kaamelott, c’est une autre
histoire. Caractérisé comme un pleutre, il semble moins intéressé par son
métier que par ses loisirs, à l’image de l’organisation – ô combien
compliquée – de la fête du printemps. La guerre le terrifie et il fera tout,
s’il en a la possibilité, pour troquer une bataille par des négociations,
quitte à brader l’ensemble des terres du royaume 2. En outre, il n’a
jamais fait ses classes, c’est à dire qu’il n’a reçu aucune formation
militaire, un impératif pour être chevalier. Comment manager ce type de
collaborateur ?

Reprenons :
il a peur des armes et conspue le concept de guerre, prenant
n’importe quel prétexte pour éviter le combat : « Ennemi ou pas
ennemi, je refuse d’être menacé ! Imaginez que ça s’envenime et
qu’on en vienne aux mains… » 3 ;
il craint les animaux de la forêt, au rang desquels les faisans, « des
oiseaux de quatre pieds de long, je m’excuse du peu, mais je trouve
ça parfaitement terrifiant » 4 ;
il est parfois lâche, ou plus exactement fort impressionnable,
préférant par exemple donner toutes les femmes du royaume à Attila
plutôt que d’entrer en discussion avec lui : « Notre dernière heure a
sonné ! » 5 ;
il a une attitude d’enfant vis-à-vis d’Arthur, qui s’apparente à un
rapport affectueux de dépendance face à cette figure d’autorité ;
il hait le climat breton et préférerait délocaliser le château dans des
contrées plus chaudes, une situation qui le fait parfois glisser dans de
courtes périodes de dépression : « Y en a marre de ce temps de
merde, Sire ! On ne peut pas mettre le nez dehors sans attraper une
fluxion de poitrine ! » 6
Dans la sphère professionnelle, on tombe parfois sur des collègues
craintifs, et notamment dans leur rapport à la hiérarchie et à l’autorité.
Or, un salarié en retrait n’est pas nécessairement symbole de désintérêt
par rapport au travail. D’un point de vue psychologique, cette attitude
peut couvrir différents types de troubles anxieux, qui vont de la simple
timidité à la phobie sociale. Le sentiment de peur au travail peut aussi
s’étendre à la production en tant que telle. Pourquoi ? La nouveauté, par
exemple, peut être source de stress : de nouvelles méthodes de travail
imposées, un collègue qui vient d’être embauché, une modification des
espaces du bureau…
Face à votre Bohort ou dans son dos, évitez les peu subtils « il a peur
de tout », « il n’est pas courageux », « il n’est jamais satisfait », des
remarques moins constructives que blessantes et qui n’auront pour effet
que de l’isoler plus encore du reste de l’équipe.
Apprenez au contraire à l’aborder, à le connaître, à le comprendre.
Les personnes facilement sujettes aux poussées de stress présentent
généralement une grande sensibilité et un regard réfléchi sur leur
environnement.
Ces qualités humaines peuvent être des plus au travail : votre Bohort
sera par exemple très efficace dans les relations avec des clients, des
prestataires, en communication interne… Elles joueront également un
rôle fondamental et enrichissant dans les rapports entre collègues, et
particulièrement si votre boss organise des team buildings ou toute sortie
visant à la cohésion de la boîte : c’est peut-être lui qui, à la manière de la
fête du printemps, trouvera les bonnes idées pour enchanter tout le
monde !

1. Réplique de Bohort (Nicolas Gabion), Kaamelott, Livre I, épisode 61.


2. Kaamelott, Livre I, épisode 10.
3. Ibid., Livre II, épisode 14.
4. Réplique de Bohort (Nicolas Gabion), Kaamelott, Livre I, épisode 61.
5. Ibid., Livre III, épisode 17.
6. Réplique de Bohort (Nicolas Gabion), Kaamelott, Livre II, épisode 66.
Bilan

Le bonheur, autour de la Table ronde

Pour beaucoup de Français, le travail est synonyme de contraintes mais


aussi de flexibilité, une réalité d’autant plus forte avec le déploiement
massif du télétravail suite à la période de crise sanitaire. Pourquoi des
contraintes ? Trop de stress, trop d’ennui, des méthodes insatisfaisantes, un
salaire jugé insuffisant, une absence de reconnaissance, des conditions de
travail précaires… Les raisons ne manquent pas. C’est aussi un état d’esprit,
lié à l’histoire (les 35 heures, par exemple) et à une culture commune : on
estime que 70 % des Français considèrent leur travail comme « très
important » 1, une importance qui peut renforcer d’autant, on le déduit, le
potentiel sentiment de malaise dans la sphère professionnelle.
On peut parler de crise des valeurs au travail, une expression que
mesurent aujourd’hui nombre de sociologues et psychologues 2. Cette crise,
c’est par exemple celle d’Arthur, dans Kaamelott. Dès le Livre IV, il met en
question son statut, interrogeant d’un côté son essence en tant qu’humain (à
quoi je sers ? quel est le sens de ma vie ?) mais surtout son statut de roi
(quel est le sens de mon travail ? quel rôle y joue la quête du Graal ? et
qu’en est-il de ma descendance ?). Ce questionnement est limpide dans
l’une des répliques qui annonce le dénouement de la série (sa tentative de
suicide avant son retour à la vie) : « Pour le Graal, j’ai bâti une forteresse,
moi. Kaamelott, ça s’appelle. J’ai été chercher des chevaliers dans tout le
royaume. En Calédonie, en Carmélide, à Gaunes, à Vannes, au Pays de
Galles. J’ai fait construire une grande table, pour que les chevaliers
s’assoient ensemble. Je l’ai voulue ronde, pour qu’aucun d’entre eux ne se
retrouve assis dans un angle, ou en bout de table. C’était compliqué, alors
j’ai essayé d’expliquer ce qu’était le Graal, pour que tout le monde
comprenne. C’était difficile, alors j’ai essayé de rigoler pour que personne
ne s’ennuie. J’ai raté, mais je veux pas qu’on dise que j’ai rien foutu, parce
que c’est pas vrai. » 3

Pour autant, le monde professionnel n’a pas à être si manichéen. En


réintroduisant progressivement vos valeurs dans le travail, vous faites un
exercice d’acceptation (des tâches, des responsabilités) et vous vous
autorisez à y prendre du plaisir : autant de marches qui vous mèneront sur le
chemin de l’épanouissement. En aidant un salarié à entreprendre le même
travail sur lui-même, par exemple en organisant des ateliers déconnectés de
la production de l’entreprise, vous l’aidez à se réaliser en tant qu’humain et
en tant que professionnel. Il en tirera une satisfaction qui jouera un rôle
concret, en matière d’objectifs personnels, qui sera nécessairement positive
pour l’évolution de l’entreprise.
Mais le bonheur au travail, au fond, qu’est-ce que c’est ? Gageons
qu’Arthur n’en a pas la même définition que Venec ou Guethenoc ! Cet état
d’esprit dépend de :
l’aspect ludique : s’amuser au travail ;
l’aspect social : être intégré, et en lien avec un environnement
humain ;
l’aspect économique : être rémunéré à sa juste valeur ;
l’aspect psychologique, beaucoup plus complexe : se sentir en
sécurité, compétent, fier de son travail, écouté, donner du sens à
ses propres tâches…

Nous possédons tous des talents qui nous sont propres et peuvent être
utilisés dans le domaine professionnel. Perceval a par exemple une
incroyable capacité de calcul, qui aurait pu être mise à profit dans le cadre
4
de ses missions de chevalier . Arthur, en tant que manager, a manqué
l’occasion d’exploiter cette force. Prenez plutôt le parti inverse et employez
les qualités de vos salariés pour faire fructifier votre équipe.
Apprenez à affirmer ce que vous êtes, ce que vous aimez au travail, et à
exploiter vos compétences personnelles (dessin, musique, sport,
mathématiques, etc.) et celles de vos collaborateurs pour en faire un plus
dans la boîte : cette étape est nécessaire pour s’affirmer au travail, mais
aussi dans sa vie privée.

1. « Le travail occupe une place centrale dans la vie des Européens : seule une minorité de
personnes interrogées – moins de 20 % dans quasiment tous les pays – déclarent que le travail
n’est « pas très important » ou « pas important du tout » dans leur vie. […] La France occupe
une position singulière : elle se distingue des pays continentaux et méditerranéens par une
proportion plus importante d’habitants – de l’ordre de 70 % – pour lesquels le travail est « très
important ». » – Lucie Davoine, Dominique Méda, « Quelle place le travail occupe-t-il dans la
vie des Français par rapport aux Européens », dans Informations sociales, no 153, 2009/3.
2. Lire notamment Michel Borgetto, « « Crise des valeurs » et fonctionnement social »,
Informations sociales, 2006/8 (no 136) et Diane Girard, « Conflits de valeurs et souffrance au
travail », Éthique publique. Revue internationale d’éthique sociétale et gouvernementale, Nota
bene, vol. 11, no 2, 2009.
3. Réplique d’Arthur (Alexandre Astier), Kaamelott, Livre V, épisode 49.
4. Il n‘utilisera cette capacité à bon escient qu‘une seule fois à l‘occasion d‘un affrontement
entre les légions de Kaamelott et une armée ennemie : « On est 112, et les autres d‘en face ils
sont 744 […] en comptant les 13 du commandement. […] Je les ai bien vus, tout à l’heure, du
haut de la colline ! » – Réplique de Perceval (Franck Pitiot), Kaamelott, Livre II, épisode 18.
Étude de cas
Le management dont vous êtes le héros

Avant de poursuivre la leçon, complétez le petit exercice suivant. Vous


êtes Arthur et devez manager différents chevaliers face à une situation
problématique. Entourez la bonne attitude à adopter dans ces cas très
spécifiques. Vérifiez ensuite les solutions à la fin de l’exercice. Si vos
réponses ne sont pas correctes, demandez-vous pourquoi : avez-vous été
assez attentif à votre salarié ? Y avait-il une autre manière de réagir pour
mettre ses compétences en valeur sans entrer en contradiction avec les
objectifs de la Table ronde ? Et pourquoi ? N’hésitez pas à retravailler
certains points de la leçon précédente afin de vous en imprégner
complètement.
Situation 1

Perceval arrive en courant vers vous. Il vous annonce, tout fier, qu’il vient
de réaliser une analyse poussée de l’évolution du nombre de saucissons
dans le garde-manger du château, en prenant en considération le déficit
causé par la consommation hypothétique de son ami Karadoc, en partant
d’une moyenne calculée à l’aide trois échelles : quotidienne, mensuelle,
annuelle. Il souhaite votre avis sur cette fameuse variable qui pourrait, lui a-
t-on dit, bouleverser le résultat de l’étude. La variable, c’est pas un aliment,
vous demande-t-il ?

A. Vous l’observez, l’œil fatigué et le cerveau en ébullition. On s’en contrebalance des

saucissons, lui répondez-vous. On n’est pas à Kaamelott pour observer la consommation frénétique

de Karadoc, mais pour chercher le Graal ! Vous en êtes où, dans cette foutue quête ? Et ne me parlez
plus de variable ou vous vous prenez un pain !

B. Vous l’observez, le regard attendri, et lui expliquez posément que vous n’êtes pas opposé à
ce qu’il prenne sur son temps libre pour établir ce type de calcul mais que sa priorité, comme celle

des autres chevaliers, n’est autre que la quête du Graal. Il serait bon qu’il s’investisse autant dans

cette recherche que dans l’observation de la consommation de saucisson au château. Et non, la

variable n’est pas un aliment.


C. Vous l’observez, le sourire aux lèvres. Vous lui expliquez que cette capacité de calcul est

extraordinaire et vous l’invitez à réfléchir avec vous sur la meilleure façon d’exploiter cette force

dans le cadre de la recherche du Graal. Et le saucisson, on en reparlera au souper.


Situation 2

Au cours du repas, Léodagan vous annonce qu’il vient de commander


plusieurs centaines d’arbalètes qu’il prévoit d’installer sur le perron de
chacune des fenêtres du château. C’est une priorité, s’enflamme-t-il, il faut
que Kaamelott puisse se défendre en cas d’attaque surprise. Si c’est en
pleine nuit et que vous avez encore votre flanelle sur le dos, vous serez bien
content de pouvoir faire un tir au sortir du lit, sans même avoir besoin
d’enfiler votre armure. Alors, content ?

A. Vous marquez un temps d’arrêt et prenez la nouvelle avec le plus de distance possible.

Vous êtes un spécialiste de l’armement, félicitez-vous Léodagan, et j’ai une entière confiance en vous

sur un incalculable nombre de sujets liés au domaine militaire. Attention néanmoins, ce type de

commande représente un coût considérable que le royaume ne peut pas forcément se permettre. Vous

l’invitez alors à revoir avec lui la procédure afin que vous puissiez intervenir dans la décision avant
l’officialisation de la commande.

B. Vous êtes hors de vous et entrez dans une colère noire : avant de dilapider les finances du

royaume, exultez-vous, il serait peut-être opportun d’établir un devis et de discuter de ce type de


décision ensemble. La Table ronde sert aussi à ça. Une bonne fois pour toutes, respectez la

procédure ! Ou l’arbalète, je ne m’en servirai pas contre l’ennemi auquel vous pensez !
C. Vous êtes ravi. Vous savez pertinemment que Léodagan fait du très bon boulot et vous

avez entièrement confiance en lui. Certes, cet achat représente une petite fortune pour Kaamelott

mais, après tout, si le spécialiste pense la commande indispensable, vous ne voyez pas le problème.

Vous aurez toujours le temps de faire des économies, sur le saucisson par exemple.
Situation 3

Lancelot arrive au château sur son cheval, très fier, et vous explique, l’air
légèrement hautain, qu’il a passé la semaine à chercher des indices sur le
Graal et qu’il en a profité pour sauver une dizaine de personnes des mains
de certains des bandits qui traînent dans le royaume de Bretagne. Il a le
sentiment d’avoir bien avancé en vue de cet objectif mais craint d’être le
seul à se préoccuper tellement de la question. Même vous, vous accuse-t-il
avec un sourire amical, êtes moins intéressé par cette glorieuse quête
émanant des dieux que par votre quotidien seigneurial.

A. Vous retenez votre colère, mais vous ne vous laisserez pas traiter ainsi par votre

subordonné. Vous lui répondez calmement que vous êtes très satisfait de son job et que vous êtes ravi

qu’il soit dans votre équipe. Néanmoins, poursuivez-vous, il n’est jamais opportun de reprocher aux
autres de mal faire leur travail sous prétexte qu’ils le font différemment. Vous lui expliquez que vous

êtes le manager et que vous n’avez pas à justifier votre rôle au sein de l’équipe : « il y a des

responsabilités qui m’incombent et que vous ne soupçonnez pas. » Vous lui rappelez que vous êtes

très content de son travail mais que ce type d’invective ne doit pas se reproduire.

B. Vous vous mettez en colère : vous n’avez pas à vous justifier. Vous êtes le chef d’équipe

et, fort de ce statut, vous la dirigez de A à Z ! Seigneur Lancelot, gardez pour vous vos reproches et
travaillez plutôt vos rapports humains. Je suis content de votre job, certes, mais votre manière de

vous mettre toujours au premier plan, au détriment de l’ensemble des autres chevaliers, est tout

bonnement insupportable. À bon entendeur !

C. Vous rougissez et le regardez sans trop savoir que répondre. Vous n’avez pas tort, seigneur

Lancelot, vous êtes sans doute le chevalier le plus qualifié et le plus performant de l’équipe. Sans

vous, je ne suis pas sûr que l’objectif du Graal puisse être réalisable. Ne croyez néanmoins pas que je

me contente d’absorber votre travail sans rien faire de mon côté. Être roi, vous savez, est plus
compliqué qu’il n’y paraît : il y a les doléances, les stratégies de guerre, les cérémonies protocolaires,

les réunions avec la Dame du Lac, la gestion des royaumes fédérés et de ceux ennemis… Je suis bien

occupé, et c’est pourquoi vous faites un excellent bras droit.


Situation 4

Vous croisez Bohort dans un couloir du château. Il a l’œil un peu effrayé et


cela vous intrigue. Vous le questionnez. Ah, Sire, répond-il en roulant les
yeux, je reviens de la cuisine où j’ai croisé notre bien-aimé Karadoc. Il
s’empiffrait, oserais-je le dire, de plusieurs kilos de saucissons que j’avais
mis de côté, dans un placard spécial, pour la fête du printemps. Quand je
l’en ai informé, il m’a répondu qu’il resterait probablement deux ou trois
saucisses pour ravir les convives. Je ne sais que faire. Peut-être annuler
notre célébration adorée…

A. Vous explosez de rire et envoyez une violente tape affectueuse dans son dos. Allez,

seigneur Bohort, ce n’est pas grave. Les gens ne célèbrent pas le printemps en graillant de la

charcute. Ne vous bilez pas tant. On pourra très bien remplacer cette victuaille par des fruits et des
graines. Vous êtes probablement le seul, de toute façon, à trouver un intérêt dans cette fête annuelle.

Si ça ne tenait qu’à moi…

B. Vous posez une main sur son épaule, geste que vous espérez rassurant, et le regardez dans

les yeux. Ce n’est pas grave, seigneur Bohort, nous trouverons une solution adéquate en

remplacement du saucisson. L’attitude de Karadoc n’est pourtant pas acceptable. Je le convoquerai

pour le réprimander et l’inviterai à vous aider dans l’organisation des buffets de cette célébration.
Vous le remerciez de vous avoir averti de ce problème et entamez un nouveau sujet pour lui libérer

l’esprit : avez-vous pu avancer dans la recherche du Graal ?

C. Vous levez les yeux au ciel et posez une main ferme sur son épaule pour éviter qu’il ne file

dans le couloir. Seigneur Bohort, commencez-vous en prenant sur vous pour ne pas vous mettre en

colère, je vous ai dit cent fois de ne pas laisser les victuailles des banquets dans le garde-à-manger.

Depuis combien d’années êtes-vous à Kaamelott ? Cinq ans ? Six ans ? Vous savez pertinemment que

le seigneur Karadoc s’empare de tout ce qui s’y trouve. Ne venez pas vous en plaindre maintenant.
Bonnes réponses : 1. C. ; 2. A ; 3. A ; 4. B.
Livre II

Devenez chevalier : apprenez à croire


en vous et en votre équipe
Telle une entreprise de taille respectable, Kaamelott renferme en son
enceinte un bon paquet de personnages plus différents les uns que les
autres. On y trouve des malfrats à l’image de Venec, des paysans, comme
Guethenoc et Roparzh, des maîtresses, des serviteurs, des gens de passage,
invités ou non, plus ou moins prestigieux, les épouses et enfants des nobles,
un prêtre scribe, et des chevaliers.

Autant de compétences qui permettent de gérer un royaume


parfaitement. Mais cette joyeuse marmaille ne brille pourtant pas par son
efficacité, au grand dépit d’Arthur dont la quête, celle transcendante du
Graal, semble s’éloigner un peu plus chaque jour. Il faut dire que son équipe
de chevaliers, officiellement désignés lors de cérémonies autour de la Table
ronde, ne se distingue pas particulièrement par son efficacité et son
dynamisme. Lancelot est peut-être le seul qui semble s’intéresser un tant
soit peu à la question ; le second du roi porte son titre à la merveille. Mais
rappelons encore que cet ami fidèle et loyal 1 est le premier à le trahir,
d’abord en fondant un clan indépendant, ensuite en enlevant la reine.

Être chevalier, qu’est-ce cela signifie au juste ? Autour d’Arthur, le


groupe est au service du chef. Il est ainsi, en fonction des exigences de la
hiérarchie et de l’actualité, en charge de missions très spécifiques : une
principale, la recherche du Graal, d’autres secondaires, comme récupérer un
trésor, chasser un dragon… Un chevalier travaille en outre en communauté
lors de ses missions et durant les combats. Pour ce faire, le groupe est
constitué de pilotes de projet qui définissent les stratégies, de guerre
notamment.

Les chevaliers de la Table ronde sont la représentation d’une équipe au


travail, où chacun a une tâche spécifique (la guerre, la sécurité, les relations
étrangères, le folklore, les doléances…) et apporte quelque chose de par ses
compétences et sa sensibilité.
Comment s’affirmer dans cet univers ? Et de quelle manière
valoriser ses acquis et ceux des salariés que vous encadrez tout en les
perfectionnant ? Être manager, c’est être capable de soutenir les
collaborateurs de son équipe tout au long de leur carrière dans l’entreprise.
Arthur est par exemple très attentif à l’évolution de ses chevaliers, même si
les reproches pleuvent plus souvent que les compliments. Il sera par
exemple amené à soutenir indirectement Lancelot quand ce dernier décidera
de faire route seul 2, considérant que le choix de carrière est en premier lieu
personnel. Et cette décision sera payante au moment où son bras droit
réapparaîtra, après une longue épopée, et lui sauvera la vie, renforçant de
cette manière les liens entre le manager et son salarié.

1. L’épithète est choisie par Lancelot lui-même pour se caractériser lors de l’entretien préalable
à son intégration à la Table ronde : Kaamelott, Livre VI, épisode 3.
2. On peut considérer l’absence de réaction d’Arthur, au moment du départ de Lancelot, comme
une manière de laisser au chevalier le choix de son avenir professionnel sans lui mettre de
pression, une stratégie qui démontre la grande maturité du manager.
Épisode 1

L’entretien d’embauche : Lancelot, la recrue


modèle

Intégrer un Kaamelott, c’est épouser les valeurs du royaume – et de son


monarque –, le défendre, s’y reconnaître et évoluer en son sein dans le
respect de ses coutumes et de ses sujets. En théorie. C’est à peu près la
même chose dans le travail : en rejoignant une équipe, on assure à son
responsable hiérarchique le désir, ou tout au moins la volonté d’adopter les
valeurs de l’entreprise. La première étape est généralement l’entretien
d’embauche. Dans Kaamelott, Arthur charge Merlin de diffuser auprès du
peuple breton son offre de poste : « Vous allez expliquer aux gens que je les
encourage à se distinguer par un fait d’armes de leur choix. Une victoire,
sur un péril ou un autre, l’accomplissement d’une quête, propre à les
anoblir, et vous leur laissez entendre que les meilleurs d’entre eux seront
choisis pour gouverner à mes côtés. » 1

Il organise ensuite une grande session d’embauche à la taverne ; on y


suit les entretiens avec Galessin, Bohort et Hervé de Rinel, tous plus
improbables les uns que les autres, et celui brillant de Lancelot 2. On le
suppose, l’homme a bien des choses à nous apprendre pour mener ce type
d’épreuve avec brio, tant côté candidat que côté recruteur.

Il montre qu’il a de la personnalité, ce qu’il prouve notamment en


défendant son concept pourtant vaseux de chevalier : « Du moment que tout
le monde est bien au courant que je suis un chevalier solitaire, [l’idée de
communauté ne] me dérange pas. » 3
L’entretien d’embauche, outre vos motivations et compétences, est
également le premier moment où vous acceptez de vous dévoiler à un
recruteur. Durant cet échange, il tentera de vous cerner, de comprendre qui
vous êtes et si vous serez en mesure de vous épanouir dans votre travail et
avec vos collègues. L’idée, comme le fait Lancelot, n’est pas de s’exposer
complètement, et particulièrement de montrer vos faiblesses. Ne soyez
néanmoins pas rigide dans votre manière de parler, d’exprimer vos attentes.
Soyez honnête avec vos sentiments, vos ressentis. Soyez vous-même.

Vous pouvez par exemple exploiter la liste de vos valeurs et de vos


objectifs 4 , une bonne manière d’expliquer au responsable les raisons qui
vous poussent à postuler pour ce job.

