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RÉINVENTER LES FRACTIONS


La didactique du menuisier
Chers membres,

Voici une nouvelle édition de votre revue électronique de L’ADOQ pour l’année 2015
sous le thème Les fractions réinventées! Cette édition spéciale élaborée par Mme
Nathalie Bisaillon et M. Michel Lyons est une référence pour soutenir les
interventions des orthopédagogues en mathématiques. Ainsi, cette revue se veut
avant tout un outil pour vous permettre de planifier des interventions
orthopédagogiques efficaces basées sur les besoins de vos apprenants.

Depuis plusieurs années, Mme Bisaillon et M. Lyons ont à cœur de développer des
pistes d’actions orthopédagogiques et font preuve d’une grande générosité en
partageant leurs connaissances avec les orthopédagogues. Aussi, le conseil
d’administration tient à remercier chaleureusement Mme Bisaillon et M. Lyons pour
leur extraordinaire collaboration et leur précieuse implication dans ce projet
d’envergure.

Bonne lecture!

Isabelle Gadbois, présidente de L’ADOQ


MATIÈRES
Introduction

La didactique du menuisier

Section 1 : Rétablir la normalité

Section 2 : Pourquoi tant de difficultés!?

Section 3 : Quel cadre conceptuel faut-il suivre!?

Section 4 : Activités-clés
RÉINVENTER LES FRACTIONS
Par Nathalie Bisaillon et Michel Lyons

La didactique du menuisier
Intrigué par la capacité du vieux menuisier peu instruit à utiliser les fractions du système
impérial de mesure, dans son métier, l’étudiant en mathématiques le questionne.
« Vous utilisez sûrement la mise au dénominateur commun!?
– La mise au quoi!? Non, non!!
– Alors, comment pouvez-vous calculer les fractions de pouce, sans ce procédé
mathématique fondamental!?
– Écoute ben, le collégien. Moi, durant mes six années
d’école, j’ai jamais pigé les maths. Sauf que pour bâtir
un escalier ou réparer un mur, j’ai pas mon égal. Vois-tu,
j’utilise ma jugeote. Pas de temps à perdre avec tes
simagrées de do… minateur!!
– D’accord, mais comment pouvez-vous donc calculer
sans dénominateur commun, disons, l’épaisseur exacte
d’un contreplaqué de cinq huitièmes de pouce recouvert
d’un panneau de gypse de trois quarts de pouce!?
– Cinq huit pis trois quarts! ? Facile! ! Cinq huit, c’est la
moitié plus un huit. Trois quarts avec la moitié de c’te
moitié-là, ça fait un pouce. Jusque-là, tu me suis!?
– Euh… vous voulez dire que…
– Reste l’autre moitié de la moitié plus un huit, ça
donne… un pouce et trois-huit. Rien qu’à voir, on voit
ben!! Ensuite, pense à un pouce et demi faible, enlève le
trait de scie pis tu vas tomber drette dans le mille. Bon,
laisse-moi travailler, le jeune. Sinon ton mur d’escalier va
pas se réparer tout seul!!
Fig. 1 Rien qu’à voir, on voit bien!
Ce jour là, quand l’étudiant assista à son cours, il ne
voyait déjà plus les maths tout à fait de la même manière.
La veille, il admirait le génie des savants du Moyen Âge pour avoir inventé le procédé
algébrique d’addition de fractions. Après la leçon du vieux menuisier, il se disait que des
humains possédant des connaissances modestes, mais plus pratiques que les savants
mathématiciens avaient peut-être résolu le même problème,
bien avant l’algèbre et simplement de façon visuelle. « En
utilisant leur jugeote », comme disait le vieux menuisier!! Plus
tard, quand l’étudiant se pencha sur l’étude du théorème de
Pythagore, il se demanda s’il n’en était pas ainsi de tout le
génial édifice théorique mathématique qu’il admirait tant.
Questionnant désormais ses propres certitudes, il se
demanda ce que les menuisiers de l’Antiquité pourraient bien
lui enseigner à ce sujet. Songeur, il murmura : « a2 + b2 est
La corde à 13 nœuds
égal à c2… Rien qu’à voir… Hum, peut-être bien!! »

Pour en savoir plus à ce sujet, cliquer ici.


Section 1 : Rétablir la normalité

Il y a quelques années, un grand quotidien montréalais affichait ce titre-choc au sujet de


l’apprentissage des fractions : Un « cauchemar » pour les élèves québécois [voir la note 1
à la fin du document]. Outre son ton d’autoflagellation tendancieux et immérité [2], l’article
en question souffle le chaud et le froid à propos de ce que nous pourrions appeler le
malaise fractionnaire. On y trouve des pistes de réflexion pertinentes encombrées
d’affirmations navrantes et parfois plus susceptibles d’aggraver le mal que de le guérir.
1.1 Existe-t-il un « malaise fractionnaire »!?
Le malaise fractionnaire est non seulement mondial, mais il est étonnamment ressenti
à travers les mêmes souffrances par les élèves, à peu près partout où des recherches
en didactique ont été menées. « Les fractions sont un des premiers et des principaux
terrains où se développe le dégoût des mathématiques », affirme un auteur respecté,
en introduction d’un ouvrage de réflexion sur le sujet [3]. Citant les plus importants
travaux du monde anglo-saxon à propos de l’enseignement des fractions, deux
chercheuses d’une université montréalaise, concluent que l’enseignement et
l’apprentissage des fractions constituent tout simplement « un échec lamentable » [4].
Moins cruel, mais tout aussi réaliste, un rapport publié par une équipe de chercheurs
de l’Université libre de Bruxelles [5] trace un portrait plutôt sombre de la situation de
l’enseignement des fractions en Europe francophone. Nous recommandons d’ailleurs
chaleureusement la lecture de ce texte éclairant puisqu’on y analyse un environnement
scolaire tout à fait similaire à la situation vécue au Québec. Un malaise fractionnaire
existe donc bel et bien et il plane sur tous les systèmes scolaires, sans discrimination.

1.2 Sommes-nous tous atteints!?


Avant de nous tourner vers les élèves souffrant du malaise fractionnaire et de nous
questionner sur les causes possibles de leurs difficultés, nous allons tenter de cerner
ce qui constitue actuellement l’ensemble des performances normales qui sont
attendues d’un « adulte instruit » au sujet des fractions.
Dans un premier temps, mentionnons la maîtrise des procédés algorithmiques de base
ainsi que l’utilisation adéquate des définitions et du langage symbolique associés aux
fractions. Le tableau ci-dessous résume ce que nous entendons, par efficacité.

EFFICACITÉ DE COMMUNICATION EFFICACITÉ TECHNIQUE

Échanger des connaissances en recourant au Mémoriser des connaissances et utiliser les


vocabulaire et aux expressions symboliques outils et les procédés nécessaires à la réalisation
propres aux mathématiques. Utiliser le langage des tâches attendues. Effectuer les opérations
des fractions et leurs représentations écrites. de base et comparer des fractions.
Exemple : Trouver le dénominateur de 3/4. Exemple : Effectuer 3/4 + 1/8.
L’élève utilise le langage mathématique, une L’élève utilise des procédés techniques,
activité surtout associée aux aires cérébrales sollicitant surtout les aires cérébrales du
du langage et à la mémoire sémantique. langage et la mémoire procédurale.

Question posée : Quoi dire? Quoi écrire? Question posée : Comment?

Outre ces performances d’efficacité de communication et d’exécution technique, nous


souhaitons maintenant ajouter des performances plus subtiles qui découlent de
questions légitimes et souvent posées par nos élèves. Si, comme nous, vous ressentez
d’abord un certain malaise face aux questions de la page suivante, nous vous
encourageons tout de même fortement à en discuter ouvertement avec vos collègues
en vous aidant des éléments de réflexion que nous y avons ajoutés.
Nous adressons ces questions à des adultes instruits1 . Elles découlent
d’interrogations légitimes très souvent formulées par des élèves du primaire et nous
ayant incités à bousculer notre vision de la didactique des mathématiques.
Quelles réflexions en tirerez-vous!? N’hésitez pas à les partager avec nous.

