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Accompagnement des personnes


en difficulté avec l’alcool
P. Chariot, E. Hispard

En France, la consommation d’alcool correspond à une norme sociale. Le soignant a ainsi une représenta-
tion personnelle de l’alcool. Approcher l’ensemble des conduites addictives aide le soignant à considérer
la qualité de vie globale des personnes suivies. En soins primaires, la rencontre avec l’alcool concerne des
intoxications aiguës, à la présentation dérangeante. Lors des intoxications chroniques, l’alcool devient
invisible, s’exprime par une succession de déficits, de retraits et de complications d’organes dont le
non-repérage est une perte de chances. Le patient peut exprimer une demande claire, évoquer un symp-
tôme, ou se présenter comme relayant la demande d’un tiers ou une obligation judiciaire. La réponse
du soignant peut déclencher une réaction anxieuse face à l’éventualité d’un changement des consom-
mations. Le dispositif de soin addictologique repose sur un trépied médico-psycho-social. Le dogme de
« l’abstinence sinon rien » a fait place à un élargissement des réponses considérées comme favorables,
dans une approche plus intégrée des risques et des dommages. Le bilan somatique et biologique est
orienté par les plaintes du patient, par l’ancienneté des consommations, les comorbidités liées aux diffé-
rents produits psychoactifs et les infections virales. L’existence d’examens normaux n’est pas rassurante
quant à la gravité des troubles, en particulier pour les troubles des fonctions cognitives et exécutives,
pour les accidents, les violences et les prises de risque sexuel. Si la consommation d’alcool est initialement
source d’intégration sociale, les troubles de l’usage aboutissent à l’isolement et au rejet, renforcés par les
pertes et les ruptures affectives et sociales. Le trouble de l’usage d’alcool est une maladie grave qui se
soigne, d’autant plus qu’elle est repérée précocement. Le soignant doit favoriser une alliance thérapeu-
tique, quelle qu’en soit la forme. Loin d’être une préoccupation naturellement adoptée par les soignants,
le soin addictologique doit encore s’affirmer et être reconnu comme tout accès aux soins.
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Mots-clés : Alcool ; Addictologie ; Consommation ; Environnement ; Trouble de l’usage d’alcool ;


Réduction des risques et des dommages ; Soignant

Plan  Introduction : le poids des mots


■ Introduction : le poids des mots 1 Le titre souligne le poids des mots. En d’autres temps, cet article
■ Rencontres du soignant avec l’alcool 2 aurait pu s’intituler « Prise en charge de l’alcoolisme ». Qu’aurait-
Rencontre personnelle : expérience de l’alcoolisation on alors signifié ? Nommer une action de santé publique – se
chez le soignant 2 débarrasser d’un fléau – ou définir une place pour le soignant :
Rencontre lors de la formation médicale et scientifique : prendre soin. Catégoriser l’action envisagée met à jour plusieurs
ce qu’on sait de l’alcool 2 difficultés cliniques. Une prise en charge évoquerait la déposses-
Rencontre clinique 4 sion du patient de tout rôle propre. Si le médecin prend en charge,

que fait le patient ? La référence à la notion d’accompagnement
Les réponses du soignant 6
Les mots de la réponse 6 nous semble plus pertinente. À quoi pense-t-on en évoquant
Propositions thérapeutiques 6 l’alcoolisme ? N’est-ce pas en premier lieu la maladie honteuse
Médicaments 6 atteignant un collectif déprécié – les alcooliques ? Il faut évo-
quer ici une autre voie pour se décharger de la question, celle
■ Attentes du consultant et de son entourage 8 consistant à en détourner la temporalité en affirmant l’absence
■ Constat 8 d’urgence à formuler une réponse thérapeutique ou la nécessité
Où en est le corps ? 8 de laisser venir la demande du patient. Et si la demande ne vient
Où en est l’esprit ? 8 jamais ? Quelle honte peut-on alors évoquer ? Celle du patient
Environnement social des personnes ayant un trouble de l’usage qui ne parle pas, celle du soignant qui ne fait pas l’avance de
d’alcool 8 la parole. Le silence est double. Le silence procède parfois aussi
■ Accompagnement lors du changement et après 9 de l’absence d’interrogation clinique ou biologique. L’absence

d’examen somatique ou de bilan hépatique permet au soignant de
Conclusion : accéder aux soins 9
contourner durablement la question des consommations d’alcool,

EMC - Hépatologie 1
Volume 14 > n◦ 3 > juillet 2019
http://dx.doi.org/10.1016/S1155-1976(18)80202-9

