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Troubles cognitifs, émotionnels et interpersonnels dans l’alcoolo-


dépendance

Chapter · April 2017

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2 authors:

Pierre Maurage Fabien D'Hondt


Université Catholique de Louvain - UCLouvain Université de Lille
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Remédiation
V
cognitive dans
l’alcoolo-dépendance
et les lésions cérébrales
acquises
17 Troubles cognitifs, émotionnels et interpersonnels
dans l’alcoolo-dépendance 281

18 Remédiation cognitive pour l’alcoolisme 307

19 Rééducation cognitive de l’attention et des fonctions


exécutives après lésion cérébrale aiguë acquise 316

ISBN: 978-2-294-75006-9; PII: B978-2-294-75006-9.00029-X; Auteur: FRANCK475006; Document ID: 00029; Chapitre ID: c0145

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c0085 17 Troubles cognitifs,
émotionnels et
interpersonnels dans
l’alcoolo-dépendance

P. Maurage, F. D’Hondt

st0010 L’alcoolo-dépendance et sa prise


en charge actuelle
p0010 L’alcool est la substance psychoactive la plus répandue à l’échelle mon-
diale, avec une ingestion moyenne de plus de six litres d’éthanol pur par
an chez l’adulte (OMS, 2014). Bien que la consommation contrôlée soit très
répandue dans nos sociétés occidentales et souvent associée à des valeurs
positives (telles que la détente ou la convivialité), les excès épisodiques ou
chroniques liés à cette consommation posent un problème majeur de santé
publique : l’abus et la dépendance à l’alcool sont responsables de plus de
trois millions de décès par an dans le monde et sont impliqués, directe-
ment ou indirectement, dans plus de 200 maladies ou causes d’invalidité
(Wittchen et al., 2011). L’alcool est impliqué en Europe dans un décès sur
sept chez les hommes et un décès sur treize chez les femmes, et intervient
pour plus de 10 % dans le total des coûts liés aux soins de santé (Rehm et
al., 2013). Parmi l’ensemble des substances addictives, légales ou illégales,
l’alcool est de loin celle présentant le plus de conséquences néfastes pour
le consommateur lui-même ainsi que pour son milieu relationnel, familial,
et plus globalement pour la société (Nutt et al., 2010). Ces données épidé-
miologiques suggèrent donc clairement que la réduction des troubles liés à
l’alcool et de leurs conséquences devrait constituer une priorité médicale
et sociétale, en particulier via le développement d’une prise en charge effi-
ciente des personnes présentant une dépendance à cette substance.
p0015 En effet, la majeure partie des conséquences néfastes liées à l’alcool est
directement associée à l’alcoolo-dépendance, c’est-à-dire à la pathologie
associée à la consommation excessive, non contrôlée et chronique d’alcool.
Cette affection touche entre 5 et 10 % des adultes en Europe, et constitue
le diagnostic psychiatrique le plus répandu (Rehm et al., 2010). Cependant,
et de manière paradoxale au vu de l’ampleur des problèmes qu’elle génère,
l’alcoolo-dépendance est encore actuellement un des troubles psychiatriques
les moins efficacement pris en charge. D’une part, l’alcoolo-dépendance est

Remédiation cognitive
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ISBN: 978-2-294-75006-9; PII: B978-2-294-75006-9.00017-3; Auteur: FRANCK475006; Document ID: 00017; Chapitre ID: c0085

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282 Remédiation cognitive dans l’alcoolo-dépendance et les lésions cérébrales acquises

le trouble de santé mentale pour lequel le treatment gap (c’est-à-dire la pro-


portion de personnes qui, tout en présentant une maladie ou un trouble
nécessitant un traitement ou une prise en charge, n’ont nullement accès à
ces soins) est le plus important, puisque plus de 92 % des patients européens
présentant un diagnostic d’alcoolo-dépendance n’ont aucun contact avec
un professionnel ou une structure de soin (Kohn et al., 2004). Comparative-
ment, plus de 80 % des patients schizophrènes et plus de 55 % des patients
dépressifs ont accès à une structure de soins spécialisée dans le traitement
de leur trouble. L’importance de ce treatment gap dans l’alcoolo-dépendance
apparaît d’ailleurs, au moins pour partie, liée à la stigmatisation sociale et aux
stéréotypes encore largement associés à cette pathologie, toujours considérée
par une large part de la population (Pescosolido et al., 2010), mais également
par bon nombre d’acteurs des soins de santé (Corrigan et al., 2014), comme
résultant d’un manque de volonté ou de motivation de la part du patient.
Le patient alcoolo-dépendant étant ainsi considéré comme responsable de
sa maladie, il pourrait être moins enclin à rechercher une aide médicale
spécialisée (Schomerus et al., 2012). D’autre part, lorsqu’une prise en charge
de l’alcoolo-dépendance est effectivement réalisée, son efficacité reste très
limitée : le maintien d’une abstinence ou d’une consommation contrôlée
dans l’année suivant la désintoxication n’est observé que chez 20 à 40 % des
patients (Moos & Moos, 2006), ce qui amène à considérer l’alcoolo-dépen-
dance comme une maladie chronique dans laquelle la rechute est davantage
la règle que l’exception (McLellan et al., 2000).
p0020 Bien que la rechute soit un phénomène multidéterminé, impliquant
simultanément des facteurs environnementaux, psychologiques ou encore
interpersonnels en proportions variables selon les patients, ces résultats
illustrent clairement l’efficacité insuffisante de la prise en charge actuelle
de l’alcoolo-dépendance. Dans ce chapitre, nous souhaitons défendre l’idée
que cette prise en charge, classiquement fondée sur la combinaison des
approches psychiatrique (avec notamment un support médicamenteux,
en particulier en début de sevrage) et psychologique (usuellement sous la
forme d’entretiens individuels ou de groupe), pourrait être opportunément
complétée par de nouvelles approches, issues de la neuropsychologie et
fondées sur l’application d’une logique « bilan–remédiation ». Ce chapitre
se propose ainsi de passer en revue de manière systématique les catégories
majeures de déficits présentés par les individus alcoolo-dépendants et ayant
été identifiées comme jouant un rôle dans l’émergence et le maintien du
trouble, ainsi que dans le risque de rechute après désintoxication. Quatre
grandes catégories de déficits seront successivement décrites : les altérations
des fonctions cognitives ; les modifications des processus automatiques ; les
troubles des traitements émotionnels ; les déficits de la cognition sociale.
La dernière partie introduira le chapitre suivant (centré directement sur la
remédiation cognitive dans l’alcoolo-dépendance) en montrant comment

ISBN: 978-2-294-75006-9; PII: B978-2-294-75006-9.00017-3; Auteur: FRANCK475006; Document ID: 00017; Chapitre ID: c0085

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Troubles cognitifs, émotionnels et interpersonnels dans l’alcoolo-dépendance 283

ces différentes catégories de troubles peuvent être prises en charge, de


manière séparée ou simultanée, sur base des nouveaux outils de remédia-
tion cognitive développés récemment et d’ores et déjà appliqués avec succès
dans d’autres pathologies psychiatriques.