Considérant la définition habituelle d’une Considérant l’addition corrigée au


fraction ordinaire, que représente la partie n° 1 de son test, l’élève demande :
coloriée de chacune des figures ci-dessous?
×1 =
1 = xnote
2 2x
« Pourquoi ma 5
Test : FRACTIONS
a) b) c) d) 2 x x totale est-elle
.

u =
le 2 ÷ 2 10
1 =x
it2 la for×m1 1) 2 + 3 = 5
le xS÷o 5/10 et non 5/5? »
2
5 5 10 X
o it la fo rmu s x = 1 $
Que peut lui
S a
ro$ns le c
X
5
C o xn s=id é
1 répondre son
X
r o n s le cas 1 =2$ C
Consid é ÷
$ 2 prof de maths? C
1 nt d$onc 1
2
$n ÷ob2tie=
2)
3 X
b ti e
2 n t d3onc 1O 1 e c e la est 5
X
On o e q u
3 × 4 =e 2Dqouite-ocneladédeusirt s la « vraie » vie?
C
Soit l’opération C
C
déduir addition a?
» vdie
aieble n
Doit-on est une
a) Si la multiplication
a n s ap«pvlircarépétée,
la À quoi servent les fractions?
le d
a plicab (1/2) est-il plus petit que
pourquoi leprésultat
a) Trouvez au moins 5 situations
chacun des facteurs (2/3 et 3/4) ?
b) Pourquoi ne trouve-t-on pas un dénominateur qui permettront à l’élève de
commun, comme pour l’addition « ordinaire » ? réinvestir les fractions dans
son cheminement scolaire.
b) Ajoutez au moins 5 occasions
pratico-pratiques différentes
Soit la formule x ÷ 12 = x × 21 = 2x de les utiliser dans la vie de
tous les jours.
Considérons le cas x = 1 $ !
Assurez-vous que ces dix
1 applications soient les plus
On obtient donc 1 $ ÷ 2 =2$
variées et accessibles possible
Cette formule s’applique-t-elle pour des élèves du 3e cycle du
vraiment dans la « vraie » vie ? primaire.

Éléments de réflexion
Q1 Aucune de ces représentations de 1/4 ne montre « 1 part sur 4 parts égales ».
a) Pour une majorité d’élèves, prolonger le segment ouvert change la fraction de 1/3 à 1/4.
b) Près de 60 % des élèves de 11 à 14 ans que nous avons évalués répondent 1/5.
c) Ces parts triangulaires ne sont pas « égales ». Pourtant chacune représente bien 1/4.
Q2 La note qui est donnée à chaque numéro du test est bel et bien une fraction (d’ensemble).
Q3 a) L’explication trouvée donne-t-elle du sens à -2 × -3!? Et pour a × b = c, le cas général!?
b) L’explication logique dépend directement de celle donnée en a).
Q4 La réponse est oui. Des exemples pratiques surviennent à l’épicerie. Et même à vélo…
Q5 a) Ces applications montrent que des difficultés à comprendre les fractions entraînent des
conséquences fatales dans la poursuite des apprentissages scolaires des élèves.
b) Ne pas trouver d’applications convaincantes condamne l’élève à devoir comprendre…
plus tard!! L’expérience montre que cela n’arrive malheureusement que très rarement.

1 Dans le cadre de la didactique actuelle en mathématiques, nous considérons que les élèves n’ont aucune chance
de répondre à ce type de question. C’est pourquoi nous les adressons à des adultes instruits, qu’ils soient ou non
impliqués dans l’enseignement des mathématiques. Les milliers de profs et de parents auxquels nous avons
déjà posé ces questions nous ont aidé à établir la normalité recherchée ici, puisqu’ils avaient certainement
eu tout le temps d’intégrer leur apprentissage scolaire des fractions à leurs expériences de vie.
1.3 Est-il devenu NORMAL de ne pas comprendre!?
Les questions de la page précédente font appel au raisonnement et à la
compréhension des fractions. Pour distinguer ces deux processus cérébraux de
l’efficacité, que nous avons définie précédemment, disons d’abord qu’on vise ici les
plus hauts niveaux d’abstraction de la pensée mathématique. L’abstraction analogique
est le mécanisme cognitif qui se trouve au cœur même de la compréhension [6].
L’abstraction logique permet le déploiement du raisonnement [7]. Le tableau suivant
résume le rôle de ces deux modes complémentaires d’abstraction dans le domaine
spécifique de l’apprentissage de l’arithmétique sur les nombres rationnels.

ABSTRACTION ANALOGIQUE ABSTRACTION LOGIQUE

Établir des liens de pertinence ou d’utilité entre Organiser des idées objectives permettant de
les différentes manifestations du concept et la percevoir les structures régulières ou de tirer
réalité. Donner du sens. des conclusions irréfutables. Expliquer.
Exemples : Trouver des applications pratiques Exemples : Soit 2/3 et 3/4. Pourquoi un
pour 1 $ ÷ 1/2 = 2 $ ou 2/3 × 3/4 = 1/2. dénominateur commun avec + et pas avec × ?
La compréhension est une activité cérébrale Le raisonnement est une activité cérébrale
sollicitant surtout les aires visuelles. sollicitant surtout les aires du langage.
Comprendre, c’est VOIR. Raisonner, c’est CONVAINCRE.

Question : Quel est le lien avec la réalité? Question : Pourquoi?

Les questions 4 et 5 qui ont été posées à la page précédente sont associées à la
compréhension! ; les questions 1 à 3 sollicitent le raisonnement. De toutes les raisons
qui peuvent expliquer pourquoi la majorité des adultes instruits n’arrivent que très
rarement à des réponses satisfaisantes, la plus probante est l’absence d’opportunité
d’apprendre. En clair, on peut apprendre les fractions à tous les niveaux scolaires
sans nécessairement devoir les associer à la réalité de manière convaincante et sans
devoir expliquer le pourquoi de ses procédés techniques. On peut être efficace avec
les fractions sans savoir à quoi elles servent ni pourquoi ça marche! ! L’opportunité
d’apprendre peut être abondamment centrée sur la mémorisation et les procédés
techniques, laissant peu ou pas de place à la compréhension et au raisonnement.
Bien que définir la normalité est plus compliqué que cela en ait l’air, nous proposons ce
critère assez consensuel : quand une imposante majorité d’adultes instruits
n’arrive pas à réaliser une performance de niveau élémentaire, ne pas savoir
devient la normalité. Ainsi, nous ne craignons pas d’affirmer que

Dans les conditions actuelles d’apprentissage, il est NORMAL


de ne pas COMPRENDRE à quoi riment les fractions dans la
réalité et de ne pas saisir le POURQUOI des diverses
techniques figurant dans le programme de formation.

Nous profiterons évidemment de la suite du document pour revenir sur toutes les
interrogations soulevées dans le présent chapitre et pour proposer une approche
éprouvée, afin de redonner aux élèves l’opportunité d’apprendre, en sollicitant la
compréhension et le raisonnement authentiques sans pour autant négliger de
valoriser l’efficacité nécessaire à une saine réussite dans l’univers des fractions.
Section 2 : Pourquoi tant de difficultés?

La présente section se veut un vigoureux plaidoyer en faveur de l’intelligence des enfants,


plus spécialement celle de nos élèves qui peinent à satisfaire les attentes actuelles de
l’enseignement des fractions. Dans ce même esprit, nous avons choisi d’écarter
systématiquement toute recherche de culpabilisation dirigée vers les enseignantes et
enseignants du primaire et du secondaire qui doivent naviguer dans les eaux troubles de la
didactique dominante [8]. Nous n’adoptons pas cette approche par angélisme pédagogique
ni par complaisance jovialiste envers les profs. Nous le faisons avec conviction, dans le
but avoué de remettre en question une normalité décevante que nous croyons fabriquée
de toute pièce par une didactique archaïque et impuissante à mener de jeunes cerveaux à
la plus élémentaire compréhension de l’arithmétique fractionnaire.