Lancelot sait également se démarquer des autres candidats,


notamment avec des faits d’armes exceptionnels : il explique ainsi avoir
commencé à sauver des gens dès l’âge de sept ans.
Bien évidemment, on ne vous conseille pas de contrer les armadas de
bandits, sauf si votre métier l’exige. Cet entretien vous offre cependant
l’occasion (la chance) de vous mettre en valeur.

Chacun de nous a des capacités qui lui sont propres. Certains sont
passionnés de musique, d’autres ont une imparable logique, sont des férus
d’histoire, des maîtres du jeu vidéo, des amoureux de la bonne chère… Ces
particularités peuvent avoir des incidences, directes ou indirectes, dans
votre travail. Elles dévoilent en tout cas en filigrane une sensibilité et des
émotions qui n’appartiennent qu’à vous. Pourquoi ne pas les mettre en
avant à l’occasion de ce rendez-vous ?

Lancelot est sûr de lui mais sans déborder de confiance en lui ;


c’est ainsi qu’il déclare, sans faire montre d’une écœurante fierté : « C’est
mon seul but. Sauver des gens. » 5 Il est humble.

C’est sans doute la partie la plus compliquée dans un entretien


d’embauche : montrer au responsable qu’on sait s’affirmer, mais sans
jamais paraître condescendant ou excessif 6.

Dans cette situation, Lancelot joue un rôle qui lui sert à démontrer une
réalité : il est courageux et capable, et il en a conscience. Cette réalité est
son argument fondamental (avoir les compétences d’un véritable chevalier),
son jeu repose quant à lui sur l’acceptation de ces compétences.
Concrètement : il se dit bon dans son travail mais n’est pas pédant, ce qui
lui évite d’affirmer (quand bien même il le penserait) qu’il n’a plus rien à
apprendre.

Chacun de nous est capable de se mettre en valeur de cette manière.


Pourquoi ? Car nous maîtrisons en (grande) partie les rouages de notre
métier, et nous savons faire face aux difficultés : nous sommes donc
compétents. Pour autant, personne n’a la science infuse et ne peut s’auto-
proclamer meilleur employé dans son domaine. Montrer cette humilité à
son futur boss est un point de gagné.

Enfin, Lancelot fait montre d’un grand respect à l’égard de son


chef, le replaçant dans son rôle de monarque, certes, mais aussi dans celui
d’un probable responsable hiérarchique. L’adjectif loyal tombe alors
comme une évidence quand Arthur lui demande quel qualificatif le
chevalier choisirait pour se définir. Lancelot achève alors cette danse
nuptiale, étant parvenu à séduire complètement son futur boss.

Pensez à donner des marques de déférence au recruteur. Attention


néanmoins : soyez subtil, le complimenter ouvertement sera contre-
productif. Au contraire, intéressez-vous à lui, à son parcours. Comment en
est-il arrivé à ce poste ? Pour quelles raisons ? Laissez-lui entendre que
vous avez des choses à apprendre de lui. Il en sera ravi.
Et côté recruteur ?

Lancelot est quelqu’un de brillant, car il cerne très rapidement Arthur et


perçoit ce qu’il faut dire, au bon moment, pour se mettre en valeur. Du côté
du recruteur, la chose est un peu différente. Comment parvenir à trouver le
candidat idéal sans se laisser berner par ses gestes théâtraux ? Pas toujours
facile.

La mise en scène du recrutement à la taverne aurait de quoi rebuter plus


d’un employeur. Outre les litres d’alcool coulant à flot sur les tablées de
l’aubergiste, ce qui n’est jamais une très bonne mise en situation
professionnelle, le contexte ne se prête pas à une discussion privée, voire
intime, où un potentiel salarié peut échanger librement sur le poste qui
l’intéresse avec le recruteur. Plutôt que d’investir un pub trop animé,
privilégiez un endroit calme, cosy, où les deux parties pourront se sentir
vraiment à l’aise. Le bureau est une option, bien évidemment, mais pas
seulement : sortir de l’enceinte strictement professionnelle montre une
ouverture d’esprit et évite d’enfermer un candidat potentiellement stressé
dans un cadre où il est le seul à ne pas avoir de repères.

De la même manière, évitez, comme Arthur le fait, de déléguer


l’entretien d’embauche à n’importe qui.
Les salariés qui reçoivent le candidat doivent être formés et représenter
une autorité quelle qu’elle soit (hiérarchique, de compétences, etc.) ou
devront être amenés à travailler directement avec lui. Personne ne souhaite
par exemple passer une heure à répondre aux questions absurdes de
Perceval et Karadoc, et le résultat en est contre-productif. Ce type
d’entretien doit au contraire être parfaitement cadré et organisé. Prenez le
temps de le préparer en amont en vous réunissant avec les autres éventuels
recruteurs, et décidez d’une méthodologie précise : quelle trame générale,
quels thèmes seront abordés, quelles questions spécifiques qui semblent
importantes à chacun… ?

À la différence d’Arthur, présentez-vous ainsi que l’équipe et


l’entreprise. Le futur roi de Bretagne s’est contenté de transmettre le
message par le biais de Merlin, une stratégie qui vise à le mettre en valeur,
certes, mais qui peut également avoir un résultat négatif sur ceux qui
postulent : au lieu de se sentir à l’aise, face à un chef qui explique avec une
certaine humilité d’où il vient et ce qu’il cherche, le candidat se sent
nécessairement impressionné par la posture qui émane du chef de l’État.
C’est attitude est contre-productive là où vous-même, en tant que chef,
attendez cette humilité et une certaine sincérité de votre potentiel futur
salarié.

C’est le moment, alors, d’évoquer les compétences réelles du


candidat, en lien avec ses expériences professionnelles passées, sa
formation, ses passions dans la vie. Arthur questionnera notamment
Lancelot sur ses éclats de gloire depuis ses sept ans, une performance qui
satisfait pleinement le futur monarque. Pensez également à le questionner
sur ses soft skills, c’est à dire (en résumé) ses compétences sociales et de
personnalité : comment réagiriez-vous dans cette situation donnée, aimez-
vous travailler en équipe, comment gérer-vous le stress, le temps, votre
organisation… ? Attention à ne pas paraître agressif en abordant ces sujets
qui peuvent être analysés comme une forme d’attaque sociale. Là, Arthur
n’a pas saisi la problématique identitaire de Lancelot, pourtant évidente :
l’idée d’être un chevalier solitaire entre en contradiction complète avec la
notion d’équipe, de communauté. Il aurait dû en parler plus longuement
avec son futur bras droit pour tenter de le comprendre et de désamorcer une
bombe prête à exploser (et qui le fera quand il quittera le château).

Comprendre les motivations du chevalier est essentiel : pourquoi


voulez-vous rejoindre la Table ronde ? quels sont vos objectifs dans cette
démarche ? Si Arthur avait posé cette question à l’ensemble de ses
chevaliers, il aurait vite compris que la plupart se trouvait là par hasard ou
en raison d’une pression familiale avant de développer de réelles
motivations : pas l’équipe idéale pour chasser un Graal ! Essayez, au
contraire de cerner ce point fondamental, de manière à vérifier que les
attentes des candidats sont en adéquation avec les valeurs de la boîte.

Quand vous avez fait le tour des questions qui vous taraudent
l’esprit, invitez le candidat à poser ses questions, s’il en a. Cela vous
montrera s’il s’est réellement intéressé à l’entreprise avant l’entretien ou
non. Cela lui permettra également d’interroger les valeurs de la boîte et de
comprendre s’il se projette en son sein. C’est en outre le premier vrai
instant où vous tissez un lien humain avec lui, en l’invitant à se mettre à
votre place.

Enfin, à la différence d’Arthur, ne vous précipitez pas pour donner


votre réponse : laissez la réflexion mûrir, comparez les candidatures, les
compétences, les personnalités. Une bonne décision ne se fait pas à la
minute, elle doit être réfléchie.
1. Réplique d‘Arthur (Alexandre Astier), Kaamelott, Livre VI, épisode 3.
2. Kaamelott, Livre VI, épisode 7.
3. Réplique de Lancelot (Thomas Cousseau), Kaamelott, Livre VI, épisode 7.
4. Lire « Définissez votre quête du Graal ».
5. Réplique de Lancelot (Thomas Cousseau), Kaamelott, Livre VI, épisode 7.
6. Sur les questions de confiance en soi, rendez-vous ici.
« La boutique est fermée,
adressez-vous
à la concurrence ! »
1
Merlin

1. Réplique de Merlin (Jacques Chambon), Kaamelott, Livre II, épisode 2.


Profil no 3 : Décryptage
Merlin, l’imposteur ?
« Quand on a deux ronds de bon sens,
on ne demande pas à un druide
de travailler dans un endroit clos, bande
de crétins ! » 1
Au détour d’une promenade dans la forêt, vous pourriez bien tomber
nez à nez avec ce mystérieux barbu, faucille à la main, en quête d’une
herbe rare destinée à d’occultes potions… Merlin est un magicien-druide
étroitement lié au monde sauvage et au loup. Il est l’une des figures
centrales de la mythologie celte et a une incidence plus que forte,
évidemment, dans le cycle arthurien. Il est, selon les mots d’Arthur,
« fils d’un démon et d’une pucelle ». 2 Il est aussi celui qui a veillé au
destin du futur roi de Bretagne quand ce dernier n’était encore qu’un
enfant, le protégeant des foudres de Pendragon pour le confier à une
famille d’adoption.

Dans la série, son personnage est moins reluisant que celui


majestueux que l’on connaît. Et, au fil des Livres, il est progressivement
remplacé par son homologue Elias de Kelliwic’h, jugé plus compétent,
jusqu’à son départ officiel de Kaamelott en vue de rejoindre les Semi-
Croustillants, le clan autonome de Karadoc et Perceval. Une épopée dont
ne rêverait certainement pas le Merlin des légendes.

On lui prête « des combines à la noix ou des remèdes de bonne


femme » 3, on doute de ses capacités, on le tourne parfois en ridicule…
Merlin est l’image-même de l’imposteur au bureau, ce type dont tout le
monde doute des capacités et des compétences, mais qui reste
généralement un bon bout de temps à son poste sans que la hiérarchie ne
s’en mêle.

C’est ce même collègue qu’on adore détester, celui qui semble


toujours privilégié, ou pistonné, car personne ne comprend ce qu’il fait
dans l’équipe et pour quel objectif.

Si vous posiez la question à Arthur, il vous répondrait probablement


qu’il ne sait pas trop ce que fait Merlin de ses journées. Pour autant, le
magicien n’est pas un incapable ; il connaît l’art des potions et sait
réaliser des remèdes efficaces. Il est également en mesure de produire
des sortilèges qui forcent l’admiration, tel le sort de rage, si puissant
qu’il ne parvient lui-même plus à le maîtriser. Il s’affirme en outre
comme une sorte de guide spirituel du roi, plus souvent dans l’ombre
que ne l’est la Dame du Lac : c’est grâce à lui qu’Arthur a extrait
Excalibur du rocher alors qu’il n’avait que quatre ans 4.

Merlin souffre en fait d’un profond manque de reconnaissance au


travail : « Fini, terminé l’enchanteur de Kaamelott, déclare-t-il pour
justifier sa démission. Ils ont voulu jouer au con avec leur Elias de
Kelliwic’h, hé bah ils le gardent maintenant. Moi je ne travaille pas avec
des pignoufs arrivistes et cupides qui n’ont pas deux ronds de moralité.
[…] On va passer aux choses intéressantes,
au lieu de toujours essayer de satisfaire môssieur Arthur qu’est
jamais content. » 5

Ce sentiment est fréquemment cité dans le monde professionnel


comme un indicateur clé du mal-être au travail 6 . Il repose sur :
– l’aspect financier : ne pas être rémunéré à sa juste valeur et au
regard de son investissement dans l’entreprise ;
– l’aspect psychologique : peu ou pas de félicitations de la part de la
hiérarchie ;
– l’aspect social : un sentiment de n’être pas complètement intégré à
l’entreprise et de ne pas participer directement aux enjeux de la
boîte.

Cela peut entraîner ce qu’on appelle le syndrome de l’imposteur,


c’est à dire « une impression de manquer de capacité, de tromper [son]
entourage (professionnel, social, familial) et de ne pas être [responsable
de sa] réussite, malgré des signes externes de succès évidents, de bonnes
performances ou évaluations professionnelles. » 7 Ce sentiment atteint
l’estime de soi et provoque nécessairement de l’angoisse chez l’individu.
En tant que manager, il faut ainsi travailler à deux échelles, d’abord
auprès du salarié lui-même, ensuite auprès des autres collaborateurs que
vous encadrez.

Face à votre Merlin, restez objectif, sans vous laisser altérer par vos
émotions. Plutôt que de décrier le travail de votre collègue et mettre en
doute ses compétences, prenez le parti inverse : soutenez-le dans ses
initiatives, encouragez-le et félicitez-le quand il atteint les objectifs qu’il
s’est fixés.

Face à l’équipe dans sa globalité, il faut apprendre à jongler avec les


personnalités de chacun pour remettre ce salarié en valeur sans blesser
les autres ou entacher leur travail et leur productivité. Et, pour ce faire, il
faut employer la stratégie sociale : organisez des moments de partages
pour que chacun apprenne à connaître son voisin de bureau, tant
professionnellement que personnellement. Cela peut passer par des
moments de détente (team buildings, sorties culturelles, déjeuners ou
petits-déjeuners d’équipe, etc.) ou par des ateliers en commun où chacun
peut mettre ses compétences en exergue, tels des moments de
brainstorming libres sur un sujet spécifique.

Nul doute que Merlin n’aurait pas claqué la porte si les chevaliers lui
avaient montré un peu plus de considération !

1. Réplique de Merlin (Jacques Chambon), Kaamelott, Livre V, épisode 9.


2. Réplique d‘Arthur (Alexandre Astier), Kaamelott, Livre I, épisode 15.
3. Réplique d‘Arthur (Alexandre Astier), Kaamelott, Kaamelott, Livre I, épisode 26.
4. Kaamelott, Livre V, épisode 49.
5. Réplique de Merlin (Jacques Chambon), Kaamelott, Livre V, épisode 9.
6. On estime que plus d’un actif français sur deux souffre d’un manque de reconnaissance, et
notamment financière, selon un sondage IFOP réalisé auprès de 1 005 salariés en
septembre 2018.
7. Kévin Chassangre, Stacey Callahan, Traiter la dépréciation de soi. Le syndrome de
l’imposteur, Paris : Dunod, 2015.
Épisode 2

S’affirmer comme un Léodagan

Les premiers pas dans une nouvelle boîte sont parfois effrayants.
Certains d’entre nous peuvent éprouver des difficultés à y trouver leur
place. Pourquoi ? Parce que rejoindre une Table ronde suppose différents
positionnements en tant que salarié mais aussi de manager. Nous sommes
censés épouser les valeurs et les objectifs du château, par exemple une
quête du Graal. Ces objectifs sont communs aux salariés investis de cette
mission mais aussi personnels ; en tant que responsable d’une équipe, vous
devez être capable de soutenir les collaborateurs pour les aider à se projeter
dans ces finalités inhérentes à leur fiche de poste respective.
Un chevalier, quel que soit son statut hiérarchique, doit également
savoir s’adapter à l’environnement matériel qui compose l’espace de
travail : le château, les geôles, les caves… Disons-le autrement : il doit
développer des repères, qui relèvent de l’intimité, dans l’espace qui
l’entoure. La décision d’améliorer son espace de travail peut être portée par
le manager, en lien direct ou indirect avec sa propre hiérarchie 1.

Cette adaptation est également sociale : l’acclimatation passe par le


développement de liens avec les autres chevaliers et avec le roi. Le manager
peut ainsi accompagner son salarié pour l’aider à se développer sereinement
dans cette perspective.

Enfin, et c’est un point non négligeable dans le développement


personnel, il doit définir son rôle, sa place, dans cette infrastructure
complexe que représente le château, mais en restant lui-même. Cette partie
peut être compliquée, en fonction des chevaliers, car aliénante : on ne fait
pas toujours ce qu’on veut au travail ; le manager doit savoir l’expliquer à
ses salariés réticents, mais toujours avec diplomatie.

L’épanouissement personnel au travail n’est pas toujours évident. Le


manager se situe dans une position délicate ; il est censé aider son équipe à
se développer sans entacher ou ralentir son propre développement. Cela
peut être vecteur de stress, qui atteint notamment la confiance en soi.
Difficile de s’affirmer dans ces conditions. À Kaamelott, les chevaliers sont
rarement timides. Certains comme Léodagan brillent au contraire d’une
assurance à toute épreuve. Mais comment font-ils ? Et de quelle manière le
père de Guenièvre parvient-il à assurer sa place aux côtés du roi, même au
moment où Arthur annule l’union matrimoniale ?

1. Sur ce point, lire « Un Kaamelott à votre image ».


1
Savoirs et compétences

Léodagan, dit « le Sanguinaire », a plus d’un tour dans sa poche. En tant


que roi de Carmélide, il a participé au mariage d’Arthur et de Guenièvre,
une union d’intérêt qui lui a permis de se hisser au plus haut rang de la
hiérarchie princière : il est l’un des bras droits du roi, et assure parfaitement
son rôle.

Sa place d’exception repose donc sur une stratégie, réfléchie juste avant
la légitimation d’Arthur en tant que roi de Bretagne. Mais ce sont ses
compétences qui lui ont permis de garder son poste, de nombreuses années
durant : il est parvenu à assurer son autonomie au regard de sa hiérarchie en
développant ses compétences, héritées de son apprentissage en Carmélide,
notamment auprès de son père.

Il maîtrise ainsi toutes les questions relatives à la sécurité du royaume


(et particulièrement du château) et une partie de sa défense – les services de
renseignement sont quant à eux gérés par Arthur lui-même. Il s’impose
comme une figure d’autorité au grand dam du roi qu’il traite comme un
ignare quant à ces problématiques (« Là on paie votre mauvaise politique de
défense ! » 1) et n’hésite pas à investir massivement l’argent du royaume de
son propre gré s’il pense cela judicieux. Il commandera par exemple vingt-
cinq mangonneaux 2 en justifiant cet achat par la protection et la visibilité du
royaume : « Je crois qu’on a tous conscience qu’il est important de
s’équiper, de s’équiper vite et de s’équiper en masse. Parce que c’est aussi
en possédant des machines comme celle-ci que l’on pourra se distinguer des
pays voisins et conserver notre réputation de précurseur en matière de
défense. » 3 Et, contre toute attente, l’argument se tient.

Comme Léodagan, spécialisez-vous dans un sous-domaine qui


vous intéresse et affinez vos connaissances 4. En renforçant vos
compétences, vous apparaîtrez aux yeux des autres comme une véritable
autorité capable de dispenser des conseils et de mettre en œuvre des projets
concrets. Le point positif : en développant votre savoir-faire, vous
améliorez l’image que vous avez de vous-même et renforcez la confiance
en soi pour vous affirmer plus naturellement au travail. Vous êtes ainsi plus
à l’aise dans l’espace professionnel et plus zen face à vos collaborateurs.

1. Réplique de Léodagan (Lionnel Astier), Kaamelott, Livre IV, épisode 29.


2. Machine de guerre à contrepoids fixe pour assiéger l’ennemi.
3. Réplique de Léodagan (Lionnel Astier), Kaamelott, Livre III, épisode 85.
4. Pour ce faire, rendez-vous ici.
2
Valeurs et personnalité

Vous intéresser à un sous-domaine qui vous plaît, c’est être cohérent


avec vos valeurs. Pourquoi ? Car vous exercez une activité qui vous apporte
de la satisfaction, donc qui crée du sens pour vous et ce, même s’il s’agit de
tâches minimes.

À l’inverse, imaginons que Léodagan soit chargé de l’événementiel au


château. On perçoit difficilement sa capacité à organiser une fête du
printemps digne de ce nom. En guise de spectacle pyrotechnique, il
privilégierait sans doute un immense bûcher avec pour combustible les
prisonniers de Kaamelott 1. Et face au refus catégorique d’Arthur, il serait
nécessairement frustré dans son métier, et donc malheureux.

En restant cohérent avec ce qui nous anime, nous parvenons à affirmer


notre personnalité, sans nous brimer. Au travail, comme dans la vie privée,
il est important de rester transparent avec ce que l’on est, sans essayer de
plaire aux autres. Votre rapport avec votre boss doit se développer sur le
même principe : restez sincère avec votre hiérarchie ; vous vous affirmerez
alors comme un modèle auprès des salariés que vous encadrez et qui auront
tendance à reproduire la même démarche avec vous.
Mais comment avoir l’assurance de Léodagan pour s’imposer et être
force de propositions ? Suivez ces quelques règles et répétez-les pour les
intégrer dans votre mode de fonctionnement :
– connaître ses compétences et apprendre à croire en soi : cela peut
paraître idiot mais cette phase est fondamentale 2 ;
– avoir des objectifs concrets dans le travail mais aussi des défis
moindres qui rythmeront votre vie professionnelle 3 ;
apprendre à dire non mais pas de façon systématique : le refus
d’une tâche doit être motivé et justifié, que vous ayez à
argumenter ou non ;
éviter de mettre son chef ou ses collègues sur un piédestal : ils
ne sont pas meilleurs que vous, quelle que soit leur position
hiérarchique ;
être positif et ne pas envisager le pire : la gestion du stress peut
vous aider, et la technique de la canne à pêche peut être un
soulagement 4 ;
assumer ses opinions : là encore, il s’agit de transparence et
d’authenticité. Un salarié qui joue un rôle pour plaire sera
forcément démasqué à un moment ou à un autre, et obtiendra
l’incidence inverse ;
s’accorder du temps pour soi : faire des pauses, se récompenser,
se faire plaisir sont essentiels à une existence saine, que ce soit
dans votre vie privée ou au travail.

1. Cette supposition est à l‘image de sa proposition lorsque Bohort est chargé d‘organiser
l‘événement : Kaamelott, Livre II, épisode 42.
2. Lire « Avoir fait ses classes ».
3. Pour ce faire, vous pouvez vous aider du tableau ici.
4. Pour se faire, vous pouvez vous aider du tableau ici
3
Soi-même et les autres

Travailler avec autrui suppose de partager avec lui une partie de sa vie.
Or ce n’est pas toujours chose facile, et ce, pour de nombreuses raisons :
des personnalités en contradiction, des non-dits, des rumeurs, des disputes
entre collègues… Au travail, la sociabilité est très importante car elle
participe à l’environnement professionnel (le bien-vivre). Même Léodagan,
avec son tempérament fort et sa tendance facile à la colère, joue
parfaitement le jeu en étant avec les autres.
On peut voir dans les échanges entre collègues une forme de partage, de
communion autour d’un intérêt : le bien-être de la boîte. C’est aussi une
mécanique à activer dans le cadre du développement personnel au travail
car les relations pourries au bureau ont des effets négatifs individuellement,
qui peuvent s’exprimer de diverses manières : attitude d’isolement,
augmentation du stress, remise en cause de soi et de ses propres
compétences, etc.

Il faut dire que Léodagan n’a pas sa langue dans la poche, et il n’hésite
pas à exprimer franchement ses opinions, que ce soit à la Table ronde ou
devant la table à manger. Cette authenticité joue un rôle fondamental dans
les relations avec les autres : toujours être soi-même avec ses collègues, une
règle à laquelle il ne faut jamais déroger.
Ne soyez malgré tout pas trop dur avec les autres. Dans une
conversation, restez ouvert d’esprit : nous percevons tous le monde d’une
manière différente. Rappelez-vous que nos préjugés jouent un rôle
important dans notre rapport à autrui – ils nous permettent de nous
construire un cadre rassurant dans lequel nous pouvons évoluer. Même si
des différends surgissent avec un collègue, un salarié que vous managez,
pensez que vous avez sans doute plus de choses en commun avec lui que
vous ne l’imaginez.