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le confortant dans son déni. La difficulté du soignant à par- substances addictogènes activent le système de récompense
ler d’alcool procède aussi d’un contexte culturel, historique et du cerveau, circuit produisant des sensations de plaisir, modi-
environnemental commun : les représentations de l’alcool et fiant ainsi le comportement du sujet afin qu’il recherche des
de ses usages renvoient le soignant à son histoire personnelle stimuli semblables. L’effet cumulatif d’une exposition répétée
ou familiale. Ainsi, plutôt que traiter d’une hypothétique cli- conduit à la suppression persistante du circuit de la récom-
nique de la prise en charge de l’alcoolodépendance ou d’envisager pense au point que les récompenses naturelles ne peuvent plus
une nouvelle revue des troubles liés à l’usage d’alcool [1] , nous l’activer ; le sujet se trouve alors dans un état de désordre
avons choisi de partager notre expérience de l’accompagnement que seuls peuvent interrompre des activateurs puissants du sys-
des personnes en difficulté avec l’alcool, les patients et leur tème de récompense, tels l’usage de produit et les circonstances
entourage. d’utilisation [8] .
Des associations significatives avec les troubles de l’usage
d’alcool ont été trouvées pour des centaines de marqueurs géné-
 Rencontres du soignant tiques, associations souvent difficiles à confirmer d’une étude à
l’autre.
avec l’alcool Elles soulignent l’importance des gènes impliqués dans le
métabolisme de l’alcool (ADH) et les voies de neurotransmis-
Rencontre personnelle : expérience sion impliquées dans les circuits cérébraux de la récompense,
de l’alcoolisation chez le soignant incluant les circuits dopaminergiques (par exemple, DRD2,
MAOA, COMT), sérotoninergiques (HTR3A, HTR1B, HTR3B),
En France et dans les pays occidentaux, la consommation GABAergiques (GABRA1, GABRA2, GAD1, KCNJ9/GIRK3) et glu-
d’alcool correspond à une norme sociale. Ainsi en France, 49 % tamatergiques (GRIN2C) [9] . L’effet prédictif de l’implication des
des adolescents de 17 ans déclarent une consommation ponc- gènes candidats identifiés est néanmoins très faible [10] . Les fac-
tuelle importante au cours du dernier mois et 12 % déclarent une teurs environnementaux contribuent à l’expression génique, et
consommation régulière [2] . Le soignant a une histoire person- l’étude de la régulation épigénétique est une voie de recherche
nelle avec l’alcool, qui peut inclure un contexte familial et amical. active dans la compréhension et potentiellement le traitement
Certains soignants, non-consommateurs, ont des représentations des troubles de l’usage d’alcool [10, 11] .
nécessairement différentes, et les postures et attitudes thérapeu-
tiques qui en découlent. De fait, ces notions sont développées
dans les différentes sections de l’article. Effets de l’alcool
Les atteintes neurologiques structurales et fonctionnelles
induites par une consommation régulière et excessive d’alcool
Rencontre lors de la formation médicale concernent aussi bien la substance grise (cortex frontal, cerve-
et scientifique : ce qu’on sait de l’alcool let, cortex cingulaire, thalamus, hippocampe) que la substance
blanche (corps calleux, tronc cérébral, pont) [12] . L’attention est
Alcool dans l’organisme désormais portée sur la variabilité des troubles des fonctions
La fermentation des sucres en éthanol (alcool éthylique) est cognitives et exécutives dus à l’alcool et de leur sévérité. Des
utilisée depuis la préhistoire pour obtenir des boissons alcooli- lésions anatomiques cérébrales et une dégradation cognitive ont
sées. L’alcool éthylique, appelé « alcool » dans le langage courant, été récemment démontrées dans une étude de cohorte, de manière
est une molécule de petite taille très hydrosoluble diffusant rapi- dose-dépendante, même chez des buveurs modérés (14 à 21 unités
dement dans l’organisme après ingestion. Le pic d’alcoolémie par semaine, soit deux à trois verres par jour) [13] . Il n’y avait aucun
augmente en fonction du degré d’alcool de la boisson ingérée ; effet protecteur cérébral des faibles consommations d’alcool par
il est diminué par l’ingestion simultanée d’aliments, mais celle-ci rapport à l’abstinence, ce qui infirmait les résultats d’études anté-
ne modifie pas la cinétique d’élimination [3] . La principale voie rieures [13] .
métabolique de l’alcool est oxydative et hépatique : oxydation Les liens entre la carence en thiamine (vitamine B1 ) et les
de l’alcool en acétaldéhyde (par l’alcool déshydrogénase [ADH]), lésions des noyaux thalamiques médiaux, des corps mamillaires
oxydation de l’acétaldéhyde en acide acétique (par l’aldéhyde et de noyaux du tronc cérébral chez les patients dépendants
déshydrogénase [ALDH]), oxydé à son tour en dioxyde de carbone de l’alcool sont connus de longue date. Le syndrome de Wer-
ou se combinant au coenzyme A pour aboutir à l’acétylcoenzyme nicke Korsakoff est une complication grave, mais possiblement
A, impliqué dans la biosynthèse du cholestérol et des acides réversible à distance, pouvant mettre en jeu le pronostic vital,
gras [2] . Il existe un polymorphisme génétique de l’ALDH, se dont les manifestations principales, confusion, ataxie et nys-
manifestant par l’accumulation d’acétaldéhyde chez certaines tagmus, le plus souvent non toutes présentes, apparaissent au
personnes, associée à la survenue de congestion faciale, tachy- moment du sevrage. Amnésie antérograde et neuropathie périphé-
cardie, nausées et vomissements lors de l’ingestion d’alcool [4] . rique leur sont souvent associées et persistent durablement [14, 15] .
L’acétaldéhyde déshydrogénase est inhibée par le disulfirame, L’administration de thiamine est utilisée à visée préventive et
l’accumulation d’acétaldéhyde étant à l’origine de l’effet antabuse curative, en l’absence de données solides pour en déterminer les
recherché lors de l’utilisation thérapeutique [5] . La voie métabo- modalités optimales [15] .
lique oxydative principale par ALH et ALDH est une voie saturable, Les sujets âgés sont susceptibles de développer des
à vitesse maximale dès que l’alcoolémie atteint 0,10 g/l. La vitesse complications liées à l’alcool pour des niveaux relativement
moyenne d’élimination de l’alcool dans le sang est de 0,1 à 0,2 g/l faibles de consommation. L’augmentation de la masse adipeuse
par heure [3] . et de la proportion des graisses dans le poids corporel avec l’âge
Sur un plan neurobiologique, l’alcool agit comme sédatif et entraîne une diminution du volume de l’eau dans le corps.
dépresseur du système nerveux central. Il agit directement sur L’éthanol, hydrosoluble, se distribue dans l’eau corporelle. Du
les récepteurs acide gamma-aminobutyrique-ergiques (GABAer- fait de la diminution du volume de distribution chez les sujets
giques) et acide N-méthyl-D-aspartique (NMDA), un sous-type des âgés, une même dose d’alcool administrée chez un sujet âgé de
récepteurs glutamatergiques. Lors d’une exposition chronique, les même sexe et de même poids corporel entraîne une alcoolémie
récepteurs GABAergiques deviennent moins sensibles et la trans- plus élevée que chez un sujet jeune. Les sujets âgés ont, pour une
mission glutamatergique augmente. L’action de l’alcool sur les même consommation, un risque plus élevé de troubles de l’usage
récepteurs NMDA pourrait modifier les processus de mémorisa- d’alcool que les sujets jeunes de même sexe et de même niveau
tion, d’anticipation et de maintenance des effets renforçateurs des d’éducation [16, 17] .
autres substances psychoactives [6] . Une désadaptation du système L’arrêt de l’alcool ou sa diminution rapide chez les sujets
de récompense caractérise le phénomène général d’addiction. dépendants peut s’accompagner de complications de gra-
Les phénomènes d’addiction sont liés à l’intrication de perturba- vité et d’évolution variables, incluant un état anxieux, des
tions dans trois systèmes fonctionnels : motivation–récompense, tremblements, une tachycardie, une insomnie, une agitation
régulation des affects et inhibition comportementale [7] . Les psychomotrice, des crises convulsives, et un état délirant avec

2 EMC - Hépatologie

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hallucinations visuelles, auditives ou tactiles [18] . Un delirium De l’alcoologie à l’addictologie