st0015 Déficits cognitifs : fonctions exécutives


et mémoire
p0025 Les effets neurotoxiques associés à une consommation excessive et prolon-
gée d’alcool sont connus de longue date. Du fait de son action sur une
vaste gamme de neurotransmetteurs, et en particulier sur les systèmes
GABAergique, glutamatergique et opioïde (Nutt, 2014), l’intoxication répé-
tée à l’éthanol produit une action neurotoxique directe, mais également
indirecte via l’excitotoxicité glutamatergique provoquée par le sevrage
(Vengeliene et al., 2008). Cette neurotoxicité conduit à des perturbations
cérébrales majeures, dont la manifestation la plus marquante se retrouve
dans les encéphalopathies issues de l’alcoolo-dépendance, telles que les
syndromes de Wernicke et de Korsakoff, dans lesquels des lésions massives
sont reportées (en particulier dans les corps mamillaires et le thalamus).
Cependant, bien loin d’être limitées à ces cas extrêmes de complications
neurologiques, les atteintes cérébrales liées à l’alcool touchent avec une
intensité variable l’ensemble des patients alcoolo-dépendants. Il a ainsi été
établi, tout d’abord via des études post mortem puis sur base d’explorations
directes rendues possibles par le développement des techniques d’image-
rie, que l’alcoolo-dépendance est associée à une large gamme d’altérations
cérébrales, puisque des modifications anatomiques et fonctionnelles ont
été répétitivement décrites dans cette pathologie depuis le milieu du siècle
dernier. Bien que les effets délétères de l’alcool touchent l’ensemble des
régions cérébrales, avec notamment une réduction globale de la densité
de matière blanche et une atrophie corticale généralisée, certaines régions
apparaissent plus affectées, notamment le cervelet, le système limbique
et les régions frontales (Bühler & Mann, 2011). L’observation répétée de
pertes neuronales dans les régions antérieures du cortex a conduit à l’émer-
gence de l’hypothèse du lobe frontal (Moselhy et al., 2001), selon laquelle
la symptomatologie liée à l’alcoolo-dépendance reposerait essentiellement
sur les altérations des régions préfrontales et frontales.
p0030 De nombreuses explorations neuropsychologiques ont investigué les
corrélats comportementaux de ces altérations cérébrales. Ainsi, sur base
d’études initiales montrant de fortes corrélations entre les réductions de
volume des aires frontales et l’intensité des déficits dans des tâches exé-
cutives (Castaneda & Galanter, 1988), une large part de la littérature de
ces dernières décennies ayant trait aux troubles liés à l’alcool s’est focalisée

ISBN: 978-2-294-75006-9; PII: B978-2-294-75006-9.00017-3; Auteur: FRANCK475006; Document ID: 00017; Chapitre ID: c0085

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sur l’étude des fonctions exécutives, sous-tendues par le lobe frontal.


L’attribution d’un rôle central aux fonctions exécutives apparaît oppor-
tune, puisque l’alcoolo-dépendance et, plus globalement, l’ensemble des
conduites addictives ont classiquement été modélisées comme résultant de
troubles du contrôle des comportements (Everitt & Robbins, 2005 ; Kalivas
& Volkow, 2005) : l’individu alcoolo-dépendant est ainsi considéré comme
un sujet ayant une réduction des capacités exécutives et, en particulier, de
l’inhibition et du contrôle, conduisant à une faculté réduite de régulation
des comportements impulsifs de consommation. Ainsi, de nombreuses
recherches ont mis en évidence des déficits d’inhibition dans la population
alcoolo-dépendante, en particulier pour la sous-composante d’inhibition de
la réponse dominante qui semble constituer un déficit clé au sein de cette
population (Noël et al., 2007, 2013b). Plus globalement, des altérations mas-
sives dans une large gamme de sous-composantes exécutives (figure 17.1)
ont été décrites dans la population alcoolo-dépendante, notamment pour
ce qui concerne les capacités de flexibilité, de mise à jour, de résolution
de problèmes, de planification ou encore de prise de décision (pour une
méta-analyse sur cette thématique, voir Stavro et al., 2013). Ceci a conduit
certains auteurs à considérer cette pathologie comme pouvant constituer
un véritable syndrome dysexécutif (Ihara et al., 2000). Il convient cepen-
dant de souligner que ces déficits exécutifs ne touchent pas uniformément
l’ensemble des patients alcoolo-dépendants, puisqu’une grande variabilité
interindividuelle est observée (Bernardin et al., 2014) : certains patients pré-
sentent un syndrome dysexécutif massif, alors que d’autres ne manifestent
aucune altération cognitive identifiable, ce qui souligne l’importance d’une
évaluation individualisée des déficits cognitifs, afin de centrer la remédia-
tion ultérieure sur les processus déficitaires.
p0035 Au-delà de cette focalisation sur les sous-composantes exécutives, des
études ont exploré l’intégrité d’autres fonctions cognitives dans l’alcoolo-
dépendance. Ces investigations ont clairement montré que, si le trouble
exécutif est indubitablement une composante majeure de cette pathologie,
les atteintes cognitives sont bien plus vastes puisqu’elles touchent égale-
ment des processus de plus bas niveau, tels que les habiletés visuo-spatiales
(Fama et al., 2004), attentionnelles (Fein & Andrew, 2011) ou encore mné-
siques. Les troubles massifs de mémoire sont bien entendu la composante
principale du syndrome de Korsakoff, mais des performances réduites dans
différents systèmes mnésiques tels que les mémoires de travail, épisodique
et sémantique (Pitel et al., 2014), ou encore la méta-mémoire (Le Berre
et al., 2010) ont été observées chez des patients alcoolo-dépendants sans
complication neurologique. En démontrant des déficits cognitifs généra-
lisés et englobant des fonctions non liées aux régions frontales, ces résul-
tats ont conduit à une remise en question de l’hypothèse du lobe fron-
tal, puisqu’ils semblent indiquer que l’alcoolo-dépendance engendre des

ISBN: 978-2-294-75006-9; PII: B978-2-294-75006-9.00017-3; Auteur: FRANCK475006; Document ID: 00017; Chapitre ID: c0085

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f0010 Figure 17.1. Illustration des fonctions exécutives touchées dans l’alcoolo-dépendance.
Pour chaque fonction, un exemple de tâche permettant de l’évaluer est fourni. Inhibition :
le test de Stroop (Stroop, 1935) consiste à présenter une série de mots de couleur écrits
dans une couleur congruente (par exemple, rouge écrit en rouge) ou incongruente (par
exemple, rouge écrit en bleu). Il est plus difficile de nommer la couleur des mots en
condition « incongruente » qu’en condition « congruente » du fait de l’interférence
produite par l’information non pertinente (le mot) au cours de la tâche (nommer la
couleur du mot). Flexibilité : le Plus/Minus (Spector & Biederman, 1976) se déroule en
trois temps (T). Le participant est entraîné à effectuer des additions (+ 3 ; T1) puis des
soustractions (−3 ; T2) sur des séries de nombres à deux chiffres qui lui sont présentées.
Enfin, dans une dernière étape illustrée ici (T3), il doit alterner les additions et les
soustractions (+ 3 ; −3 ; + 3 ; −3) à partir de la présentation d’une nouvelle série de
nombres à deux chiffres. Le coût de flexibilité est ainsi calculé en soustrayant la moyenne
des temps de réponse moyens en T1 et T2 au temps de réponse moyen en T3. Mise à
jour : la tâche de mémorisation de lettres (Morris & Jones, 1990) consiste à présenter
une série de lettres à un participant qui doit en rappeler les quatre dernières. Celui-ci ne
connaissant pas la longueur de la série de lettres, il doit constamment mettre à jour sa
mémoire de travail. Planification : dans le test de la tour de Londres (Shallice, 1982),
le participant doit reproduire une configuration spatiale de trois boules de couleurs
différentes qui sont disposées sur un présentoir formé de trois tiges et ce, en effectuant le
moins de mouvements possibles, en ne déplaçant qu’une boule à la fois et en étant le plus
rapide possible. Prise de décision : la Iowa gambling task (figure modifiée à partir de
Bechara et al., 2005) consiste à présenter quatre tas de jeux de cartes à des participants
qui disposent d’une somme d’argent de 2000 € qui leur est prêtée. Leur but est de gagner
le plus d’argent possible en piochant chaque fois une carte parmi les quatre tas présentés.
Chaque carte permet d’obtenir une récompense immédiate (100 € dans les tas A et B et
50 € dans les tas C et D). Cependant, de manière imprévisible, le fait de piocher certaines
cartes entraîne également une pénalité (importante pour les tas A et B, et faible pour les
tas C et D). Ainsi, piocher principalement des cartes au sein des tas A et B conduit au total
à une perte d’argent, tandis que piocher principalement des cartes au sein des tas C et D
conduit à un gain global. Les participants ne sont pas en mesure de prédire quand une
pénalité aura lieu, ni même de calculer avec précision le gain net ou la perte associés à
chaque tas. Ils ne savent pas non plus combien de cartes doivent être piochées avant la fin
du jeu (le jeu se termine après la sélection de 100 cartes).
Source : Dziobek, I., Fleck, S., Kalbe, E., et al. (2006). Introducing MASC : a movie for the assessment of social
cognition. Journal of Autism and Develpmental Disorders, 36(5), 623-36.