Mettant en pratique ce principe, Léodagan est constamment actif dans


les conversations. Cela se traduit par l’écoute et l’échange. C’est une preuve
d’empathie qui est toujours appréciée. Évitez d’envoyer un texto, de
regarder votre montre, de faire autre chose lorsque vous êtes en train de
discuter avec un collègue. Cette démarche vous permet également de
travailler votre mémoire car, en étant actif, vous retenez bien plus
d’informations qu’en étant passif.

Comment faire ? Soyez dans la conversation, posez des


questions, intéressez-vous aux autres, partagez vos expériences. On
évitera de ne parler que de soi, une marque de narcissisme peu appréciée.

S’intéresser aux autres, c’est faire preuve d’empathie. Les gestes, les
attitudes, permettent de passer un message qui ne s’exprime pas
nécessairement dans le langage. Et là où Léodagan ne fait pas autorité, c’est
sur la bonne humeur. Il n’est pas réputé pour sa bonhomie et sa chaleur
humaine. Pour autant, et malgré un caractère bien trempé, il est important
de se montrer ouvert aux autres. Dans cette perspective, le sourire est d’or,
même quand vous êtes de mauvaise humeur. Il vous rendra accueillant et
vous aidera, en outre, à vous sentir plus heureux. Inutile, bien sûr, de sourire
à tout-va, restez vous-même. Mais l’esquisser au moment du bonjour
matinal, par exemple, vous aidera à commencer la journée sous de bons
auspices et à maintenir des liens chaleureux avec vos collègues.

Être sociable, c’est accepter l’autre, avec ses qualités et ses défauts.
C’est aussi se dévoiler en partie, faire tomber les barrières. Plus qu’un
ensemble de techniques, c’est un état d’esprit à intégrer à votre manière
d’être au quotidien, avec l’ensemble de vos collaborateurs : salariés
encadrés, boss, collègues au même niveau hiérarchique… Ne soyez jamais
en retrait, en particulier avec votre équipe ; au contraire, les échanges sont
toujours constructifs et vous aideront à ériger une image positive de vous-
même auprès de la chaîne intégrale de hiérarchie.
« Y’en a marre
de se comporter comme
des sagouins avec tout
le monde sous prétexte
qu’on
a des responsabilités ! »
1
Dame Séli

1. Réplique de Dame Séli (Joëlle Sevilla), Kaamelott, Livre I, épisode 2.


Profil no 4 : Décryptage
Le collègue autoritaire
« Tout le monde le sait, en Carmélide,
que vous êtes une patate. Seulement,
ça passe, parce que les gens savent
que c’est moi qui tire les ficelles dans
l’arrière-boutique. » 1
Dame Séli ne fait pas partie du groupe de chevaliers. Pour autant, sa
gestion de l’intendance du royaume et son intérêt certain pour les jeux
de pouvoir et la hiérarchie en font un modèle de collègue de premier
plan. Sèche, peu souriante, voire carrément agressive, elle est le pendant
féminin de Léodagan, dont l’impulsivité fait écho. Elle semble ne
craindre aucune autorité (« Une fois, j’ai craché sur les pompes de
l’empereur Justinien, alors je ne vais pas me gratter pour l’un de ses
sous-fifres ! » 2). Elle est une spécialiste de la répartie, avec un beau brin
de condescendance (« Vous ne vous étonnerez pas si vous ressentez une
vive douleur sur le sommet du crâne. C’est sûrement que vous aurez pris
le plat à gigot dans la tronche. » 3) et de l’insulte cassante (« C’est des
tartes dans le museau qu’elles cherchent, les sœurs Tape-Dur ? » 4).
Des collègues autoritaires, il y en a des tas. Ils sont parfois grognons,
critiques, malveillants, insultants, petits chefs, cancaniers… Ils lèvent les
yeux au ciel en réunion, vous regardent en les plissant et en faisant la
moue, et ne manquent jamais une belle occasion de vous casser. C’est
clair, on les déteste ouvertement, et on attend impatiemment le moment
où leurs attaques viseront la mauvaise personne.
Dame Séli, pourtant, tient un rôle fondamental à Kaamelott : elle
gère entièrement le château, la répartition des chambres, les stocks de
nourriture, les banquets, les cérémonies protocolaires, etc. Son
intelligence est en outre redoutable. Preuve en est : elle organise le faux
enlèvement de Guenièvre pour récupérer la rançon. Elle se plaît en outre
à rappeler fréquemment que son époux n’est que la vitrine du pouvoir
qu’elle tient entre ses mains – elle compose en fait avec Léodagan le
couple le plus solide de la série et, en ce sens, l’un des plus puissants.

Comment gérer ce type de collègue au quotidien 5 ?


Il faut parvenir à prendre du recul avant d’attaquer concrètement :
parler sans animosité avec lui de ses faits et gestes qui vous
blessent : vous pourriez découvrir, à cette occasion, quelque
chose dans votre tempérament qui agace également votre
entourage ;
refuser catégoriquement des tâches qu’il vous donne, s’il n’est
pas votre supérieur, mais en restant poli ;
s’il va trop loin, ne montrez pas les dents, tournez plutôt la
situation en ridicule ;
si rien ne change, vous pouvez saisir votre hiérarchie en
expliquant calmement le problème.

En tant que manager, votre démarche doit être un peu différente.


Vous n’êtes pas officiellement responsable de son attitude au travail.
Pour autant, une poussée de colère mal placée, ou un mot inacceptable
dans le domaine professionnel, vous sera inexorablement reproché, et
cette mise en cause pourra émaner aussi bien de votre équipe que de
votre hiérarchie.
Apprenez à déceler ses forces en tant que salarié, à comprendre son
rôle dans l’équipe, et ce qu’il apporte à l’entreprise : cela vous aidera à
le défendre si on lui reproche un comportement potentiellement
inadapté. Parlez-lui aussi, en toute transparence, de cette attitude, en lui
expliquant qu’elle est contre-productive car cela a des répercussions
négatives sur le reste de l’équipe. Jouez également sur sa corde sensible
en affirmant que la qualité de son travail n’est pas du tout remise en
cause, mais il serait dommage que son comportement entre en ligne de
compte dans l’évolution de sa carrière au sein de la boîte.

Les insultes et marques d’agressivité peuvent être un moyen de se


protéger des autres : soyez donc toujours à l’écoute et n’hésitez pas à
prendre rendez-vous avec ce salarié si vous jugez qu’une situation n’est
pas acceptable.
Ces collègues sont généralement des sanguins. Cela signifie qu’ils
sont impulsifs et peuvent s’énerver très rapidement, sans parvenir à se
maîtriser. Ce n’est évidemment pas votre responsabilité, mais en restant
courtois et distant, vous brisez d’un coup cet élan de colère et prenez de
la hauteur par rapport à eux. Gardez bien en tête de ne jamais entrer dans
ce jeu, vous y perdriez plus que des plumes !

1. Réplique de Dame Séli (Joëlle Sevilla), Kaamelott, Livre IV, épisode 4.


2. Ibid., Livre II, épisode 91.
3. Ibid., Kaamelott, Livre V, épisode 7.
4. Ibid., Kaamelott, Livre V, épisode 6.
5. Le collègue autoritaire ne doit pas être confondu avec le collègue ou le chef toxique de type
pervers manipulateur. Les rouages ne sont pas les mêmes pour se sortir de cette situation : lire
ici et là.
Épisode 3

Être zen comme


Karadoc et Perceval

À observer Karadoc et Perceval s’entraîner aux arts martiaux, on


pourrait se demander s’ils n’ont tout simplement pas fait une erreur dans
leurs choix de carrière. Mais, expliquent-ils à Arthur : « On n’est pas en
train de glander, on fait une pause ! […] On est en pleine séance
d’entraînement. […] On est en train d’inventer une nouvelle technique de
combat. » 1 Trois épisodes plus loin, les deux compères reviennent à la
Table ronde pour expliquer à l’équipe qu’en guise de quête ou d’exploit
chevaleresque, ils sont restés trois semaines à l’auberge, malades, après
avoir mangé un agneau « daubé du cul » 2. Que cela vous serve de leçon,
aurait pu rétorquer n’importe quel responsable. Mais le duo n’en a cure, il
évolue tranquillement, sans se soucier outre mesure des énervements du roi.

Karadoc et Perceval sont des salariés certes inefficaces. Leur manière de


concevoir l’espace professionnel peut néanmoins nous inspirer au quotidien
pour apprendre à gérer les angoisses et être serein au quotidien. Et pour
cause, le stress au travail touche plus de 50 % des salariés français. Plus
inquiétant encore : 24 % seraient en état d’hyper-stress, c’est à dire « un
niveau de stress trop élevé et donc à risque pour leur santé » 3. Le stress
existe « quand une personne ressent un déséquilibre entre ce qu’on lui
demande de faire dans le cadre professionnel et les ressources dont elle
dispose pour y répondre » 4.
Que font nos deux chevaliers pour éviter ces moments d’anxiété ? Et
comment adapter cette stratégie à notre manière de vivre au travail, et
notamment en tant que manager ?

1. Répliques de Karadoc (Jean-Christophe Hembert) et Perceval (Franck Pitiot), Kaamelott,


Livre I, épisode 93.
2. Réplique de Karadoc (Jean-Christophe Hembert), Kaamelott, Livre I, épisode 96.
3. Observatoire du Stress au Travail (OST) mené en France par Stimulus entre 2013 et 2017,
auprès de 32 137 salariés travaillant dans 39 entreprises de secteurs d’activité très variés.
4. Définition de l’INRS (Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des
accidents du travail et des maladies professionnelles) sur www.inrs.fr, consulté en juin 2020.
1
La méditation à la Perceval

Le chevalier du Pays de Galles est un bien curieux personnage. Il est


d’une ingénuité confondante et malgré tout plein de bonnes volontés. Mais
sa particularité repose sur sa façon bien à lui de lire et comprendre le
monde. À l’image de ses jeux (le Sloubi, le Sirop, le Jeu du Pélican…),
d’une extraordinaire complexité, il a lui-même une inimaginable capacité
de calcul. Son décalage, pourtant, en fait un personnage absurde de premier
plan qui ne trouve d’explication que dans une déformation de notre réalité :
il n’est pas idiot ; bien au contraire, il perçoit son environnement avec un
décalage complet. C’est ainsi que, pour comprendre un plan de bataille, il
privilégiera toujours les explications cartographiques comme points de
repère (« près de la clairière », « du côté de la rivière, là où il y a les brebis
qui passent » 1) à l’utilisation des points cardinaux qu’il juge peu concrets et
imprécis. Ses particularités en font un personnage non grotesque mais
absurde, et bien plus réfléchi qu’il n’y paraît au premier abord.

Son rapport au travail est sain, même s’il n’en saisit pas l’enjeu : « Moi,
j’ai arrêté le Graal. […] Au bout d’un moment, c’est un truc à se casser les
dents, ça ! Non, moi je m’occupe de mon cas, c’est déjà pas mal. » 2 Pour
autant, il semble plutôt satisfait de sa condition et, surtout, de sa place de
choix auprès d’Arthur : il avouera même au roi qu’il quitterait
immédiatement le château si ce dernier lui déclarait qu’il ne l’aimait pas 3.
Comment Perceval fait-il pour rester aussi serein ? Il exerce la
méditation. L’épisode de la canne à pêche 4 est sur ce point révélateur :
Arthur surprend son chevalier en train de pêcher à l’aide d’un grand bâton
au bout duquel est suspendu un simple fil. « Je ne sais pas comment vous
expliquer… ça me détend. […] Il y en a qui picolent, d’autres qui se battent
à l’épée… Moi, je fais ça. Au moins je ne fais de mal à personne. » 5 Et,
plus loin dans l’épisode : « Moi, la canne, ça m’aide. Je visualise le caillou
dans l’eau. J’ai l’impression de faire partie d’un tout. Moi, le caillou, le fil,
le lac, le ciel. C’est entier, vous comprenez ? C’est bien fini. » 6

Perceval est en fait en train de pratiquer la pleine conscience


(mindfulness). Il s’agit d’une forme de méditation qui consiste en une
conscience aigüe de soi-même (présence du corps, sensations, etc.) et de
son environnement. Elle permet de se reconnecter à soi-même, donc de
prendre du recul par rapport à ses sources d’angoisse, et ainsi de réduire le
stress en favorisant un état d’esprit sain et apaisé 7.

Inutile pour autant de vous rendre autour du lac le plus proche pour y
manier la canne à pêche. La méditation peut se faire dans n’importe quel
endroit, et notamment au travail : en réunion, à son bureau, sur le terrain,
durant une pause, aux toilettes…

Le principe est le suivant :

Pour débuter, choisissez un endroit calme et fermez les yeux ; cela


vous aidera à vous concentrer.
Respirez calmement.
Concentrez toute votre attention sur votre respiration : sentez l’air
qui entre par votre bouche ou votre nez, votre poitrine et votre abdomen
qui se gonflent, puis l’air ressortir de votre corps.
Répétez cette pratique durant 30 secondes pour débuter, puis
1 minute, puis 2 minutes.
Lorsque votre esprit s’égare, n’abandonnez pas. Au contraire :
recentrez votre attention sur votre respiration, c’est là tout l’effort et
toute la réussite de la pleine conscience.
Une fois l’exercice terminé, vous avez l’esprit plus clair, vous êtes
plus détendu.

Cette technique peut s’exercer avec énormément de choses : vous


pouvez ainsi vous concentrer sur les battements de votre cœur, la sensation
d’ingestion de nourriture, la couleur des yeux d’un collègue, la forme de ses
mains, etc. Elle est également particulièrement efficace en période de stress
important : pratiquez-la par exemple un quart d’heure avant une réunion
durant laquelle vous devez intervenir ; cela vous aidera à relâcher les
pressions de votre corps et à intervenir de manière plus apaisée. C’est ce
qu’on appelle la thérapie cognitive 8.

1. Répliques de Lancelot (Thomas Cousseau) et Arthur (Alexandre Astier), Kaamelott, Livre I,


épisode 35.
2. Réplique de Perceval (Franck Pitiot), Kaamelott, Livre I, épisode 18.
3. Kaamelott, Livre II, épisode 94.
4. Kaamelott, Livre IV, épisode 95.
5. Réplique de Perceval (Franck Pitiot), Kaamelott, Livre I, épisode 18.
6. Ibid.
7. Pour aller plus loin, lire notamment Jon Kabat-Zinn, Au cœur de la tourmente, la pleine
conscience, Louvain-la-Neuve : De Boeck, 2016
8. Lire notamment Aaron T. Beck, La thérapie cognitive et les troubles émotionnels, Louvain-
la-Neuve : De Boeck, 2017.
2
La pause s’impose !

À Kaamelott, chaque jour est une nouvelle aventure : il y a le Graal, les


quêtes secondaires, les réunions d’équipe autour de la Table ronde, la
défense du royaume, les visites protocolaires et bien d’autres. Autant dire
que les journées ne sont pas de tout repos. C’est la même chose dans notre
vie professionnelle, que nous travaillions au bureau, sur le terrain… Nos
nouveaux modes de travail, plus connectés, moins statiques, nous poussent
en outre à toujours avoir le nez sur les écrans, dans de nombreux domaines
différents : outre la fatigue potentielle, c’est l’attention, surtout, qui est
stimulée quasi sans interruption.
Karadoc et Perceval l’ont bien compris : quand la pression devient trop
lourde, pourquoi ne pas s’accorder un moment à la taverne, à la cuisine, ou
dans un autre endroit qui nous apaise ?

Pourquoi faire une pause est-il indispensable ? Notre esprit fonctionne


en non-stop – même quand on se dit qu’on ne pense à rien, on pense
nécessairement au fait de ne pas penser. S’accorder des interruptions dans le
travail permet de prendre de la distance avec vos tâches pour vous
concentrer sur vous-même. Cela peut paraître bête, mais c’est un
fondamental, et particulièrement en période d’effort important et de gros
stress.
Variez donc les plaisirs :

Réservez-vous un moment dans l’après-midi pour grignoter un


saucisson entier comme Karadoc ou – et c’est sans doute mieux – un
morceau de chocolat.
Proposez des moments de sociabilité avec vos collègues en vous
rendant à l’auberge la plus proche, un bon moyen de décompresser et de
tisser des liens avec les autres.
Si vous en avez la possibilité, proposez des jeux actifs à vos
collègues sur le temps du midi : le lancer de caillou comme Kadoc, des
pratiques d’arts martiaux à la façon de Perceval et Karadoc, ou encore
une partie de balle.
Promenez-vous dans un endroit calme, seul ou en couple, comme le
fait Arthur – une belle manière de pratiquer la méditation.
Faites-vous plaisir ! Pour être compétent dans son métier, un chevalier
doit toujours savoir se réserver des moments rien qu’à lui.

BON À SAVOIR
La loi, qui peut être renforcée par la convention collective,
encadre le droit de faire des pauses au travail. « Dès que le
temps de travail quotidien atteint 6 heures, le salarié doit
bénéficier d’un temps de pause d’au moins 20 minutes
consécutives. La pause est accordée soit immédiatement après
6 heures de travail, soit avant que cette durée de 6 heures ne soit
entièrement écoulée. » 1 La rigidité d’une telle mesure ne permet
certes pas de l’appliquer au pied de la lettre au quotidien. Pour
autant, les droits d’un salarié supplantent nécessairement les
exigences de son supérieur : vous avez donc toute légitimité à
vous arrêter pour souffler.
1. « Temps de pause du salarié dans l’entreprise : quelles sont les règles ? », sur service-
public.fr, consulté en janvier 2020.
« Là, vous faites sirop
de vingt-et-un et vous
dites : beau sirop, mi-
sirop, siroté, gagne-sirop,
sirop-grelot, passe-
montagne, sirop
au bon goût. »
1
Perceval

1. Réplique de Perceval (Franck Pitiot), Kaamelott, Livre II, épisode 72.


Profil no5 : Décryptage
Le collègue incompréhensible
« Je suis souvent victime des colibris,
sous-entendu des types qu’oublient
toujours tout. Bref, tout ça pour dire
que je voudrais bien qu’on me considère
en tant que tel. » 1
Ce collègue traverse le temps avec une incroyable capacité de survie.
Son secret ? Avoir toujours raison. Ou souvent. Sa particularité ? Être
partiellement incompréhensible par une majorité de son équipe. C’est
une sorte de Perceval des temps modernes, un type qui a des capacités
hors du commun (l’algèbre, par exemple), que tout le monde apprécie,
mais dont personne ne comprend un iota de ce qu’il essaie de nous
expliquer.
Il a souvent une grande finesse d’esprit qui lui permet de développer
une réflexion philosophique poussée (« l’homme face à l’absurde » 2) et,
à la fois, une simplicité qui lui permet de lâcher du lest et prendre du
recul par rapport aux situations stressantes (« Au printemps, j’aime bien
pisser du haut des remparts au lever du soleil… Y a une belle vue ! » 3).
Il est bien souvent en décalage complet avec les autres, prouvant non pas
un manque d’empathie mais une analyse inhabituelle de son
environnement immédiat (« Sur une échelle de 2 à 76, et là je préfère
prendre large, de 2 à 71 on ne nous écoute pas, de 72 à 75, on nous
écoute toujours pas, et seulement à 76 on nous laisse parler sans nous
engueuler. » 4).
Ce collègue pourrait être fort plaisant s’il n’avait pas cette terrible
faculté de nous donner d’importantes migraines tout au long de la
journée. Pourquoi ? Il est certes plein de bonne volonté et pétri de
gentillesse mais ne comprend pas toujours le sens de ce qu’on lui dit.
Travailler avec lui sur un projet commun peut vite devenir une
dangereuse et interminable odyssée.

Comment gérer un Perceval de ce genre au bureau ? Et de quelle


manière l’apprivoiser ?

Dépassez les incompréhensibles conversations avec lui pour


apprendre à le connaître : d’où vient-il ? quel est son parcours ?
qu’aime-t-il dans la vie ? En cernant mieux sa personnalité, vous
parviendrez plus facilement à suivre le sens de sa pensée.
Ne vous laissez pas impressionner par le savoir qu’il étale :
derrière une attitude parfois pédante se cache souvent un grand
manque de confiance en soi. Apprenez à différencier ses
compétences réelles de celles, fictives, du beau parleur.
Quand vous discutez avec lui, ne le laissez pas monopoliser la
parole. Il risquerait de vous entraîner dans des réflexions sur
lesquelles vous ne pourrez ou ne souhaiterez pas réagir. Ramenez-le
plutôt à des considérations plus terre à terre, ou des sujets que vous
maîtrisez mieux : tu as prévu quoi ce week-end ? tu as fait quoi
hier ? que penses-tu de la politique actuelle ? etc.
Enfin, ne le mettez jamais de côté, particulièrement lors de vos
moments de sociabilité en équipe (déjeuner, sorties entre
collègues…). Son analyse de la situation serait si poussée et
complexe qu’il vous faudrait sans doute plusieurs heures pour en
démêler le fil. Personne ne souhaite cela !
1. Réplique de Perceval (Franck Pitiot), Kaamelott, Livre I, épisode 89.
2. Ibid., Livre IV, épisode 95.
3. Ibid., épisode 2.
4. Ibid., épisode 25.
Bilan

Un chevalier stressé reste un chevalier

Devenir chevalier n’est pas une mince affaire, même pour quelqu’un
comme Arthur, ou Léodagan. Parmi les personnages de Kaamelott,
Lancelot est peut-être le seul qui entend sa fonction comme un
prolongement de lui-même.

On ne naît tout simplement pas chevalier ; on le devient avec force


d’expérience.

Comme n’importe quel métier, dans toutes les branches d’activité, la


chevalerie exige :
de développer la confiance en soi ;
de travailler ses relations avec les collègues ;
de savoir prendre du recul avec son travail ;
de se réserver du temps pour soi en pratiquant des activités non
professionnelles qui ont de la valeur pour vous ;
d’apprendre à être zen.

Cela vous permettra de vous épanouir dans votre quotidien, donc d’être
plus heureux dans votre vie, tant au travail qu’en dehors du bureau. Cela
vous aidera également à être plus efficace à votre poste, en redonnant du
sens à ce que vous faites, à ce que vous êtes. En vous libérant des doutes,
des angoisses, vous pourrez développer votre concentration, votre façon de
vous organiser et, dans cette perspective, vos compétences de chevalier.

La méditation, nous l’avons vu, peut vous aider à recentrer votre


attention. Pour ce faire, elle doit être pratiquée chaque jour et non
ponctuellement. Elle doit, avec l’entraînement, devenir partie intégrante de
votre mode de vie. Pour y parvenir, créer des routines peut vous aider :
pratiquez la pleine conscience quand vous vous rendez au travail le
matin, en vous concentrant par exemple sur le mouvement de vos
jambes quand vous marchez, en méditant sur un objet dans le métro,
dans la voiture…
faites de même avec votre premier café au bureau : concentrez-vous sur
le goût, ou sur la température du breuvage ;
pratiquez la méditation tout au long de la journée, avant ou pendant vos
réunions, sur le chemin du retour, en arrivant chez vous le soir…
Certaines techniques spécifiques vous permettront également de gérer
votre stress, ou plutôt d’en maîtriser la sensation. Le stress est une réaction
naturelle de votre corps à une situation que votre cerveau juge dangereuse.
Il est fondamental car fonctionne comme un moteur qui vous stimule ; en
cela, il est positif. Mais il peut provoquer une sensation d’anxiété et, selon
les gens, devenir réellement maladif ; il est dans ce cas considéré comme
négatif. L’exercice suivant vise, non pas à supprimer le stress, mais à
apprendre à l’accepter – tenter de l’annihiler reviendrait à essayer de le fuir,
donc être dans une démarche d’évitement.