tremens survient chez 3 à 5 % des patients hospitalisés pour La transition lente des spécialistes de produits (alcoologues,
sevrage d’alcool ; avant la généralisation de l’usage des benzo- tabacologues, intervenants en toxicomanie) devenant addicto-
diazépines dans ce contexte, la mortalité atteignait 35 %, elle est logues a contribué à la reconnaissance d’une nouvelle spécialité
désormais de 1 à 4 %. Le delirium tremens succède fréquemment médicale, dans laquelle des psychiatres, des pharmacologues, des
à la survenue de convulsions, surtout si celles-ci n’ont pas été pneumologues, des hépatologues, des médecins du travail et des
traitées [18] . médecins généralistes ont appris à se côtoyer. Pour les patients,
La maladie alcoolique du foie désigne un vaste ensemble l’essor de l’addictologie a permis avant tout d’apprécier la fré-
clinicopathologique allant de la stéatose isolée à la cirrhose, quence des polyconsommations, celle des passages d’un produit
à l’hépatite alcoolique aiguë et au carcinome hépatocellulaire à l’autre, la place des troubles du comportement alimentaire
compliquant une cirrhose. Pour la même quantité totale d’alcool et celle des addictions sans produits. Le rapport de Reynaud,
consommée, l’existence de jours sans consommation est asso- Parquet et Lagrue a marqué le début d’un rapprochement [37] .
ciée à un moindre risque lésionnel hépatique [19] . Les femmes L’Association nationale de prévention de l’alcoolisme (ANPA) est
développent des lésions hépatiques pour de moindres quantités devenue en 2002 l’Association nationale de prévention en alcoo-
d’alcool que les hommes et évoluent plus vite vers la cirrhose [20] . logie et addictologie (ANPAA) [38] . En 2007, les centres de soins,
La présence d’une autre cause de maladie hépatique tend à accé- d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) ont
lérer l’évolution de la maladie alcoolique du foie. Hépatite C et remplacé les centres d’hygiène alimentaire et d’alcoologie (CHAA)
alcool ont un effet synergique sur la progression de la fibrose, sur et les centres spécialisés de soins aux toxicomanes (CSST) [39–42] .
l’évolution vers la cirrhose et ses complications, ainsi que sur la L’approche conjointe de l’ensemble des conduites addictives chez
mortalité d’origine hépatique. L’existence de facteurs de risque une même personne aide le soignant à prendre en compte une
de stéatopathie métabolique (glycémie ou indice de masse corpo- qualité de vie globale et non la seule modification d’une consom-
relle élevés) est associée à des lésions hépatiques plus sévères chez mation. Ainsi, compte tenu de leur fréquence de consommations
les patients ayant une maladie alcoolique du foie [21] . Le déve- isolément et en association, la prise en compte conjointe des
loppement de méthodes non invasives d’estimation des lésions consommations d’alcool et de tabac est une avancée majeure de
hépatiques en mesurant l’élasticité du parenchyme hépatique par l’addictologie. La perspective addictologique facilite une approche
technique ultrasonore semble être un apport significatif au trai- dynamique de l’histoire des consommations d’un patient, qu’il
tement de la maladie alcoolique du foie [22] . Par ailleurs, fumer s’agisse d’usage détourné de médicaments psychotropes, en par-
augmente le risque de carcinome hépatocellulaire [23] et de cancer ticulier des benzodiazépines et des traitements de substitution
du pancréas [24] . aux opiacés, ou de consommation de substances psychoactives
Le seuil minimal de toxicité de l’alcool pendant la gros- illicites. Les addictions sans produits peuvent être approchées de
sesse n’est pas établi. La gravité du syndrome alcoolofœtal et façon similaire, qu’il s’agisse de jeu pathologique, d’addiction aux
de l’ensemble des troubles du développement de l’enfant attri- écrans (jeux vidéo, téléphone), d’achats compulsifs, d’addiction
bués à une consommation d’alcool pendant la grossesse de leur au sport, au travail ou au sexe.
mère [25, 26] a conduit à la recommandation drastique d’une
absence totale de consommation de boissons alcoolisées pendant
toute la grossesse [27] . La loi du 9 août 2004 relative à la politique
de santé publique a rendu obligatoires :
• des campagnes d’information sur la prévention du syndrome
d’alcoolisation fœtale ;
“ Point important
• une information, au collège et au lycée, sur les risques sanitaires Critères diagnostiques des troubles liés à l’usage
de la consommation d’alcool pendant la grossesse ;
d’une substance (DSM-5, 2014)
• la formation des professionnels de santé et du secteur médico-
social aux effets de l’alcool sur le fœtus [28] .
1. Incapacité à répondre à des obligations importantes.
Un amendement a conduit à faire figurer, sur toutes les unités 2. Usage lorsque physiquement dangereux.
de conditionnement des boissons alcoolisées, un message sani- 3. Problèmes interpersonnels ou sociaux.
taire ou un pictogramme soulignant le fait que la consommation 4. Tolérance.
de boissons alcoolisées pendant la grossesse pouvait avoir des 5. Sevrage.
conséquences graves sur la santé de l’enfant [29, 30] . Un message 6. Perte de contrôle sur la quantité et le temps dédié.
portant sur ce thème était aussi introduit dans les carnets de gros- 7. Désir ou efforts persistants pour diminuer.
sesse [31, 32] . La prévalence mondiale globale de consommation 8. Beaucoup de temps consacré.
d’alcool pendant la grossesse est estimée aux environs de 10 % et 9. Activités réduites au profit de la consommation.
la prévalence du syndrome alcoolofœtal à 15 pour mille, l’Europe
10. Continuer malgré les dégâts physiques ou psycholo-
étant la région du monde la plus touchée [33] . On estime qu’une
femme sur 67 consommant de l’alcool pendant la grossesse donne
giques.
naissance à un enfant présentant un syndrome alcoolofœtal, ce 11. Craving, désir impérieux.
qui correspondrait à 120 000 cas par an dans le monde [33] .
Si les connaissances scientifiques en matière d’alcool ont for-
tement évolué au cours des dernières décennies, la formation
des étudiants en médecine et des internes était et reste très Le Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders 5
limitée. La recherche était peu développée, et les recommanda- (DSM-5), classification de l’Association américaine de psychiatrie
tions peu argumentées ou validées, et parfois détournées. Ainsi, revue en 2014, a pour but premier de permettre le classement des
les seuils de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), rares patients selon des critères reproductibles dans une perspective de
constituants d’un socle international de connaissances accep- recherche clinique. Il reconnaît les troubles liés à l’usage d’une
tées, sont-ils souvent transformés. L’OMS n’a en effet pas formulé substance, caractérisés par 11 critères et a défini des seuils diag-
de recommandations de consommations, mais de seuils supé- nostiques en présence de critères remplis pendant une durée d’au
rieurs, par occasion et par semaine [34, 35] . Le questionnement moins 12 mois : trouble dit léger si deux ou trois critères sont pré-
à propos d’une consommation d’alcool peut aussi naître de la sents, modéré si quatre ou cinq critères sont présents, et sévère en
difficulté à se tenir à un jour par semaine où on ne boit pas présence de six critères remplis ou plus.
ou à décider de la semaine où on boit moins, qui inclurait le Le DSM-5 ne reconnaît pas l’usage simple, l’usage à risque,
week-end. l’usage nocif ou la dépendance. Pour autant, ces catégories gardent
Plus généralement, les données concernant les effets et la toxi- une pertinence clinique, liée à leur simplicité de compréhension.
cité de l’alcool sont désormais accessibles à tous, professionnels Évoquer le niveau de dépendance à une substance permet de
de santé ou non, en particulier par le site de la Société française comprendre que la dangerosité d’une substance n’est pas seule-
d’alcoologie [36] . ment liée à sa capacité d’induire une dépendance. On oppose