ISBN: 978-2-294-75006-9; PII: B978-2-294-75006-9.00017-3; Auteur: FRANCK475006; Document ID: 00017; Chapitre ID: c0085

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atteintes cérébrales diffuses, affectant une vaste gamme de régions corti-


cales et sous-corticales (Stavro et al., 2013).
p0040 La description précise des déficits cérébraux et cognitifs associés à l’alcoolo-
dépendance a permis de dresser un tableau clinique exhaustif et est donc
essentielle pour le chercheur et le clinicien, afin notamment de guider les
investigations neuropsychologiques. Cependant, des études plus récentes
ont permis d’effectuer un pas supplémentaire et décisif en montrant le
caractère prédictif de ces déficits sur le décours ultérieur de la pathologie.
Ceci souligne la nécessité de considérer les interventions de remédiation
cognitive dans la prise en charge thérapeutique de l’alcoolo-dépendance.
En effet, des études de neuro-imagerie ont mis en évidence que le volume de
sous-régions frontales et pariétales en début de sevrage constitue un excel-
lent prédicteur de la rechute dans les 2 mois suivant la désintoxication : les
patients présentant des pertes neuronales massives dans le cortex frontal
médian avaient ainsi un taux de rechute de plus de 95 % à 2 mois, alors
que ce taux n’était que de 30 % chez les patients présentant un volume
préservé pour cette région (Rando et al., 2011). Des résultats similaires ont
été obtenus dans des régions sous-corticales comme le thalamus (Segobin
et al., 2014), confirmant que l’intégrité anatomique du cerveau en début de
sevrage est un facteur clé pour le maintien de l’abstinence à moyen terme.
Il est évidemment inenvisageable d’intervenir directement sur le volume
cérébral des patients, mais d’autres études ont étendu ces observations à
des variables neuropsychologiques : ainsi, les déficits de prise de décision
et d’inhibition de réponse dominante constituent d’excellents prédicteurs
de l’augmentation de la consommation d’alcool ou de la perte de contrôle
ultérieure sur cette consommation (Goudriaan et al., 2011). Ces résultats
ont une implication majeure pour la pratique clinique, puisqu’ils suggèrent
en creux que le réentraînement de ces fonctions cognitives durant le séjour
en désintoxication pourrait permettre, via la restauration des capacités de
contrôle, de limiter le risque de rechute. En conclusion, il apparaît donc
que, si les déficits cognitifs, en particulier des fonctions exécutives, sont
massifs dans l’alcoolo-dépendance et jouent un rôle majeur dans la rechute,
leur prise en charge via un programme de remédiation ciblé pourrait per-
mettre, comme nous l’illustrerons à la fin de ce chapitre, de réduire le risque
de reconsommation via la restauration des capacités de contrôle cognitif.

st0020 Modification des traitements automatiques :


craving et biais attentionnels
p0045 L’étude des déficits cognitifs décrits ci-dessus se fondait sur les modèles clas-
siques, envisageant le patient alcoolo-dépendant comme étant majoritaire-
ment caractérisé par un trouble d’inhibition des comportements inadaptés.

ISBN: 978-2-294-75006-9; PII: B978-2-294-75006-9.00017-3; Auteur: FRANCK475006; Document ID: 00017; Chapitre ID: c0085

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Troubles cognitifs, émotionnels et interpersonnels dans l’alcoolo-dépendance 287

Cependant, les modèles actuellement dominants dans le champ des addic-


tions proposent de dépasser cette vision focalisée sur les variables cognitives,
en suggérant de considérer plutôt l’addiction comme un déséquilibre entre
deux systèmes en interaction. En effet, ces modèles à double voie ou dual-
process models (Mukherjee, 2010) proposent globalement que l’ensemble
des prises de décision chez l’être humain sont fondées sur l’équilibre entre
deux systèmes : d’une part, un système réflexif–cognitif, principalement
sous-tendu par les cortex orbitofrontal/dorsolatéral et impliqué dans l’éva-
luation cognitive des stimulations, conduisant à des réponses contrôlées et
délibérées ; d’autre part, un système automatique, majoritairement associé
aux régions limbiques/striatales et impliqué dans l’évaluation affective
des stimulations, menant à des réponses appétitives impulsives. L’applica-
tion de ces modèles aux conduites addictives (Noël et al., 2013a ; Stacy &
Wiers, 2010) se fonde sur la proposition suivante : le développement et le
maintien de ces troubles du comportement seraient issus d’un déséquilibre
entre les deux systèmes, avec simultanément une sous-activation du sys-
tème réflexif (lié aux déficits cognitifs décrits ci-dessus qui conduiraient à
une réduction d’efficacité du contrôle comportemental) et une sur-activa-
tion du système automatique, conduisant à une appétence accrue envers les
stimulations liées à l’addiction et à une tendance automatique d’approche
vers ces stimulations. Ces modèles suggèrent donc qu’au-delà des troubles
cognitifs, l’essor et la persistance de l’alcoolo-dépendance sont aussi liés
à une sur-sensibilité du système automatique, ce qui ouvre une nouvelle
perspective clinique via l’évaluation et la remédiation des modifications
observées pour ce système chez les patients alcoolo-dépendants.
p0050 L’expression comportementale de cette sur-activation se manifeste
principalement via deux indices que sont le craving et la présence de biais
attentionnels. Tout d’abord, le craving peut se définir comme un état psy-
chologique dans lequel l’ensemble des ressources du patient sont focalisées
sur le fait d’accéder à une substance et de la consommer. Cet état se mani-
feste par la combinaison de composantes obsessionnelles, avec l’accapare-
ment de l’esprit par des pensées intrusives liées à la consommation, et de
composantes compulsives, c’est-à-dire la tendance difficilement contrôlable
à rechercher de l’alcool et à en consommer lorsqu’il est disponible. Sur
le plan cérébral, le craving est centralement lié à une sur-activation de la
voie dopaminergique mésolimbique (Myrick et al., 2004), certains auteurs
(Wrase et al., 2007) ayant même suggéré que le système de récompense est
« pris en otage » par le craving : les patients alcoolo-dépendants présentent
simultanément une hausse d’activation du striatum lors de la présentation
de stimulations liées à l’alcool (par exemple, une odeur d’alcool ou la vision
d’une publicité pour une boisson alcoolisée) et une baisse d’activation de
ces structures lors de la présentation d’autres stimulations conduisant chez
le sujet sain à une activation du système de récompense (par exemple des

ISBN: 978-2-294-75006-9; PII: B978-2-294-75006-9.00017-3; Auteur: FRANCK475006; Document ID: 00017; Chapitre ID: c0085

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288 Remédiation cognitive dans l’alcoolo-dépendance et les lésions cérébrales acquises