Fermez les yeux, concentrez-vous sur votre respiration.


Inspectez les sensations de votre corps, en vous concentrant sur une
zone en particulier (par exemple les maux de ventre) durant trente
secondes au moins.
Répétez-vous plusieurs fois : j’accepte ce stress, j’accepte ce stress.
Respirez posément, détendez votre corps.
Ouvrez les yeux. Vous êtes plus détendu. Si ce n’est pas le cas,
recommencez l’exercice jusqu’à vous sentir plus zen.
Passez ensuite à une autre sensation, par exemple votre respiration.
Puis faites de même sur toutes les parties de votre corps où vous
percevez le stress, et recommencez autant de fois qu’il le faut pour vous
sentir plus apaisé.
Avec le temps et l’entraînement, vous réussirez cet exercice plus
rapidement. Et, en vous libérant du poids du stress, vous aurez l’esprit plus
clair. Vous serez alors en mesure de vous concentrer sur le développement
de vos connaissances, de votre savoir-faire.

Mais avant d’entamer cette nouvelle leçon, prenez le temps de faire le


point sur votre apprentissage en répondant au questionnaire suivant.
Votre « modjo s » au travail :
vous faites ce qu’on vous dit sans poser de question.
vous essayez de satisfaire votre boss.
vous en faites le moins possible.
vous vous affirmez sans en faire trop.

Votre personnalité :
est un plus dans votre métier.
ne doit pas entrer en contradiction avec votre métier.
est plus importante que votre métier.
est en sourdine dans votre métier.

Vos valeurs vous permettent :


de fuir les moments stressants au bureau, et il y en a beaucoup.
de vous épanouir professionnellement dans quelque chose qui vous
plaît.
de séduire vos collègues et votre boss, ils représentent une autorité.
les valeurs ? c’est quoi, déjà ?

Au travail, il est essentiel :


de travailler en non-stop pour être réellement efficace.
de faire des pauses toutes les demi-heures.
de s’accorder des moments à soi pour recharger ses batteries.
de faire uniquement ce qu’on nous demande.

La pleine conscience :
est une philosophie qui vous permet de moduler votre personnalité.
est une forme de méditation pour apprendre à être zen.
est une métaphore futuriste et utopiste visant à améliorer son mode de
vie.
je ne sais pas ce que c’est.

Les pauses au travail sont :


un droit.
un devoir.
interdites.
inexistantes.

Avec vos collègues :


vous êtes généralement odieux, ils prennent tout de même beaucoup
de place.
vous les aimez comme s’il s’agissait de votre famille ou de vos amis.
vous essayez de tisser de bonnes relations, même s’il peut parfois y
avoir des différends.
vous les ignorez la plupart du temps, sauf ceux qui trouvent grâce à
vos yeux.
Le matin, en arrivant au travail :
vous faites la tête et soupirez : encore une journée de merde…
vous essayez toujours de sourire pour commencer la journée du bon
pied.
vous discutez plusieurs heures avec votre collègue préféré.
vous courez à votre bureau pour reprendre là où vous vous êtes arrêté
la veille.

Vous avez une majorité de :

Vous vous rendez au travail parce que vous le devez et non parce que vous le souhaitez.

Évidemment, l’un des objectifs d’un emploi est d’en tirer de l’argent. Mais ce ne doit pas être le
seul : il est essentiel que vous vous retrouviez dans votre métier, que ce soit dans vos tâches, vos

objectifs, votre statut… Questionnez-vous sur vos valeurs et interrogez leur sens dans votre

poste actuel. Vous êtes peut-être tout simplement malheureux dans ce que vous faites, la preuve
en est que vous êtes dans une démarche d’évitement, privilégiant les pauses à l’excès, et

notamment avec certains de vos collègues.

Vous n’êtes pas heureux au travail, c’est clair. Chaque journée est une nouvelle torture, au

point que vous devenez agressif avec ceux qui vous entourent. Et c’est dommage, car vous

travaillez beaucoup, vous obéissez toujours aux exigences de votre hiérarchie, la boule au

ventre. Attention : vous ne vous épanouirez pas de cette manière. Revenez à la première leçon
du guide et identifiez vos valeurs et objectifs. C’est peut-être le moment opportun pour prendre

une décision quant à votre carrière.

Vous êtes extrêmement investi dans votre travail, au point que vous voulez toujours faire les

choses trop bien. Vous ne prenez pas de pauses, ou rarement – vous n’en voyez pas l’intérêt.

Vous voulez plaire à votre chef et vos collègues et, pour ce faire, vous jouez un rôle au

quotidien. Le point positif, c’est que vous êtes passionné. Attention néanmoins à ne pas vous
brûler les ailes à vouloir trop en faire. Reprenez cette leçon pas à pas et refaites le test.

Poursuivez ensuite sur la suivante et faites le point sur votre rapport au travail : est-il sain ? y

êtes-vous heureux ?

Vous êtes épanoui dans votre job. Vous prenez plaisir dans vos missions, vos relations avec

vos collaborateurs sont saines et vous savez vous garder du temps pour vous. Vous affirmez

votre personnalité au travail sans être excessif. Poursuivez la leçon pour apprendre à développer
vos compétences au quotidien.
Livre III

Les trois piliers du chevalier


« Qu’est-ce que c’est, le Graal ? […] Regardez-nous : y’en a pas deux
qui ont le même âge, pas deux qui viennent du même endroit ! Des
seigneurs, des chevaliers errants, des riches, des pauvres ! Mais, à la Table
ronde, pour la première fois dans toute l’histoire du peuple breton, nous
cherchons tous la même chose : le Graal ! C’est le Graal qui fait de vous
des chevaliers, des hommes civilisés, qui nous différencie des tribus
barbares. Le Graal, c’est notre union. Le Graal, c’est notre grandeur. » 1

Le bureau constitue un espace à part entière où se côtoient de


nombreuses personnalités différentes. De la même manière, dans
Kaamelott, Arthur a réuni une équipe aussi hétéroclite qu’improbable.
Autour de la Table ronde, les sujets fusent, souvent, dans tous les sens et
bien loin du Graal. Et chacun des chevaliers y tient un rôle particulier. Il y a
Calogrenant, roi de Calédonie, qui est l’âme de la tradition. Il imposera
malgré lui le kilt comme tenue officielle de ce qui deviendra l’Écosse 2. On
compte également Galessin, duc d’Orcanie et bras droit du roi Loth, dont le
tempérament vif et colérique suffit en principe à faire trembler le moindre
badaud de passage. Et bien d’autres encore. Cet ensemble est évidemment
la caricature d’une équipe de travail parfaitement inefficace. Dagonet, tout
comme ses pairs, n’a aucune incidence dans la quête du Graal. Il n’y a
guère que Lancelot qui semble intéressé par le projet mais qui ne paraît
jamais marquer une réelle percée dans cette aventure.

Retournons maintenant le propos. Les personnages de Kaamelott sont


les correspondances ridicules, déformées, des figures éponymes
légendaires. Ils sont le reflet inversé des chevaliers originels : Bohort,
Galaad (seulement évoqué dans Kaamelott), Perceval, Lancelot, Karadoc,
Calogrenant, Gauvain, Yvain, Méléagant et de nombreux oubliés (Bédivère,
Accolon, Tristan, Palamède et bien d’autres). La tradition en fait des
hommes d’exception, qu’ils soient bons ou mauvais, dans la droite lignée
des récits chevaleresques médiévaux. Disons-le autrement : ils sont des
archétypes romanesques, nés de la plume des chroniqueurs du Moyen Âge,
modèles de force et de bravoure, mais aussi de sérieux dans leurs tâches. En
adoptant le regard professionnel, on peut voir en ce groupe élargi des
références parfaites de salariés motivés, prêts à tout pour atteindre leurs
objectifs au travail, c’est à dire mettre la main sur le précieux trésor, le
Graal.
Plongeons de nouveau dans Kaamelott. Le groupe de chevaliers, dont
Arthur est le liant principal, forme un tout solidaire et cohérent : chaque
élément répond à l’autre de manière logique (Karadoc + Perceval / Perceval
+ Arthur / Arthur + Léodagan, etc.), avec un double objectif principal :
rester dans la cour du roi et continuer de profiter des privilèges que cette
position suppose. Ils forment une communauté solide, cohérente, qui peut
être définie ainsi : les chevaliers de la Table ronde ont justement pour
volonté de rester à la Table ronde, c’est à dire dans l’entourage direct du roi.

Le concept d’unité est donc au cœur de la démarche. Mais c’est une


unité en mouvement : Lancelot déserte, Perceval et Karadoc font de même,
Merlin fuit le roi, et même Arthur abandonne son poste.
L’objet de cette leçon est de parvenir à saisir cette mouvance et à s’en
servir pour évoluer dans son poste et dans son domaine professionnel. En
travaillant les trois piliers de la chevalerie, vous développez vos
compétences et celles des salariés que vous managez, pour vous
permettre d’avancer dans votre carrière, mais aussi vous investir dans
votre entreprise pour la défendre contre de potentiels ennemis. Le
moment viendra alors de vous pencher plus avant sur les relations
humaines, entre manager et salarié, entre manager et roi… Après tout,
qui sait, le prochain monarque, ce sera peut-être vous !
1. Réplique d’Arthur (Alexandre Astier), Kaamelott, Livre I, épisode 100.
2. Kaamelott, Livre I, épisode 59.
Épisode 1

Avoir fait ses classes

Bohort est bien mal en point quand tout Kaamelott apprend que, malgré
son statut de chevalier, il n’a jamais fait ses classes, c’est à dire qu’il n’a
jamais reçu d’éducation militaire 1. Dans votre job, les armes ne sont a
priori pas indispensables et même, la plupart du temps, furieusement
déconseillées. Mais entendons l’expression autrement : la formation, et
surtout l’expérience professionnelle, marquent autant de pas qui vous
permettent de maîtriser votre travail. C’est ce qu’on appelle les acquis, à la
source des compétences.

Si on leur parlait de bilan de compétences, Karadoc nous demanderait


probablement si c’est un plat qui se mange froid, et Perceval tirerait une
expression d’incompréhension totale. Ils auraient pourtant de quoi se poser
des questions. Rappelons que le chevalier du pays de Galles, vexé d’une
déclaration peu courtoise de Léodagan 2, n’a pas manqué de se plaindre à
Arthur pour réclamer qu’on le considère « en tant que tel » 3. Blessé dans
son ego, l’homme se remet en question et exige que ses collaborateurs
fassent montre d’un respect un peu plus appuyé. Derrière l’amour-propre,
c’est l’aspect professionnel qui est touché : Perceval voit ses compétences
en tant que responsable mises en question par l’un de ses collègues. Ce type
d’attaque, quand elle est répétée, peut avoir des conséquences sur la santé
mentale du salarié. C’est l’origine du syndrome de l’imposteur, dont souffre
Merlin 4, mais aussi de différentes formes de troubles psycho-sociaux, parmi
lesquels la dépression. Pour éviter ce sentiment d’imposture, la
reconnaissance des compétences des salariés est fondamentale. Elle peut
émaner de différents organes : le chef, les collaborateurs directs, les salariés
qu’on encadre, etc. C’est l’idée d’être utile qui nous anime, l’un des piliers
fondamentaux de l’épanouissement personnel.

Mais être compétent, déjà, ça veut dire quoi ?


C’est la première question qu’Arthur aurait dû poser à Merlin quand il
s’est mis en tête de recruter des hommes pour mener la quête du Graal, et
c’est bien là le sens de « se distinguer par un fait d’armes » 5. Le statut
initial des chevaliers de la Table ronde repose entièrement sur les
compétences mises en œuvre à l’occasion de cette prétendue aventure
héroïque. Dans les faits, seul Lancelot jouera réellement le jeu – quand on
sait d’ailleurs que Perceval et Karadoc sont entrés à Kaamelott en suivant le
roi malgré lui, on est en droit de se questionner quant à la qualité de leur
champ d’expertise. Être compétent signifie donc :
avoir les acquis, c’est à dire le savoir théorique nécessaire au
poste que l’on occupe ;
avoir le savoir-faire, c’est à dire pouvoir mettre ces acquis en
pratique ;
avoir le recul, c’est à dire être capable de se projeter pour éviter
une production statique, quelle qu’elle soit.

Cet ensemble doit être employé avec une certaine souplesse d’esprit,
« combiner et mobiliser un ensemble de ressources personnelles et externes
pertinentes pour réaliser, dans un contexte particulier, des activités
professionnelles selon certaines modalités d’exercice (critère d’orientation)
afin de produire des résultats (services ou produits) satisfaisant à certains
critères de performance pour un client ou un destinataire. » 6

À Kaamelott, c’est la même chose. Par exemple, savoir mener les


hommes au combat suppose :
d’avoir une connaissance approfondie du domaine militaire (tactiques,
termes techniques, etc.) ;
d’être capable de traduire ces connaissances sur le terrain, et notamment
auprès des hommes ;
de comprendre les enjeux de ce combat à l’échelle individuelle et à
l’échelle collective.

Ces trois points permettent alors au responsable, en fonction du


contexte, de recentrer les tactiques durant le combat, de décider d’une
retraite ou d’une attaque, par exemple. Sa valeur en tant que chef de guerre
sera alors jugée sur :
le résultat final (gagner ou perdre le combat) ;
ses qualités d’encadrement et de meneur ;
sa capacité à prendre de bonnes décisions à un moment-clé.

Pour faire évoluer ses compétences, il faut avant tout les cerner. Chacun
de nous est conscient d’une partie de ses connaissances dans son domaine
professionnel, mais une autre, souvent étendue, nous échappe
nécessairement. Il s’agit des compétences liées à notre éducation scolaire et
familiale, à nos loisirs, à nos anciens métiers… La liste est quasi infinie.
De même, pour améliorer ses compétences de manager, il faut prendre
le temps de repérer et développer les compétences de ses collaborateurs,
c’est à dire identifier les leviers d’évolution, et les accompagner dans cette
démarche.
Vous pouvez bien sûr vous lancer dans un bilan de compétences 7. Cela
vous permettra de jauger vos acquis professionnels et vos qualités
personnelles, et de cibler ou recentrer votre carrière. Cet exercice a
l’avantage de mettre en exergue des aptitudes que vous ne soupçonniez pas
car vous ne les exploitez pas dans votre vie de tous les jours. Mais il vous
est également possible de les lister vous-même. Dans le tableau ci-dessous,
indiquez vos qualités personnelles et associez-les à des compétences
spécifiques. Trouvez ensuite un moyen de les développer, par exemple en
prenant des cours, en suivant une formation accélérée, en lisant sur le sujet
pour renforcer vos connaissances en la matière… Pensez à indiquer à
chaque fois le coût approximatif d’une telle démarche. Vous pourrez ainsi
en mesurer la faisabilité.

Par exemple, Perceval a une capacité de calcul hors du commun. Cette


qualité peut l’aider à établir une estimation extrêmement rapide du nombre
d’ennemis sur un champ de batailles. Pour y parvenir, il doit travailler sa
méthodologie et ses connaissances du terrain militaire ; cela lui permettra
de classifier précisément les hommes en fonction de leur unité, et de
pouvoir ainsi faire un rapport précis au roi des forces ennemies.

QUALITÉ HUMAINE COMPÉTENCE DÉVELOPPER CETTE


COMPÉTENCE

Une fois le tableau rempli, relisez-le posément et entourez les


compétences qui vous semblent les plus pertinentes en fonction de votre
carrière ; vos envies ; vos objectifs.
Listez-les par ordre d’importance. Grâce à cette méthodologie, vous
pouvez dès à présent creuser ces qualités. Vous pouvez recommencer cet
exercice dès que vous le souhaitez, en fonction de votre avancée de
carrière.

Ce type d’exercice peut être mené en équipe, lors d’ateliers qui peuvent
être anonymes. C’est une bonne façon de stimuler le désir d’évolution des
salariés que vous managez, et de les inviter à se dépasser. Pensez à vérifier
en amont si l’entreprise peut se permettre de financer des formations, et
dans quelle mesure.

1. Kaamelott, Livre II, épisodes 96.


2. « C’est Léodagan qui m’a fait une réflexion ce matin. Depuis ça tourne, je me monte le
bourrichon. […] C’est depuis cette histoire, comme quoi le roi veut me nommer responsable de
la sécurité des postes frontières. […] Là-dessus, Léodagan tape du poing sur la table, il fait
comme ça que, comme responsable, il préfère encore nommer une vieille galeuse paralytique. »
– Réplique de Perceval, Kaamelott, Livre I, épisode 89.
3. Ibid.
4. Lire « Merlin, l’imposteur ? ».
5. Réplique d’Arthur, Kaamelott, Livre VI, épisode 3.
6. Guy Le Boterf, « Emploi & Carrière. Être compétent ne veut pas dire agir avec
compétence », dans L’Économiste, édition no 2154, le 21 novembre 2005.
7. Il existe plusieurs options pour accéder au bilan de compétences, et notamment par le biais
de votre Compte personnel de Formation. Vous pouvez pour ce faire consulter le site Internet du
ministère du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion : travail-emploi.gouv.fr.
« J’en ai rien à foutre
de devenir chevalier.
Ce qui m’intéresse,
si y’a un nouveau
roi qui chapeaute tout
le système, c’est d’être
en affaires avec. »
1
Venec

1. Réplique de Venec (Loïc Varraut), Kaamelott, Livre VI, épisode 7.


Profil no 6 : Décryptage
Le presta-collègue un peu trop présent
« Tout ce qui est niveau de prestations,
finitions, déco… Ben ouais, si vous
voulez que ça ait de la gueule, faut
définir un style, une ambiance…
Bon, par exemple, on peut faire genre
sobre, avec des teintes unies, pierres
apparentes… Ou alors, on donne dans
le plus chaud, tentures colorées, statues
de gonzesses à poil… » 1
Tout salarié qui travaille directement avec des prestataires sait à quel
point cette relation est sacrée, car indispensable à la production de la
boîte, et néanmoins très compliquée à certains moments. Parmi eux, il y
a ceux qui sont présents en permanence dans l’entreprise, à un tel point
qu’on en oublierait presque qu’ils ne sont pas salariés de la boîte. Venec
fait partie de cette catégorie. On le croise souvent à Kaamelott, dans une
chambre laissée vacante où il passe ses nuits ou organise des combats de
chiens… 2
Avec une finesse et une intelligence à toute épreuve, le bandit s’est
positionné auprès de la hiérarchie avant même l’avènement du roi au
trône de Bretagne, d’abord en collaborant avec Léodagan et Dame Séli,
puis en entrant en discussion avec Arthur lui-même. Il a ainsi développé
un lien de dépendance très fort avec la cour, lui permettant de faire des
affaires avec elle de tous types, légales (organisation de banquets par
exemple) ou illégales/immorales (vol, marchandage d’esclaves,
proxénétisme…). Il cherche toujours à arranger les affaires du roi, le
fidélisant et assurant sa quasi omniprésence dans la vie du château.

Ce type de prestataire peut parfois vous tirer de situations délicates


au travail, c’est vrai. Sa présence accrue dans votre quotidien
professionnel peut néanmoins devenir problématique. Comme Venec, il
est parfois un peu trop serviable, trop sympathique, trop souriant. Son
objectif : se creuser un trou discret pour y nicher et profiter de
prestations que vous auriez pu adresser à d’autres personnes. En tant que
manager, méfiez-vous donc de ce personnage, généralement moins
charitable qu’opportuniste : ce sera le premier à vous décrier auprès de
votre hiérarchie si vous faites un pas de travers qui a un impact sur lui.
Dès le départ, traitez-le avec le plus strict professionnalisme : être
chaleureux, certes, mais pas ami. Mettez des limites dans cette relation
en lui rappelant de temps à autre qu’il travaille pour vous, et non
l’inverse. S’il ne fait pas une tâche pour laquelle vous le payez, n’hésitez
pas à le saisir et lui expliquer clairement l’objet de cette prestation. Et
s’il essaie de vous court-circuiter, prenez de la hauteur : parlez-en à
votre responsable hiérarchique afin d’étouffer, dès le départ, une
situation qui peut vite devenir immaîtrisable.
N’oubliez jamais que vous êtes le représentant officiel de votre boîte
auprès de vos prestas. Ce n’est jamais à eux de dicter les règles. Et vous
avez toujours le pouvoir d’en changer.

1. Réplique de Venec (Loïc Varraut), Kaamelott, Livre II, 18.


2. Kaamelott, Livre III, épisode 54.
Épisode 2

Combattre l’ennemi

« Manquez encore une seule fois de respect au futur roi de Bretagne, et


je vous coupe les boules ! Ça vous fera une jolie petite sacoche pour ranger
vos dés à coudre. » 1 Qu’il s’adresse aux chevaliers, au roi, à n’importe quel
individu, le Maître d’armes n’a jamais la langue dans la poche. Sans gêne
aucune, et sans trembler devant ses semblables, il agonie ses proies à l’aide
de flots d’insultes censées stimuler leur fibre guerrière.

Il est vrai que l’homme n’a pas à craindre pour sa place à Kaamelott.
Figure essentielle du château, il est celui qui forme les chevaliers aux armes
et qui les maintient à niveau. « C’est capital, de s’entraîner ! En combat
réel, vous allez droit au casse-pipe, avec votre surcharge pondérale ! » 2 La
surcharge pondérale en moins, il n’a pas tout à fait tort. Car à Kaamelott,
comme dans tous les lieux de travail, le danger est partout. Et il ne se
manifeste pas toujours par la force armée ; il y a des prestataires grincheux,
des collègues impossibles, des collaborateurs toxiques, la concurrence…
Au quotidien, le boulot est un véritable champ de bataille. Et Merlin n’est
pas toujours là pour vous prêter main-forte.
1. Réplique du Maître d’armes (Christian Bujeau), Kaamelott, Livre VI, épisode 6.
2. Ibid., Livre II, épisode 76
1
Jauger la concurrence

Quel que soit le Graal que vous cherchez, soyez certain qu’une autre
équipe de chevaliers planche également sur la fabuleuse quête. La
concurrence peut être rude et source de combat. Imaginez par exemple
qu’un de vos collaborateurs quitte la boîte pour lancer sa start-up dans le
même corps de métier, comme Lancelot, et qu’il parvienne finalement à
récupérer l’objet magique avant vous, mettant en cause l’ensemble de votre
mission. Votre entreprise aurait l’œil triste, et vous la boule au ventre. Pour
éviter ce type d’anicroche et maintenir un faciès de leader afin de briller
face à votre hiérarchie, quelques règles s’imposent. Attention néanmoins à
ne jamais déclarer la guerre à l’un de ces ennemis, soyez plus subtil ; on
travaille toujours avec les autres, même s’il s’agit de concurrents, et jamais
contre eux.

En premier lieu, apprenez à définir votre concurrence et l’analyser


par le biais du benchmarking, c’est à dire l’analyse comparative.
L’avènement du web nous permet l’accès à de multiples outils pour
chercher, identifier et étudier les boîtes qui travaillent dans le même
domaine que le nôtre. Pour ce faire, établissez un tableau dans lequel vous
référencerez chaque entreprise qui correspond à votre secteur, en partant de
ces points communs :
des produits identiques ou approchant (production d’épées, vente
de cervoise, etc.) ;
des objectifs qui vous semblent commun (chercher un Graal,
combattre des dragons, renforcer l’économie de votre
royaume, etc.) ;
des méthodes de travail comparables (chevaliers en freelance,
soutien d’une grande équipe d’écuyers, Dame du Lac en flex-
office, etc.).