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ainsi le risque majeur de dépendance lié à l’usage du tabac à celui, La diminution globale des consommations d’alcool en France
modéré, de la dépendance à l’alcool ou au cannabis. est avérée, associée à une baisse régulière de la mortalité liée aux
cirrhoses (de 41 pour 100 000 en 1983 à 15 pour 100 000 en
2014 [53] ). Actuellement en France, les sujets présentant un trouble
Rencontre clinique de l’usage d’alcool meurent en moyenne 12 ans plus tôt que
Intoxications aiguës les autres [54] . Il est probable que les complications des consom-
mations aiguës massives (binge drinking, alcoolodéfonce), de la
En soins primaires, la rencontre avec l’alcool concerne en pre-
nécrose de la tête fémorale aux troubles des fonctions exécutives
mier lieu des intoxications aiguës : les alcoolisations aiguës, isolées
et cognitives, connaîtront une augmentation massive dans les
ou répétées, ont une visibilité forte et une présentation déran-
années à venir.
geante, dont le soignant peut s’éloigner en la tournant en dérision,
Il faut envisager le caractère évolutif des questionnements
où prédominent les attitudes et propos confus, les lésions trau-
sur l’alcool, tant du côté du patient que de celui du soignant.
matiques, les situations de violence et les accidents, qu’ils soient
Parler d’alcool et la manière d’en parler peuvent constituer
domestiques, routiers ou liés au travail. L’environnement collectif
l’apprentissage d’un langage nouveau. Comme pour toute langue
soignant ou secouriste, mais aussi l’entourage familial, amical ou
vivante, le locuteur est confronté à la nécessité d’une pratique et
professionnel, déplace la personne d’une situation de valorisation
fait face à différents accents qui constituent autant de tonalités
de la consommation à celle d’une défaillance. Celle qui n’est pas
dans l’abord de l’alcool et de ses modes d’utilisation : réfé-
« capable de boire » est exclue et devient objet de dérision. Les
rence au somatique ; difficultés psycho-sociales, au travail ou en
seuils de tolérance individuelle diffèrent d’une personne à l’autre.
famille. Le langage peut être non verbal : retard ou absence à
L’existence de seuils législatifs d’alcoolémie au volant ou au tra-
une consultation, anomalie biologique, hépatique ou autre, dys-
vail témoigne aussi d’une ambivalence. C’est également le cas de
fonctionnements et ratés de tous ordres. Plus l’enseignement de
la vente autorisée des boissons alcoolisées sur les aires d’autoroute,
l’addictologie sera intégré à la formation médicale, plus la néces-
particulièrement les canettes de 50 centilitres de bières fortes,
sité de l’apprentissage semblera aller de soi pour le soignant.
pour lesquelles la consommation d’une unité d’achat conduit à
L’alcoolisation est un langage, le plus souvent non verbal : à cha-
dépasser les seuils d’alcoolémie constitutifs d’infraction routière.
cun d’en comprendre le sens.
Le premier contact d’un soignant avec l’alcool peut aussi être
Consommations répétées celui d’un tiers, ami ou collègue de travail, hiérarchie comprise,
Les intoxications chroniques ont d’autres présentations : conjoint(e) ou enfant exprimant un mal-être conjugal ou familial
l’alcool devient invisible, s’exprime par une succession de déficits, associé à un trouble de l’usage d’alcool de l’autre ou du parent.
de retraits, d’absences et de complications d’organes qui pro- Le contact peut provenir de la demande, souvent non argumen-
gressent silencieusement, dont le non-repérage est une perte de tée, d’un autre soignant : médecin traitant, équipe de santé au
chances. L’évocation d’une fatigue ou de troubles du sommeil, travail, autre spécialiste. Une demande peut être exprimée direc-
la demande d’arrêts de travail répétés, l’existence de déséqui- tement par le patient, en son nom ; elle peut aussi ne se présenter
libres glycémiques chez un patient diabétique ou la constatation que comme relais d’une demande familiale, médicale, sociale ou
de chiffres tensionnels élevés sont autant de signes d’alerte qui judiciaire. Dans un tel contexte, le patient se présenterait comme
devraient conduire le soignant à poser systématiquement la ques- objet et non comme sujet de la demande. Parvenir à ce que la
tion des consommations d’alcool. personne devienne sujet et acteur d’une démarche soignante est
Dans les maladies comorbides, un traitement a priori bien l’enjeu thérapeutique.
conduit peut masquer la gravité de l’alcoolisation sur la mala-
die identifiée. L’identification de la maladie comorbide favorise la Les mots du silence
non-identification de la question alcool par le soignant. On peut
« Alcoolisme », « Alcoolique », « Est-ce que vous buvez ? »
en voir un équivalent chez les pneumologues, longtemps foca-
Autant d’expressions qui induisent une dénégation et des contre-
lisés sur le cancer bronchique et l’insuffisance respiratoire, qui
attitudes. Le patient a lui aussi ses représentations de l’alcool et
n’ont que récemment manifesté leur intérêt pour la réduction
de ses consommations. Les propos perçus comme moralisateurs
des consommations de tabac et de cannabis. La préoccupation
sont contre-productifs de part et d’autre, tant pour le patient que
des obstétriciens vis-à-vis des conduites addictives s’est longtemps
pour le soignant, de même que les interdictions et les injonctions.
limitée au tabac, aux tranquillisants et aux produits psychoactifs
Faire référence pour les soignants, non plus à l’alcoolisme mais
injectables, en négligeant le risque alcool. Les dermatologues éta-
aux troubles de l’usage d’alcool, et de l’abstinence obligatoire à
blissent communément un lien entre les fortes consommations
la réduction des risques et des dommages, permet d’autant plus
chroniques d’alcool et les névrodermies, particulièrement le pso-
de passer du silence au dialogue. Cette évolution apporte la pos-
riasis ; pour autant, l’ouverture vers le soin addictologique ne se
sibilité d’élargir le groupe d’interlocuteurs potentiels en incluant
fait habituellement pas. L’alcool a été identifié comme le prin-
plusieurs générations et leurs différents modes d’alcoolisation.
cipal facteur de mortalité prématurée chez les patients atteints
de psoriasis [43] . Cette ouverture interdisciplinaire ne se fait pas
non plus dans des situations comparables fréquemment rencon-
Les mots du dialogue
trées en neurologie (troubles cognitifs et des fonctions exécutives), « Est-ce qu’il vous arrive de consommer de l’alcool ? » Une telle
en cardiologie (hypertension artérielle, cardiomyopathies [44] ), en formulation neutre pourrait être systématique lors de tout recueil
ophtalmologie (neuropathies optiques [45] ) ou en otorhinolaryn- de données cliniques. La mise à disposition d’autoquestionnaires
gologie (dépistage systématique des cancers et surveillance [46, 47] ). ou l’affichage de messages de prévention dans la salle d’attente
L’ouverture vers l’addictologie est inconstante lors de la décou- sont autant de moyens d’alerter les personnes et leur entourage.
verte et le suivi des pancréatites aiguës ou chroniques [48, 49] , mais Lors de la consultation, le choix de questions ouvertes, nécessai-
aussi des hépatites virales et des cirrhoses hépatiques [50] . Parmi rement évolutives dans le temps et l’histoire du sujet, permet une
les personnes ayant un trouble de l’usage d’alcool, une sur cinq écoute interactive. Les techniques de l’entretien motivationnel en
présente un syndrome métabolique, état associé à un risque élevé sont un exemple [55, 56] . Le dialogue peut être facilité en abordant
de maladie cardiovasculaire et de mort prématurée [51] . l’utilité de l’alcoolisation dans l’histoire du sujet et dans l’histoire
Plus largement, en matière d’éducation thérapeutique, outil collective, familiale et culturelle, tant lors des expérimentations
validé dans le traitement des maladies chroniques, la prise en initiales que dans l’usage actuel. Il apparaît souvent à cette occa-
compte des consommations d’alcool, lorsqu’elle est nommée, sion que l’alcool a longtemps été un traitement de l’angoisse,
donne rarement lieu à une démarche thérapeutique active, de habituellement non nommé, pour le confort relationnel du sujet
type intervention brève ou autre. L’intérêt du suivi et des inter- et son environnement. L’alcool est aussi une automédication des
ventions concernant la consommation d’alcool chez les patients expériences traumatiques, personnelles et intergénérationnelles.
diabétiques a été souligné, de même que leur mise en œuvre insuf- Lorsque la consommation est usuelle, elle est aussi un vecteur
fisante [52] , peut-être en raison de l’absence, encore aujourd’hui, d’intégration au groupe. Le risque d’exclusion perçu par le sujet
de reconnaissance de leur caractère prioritaire. peut provenir de la reconnaissance d’un mésusage – celui qui ne

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Accompagnement des personnes en difficulté avec l’alcool  7-034-B-11

sait pas boire, celui qui sait boire trop – ou d’une décision d’arrêt départ en retraite) familial et médical ? Y a-t-il un contexte culturel
de la consommation d’alcool. Évoquer l’inégalité des membres du ou religieux marqué ?
groupe devant les effets de l’alcool (tolérance, ressenti, variations La question des antécédents se pose. Une proportion impor-
de comportement allant de l’agressivité à l’apathie et aux phases tante (environ 50 % dans des séries de petits effectifs [63] ) des
euphoriques ou dépressives, pertes de contrôle, mises en danger personnes ayant un trouble de l’usage d’alcool ont eu un des deux
du sujet et des autres) permet d’ajuster le dialogue. parents en difficulté avec l’alcool. En d’autres termes : de qui le
(la) patient(e) est-il (elle) le fils, la fille, le père, la mère, etc. ? Et
par quelle filiation et identification ?
Les mots et les maux du patient L’âge et le souvenir du premier contact avec l’alcool, ses effets,
Lors du premier contact avec un soignant, le patient peut et le compte-rendu qui en a été fait, sont des éléments fonda-
exprimer une demande claire (désir d’arrêt ou de modéra- teurs de la ritualisation des consommations et de leurs effets
tion des consommations, demande de traitement, demande d’attente, de même que l’éventualité d’une perte de contrôle. Il
d’hospitalisation ou de « cure »), évoquer une inquiétude sur est d’autant plus souhaitable d’établir un contact avec les enfants
les consommations, mais aussi se présenter comme relayant la des personnes ayant un trouble de l’usage d’alcool, afin qu’ils
demande d’un tiers (conjoint, famille, entourage professionnel ou comprennent la situation pathologique et qu’ils soient attentifs à
social) ou une obligation judiciaire. La demande peut aussi porter leur propre consommation.
sur un symptôme : insomnie ; fatigue ; nervosité ; tremblements. Les modes de consommation – seul ou en groupe, nature du pro-
La réponse du soignant peut déclencher une réaction anxieuse duit et degré d’alcoolisation, horaires de prise, quantité, contexte
face à l’éventualité d’un changement de son mode d’alcoolisation. de la prise (repas, soirée, fête, en lien avec le travail, quand ça va
« Je ne suis quand même pas alcoolique ! Et si je consomme bien ou quand ça ne va pas) – sont autant d’éléments contribu-
pendant le traitement ? Et si j’ai quand même envie de boire ? tifs au diagnostic de l’intensité du trouble et à l’élaboration d’une
Puis-je quand même boire un verre de vin avec le fromage ? Dois- stratégie thérapeutique. Il en est de même des consommations
je m’arrêter pour toujours ? Je ne suis quand même pas comme d’autres produits psychoactifs ou de l’ensemble des conduites
mon père / ma mère ! » addictives, dans une perspective addictologique globale.