images à caractère sexuel ou la perspective d’un gain monétaire). Autre-


ment dit, l’alcoolo-dépendance conduirait à une focalisation sur la subs-
tance ainsi qu’à une réduction de l’intérêt pour toute autre activité, ce qui
fait écho à la difficulté fréquemment rencontrée en clinique de motiver
le patient sevré à réinvestir positivement des activités alternatives à la
consommation d’alcool. Le craving est donc largement impliqué dans le
maintien de la pathologie et, dans la mesure où son intensité est un prédic-
teur central de la rechute, de nombreuses prises en charge psychologiques
de l’alcoolo-dépendance incluent actuellement une intervention directe-
ment centrée sur cette variable (Kavanagh et al., 2004). Nous suggérons
ici qu’en complément de ces approches de réduction du craving fondées
surtout sur l’entretien psychologique classique, une intervention neuro-
psychologique centrée sur l’un des modes d’expression de ce craving, à
savoir les biais attentionnels, pourrait permettre de réduire significative-
ment le risque de rechute.
p0055 En effet, le biais attentionnel dans l’alcoolo-dépendance est caractérisé
par un traitement préférentiel des stimulations associées à l’alcool. Lorsque
de tels indices sont présents dans l’environnement, les ressources atten-
tionnelles des patients alcoolo-dépendants sont ainsi automatiquement
accaparées par lesdits indices, favorisant l’augmentation des obsessions
et compulsions, et donc le risque de consommation (Van Hemel-Ruiter
et al., 2016). Il est d’ailleurs à noter que ce biais attentionnel favorisant
l’accroissement du craving n’est pas retrouvé uniquement chez des per-
sonnes alcoolo-dépendantes puisqu’il est également observé chez des
consommateurs d’alcool non dépendants, l’intensité du biais apparaissant
proportionnelle à l’ampleur de la consommation (Field & Cox, 2008). Dif-
férents outils expérimentaux ont été développés pour évaluer l’intensité
de ce biais, le plus utilisé actuellement étant la tâche de détection de cible
(MacLeod et al., 1986) illustrée dans la figure 17.2. Cette tâche est fondée
sur la présentation simultanée durant quelques centaines de millisecondes,
respectivement à gauche et à droite de l’écran, de deux stimuli amorces : un
stimulus lié à l’alcool (par exemple, une photo d’une boisson alcoolisée) et
un stimulus neutre (par exemple, une photo d’une boisson non alcoolisée).
Ces amorces sont ensuite remplacées par un stimulus cible (par exemple,
une flèche pointant vers le haut ou vers le bas) apparaissant à la place d’une
des deux amorces (remplaçant, par exemple, le stimulus lié à l’alcool à
droite de l’écran). La tâche du participant consiste à ignorer les amorces et
à effectuer le plus rapidement possible une tâche sur le stimulus cible (en
détectant, par exemple, le sens de la flèche). Les amorces ne sont donc pas
à traiter, mais elles permettent de détecter l’existence d’un biais attention-
nel, qui est présent si la réponse du participant est plus rapide lorsque le
stimulus cible apparaît du même côté que l’amorce liée à l’alcool. En effet,
si le patient alcoolo-dépendant présente une attirance automatique vers les

ISBN: 978-2-294-75006-9; PII: B978-2-294-75006-9.00017-3; Auteur: FRANCK475006; Document ID: 00017; Chapitre ID: c0085

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Troubles cognitifs, émotionnels et interpersonnels dans l’alcoolo-dépendance 289

Alcool

Soda
f0015 Figure 17.2. Illustration d’un essai à la tâche de détection de cibles.
La tâche du sujet consiste à fixer la croix centrale jusqu’à l’apparition d’une flèche dont
il faut donner le sens en appuyant sur la touche correspondante du boîtier de réponse.
Lorsque cette tâche est utilisée pour évaluer les biais attentionnels envers les indices
liés à l’alcool, la flèche apparaît autant de fois à la position précédente de l’indice lié à
l’alcool qu’à celle de l’indice neutre. Lorsque cette tâche est utilisée afin de réduire le biais
attentionnel envers les indices liés à l’alcool, une contingence est introduite : la flèche
apparaît systématiquement à la position précédente de l’indice neutre.

stimulations liées à l’alcool, son attention se portera, lors de la présentation


des amorces, vers le stimulus lié à l’alcool, et le traitement du stimulus cible
sera donc plus rapide si ce dernier apparaît du même côté que l’amorce liée
à l’alcool que s’il apparaît du côté de l’amorce non liée à l’alcool.
p0060 Malgré son importance clinique et sa facilité d’administration, cette éva-
luation empirique du biais attentionnel envers l’alcool est encore très rare-
ment effectuée dans les centres de désintoxication. Généraliser son usage
pourrait permettre, d’une part, de compléter le tableau clinique du patient
et d’évaluer objectivement l’intensité du craving, et d’autre part, d’explorer
son évolution au cours de la désintoxication et sa présence résiduelle en fin
de prise en charge, en fournissant ainsi des indices complémentaires sur
la vulnérabilité du patient envers la rechute. Au-delà de cette estimation
de l’intensité du biais et comme cela sera illustré ci-après, des propositions
thérapeutiques de réduction du biais ont été proposées, avec pour idée sous-
jacente que cette réduction pourrait permettre de réduire le craving et donc
la consommation ou le risque de rechute. À l’instar des conclusions posées
quant aux troubles cognitifs, et au vu du rôle majeur joué par le craving et

ISBN: 978-2-294-75006-9; PII: B978-2-294-75006-9.00017-3; Auteur: FRANCK475006; Document ID: 00017; Chapitre ID: c0085

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290 Remédiation cognitive dans l’alcoolo-dépendance et les lésions cérébrales acquises

le biais attentionnel dans le maintien de l’alcoolo-dépendance, il apparaît


donc opportun de promouvoir leur évaluation et leur réentraînement en
pratique clinique.

st0025 Altération des processus émotionnels :


décodage des stimulations affectives
p0065 Les deux catégories de déficits décrits antérieurement ont été au cœur de la
grande majorité des recherches neuropsychologiques sur l’alcoolo-dépen-
dance durant ces dernières décennies. Les chercheurs et cliniciens ont donc
désormais à leur disposition une description exhaustive de ces déficits, les-
quels sont intégrés dans des modélisations théoriques robustes. Néanmoins,
cette focalisation quasi exclusive sur les troubles cognitifs et les modifi-
cations des processus automatiques a eu pour corollaire une exploration
nettement plus parcellaire d’autres processus pourtant également centraux
dans l’alcoolo-dépendance. En particulier, les investigations antérieures ont
souvent envisagé le patient alcoolo-dépendant comme une « machine déré-
glée » pour laquelle il convient de rétablir l’équilibre rationnel entre proces-
sus réflexifs et impulsifs, ce qui a conduit à négliger l’influence pourtant
majeure des facteurs émotionnels. En effet, les émotions jouent un rôle pri-
mordial dans la plupart des composantes de la vie humaine, en influençant
constamment les pensées, motivations et décisions. Au-delà des facteurs
strictement rationnels, les prises de décision inadaptées observées dans
l’alcoolo-dépendance relèvent donc aussi de variables affectives : par exem-
ple, les patients rapportent fréquemment avoir pu maintenir l’abstinence
durant plusieurs mois (ce qui suggère le rétablissement d’un équilibre entre
systèmes) mais avoir rechuté après avoir ressenti des émotions négatives,
de l’anxiété ou des affects dépressifs. Il a ainsi été estimé que plus de 40 %
des reconsommations après désintoxication sont directement attribuables à
des difficultés émotionnelles (Zywiak et al., 2003). Le déséquilibre entre sys-
tèmes réflexif et automatique ne peut donc pas à lui seul expliquer le main-
tien de l’alcoolo-dépendance, et l’exploration des capacités émotionnelles
est nécessaire pour approfondir la connaissance des mécanismes à l’œuvre
dans cette pathologie. Toutefois, en dépit de leur fonction centrale dans
le processus addictif, l’intérêt pour l’exploration empirique des processus
émotionnels n’a émergé que récemment.
p0070 La comorbidité entre alcoolo-dépendance et troubles de l’humeur est éta-
blie de longue date, la majorité des patients alcoolo-dépendants présen-
tant, en particulier en début de sevrage et souvent de façon transitoire, des
symptômes anxieux et dépressifs conduisant à l’exacerbation des émotions
négatives (Schuckit, 2006). Des troubles généraux des processus affectifs
ont également été mis en évidence. Par exemple, l’alcoolo-dépendance est
associée à une augmentation de la tendance à l’alexithymie (c’est-à-dire

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Troubles cognitifs, émotionnels et interpersonnels dans l’alcoolo-dépendance 291

