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25 janvier 2021
Chronique d'une réforme ambitieuse qui s'est fracassée sur le mur de la
crise
Le Figaro
Il était écrit, dès le départ, que s'attaquer à la réforme de l'assurance-chômage serait 3
compliqué. Mais personne n'aurait pu imaginer que la mise en oeuvre de cette
promesse ...

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Lundi 25 janvier 2021

Nom de la source Le Figaro • no. 23772 • p. 24 • 1217 mots

Le Figaro
Type de source Chronique d'une réforme
ambitieuse qui s'est fracassée sur
Presse • Journaux
Périodicité
Quotidien
Couverture géographique
le mur de la crise
Nationale Plummer, William
Provenance
France
l'époque 35 milliards d'euros et qui

p. 24
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news·20210125·LF·842×21×23306514201
I
l était écrit, dès le départ, que s'at-
taquer à la réforme de l'assur-
ance-chômage serait compliqué.
Mais personne n'aurait pu imaginer que
la mise en oeuvre de cette promesse
présidentielle serait si laborieuse... Près
d'un an et demi après son adoption fin
juillet 2019, le gouvernement se retrou-
ve empêtré dans une crise sanitaire,
économique et sociale qui rend son ap-
plication quasiment impossible. Mais
voulant défendre un bilan étoffé à la fin
du quinquennat, Emmanuel Macron
n'entend pas mettre au rebut cet élément
central de sa politique de l'emploi.
Preuve en est, le discours de l'exécutif
n'a pas bougé d'un iota sur la question
depuis le début de la crise. Que ce soit la
ministre du Travail, Élisabeth Borne, ou
le premier ministre, Jean Castex, chacun
répète à l'envi que la réforme de l'assur-
ance-chômage est « une bonne réforme
» , et qu'elle doit être « menée à son
terme » . Mais le message auprès des
partenaires sociaux a, du fait de la vio-
lence de la crise et la genèse de cette ré-
forme, beaucoup de mal à passer...
À l'origine, l'objectif du gouvernement
Le
était à la fois triple : inciter plus forte-
ment le retour à l'emploi des deman-
deurs d'emploi, lutter contre la précarité
et économiser entre 3 et 3,9 milliards
d'euros sur trois ans pour désendetter le
régime, dont le déficit cumulé frôlait à
pointe désormais à... 55 milliards du fait
de la crise. Mais les positions diver-
gentes et l'absence de consensus entre
les partenaires sociaux ont contraint
l'exécutif à reprendre la main. Résultat
: patronat comme syndicats font face à
une réforme qu'ils contestent, et ce d'au-
tant plus que la crise s'aggrave.
« Cette réforme, lorsqu'elle est apparue
en 2019, la CFDT avait été extrêmement
claire. Elle disait que c'était une ré-
forme injuste. Aujourd'hui, je dis que
c'était une réforme injuste et inadaptée
» , commentait fin décembre Laurent
Berger, son secrétaire général, pour qui
il faut « repartir d'une feuille blanche » .
Car en l'espace d'un an, la donne a com-
plètement changé le cadre d'application
de la nouvelle convention qui fixe les
critères d'indemnisation des chômeurs.
Indicateurs dans le vert
La réforme a été bâtie dans un contexte
d'amélioration du marché du travail.
Jusqu'à début 2020, l'emploi se portait
bien en effet, avec tous les indicateurs
dans le vert. D'un côté, le taux de chô-
mage, qui s'élevait fin 2019 à 8,1 % de
la population active, n'avait jamais été
aussi bas depuis 2008. De l'autre, les
entreprises créaient depuis 19 trimestres
des emplois à la pelle, à quelques unités
seulement du million de nouveaux
postes en cinq ans.