2.1 Évidences, pseudo causes et fausses pistes


De nombreuses recherches en éducation ont analysé l’enseignement des fractions et
scruté les difficultés ressenties par une majorité d’élèves en ce domaine. Souvent
porteuses d’informations essentielles à la compréhension du malaise fractionnaire, les
causes possibles suggérées conduisent rarement à des solutions pratiques
susceptibles d’aider les enseignantes et les enseignants à sortir du cul-de-sac
fractionnaire, autant dans la classe ordinaire qu’en rééducation.
La compréhension des élèves
L’énoncé suivant établit lui aussi le manque de compréhension comme la normalité et il
rejoint pratiquement toutes les conclusions tirées par de nombreuses autres
recherches sur l’apprentissage des fractions : « […] une majorité d’écoliers, lorsqu’il
s’agit de fractions, ne saisissent pas le pourquoi des choses et se bornent au
comment : ils exécutent les opérations selon des règles imposées sur des objets
mathématiques qu’ils méconnaissent. » [9] À part, enfoncer le clou en exposant des
performances jugées décevantes à des questions plutôt élémentaires [10], aucune
recherche portée à notre attention n’arrive cependant à expliquer pourquoi ce marasme
fractionnaire affecte autant d’enfants normaux et intelligents qui sont pourtant capables
d’apprentissages authentiques et admirables, par exemple dans les domaines de la
technologie ou des arts. Sans oublier tous ces adultes instruits, dont les connaissances
scolaires résiduelles se distinguent à peine de celles constatées chez plusieurs élèves
en difficulté. Nous considérons que les causes du malaise fractionnaire se trouvent
dans l’opportunité d’apprendre, c’est-à-dire bien en amont des aptitudes réelles des
élèves, dans le manque d’opportunité d’apprendre propre à la didactique dominante.
Les connaissances mathématiques des profs
Il est évident que plus les enseignantes et les enseignants sont formés en
mathématiques, plus ils sont susceptibles d’être habiles à présenter ces mêmes
contenus académiques à leurs élèves. Cependant, si la solution se trouvait du côté de
la connaissance experte de l’arithmétique fractionnaire, la plupart des enseignants
spécialistes du secondaire auraient tôt fait de redresser la barre puisque le chapitre
des fractions à ce niveau d’enseignement est, à s’y méprendre, très proche de celui du
primaire. De plus, quand nous avons adressé les questions de la Section 1.2 à des
profs de mathématiques normalement qualifiés, plusieurs ont justifié leur malaise en
soulignant leur propre manque d’opportunité d’apprendre. La question qui se pose n’est
donc pas de savoir si plus de connaissances mathématiques du prof augmenteraient la
réussite des élèves, mais bien quelles connaissances sont les plus susceptibles de
favoriser cet objectif. En tout cas, mieux connaître les procédés techniques et le
vocabulaire approprié ne semble pas une solution au malaise fractionnaire que nous
soulignons. Nous reviendrons plus loin aux attentes vis-à-vis de la formation des
maîtres, celles-ci étant davantage reliées aux choix didactiques proposés par le milieu
universitaire.
Le manque de matériel de manipulation
Une autre hypothèse suggère que les élèves comprendraient mieux les fractions si plus
de matériel était utilisé en classe. D’accord, mais encore faudrait-il au moins s’entendre
sur le rôle que doit jouer le matériel dans l’approche didactique. Il est pour nous
sidérant de constater que, dans le monde de la recherche en enseignement des
mathématiques, cet aspect fasse encore aujourd’hui l’objet de prises de position
diamétralement opposées [11]. Ainsi, à une extrémité du spectre, certains préconisent le
recours au matériel pour appliquer les procédés techniques enseignés sèchement,
dans un premier temps, tandis qu’à l’autre extrémité et dans des termes plus ou moins
communs, des chercheurs valorisent plutôt l’inverse, c’est-à-dire travailler avec le
matériel pour éclairer l’apprentissage ultérieur des techniques. Entre ces positions aux
fondements irréconciliables, des suggestions nuancées proposent des développements
plus ou moins concomitants ou interactifs de l’usage du matériel et des procédés
techniques. Comment s’étonner du malaise fractionnaire ressenti par nos élèves quand
une question didactique aussi fondamentale n’est toujours pas clairement résolue, à
savoir Faut-il comprendre avant d’apprendre des automatismes ou automatiser avant
de chercher à comprendre!? Sans commentaire!!
Si le débat du rôle à attribuer au matériel persiste, la didactique
dominante penche clairement du côté truc-d’abord-
compréhension-plus-tard. Ainsi, les supports visuels les plus
utilisés dans l’enseignement des fractions demeurent les cercles
fractionnaires (tartes, pizzas ou disques divers) et ils servent
généralement à illustrer les démonstrations. Il serait en effet
difficile de demander aux élèves de dessiner eux-mêmes des
cercles pour réfléchir sur l’arithmétique fractionnaire, car cela impose un obstacle
technique très difficile. À titre d’exemple, on imagine mal dessiner 1/3 + 1/4 dans des
cercles pour comprendre la mise au dénominateur commun. Et pour illustrer 2/3 × 3/4!?
Les lignes numériques sont elles aussi assez populaires
comme références visuelles. On les retrouve sous forme
de bandes rectangulaires ou simplement représentées
par l’axe des nombres. Tout comme les cercles
fractionnaires, les lignes numériques peuvent aider à
imiter des techniques, mais elles n’apportent que peu de
compréhension au sujet de la pertinence de la mise au
dénominateur commun pour comparer deux fractions et aucune aide pour visualiser la
multiplication ou la division. Le rôle du matériel étant directement dépendant de la
didactique valorisée, c’est encore vers celle-ci que nous devons tourner notre intérêt,
plutôt que vers le matériel disponible en classe parce que, même concrétisés au moyen
de cercles esthétiques ou de bandes colorées, les procédés techniques sur les
fractions ne génèrent pas la compréhension ni le raisonnement autonome de qualité.
Sans pour l’instant davantage développer un principe didactique majeur qui guidera
plus loin nos choix de présentation des activités aux élèves, nous soumettons dès à
présent l’idée que, s’il fallait d’abord acquérir les automatismes des mathématiques
avant d’en développer une compréhension concrète dans le monde réel et, disons-le,
pratico-pratique, personne n’aurait inventé les procédés abscons de l’arithmétique
fractionnaire!! L’histoire des mathématiques fournit les meilleures preuves à l’effet qu’il
faut d’abord savoir ce que l’on désire et pourquoi on le désire avant de développer les
outils ou les procédés qui nous permettront d’y accéder efficacement et rapidement.
C’est surtout dans cet esprit éminemment utilitaire que nos élèves apprennent, en
dehors du circuit scolaire. À cet égard, quel autre apprentissage pouvons-nous
imaginer qui motiverait un enfant à s’exercer avec ardeur en acceptant que cet
investissement onéreux ne devienne pertinent, utile ou compris que dans le futur!?
Les manuels de base
Au Québec, depuis près d’un demi-siècle, des règles d’approbation strictes encadrent
l’édition scolaire au moyen d’une évaluation formelle de conformité appliquée aux
guides d’enseignement et aux manuels non périssables [12]. C’est tout de même le
programme de formation qui impose des choix didactiques aux éditeurs et l’impact des
manuels approuvés à l’enseignement s’inscrit donc plus comme une conséquence
qu’une cause profonde du malaise fractionnaire. Il n’est pas inutile d’ajouter qu’après
une première vague d’implantation d’un nouveau programme, soit une dizaine
d’années, des cahiers d’exercices non soumis aux exigences et au processus
d’approbation font leur apparition et occupent de plus en plus l’espace laissé vacant
par les manuels approuvés usagés, faute de ressources financières accordées aux
écoles pour les renouveler. L’enseignement des fractions sort rarement gagnant de ce
type d’accommodement économique. Globalement, nous considérons qu’il serait de
toute façon peu réaliste d’exiger des éditeurs qu’ils s’imposent des standards
didactiques plus élevés, voire opposés à ceux établis par le programme de formation.
Ce serait demander aux bœufs d’inventer le tracteur!!