à une difficulté à expérimenter, caractériser et exprimer ses états émo-


tionnels internes, Uzun et al., 2003) et à une réduction de l’intelligence
émotionnelle (c’est-à-dire la capacité à détecter, interpréter et utiliser ses
émotions et celles exprimées par autrui, De Timary et al., 2010). Outre ces
explorations des capacités émotionnelles globales, une lignée d’études a
émergé dans l’alcoolo-dépendance durant ces quinze dernières années afin
d’investiguer plus spécifiquement les capacités de traitement des signaux
émotionnels exprimés par autrui. En effet, l’habileté à décoder les indices
émotionnels en situation interpersonnelle est essentielle pour interpréter
correctement les états émotionnels exprimés par les partenaires sociaux et
y répondre de manière adéquate (D’Hondt et al., 2014). La grande majorité
des études centrées sur les capacités de décodage émotionnel dans l’alcoolo-
dépendance ont utilisé des tâches d’identification des expressions faciales
émotionnelles. Les résultats des premières études (Philippot et al., 1999)
ont permis de montrer que les patients alcoolo-dépendants récemment dés-
intoxiqués présentent des difficultés à identifier correctement les émotions
faciales par rapport à des participants sains appariés. Il semble que le défi-
cit soit surtout présent pour les émotions négatives, notamment pour la
colère, et que les patients n’aient pas conscience de ce déficit (Kornreich
et al., 2001). Bien que certains résultats contradictoires existent (pour une
revue de la littérature, voir Donadon & Osório, 2014), nombre d’études
ultérieures sont venues confirmer et préciser cette altération, en montrant
en particulier qu’elle est plus marquée lorsque les émotions sont présentées
avec une intensité modérée ou lorsque plusieurs émotions sont exprimées
simultanément sur le visage (Frigerio et al., 2002). Comme illustré dans la
figure 17.3, une étude récente (D’Hondt et al., 2015) a utilisé la technique
du morphing pour contrôler l’intensité émotionnelle exprimée et présenter
des émotions plus ambiguës, qui sont les plus fréquentes dans la vie quoti-
dienne (figure 17.3a). Cette exploration a permis de montrer, via le calcul
de courbes de détection (figure 17.3b), que les patients alcoolo-dépendants
présentent une préservation de la détection catégorielle (c’est-à-dire de la
capacité à distinguer les différentes émotions et le passage d’une émotion
à une autre, figure 17.3c) mais ont un seuil de détection plus élevé, quelle
que soit l’émotion (figure 17.3d). En d’autres termes, ils ont besoin de plus
d’intensité émotionnelle pour identifier correctement l’émotion exprimée.
p0075 Il convient encore de souligner que ce déficit de décodage apparaît spé-
cifiquement lié aux caractéristiques émotionnelles du stimulus (puisqu’il
n’est pas présent pour d’autres traitements faciaux complexes tels que
l’identification du genre ou de l’âge), et semble généralisé à tout type de
stimulus (puisqu’il est également présent pour d’autres modalités émotion-
nelles comme la prosodie affective ou les postures corporelles, Maurage et
al., 2009). De plus, ce trouble semble présenter une aggravation progressive
durant le décours de l’alcoolo-dépendance : son ampleur est positivement

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292 Remédiation cognitive dans l’alcoolo-dépendance et les lésions cérébrales acquises

95

f0020 Figure 17.3. Illustration des performances à une tâche de décodage émotionnel de
stimuli ambigus.
a. Exemple d’un continuum de dix stimuli obtenus par morphing de deux images de
visages de même identité exprimant la colère et la joie. Le pourcentage de chaque
émotion contenue dans chacun des dix stimuli est mentionné en bas de la figure. Lors
de la tâche, les stimuli obtenus à partir du morphing de quatre émotions différentes
(joie, colère, neutre, tristesse) sont présentés dans un ordre aléatoire aux participants qui
doivent identifier l’émotion qui prédomine au sein de ces stimuli. b. Résultats obtenus
pour l’identification de la colère. Le pourcentage de réponses « colère » (axe Y) est
représenté en fonction du niveau de morphing (c’est-à-dire le pourcentage de colère
réellement exprimée dans le stimulus) pour les contrôles sains (marqueurs « diamants »)
et les individus alcoolo-dépendants (marqueurs « triangle »). Pour les analyses, des
fonctions sigmoïdes ont été ajustées aux données de chaque participant pour obtenir les
valeurs individuelles de pente et de frontière catégorielle. Cependant, pour l’illustration
représentée ici, une fonction sigmoïde a été ajustée à la moyenne du pourcentage
d’identification obtenue pour chaque groupe. c. Valeurs moyennes des pentes obtenues
lors de l’identification des quatre expressions faciales émotionnelles pour chaque
groupe. Plus la valeur de pente est élevée, plus le changement de réponse est abrupt. Les
résultats obtenus ne montraient pas de différence significative entre les deux groupes. d.
Valeurs moyennes des frontières catégorielles obtenues lors de l’identification des quatre
expressions faciales émotionnelles pour chaque groupe. La frontière catégorielle représente
le niveau de morphing estimé pour lequel le participant identifie autant de fois une
émotion donnée que les trois autres. Les résultats indiquaient une différence significative
entre les deux groupes dans le sens d’une frontière catégorielle plus élevée pour les
individus alcoolo-dépendants par rapport aux contrôles sains. Ceci suggère donc un biais
de sous-identification de l’émotion chez les individus alcoolo-dépendants.
Source : D’Hondt, F., de Timary, P., Bruneau, Y., & Maurage, P. (2015). Categorical perception of emotional facial
expressions in alcohol-dependence. Drug and Alcohol Dependence, 156, 267-74.

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Troubles cognitifs, émotionnels et interpersonnels dans l’alcoolo-dépendance 293

corrélée à l’intensité de la consommation antérieure et au nombre de


séjours de désintoxication précédents, et il persiste, bien qu’avec une
intensité moindre, avec l’abstinence à moyen terme (Foisy et al., 2007).
Cependant, le lien de cause–conséquence entre trouble de décodage émo-
tionnel et alcoolo-dépendance n’est pas totalement établi. En effet, aucune
étude longitudinale n’est actuellement disponible sur cette thématique et
l’étude de populations à risque (à savoir des enfants de patients alcoolo-
dépendants) suggère qu’un déficit émotionnel pourrait être présent avant
le développement des troubles liés à l’alcool et favoriser le développement
de ceux-ci (Glahn et al., 2007). Malgré son investigation récente et la per-
sistance de nombreuses questions à son sujet, le déficit des traitements
émotionnels dans l’alcoolo-dépendance est donc bien établi, de même que
son rôle dans la rechute. Ces données ont permis de fournir une validation
empirique des observations souvent décrites en pratique clinique, à savoir
la difficulté généralisée des patients alcoolo-dépendants à ressentir, inter-
préter et gérer leurs propres émotions, mais également à comprendre et
réagir de manière adaptée à celles exprimées par autrui. L’application des
techniques de neuropsychologie pour évaluer l’ampleur de ces troubles et
en proposer ensuite une réhabilitation semble donc constituer une oppor-
tunité, encore largement sous-exploitée en pratique clinique, d’améliorer
le bien-être social des patients ainsi que l’efficacité des programmes théra-
peutiques actuels.

st0030 Troubles de la cognition sociale : empathie,


interactions sociales et théorie de l’esprit
p0080 Une hypothèse majeure sous-tendant les études présentées ci-dessus est que
le déficit des traitements émotionnels dans l’alcoolo-dépendance pourrait
perturber l’intégration sociale des patients et initier un cercle vicieux : l’alté-
ration des processus émotionnels en lien avec l’alcoolo-dépendance aggra-
verait les problèmes interpersonnels, qui pourraient alors conduire à une
intensification de la consommation d’alcool, souvent utilisée comme stra-
tégie de coping pour faire face à l’isolement social. Cette augmentation de
la consommation conduirait in fine à une augmentation des altérations de
décodage notamment via les effets neurotoxiques de l’alcool sur les régions
de traitement émotionnel, refermant ainsi le cercle vicieux. La validation
de l’existence de ce cercle passe cependant par l’observation plus directe
du fonctionnement des patients alcoolo-dépendants lors des interactions
sociales. Cette exploration des capacités interpersonnelles et de cognition
sociale n’a été initiée que récemment dans l’alcoolo-dépendance et consti-
tue un champ d’investigation en plein essor.
p0085 Une première série d’études s’est intéressée à l’empathie, qui peut se définir
de manière générale comme étant la capacité à comprendre la perspective