De quelle personne s’agit-il ? Comorbidités psychiatriques


Pour le soignant, certaines caractéristiques immédiatement La fréquence des comorbidités psychiatriques justifie d’évoquer
perceptibles chez le patient permettent une représentation du les contacts éventuels avec la psychiatrie dans l’histoire du
contexte de la demande, en premier lieu le genre et l’âge. S’agit-il patient [19] . La rencontre a-t-elle eu lieu ? Qu’en est-il résulté ?
d’une femme ou d’un homme ? Est-elle enceinte ou susceptible L’association entre alcool et éléments dépressifs est avérée, le
de l’être [57, 58] ? Quel est le degré de honte associé aux consom- trouble de l’usage d’alcool étant retenu comme facteur causal dans
mations [20, 54, 59, 60] ? Dans le cas d’un adolescent ou d’un jeune la survenue d’une dépression [19, 64] . La comorbidité entre troubles
adulte, y a-t-il une revendication du mode d’alcoolisation – boire de l’usage d’alcool et troubles bipolaires peut atteindre 45 % [65] .
pour faire la fête, jusqu’à l’alcoolodéfonce ? Les associations fréquentes, mais statistiquement moins fortes et
difficilement quantifiables, concernent les troubles anxieux et les
tentatives de suicide [66, 67] .

“ Point fort La personne dans la cité


L’association des troubles de l’usage d’alcool avec des événe-
Consommations d’alcool chez les femmes ments violents, intrafamiliaux ou extérieurs à la famille, concerne
• Tous les événements de la petite enfance à la fin de vie, les violences infligées mais aussi subies, qu’elles soient ver-
physiologiques ou pathologiques, somatiques ou psycho- bales (hausser la voix, faire peur), psychologiques, physiques ou
logiques, traumatiques ou non, peuvent être associés à un sexuelles. Les mises en danger et l’adoption de comportements
à risque incluent les rapports non protégés exposant aux gros-
trouble de l’usage d’alcool.
sesses non désirées et aux infections sexuellement transmissibles,
• Au plan hormonal, une augmentation des consomma-
l’exposition aux accidents de la circulation, dans un contexte de
tions d’alcool en période prémenstruelle a été rapportée binge drinking (alcoolodéfonce) [68–71] comme dans toute forme de
et l’existence d’un syndrome prémenstruel est associée à consommation. Évoquer la place de l’alcool dans la cité conduit
une consommation globale plus importante. à souligner la fréquence des alcoolisations rituelles, souvent col-
• Une absence totale de consommation de boissons lectives, lors de rassemblements, de concerts et de manifestations
alcoolisées est recommandée pendant toute la grossesse. sportives, ce qui conduit à des mesures préventives d’assistance et
• La stigmatisation particulière des troubles de l’usage de secours.
d’alcool chez les femmes, encore à notre époque, contri- Les conduites à risque et les situations de violence (qu’elles
bue à l’émergence de la honte et de l’indicible. soient subies, auto-infligées ou dirigées vers l’autre) peuvent
• Les femmes ont moins souvent recours aux dispositifs constituer des signes d’alerte. Leur association avec les troubles de
l’usage d’alcool est bien établie, et concerne autant les violences
de soins que les hommes.
physiques ou psychologiques et les violences sexuelles [72, 73] . Dans
• Les femmes présentent une vulnérabilité physique vis-
une étude prospective en Île-de-France, 20 % des femmes rappor-
à-vis de l’alcool et une mortalité prématurée liée à l’alcool tant des violences sexuelles faisaient état d’une consommation
plus importantes que les hommes. d’alcool peu avant l’agression ; dans un tiers des cas, la vic-
• Les femmes ayant un trouble de l’usage d’alcool sont time avait connaissance d’une consommation d’alcool récente par
particulièrement à risque de subir des violences physiques, l’agresseur ; dans plus de 30 % des cas où l’agresseur était connu,
psychologiques et sexuelles. la victime lui connaissait un trouble de l’usage d’alcool [74] . Dans
une autre étude réalisée dans deux régions françaises, 40 % des
sujets impliqués dans des bagarres dans les lieux publics avaient
consommé de l’alcool dans les deux heures qui précédaient [75] . Les
Dans le cas d’une personne plus âgée, l’alcoolisation est- conséquences judiciaires des actes commis après consommation
elle quotidienne et depuis quand ? En France, la proportion d’alcool font partie des troubles liés à l’alcool. Les délits routiers
de consommateurs quotidiens augmente après 40 ans [61] et la commis sous l’influence de l’alcool représentent un ensemble de
cohorte prospective Gazel a montré une surconsommation peu situations à risque médical élevé, en particulier lorsqu’ils sont
avant et peu après le départ en retraite [62] . Chez les seniors, l’alcool suivis d’un placement en garde à vue [76] . L’alcool ou les stupé-
s’est-il installé à la suite d’un événement professionnel (chômage, fiants représentent un tiers des situations de délinquance routière

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cliniques et biologiques adaptés sont tout autant des moyens

“ Point important d’initier un dialogue sur l’alcoolisation. L’ajustement thérapeu-