Organisez alors les entreprises par taille, ce qui vous permettra de


comprendre clairement où vous vous situez dans cette construction.
Dans ce même tableau, détaillez les différents éléments qui font
l’identité de chaque concurrent : valeurs, objectifs, types de missions, etc.
Identifiez alors le « plus » de ces entreprises : leur force repose-t-elle sur un
Arthur charismatique ? sur un bagage historique qui fait autorité ? une
production locale ? des produits jugés de bonne facture par l’opinion
publique ?
Cette partie est la plus compliquée car elle exige du temps et une fine
capacité d’analyse. C’est également la plus intéressante car c’est en
comparant votre mise en œuvre et vos résultats avec celles des autres
entreprises que vous mettrez le doigt sur ce qui marche et ce qui pêche de
votre côté.
Vous pouvez aller plus loin en ajoutant tout élément d’analyse qui
vous paraît pertinent dans cette perspective, tel le chiffre d’affaire (combien
de trésors amassés au cours de l’année).
Prenez alors le temps d’armer vos catapultes pour répondre à la
concurrence. Remettez à plat ce qui fait l’identité de votre entreprise, et
analysez précisément les éléments positifs et négatifs issus du tableau
précédent.
C’est le moment de trouver des solutions. Elles peuvent être
financières (renforcer son armée, par exemple), sociales et managériales
(adouber un salarié méritant…) ou organisationnelles (revoir la composition
de la Table ronde…).
Préparez un dossier à destination de votre hiérarchie, qui résume
votre analyse et détaillez-y les points qui vous semblent essentiels à
l’évolution de la boîte, de votre service et à la réussite de vos objectifs.
2
Régler les batailles internes

Une entreprise, tout comme un château, peut être le théâtre de conflits


entre collègues. Et on le comprend : la confrontation entre des personnalités
opposées peut parfois être électrique, voire carrément explosive, à laquelle
peut s’ajouter une relation de compétition. Imaginez-vous en proie aux
foudres de Léodagan après avoir démonté l’une de ses fameuses catapultes,
ou à la colère de Calogrenant si vous le complimentiez sur sa jupe devenue
en une réunion la tenue officielle de Calédonie…
Les conflits internes peuvent être destructeurs pour une boîte. Le départ
brutal de Lancelot, par exemple, a renforcé les doutes existentiels d’Arthur
et accéléré son abdication. Kaamelott, sens dessus dessous, a interrompu ce
qui, depuis l’origine, légitimait sa création : la recherche du Graal. En tant
que manager, ne laissez donc jamais pourrir ce type de relation.

La résolution de conflits, qu’ils vous touchent directement en tant que


salarié, ou manager, doit être menée par l’apaisement. Observons la
stratégie d’Arthur au quotidien : si une mésentente explose au sein de son
équipe, il intervient d’abord pour calmer le jeu. Dans l’épisode « Perceval
fait raitournelle » 1, Karadoc et le Père Blaise se disputent violemment à
propos de la recherche d’un livre expliquant les règles des jeux de cartes du
pays de Galles : « Mais c’est pas possible d’être con à ce point-là !
s’insurge le père Blaise. Ça fait quinze fois que je lis et vous ne comprenez
toujours rien ! » 2 Arthur intervient alors entre les deux personnages,
arbalète à la main, pour leur intimer le silence : « Foutez-moi le camp !
Tirez-vous. Tirez-vous ! Tirez-vous ! La prochaine fois qu’il vous prend
l’envie de gueuler, allez donc faire un tour en forêt ! » 3

Dans cette situation, c’est son statut de roi qui lui permet de jouer de
son autorité pour réduire à néant la montée en puissance de la colère de
Karadoc et du Père Blaise 4. Mais nous n’avons pas tous l’intitulé de poste
qui va avec. En tant que manager, suivez plutôt cette stratégie :
organisez une entrevue entre les deux parties en conflit pour les amener
à exprimer posément leurs griefs. Ce type de situation doit se dérouler
dans le calme du début à la fin. Le manager joue alors un rôle de
conciliateur. Il doit être capable d’apaiser les deux salariés et d’étouffer
les éventuelles montées de colère. À l’issue de la confrontation, il
propose des solutions permettant de poursuivre la vie de bureau dans un
climat plus paisible : une nouvelle répartition des tâches, une
distanciation imposée entre les deux personnes, des moments de team
buildings pour renforcer la cohésion d’équipe, etc. ;
si la situation est plus compliquée, ou si vous-même êtes aux prises
avec un autre collègue, faire appel à un médiateur est plus adapté. Il
peut s’agir d’un collègue, ou d’un professionnel, qui parviendra à rester
complètement objectif au regard de la situation.

1. Kaamelott, Livre IV, épisode 71.


2. Réplique du Père Blaise (Jean-Robert Lombard), Kaamelott, Livre IV, épisode 71.
3. Réplique d’Arthur (Alexandre Astier), Kaamelott, Livre IV, épisode 71.
4. Geoffrey Marcq, « La résolution de conflits », dans Les Cahiers Internationaux de
Psychologie Sociale, no 109, 2016/1.
3
Combattre un salarié toxique

Les situations pourries entre collègues peuvent aussi avoir une origine
plus profonde, qui repose sur une personne en particulier. On l’appelle le
collègue toxique, mais ce peut être un chef 1, un client, un prestataire… Ces
personnes sont de plusieurs types : il y a des manipulateurs invétérés, des
critiqueurs à tout-va, qui usent de stratégies de sadisme parfois difficilement
identifiables comme l’intimidation et l’humiliation. Le pervers narcissique
en est le modèle suprême, ce personnage, sympathique au premier abord,
qui emploie toutes les techniques possibles, sans empathie, pour se mettre
en valeur et en tirer un profit personnel 2.

Dans Kaamelott, Goustan le Cruel, père de Léodagan, peut être


considéré comme un collaborateur toxique. « Les enfants, il faut les
détester. C’est comme ça qu’ils deviennent hargneux » 3, explique-t-il à
Arthur avec un regard sadique. Il n’hésite pas à critiquer brutalement la
politique du roi et emploie toutes les techniques à sa disposition pour
humilier son interlocuteur 4 : « C’est justement parce que vous avez été
cocolé par une lopette de jardinier que vous gouvernez comme une
femme ! » 5 Il a en outre sur son fils, pourtant roi de Carmélide et donc
autorité principale dans ce royaume, une influence particulièrement forte
qui suscite une forme de vénération – qui peut s’apparenter au syndrome de
Stockholm : « Je vous ai passé le pouvoir, je ne vais pas vous le reprendre.
Mais faites attention de ne pas devenir une tarlouze ! » 6
Là encore, c’est le calme qu’il faut parvenir à entretenir face à ce type
d’individu. Comme Arthur, choisissez de ne pas réagir à ses attaques
vicieuses. De la même manière, ne vous justifiez pas s’il vous fait des
reproches dans le cadre professionnel ; vous n’avez pas à lui rendre de
comptes. Détournez plutôt le problème : questionnez ouvertement la qualité
de votre travail devant votre responsable : est-il satisfait ? certaines tâches
peuvent-elles être améliorées ? De cette manière, vous vous placez en
professionnel et assurez vouloir faire au mieux pour le bien de l’entreprise :
ce positionnement est inattaquable.

De la même manière, si vous faites l’objet de rumeurs, évitez de vous


rapprocher de l’ensemble des collaborateurs de votre boîte pour les
démentir ; vous entreriez dans ce jeu vicieux et pousseriez les autres à
choisir un camp.

Le manager a également pour rôle de gérer ce type de salarié. Il


devra :
prendre en note les multiples agissements du salarié toxique ;
les étayer avec des preuves (témoins, mails, courriers, etc.) ;
remonter ces informations à sa hiérarchie directe et proposer une
solution : ce peut être, par exemple, de se délester de ce
dangereux collaborateur.

Manager une équipe, c’est parvenir à la protéger au quotidien. Toute la


difficulté de la tâche repose sur votre statut : vous devez veiller au bien-être
des salariés que vous encadrez tout en respectant les tâches qui vous
incombent en tant que responsable, et en lien avec à votre supérieur
hiérarchique, c’est à dire le roi.
1. Sur la question du patron toxique, lire « Et si le roi est toxique ? ».
2. Sur la question du pervers narcissique, lire notamment Jean-Charles Bouchoux, Les Pervers
narcissiques. Qui sont-ils ? Comment fonctionnent-ils ? Comment leur échapper ?, Paris :
Eyrolles, 2019.
3. Réplique de Goustan (Philippe Nahon), Kaamelott, Livre I, épisode 63.
4. Ces répliques homophobes ont de quoi choquer. Le comique, ici, ne repose en fait pas sur
l’expression usitée par Goustau mais sur sa capacité à déclamer des insanités sur commande,
créant ainsi un décalage fondamental entre la grandeur d’Arthur en tant que roi magnanime et
moderne, et la vulagrité des son interlocuteur, caricature du pouvoir.
5. Réplique de Goustan (Philippe Nahon), Kaamelott, Livre I, épisode 63.
6. Réplique de Goustan (Philippe Nahon), Kaamelott, Livre VI, épisode 7.
« En garde, ma biquette !
Je vais vous découper
le gras du cul, ça vous
fera ça de moins
à trimbaler ! »
1
Le Maître d’armes

1. Réplique du Maître d’armes (Christian Bujeau), Kaamelott, Livre II, épisode 52.
Profil no 7 : Décryptage
Le vulgo-collègue
« En garde, espèce de vieille pute
dégarnie ! » 1
Parmi les collègues insupportables, il y en a un qui, parfois, nous fait
nous esclaffer au travail et, à d’autres moments, nous donne
furieusement envie de lui mettre un pain. Ce salarié, c’est le vulgaire. Il
a la langue bien pendue et épicée, et ne manque jamais une occasion de
balancer une blague sale, voire carrément immorale. En soi, ce collègue
n’est pas fondamentalement méchant. Il peut même être plein de
sympathie et de bonne volonté. Et ses expressions décadentes amusent
plus souvent qu’elles ne blessent.
Il peut malgré tout être compliqué de travailler avec lui, tant en tant
que collègue direct que manager, car le vulgos est, comme chacun de ses
pairs, un fier représentant de sa boîte. Et aucune entreprise ne souhaite
être assimilée à un langage de charretier.
C’est un peu le Maître d’armes de votre boîte, celui capable de
déclamer des « petite bite », « petite pédale » ou « petite tapette », des
« vieille pute dégarnie » ou « grosse conne », et on en oublie ! Il n’a pas
peur d’être taxé de sexiste, d’homophobe, de raciste, car tout le monde
en prend pour son grade sans ciblage spécifique – ce qui, soyons clair,
n’est pas plus légitime. Il insulte copieusement son prochain, avec une
certaine forme de camaraderie, et sans se préoccuper, le plus souvent, du
statut hiérarchique de son interlocuteur. C’est ainsi que le Maître
d’armes prendra grand plaisir à injurier Arthur afin de stimuler sa verve
combattante.
Que faire si votre collègue ou le salarié que vous encadrez fait partie
de cette catégorie ? Sachez d’abord qu’une insulte ciblée (sexiste,
homophobe, raciste…) dans le cadre professionnel peut être considérée
par la loi comme une forme de harcèlement au travail. Si ce type de
situation se présente, il convient de rappeler à l’ordre le salarié en lui
expliquant les textes de lois et les risques qu’il encoure. Dans le cas d’un
injure jugée humiliante, voire dégradante, une réaction disciplinaire peut
être décidée en concertation avec votre hiérarchie et/ou votre direction
des ressources humaines.
Le cas du collègue non nuisible mais au langage de charretier est
plus délicate, pour la simple raison qu’aucune loi n’interdit de parler de
manière grossière au travail.
Le vulgo-collègue n’est pas entièrement maîtrisable. Apprenez
néanmoins à le connaître et tissez un lien humain avec lui. Ses
expressions parfois inattendues au bureau amusent l’équipe ; il peut ainsi
tenir un rôle fondamental dans la cohésion d’équipe.

1. Réplique du Maître d’armes (Christian Bujeau), Kaamelott, Livre I, épisode 9.


Épisode 3

Servir son roi

Comme chaque manager, le roi est d’abord un chevalier. Cela signifie


qu’il est généralement un salarié comme les autres, mais investi d’une
mission différente : l’objectif de sa fiche de poste est de mener ses équipes
et d’en tirer le meilleur pour faire avancer la boîte dans sa globalité. Qu’il
ait été nommé par les dieux, les royaumes fédérés, l’État, le propriétaire de
la boîte, ou toute autre autorité, il est un professionnel de son secteur,
comme vous, mais doté d’une vision d’ensemble sur le travail de ses
collaborateurs.
Rappelez-vous de cette règle : tout roi a au-dessus de lui un autre chef.
Les rois fédérés de Kaamelott sont sous la tutelle d’Arthur. Le poste
d’Arthur lui-même dépend des dieux et, d’une autre manière, de Rome.

Tout chevalier qui se respecte doit apprendre à servir son roi. Attention,
cela ne signifie pas être soumis à son chef. Bien au contraire. Servir son roi,
c’est trouver la bonne adéquation entre ses exigences professionnelles (vos
objectifs imposés) et ses intérêts en tant qu’individu dans le travail (vos
objectifs personnels).
La notion de hiérarchie peut néanmoins être problématique dans vos
relations avec lui, et notamment si vous managez une équipe. Après tout, le
roi est un être humain, il a donc des défauts et des qualités. Il n’est pas
irréprochable et peut même, parfois, être carrément pénible. Comme vous.
1
Faut-il être ami avec son roi ?

Lancelot s’en mordrait la langue si on lui demandait la nature de sa


relation avec Arthur. Et on comprend pourquoi : le fidèle bras droit, ami du
roi et meneur invétéré de la quête du Graal, a trahi la personne dont il était
le plus proche. Son retour au château s’est soldé par un regain d’amour pour
le monarque, marqué par son sauvetage in extremis du suicide. Lancelot
pourtant a vécu une période de doutes identitaires au cours de laquelle il a
questionné ses rapports avec son N+1.
Interroger cette relation n’est en fait pas une mauvaise idée. Les
rapports humains dans le travail ont cela de particulier qu’ils sont
nécessairement aliénés par la notion de hiérarchie et l’exigence de
production et/ou de productivité. Et cette complexité peut se ressentir à
plusieurs niveaux : entre l’employé et son manager, entre le manager et son
supérieur direct (manager ou roi), entre ce même manager et l’éventuelle
hiérarchie de son N+1 (manager, roi, Rome, les dieux…).

La démarche de Lancelot est donc légitime et nous renvoie à celle de


Perceval, qui semble percevoir le roi non seulement comme un chef mais
aussi comme une figure paternelle à laquelle il souhaite plaire.
Rappelons que le chevalier du Pays de Galles est l’un des rares à ne pas
avoir tenté d’extraire Excalibur du rocher par allégeance à son roi – c’est
pourtant un élu des dieux, le seul capable d’activer la magie de l’épée, en
dehors d’Arthur, et qui est promis à une grande destinée 1. Il décidera même
de s’enfermer dans un tonneau pour protester contre les chevaliers qui
tentent de récupérer l’arme des dieux : « Tant qu’il y aura des salopards
pour essayer de vous voler votre épée, je resterai dans le tonneau ! » 2
Sa relation avec son chef est fusionnelle, une réalité qui pourrait être
jugée comme carrément malsaine dans le cadre professionnel. Perceval
pousse Arthur à exprimer ses vraies émotions à son égard et admet qu’il
quittera Kaamelott si son monarque ne l’aime pas : « Je suis obligé. Parce
que moi, je vous aime vachement, quand même. Alors ces trucs-là, quand
ça marche que dans un sens, c’est pas bien bon. » 3 Dans cet épisode, Arthur
parle de « chantage affectif » 4, et il n’a pas tort. Ce type de situation ne doit
jamais se produire dans l’espace professionnel, au risque de se traduire
comme une forme de harcèlement. Et personne ne souhaite cela.

1. Kaamelott, Livre II, épisode 52.


2. Réplique de Perceval (Franck Pitiot), Kaamelott, Livre V, épisode 18.
3. Réplique de Perceval (Franck Pitiot), Kaamelott, Livre II, épisode 94.
4. Réplique d’Arthur (Alexandre Astier), Kaamelott, Livre II, épisode 94.
2
Gérer les relations roi/chevalier(s)

Il faut comprendre que les relations entre un chef/manager et le salarié


qu’il encadre dépendent des deux parties : « Le collaborateur est
responsable à 50 % de la teneur de la relation avec son supérieur. […] Par
habitude, par paresse ou par crainte, on laisse souvent le N+1 tout régenter.
[…] Le supérieur ne doit pas déterminer seul le fonctionnement de la
relation » 1
Établir des bases saines est donc une priorité. Elles doivent reposer sur
une expression de respect et une certaine forme de transparence vis-à-vis de
l’autre.

Cela passe d’abord par les feedbacks (remontées d’informations) des


deux côtés, et sur différents points, qu’ils soient positifs ou négatifs :
avancée d’un dossier lambda, efficacité et compétences de votre équipe,
objectifs atteints ou non, problèmes rencontrés, etc. Ces micro-synthèses
vous permettront de tirer un bilan concret de votre travail et de celui des
collaborateurs que vous encadrez, notamment en vue de l’entretien annuel,
pour vous permettre de faire évoluer certaines pratiques et de vous
développer en tant que professionnel. C’est l’une des finalités des réunions
de la Table ronde. C’est aussi l’objet des moments de retours de mission
durant lesquels les chevaliers racontent ce qu’ils ont vu et leurs exploits.
Côte manager, faire redescendre les informations à son staff est
également fondamental, tant les erreurs que le positif. Pensez à toujours
féliciter vos collaborateurs sur certaines de leurs tâches, c’est une manière
de conforter leur sentiment d’appartenance à l’entreprise et leur confiance
en eux. Arthur, par exemple, est toujours disponible pour son équipe de
chevaliers. Il est néanmoins trop avare de compliments, et cette stratégie
influencera la désagrégation de l’équipe au cours du Livre V.
Ce sont également ces mêmes feedbacks qui vous permettront d’adapter
votre management aux collaborateurs avec lesquels vous travaillez. Il
n’existe pas de règles précises pour ce faire ; vous devez faire preuve d’une
grande ouverture d’esprit – c’est à dire être le plus objectif possible –,
d’empathie et d’écoute pour parvenir à cerner les personnalités et juger de
quelle manière les gérer au quotidien.

De manière générale, et on ne le dira jamais assez, la communication


est essentielle, et même si vous êtes en télétravail. Arthur passe son temps à
discuter avec ses chevaliers, que ce soit lors des réunions officielles, sur le
terrain, durant les moments de pause, voire dans l’intimité. L’échange est
permanent et fondamental, à n’importe quel niveau hiérarchique. Il doit
reposer sur :
la liberté d’expression, avec des formulations toujours respectueuses
envers autrui – évitez donc d’insulter vos collaborateurs à tout-va
comme le fait Arthur ;
la capacité de modulation, c’est-à-dire d’adapter sa façon de
communiquer en fonction de votre interlocuteur – Perceval, s’il reste
toujours authentique, parle de manière moins brutale, ou familière, à
Arthur qu’à Karadoc ;
la gestion des émotions : quelle que soit la complexité de votre situation
professionnelle, ne laissez jamais les sentiments prendre le dessus dans
votre communication avec votre chef ou vos salariés. Cela ne signifie
pas que vous deviez vous interdire d’exprimer ce que vous ressentez,
mais faites-le avec recul. Cela vous évitera par exemple une situation à
la Merlin, où le salarié, blessé par sa concurrence directe et le manque
de soutien de sa hiérarchie, quitte brutalement l’entreprise avec la ferme
intention de vilipender Arthur et sa gestion du royaume.

Dans cette même communication, il faut être clair et concis, à


commencer par la définition des objectifs de l’entreprise et de chacun
d’entre vous. Cela permettra au salarié de bien comprendre son rôle dans
l’équipe, ou de confirmer qu’il l’a compris, et au manager de clarifier de
potentielles zones d’ombre tout en jaugeant la réalité des compétences de
son collaborateur.

Bien évidemment, un manager n’a pas obligation à rendre des comptes


à son équipe. Se placer dans cette position permettra néanmoins à votre
équipe de comprendre votre rôle dans cette équation et lui donnera le
sentiment que vous travaillez tous en visant les mêmes objectifs globaux.
C’est un échange humain, qui dépasse nécessairement le cadre parfois
rigide qu’impose la notion de hiérarchie.

En tant que manager, invitez clairement vos salariés à expliquer ce


qu’ils attendent de vous : comment aiment-ils travailler (par exemple en
autonomie, avec validations successives de la hiérarchie, etc.). Proposez-
leur votre aide sur certaines missions compliquées, par exemple pour définir
la méthodologie de travail. Arthur par exemple soutient fréquemment ses
équipes en mission, et particulièrement quand il s’agit de nouveaux
chevaliers tels Yvain et Gauvain. Il emmenera, par exemple, son neveu dans
une quête au trésor au cœur d’une grotte 2.

Le lien qui existe entre deux personnes, par choix ou par obligation, est
précieux mais fragile. Parvenir à maintenir ce rapport empathique est
compliqué car les personnalités peuvent entrer en confrontation. Il est
essentiel de prévoir des moments de partage, tant du côté du salarié que du
manager. Cela peut passer par l’organisation des déjeuners d’équipe mais
aussi par des demandes plus spontanées : prendre un café ou déjeuner seul
avec son boss, à la demande de l’un ou l’autre des deux parties, comme
Perceval le fait fréquemment avec Arthur, permet par exemple de clarifier
certaines attitudes que l’un des deux côtés aurait mal interprétées.

1. Hélène Jacob, C’est qui le chef ?… Ou comment gérer son boss, Paris : Vuibert Pratique,
2011.
2. Kaamelott, Livre II, épisode 90.
3
Et si le roi est toxique ?

Les difficultés de communication dans la sphère professionnelle


peuvent être l’origine d’une profonde dégradation des conditions de travail.
À cela s’ajoute une mouvance générale, et parfaitement humaine, liée à une
défiance de l’autorité, dans ce cas incarnée par le chef d’équipe, le manager,
le patron de la boîte… Les chiffres sont parlants : on estime qu’en France
moins de 20 % des salariés ont une très bonne opinion de leur manager, un
chiffre qui n’est guère plus glorieux à l’échelle européenne (22 %) 1.
Il faut parvenir à différencier le roi qui fait des erreurs du véritable
mauvais roi, dont les agissements sont illégaux ou immoraux. Arthur, par
exemple, n’est pas un manager exemplaire : il est colérique, impulsif et
exigeant. C’est néanmoins un manager très empathique et à l’écoute de ses
chevaliers. Par opposition, Goustan est quant à lui la caricature du patron
pourri, un modèle à ne surtout pas suivre.

Avant d’entamer la moindre procédure légale pour faire valoir vos


droits, prenez du recul, observez les faits et gestes de votre roi, prenez des
notes. Analysez également votre attitude au quotidien, comparez-la à celle
de votre boss. Demandez-vous si son antipathie est uniquement dirigée
contre vous, si elle vise d’autres chevaliers, de quelle manière elle
s’exprime, dans quelles conditions très précises. Faites-vous conseiller par
un observateur objectif si cela est possible, par votre direction des
ressources humaines, la médecine du travail. Cette dernière peut être
amenée à vous diriger vers des psychologues du travail qui vous aideront à
prendre du recul pour adopter l’attitude qui vous convient.

Le harcèlement moral est une réalité dans nombre d’entreprises, un mal


qui a mis bien du temps à être reconnu. 20 % des salariés français estiment
subir ou avoir subi ce type de harcèlement 2. Sur la question du harcèlement
sexuel, le chiffre monte à 32 % pour les salariées françaises 3. Des petites
réflexions, des gestes déplacés suffisent à provoquer le mal-être, et c’est
normal. Sur ce point, Kaamelott, caricature chevaleresque de l’histoire
médiévale (donc portée par la domination masculine) n’est pas exemplaire 4.