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294 Remédiation cognitive dans l’alcoolo-dépendance et les lésions cérébrales acquises

d’autrui pour interpréter correctement et répondre de manière adaptée aux


affects, sentiments ou pensées qu’il exprime. L’empathie constitue donc une
habileté majeure pour développer des interactions sociales adaptées et satis-
faisantes. Or, cette habileté est déficitaire dans l’alcoolo-dépendance : il a
tout d’abord été suggéré que les patients alcoolo-dépendants présentent un
déficit général d’empathie, qui pourrait avoir des effets délétères sur leur vie
interpersonnelle (Martinotti et al., 2009). Des explorations ultérieures ont
affiné cette observation initiale en montrant que cette altération de l’empa-
thie n’est pas uniforme, puisqu’elle est spécifiquement liée à la sous-compo-
sante émotionnelle de l’empathie (la capacité à identifier et ressentir les états
affectifs de ses interlocuteurs), la sous-composante cognitive (la capacité de
prise de perspective et de compréhension des états mentaux non émotion-
nels d’autrui, tels que les pensées ou les opinions) étant préservée (Maurage et
al., 2011a). Ces études fournissent une première preuve expérimentale de la
présence de déficits interpersonnels dans l’alcoolo-dépendance, et viennent
donc soutenir les descriptions cliniques faisant état de difficultés fréquentes
chez ces patients pour interagir correctement avec leur milieu familial ou
professionnel. Elles renforcent en outre la proposition d’une altération spé-
cifique des processus émotionnels dans cette maladie, avec une préservation
au moins partielle des aspects non affectifs de la cognition sociale.
p0090 Plus récemment, d’autres études ont utilisé une approche directement expé-
rimentale pour investiguer des capacités interpersonnelles plus complexes.
Tout d’abord, certaines d’entre elles ont tenté d’approfondir les connais-
sances sur le décodage émotionnel en utilisant des tâches fondées sur la
détection d’états mentaux plus complexes que les émotions basiques usuelle-
ment présentées dans les études classiques de décodage. Ainsi, en utilisant le
test reading the mind in the eyes, fondé sur la présentation d’émotions basiques
(par exemple, « apeuré ») mais aussi plus subtiles (par exemple, « désespéré »)
ou d’états mentaux non émotionnels (par exemple, « dubitatif »), il a été
montré que le déficit de décodage s’étend aux émotions complexes, posi-
tives et négatives, mais avec a contrario une préservation de l’interprétation
des états mentaux non émotionnels (Maurage et al., 2011b). Plusieurs autres
études ont identifié des déficits chez les patients alcoolo-dépendants pour
des habiletés essentielles au bon fonctionnement des interactions sociales,
telles que la compréhension de l’humour et de l’ironie (Amenta et al., 2013)
ou l’évaluation correcte des standards sociaux à respecter pour agir correcte-
ment en contexte interpersonnel (Maurage et al., 2013). Des études de neu-
rosciences ont apporté de nouveaux éclairages sur ces déficits, en montrant
une désorganisation des activités limbique et cingulaire lors du traitement de
stimuli émotionnels (Salloum et al., 2007). En outre, une étude en résonance
magnétique fonctionnelle utilisant un paradigme d’ostracisme (Maurage et
al., 2012) a permis de montrer que, lorsqu’ils sont confrontés à une situation
de rejet social de la part d’autrui, les patients alcoolo-dépendants présentent

ISBN: 978-2-294-75006-9; PII: B978-2-294-75006-9.00017-3; Auteur: FRANCK475006; Document ID: 00017; Chapitre ID: c0085

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Troubles cognitifs, émotionnels et interpersonnels dans l’alcoolo-dépendance 295

un sentiment d’exclusion intensifié (indexé par une sur-activation du cortex


cingulaire antérieur et de l’insula) combiné à une réduction de la régulation
du sentiment de rejet (en lien avec une sous-activation des zones de régu-
lation frontales). Autrement dit, l’alcoolo-dépendance est associée à une
exacerbation de la perception du rejet social et à une possibilité réduite de
contrôler et de diminuer ce sentiment de rejet, ce qui pourrait expliquer les
réactions d’agressivité incontrôlée en cas d’incompréhension ou de frustra-
tion sociale, fréquemment décrites dans cette pathologie.
p0095 Enfin, une tendance majeure de ces dernières années dans le champ de
l’alcoolo-dépendance est l’émergence d’études explorant directement la cog-
nition sociale, et en particulier la théorie de l’esprit (pour une méta-analyse,
voir Bora & Zorlu, 2016). Une vaste gamme de paradigmes classiques a été
utilisée, comme la tâche des faux pas (Thoma et al., 2013), celle des fausses
croyances (Maurage et al., 2015) ou encore des échelles multiniveaux d’éva-
luation de la théorie de l’esprit (Bosco et al., 2014). Ces recherches ont
montré des résultats cohérents, indiquant, malgré de fortes variations inter-
individuelles, des capacités réduites de théorie de l’esprit chez les patients
alcoolo-dépendants, que ce soit pour les inférences de premier ordre (c’est-
à-dire la capacité à comprendre les sentiments d’une autre personne au sujet
d’un événement extérieur) et de second ordre (c’est-à-dire la capacité à appré-
hender comment une autre personne comprend et interprète les sentiments
ou action d’une tierce personne), et pour la prise de perspective à la première
(identifier ses propres sentiments) ou à la troisième personne (identifier les
sentiments ou pensées d’autrui). Cependant, une limite majeure de ces
études est leur faible validité écologique, puisqu’elles se fondent essentielle-
ment sur du matériel verbal ou abstrait, déconnecté des situations sociales
réellement vécues par le patient alcoolo-dépendant. Une étude récente
(Maurage et al., 2016) a eu pour but de dépasser cette limite en observant
plus directement les capacités d’interprétation de situations sociales réelles
via l’utilisation de la movie for the assessment of social cognition task (MASC),
illustrée dans la figure 17.4. Cette tâche requiert l’identification d’émotions,
pensées et intentions exprimées par les personnages dans des vidéos figu-
rant des interactions proches de celles de la vie quotidienne. Les résultats
ont confirmé les observations antérieures suggérant un déficit des capacités
de théorie de l’esprit dans l’alcoolo-dépendance, mais en apportant une
précision centrale : les patients alcoolo-dépendants présentaient un déficit
massif lorsque l’interprétation de la situation impliquait de comprendre les
émotions ressenties par les personnages, mais à l’inverse une préservation
des capacités de théorie de l’esprit quand il s’agissait de comprendre les pen-
sées ou actions non émotionnelles. En d’autres termes, une dissociation est
observée entre préservation de la théorie de l’esprit cognitive et altération de
la théorie de l’esprit affective, ce qui permet d’affiner les observations anté-
rieures et de dépasser la conception d’un déficit de cognition sociale global

ISBN: 978-2-294-75006-9; PII: B978-2-294-75006-9.00017-3; Auteur: FRANCK475006; Document ID: 00017; Chapitre ID: c0085

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296 Remédiation cognitive dans l’alcoolo-dépendance et les lésions cérébrales acquises

f0025 Figure 17.4. Illustration d’un item de la tâche de théorie de l’esprit « MASC ».
Le film met en scène quatre personnages, Anna, Michaël, Marie et Ben, qui se rencontrent
un samedi soir. La partie haute de la figure décrit trois séquences successives d’un item
de la sous-échelle affective. La partie basse de la figure représente la question posée au
participant ainsi que les quatre types de réponses possibles qui lui sont proposées (théorie
de l’esprit adéquate, théorie de l’esprit excessive, théorie de l’esprit réduite, théorie de
l’esprit absente). Il est précisé au participant qu’il n’y a pas de bonne ou mauvaise réponse
et qu’en cas d’incertitude, il doit choisir la réponse qui lui apparaît la plus vraisemblable. Il
est également précisé au participant que, pour répondre, il doit tenter d’imaginer ce que le
personnage en question pense ou ressent au moment où la vidéo a été arrêtée.
Source : Dziobek, I., Fleck, S., Kalbe, E., et al. (2006). Introducing MASC : a movie for the assessment of social
cognition. Journal of Autism and Develpmental Disorders, 36(5), 623-36.