tique est permanent car il dépend du contexte psychologique et
social, de la gravité somatique et des comorbidités, de l’âge du
sujet et de l’évolution de la demande. Il s’oppose au dogme his-
Binge drinking
torique « abstinence, sinon rien », autant qu’à l’« arrêt total et
• La consommation rapide d’alcool dans le but d’être ivre,
définitif », prescription stéréotypée du discours médical et de cer-
ou binge drinking, est un phénomène touchant en premier tains mouvements d’entraide. En cela, la notion de trouble de
lieu les adolescents, filles et garçons, et les jeunes adultes, l’usage (DSM-5) favorise cette approche thérapeutique ajustée.
qui augmente en France et dans de nombreux pays.
• Les conséquences sont immédiates : expositions aux
situations de violence ; accidents ; rapports sexuels non Propositions thérapeutiques
protégés. Les propositions thérapeutiques et leur nécessaire temporalité
• Il s’agit d’un indicateur de vulnérabilité vis-à-vis d’un incluent en premier lieu un accompagnement par le médecin
trouble de l’usage d’alcool. généraliste, pertinent dans sa connaissance du patient et sa proxi-
• L’imagerie cérébrale montre une diminution plus impor- mité. Comme dans d’autres disciplines, le recours à un réseau
tante de la substance grise dans les régions corticales de soins spécialisés en addictologie peut être nécessaire : soins
frontales et temporales, et une croissance moindre de la ambulatoires, CSAPA, consultations, hôpital de jour, hospitalisa-
substance blanche, chez les adolescents concernés par tion pour sevrage et éventuellement soins de suite. Le recours
rapport à ceux qui ne consomment pas d’alcool. aux services d’urgences peut être une étape dans le parcours de
soins. Les équipes de liaison et de soins en addictologie (ELSA)
contribuent à l’articulation avec l’ensemble des soins spécialisés.
Le passage aux urgences, souvent le témoin d’un silence vis-à-vis
de l’alcool et d’occasions manquées pour ouvrir un dialogue sur ce
devant la justice [77] et un patient sur dix orienté vers un CSAPA
sujet, peut devenir la porte d’entrée dans le soin addictologique,
l’est par la justice [78] .
parfois tardive [81] .
Désocialisation
« Boire » pour faire comme tout le monde peut aboutir à ne plus Médicaments
faire comme personne. La place de la consommation d’alcool dans
Question générale de la médiation
les dépenses (20 à 30 euros par jour) conduit, même pour des per-
sonnes insérées, à évoquer le « reste à vivre », activant la situation médicamenteuse
d’endettement, de perte de logement, et de lien social et familial. Évoquer la place du médicament nécessite de prendre en
Les retards, absences et dysfonctionnements au travail, ainsi que compte plusieurs éléments extérieurs aux propriétés pharmacolo-
les troubles des fonctions cognitives et exécutives, sont des fac- giques des molécules utilisables : les attentes du patient ou de son
teurs de licenciement et d’incapacité à retrouver un emploi. Ces entourage ; leurs demandes ; leurs expériences précédentes posi-
situations entraînent la personne vers la précarité et l’exclusion. tives ou négatives, personnelles ou celles de tiers. La mention, par
le patient, de l’expérience d’une molécule donnée nécessite d’en
connaître les conditions : S’agissait-il d’une prescription isolée,
 Les réponses du soignant sans proposition d’accompagnement régulier ? À quel moment
cette prescription est-elle survenue ? Le patient avait-il alors modi-
Les alcoolisations sont des signes d’alerte. Ainsi, un premier fié ou interrompu sa consommation ?
contact avec le milieu hospitalier en relation avec l’alcool est Le socle historique du soin a longtemps été l’injonction de
associé à un risque fortement majoré de survenue d’une cirrhose ne pas consommer d’alcool, un temps renforcée par la cure de
hépatique alcoolique, ce qui devrait inciter à mettre en place un dégoût déclenchée par l’injection d’apomorphine associée à une
suivi addictologique adapté à ces patients [79] . Une autre étude (les alcoolisation sous surveillance médicale, ou par l’administration
patients mourant d’une maladie liée à l’alcool ont été identifiés de disulfirame (par voie orale ou implant) pour provoquer un
comme ayant été admis aux urgences de manière répétée peu de effet antabuse lors de prises d’alcool [82] . En 1999, une conférence
temps auparavant) renforce ce constat [80] . nationale de consensus a énoncé l’indication des benzodiazépines
La place de l’alcool dans de nombreux environnements cultu- dans le sevrage comme traitement préventif des convulsions, et
rels en fait la seule substance dont on peut envisager, a priori, des autres manifestations de dépendance physique et psycholo-
que le soignant en consomme aussi. De fait, les expériences et les gique [83] .
représentations du soignant vis-à-vis de l’alcool conditionnent ses
réponses. Le miroir est partout : les premiers contacts avec l’alcool ; Intoxication aiguë
l’héritage et l’environnement familial ou festif ; la ponctuation de
la vie sociale ; les ivresses. Les rencontres du soignant avec l’alcool L’intoxication alcoolique aiguë ne nécessite pas de traitement
et les images négatives de « l’alcoolique » favorisent un double médicamenteux spécifique mais une surveillance clinique, ambu-
déni, confortant le silence de part et d’autre. latoire ou hospitalière, adaptée à l’état initial et à son évolution.
En particulier, l’administration de benzodiazépines n’est pas indi-
quée, comme celle de tout médicament modifiant la vigilance.
Les mots de la réponse
Le contenu de la réponse du soignant dépend de la formulation
Phase de sevrage
de la question par le patient ou de son absence de question. La La recherche de nystagmus, signe de souffrance cérébrale,
présence du patient en consultation, quel qu’en soit le motif, est doit accompagner celle de tremblements des extrémités et d’une
une rencontre, occasion d’une réponse soignante sans masquer confusion mentale. La prévention des crises convulsives et de la
la question de la consommation d’alcool. Une question verba- survenue d’une encéphalopathie carentielle est nécessaire. Ces
lisée par le patient requiert une réponse qui en reprendrait les éléments, associés à l’état nutritionnel, conditionnent l’urgence
termes : objectifs ; contraintes ; attentes ; craintes ; durée. S’agit- et les modalités du traitement : perfusion, administration de
il de boire moins, d’arrêter de boire, d’être hospitalisé, d’aller en vitamines B1 et B6 . L’hypokaliémie doit être recherchée systé-
« cure », de ne pas perdre son emploi, d’éviter une séparation, matiquement et peut nécessiter une hospitalisation en unités de
d’obtenir la prescription d’un médicament désigné ? L’absence de soins intensifs. Cependant, la perfusion des patients hospitalisés
questionnement verbalisé laisse la place à une avance de parole pour un sevrage programmé n’est le plus souvent pas néces-
du soignant, tout en respectant le temps du patient. Les examens saire. La durée d’administration de benzodiazépines est guidée par

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l’évolution clinique, mais n’est le plus souvent pas justifiée au-delà d’aggravation d’un état dépressif ou d’un risque suicidaire [92, 93] .
d’une semaine, sauf en cas d’usage antérieur prolongé de benzo- Des doses atteignant 300 mg, soit 30 comprimés par jour, sont
diazépines [84] . L’évaluation thymique doit se faire à distance du parfois prescrites. La responsabilité suspectée des fortes doses dans
sevrage, ainsi que l’éventuelle prescription d’un traitement anti- la survenue d’effets secondaires graves a conduit l’Agence natio-
dépresseur ou anxiolytique. La qualité du sommeil est un bon nale de sécurité du médicament et des produits de santé à limiter
indicateur de suivi. C’est aussi un facteur d’amélioration de la la dose recommandée à 80 mg par jour [93] . La décroissance doit
qualité de vie du sujet et de restauration des fonctions exécutives, également être progressive et accompagnée médicalement.