Selon le Code du Travail, « aucun salarié ne doit subir les agissements


répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une
dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses
droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique et mentale ou de
compromettre son avenir professionnel. » 5 Être chevalier, c’est aussi se
défendre d’un boss toxique et ne jamais le devenir. De nombreuses armes
légales sont à votre disposition pour ce faire 6. Gardez toujours en tête que
vous êtes un professionnel de votre secteur et, comme n’importe quel roi,
qu’il règne sur la Bretagne, sur la Carmélide, la Calédonie, l’Orcanie,
l’Armorique ou ailleurs, vous aussi avez des droits. Prenez votre épée et
pourfendez l’injustice. Et si vous êtes roi, prenez garde à ne jamais devenir
toxique : vous vous brûleriez les ailes très rapidement !

1. Chiffres issus de l’enquête « Le manager idéal », réalisée en 2011 par BVA pour BPI Group
dans 11 pays, sur un panel de 6 800 salariés.
2. Enquête Ipsos réalisée en 2000 sur un panel de 471 salariés. Ce chiffre est à mettre en
relation avec d’autres études : selon un sondage Cegos réalisé en 2015 sur un panel de
1 204 personnes, 61 % des salariés estiment subir un stress régulier lié à la charge de travail et
73 % considèrent que leur métier empiète sur leur temps personnel.
3. Enquête IFOP menée en 2018 sur un échantillon de 2 008 salariées.
4. Si certaines scènes de la série pourraient être jugées sexistes, comme d’autres homophobes
ou racistes, elles doivent être remises en lien avec l’œuvre dans son ensemble qui se veut un
reflet critique de notre société actuelle. Nous ne prendrons donc pas ce parti ici.
5. Code du Travail, article L1152-1.
6. Vous pouvez consulter le site du ministère du Travail qui explique clairement la marche à
suivre : www.service-public.fr. Ce type de démarche, qui peut être lourde, résulte d’un choix qui
n’appartient qu’à vous, le principal étant que vous trouviez l’épanouissement, d’une manière ou
d’une autre.
« J’ai dit :
“Le roi je l’emmerde.”
Mais c’était dit sans
méchanceté. »
1
Lancelot

1. Réplique de Lancelot (Thomas Cousseau), Kaamelott, Livre II, épisode 85.


Profil no 8 : Décryptage
Le chef qui voulut être chef à la place
du chef
« J’en ai plein le cul de seconder
un merdeux de dix ans même pas foutu
de trouver un Graal ou de faire un gamin
à sa femme ! Oui alors voilà, je me suis
assis sur votre trône parce que je fais
la moitié de votre boulot. Et je vous
emmerde ! » 1
Lancelot est un personnage qui fascine depuis la genèse du cycle
arthurien. Comme Perceval, ses aventures lui permirent de prendre du
galon auprès d’un public passionné par les légendes, au point d’en
devenir l’une des figures centrales. Son amour pour Guenièvre, qui les
conduisit tous deux à l’adultère, fit du chevalier un être impur dans la
quête du Graal. C’est cette complexité identitaire qu’Alexandre Astier a
retranscrite dans son œuvre. Mais sous la plume acérée de l’auteur,
Lancelot prend des airs parfois peu humbles, gorgés de condescendance,
un état d’esprit qui l’amènera, on le sait, à rompre ponctuellement ses
relations avec la Table ronde.

L’amant de Guenièvre est un collaborateur dangereux ; trop imbu de


lui-même, il se positionne comme le véritable leader de la quête, au
grand dépit d’Arthur. Dans la série, il affirme à de nombreuses reprises
être plus compétent, ou plus apte que son roi à mener cette quête
transcendantale. C’est, en fin de compte, le genre de manager qui désire
prendre la place de son chef coûte que coûte, un collaborateur
problématique, tant pour le chef lui-même que pour l’équipe qui ne
reconnaît pas son autorité.

« Occupe-toi de cette mission ; tu devrais plutôt faire comme ceci ;


je ne suis pas convaincu par ta manière de travailler, etc. »

En tant que salarié à la même position hiérarchique, gardez toujours


en tête que vous n’avez pas à lui obéir au doigt et à l’œil. Sauf à le
désigner chef de projet, votre boss n’aura aucun intérêt à le laisser
s’imprégner ainsi du bureau. Jouez la diplomatie : quand il vous donne
des ordres, répondez-lui d’égal à égal, toujours dans le calme, qu’il va
au-delà des prérogatives qui lui sont propres, et qu’il n’a pas à intervenir
de cette manière dans votre travail. Rappelez-lui subtilement que vous
avez le même statut hiérarchique, et que ce n’est pas de lui que vous
prenez vos ordres.

Si la situation perdure, vous pouvez saisir votre hiérarchie afin


qu’elle clarifie les tâches et le statut de chacun. Ne vous laissez jamais
impressionner par ce type de collègue ; il tente d’asseoir son autorité
autour de lui afin d’en tirer une forme de pouvoir.

Si vous êtes son manager, la situation est plus délicate. Et pour


cause : l’attitude à adopter ne sera pas la même en fonction de sa
personnalité et de ses intentions réelles. Convoquez-le et demandez-lui
directement ce qu’il en est. Pourquoi se positionner en chef alors qu’il
n’en a pas le statut ? La discussion peut être longue et complexe, mais
vous devrez essayer de comprendre si cette attitude est une réponse à un
problème personnel, d’anxiété par exemple (auquel cas la médecine du
travail semble la solution la plus adaptée), s’il est simplement imbu de
lui-même et s’il brigue réellement votre poste.
Rien ne vous empêche alors de lui dispenser des conseils pour
évoluer hiérarchiquement, mais en insistant sur le fait que c’est vous, le
chef, et que tant que la situation reste en l’état, il doit vous obéir et non
contester votre manière de régner.
Si son attitude n’évolue pas, faites jouer les sanctions. Ne soyez
néanmoins pas dans l’agressivité et traitez-le comme le reste de vos
collaborateurs pour éviter qu’il ne perçoive un traitement exceptionnel,
attitude qu’il pourrait vous reprocher directement ou en passant par votre
hiérarchie.

1. Réplique de Lancelot (Thomas Cousseau), Kaamelott, Livre II, épisode 85.


Bilan

Le chevalier manager ne s’invente pas

Être manager est un travail à plein temps. Il est même double car il
suppose :
– de mener à bien les objectifs qui vous ont été donnés, tant dans la
production (si vous êtes également exécutant) que dans la gestion cohérente
et organisée de l’équipe – trouver le Graal avec ses chevaliers de la Table
ronde, les piloter pour mener des quêtes annexes, décider de stratégies de
guerre…
– de protéger cette équipe, au sens large du terme ; c’est vous qui êtes
garant de l’ambiance et du bien-être des salariés dans la limite du pouvoir
qui vous est octroyé en tant que responsable – permettre à chacun de
trouver ses repères dans votre Kaamelott, être présent en cas de besoin, ne
pas craindre d’être médiateur si deux chevaliers en viennent aux armes.

Cette double mission est parfois lourde à gérer – nous n’avons pas tous
le même bagage, qu’il soit lié aux expériences passées ou à sa propre
personnalité – mais ce n’est pas rédhibitoire : chaque salarié a en lui la
force de devenir un jour manager. Observez Karadoc : qui aurait pu
imaginer qu’un jour il grimperait sur le trône du roi de Bretagne ? Et qui
peut dire qu’il exerce mal le pouvoir ?

Avec de l’entraînement, une formation et du temps, chacun peut devenir


un très bon responsable d’équipe. Ne soyez néanmoins pas trop dur avec
vous-même : nous faisons tous des erreurs, même le dirigeant de la boîte,
même Arthur, et ce sont ces erreurs qui nous poussent à nous remettre en
question pour avancer dans notre manière de voir le monde et dans notre
carrière.

Vous devez être assez flexible dans la mise en pratique de ces leçons
pour avoir la réponse adéquate dans une situation spécifique. Car, de la
même manière, aucun collaborateur ne ressemble à un autre.
« Un manager, comme un dirigeant, est souvent seul face à lui-même et
n’a pas le loisir de se confier à qui que ce soit pour livrer son état
émotionnel, ses doutes et ses craintes, quelquefois ses anxiétés. Et pourtant,
sa capacité à douter, à douter de soi, de ses actions, des décisions passées et
de son aptitude à faire face, transformera le manager en leader en
l’autorisant à remettre en question ses points de vue, en osant agir de
manière différente. » 1

Avant de poursuivre la leçon, prenez le temps de compléter ce petit


exercice. Choisissez la bonne réponse aux questions suivantes : cochez celle
qui vous semble correcte, puis vérifiez les réponses. Si vous en obtenez au
moins 8 bonnes, poursuivez la leçon. Si ce n’est pas le cas, reprenez la
précédente et retravaillez les points sur lesquels vous avez des faiblesses.

1. Que sont les compétences ?


la combinaison des acquis et du savoir-faire appréhendés avec le
recul et la souplesse nécessaires.
les connaissances issues de l’expérience professionnelle : plus
cette dernière est riche, plus les compétences seront solides.
le savoir théorique acquis durant sa formation scolaire,
indispensable avant la mise en pratique concrète dans l’espace
professionnel.
2. Pour être plus performant, il faut :
s’inspirer de la concurrence et faire évoluer ses projets au mieux.
faire évoluer ses compétences, en partant d’une analyse de la
concurrence.
s’entourer d’une équipe compétente et les mener d’une main de
fer.
3. Une équipe, c’est :
un ensemble de collaborateurs qui obéissent aux ordres d’un
manager.
une unité qui peut être hétéroclite et travaille pour un objectif
commun.
un groupe solidaire et humain qui est là avant tout pour le plaisir.
4. La relation avec sa propre équipe doit être basée sur :
la notion de hiérarchie, l’autorité, les sanctions.
la camaraderie, l’amusement, la détente.
le respect, la transparence, le partage d’informations.
5. Pour être un bon manager, il faut :
communiquer, mettre en place des feedbacks et prévoir des
moments de partage.
se donner un objectif concret et user de tous les moyens possibles
pour que l’équipe l’atteigne.
développer des liens d’amitié avec chaque collaborateur pour
souder l’équipe.
6. Dans une boîte, la plupart des conflits peuvent être résolus par :
les primes.
l’autorité.
la discussion.
7. Un conflit entre deux salariés de votre équipe se réglera par :
la médiation entre les deux personnes.
la punition de l’une ou des deux personnes.
la séparation des deux personnes dans l’espace professionnel.
8. Un salarié qui cause des problèmes doit :
être ignoré.
être placardé.
être aidé.
9. Les relations avec votre supérieur direct :
sont sacrées et démontrent votre position hiérarchique et sociale
dans l’entreprise.
reposent sur l’autorité, votre chef étant votre véritable mentor.
sont basées sur les mêmes rapports respectueux que vous avez
développés avec les salariés que vous encadrez.
10. Le harcèlement moral ou sexuel :
se règle uniquement avec le départ de l’entreprise de l’une des
deux parties.
peut être mené aux prud’hommes si la résolution de conflit est
impossible.
doit être ignoré pour éviter qu’il ne souille l’identité de
l’entreprise.

1. Alain Manoukian, Être un manager responsable, Paris : Bréal, 2011.


1. Les compétences sont la combinaison des acquis et du savoir-faire
appréhendés avec le recul et la souplesse nécessaires.
2. Pour être plus performant, il faut faire évoluer ses compétences,
en partant d’une analyse de la concurrence.
3. Une équipe, c’est une unité qui peut être hétéroclite et travaille
pour un objectif commun.
4. La relation avec sa propre équipe doit être basée sur le respect, la
transparence, le partage d’informations.
5. Pour être un bon manager, il faut communiquer, mettre en place
des feedbacks et prévoir des moments de partage.
6. Dans une boîte, la plupart des conflits peuvent être résolus par la
discussion.
7. Un conflit entre deux salariés de votre équipe se réglera par la
médiation entre les deux personnes.
8. Un salarié problématique doit être aidé.
9. Les relations avec votre supérieur direct sont basées sur les
mêmes rapports respectueux que vous avez développés avec les
salariés que vous encadrez.
10. Le harcèlement moral ou sexuel peut être mené aux
prud’hommes si la résolution de conflits est impossible.
Livre IV

Devenez chevalier : être


un roi magnanime en trois leçons
Être roi à la place du roi. Voilà quelque chose dont nombre de
chevaliers rêvent secrètement. Certains sont peu subtils dans cette
perspective, à l’image de Lancelot qui part monter son clan autonome,
d’autres carrément opportunistes, tel Léodagan qui s’empresse de tenter
d’extraire Excalibur du rocher quand son monarque l’y replante. Et puis il y
a des Karadoc, capables de sauter sur le trône quand la chance se présente.
Être roi, patron d’une société, ce n’est pas facile tous les jours. Pour
mener à bien sa mission, il faut être capable de trouver le bon dosage de
compétences, d’organisation et de gestion de l’humain, le tout en respectant
un budget défini. Le boss doit savoir se remettre en question tout en restant
confiant dans ce qu’il est et dans sa quête. « Je suis le roi Arthur, je ne
désespère pas, confirmera notre héros. Jamais je perds courage. Je suis un
exemple pour les enfants. » 1 Ce chef, pourtant, perdra foi en son travail lors
d’une crise existentielle d’une incroyable violence. Mais cette même crise
l’aidera dans un même temps à clarifier ses attentes (rester roi, avoir une
descendance, oublier sa première épouse…) et, à terme, à renforcer son
engagement pour son entreprise.
Être le boss de l’entreprise, c’est être le manager tout en haut de la
pyramide – même s’il est vrai qu’on travaille toujours pour quelqu’un.
C’est, en d’autres termes, gérer la boîte de A à Z, en étant capable de
prendre les bonnes décisions, au bon moment, dans le respect du
développement personnel de ses collaborateurs.
Les leçons suivantes vous offrent des pistes de réflexion pour parvenir à
régner tout en restant magnanime, c’est à dire juste et bienveillant. Loin de
former une bible du patron, elles vous aideront néanmoins à identifier la
solution adéquate face à différentes situations du quotidien professionnel :
quelle attitude adopter avec vos N-1 et leurs équipes ? comment manager
quand on lance sa boîte ? de quelle manière désamorcer les situations de
crise quand elles se présentent (une grève de vos salariés, par exemple) ?

1. Réplique d’Arthur (Alexandre Astier), Kaamelott, Livre VI, épisode 9.


Épisode 1

Les premiers pas pour assurer


(ou pas) comme Arthur

« Moi, c’est Goustan le Cruel, déclare fièrement le père de Léodagan au


roi de Bretagne. Et vous, sire Arthur, c’est sire Arthur le Juste, c’est ça,
hein ? On pourrait peut-être l’appeler aussi le Bon, le Sympathique,
pourquoi pas » 1, achève-t-il dans un rire sardonique. Goustan, pourtant,
ferait bien de suivre une formation de management.
Pour lui, être roi, c’est régner avec « une main de fer dans un gant de
fer » 2. Cette politique oublie un peu rapidement la psychologie humaine, un
fondamental pour une entreprise heureuse, point indispensable à une
productivité efficace sur le long terme. Pourquoi ? Car on travaille mieux
quand on est heureux, et de nombreuses études le prouvent 3. Et quand on
sait que près de 25 % des salariés français sont en état d’hyperstress 4, il y a
de quoi pâlir.
Cultiver le bonheur au château est donc une nécessité quand on est roi.
C’est ce qu’on appelle la QVT (Qualité de vie au travail), une dénomination
qui regroupe tout sujet pouvant avoir une incidence sur la qualité de
l’environnement professionnel et la performance globale de l’entreprise, qui
y est nécessairement liée.
1. Réplique de Goustan (Philippe Nahon), Kaamelott, Livre I, épisode 63.
2. Réplique de Léodagan (Lionnel Astier), Kaamelott, Livre III, épisode 2.
3. Les chiffres sont fluctuants, en fonction des critères sélectionnés. À titre d’illustration, une
étude américaine, menée par Harvard/MIT en 2018 montre qu’être heureux au travail rend 31 %
plus productif, et que des salariés heureux dans leur poste sont 55 % plus créatifs, six fois moins
absents et deux fois moins malades.
4. Chiffres issus de l’Observatoire du Stress au Travail mené par Stimulus entre 2013 et 2017
auprès d’une population de 31 137 salariés travaillant pour 39 entreprises de secteurs d’activité
variés.
1
Un roi développe la culture propre à son Kaamelott

Une entreprise, comme un château à la Kaamelott, est un microcosme


de production animé par les passions humaines, les personnalités, les petites
histoires et les rumeurs. Dans cet espace semi-cloisonné se développe
nécessairement la culture d’entreprise, c’est à dire une culture qui « la
distingue des autres dans son apparence et surtout dans ses façons de réagir
aux situations courantes de la vie professionnelle, comme traiter avec un
marché, définir son standard d’efficacité ou régler des problèmes de
personnel » 1. C’est, pour le dire autrement, la base de l’identité d’une
organisation.

De nombreux boss passent cette étape un peu trop rapidement, jugeant


que l’identité de l’entreprise repose sur sa production et ses objectifs, sans
prendre en compte, dès le départ, l’aspect strictement humain ; c’est lui
pourtant qui permettra aux salariés de se situer dans le jeu de relations qui
évoluera tout au long de la vie de la structure. C’est grâce à lui également
qu’ils parviendront à s’identifier ou non aux valeurs de la boîte. Développer
cette culture est fondamental. Et il n’est jamais trop tard pour le faire.

À Kaamelott, elle repose notamment sur l’avènement d’Arthur à la tête


du royaume de Bretagne et son histoire, la quête du Graal ainsi que les
quêtes annexes, les relations entre les différents protagonistes et avec les
royaumes fédérés, la composition de la Table ronde, le tempérament du
roi, etc.

Pour définir sa propre culture d’entreprise, il faut d’abord


comprendre qu’elle ne peut être formalisée strictement. Elle peut dépendre
de beaucoup d’éléments identitaires, parmi lesquels :
son lieu d’implantation ;
le type de public qu’elle vise ;
ce qu’elle produit ;
son histoire ;
ses symboles ;
la ou les langues parlées au sein de l’entreprise et en externe ;
son langage professionnel ;
l’organisation interne ;
les obligations de chacun ;
la place laissée aux libertés individuelles ;
la cohésion d’équipe.

Commencez par lister ce qui, pour vous, correspond aux


valeurs de votre boîte : c’est son ADN, qui clarifiera son identité à
vos yeux et aux yeux des autres 2 .

La culture repose aussi sur la partie matérielle, c’est à dire l’endroit où


elle est implantée (un choix sur lequel vous n’avez pas nécessairement la
main) et la façon dont l’espace professionnel est organisé : château en open
space, flex-office, bureaux indépendants, mouvants, sur le terrain, etc. Vous
pouvez le développer en sondant vos salariés, une belle manière de les
investir et les fidéliser à la boîte 3.

L’aspect social est également à penser. À Kaamelott, on participe aux


quêtes en équipe, on se rend parfois à l’auberge, on fait des pauses dans la
forêt ou dans les marais… La mise en place de moments de sociabilité,
comme des team buildings, peut être systématisée, c’est une belle manière
de renforcer les relations humaines et de donner une bonne image de la
hiérarchie. En fonction de sa construction pyramidale, vous pouvez vous-
même participer à ces moments : jouez l’humain avec d’autres humains.
De la même manière, leur permettre de faire évoluer leurs compétences,
soit par la formation, soit via des conférences ou séminaires, assurera à
leurs yeux que vous prêtez attention à leur développement personnel dans le
cadre professionnel.
Attention : prévoyez ces moments à l’avance et sur le temps de travail,
de manière à ne pas donner le sentiment à vos salariés que le travail empiète
sur leur vie privée.

Enfin, ne soyez pas statique : une entreprise, comme un être humain,


évolue en permanence. Et c’est normal : les outils de travail, les modes de
communication, les rapports sociaux changent avec le temps, et jouent un
rôle important dans le développement d’une boîte. Se positionner au cœur
de l’innovation lui apportera un dynamisme qui la distinguera de ses
concurrentes. C’est, là encore, le pari d’Arthur : en régnant avec justice et
empathie, comme un roi moderne, il se démarque des autres royaumes au
fonctionnement plus traditionnaliste, à la façon de Goustan et Léodagan en
Carmélide.

La culture d’entreprise ne se réfléchit pas seul : entourez-vous de vos


managers, de vos salariés – si vous êtes une petite équipe 4. Aidez-les à
porter cette identité, en restant toujours positif. Faites-les intervenir dans les
décisions managériales, dans l’organisation interne, demandez-leur leur
avis. C’est une manière de les engager, un engagement qu’ils pourront
reproduire auprès de leurs équipes.
N’hésitez pas à organiser des brainstormings, ou des moments de
partage, où vous pourrez interroger vos managers sur leur vision de cette
culture d’entreprise. Cela vous aidera à la recentrer ou la développer plus
encore.

1. Maurice Thévenet, La Culture d’entreprise, Paris : Que sais-je ?, 2015.


2. Sur la question des valeurs, lire « Définissez votre quête du Graal ».
3. Lire « Votre Kaamelott est un espace de vie ».
4. Sur le cas spécifique des start-ups, lire « Lancer son affaire : devenez votre propre Arthur ».
2
Un roi soutient ses équipes

Nous l’avons dit, les rapports humains sont au cœur de la démarche. Un


Kaamelott ne fonctionne pas sans ses chevaliers. Et ces chevaliers
donneront le meilleur d’eux-mêmes dans l’exercice de leur métier s’ils sont
bien accompagnés par le roi. C’est peut-être sur ce point qu’Arthur doit
encore travailler. Sa façon de manager, certes avec humanité, est malgré
tout aliénée par sa tendance à la colère. Évitez par exemple les poussées
noires du type « Sortez-vous les doigts du cul ! » 1, les répliques
sarcastiques à la « Ça vous fait pas mal à la tête de glandouiller vingt-quatre
heures sur vingt-quatre ? » 2, les insultes spontanées (« Rangez moi ça,
débile, la Table ronde, c’est pas la fête de l’artisanat ! » 3) ou toute autre
remarque négative et peu constructive.

Être chef, c’est d’abord être coach, c’est à dire se positionner dans
une stratégie de conseil et de soutien, et non dans une démarche autoritaire.
Concrètement, formez et échangez avec vos managers pour trouver la
bonne manière de communiquer avec eux, mais évitez dans la mesure du
possible de donner des ordres. Vos objectifs ayant été énoncés en réunion,
vous devrez intervenir plutôt sur la réflexion, par exemple de la stratégie,
mais pas sur l’organisation concrète de la production.
C’est ce qu’on appelle co-construire en communauté, développer le
travail d’équipe – et ne pas centraliser les décisions entre les mains d’une
personne, vous en l’occurrence.

Pourquoi ? Car les idées de chacun, les différentes personnalités,


l’humour, les sensibilités de vos salariés permettront d’enrichir cette
stratégie et d’identifier des solutions dans lesquelles tous se retrouveront.
Cela vous donnera en outre une bonne image en tant que patron et vous
évitera de passer pour le petit chef décisionnaire qu’on associe souvent à
« l’inspecteur des travaux finis ». Ne soyez pas un control freak, apprenez à
déléguer.