et univoque. Le développement récent du champ de la cognition sociale


dans l’alcoolo-dépendance met donc en évidence le fait que cette patho-
logie est associée, au-delà du strict déficit de décodage émotionnel, à une
vaste gamme d’altérations des habiletés affectives et sociales. Ces dernières
sont cependant encore presque totalement ignorées dans les propositions
théoriques disponibles, et également très peu prises en compte en contexte
clinique puisqu’à ce jour aucun programme de réhabilitation de ces capaci-
tés n’a été validé expérimentalement auprès de patients alcoolo-dépendants.

st0035 Conclusion : vers une approche


neuropsychologique de l’alcoolo-dépendance
p0100 Une description organisée des facteurs psychologiques associés à l’alcoolo-
dépendance a été proposée, en regroupant les altérations issues de cette
pathologie en quatre grandes catégories que sont les processus cognitifs,

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Troubles cognitifs, émotionnels et interpersonnels dans l’alcoolo-dépendance 297

automatiques, émotionnels et interpersonnels. Cette description des consé-


quences délétères de la consommation excessive d’alcool et de leur rôle
dans la persistance du trouble pourrait conduire à une conclusion pes-
simiste quant au devenir de la prise en charge de ces patients. Au vu de
l’ampleur et de l’omniprésence des déficits observés, il pourrait paraître
illusoire d’espérer une évolution positive sur tout ou partie de ces proces-
sus, cette impression étant encore renforcée par le très fort taux de rechute
après désintoxication qui est encore actuellement observé chez ces patients.
Cependant, il nous semble que la promotion de nouvelles approches thé-
rapeutiques encore sous-exploitées dans le champ des addictions pour-
rait apporter, en complément de celles actuellement en place, une réelle
plus-value pour les cliniciens et permettre une amélioration significative
de l’évolution du trouble. En particulier, l’introduction d’une approche
neuropsychologique pourrait offrir des outils plus ciblés et efficaces pour
modifier, simultanément ou successivement, les différents déficits décrits
antérieurement : serait ainsi mise en place, sur base d’une évaluation indivi-
duelle des déficits présentés par le patient, une remédiation cognitive taillée
sur mesure et ciblée sur les déficits objectivés. En guise de conclusion pour
ce chapitre et d’introduction à celui qui suivra, il semble opportun d’évo-
quer brièvement, pour chacune des quatre catégories de déficits, les pistes
majeures concernant l’application d’une perspective neuropsychologique
d’évaluation–remédiation.
p0105 En ce qui concerne les déficits cognitifs, leur évaluation précise est d’ores
et déjà rendue tout à fait accessible puisque de nombreuses batteries d’éva-
luation neuropsychologique, couvrant l’ensemble des processus cognitifs
ou centrées sur certaines sous-composantes telles que les fonctions exécu-
tives (par exemple, la CANTAB ou Cambridge neuropsychological test auto-
mated battery , Fray et al., 1996), sont disponibles. De plus, certaines batte-
ries présentent des données normatives et peuvent donc être directement
utilisées sur le terrain pour dresser un bilan cognitif complet et individuel
pour les patients alcoolo-dépendants. Cependant, la passation de batteries
complètes demandant la présence d’un neuropsychologue et une disponi-
bilité temporelle importante, il n’est parfois pas envisageable d’effectuer
un bilan cognitif approfondi chez chaque patient en routine clinique. Des
échelles plus courtes ont donc été développées, telles que la BEARNI ou brief
evaluation of alcohol related neuropsychological impairment (Ritz et al., 2015),
pour permettre un dépistage neuropsychologique général, qui pourra
ensuite être complété par des tâches plus ciblées. Étant donné l’importance
des déficits cognitifs dans l’alcoolo-dépendance, la généralisation de ce type
d’outils, permettant à peu de frais d’obtenir une description des fonctions
cognitives déficitaires, apparaît comme une priorité dans tous les centres
de désintoxication. Sur la base de cette évaluation, un volet de remédia-
tion pourra alors être initié, et des résultats préliminaires existent déjà

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298 Remédiation cognitive dans l’alcoolo-dépendance et les lésions cérébrales acquises

concernant l’efficacité de cette prise en charge. Il a en effet été montré que


des programmes neuropsychologiques de remédiation cognitive générale
(Rupp et al., 2012) ou de rééducation spécifique des processus cognitifs les
plus centraux dans l’alcoolo-dépendance, comme l’inhibition (Houben et
al., 2011), permettaient d’améliorer significativement les performances des
patients alcoolo-dépendants dans ces fonctions, mais également de réduire
la consommation d’alcool ultérieure et le risque de rechute. Ces premières
études constituent donc une preuve de principe que les processus cognitifs
peuvent être sensibles à une action thérapeutique et sont sujets à amélio-
ration dans l’alcoolo-dépendance, mais également que cette amélioration a
un effet direct sur les variables de consommation d’alcool, en réinstaurant
des capacités de contrôle des comportements.
p0110 De plus, les biais attentionnels, dont les liens avec le craving et le risque
de rechute ont été décrits, peuvent également faire l’objet d’une évaluation
et d’une modification. L’objectivation du biais attentionnel peut se faire
via la tâche de détection de cible décrite ci-dessus, qui est librement dis-
ponible, dont la passation est simple et courte, et qui fournit directement
une mesure chiffrée de l’intensité du biais. Sur base de l’identification, via
cette tâche, des patients présentant un biais attentionnel significatif, un
réentraînement attentionnel peut alors être implémenté. Des résultats très
encourageants ont été obtenus dans cette direction, sur base d’un réentraî-
nement issu de l’adaptation de la tâche de détection de cible impliquant
l’introduction d’une contingence entre amorce et stimulus cible. Comme
illustré dans la figure 17.2, en faisant systématiquement apparaître la cible
du côté de l’amorce non liée à l’alcool, un apprentissage implicite se pro-
duit, le patient apprenant progressivement à orienter son attention non
plus vers l’amorce liée à l’alcool (comme c’était initialement le cas en rai-
son de la présence d’un biais attentionnel), mais bien vers celle non liée
à l’alcool (puisque la cible à traiter arrivera systématiquement de ce côté)
créant ainsi un contre-biais. Il a été démontré que cette technique simple
permet, après quelques séances d’entraînement, de réduire efficacement le
biais attentionnel (Field & Eastwood, 2005). De manière plus centrale, cette
réduction du biais s’accompagne d’une réduction de la consommation chez
les buveurs excessifs (Wiers et al., 2015) et d’une réduction du risque de
rechute chez les patients alcoolo-dépendants (Schoenmakers et al., 2010).
p0115 Bien que la neuropsychologie se soit longtemps centrée sur des facteurs
purement cognitifs, négligeant ainsi largement les variables émotionnelles
et interpersonnelles, les déficits observés dans l’alcoolo-dépendance pour
ces facteurs peuvent également bénéficier des outils d’évaluation et de remé-
diation développés récemment en neuropsychologie clinique. Ainsi, en ce
qui concerne le décodage des expressions faciales émotionnelles, des tâches
d’évaluation précise de ces troubles sont disponibles, telles que le TREF ou
test de reconnaissance des émotions faciales (Gaudelus et al., 2015) qui

ISBN: 978-2-294-75006-9; PII: B978-2-294-75006-9.00017-3; Auteur: FRANCK475006; Document ID: 00017; Chapitre ID: c0085