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Le premier volet de la réforme, qui con-
siste en un durcissement des conditions
d'ouverture de droits à indemnisation et
de leur rechargement, est donc entré en
application au 1er novembre 2019 avec,
depuis, un adoucissement des
paramètres du fait de la crise. Mais le
gros morceau - qui devait s'appliquer au
1er avril 2020 puis au 1er janvier 2021 -
est lui toujours en suspens en raison de
reports successifs dus à la crise. C'est-à-
dire : la dégressivité de l'allocation pour
les plus hauts revenus, la refonte de la
méthode de calcul du salaire journalier
de référence (SJR) - qui permet de déter-
miner le montant de l'allocation de re-
tour à l'emploi (ARE)- et la mise en
place d'un bonus-malus à destination
des entreprises de différents secteurs
trop « gourmands » en contrats courts.
Censure du Conseil d'État
Et sur ces trois mesures majeures, le
plus dur reste à faire : tenter de trouver
un équilibre avec les partenaires soci-
aux... Mais si le ministère se dit prêt à
bouger sur la « temporalité » de leur
exécution - en attendant une améliora-
tion d'indicateurs économiques via une
« clause de retour à bonne fortune » -, il
ne reviendra pas sur leur « philosophie »
. En d'autres termes, il s'agit de fixer le
juste niveau des paramètres et leur mo-
ment d'application. Rien d'autre.
Et la pilule passe mal... « On est face à
une démagogie et un entêtement incom-
préhensibles. Aujourd'hui, c'est la tem-
pête mais, une fois qu'elle sera passée, il
faut s'attendre à 5 à 10 ans de mauvais
temps sur le marché du travail » , argue
Jean-François Foucard, pour la CFE-
CGC. « Le logiciel ne fonctionne pas
en temps de crise. Mme Borne est prise
d'une injonction contradictoire car elle
doit répondre à la mise en oeuvre du
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programme présidentiel d'Emmanuel
Macron tout en sachant très bien que
cette réforme fera des dégâts supplé-
mentaires, en particulier sur les plus
fragiles » , corrobore Denis Gravouil,
de la CGT. La majorité des acteurs im-
pliqués craignent que l'exécutif
souhaite, encore une fois, passer en
force en vue de la présidentielle de
2022. « Il y a une véritable stratégie
politique pour montrer que tout est fait
sur le front des réformes » , estime
Michel Beaugas, de FO.
Dès ce lundi, la tâche sera donc de trou-
ver un nouveau paramétrage pour per-
mettre de faire vivre la nouvelle conven-
tion en temps de crise. Mais pas que...
Début novembre, pour ajouter à la com-
plexité du dossier, le Conseil d'État en
a annulé deux dispositions majeures, via
les deux mécanismes qui cristallisent le
plus de tensions : le calcul du SJR et le
système de bonus-malus.
Pistes d'aménagement
Pour le premier point, l'exécutif se veut
confiant. Deux semaines avant la déci-
sion de la plus haute juridiction adminis-
trative, le cabinet de la ministre du Tra-
vail avait présenté aux partenaires soci-
aux des pistes d'aménagement, avec no-
tamment une idée de taux plancher sur
la méthode de calcul pour ne pas dimin-
uer trop fortement le montant des aides
versées. « À l'inverse de ce que dit Élis-
abeth Borne, cette décision juridique est
très difficile à contourner. Et c'est bien
pour cela que le ministère a repoussé les
discussions qui devaient normalement
se tenir en décembre » , explique Denis
Gravouil.
La CFDT demande, quant à elle, une
étude d'impact pour savoir qui sera
touché par la modification du calcul et
Mercredi 10 février 2021 à 15 h 15
jusqu'à quel montant. « Avec une telle
réforme, on ne pas peut jouer aux ap-
prentis sorciers » , prévient Marylise
Léon, la numéro deux de la centrale en-
core traumatisée par l'épisode des « re-
calculés » qui avait exclu des centaines
de chômeurs du régime après un
changement prétendument anodin de
calcul...
Pour ce qui est du bonus-malus, c'est
au tour du patronat d'être dans l'incom-
préhension. Cette mesure doit faire vari-
er les taux de cotisation chômage des
entreprises de sept secteurs afin de lutter
contre l'enchaînement de CDD de courte
durée. L'exécutif avait laissé entendre en
novembre que la période de référence
pourrait être reportée à 2021 pour une
exécution en 2023. Mais l'argument ne
passe pas...
« Sur le fond et dans le contexte actuel,
cette mesure est un non-sens. 2020
n'était pas une bonne année mais 2021
ne sera pas mieux, il y a donc un prob-
lème. Nous attendons des propositions
de bon sens » , avance Hubert Mongon,
pour le Medef. « Il faut se rendre à l'év-
idence, c'est inapplicable. Les sept
secteurs ciblés sont pour certains les
plus touchés par la crise, à l'image de
l'hébergement et la restauration » ,
ajoute Éric Chevée, de la CPME.
Les discussions qui démarrent ce lundi
s'annoncent donc houleuses. Mais le
gouvernement veut voir le verre à moitié
plein plutôt qu'à moitié vide et espère
trouver une solution que chacun consid-
ère n'étant pas trop en écart avec ses
lignes rouges. Pas certain que les parte-
naires sociaux soient du même avis...
Note(s) :
wplummer@lefigaro.fr
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