Dans cette perspective, la communication est essentielle, car


travailler avec l’humain suppose de parler avec lui. Là encore, c’est l’objet
des réunions de la Table ronde, ces moments où les chevaliers évoquent
leurs aventures, ce qu’ils ont déniché sur la quête du Graal, mais pas
seulement : c’est aussi un temps d’échange, de partage, où ils se retrouvent
et peuvent évoquer leurs doutes, leurs difficultés.
Prenez ce parti et soyez en lien permanent avec vos équipes. Apprenez à
toujours garder votre porte ouverte – aux sens propre et figuré –, faites des
feedbacks à vos managers, entendez leurs critiques 4. Ne soyez pas le
patron que vous n’aimeriez pas avoir. Gérer une boîte, ce n’est pas tout
maîtriser mais savoir déléguer. Et on délègue toujours bien quand l’échange
est au cœur de la démarche.
De la même manière, si un problème se présente, si l’un des salariés a
fait une faute, ou une erreur, privilégiez un recadrage positif. Dites-vous
que votre collaborateur n’a peut-être pas compris les objectifs ou les valeurs
de l’entreprise. Peut-être que ces derniers n’étaient pas clairs dès le départ ?
Discutez avec lui, sans tomber dans l’accusation, et remettez-vous en
question.

1. Réplique d’Arthur (Alexandre Astier), Kaamelott, Livre I, épisode 8.


2. Ibid., Livre I, épisode 93.
3. Ibid., Livre I, épisode 27.
4. Lire « Servir son roi »
3
Un roi reste toujours professionnel

Être en lien permanent avec les autres ne signifie pas faire n’importe
quoi. Si Arthur profite de moments de détente avec ses chevaliers, s’il joue
à la balle ou boit une cervoise à leurs côtés, il maintient toujours son
autorité de roi, qui est indiscutable. Faites de même.

Être un bon roi, c’est être un roi exemplaire. Comme Arthur avec ses
chevaliers, apprenez à demander de l’aide à vos collaborateurs. Le roi de
Bretagne est toujours assisté lors des séances de doléances, il ne part jamais
seul au combat, et il est souvent en demande de conseils pour mener à bien
des missions spécifiques. Avoir le soutien des autres n’est pas négatif. Au
contraire, soyez ouvert à de nouvelles manières de penser et d’agir.
Vous serez sans doute amené à faire des erreurs : c’est tout à fait
normal. Il faut savoir les accepter. La remise en question d’Arthur, tout au
long du Livre V, en est un exemple fort 1. Évitez ainsi d’exprimer votre
déception : « Des collaborateurs qui savent rien faire, excusez-moi mais,
depuis la Table ronde, j’ai que ça, des collaborateurs qui savent rien
faire. » 2 S’ils ne sont pas aussi efficaces que vous ne l’aviez souhaité, peut-
être que la faute vous revient : les avez-vous formés comme il se doit ?
avez-vous exprimé clairement leurs objectifs ? les avez-vous aidés à définir
une stratégie et une organisation de travail cohérente pour ce faire ?
Nous commettons tous des erreurs ; l’admettre ne remettra pas en cause
votre statut de chef.
De plus, ne vous couronnez pas des lauriers de vos collaborateurs : leurs
réussites sont aussi les vôtres, mais ce sont eux qui les ont menées.
Félicitez-les et ne vous accaparez pas leur travail, de la même manière que
vous n’avez pas à assumer chacune de leurs erreurs.

En outre, soyez réaliste. L’une des erreurs d’Arthur est d’avoir emmené
ses chevaliers vers une quête très difficile, celle du Graal, et d’attendre
d’eux des résultats concrets, rapides, sans leur donner de marche à suivre.
Au bureau, certains objectifs sont irréalisables, faute de temps, de moyens
humains ou matériels, en raison d’imprévus au bureau (un collaborateur
malade, par exemple).
Clarifier les objectifs d’une équipe, c’est se donner les moyens de les
mesurer sur une période précise : soyez honnête, transparent, et donnez des
deadlines. L’organisation de la production, quelle qu’elle soit, repose sur cet
échange.

Enfin, ne soyez jamais l’ami de vos salariés. Observez encore Arthur :


même Lancelot, même Perceval, auxquels il tient tout particulièrement, sont
toujours managés comme des N-1. Personne ne veut d’un chef qui participe
aux ragots, qui pratique le favoritisme. Positionnez-vous comme un boss
capable de récompenser ceux qui le méritent, par une prime, une évolution
de statut, des projets plus ambitieux… Vos chevaliers ont accepté leur fiche
de poste a priori pour faire du bon travail. La chasse aux sorcières au
bureau n’a que de mauvaises répercussions. Un salarié pisté se sentira mis
de côté et sera nécessairement malheureux, et son travail s’en ressentira.

1. Cette remise en question s’exprime lors de la longue période de doutes existentiels que vit
Arthur, qui a abouti à une dépression et son abdication. Cette métaphore est extrême, mais elle
met néanmoins en exergue sa grande capacité à interroger son statut, ses choix, son histoire en
tant que roi de Bretagne.
2. Réplique d’Arthur (Alexandre Astier), Kaamelott, Livre V, épisode 9.
4
« On en a gros » :
un roi gère les crises sociales

Tout patron se retrouve un jour confronté à une difficulté dans ses


relations avec son personnel et ce, quelles que soient la taille et
l’organisation de sa boîte. Ce peuvent être des chevaliers mécontents, qui
viendront frapper à votre porte en hurlant qu’ils en ont gros 1, ou des
paysans en colère, menés par un leader, qui vous menaceront de grève si les
conditions ne changent pas 2. Il ne faut jamais les ignorer ; ce serait montrer
que vous fermez les yeux sur leurs difficultés et leurs souffrances : le
meilleur moyen de creuser plus encore le précipice entre eux et vous…
La leçon suivante ne prétend pas vous apporter des solutions concrètes à
ces situations compliquées. Elle vous offre néanmoins quelques pistes de
réflexion pour parvenir à réagir du mieux possible, en limitant l’impact de
tels mouvements sur la production de l’entreprise et son organisation
interne. Car prévenir et gérer ce genre de crise fait également partie du
travail du manager. Et vous sortirez grandi de ce type de situation.

Le Comité Social et Économique des chevaliers


La représentation sociale au sein d’une entreprise dépend de son
organisation, et de sa taille en particulier. Le CSE (Conseil Social et
Économique), qui a absorbé le Comité d’entreprise (CE) en janvier 2020,
est l’instance de référence. Elle a pour mission de « présenter à l’employeur
les réclamations individuelles ou collectives relatives aux salaires, à
l’application du Code du Travail et aux autres dispositions légales
concernant notamment la protection sociale, ainsi que des conventions et
accords applicables dans l’entreprise. » 3 C’est, en d’autres termes,
l’instance garante des droits des salariés.
En quoi cela vous concerne-t-il ? En tant que roi, vous avez à rendre
compte des éventuels disfonctionnements au sein du château, et à proposer
des solutions pour permettre à vos salariés de jouir pleinement de leurs
droits au sein de la structure. Toute la difficulté repose sur le prétendu fossé
qui sépare la direction de l’ensemble des salariés de l’entreprise.

À Kaamelott, il n’existe évidemment pas de CSE. Mais les réclamations


sociales peuvent être apparentées au démarches types réunion de Comité
d’entreprise – c’est tout le sens des deux épisodes « Les exploités », au
cours desquels Perceval et Karadoc frappent à la porte du roi pour se
plaindre de leurs conditions de travail.
Dans ces deux scènes, la réaction d’Arthur est loin d’être exemplaire : il
claque la porte aux nez de ses deux chevaliers pour ne pas avoir à entendre
leur mécontentement, les menace (« Moi, je serais vous, par contre, je
foutrais le camp. Parce que, je préfère jouer carte sur table avec vous, là
vous êtes à deux doigts du cachot. » 4) et leur fait comprendre qu’il préfère
dormir plutôt qu’écouter leurs demandes 5.

Ne prenez pas ce parti. Que vous soyez accusé par un comité ou


n’importe quel représentant syndical, prenez le temps d’entendre ses
doléances et d’y répondre. Au-delà du coût financier et organisationnel,
c’est d’abord une question de positionnement et d’attitude : ne vous
montrez pas en opposition frontale avec vos salariés. Cela leur donnerait
l’image d’un patron qui se veut tout-puissant.
Au contraire : expliquez calmement vos décisions et argumentez-les –
une coupe budgétaire, des licenciements économiques, un changement de
direction, etc. L’objectif n’est pas de justifier votre politique mais de la
contextualiser, en toute transparence.
Le cas d’un PSE (Plan de sauvegarde de l’emploi 6) est particulièrement
parlant : en clarifiant les difficultés que rencontre la boîte, et en adoptant
une attitude de patron, et non de messie ou de destructeur, vous obtiendrez
l’écoute, et au mieux la compréhension, de vos salariés et du groupe
syndical qui les porte.
Dans cette situation spécifique, soyez irréprochable : la réglementation
est précise et, pour éviter d’éventuelles actions légales à votre encontre,
vous devrez être parfaitement réglo.
Gardez également en tête que la négociation, c’est à dire l’échange, est
toujours à privilégier aux attaques, si cela est possible. Encore une fois,
vous dirigez des chevaliers, c’est à dire des humains : par définition votre
poste suppose une gestion de leurs sensibilités, donc une dimension
managériale.

1. Réplique de Perceval (Franck Pitiot) et Karadoc (Christophe Hembert), Kaamelott, Livre II,
épisode 36, et Livre IV, épisode 15.
2. Lorsque Guethenoc, caricature du paysan, se rend à Kaamelott pour se plaindre de ses
conditions de travail, on ne peut pas dire qu’il soit reçu les bras ouverts. Dans les trois épisodes
« La révolte », Alexandre Astier transpose nos mœurs franco-françaises (l’image de l’habitude
des révoltes, chère aux Français) dans un contexte médiéval fictionnel qui n’appartient qu’à la
série. Il donne ainsi le reflet des batailles entre l’instance de pouvoir étatique et le porte-parole
du peuple lui-même. Ce rapport pourrait en effet trouver un écho dans les relations
grévistes/patron – Kaamelott, Livre II, épisode 23 ; Livre III, épisode 49 ; Livre IV, épisode 31.
3. « Le CSE dans les entreprises de 11 à 49 salariés », https://travail-emploi.gouv.fr, consulté en
juin 2020.
4. Réplique d’Arthur (Alexandre Astier), Kaamelott, Livre II, épisode 36.
5. Arthur finira par écouter leurs doléances, si absurdes (et drôles) que nous ne nous arrêterons
pas dessus.
6. Sur les PSE, lire notamment Delphine François-Philip B. de Saint-Julien, Les plans de
sauvegarde de l’emploi. État des lieux, architecture d’un PSE, mesures de reclassement,
perspectives, Metz, Éditions Liaisons, 2010.
« Je sais que je suis venu
officiellement pour tenter
de retirer l’épée, mais j’ai
trouvé ici quelque chose
de beaucoup plus
précieux, j’ai trouvé
la sérénité affective. »
1
Le Duc d’Aquitaine

1. Réplique du Duc d’Aquitaine (Alain Chabat), Kaamelott, Livre V, épisode 23.


Profil no 9 : Décryptage
Le boss à ne pas devenir
Le roi mollasson
« Attention, je trouve l’expérience
extraordinaire ! Je pense qu’il y a un fait
rationnel, une épée dans un rocher.
Et chacun ensuite doit se positionner
par rapport à sa relation au pouvoir,
à la notion ambitionnelle, là on va être
sur des termes qui veulent rien dire, qu’il
entretient par rapport à la carrière. » 1
S’il y a bien un type de chef-manager qui énerve, c’est le mou. Ce
roi, qui ne brille pas par sa force d’initiative, nous donne le sentiment
d’être toujours un peu à côté de la plaque, mais jamais assez pour que sa
hiérarchie s’en mêle. Il n’apparaît pas très concerné par la vie de bureau.
La culture d’entreprise lui passe complètement à côté. Et les objectifs,
quand il y en a, ne sont jamais très stimulants. C’est, en deux mots, un
patron endormi.
Dans la série, le Duc d’Aquitaine, à la tête d’un des plus puissants
royaumes de Bretagne, fait partie de ces insupportables chefs. Écrasé par
l’autorité de fortes têtes, à l’image de la Duchesse d’Aquitaine et de
Dame Séli, il s’excuse trop souvent, cherchant à stimuler la sensibilité
de ses interlocuteurs. Quand cette dernière lui envoie un coup de binette
dans la cuisse, il relativise le geste : « C’est une binette, c’est pour biner,
c’est du jardinage, c’est pas vraiment des armes. » 2 Quand elle l’insulte
copieusement, il modère le propos : « De toute façon, c’était pas dit
méchamment. » 3 Et au moment où Arthur souhaite lui offrir une partie
de ses terres pour excuser l’attitude de sa belle-mère, il reste pantois :
« Je comprends pas, pardon, vous voulez que je fasse des excuses et
vous me cédez un bout de terre. […] Écoutez, ce que je vais faire, c’est
que je vais lui offrir un joli cadeau pour me faire pardonner. Hein,
qu’est-ce qu’elle aime ? » 4

Ne devenez jamais un patron mollasson, c’est le meilleur moyen de


vous faire écraser par vos collaborateurs ! Si vous êtes perdu dans
l’organisation de la production, faites des points précis avec vos
managers afin de dresser un bilan concret de ce qui se passe dans votre
équipe.
Soyez toujours clair quant aux valeurs de l’entreprise et aux objectifs
que vous visez. C’est le meilleur moyen d’être compris par vos équipes
afin qu’elles donnent le meilleur d’elles-mêmes dans cette direction.
Ne vous reposez pas sur vos lauriers ! Un chef peu présent au
bureau, qui arrive tard le matin (s’il n’a pas de rendez-vous extérieurs)
est mal perçu, tant par sa hiérarchie que par les salariés qu’il dirige. En
tant que boss, vous n’avez généralement pas à justifier votre emploi du
temps à vos collaborateurs. Soyez néanmoins professionnel et
exemplaire ; vos managers et les membres de votre équipe reproduiront
votre comportement.

1. Réplique du Duc d’Aquitaine (Alain Chabat), Kaamelott, Livre V, épisode 23.


2. Ibid., Livre V, épisode 15.
3. Réplique du Duc d’Aquitaine (Alain Chabat), Kaamelott, Livre V, épisode 15.
4. Ibid., Livre V, épisode 15.
Épisode 2

Lancer son affaire :


devenez votre propre Arthur

« Je vais vous dire, quand on sait mener trente-cinq couverts sans une
fausse note comme hier soir, les doigts dans le nez on dirige le clan
autonome. » 1 À la taverne, Perceval et Karadoc font le tour de la question ;
oui, monter un clan autonome est une bonne idée, et oui, ils le feront
certainement mieux que Lancelot : « Évidemment, c’était pas un mauvais
gars mais il avait pas les épaules. » 2
L’ambition des deux chevaliers de la Table ronde est louable. Mais être
son propre roi ne se décide pas sur un coup de tête, basé sur des
considérations très personnelles : se lever à l’heure que l’on souhaite, éviter
les réunions « qui servent à rien », décider de sa propre équipe pour éviter
de « bosser avec des mecs qui sont pas taillés pour l’aventure » 3. Le clan,
qu’ils nommeront « les Semi-Croustillants », n’accomplira aucune quête
digne des chevaliers de la Table ronde, moins encore celle du Graal.

Alors comment réussir là où les deux compères ont échoué ? De quelle


façon éviter les plans solitaires foireux à la Lancelot 4 ?
1. Kaamelott, Livre V, épisode 6.
2. Ibid.
3. Réplique de Karadoc (Jean-Christophe Hembert), ibid.
4. Ces leçons traitent uniquement l’aspect managérial dans le modèle start-up, et non la mise en
place ou le développement d’une telle structure. Sur le sujet, lire par exemple Xavier Niel,
Créer votre start-up sans moyen financier et lever 1 000 000 €, Liège : Edi Pro, 2017 ; Steve
Blank, Bob Dorf, Le manuel du créateur de start-up. Étape par étape, bâtissez une entreprise
formidable !, Paris : Diateino, 2013.
1
Manager des chevaliers en mode start-up

Il n’y a pas deux Kaamelott qui se ressemblent. De la même manière,


chaque clan indépendant est unique. La raison, c’est qu’il est porté par une
ou des personnalités spécifiques, qui en définissent les valeurs et les
objectifs mais aussi l’organisation interne. L’investissement financier,
injecté dans la structure, participe évidemment à la création de cette
identité.

Toute la difficulté, au-delà du développement stricto sensu de la boîte,


est de parvenir à gérer les rapports humains durant son déploiement.
Comme toute entreprise naissante, une start-up repose initialement sur les
passions de ceux qui la portent. Prenons l’exemple de Lancelot : sa décision
de monter un clan trouve son origine dans deux réalités :

il se définit comme un chevalier solitaire : « Au lieu d’être un chevalier


parmi les autres chevaliers, de partir en mission avec les autres, de
combattre le mal avec les autres, ben je suis tout seul. » 1 Cela signifie
concrètement qu’il ne se reconnaît pas nécessairement dans la politique
d’entreprise d’Arthur ;

il pense exercer sa mission plus convenablement en se désolidarisant de


la Table ronde et du roi : « Vous n’êtes pas de taille à mener la quête du
Graal, vous n’avez pas les épaules. De plus, comme vous êtes incapable
de vous séparer de la bande de pantins ridicules qui vous sert de
gouvernement, vous passez pour un faible et un laxiste aux yeux du
peuple et des pays voisins. Puis je parle pas des dieux évidemment,
ceux-là, s’ils pouvaient parler… Enfin bref, voilà, je m’en vais. Je vais
me débrouiller tout seul. Et même tout nu et sur un pied, j’irai toujours
cent fois plus loin que vous et votre risible compagnie de crétins. » 2 En
d’autres termes, il juge l’organisation interne de Kaamelott inefficace, et
la qualité de l’équipe nauséabonde.

Incapable lui-même de trouver un mode de fonctionnement profitable, il


se perdra finalement dans cet échec et traversera une longue période de
remise en question.

Pour éviter ce type de crise existentielle (quel est mon but ? à quoi je
sers ? est-ce que je souhaite être roi ? dois-je assassiner le roi en place pour
ce faire ?), définissez dès l’origine l’identité de l’entreprise 3. Projetez-vous
en développant un calendrier concret et, au sein de ce dernier, considérez
l’aspect strictement humain : combien de salariés seront nécessaires à
l’évolution positive de l’entreprise ? Et quand elle prendra son envol,
combien de salariés pourrez-vous embaucher ? Pour faire quoi ? Sur quel
calendrier ? Ces questions doivent vous interpeller au moment de la mise en
place de votre business plan.
PIÈGE À ÉVITER
Nombre d’entrepreneurs font l’erreur de ne pas définir en
amont la composition espérée de l’équipe. Or, au-delà du nom
de la boîte (ne vous faites surtout pas appeler les « Semi-
Croustillants » !), cette démarche évitera les conflits qui
risquent de naître au moment du réel développement de votre
structure ainsi que la frustration de vos collaborateurs, de
laquelle peuvent émerger des luttes de pouvoir.

Ne promettez pas aux autres un statut, ou des fiches de poste que vous
ne serez pas en mesure d’offrir. Soyez clair, transparent, même si votre
visibilité est trop réduite pour présenter un plan entièrement réalisable. De
la même manière, ne faites jamais travailler les gens gratuitement et sans
perspective concrète. Fidéliser les salariés, c’est aussi leur donner le
sentiment que vous croyez en eux et en leurs compétences. Le management
commence à ce niveau : « Les dirigeants ont traditionnellement développé
leurs compétences en finance, planning, marketing et en techniques de
production. Trop souvent, les relations avec leurs collaborateurs ont eu une
place plus secondaire. C’est pourtant un sujet, de loin trop important pour
ne pas y donner une attention directe… Nous devons réinvestir la
dimension humaine du management. » 4

1. Réplique de Lancelot (Thomas Cousseau), Kaamelott, Livre III, épisode 59.


2. Réplique de Lancelot (Thomas Cousseau), Kaamelott, Livre III, épisode 99.
3. Lire « Kaamelott au bureau ».
4. Bill Hewlett, co-fondateur d’Hewlett-Packard, cité dans Christophe Cabanne, « Et si vous
développiez l’humain pour mieux développer votre start-up ? », humanis-step.com, 2018 (article
consulté en juin 2020).
2
Créer sa « Charte des Chevaliers »

On ne manage pas les chevaliers d’un clan autonome comme on


manage ceux d’un château. Au début en tout cas.

La première étape est de savoir s’entourer des bonnes personnes. C’est


vrai dans n’importe quelle entreprise, mais plus encore dans les petites
structures où les professionnels doivent avoir (ou aspirer à) des
compétences multiples de manière à être polyvalents. Ils doivent également
épouser les valeurs de la start-up, et c’est là le plus difficile à identifier.
Le recrutement n’est pas systématique, à ce niveau, mais il peut être
essentiel si vous avez besoin de compétences techniques spécifiques. C’est
le parti de Perceval et Karadoc : « On sort les mecs de la taverne, on les
fout à la queue leu-leu ou à la file indienne, dans le chemin de corde. […] –
Là, vous leur demandez ce qu’ils savent faire. Ceux qui ont rien dans le
slibard, ils dégagent ! […] Là, les gars, je les travaille. Questionnaire
agricole ! – Psychologique ! » 1 Les questions posées aux candidats sont
toujours plus absurdes les unes que les autres : des devinettes, de l’algèbre,
des recettes de cuisine… Et le clan se constitue, tout aussi improbable que
les deux entrepreneurs.
En soi, Perceval et Karadoc prennent la bonne direction : leurs valeurs
sont si décalées qu’ils parviennent à embaucher des chevaliers qui leur
ressemblent.
Prenez le même pari : organisez parfaitement vos entretiens en amont et
capitalisez sur l’identité de la boîte 2. Soyez toujours transparent quant à vos
attentes, aux risques, à la manière dont vous imaginez votre structure
demain. Une fois votre équipe au complet, capitalisez sur ces mêmes
valeurs : exploitez par exemple vos histoires de vie respectives, celle de la
genèse de la start-up, de son développement… Faites participer vos
collaborateurs sans imposer une direction spécifique. Ils devront en effet
absorber et digérer ces valeurs pour apporter leur contribution à l’identité de
la boîte. C’est cet ensemble qui vous distinguera, sur le plan humain,
d’autres entreprises de taille comparable.

Développez alors votre « Charte des Chevaliers ». Il ne s’agit pas de


rédiger un texte institutionnel, mais de construire mentalement
l’organisation interne de l’entreprise et de partager ces informations avec
les professionnels qui travaillent avec vous.

Faites émerger un leader, celui qui sera capable de représenter


l’entreprise. Il doit donc comprendre les rouages de la start-up, ses objectifs
sur les courts, moyens et longs termes, et se présenter comme votre
ambassadeur officiel. Cette démarche vous évitera d’éventuels guerres de
pouvoir internes, qui seraient fort nuisibles au développement de
l’entreprise.

Clarifiez ensuite les rôles, responsabilités et tâches de chacun. Elles


n’ont pas à être restrictives et peuvent évoluer au fil du temps. Mais
catégoriser clairement le travail d’une personne lui permet de comprendre
ce qu’on attend d’elle et de se dépasser. Si certains de vos collaborateurs
possèdent des compétences comparables, vous pouvez organiser des points
ensemble pour définir qui s’occupe de quoi.
De la même manière, soyez clair sur le fonctionnement de la
hiérarchie : si vous souhaitez développer un management pyramidal
(hiérarchie verticale), vos salariés doivent comprendre pourquoi, et
comment cela s’organise, de la même manière que le management
horizontal. L’idée n’est pas de justifier vos décisions mais de les expliquer à
la lueur de votre personnalité et de vos souhaits de développement.