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Troubles cognitifs, émotionnels et interpersonnels dans l’alcoolo-dépendance 299

permet, en présentant une vaste gamme d’émotions et en variant l’intensité


exprimée dans chaque visage, une évaluation fine de l’ampleur du déficit
de décodage. Sur base de cette objectivation d’un déficit d’identification
émotionnelle, des programmes informatisés de remédiation pourront être
utilisés, par exemple le programme FaceTales (Philippot & Power, 2010) qui
propose un entraînement informatisé et en auto-administration du déco-
dage des expressions et micro-expressions faciales. Ce programme, encore
peu implémenté en addictologie à ce jour, repose sur une complexification
progressive des expressions à décoder et sur un feed-back systématique per-
mettant au participant d’identifier les indices émotionnels à prendre en
compte. Il permet ainsi une réhabilitation progressive et efficace des habi-
letés d’identification émotionnelle. Enfin, la même logique bilan–remédia-
tion peut tout à fait s’appliquer aux déficits interpersonnels, puisque dans
ce domaine également des batteries d’évaluation de la cognition sociale
sont disponibles (Bland et al., 2016) et permettent, via la passation d’une
série de tâches évaluant l’empathie, la théorie de l’esprit ou encore l’attri-
bution d’intentions sociales, de dresser un tableau précis des troubles inter-
personnels du patient. Suite à l’élaboration de ce tableau clinique, des remé-
diations individualisées et ciblées sur les composantes de cognition sociale
déficitaires pourront alors prendre place, par exemple à l’aide d’outils de
réhabilitation déjà appliqués avec succès dans d’autres pathologies psychia-
triques, telles que la RC2S ou remédiation de la cognition sociale dans la
schizophrénie (Peyroux & Franck, 2014) qui a prouvé son efficacité dans la
schizophrénie et pourrait tout à fait être adaptée aux populations d’addic-
tologie.
p0120 Il nous semble important de proposer trois remarques complémentaires
avant de clore ce chapitre. D’abord, par souci de clarté, il a été décidé de
proposer une typologie des troubles liés à l’alcoolo-dépendance, impliquant
ainsi une description cloisonnée des quatre catégories identifiées. Il convient
cependant de souligner que cette séparation est simplificatrice puisque dans
la réalité clinique, les déficits cognitifs, automatiques, émotionnels et inter-
personnels sont bien entendu en interactions constantes, chaque type de
déficit venant influencer les trois autres. Même si l’évaluation et la remé-
diation de chaque catégorie peuvent dans une certaine mesure être faites de
façon isolée pour travailler spécifiquement certains processus, il est crucial
pour le clinicien de garder à l’esprit la globalité du profil cognitif présenté
par le patient, et de tenir compte de l’influence générale du programme
de réhabilitation. Ainsi, plusieurs études ont montré, par exemple, que les
troubles émotionnels et interpersonnels étaient partiellement sous-tendus
par des déficits exécutifs (Quaglino et al., 2015) ou mnésiques (Nandrino
et al., 2014). Le fait d’agir sur un type de processus entraîne donc toujours
une modification plus globale du fonctionnement général et de l’équilibre
entre les déficits. Il est donc important de conserver une vision d’ensemble

ISBN: 978-2-294-75006-9; PII: B978-2-294-75006-9.00017-3; Auteur: FRANCK475006; Document ID: 00017; Chapitre ID: c0085

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300 Remédiation cognitive dans l’alcoolo-dépendance et les lésions cérébrales acquises

du patient et d’éviter une parcellisation de ce dernier en une somme de


fonctions isolées. Plus globalement, les techniques d’évaluation–remédia-
tion proposées ici ne sont pas à considérer comme applicables ex abrupto
et indépendamment des autres formes de prise en charge classiquement
appliquées en addictologie. Elles se veulent au contraire constituer un
complément à intégrer de manière flexible dans le programme thérapeu-
tique global. Ensuite, ce chapitre s’est focalisé sur l’alcoolo-dépendance ins-
tallée, puisque c’est la catégorie de patients qui accèdent aux structures de
prise en charge et qui est la plus à même de profiter d’une remédiation
neuropsychologique. Cette focalisation ne doit cependant pas conduire à
négliger les autres modes de consommation excessive d’alcool, qui peuvent
également conduire à des déficits sur les quatre catégories évoquées. Ainsi,
il a été montré que le binge drinking, c’est-à-dire la consommation exces-
sive mais épisodique d’alcool fréquemment observée dans les populations
adolescentes et étudiantes, conduit déjà à des déficits exécutifs (Hermens et
al., 2013) et émotionnels (Maurage et al., 2013). Bien que les binge drinkers
ne présentent pas encore d’alcoolo-dépendance installée, il a été postulé que
cette pratique pourrait constituer une première étape vers cette pathologie.
À ce titre, l’adaptation et l’application des programmes de remédiation
mentionnés ci-dessus à des populations de binge drinkers pourraient per-
mettre, dans une visée prophylactique, d’éviter l’aggravation des altérations
cognitives et émotionnelles et ainsi de rompre au plus tôt le cercle vicieux
pouvant conduire à l’installation de l’alcoolo-dépendance. Enfin, à l’image
de la prise en charge classique de l’alcoolo-dépendance, les propositions
formulées dans ce chapitre s’inscrivent dans une démarche de soins ayant
pour objectif d’aboutir à une abstinence totale. Il faut noter cependant
l’évolution actuelle de certains modes de prise en charge vers la possibi-
lité d’une consommation modérée et encadrée (Simioni & Rolland, 2016).
Même si elle n’a fait l’objet d’aucune étude jusqu’à présent, l’utilisation
de techniques d’évaluation et de remédiation cognitive conserve toute sa
pertinence dans ce cadre, notamment pour permettre au patient de garder
le contrôle sur sa consommation et d’éviter un retour des alcoolisations
excessives.
p0125 En conclusion, l’objectif central de ce chapitre était double, puisqu’il
s’agissait à la fois de passer en revue les déficits présents dans l’alcoolo-
dépendance, et de montrer comment ces déficits peuvent être évalués et
réhabilités en pratique clinique. L’application d’une logique neuropsycho-
logique bilan–remédiation nous semble en effet pouvoir apporter une plus-
value notable à la prise en charge classiquement utilisée pour traiter les
patients alcoolo-dépendants. Comme cela sera développé dans le chapitre
suivant, des programmes de remédiation cognitive issus de la neuropsy-
chologie ont d’ores et déjà prouvé leur efficacité dans le cadre de la préven-
tion de la rechute en alcoologie. Cependant, ces programmes ont jusqu’ici

ISBN: 978-2-294-75006-9; PII: B978-2-294-75006-9.00017-3; Auteur: FRANCK475006; Document ID: 00017; Chapitre ID: c0085

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Troubles cognitifs, émotionnels et interpersonnels dans l’alcoolo-dépendance 301

Déficits Biais Déficits Déficits


cognitifs attentionnels émotionnels interpersonnels

Batteries Tâche de détection Tâche de décodage Batterie d’évaluation


d’évaluation générale de cibles émotionnel de la cognition
p.ex., BEARNI,Ritz et p.ex., MacLeod et al., p.ex., TREF, Gaudelus sociale
al., 2015 1986 et al., 2014 p.ex., EMOTICOM,
Évaluation ou spécifique aux Bland et al., 2014
fonctions exécutives
p.ex., CANTAB, Fray
et al., 1996
Programmes de Tâche de détection Entrainement au Outils de
remédiation ciblés de cibles avec décodage réhabilitation de la
p.ex., inhibition contingence p.ex., FACE TALES, cognition sociale
Houben et al., 2011 p.ex., Schoenmakers Philippot & Power, p.ex., RC2S Peyroux
Remédiation et al., 2010 & Franck, 2014
2010

f0030 Figure 17.5. Synthèse des quatre types de déficits observés dans l’alcoolo-dépendance.
Pour chaque type, une technique d’évaluation et de remédiation est proposée.
Q1 Source :

surtout été validés dans une approche expérimentale et sont encore très peu
utilisés en routine clinique, en particulier dans le monde francophone. Leur
généralisation au sein des services d’addictologie, promue notamment par
l’arrivée de neuropsychologues formés à ce type d’outils, pourrait constituer
une révolution dans la prise en charge des patients alcoolo-dépendants, en
favorisant notablement la restauration de fonctions cognitives efficientes et
donc l’amélioration du maintien de l’abstinence (figure 17.5).

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ISBN: 978-2-294-75006-9; PII: B978-2-294-75006-9.00017-3; Auteur: FRANCK475006; Document ID: 00017; Chapitre ID: c0085

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306 Remédiation cognitive dans l’alcoolo-dépendance et les lésions cérébrales acquises

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ISBN: 978-2-294-75006-9; PII: B978-2-294-75006-9.00017-3; Auteur: FRANCK475006; Document ID: 00017; Chapitre ID: c0085

C0085.indd 306 18/11/16 10:43 PM


Question à l’auteur pour Chapitre 17 :

1. AU : indiquer la source de la figure.

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