L’effet Buckley
Il est difficile de ne pas inclure dans la présente liste une posture souvent rencontrée
qui tend à rendre quasi acceptable le malaise mathématique, en général, ou même à
lui accorder une contribution essentielle à la formation intellectuelle. Il y a quelques
années, une campagne publicitaire plutôt réussie faisait la promotion d’un sirop pour la
toux au goût particulièrement désagréable avec ce slogan-choc : « Ça goûte mauvais
et ça marche! ! » Prétendre que le malaise ressenti à la suite d’un apprentissage sans
liens avec la réalité et porteur d’une logique algorithmique rendue inaccessible aurait
un quelconque effet positif sur le développement cognitif constitue le plus fallacieux
des faux-fuyants et nous déplorons tout refus de considérer l’intelligence des enfants
comme terreau indispensable à leurs apprentissages. Ne pas comprendre et ne pas
savoir pourquoi ne « marche » pas du tout pour les fractions! ! Il y a trop d’élèves
normaux mystifiés par ce sujet et trop d’adultes instruits qui n’y comprennent rien pour
accorder le moindre mérite formateur à ce « cauchemar », à cet « échec lamentable ».
Quand une majorité d’élèves décroche, quand la plupart des adultes instruits ne
comprennent toujours pas, quand une majorité de profs avouent leur propre inconfort,
quand beaucoup de chercheurs ne trouvent pas et que ne pas comprendre est devenu
normal, il faut réfléchir mieux pour traquer les causes du malaise.
La dyscalculie
Plusieurs personnes seront surprises d’apprendre que la dyscalculie est une maladie
mentale. Aussi nommée trouble du calcul, même si la dyscalculie a fait son apparition
dans le DSM [14] et nous considérons ses critères diagnostics comme « scientifiquement
infondés » [15]! ! Il faut dire que la publication récente de la nouvelle édition du DSM fait
l’objet de l’une des plus importantes controverses dans l’histoire de la psychiatrie
moderne. Les deux principaux dénonciateurs des abus du DSM étant Robert Spitzer,
illustre réformateur du diagnostic et grand architecte du DSM 3, et Allen Frances, le
très influent psychiatre américain qui a présidé le comité rédacteur du DSM 4. Nous ne
souhaitons pas exposer ici notre argumentation contre le recours à une maladie aux
allures chamaniques pour justifier le malaise fractionnaire pas plus que les autres
difficultés en mathématiques. Nous nous contenterons simplement d’une citation chère
à Spitzer et reformulée dans des termes très articulés par Frances [16].
« À quoi leur sert d’avoir des noms, demanda le Moucheron, s’ils ne répondent pas
à ces noms! ? — À eux, ça ne leur sert à rien, dit Alice, mais c’est utile, je le
suppose, aux gens qui les nomment. Sinon, pourquoi les choses auraient-elles
des noms!? » [Alice au pays des merveilles]
2.2 Obstacles à l’apprentissage des fractions
Au moment de chercher à mieux cerner le malaise fractionnaire, on serait porté à croire
que l’inventeur de la théorie de la relativité a émis l’opinion suivante pour nous avertir :
« La théorie, c’est quand on sait tout et que rien ne fonctionne. La pratique, c’est
quand tout fonctionne et que personne ne sait pourquoi. Ici, nous avons réuni théorie
et pratique : rien ne fonctionne... et personne ne sait pourquoi!! » [Albert Einstein]
Affirmons d’abord notre conviction que la grande majorité des élèves peuvent
comprendre les fractions. Nous sommes cependant conscients que des conditions
adverses peuvent entraver cet apprentissage et pour les décrire, nous adhérons à la
vision rafraîchissante de Brousseau [17] quant au rôle joué par trois types d’obstacles :
« […] nous allons nous intéresser à d’autres causes, celles qui résideraient dans le
rapport de l’élève au savoir et aux situations didactiques et non plus dans celles qui
seraient liées à ses aptitudes ou à d’autres caractéristiques. […] Mettre en cause
l’élève, uniquement l’élève, me paraît une attitude analogue (aussi vaine) que celle
qui chercherait à expliquer pourquoi l’eau fuit d’un seau percé en analysant les
différences de qualité entre l’eau qui est sortie et celle qui est restée, comme si les
raisons de la fuite résidaient dans des qualités propres à l’eau. » [18]
2.2.1 Obstacles posés par le concept mathématique de fraction lui-même2
La fraction est un concept multiforme, un véritable monstre polycéphale. En donner
une définition [19] correcte pose un premier obstacle qui ressemble à combattre une
hydre impitoyable. Pour bien saisir les risques encourus, voyons ce q u e la
fraction 2/3 évoque spontanément, dans notre esprit. Faisons Opérateur
Partition
maintenant le même exercice mental avec la fraction 7/4.
Bien que ces deux fractions soient assimilables au cas Quotient
général a/b, il arrive très souvent qu’elles soient Proportion
attribuées à des têtes différentes de l’hydre fractionnaire. Rapport
La représentation la plus souvent évoquée pour 2/3 par
l’adulte instruit est une partition de tarte. Imaginons, par
exemple, le prélèvement de 2 morceaux d’une tarte Mesure
subdivisée en 3 parts égales. La fraction 7/4 est quant à elle
généralement associée à un quotient donnant lieu à un
nombre fractionnaire, soit 7 ÷ 4 = 1 3/4.
Ces associations n’ont cependant rien d’obligatoire et ne reposent sur aucune base
mathématique absolue. À l’inverse, il serait parfaitement correct de se représenter 2/3
comme le quotient 2 ÷ 3 (imaginons 2 tartes partagées entre 3 personnes) et 7/4
comme une partition du type 7 × 1/4 (imaginons quelques tartes subdivisées en 4 parts
égales et prélevons ensuite 7 morceaux, ce qui représente une tarte et trois-quarts).
Pour l’architecte, ces deux fractions pourraient cependant évoquer une tout autre idée,
soit celle du rapport associé au calcul d’échelle. Dans ce cas, 2/3 représente une
réduction et 7/4 évoque un agrandissement. Traditionnellement, l’école primaire
propose d’abord la définition de partition. Après une, deux et parfois même trois
années de partitions guillerettes, les cas du type 7/4 (fractions impropres) surgissent
obligeant l’élève à affronter une autre tête de l’hydre sournoise. De nombreux auteurs
parlent ici de rupture. D’autres ruptures suivront, avec la rencontre des nouvelles têtes
de l’hydre. Établir une définition valide de la fraction qui soit adaptée aux jeunes élèves
est un combat perdu d’avance. Si on choisit une manifestation plus simple, les autres
têtes de l’hydre nous dévoreront tôt ou tard. Si on définit la bête dans sa globalité, la
définition devient abstraite, déconnectée de toute représentation visuelle et tout
simplement inaccessible pour les élèves. Le choix de LA définition de fraction
ordinaire destinée à de jeunes cerveaux crée un obstacle monstrueux.

