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APOCALYPSE NOW, JOURNAL, ELEANOR COPPOLA, SONATINE 2011

- p. 52 :
« FF a raconté à Marty (Martin Sheen) que pendant le tournage du Parrain il était dans
les chiottes du studio, assis sur la cuvette, deux membres de l'équipe sont entrés et ont
commencé à parler du film, disant que ce n'était qu'une merde et que le connard de
réalisateur était incompétent. Francis a dit qu'il avait soulevé ses pieds pour qu'ils ne
reconnaissent pas ses chaussures. Maintenant il a l'impression que toute la production
l'observe et se dit : Quelle grosse merde, c'est ça le réalisateur du Parrain ? Ça ne
ressemble à rien du tout »

- p58 : Une coupure de courant a eu lieu au milieu d'un repas / soirée bien arrosée.
Eleanor est montée se coucher
« Le courant a été rétabli vers 4 heures du matin, et La Bohême a repris, fort. La
machine a espresso a commencé à crépiter, toutes les lumières se sont allumées. Je
suis descendue éteindre. Des gens dormaient un peu partout. »

- p82 :
« Les falaises étaient vertes, recouvertes de mousse et de fougères. Nous étions dans
l'ombre fraîche et humide. Je voyais les détails avec une clarté exceptionnelle. Je me
suis dit que c'était peut-être parce que je n'étais pas accompagné par un adulte
s'extasiant sur la beauté de tout ce qu'il voyait »

- p112 : A propos de Marlon Brando, (puis Dean Tavoularis et Vittorio Storaro)


« Plus tard, Francis m'a dit que c'est ce don d'observation qui fait de lui un si grand
acteur. Il saisit un personnage et le développe dans les plus petits détails. Franis a une
vision plus conceptuelle. Il a une idée générale du film qu'il veut faire et il compte sur
Dean et Vittorio et les acteurs pour lui fournir les détails »

- p124 :
« Francis commence à se sentir un peu mieux. J'ai l'impression que ce qui le désespère,
c'est son talent lui-même, cette faculté de discernement, cette capacité à repérer un vrai
moment d'acteur, et de le distinguer de tout le reste. Puisque Brando n'avait pas
commencer à travailler, Francis n'avait aucune base pour le guider. Dès que Brando
s'est mis à improviser, Francis a pu commencer à le diriger, et voir ainsi quelle direction
donner à la scène. Aujourd'hui, il a écrit une scène basée sur cette impro. Il commence
à s'en sortir »

- p133
« Je viens de rentrer du plateau. Je voulais filmer Alfredo en train d'achever le pont qu'il
a commencé hier pour le long travelling qui traverse tout le camp de Kurtz. Pour moi,
Alfredo est un véritable sculpteur sur bois et sur métal. Francis est venu sur le chantier
lui serrer la main. Alfredo n'est pas arrogant, mais il dégage une certaine assurance. On
a le sentiment qu'il est sûr de pouvoir offrir au réalisateur le moyen de réussir ce plan
compliqué »

- p138
« Francis est rentré tôt ce matin. Il m'a enlacée, embrassée et dit que tout allait bien. Il
semble avoir résolu le problème. Il m'a expliqué qu'il avait voulu à tout prix depuis
l'enfance avoir du talent, du succès, et gagner l'admiration de sa famille, de ses amis, de
ses femmes. Il voulait par dessus tout avoir du talent. Il en avait toujours douté, et

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l'admiration qu'il obtenait le désespérait puisqu'il avait l'impression qu'on lui mentait. Eh
bien, m'a t-il dit, il venait de réaliser qu'il a effectivement du talent, mais pas comme il
l'avait cru ou voulu, pas comme dans ses rêves d'enfant. Pas de manière traditionnelle.
Selon lui, son vrai talent réside dans sa capacité à conceptualiser, à voir les choses, et
comment les réaliser, en s'adaptant et en innovant à partir de ce qui existe au lieu de
bâtir quelque chose à partir de rien »