cognitives et thymiques, à distance du sevrage. Les traitements
à visée addictolytique (envie de consommer, pulsions, manque) Discours autre que l’abstinence : réduction
doivent être introduits dans les premiers jours du sevrage. des risques et des dommages
Les mesures décrites peuvent s’intégrer dans un dispositif de
Le critère unique de l’abstinence a fait place à un élargis-
sevrage simple. La notion de sevrage complexe a été introduite
sement des réponses considérées comme favorables, incluant
pour désigner la nécessité d’un environnement thérapeutique
l’évolution des modes de consommation et la réduction des quan-
spécifique, médical, paramédical, somatique et psychologique,
tités consommées, dans une approche plus intégrée des risques
associé à des activités thérapeutiques (groupes de parole, remé-
et des dommages. Cette approche est d’autant plus pertinente
diation neurocognitive et sensorielle).
qu’elle prend en compte de manière différenciée l’âge (adoles-
La connaissance d’une anomalie biologique (gammagluta-
cence, jeunes adultes, seniors), le genre, les états physiologiques
myltransférase, transaminases, volume globulaire moyen, car-
(grossesse) ou psychologiques (états dépressifs, bipolarité, syn-
bohydrate deficient transferrin) ou morphologique (échographie
dromes post-traumatiques), les comorbidités somatiques (diabète,
hépatique, fibroscan) isolée présente un faible intérêt pour évaluer
surpoids, pathologies cardiovasculaires), les choix thérapeutiques
l’importance d’une consommation. En revanche, il est utile de sur-
envisagés (interventions chirurgicales, traitements nécessitant
veiller la décroissance ou la normalisation d’un signal anormal. La
une bonne observance, tels les antiviraux) et les coaddictions.
détection d’une réaugmentation ou d’une reprise évolutive à dis-
Néanmoins, les médicaments disponibles n’ont pas, à ce jour,
tance d’un sevrage ou d’une diminution des consommations doit
montré d’efficacité en termes de contrôle des consommations [94] .
faire envisager une reprise des consommations d’alcool.
Plusieurs psychotropes sont en cours d’évaluation dans une pers-
pective de réduction des consommations et de l’envie de boire [95] .
Aide au maintien du sevrage Le dogme de « l’abstinence sinon rien » était un obstacle à la
rencontre initiale, et souvent un motif de rupture du lien entre
Quatre médicaments ont une autorisation de mise sur le mar-
le patient et le soignant. La perception de l’abstinence comme
ché en France pour prévenir la rechute (acamprosate, naltrexone,
objectif impensable ou effrayant empêchait l’accompagnement,
disulfirame) ou réduire les consommations (nalmefène).
patient et soignant se situant dans des perspectives inconciliables.
L’acamprosate est un traitement bien toléré, l’intolérance diges-
L’acceptation, par le soignant, d’un objectif de diminution de
tive (selles molles) étant habituellement modérée et transitoire.
Des données expérimentales chez l’animal suggèrent un intérêt consommation permet de discuter cet objectif. Évoquer l’histoire
particulier dans la neuroprotection cérébrale [85] . Son efficacité en des consommations (périodes d’abstinence, périodes de contrôle,
termes de proportions de patients abstinents à 6 mois, par compa- circonstances des pertes de contrôle) permet un ajustement des
raison avec un placebo, est modérée mais attestée par plusieurs objectifs et des ressentis du patient et de son entourage, et
essais contrôlés [86] . L’absence d’effet sédatif ou psychostimu- d’orienter différentes modalités thérapeutiques : arrêt temporaire
lant est un avantage, mais certains patients l’assimilent à une de l’intoxication (ambulatoire, résidentiel, en soins de suite) ;
absence d’efficacité perceptible. Consommer de l’alcool pendant diminution ou augmentation de la fréquence des consultations,
le traitement par acamprosate ne déclenche pas de manifestations ou leur arrêt temporaire ; fin de suivi.
d’intolérance. La réduction des consommations n’implique pas le refus de
La naltrexone, antagoniste opiacé agissant sur une des clés du l’abstinence définitive, qui demeure l’objectif défendu par la plu-
système de la récompense, est associée à une réduction des reprises part des mouvements d’entraide. L’abstinence est en effet une
de consommation [86] . Son administration est contre-indiquée forme de réduction des risques et des dommages. L’offre d’options
chez les patients consommateurs d’opiacés. thérapeutiques basées sur la réduction des consommations peut
Le nalméfène, autre antagoniste opiacé interférant avec le sys- permettre de sortir de l’impasse dans laquelle se trouvent les per-
tème de récompense, semble contribuer à réduire la fréquence des sonnes qui ne souhaitent pas ou ne se sentent pas capables de
épisodes de fortes consommations d’alcool, mais les modalités de s’engager vers l’arrêt de l’alcoolisation [96] . Ces offres différentes
son évaluation et son intérêt global sont discutés [86, 87] . soulignent la nécessaire prise en compte d’une temporalité dans
Le disulfirame (cf. supra) est à l’origine d’effets indésirables l’évolution des consommations, qu’il s’agisse de réduction ou
notables (neuropathies optiques, neuropathies périphériques, d’arrêt complet, ou de reprise de consommations contrôlées, selon
hépatites toxiques) et d’une réaction antabuse dont la violence les réalités psychiques et somatiques du sujet, ainsi que les prises
punitive (flush, malaise, anxiété, troubles neurovégétatifs, hypo- de risque associées à ses alcoolisations.
tension artérielle) en limite l’utilisation [88] .
Le baclofène, antispastique, a une autorisation temporaire Non médicamenteux et dispositif de soin
d’utilisation en France depuis 2014 dans la réduction des consom- Le dispositif de soin addictologique ne repose pas à titre
mations, l’aide au maintien de l’abstinence et la diminution de principal sur le médicament. Il repose, de fait, sur un tré-
l’envie de boire. Des données publiées non contrôlées ont ini- pied médico-psycho-social. En France, le réseau des dispositifs
tialement suscité une forte attente publique, renforcée par les thérapeutiques comprend en premier lieu les médecins géné-
réseaux sociaux, les forums de discussion et les relais média- ralistes, qui peuvent être seuls intervenants ou orienter vers
tiques. Si les premières études internationales avaient montré d’autres acteurs, comme dans toute spécialité, les spécialistes
des résultats contrastés [89] , les études récentes n’ont pas mon- libéraux (oto-rhino-laryngologistes, hépato-gastroentérologues,
tré d’efficacité supérieure au placebo [90] . Les études contrôlées neurologues, dermatologues, cardiologues, psychiatres), les méde-
montrent cependant l’efficacité de l’accompagnement psychoso- cins de santé au travail (inaptitude temporaire face au risque,
cial, tant chez les patients recevant un placebo que ceux recevant évaluation des risques psycho-sociaux), services sociaux, centres
la molécule étudiée [91] . L’administration de baclofène est conduite médico-psychologiques, CSAPA, ELSA, services d’hospitalisation
à doses croissantes à partir de 15 mg par jour, habituellement (hôpitaux de jour, hospitalisation conventionnelle), soins de
réparties en trois prises. La fréquence et l’intensité des effets suite. Le premier contact avec le réseau peut provenir d’une
secondaires semblent liées à la dose. Il s’agit principalement de demande judiciaire, directement (injonction/obligation de soins)
somnolence, d’insomnie, de fatigue, de difficultés de concentra- ou indirectement (placement en garde à vue et autres privations
tion, de sensations vertigineuses, de troubles de l’équilibre, de de liberté pour un délit lié à la consommation d’alcool).
nausées, de troubles de l’accommodation, d’abaissement du seuil Les conséquences de la maladie alcoolique incluent une dimen-
épileptogène, d’états confusionnels, de troubles hallucinatoires et sion sociale majeure, dont les manifestations concernent tous les