2 Brousseau qualifie ces obstacles conceptuels d’épistémologiques, c’est-à-dire qu’il relèvent de la théorie de la
connaissance particulière au sujet ou, dans le cas qui nous intéresse, de l’arithmétique des nombres rationnels.
La nature multiplicative du concept de fraction pose un deuxième obstacle
épistémologique considérable. Dans le Dictionnaire de mathématiques élémentaires,
la fraction est présentée comme un nombre « à deux étages » [20].
Cette analogie lumineuse traduit clairement l’idée de la nature
différente de nombres comme 2/3 ou 7/4, comparés à 6 ou -5. La Nature additive
fraction s’exprime par un rapport de division entre deux quantités, 3
soit ici 2 par rapport à 3 ou 7 par rapport à 4. Cela ajoute alors une
Nature multiplicative
nouvelle dimension au nombre entier et on dira que le concept de
fraction est de nature multiplicative. Pour illustrer cette différence,
considérons la mesure de l’étendue d’un segment qui s’exprime par 2
une seule valeur (voir le cas 3 cm, à droite), tandis que pour obtenir
l’étendue d’un rectangle, il en faut deux, longueur PAR largeur. Le
rapport 2/3 exprime bien les proportions du rectangle ci-contre, une 3
autre façon de révéler la double dimension de la fraction. Tout
comme le rectangle, la fraction est bidimensionnelle. La nature d’abord additive, puis
multiplicative de la représentation des nombres a aussi laissé des traces d’une lente
évolution dans l’histoire des numérations [21]. Enfin, constatons que, à sa face même, la
fraction ordinaire est exprimée par une opération de division non effectuée, puisque sa
notation y recourt explicitement. En effet, a/b est un parfait synonyme de a ÷ b,
consacrant l’obstacle permanent de la présence sous-jacente et parfois sournoise
de la dimension multiplicative dans la nature même du nombre rationnel.
Puisque la fraction exprime un rapport de division par sa structure symbolique, il n’est
pas inutile de soulever un deuxième obstacle posé
par le concept d’équivalence qui gouverne l’idée
de rapport proportionnel. En numération sur les
nombres entiers, l’équivalence permet de décomposer
des nombres tout en considérant que ce type de
changement ne change… rien! ! Ainsi, 1 centaine +
3 unités et 9 dizaines + 13 unités sont des visages
différents de 103, mais ils sont égaux à cause de
l’utilisation de l’équivalence entre les diverses unités
ou positions du système de numération. Avec les
fractions, la présence de l’équivalence est
omniprésente et le rôle qu’elle joue est une source de
difficulté conceptuelle prévisible, notamment dans la
compréhension du rôle joué par les fractions
équivalentes. En guise d’exemple, au moment
d’additionner 3/4 + 5/8, on pourrait dire que 3/4 n’est
pas la meilleure représentation de cette fraction,
compte tenu de l’opération à faire. Il suffirait
cependant d’adopter la représentation équivalente 6/8
pour lever la difficulté et ainsi transformer une addition
« difficile » en une autre, beaucoup plus simple3.
L’idée élémentaire de changer sans rien changer
peut devenir un obstacle dans plusieurs chapitres de
l’arithmétique fractionnaire, notamment en addition, en
soustraction ou pour établir une comparaison ou une
mise en ordre (voir ci-contre) de plusieurs fractions.

3 Voir les étapes 3 et 4 dans la Revue de l’ADOQ, Les incontournables du nombre, publiée en novembre 2011.
Le dernier obstacle conceptuel que nous désirons souligner à gros traits est posé par
la structure inclusive des ensembles de nombres véhiculant l’idée
fondamentale d’extension [22]. L’extension dans les nombres réels est
R
illustrée ci-contre au moyen d’ensembles emboîtés. À partir des nombres
Q
naturels N = {0, 1, 2, 3…}, une première extension conduit aux entiers
relatifs Z = { …-2, -1, 0, 1, 2…}. Ce nouvel ensemble recouvre aussi bien Z N
les « nouveaux nombres négatifs » que l’ensemble de départ des nombres
a × c = a×c
naturels. L’ensemble des nombres rationnels Q b est
d une
b × d autre extension
appliquée cette fois à partir de Z. Tout nombre qui peut s’écrire sous la forme a/b avec
a et b dans Z et b ≠ 0 est un nombre rationnel, soit un « nouveau nombre » à deux
étages. Cela signifie que -3/1, 0/1, 4/1 (c’est-à-dire les nombres -3, 0 et 4) s’intègrent
dans Q, par extension en devenant des fractions et donc eux aussi des nombres à
deux étages! ! 4 L’obstacle conceptuel colossal posé par l’arrivée des fractions consiste
non pas à rencontrer de nouveaux nombres, mais plutôt à y raccrocher ceux déjà
connus, avec toutes leurs opérations. Car, si Q introduit bien de nouveaux nombres,
les opérations de l’arithmétique sur les entiers (+, –, × et ÷) se présentent dans Q sous
le même nom et sous le même visage symbolique que dans N. Les quatre opérations
vont désormais s’appliquer à tous les nombres rationnels, incluant ceux issus de N ou
de Z devenus des sous-ensembles de Q. Ajoutons finalement que l’algèbre élèvera au
maximum l’obstacle de l’extension en appliquant les opérations de base à tous les
nombres réels R . Pour mesurer l’immensité de l’obstacle
d’extension, observons à droite la définition algébrique
Samedi, 17 octobre 2015 de la a c = a×c
multiplication dans Q. Cette formule s’applique aussi dans N et b × d b×d
dans Z quand b = d = 1. Cependant, en sens inverse, l’addition
répétée définie dans N ne peut pas être étendue dans Q, un constat normalement
déjà fait à la question 3 de la Section 1! ! L’extension ne fonctionne d’ailleurs pas plus
vers Z (par exemple avec -2 × -3 = +6, un cas mystifiant, pour l’addition répétée!!) que
vers R (par exemple pour ∏ × ∏, un cas impossible à justifier par la répétition).
L’obstacle de l’extension devient ainsi indissociable du choix éventuel des
définitions visant à « présenter » la multiplication ou la division aux élèves.

2.2.2 Obstacles posés par le développement cognitif de l’élève 5


Le sens du nombre évolue chez l’enfant selon un parcours cognitif de plus en plus
éclairé par les neurosciences qui ajoutent, renforcent et parfois même corrigent les
travaux fondateurs en psychologie de Jerome Bruner, Jean Piaget et Lev Vygotsky,
sans oublier d’indispensables recherches en didactique des mathématiques qui leur ont
donné un sens dans l’apprentissage scolaire. Notre présente réflexion s’inscrit dans
une perspective socioconstructiviste, puisque nous considérons que cette vision du
développement de l’intelligence est celle qui colle le mieux à l’évolution des
mathématiques dans leur histoire et dans les capacités des enfants [23].
Le premier obstacle de nature cognitive à surmonter dans l’apprentissage des
fractions dépend d’une évidence malheureusement souvent ignorée, particulièrement
face à un élève en difficulté de 10 ans ou plus. Puisque la fraction est de nature
multiplicative, elle ne peut être comprise que si l’élève a solidement acquis le
concept de multiplication/division. Nous insistons sur le sens à donner au terme
« solidement ». Au début de la première année, le nombre perçu par les enfants est
essentiellement de nature additive et il ne devient multiplicatif qu’au moment de

4 Voir la métaphore que nous proposons au sujet de cette extension, en page couverture du présent document.
5 Brousseau les décrit comme des obstacles d’origine ontogénique, c’est-à-dire qui surviennent à cause des limites
du développement de l’enfant, de son âge, de sa culture ou d’autres facteurs essentiellement individuels.
l’acquisition du concept de nombre, celui sur lequel Piaget a jadis attiré l’attention du
monde de l’éducation. Le concept piagétien de nombre est acquis, en moyenne, vers
l’âge de 6 ans et demi. Cette donnée essentielle signifie que dans une classe ordinaire
de 1re année, en janvier, il est statistiquement prévu qu’environ un élève sur deux aura
acquis le concept de nombre. Cela laisse la moitié du groupe dans l’univers additif du
nombre. L’acquisition du concept de multiplication apporte à l’élève une perception plus
évoluée du nombre, mais elle demeure insuffisante pour aborder l’univers de la fraction
proprement dite. Déjà, ce constat devrait être plus que suffisant pour tuer dans l’œuf
toute tentative de voir chez les enfants de moins de 6 ans une quelconque capacité de
réfléchir de façon autonome sur le sens même élémentaire de la fraction. Savoir
partager un biscuit en deux portions plutôt inégales (ma moitié étant évidemment plus
grande que celle de l’autre…) et pouvoir les nommer moitiés ne relève aucunement de
la pensée multiplicative dont il est ici question [24]. La pensée multiplicative acquise
pour plusieurs au début de la deuxième année du primaire va gagner en solidité avec
la maîtrise du groupement, la combinaison d’ensembles, l’arrangement, la notion d’aire
et toute une panoplie de représentations multiplicatives du nombre entier. Pour
l’enseignement des fractions en classe ordinaire, l’acquisition solide du concept de
multiplication ne peut donc être logiquement tenue pour acquise avant le 2e cycle du
primaire, ce qui est largement confirmé par la grande majorité des études qui situent
vers l’âge de 9 ans le moment idéal pour introduire les fractions proprement dites dans
le programme d’étude. À ce sujet, une recherche éclairante [25] dédiée à l’acquisition de
la pensée multiplicative tire les conclusions suivantes :
1. La pensée multiplicative est nettement distincte de la pensée additive.
2. La pensée multiplicative apparaît chez la moitié des élèves de 2e année.
3. La pensée multiplicative se développe lentement chez les élèves du primaire.
4. À peine la moitié des élèves de 5e année ont une solide pensée multiplicative6.
Dans le présent document, nous serons brefs au sujet du développement de la
dimension multiplicative du nombre entier chez les élèves du primaire. Outre les
travaux mentionnés à la note [24], à la fin du document, et la recherche mentionnée ci-
dessus, nous renvoyons les lecteurs au dossier intitulé Les Incontournables du
nombre [26] , que nous avons précédemment rédigé et où nous décrivons le
développement initial du concept de multiplication, son évaluation et des activités
possibles pour en stimuler l’acquisition. Pour la suite, nous y ferons simplement
référence, quand cela sera opportun. Aux conclusions énoncées ci-dessus au sujet de
la pensée multiplicative, nous ajoutons la nôtre. La définition de la multiplication
comme une addition répétée est mathématiquement erronée puisqu’elle
rencontre plusieurs exceptions. Elle crée un obstacle au développement de la
pensée multiplicative parce qu’elle ne se distingue pas assez de la pensée
additive. Cet obstacle devient déroutant, même pour l’adulte instruit, dans la
multiplication de fractions, dans celle des entiers négatifs et en algèbre.