Soyez également honnête sur la façon dont la boîte évolue. Chacun


donnera le meilleur de lui-même pour permettre à la start-up de prendre son
envol. Le temps, la passion, et éventuellement l’argent investis exigent un
retour, qu’il soit positif ou négatif. Organisez ainsi chaque mois une réunion
bilan durant laquelle vous exposez, chiffres à la clé, comment la boîte se
déploie dans son secteur d’activité. Ces moments pourront en outre vous
permettre d’échanger avec vos collaborateurs pour trouver des solutions
auxquelles vous n’auriez pas pensé.

Dans tous les cas, respectez les gens avec lesquels vous travaillez. Le
modèle de travail à l’américaine a révolutionné en partie les pratiques en
France. Il repose sur l’empowerment, c’est à dire un fonctionnement basé
sur l’autonomie, moins regardant sur les heures effectives de travail que sur
le résultat de la mission. Cela ne signifie pas pour autant qu’il faille
travailler 24 h/24, 7 J/7. Être un bon manager de start-up, c’est parvenir à
trouver le moyen de se dépasser et de rester innovant, tout en posant un
regard social sur son équipe : respecter leur vie privée, leurs temps de repos,
leurs difficultés, leurs moments moins énergiques…

Rappelez-vous enfin que tout le monde fait des erreurs. Vous-même


en tant qu’entrepreneur prendrez un jour une mauvaise décision. Sans
banaliser la faute d’un collaborateur, soyez indulgent et à l’écoute. Un
manager est un leader et un coach, les personnes que vous encadrez se
reposeront nécessairement sur vous à un moment donné. Et cela fait partie
du job.

1. Répliques respectives de Karadoc (Jean-Christophe Hembert) et Perceval (Franck Pitiot),


Kaamelott, Livre V, épisode 10.
2. Lire « L’entretien d’embauche : Lancelot, la recrue modèle ».
« Tempora mori, tempora
mundis recorda. Voilà.
Eh bien ça, par exemple,
ça veut absolument rien
dire, mais l’effet reste
le même. »
1
Le roi Loth

1. Réplique du roi Loth (François Rollin), Kaamelott, Livre III, épisode 27.
Profil no 10 : Décryptage
Le beau parleur incompréhensible
« Fiat minimis et patria !
– Ce qui veut dire ?
– Absolument rien. » 1
Parmi les boss insupportables, il y en a un qui est particulièrement
handicapant dans les missions du salarié : c’est celui que l’on ne
comprend pas. Soyons honnête : tout patron a au moins une fois, dans sa
carrière, été incompréhensible aux yeux (ou plutôt aux oreilles) de ses
collaborateurs. Mais c’est tout à fait problématique quand la situation se
produit à de multiples reprises. C’est encore plus agaçant quand il
emploie des tournures de phrase tarabiscotées qui n’apportent rien à la
discussion et ne rendent pas ses expressions plus évidentes. Du point de
vue du collaborateur, le message n’a aucun sens ; il est vide.

Le roi Loth est l’un de ces chefs, quoiqu’en relativisant, on pourrait


dire que ce qu’on ne comprend pas, ce sont surtout ses fausses maximes.
« Ave Cesar, rosae rosam, et spiritus rex ! » 2 clame-t-il lors de
l’Assemblée des rois à Kaamelott, sur un coup de colère. On pourrait
traduire cela par « Salut César, rose rose [deux déclinaisons, bien
connues des latinistes] et esprit du roi ! » L’inflexion ne veut rien dire et
est parfaitement inadaptée à la situation, César n’ayant aucune incidence
dans la scène. Les répliques sont drôles car absurdes, d’autant plus
quand le personnage tente de justifier son propos :

« Bon, ça ne veut absolument rien dire, mais je trouve que c’est


assez dans le ton » 3 Ajoutons à cela des démarches politiques peu
claires, opportunistes, dont l’enjeu réel, finalement, nous échappe.
Ne devenez pas un patron qui parle pour ne rien dire. Les envolées
lyriques peuvent être drôles mais ont rarement leur place en réunion
d’équipe, particulièrement quand vous missionnez l’un de vos
collaborateurs. En étant peu clair sur vos attentes, vous mystifiez un
projet et créez une complexité là où il n’y en a pas nécessairement. Si
votre collaborateur vous craint, ou s’il est timide, il n’osera pas vous
demander de reformuler votre demande. Résultat : l’objectif, sauf coup
du hasard, sera nécessairement manqué, votre collaborateur aura
travaillé pour rien, et vous serez tous deux insatisfaits.
À l’inverse, expliquez posément et clairement les missions et
objectifs que vous attendez. Questionnez votre salarié : avez-vous bien
compris ? avez-vous besoin de clarifier certains points ? Montrez-lui que
vous êtes tous deux dans le même camp, que vous êtes disponible s’il a
la moindre question. Rappelez-vous qu’un travail d’équipe se fait en
équipe. Et vous en faites partie.

1. Répliques respectives du roi Loth (François Rollin) et de Galessin (Alexis Hénon),


Kaamelott, Livre V, épisode 1.
2. Réplique du roi Loth (François Rollin), Kaamelott, Livre III, épisode 27.
3. Réplique du roi Loth (François Rollin), Kaamelott, Livre IV, épisode 49.
Bilan

Arthur, est-il un bon roi ?

Arthur a de multiples qualités : c’est un roi moderne, humain, et plein


de bonne volonté. Il est également doté d’une grande sensibilité qui lui
permet de jauger ses collaborateurs de manière plutôt efficace : il sait
décrypter Perceval, discuter posément avec Léodagan quand il le souhaite,
gérer les crises alimentaires de Karadoc… Il sait en outre développer des
moments de complicité et de détente avec eux : le jeu de balle en fait partie,
même s’il s’agit d’une exigence protocolaire 1.

Au regard de ces qualités, il semble incarner un leader extraordinaire.


Mais personne n’est parfait : l’homme est un grand impatient. En effet, il
éprouve beaucoup de difficultés à contenir sa colère, qui s’exprime souvent
brutalement et violemment. Il donne allègrement dans le sarcasme et
n’épargne personne : « J’en ai eu, des collaborateurs qui savent rien faire.
Depuis la Table Ronde, excusez-moi, j’ai que ça, des collaborateurs qui
savent rien faire ! » 2
Le roi, pourtant, est plutôt un bon chef. Sa personnalité caractérielle ne
met pas en cause son management qui, dans sa globalité, est plutôt efficace.
Et pour cause, Kaamelott tourne bien, Rome n’a plus son ascendant sur la
couronne, la Bretagne reste fédérée malgré les animosités des royaumes qui
la composent, l’ennemi est repoussé à chaque fois et tout le monde mange à
sa faim (n’en déplaise à Guethenoc), et même les différentes quêtes
ordonnées par la Dame du Lac sont généralement menées à leur terme.
Leader né, Arthur a une grande capacité empathique pour son
entourage : il cerne parfaitement les collaborateurs avec lesquels il traite au
quotidien, et respecte relativement leur vie privée – il faut dire que vivre
dans le même château que son patron n’est pas une mince affaire.
Côté managérial, il s’en tire plutôt bien, malgré ses coups de sang, car il
est capable de percevoir le craquage de ses salariés – quand Bohort fait sa
déprime hivernale –, de relativiser les moments d’infortune, d’encourager
ses équipes et de leur donner des objectifs. Il incarne parfaitement les
valeurs de sa boîte.
« Du point de vue du “manager”, le roi Arthur, on voit dans cette série
la difficulté qu’il y a à tenir une vision stratégique ambitieuse avec des
collaborateurs “normaux”. On comprend en particulier les tendances
dépressives dans lesquelles tombe souvent le roi Arthur quand il saisit la
difficulté qu’il y a à devoir se reposer sur ses chevaliers tous débordés par la
tâche. On comprend aussi tout le travail de soutien […] que déploie le roi
Arthur qui maintient ces personnages auprès de lui malgré toutes leurs
imperfections. On a là un des plus beaux exemples de management par la
confiance et en même temps, une des meilleures illustrations de la fragilité
du roi Arthur. » 3
Ce management par la confiance s’exprime tout au long de la série –
parfois, néanmoins, aux dépens d’Arthur. Ses chevaliers sont libres de
vaquer comme ils le souhaitent. Même les réunions de la Table ronde ne
sont finalement pas obligatoires. Sa seule exigence principale, c’est
d’avancer la quête du Graal. Sur ce point, il lui reste un sacré travail. Le
cycle arthurien nous a cependant déjà donné la réponse : oui, l’objet
magique sera finalement trouvé. Toute la question est de savoir : par qui ?
1. Kaamelott, Livre II, épisode 54.
2. Réplique d’Arthur (Alexandre Astier), Kaamelott, Livre V, épisode 9.
3. Paul-Marie Chavanne, Charles-Henri Besseyre des Horts, Fabien De Geuser, Olivier Truong,
Le management par la confiance. Les clés d’un leadership bienveillant et authentique, Paris :
Eyrolles, 2020.
Et vous,
quel manager deviendrez-vous ?

Être roi, c’est d’abord choisir le roi que nous souhaitons devenir, et ce,
dès les premiers pas. Il n’existe pas de modèle suprême du manager. C’est à
vous de prendre vos décisions, en connaissance de cause, et en ayant
toujours assez de recul et une visibilité assez large pour pouvoir vous
projeter.

Comment mettre en place le management par la confiance ? Soyez


toujours dans la communication avec vos collaborateurs. Cocréez ensemble
les objectifs et les missions de votre boîte. Apprenez à déléguer des tâches à
responsabilités, à laisser à vos salariés une autonomie suffisante. Soyez
également honnête, transparent, montrez votre vulnérabilité. Enfin, adoptez
une démarche favorisant leur épanouissement personnel : considérez-les
d’abord comme des individus, avec une sensibilité et une personnalité
propres à chacun.
Cette attitude vous permettra de casser le bras de la hiérarchie
pyramidale très stricte pour embrasser un fonctionnement qui correspond à
votre Kaamelott. « Les dirigeants savent aujourd’hui qu’ils doivent casser
les structures verticales et rigides d’hier pour libérer les énergies, les
initiatives au plus près du terrain, mais beaucoup craignent de perdre le
contrôle du système. […] Toute transformation n’est durablement possible
qu’après avoir rétabli la confiance au cœur des relations humaines. » 1
Voici dix situations qui peuvent se dérouler au travail chaque jour. En
tant que boss, vous devez adopter la meilleure attitude, la plus
professionnelle qui soit. Pour chaque proposition, prenez votre plume et
rédigez ce que vous feriez.
Il n’y a pas de mauvaises réponses. Cet exercice vise à vous préparer à
des tranches de vie de bureau, pour réagir du mieux possible, en lien avec
les leçons précédentes. Vous pouvez néanmoins vous rendre à la fin de
l’exercice pour découvrir des pistes qui vous aideront à faire le bon choix.

1. Certains de vos collaborateurs vous reprochent de ne pas prendre


leur avis en considération. Que faites-vous ?

2. Depuis plusieurs jours, l’un de vos collaborateurs vous semble ne


pas aller bien. Quelle attitude adoptez-vous ?

3. Votre hiérarchie vous demande de faire un point sur un projet que


vous avez délégué à l’un de vos collaborateurs et qu’il n’a pas avancé
pour différentes raisons. Que répondez-vous ?

4. En réunion d’équipe, vous répartissez les missions. L’un de vos


collaborateurs bloque sur une tâche, il n’en voit pas l’intérêt. Comment
réagissez-vous ?

5. En fin d’année, vous faites le point sur les projets de chacun. Vous
réalisez que certains de vos collaborateurs ont dépassé leurs objectifs
tandis que d’autres sont en retard. Quelle est votre réaction ?

6. Vous réalisez que la personne que vous venez d’embaucher est d’une
grande timidité. Cela peut être problématique lors des missions en
équipe. Comment gérez-vous cela ?
7. Lors d’une réunion, vous vous êtes emporté et êtes peut-être allé trop
loin, vous pouvez le voir à l’expression de votre équipe. Que faites-
vous ?

8. L’un de vos collaborateur se révèle avoir d’excellentes compétences


pour des missions qui ne correspondent pas à sa fiche de poste. Quelle
est votre attitude ?

9. Votre direction des ressources humaines vous annonce que, pour des
raisons économiques, vous devez vous séparer dans les prochains mois
de quelques salariés identifiés. Quelle est votre stratégie ?

10. L’un de vos collaborateurs vous demande de l’aide sur un dossier


urgent. Problème : il est déjà tard, et le projet doit être finalisé demain,
très tôt. Quelle est votre décision ?

1. Claude Chrétien, Caroline Tsiang (ill.), Manager par la confiance. Mettre l’humain au cœur
des transformations de l’entreprise, Montreuil : Pearson France, 2020.
Réponses :
1. Proposition 1 : vous organisez des rendez-vous privés avec chacun
de ces collaborateurs et les laissez s’exprimer librement. Vous prenez
note de leurs reproches, les traduisez en demandes et prenez le temps de
réfléchir. Peut-être devez-vous modifier votre façon d’interagir avec
votre équipe, en étant par exemple plus transparent ?
Proposition 2 : vous revoyez votre organisation interne, par exemple en
proposant chaque semaine, toutes les deux semaines, chaque mois, ou
au rythme qui convient à votre structure, des réunions bilans pour
partager avec eux les dernières avancées. Vous pourrez alors argumenter
sur les choix que vous avez faits, en expliquant à vos collaborateurs que
leurs avis comptent tout autant que les vôtres mais que votre vision,
plus large, vous permet d’avoir plus de recul pour prendre une décision
cohérente et positive pour la boîte.

2. Proposition 1 : vous prenez rendez-vous avec lui, hors du cadre du


travail (au restaurant, par exemple) et lui expliquez que, en tant que
manager, vous avez également un rôle de soutien. L’objet de cet
échange est de l’orienter vers la bonne personne (la médecine du travail,
les ressources humaines…) si cela est nécessaire.
Proposition 2 : vous faites le point avec lui sur ses responsabilités et
objectifs, sans évoquer son état. Souhaite-t-il réorganiser sa charge de
travail ? Quelles sont ses finalités personnelles ? En effet, il peut-être
malheureux dans son travail et ne pas savoir comment s’en sortir. Votre
rôle consiste à l’aider dans cette évolution.

3. Proposition 1 : vous répondez à votre hiérarchie que le dossier est


en cours mais qu’il a pris du retard, en raison d’autres priorités à gérer
en parallèle. Vous vous rapprocherez de votre équipe pour définir avec
elle un nouveau calendrier cohérent.
Proposition 2 : vous priorisez ce dossier et entrez vous-même dans la
production avec votre salarié, de manière à tenir les délais qui étaient
annoncés dès l’origine. Vous devrez faire preuve de délicatesse en lui
expliquant qu’à deux vous irez plus vite, et que cela ne remet pas en
cause ses qualités professionnelles mais qu’il devra à l’avenir vous
prévenir en avance.

4. Proposition 1 : vous reformulez cet objectif et le sens de la mission.


Vous demandez à votre collaborateur ce qu’il ne comprend pas, et
pourquoi. Vous pouvez alors l’aider à définir l’organisation de travail
sur ce projet spécifique.
Proposition 2 : vous lui proposez de travailler en équipe sur ce projet,
s’il ne se sent pas de le mener seul. Soit vous pilotez vous-même la
mission en lien avec lui, soit vous formez un binôme en désignant un
autre collaborateur en soutien.

5. Proposition 1 : vous faites tout pour être juste au regard des mérites
de chacun. Vous faites jouer les éventuelles primes de fin d’année en
calculant le bénéfice gagné grâce au travail de ceux qui se sont
dépassés. Vous prenez rendez-vous avec ceux qui sont en retard pour
comprendre ce qui se passe et vous ajustez l’organisation afin que les
projets soient menés à leur terme.
Proposition 2 : vous attendez l’entretien annuel d’évaluation pour faire
le point avec chacun de vos collaborateurs sur les missions non
terminées et celles achevées. Vous exprimez votre contentement, projet
après projet, et évaluez la possibilité de nouveaux objectifs plus
cohérents au regard des différents profils et de la charge de travail de
chacun.
6. Proposition 1 : vous ne brusquez pas votre nouveau collaborateur
mais le laissez trouver ses marques dans la boîte. En réunion, vous ne le
mettez pas de côté mais faites attention à ne pas le placer dans une
situation de malaise qui pourrait provoquer des crises d’anxiété
(rougissements, bégaiement, etc.). Vous le faites travailler en binôme
pour qu’il parvienne à se sociabiliser sans lui mettre de pression.
Proposition 2 : comme avec vos autres collaborateurs, vous organisez
fréquemment des réunions individuelles. À cette occasion, échangez
humainement avec lui, parlez-lui de votre parcours, demandez-lui ce
qu’il aimerait faire dans la boîte… Amenez-le doucement à s’investir
dans les projets de l’entreprise et à s’y retrouver.

7. Vous convoquez de nouveau votre équipe et leur présentez vos


excuses en leur expliquant que vos paroles ont dépassé votre pensée et
que vous n’auriez pas dû vous emporter. Vous expliquez les raisons qui
vous ont poussé à réagir ainsi. Vous déclarez que vous avez manqué de
professionnalisme et que cela ne se reproduira plus.

8. Proposition 1 : vous discutez avec lui de la manière idéale


d’exploiter ses compétences dans le cadre de sa fiche de poste actuelle.
Vous envisagez avec lui les possibilités d’évolution dans la boîte, en
fonction de la réussite de ses objectifs, et de quelle manière ces
compétences seront un plus pour la boîte.
Proposition 2 : vous envisagez avec les ressources humaines, ou votre
direction, l’évolution possible de ce salarié, en jouant sur la possibilité
d’un travail d’excellence en recentrant ses missions. Si cela n’est pas
possible, vous discutez directement avec lui pour envisager la suite :
souhaite-t-il poursuivre dans l’entreprise ? Si non, votre réseau peut-il
éventuellement lui être utile ?
9. Vous attendez l’annonce légale du plan social avant d’approcher les
collaborateurs en question. Vous restez le plus transparent possible, en
expliquant les raisons qui poussent votre direction à faire de tels choix.
Vous discutez ensuite seul à seul avec ces salariés pour leur expliquer la
marche à suivre et les conseillez sur leurs possibilités d’être
accompagnés par des professionnels.

10. Proposition 1 : s’il ne vous est pas possible de modifier le


calendrier, vous travaillez avec lui jusqu’à une heure décente, en
fonction de ses priorités et de sa vie privée. Vous avancez le projet
autant que possible, de manière à le finaliser au plus tôt. Vous faites
éventuellement appel à des prestataires pour vous accompagner. Vous
faites ensuite le point avec votre collaborateur pour l’aider à mieux
s’organiser la prochaine fois.
Proposition 2 : vous montrez votre mécontentement et expliquez à
votre collaborateur que piloter un projet signifie également appréhender
les éventuels retards et problèmes inhérents à la mission. Vous lui
expliquez que vous êtes toujours en mesure de l’aider, mais pas au
dernier moment. Vous ne faites pas le travail à sa place mais changez la
deadline. Si cela n’est pas possible, dans le cadre d’une présentation par
exemple, vous revoyez avec lui l’angle choisi pour le simplifier, et
terminez le projet avant le lendemain.
Jeu bonus

Reliez ces propositions pour créer des phrases qui ont du sens dans
le cadre professionnel.

Une seule possibilité à chaque fois.

Ne devenez jamais le chef du bien-vivre au travail.

On ne naît pas manager sont sa raison d’être.

Un bon chef sait à l’échelle individuelle.

La colère est l’ennemi que vous n’aimeriez pas avoir.

Manager une équipe sont les bases de demain.

Être performant ne signifie pas faire l’impossible.

La performance se mesure s’entourer de personnes de qualité.

Les valeurs d’une entreprise on le devient.

Valeurs et objectifs sont les maîtres-mots d’une entreprise.

Les enjeux d’aujourd’hui c’est encadrer des êtres humains.


1. Ne devenez jamais le chef que vous n’aimeriez pas avoir.
2. On ne naît pas manager on le devient.
3. Un bon chef sait s’entourer de personnes de qualité.
4. La colère est l’ennemi du bien-vivre au travail.
5. Manager une équipe c’est encadrer des êtres humains.
6. Être performant ne signifie pas faire l’impossible.
7. La performance se mesure à l’échelle individuelle.
8. Les valeurs d’une entreprise sont sa raison d’être.
9. Valeurs et objectifs sont les maîtres-mots d’une entreprise.
10. Les enjeux d’aujourd’hui sont les bases de demain.
Vers une quête… mais de quoi, en fait ?

« C’est parce que je cherche le Graal que je suis roi » 1, explique Arthur
à Guenièvre pour justifier le statut de son épouse. L’affirmation paraît bête ;
elle met néanmoins le doigt sur un questionnement quasi philosophique :
notre métier nous définit-il ? Et si oui, jusqu’à quel point ?

Transposée au cadre professionnel, la réplique pourrait se transformer


ainsi : « C’est parce que je suis mes objectifs que je suis manager. » Encore
faut-il être en mesure de définir ces objectifs. Et ils sont multiples :
encadrer des chevaliers, affiner leurs compétences, les aider à se développer
dans un espace serein, le tout en parvenant à maintenir une production et/ou
une productivité satisfaisantes.
Et il y a la question des valeurs de l’entreprise, qui jouent un rôle
fondamental dans l’organisation interne, dans ses perspectives d’évolution,
dans l’épanouissement des salariés… Il n’existe pas une manière de
manager, mais des milliers ; tout l’art réside dans la compréhension globale
de son environnement professionnel et ce, quel que soit son statut
hiérarchique et ses responsabilités.

« Le meilleur manager est celui qui sait trouver les talents pour faire les
choses, et qui sait aussi refréner son envie de s’en mêler pendant qu’ils les
font » 2, déclarait Theodore Roosevelt.
Derrière cette affirmation s’impose l’idée d’un management par la
confiance, ce fameux empowerment qui sous-tend la délégation et
l’autonomie. Il y a également la volonté de co-construire, c’est à dire créer
en communauté, avec vos salariés, vos managers, votre hiérarchie, pour
permettre à l’entreprise d’aller de l’avant.
La boîte dans laquelle vous travaillez est vivante ; elle se développera
en fonction des personnalités et des sensibilités qui la composent. À vous de
trouver vos critères d’épanouissement pour pouvoir évoluer sereinement. Et
si c’était ça, tout simplement, votre quête du Graal ?

1. Réplique d’Arthur (Alexandre Astier), Kaamelott, Livre II, épisode 28.


2. Theodore Roosevelt, cité dans « Comment détecter un bon « manager » ? Le point de vue
des psychologues », point de vue de Valérie Bergère, www.manager-go.com, 2019, consulté en
juin 2020.
Sommaire

Faut-il régner au bureau ?

Livre I
Kaamelott au bureau
Épisode 1
Votre Kaamelott est un espace de vie
Épisode 2
Définissez votre quête du Graal

BILAN
Le bonheur, autour de la Table ronde

Livre II
Devenez chevalier :
apprenez à croire en vous et en votre équipe
Épisode 1
L’entretien d’embauche : Lancelot, la recrue modèle

Épisode 2
S’affirmer comme un Léodagan

Épisode 3
Être zen comme Karadoc et Perceval

BILAN
Un chevalier stressé reste un chevalier

Livre III
Les trois piliers du chevalier
Épisode 1
Avoir fait ses classes

Épisode 2
Combattre l’ennemi

Épisode 3
Servir son roi

BILAN
Le chevalier manager ne s’invente pas

Livre IV
Devenez chevalier :
être un roi magnanime en trois leçons
Épisode 1
Les premiers pas pour assurer (ou pas) comme Arthur

Épisode 2
Lancer son affaire : devenez votre propre Arthur

BILAN
Arthur, est-il un bon roi ?

Conclusion
Vers une quête… mais de quoi, en fait ?

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