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secteurs de l’existence : emploi, logement, ressources financières,


vie amoureuse ou conjugale, familiale, amicale et collective,
 Constat
d’autant plus que l’atteinte des fonctions cognitives et exécutives L’entrée dans un parcours de soin nécessite, pour le patient et
est marquée. L’accompagnement du patient confronté à la réa- pour les soignants, la réalisation d’un bilan somatique, psychique
lité d’une situation de fragilité sociale, voire d’incurie, relève du et social.
dispositif de soins, en lien avec le dispositif social. Dans tous les
cas, la « question alcool » induit une rupture d’équilibre, pour la
personne comme pour son entourage. La rupture naît au moment Où en est le corps ?
de l’interrogation sur les modes de consommation et leurs effets.
Un équilibre s’installe pour le sujet et sa relation à l’autre, et pour Le bilan somatique et biologique nécessite un examen cli-
son entourage. La perception d’une menace envers cet équilibre nique général et orienté par les plaintes du patient, par l’âge
est un frein à la perspective de changement. Lorsqu’il survient, et l’ancienneté des expositions, les comorbidités liées à l’alcool
le changement des modes de consommation induit la modifi- ou aux autres produits psychoactifs, et les infections virales
cation des différents équilibres personnels, familiaux et sociaux. (virus de l’immunodéficience humaine [VIH], virus des hépa-
Ainsi le silence apparaît confortable, dans un premier temps ; tites B et C [VHC]). Toutes les personnes ayant un trouble de
il contribue pourtant à masquer les détériorations somatique, l’usage d’alcool ne présentent pas une atteinte hépatique biolo-
psychique et sociale, aboutissant à des situations aiguës, parfois giquement détectable ou visible lors d’examens d’imagerie. Pour
irréversibles. autant, contrairement à ce qu’aimeraient croire tant les personnes
elles-mêmes que les soignants, l’existence d’examens normaux
n’est pas en soi rassurante quant à la gravité des troubles liés à
Soins addictologiques résidentiels et ambulatoires l’alcoolisation, en particulier pour les troubles des fonctions cog-
L’organisation actuelle des soins addictologiques à l’hôpital nitives et exécutives, pour les accidents, les violences et les prises
reconnaît trois niveaux : le niveau 1 correspond à la mise en place de risque sexuel.
de sevrages simples ; le niveau 2 est fondé sur la capacité à mettre Le déficit du schéma corporel temporospatial et vidéospatial est
en œuvre des sevrages complexes et des hospitalisations de jour ; renforcé par les atteintes objectives du nerf optique (trouble de la
le niveau 3 nécessite un adossement universitaire et de recherche. vision des couleurs pouvant aboutir à la cécité, amputation du
Quel que soit le niveau d’organisation des soins addictologiques, champ visuel) et des nerfs périphériques (débutant souvent aux
les centres hospitaliers doivent favoriser la création d’ELSA, uni- membres inférieurs par une atteinte des releveurs du pied, asso-
tés mobiles médico-psycho-sociales où la place des infirmières est ciée à une amyotrophie, pouvant s’étendre aux quatre membres).
prépondérante, qui se déplacent dans les différents services. Les troubles de la marche peuvent être majorés par des troubles
Les unités de soins de suite et de réadaptation offrent un envi- de l’équilibre dus à une atteinte cérébelleuse. Tout ou partie de ces
ronnement spécifique favorisant la mise à distance prolongée de troubles sont réversibles à l’arrêt des consommations d’alcool, en
l’alcoolisation, la stabilisation de l’état clinique somatique et psy- plusieurs mois. De manière plus rapide, parfois en quelques jours,
chologique, ainsi que la mise en place de remédiations cognitives, la récupération des fonctions vitales (manger, dormir) marque
pendant 1 à 6 mois. Les séjours dans ces unités permettent aussi pour le sujet le début de la reconquête de son autonomie et de
un éloignement vis-à-vis de l’entourage familial et professionnel, ses attentes corporelles. Reprendre possession de son corps, de sa
et donc des situations souvent conflictuelles. temporalité, de son espace, est une étape cruciale dans le rétablis-
En dehors de l’hôpital ou à l’intérieur de celui-ci, les CSAPA sement et la stabilisation de la personne. Il faut souvent un séjour
proposent des soins ambulatoires médico-psycho-sociaux non prolongé en milieu spécialisé en réactivant la neurosensorialité.
payants, ouverts aux patients et à leur entourage. Le réseau
de soins comporte également des consultations spécialisées
d’addictologie non liées à ce dispositif, ainsi que des consultations Où en est l’esprit ?
de médecine générale et de psychiatrie. Les consommations répétées d’alcool sont communément
longtemps utilisées, plutôt en soirée, comme automédication de
troubles du sommeil, et de troubles anxieux individuels ou col-
 Attentes du consultant lectifs. Leur efficacité ne dure pas et laisse place à des troubles
dépressifs, aggravés par l’alcoolisation.
et de son entourage L’apparition progressive de troubles cognitifs est plus tardive.
Elle est souvent inaugurée par des troubles mnésiques antéro-
Avant toute prise de conscience d’un trouble de l’usage d’alcool, grades, motif d’inquiétude et de culpabilisation, amenant parfois
la personne est dans une relation de jeu avec l’alcool. Tel l’enfant à consulter. Peu à peu, la perception du temps évolue : face à
qui joue, elle boit. Le jeu n’a pas de limites et recommence tou- l’ennui liant passé, présent et futur, la personne s’installe dans
jours. Passer du jeu infini du « boire » au jeu fini du « moins boire » un véritable gel du temps, laissant place à toutes les confusions.
ou du « ne plus boire » est l’enjeu bouleversant de la reconnais-
Évoquer les troubles de l’esprit conduit à s’interroger sur l’effet des
sance de ce trouble, tant pour le sujet que son environnement.
consommations d’alcool en cas de comorbidités psychiatriques :
Comme on peut le comprendre, tout jeu fini et ses espaces bornés
dépression résistante ; syndromes post-traumatiques ; bipolarité ;
n’est pas à la hauteur d’un jeu infini et de ses espaces ouverts.
troubles graves de la personnalité ; conduites suicidaires.
La personne consultant au sujet de ses alcoolisations attend de
pouvoir en parler à quelqu’un qui peut l’entendre. L’interlocuteur
attendu peut être le médecin généraliste, en qui elle a toute Environnement social des personnes ayant
confiance pour de multiples sujets. Il doit parfois être un tiers
soignant, sans disqualifier la place du médecin généraliste dans
un trouble de l’usage d’alcool
ce parcours de soin. Si la consommation d’alcool est souvent initialement source
Les attentes initiales incluent le désir d’être rassuré sur l’absence d’intégration sociale, son inscription dans la durée et associée à
de gravité des consommations, la légitimité à apprécier le bon vin des troubles de l’usage aboutit à l’isolement et au rejet, renforcés
ou l’alcool pour faire la fête, ou de toute façon une consommation par les pertes et les ruptures affectives, familiales, professionnelles
comme tout le monde. Dans certains cas, la demande d’aide de et sociales. La pathologie devient alors aussi sociale, pour lui et son
la personne est d’emblée formulée, et la situation vécue comme environnement. Le consommateur d’alcool est exposé à des mises
ne pouvant plus durer. C’est parfois l’entourage qui formule la en danger, qu’il s’agisse d’accidents domestiques, d’incendies ou
demande. La demande est parfois centrée sur une réponse médica- de violences volontaires, mais il n’est pas le seul. La rencontre
menteuse, pour avoir moins envie d’alcool, pour réduire ou arrêter instantanée d’un conducteur ivre, ou seulement distrait sous les
temporairement ses consommations, ou certaines d’entre elles, et effets conjoints d’un verre et d’une conversation téléphonique
d’éviter les conduites à risque (ivresses aiguës, perte de contrôle, au volant, peut tuer une personne de tout âge n’ayant jamais
mises en danger). consommé mais qui pourtant mourra de l’alcool. Il en est de

8 EMC - Hépatologie

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Accompagnement des personnes en difficulté avec l’alcool  7-034-B-11

même pour les enfants témoins de l’alcoolisation pathologique dimensions d’accompagnement curatif, mais également palliatif,
de leurs parents. Par analogie avec le tabagisme passif, ces deux pourraient constituer un objectif ambitieux et raisonnable pour
exemples font apparaître la notion de victime d’« alcoolisation l’addictologie des prochaines années. Ce qui est accepté des mala-
passive ». dies chroniques tels le diabète ou les maladies rhumatologiques
commence à l’être pour l’infection par le VIH et le VHC. Pour
les différents cancers, la maladie est acceptée dans la souffrance
 Accompagnement qu’elle génère et force le respect. On en est encore loin pour les
troubles de l’usage d’alcool, dont la dimension de maladie auto-
lors du changement et après induite et ses représentations restent inscrites dans l’imaginaire
de chacun. Les mouvements d’entraide, les médecins traitants,
Le trouble de l’usage d’alcool est une maladie grave qui se les consultations d’addictologie et même les obligations de soins
soigne, d’autant plus qu’elle est repérée précocement. Lors d’un proposées par la justice attestent de la pertinence du soin en addic-
premier contact avec une personne ayant un trouble de l’usage tologie.
d’alcool, le soignant doit favoriser une alliance thérapeutique, Les troubles de l’usage d’alcool sont désormais une maladie
quelle qu’en soit la forme. médico-psycho-sociale qu’on nomme et qu’on soigne, poussée
L’analyse des facteurs du changement est un temps indispen- par la recherche et l’exploration de nouveaux traitements, de la
sable à l’élaboration de celui-ci. La rencontre soignante n’est pas réduction des risques et des dommages à la nécessité d’être hors
qu’une affaire d’addictologues, spécialistes qui doivent rester un produit, même temporairement. L’évocation des consommations
recours, comme dans toute discipline. Tout soignant est concerné, met en perspective les notions d’espérance de vie et de qualité de
médecin ou non, ainsi que des non-soignants : membres de mou- vie. En matière d’alcoolisation, le silence reste la pire des attitudes.
vements d’entraide, patients experts, acteurs du champ social.
La modification des consommations d’alcool, quelle qu’en
soit la forme, conduit à une rupture d’équilibre pour le sujet, Déclaration de liens d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens
aussi nocif qu’ait été cet équilibre. Un tel bouleversement néces- d’intérêts en relation avec cet article.
site aussi une prise en compte de l’entourage. Les troubles de
l’usage d’alcool s’inscrivent dans la temporalité. La notion de
réduction des risques et des dommages est primordiale, dans un
contexte médico-psycho-social. L’analyse des conditions d’une
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modification des consommations d’alcool et de ses effets pour [1] Connor JP, Haber PS, Hall WD. Alcohol use disorders. Lancet
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s’affirmer et être reconnu comme tout accès aux soins. Les [5] Helton SG, Lohoff FW. Pharmacogenetics of alcohol use disorders and
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une rupture d’équilibre pour le sujet, aussi nocif qu’ait été prevention and treatment of Wernicke–Korsakoff syndrome in people
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P. Chariot (patrick.chariot@aphp.fr).
Service de médecine légale et de médecine sociale, Hôpital Jean-Verdier (AP–HP), avenue du 14-Juillet, 93140 Bondy, France.
Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux (IRIS), UMR 8156-997, UFR SMBH, Sorbonne Paris Cité, Université Paris 13, 93008 Bobigny,
France.
E. Hispard (eric.hispard@aphp.fr).
Service de médecine addictologique, Groupe hospitalier Lariboisière Fernand Widal (AP–HP), 200, rue du Faubourg-Saint-Denis, 75010 Paris, France.
Centre de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie CAP 14 (ANPAA), 5, rue Maurice-Rouvier, 75014 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Chariot P, Hispard E. Accompagnement des personnes en difficulté avec l’alcool. EMC - Hépatologie
2019;14(3):1-11 [Article 7-034-B-11].

Disponibles sur www.em-consulte.com


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EMC - Hépatologie 11

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