NOTES IMPORTANTES
1. Pour évaluer la compétence de l’élève au sujet du concept de multiplication ou pour la
développer au niveau approprié, nous vous invitons à consulter le document Étapes
incontournables du nombre. Sans la pensée multiplicative, nous considérons qu’il est
nuisible et inutile de viser l’acquisition, même la plus élémentaire, du concept de
fraction.
2. Dans le même document, la nature du concept d’équivalence et son rôle indispensable
dans la compréhension de la numération est présenté (Étape 3).

6 Traduction libre de : « A surprising finding is that only 49 % of the fifth graders are solid multiplicative thinkers. »
Un deuxième obstacle d’origine cognitive dépend du développement chez l’élève
du sens de l’équivalence nécessaire à la notion de proportion. Le psychologue
Gérald Noelting a étudié ce développement dans la perspective constructiviste de la
théorie piagétienne de l’équilibration dans une recherche fondamentale [27]. Dans une
série d’épreuves, les enfants devaient évaluer le goût
plus, moins ou également prononcé de divers mélanges
faits d’eau et de jus d’orange. La recherche démontre
que ce n’est qu’au stade opératoire concret inférieur IIA,
Fig. 1 – Mélanges 1:1 vs 2:2
soit vers l’âge moyen de 8 ans, que l’enfant peut
maîtriser l’égalité des rapports 1:1 et 2:2. Autrement dit,
environ la moitié des élèves de 8 ans sauraient
reconnaître que les mélanges illustrés à la figure 1 ont le
« même goût ». Et ce n’est qu’au stade opératoire
concret supérieur IIB que la même performance serait
accessible, en moyenne vers l’âge de 10 ans et demi, Fig. 2 – Mélanges 2:4 vs 1:2
avec les mélanges proposés à la figure 2. Ces
conclusions convergent parfaitement vers celles précédemment établies pour la
pensée multiplicative solide. Il semble donc illusoire de proposer l’étude proprement
dite des fractions avant l’âge de 9 ans, en tout cas dans la classe ordinaire, sachant
que la grande majorité des élèves en sont alors à développer un « Schème de variation
de termes inégaux, traités conjointement » [28]. Ce schème est exactement celui qui
permet de considérer que les fractions suivantes sont équivalentes : 1/2 et 2/4. Cette
capacité d’égaliser la relation entre 1 et 2 avec celle entre 2 et 4 se retrouve dans
l’égalité fondamentale 1/2 = 2/4. Déduire faussement que 2 quarts sont supérieurs à
1 demi en ne considérant que la valeur des numérateurs est un obstacle
fréquemment heurté par les élèves de moins de 8 ans ou par ceux plus âgés qui
éprouvent des difficultés.

NOTES IMPORTANTES
1. Pour évaluer la compétence de l’élève au sujet du concept d’équivalence ou pour la
développer au niveau approprié en numération, nous vous invitons à consulter le
document Étapes incontournables du nombre. Assurez-vous que les notions d’échange
équivalents sont au moins compris sur les nombres entiers, comme proposés à l’Étape 3,
avant de viser un quelconque apprentissage de base sur les fractions.
2. Pour amorcer les activités-clés proposées à la Section 3 du présent document, nous
considérons que l’élève doit suffisamment capter l’idée d’équivalence, pour réfléchir
de façon autonome à des problèmes portant éventuellement sur des proportions
simples. Les premières activités de la Clé 1 devraient vous permettre d’établir cette
capacité de réflexion autonome.

Le dernier et le plus fréquent obstacle relié au développement cognitif de l’élève