- p 140 :
Francis : « Je n'oblige personne à jouer un rôle, j'oblige le rôle à s'adapter à la
personne. Les gens pensent que tu ne peux faire ça qu'avec des acteurs qui ne sont
pas professionnels. Ça marche vachement bien avec les professionnels »

- p 177 :
« On parlait du fait d'être amoureuse de quelqu'un qui est toujours le centre d'intérêt
(elle vit actuellement avec l'acteur Sam Bottoms), et de comment, lorsque tout le monde
clame que celui que tu aimes est un génie, tu as presque envie de dire le contraire, pour
rétablir une sorte d'équilibre. D'une certaine manière, tu refuses de donner ton
approbation à ton compagnon, alors que c'est justement ce qu'il recherche le plus ».

- p188 : (très belle description, c'est la scène d'un film ce truc)


Je suis assise dans les gradins. Le lycée de St. Helena vient de marquer un essai suite
à une longue passe. L'annonceur dit : « L'arbitre a sifflé faute contre St Helena pour jeu
dangereux ». L'équipe est pénalisée et doit reculer de quinze mètre. La foule se plaint.
Je sanglote. J'ai pleuré toute la soirée par intermittence. Personne ne semble me
remarquer. Alors que je regarde le match qui se déroule sur le terrain, je rejoue dans
mon esprit les scènes de ménage que nous avons eues cette semaine avec Francis. Il
m'a dit quelques vérités. Je m'étais contentée auparavant de croire en ses mensonges.
A présent, je fais le deuil de mes illusions. De l'incrédulité, je suis passée à la colère, à
la tristesse, puis à nouveau à la colère, avec parfois des montées d'euphorie
provoquées par le sentiment d'être libérée de la tyrannie de mon aveuglement.
Je sanglote à nouveau. Lorsque cela devient trop voyant, je me cache le visage dans le
programme sur lequel on peut lire en haut : « St Helena High School, match de l'équipe
réserve de football, 1977 », et un peu plus bas : « N °20, Gio Coppola, troisième, un
mètre soixante-dix, cinquante kilos, ailier ».
J'entends : « Beltrami avance le ballon de quatre mètres sur la mise en jeu ». Dans mon
esprit, je me vois la semaine dernière en train de ramasser un vase avant de le jeter. Je
le vois se fracasser contre le mur, et le verre se répandre à travers la chambre et en
direction de Francis.
« Belts réceptionne la passe et avance de deux mètres à une minutre trente-huit
secondes de la fin du premier quart-temps ».

- p197 :
George Lucas est penché par-dessus le siège devant lui. Steven Spielberg est de l'autre
côté. Ils détiennent à eux trois les plus gros succès du cinéma de tous les temps. Les
dents de la mer est numéro Un. George vient de dire que La Guerre des étoiles sera
numéro un à 19h05 Samedi. Le parrain est numéro trois. Leurs films réunis ont généré
plus d'un milliard de dollars de recettes. Ils parlent de la dépression qu'ils ont connue
après leur grand succès, de toute l'énergie et la détermination qu'il faut pour que ça
marche, pour atteindre le rêve de leur vie. Ils évoquent le choc que l'on ressent quand
on le réalise. Steve raconte que, après la sortie des dents de la mer, il voulait s'évader. Il
a fait le tour du monde, et il n'a pu échapper aux pancartes et aux tee-shirts Dents de la

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mer qu'en Inde et en Russie.
Francis pense qu'il faudrait utiliser ce succès pour dépasser les limites du cinéma. Aller
plus loin dans la forme, faire les films dont on a envie, un film de quarante minutes ou de
six minutes. […]
Francis : « il faut créer quelque chose de beau; il ne faut pas s'inquiéter de savoir si ça
marchera. Le succès est une drogue. C'est comme une femme : si tu cours après, tu ne
l'obtiens pas ». George : « Le succès c'est assommant, et courir les filles aussi ».

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