se dresse tel une muraille quand le système scolaire primaire oublie que sa clientèle est
composée d’enfants de moins de 12 ans. Les enfants sont des êtres
fondamentalement concrets qui, en dehors de l’école, ne manifestent aucun intérêt
pour se dépasser à apprendre sans pertinence et sans liens avec leur réalité. Enfin,
si un apprentissage s’avère difficile – cela arrive souvent quand vient le temps de
manipuler des logiciels ou des outils technologiques complexes, de jouer aux échecs ou
d’un instrument de musique, de performer dans des activités sportives ou artistiques,
etc. –, un environnement ludique et adapté à leur réalité d’enfants peut les amener à
réaliser de véritables exploits dont nous avons tous connaissance, tous les jours de…
weekend! ! En peu de mots, il ne faut pas que le simple fait d’être un enfant
devienne un obstacle à l’apprentissage des mathématiques proposées à l’école.
2.2.3 Obstacles posés par les orientations didactiques du système scolaire
Avant d’établir en quoi la didactique des mathématiques [29] peut causer des obstacles
majeurs à l’apprentissage, définissons brièvement ce que nous entendons par
pédagogie et par didactique. La pédagogie est l’ensemble des stratégies et des
moyens mis en œuvre pour favoriser les relations entre les élèves et l’environnement
humain et physique que représente la classe. La pédagogie recouvre l’art d’intéresser,
de motiver et de favoriser la concentration et la réflexion des élèves sans oublier leur
habileté à coopérer entre camarades tout en développant une solide confiance en soi.
La pédagogie crée l’environnement le plus favorable possible à la didactique et elle se
trouve au cœur de la relation entre le prof et ses élèves.
La didactique s’applique à isoler les stratégies d’enseignement objectives les plus
propices à l’apprentissage. Elle détermine les éléments à inscrire dans le programme
de formation ainsi que la progression des apprentissages. La didactique influence
directement les modes de présentation des activités, le choix des manuels, la sélection
du matériel de manipulation ainsi que la façon dont les élèves pourront l’utiliser. La
didactique guide l’ensemble du processus d’évaluation des apprentissages et façonne
les instruments de mesure qui seront proposés. La didactique est généralement propre
au sujet enseigné! ; la langue maternelle, la musique, une langue seconde, un sport
quelconque, la danse, les sciences de la nature ou les mathématiques comportent des
spécificités qui doivent être prises en compte par la didactique sans nécessairement
affecter la pédagogie. La didactique est une science, la pédagogie est l’art qui
humanise la didactique.
Pour compléter cette trop brève introduction, ajoutons que pour une matière scolaire
donnée, on devrait généralement parler de didactiques, au pluriel! ;
il existe donc plusieurs didactiques des mathématiques [30].
Puisque le but du présent document n’est pas celui de l’étude
de la didactique des mathématiques, on nous excusera de
présenter la suite dans un format simplifié, au risque
d’escamoter des notions importantes à nos yeux. Par
contre, nous nous concentrerons sur la facette qui nous
préoccupe, à savoir en quoi le choix d’une didactique
des mathématiques peut créer d’importants obstacles
à l’apprentissage des fractions en classe.
La didactique des mathématiques est un supermarché pour
les concepteurs de programme, les formateurs universitaires,
les conseillers pédagogiques, les auteurs et, bien évidemment,
pour les profs en général! ! Pour l’enseignement des fractions,
ce supermarché prend vite des allures de bazar cacophonique où règne la confusion la
plus désolante!! On y trouve côte à côte érigés des monuments remontant à l’Antiquité,
des édifices d’une modernité admirable, de nombreuses bicoques rafistolées à la va-
vite certaines évoquant les bidons-villes intellectuels les plus sordides et des tours
d’ivoire atteignant parfois une altitude vertigineuse. Plusieurs vendeurs apprécient peu
les acheteurs et les gens de la rue, car ils leur reprochent de ne pas s’intéresser à
leurs réflexions philosophiques ou à leurs travaux scientifiques. Les profs-acheteurs se
sentent souvent laissés pour compte et ils réclament que les chercheurs-vendeurs
soient davantage préoccupés par le volet pratique de l’enseignement et plus sensibles
à la réalité de leur classe. Les conflits philosophiques y sont permanents et de
supposées vérités didactiques entraînent parfois l’enseignement dans des mondes
diamétralement opposés, comme cela est encore étonnamment le cas à propos du rôle
de la manipulation dans l’apprentissage. Le capharnaüm du bazar de la didactique des
fractions n’a d’égal que la profondeur du malaise fractionnaire
Mercredi, 21 octobre 2015 ressenti à l’autre bout de
la tuyauterie de l’enseignement. Et bien peu d’eau s’écoule généralement quand
s’ouvrent les robinets scolaires alimentant l’apprentissage des fractions!!
Le premier obstacle à l’apprentissage des fractions est le choix déterminant et
souvent inconscient de la didactique elle-même, car c’est elle qui sous-tendra
ensuite toute la dynamique de notre enseignement. Bien que plurielle dans ses
versions potentielles, la vision didactique devient assez singulière quand les fractions
sont au menu. Après un tour d’horizon des approches proposées depuis quelques
décennies au Québec ou ailleurs et malgré des nuances que nous regrettons de ne pas
exprimer ici, il est tout de même facile de s’entendre pour dire qu’il existe trois modèles
didactiques généraux recouvrant l’ensemble des approches disponibles pour
l’enseignement des fractions. La première didactique remonte aux sources les plus
antiques de l’école, nous l’appellerons la didactique du théorème. Directement
inspirée de la pensée mathématique grecque et façonnée dans l’œuvre géométrique
d’Euclide, elle continue d’influencer fortement l’enseignement actuel et plus notre
apprentissage des fractions avance, plus nous sommes susceptibles de la rencontrer.
Un deuxième modèle didactique est apparu il y a environ un demi-siècle et il a
principalement pour but d’amortir la rigueur et l’austérité de la didactique du théorème,
quand on s’adresse à des élèves du primaire. Nous l’appellerons la didactique de
l’illustration. Enfin, nous définirons une troisième voie, celle empruntée dans le volet
pratique du présent document! ; c’est la didactique du menuisier. Cette dernière
approche est peu répandue en enseignement des mathématiques. Elle recouvre
cependant plusieurs vaillantes tentatives qui ont pour caractéristiques communes de se
heurter à l’imposante muraille de la didactique dominante. Par contre, les racines
cognitives fondamentales de la didactique du menuisier ont depuis toujours contribué à
l’évolution de la technologie ou à la création des mathématiques et ce sont elles qui ont
permis aux cuisinières, aux menuisiers, aux couturières et à d’innombrables artisans et
gens ordinaires d’utiliser de façon experte les fractions pour maîtriser leur art ou pour
répondre à des besoins essentiels de leur quotidien. Ces racines cognitives sont
également celles qui permettent à la presque totalité des enfants de s’approprier les
outils et les applications de la technologie moderne d’une manière qui devrait nous
épater et nous orienter. En effet, l’apprentissage scolaire gagnerait à s’y raccrocher et
c’est précisément ce que nous suggérons dans le volet pratique du présent document
après avoir nous-mêmes constaté l’incroyable fécondité de cette orientation.

Le tableau ci-dessous résume les caractéristiques permettant de préciser le modèle


didactique du programme de formation et celui des multiples outils qui sont proposés à
l’école. Chaque enseignant ou orthopédagogue peut également associer ses propres
convictions à l’un ou l’autre des modèles décrits ou ne reconnaître sa démarche dans
aucune des didactiques que nous décrivons. Peu importe les catégories adoptées,
notre enseignement est inévitablement guidé par un modèle didactique qu’il soit
explicitement formulé ou non et il devient essentiel de préciser quel gouvernail oriente
notre approche sur les fractions si l’on souhaite dissiper le malaise fractionnaire actuel.

Didactique du théorème Didactique de l’illustration Didactique du menuisier

Inspirée par la didactique du


Inspirée par la logique des Inspirée par l’Histoire des maths
théorème, mais fondée sur le
mathématiques et fondée sur la et fondée sur la réinvention
recours à l’exemple, au matériel
démonstration livrée par le personnelle et l’aptitude naturelle
et à l’interaction avec la classe
discours du prof. à résoudre des problèmes
pour donner du sens.

La suite de cette section


est en cours de rédaction.
Section 3 : Quel cadre conceptuel faut-il suivre!?

Section en cours
de rédaction.

Section 4 : Activités-clés

Section en cours
de rédaction. Voir les
ressources disponibles
dans le dossier
Activités-clés
Notes et références

[1] Journal de Montréal du 28 août 2014


[2] Depuis plus de deux décennies, les résultats en mathématiques des élèves québécois, tant
du primaire que du secondaire, se situent dans les tout premiers rangs des pays
occidentaux, tout juste derrière quatre ou cinq pays asiatiques. Bien que l’école québécoise
souffre elle aussi du malaise fractionnaire, ses performances n’ont rien à envier aux autres
systèmes scolaires du monde.
Pour le primaire et le début du secondaire, voir http://www.education.gouv.qc.ca/fileadmin/
site_web/documents/PSG/statistiques_info_decisionnelle/bulletin_6an.pdf.
Pour le secondaire (élèves de 15 ans), voir http://www.ledevoir.com/societe/education/
394207/le-quebec-eleve-modele-en-mathematiques PISA et http://cmec.ca/Publications/
Lists/Publications/Attachments/318/PISA2012_CanadianReport_FR_Web.pdf.
[3] Pourquoi ont-ils inventé les fractions, Nicolas Rouche, Ellipses Marketing, 1998
[4] Addressing the struggle to link form and understanding in fractions instruction, Helena P.
Osana et Nicole Pitsolantis, The British Journal of Educational Psychology, 2013, page 33
[5] Etude de l'apprentissage des nombres rationnels et des fractions dans une approche par
compétences à l'école primaire, Université libre de Bruxelles, août 2009
[6] En mathématiques, la pensée analogie permet d’associer les apprentissages scolaires
avec la réalité, celle du quotidien, de préférence. Dans son œuvre maitresse, Comment
poser et résoudre un problème, Polya accorde un rôle central à l’analogie dans le
processus de résolution de problèmes :
« L’analogie imprègne notre pensée, notre langage quotidien, nos conclusions les
plus triviales aussi bien que les formes d’expression artistique et les découvertes
scientifiques les plus éminentes. »
Dans une œuvre fondatrice et remarquable, K. J. Holyoak et P. Thagard définissent
clairement toutes les formes de la pensée analogique et ses rôles essentiels à la
compréhension humaine. Voir Mental Leaps: Analogie in Creative Thought
Pour en savoir plus sur la distinction à faire entre pensée logique (raisonnement) et
pensée analogique (compréhension), voir L’analogie, cœur de la pensée, par Douglas
Hofstadter et Emmanuel Sander, Éditions Odile Jacob, Paris 2013. De Sander, sur le
même sujet, on peut lire aussi L'analogie, fondement de nos apprentissages, dans le
magazine scientifique La Recherche.
[7] Traditionnellement, la pensée logique occupe pratiquement tout l’espace en
mathématiques. C’est elle qui anime le pouvoir de conviction des démonstrations de
théorèmes. La logique est définie comme la science du raisonnement et de l’objectivité
absolue. La pensée logique et la pensée analogique travaillent souvent de paire, mais elles
s’activent et procèdent selon des modes très différents. Ainsi, bien que l’ordinateur possède
toute la puissance logique des mathématiques, il demeure, à ce jour, absolument incapable
de la moindre performance analogique qui lui permettrait de faire des liens avec la réalité.
L’impuissance analogique de l’ordinateur illustre à l’extrême la capacité de raisonner juste,
sans rien comprendre!
[8] Pour l’instant, nous employons cette expression plutôt vague décrivant l’environnement
traditionnel ou normal dans lequel la plupart des élèves apprennent les fractions. Il s’agit
évidemment d’une simplification risquée que nous nuancerons à la Section 2.2.3.
[9] Les fractions, comment mieux comprendre les difficultés rencontrées par les élèves? D.
Rosar, C. Van nieuwenhoven, P. Jonnaert, 2007, page 1. Les auteurs empruntent cette
conclusion à Hart, K. (1980). Children’ understanding of mathematics, Chelsea College
Education Research Monograhs : D. Johnson, ainsi qu’à Hasemann, K. (1986), Analyse of
fraction errors by model of cognitive science, European Journal of Psychology of
Education, 1, 57-66.
En plus des recherches déjà citées aux notes 3 à 5, ci-dessus, ajoutons le portrait
remarquablement documenté que propose P. Blouin, dans Dessine-moi un bateau : la
multiplication par un et demi, Éditions Bande Didactique, série Mathèse, 2002.
[10] Voir l’étude de la note 5, aux pages 8 à 11 ainsi que l’article de la note 8, aux pages 5 à 13.
[11] Voir la section 1.2.3 dans l’étude mentionnée à la note 5. Les auteurs campent clairement
les idées de ce débat. Voir aussi le texte intitulé A theory for linking concepts and
procedures, à la page 33 de l’article cité à la note 4.
[12] Cette responsabilité incombe au Bureau d’approbation du matériel didactique. Pour en
savoir davantage voir les critères d’approbation sur http://www1.mels.gouv.qc.ca/bamd/
index.asp?page=info.
[13] Voir la Progression des apprentissages, page 12.
[14] Le Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders 5 ou DSM 5 est publié par
l’Association des psychiatres américains et il constitue le document de référence le plus
consulté au monde au moment de poser un diagnostic de maladie mentale. Cependant,
plusieurs milliers de psychiatres dénoncent l’approche du DSM craignant le surdiagnostic
massif et la surmédication abusive. Il est particulièrement étonnant d’apprendre que les
seules personnes autorisées à poser un diagnostic de dyscalculie sont les psychiatres, les
neuropsychologues, les psychologues, les orthophonistes ou des infirmières ou des
médecins ayant suivi une formation sur le diagnostic psychiatrique. Ils est encore plus
renversant de constater qu’aucune de ces professions ne suppose une formation en
mathématiques, en enseignement ou en orthopédagogie.
[15] C’est exactement en ces termes que le psychiatre Allen Frances, dénonce la tendance au
« surdiagnostique » du DSM 5 dans son livre coup de poing Saving Normal, seulement
disponible en anglais chez l’éditeur HarperCollins. Sa plaidoirie en faveur du rétablissement
de la normalité là où des spécialistes cherchent la maladie ou le trouble mental a
directement influencé notre approche de la Section 1 ainsi que son titre, Rétablir la
normalité.
[16] Saving Normal, Édition HarperCollins, New York, 2013, page 35.
[17] Voir cet article rédigé par le didacticien Guy Brousseau qui résume sa vision des obstacles
à l’apprentissage. Les obstacles épistémologiques, problèmes et ingénierie didactique
[18] L’échec et le contrat, Guy Brousseau, page 3.
[19] Pour en savoir davantage sur les différents sens possibles de la fraction, voir l’étude de la
note 5, à la section 1.2.2.2 ainsi que l’article de Rémi Brissiaud à l’adresse http://
page.perso.brissiaud.pagesperso-orange.fr/pages/Page2.html#ancre5
[20] Dictionnaire de mathématiques élémentaires, Stella Barak, Éditions du Seuil, Paris, 1992
[21] Les plus anciens systèmes de représentation des nombres ont été très longtemps
additifs, comme les chiffres romains, avant d’acquérir un format multiplicatif, comme
notre numération moderne. Dans les chiffres romains, CCXV se comprend grâce à
l’addition des valeurs représentées par chaque symbole. C’est une numération basée sur
les propriétés de l’addition. La numération romaine recourt parfois à la soustraction, pour
des raisons pratiques d’écriture que d’autres numérations n’ont pas adoptées. Par
exemple, la numération hiéroglyphique égyptienne n’utilise que la juxtaposition additive de
symboles valant un, dix, cent, etc. Dans une numération positionnelle comme la nôtre, le
nombre 234 utilise l’artifice de la position pour exprimer la multiplication par 100, par 10 ou
par 1 et l’addition de ces produits, 200 + 30 + 4. Cette numération est basée sur les
propriétés de l’addition et de la multiplication. On comprend mieux la différence entre ces
deux structures quand vient le temps de multiplier, disons 35 par 57. Un tel calcul n’existait
pas avec des chiffres romains; les calculateurs de Rome devaient plutôt recourir à des
abaques qui sont des outils de nature multiplicative (positions) et additive. Par analogie,
l’écriture d’un nombre représenté par un seul chiffre, comme 5 ou V possède une seule
dimension, tandis que la représentation positionnelle d’un nombre comme 35 en a deux : la
première en largeur, de gauche à droite, et la deuxième en profondeur, de chaque chiffre
vers la valeur implicite qui se trouve derrière sa position.
Pour en savoir plus sur l’histoire des numérations, voir http://www.math93.com/index.php/
histoire-des-maths/histoire-des-nombres/154-histoire-des-nombres.
[22] Pour en savoir plus, voir http://bv.alloprof.qc.ca/mathematique/arithmetique/les-nombres-et-
les-ensembles-de-nombre/les-nombres-reels-(r).aspx
[23] Pour en savoir davantage sur la vision socioconstructiviste de l’apprentissage, voir http://
www.uqac.ca/pminier/act1/socioco.htm et https://hal.inria.fr/file/index/docid/958752/
filename/
Apprentissages_scolaires_et_construction_des_connaissances_de_Piaget_A_Vygotsky_1
996.pdf
[24] Voir les travaux fondateurs de Piaget au sujet de l’évolution chez l’enfant de l’idée de
partage équitable dans La géométrie spontanée de l’enfant, PIAGET, J., INHELDER, B.,
SZEMINSKA, A. (1948), Paris: PUF ou dans L’apprentissage des nombres rationnels et ses
obstacles aux pages 223 et suivantes. Pour en savoir davantage sur l’évolution chez les
enfants des notions de partage et de fractionnement, ainsi que sur le développement des
différents sens accordés à la fraction proprement dite, consulter Des vidéoclips qui parlent
des fractions, A Adihou et C. Arsenault, Bulletin AMQ, Vol. LI, no 3, octobre 2011.
[25] Identification of Multiplicative Thinking in Children in Grades 1-5, F. B. Clark and C. Kamii,
Journal for Research in Mathematics Education, Vol. 27, No. 1 (Janv. 1996), pp. 41-51.
Sur le même sujet, nous suggérons également de consulter la recherche suivante qui
établit cinq étapes essentielles du développement de la pensée multiplicative chez les
élèves : The Development of Multiplicative Thinking in Young Children, L. Jacob et S. Willis.
[26] Étapes incontournables du nombre, Revue de l’ADOQ, Novembre 2011,
particulièrement les étapes 2 et 3.
[27] Le constructivisme piagétien et la théorie de l’équilibration illustrés par la construction de la
notion de proportion, Gérald Noelting, 1977.
[28] Ibid, page 178.
[29] Brousseau les décrit comme des obstacles d’origine didactique, c’est-à-dire ceux qui
« semblent ne dépendre que d'un choix ou d'un projet du système éducatif »
[30] Pour en savoir davantage sur la didactique des mathématiques au Québec, consulter http://
turing.scedu.umontreal.ca/gdm/documents/ActesGDM2007.pdf

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