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Comment reconnaître un connard ?

Podcast Grand bien vous fasse ! France Inter du 18/10/2022

On en a tous un en tête ou vous en avez peut-être croisé un ces derniers jours. Ils se différencient des cons.
Les connards suscitent une vraie toxicité de fond dans la société, préjudiciable pour le bien-vivre ensemble.
Nos experts vous délivrent de nombreux conseils pour y faire face.

Veuillez d’abord pardonner ce mot vulgaire, mais gougnafier, malotru ou muffle restent des termes nettement
moins évocateurs que ce bon vieux connard… Et que celui qui n’a jamais proféré ce terme écrive derechef à
Madame la Médiatrice…

On se souvient peut-être de ce type au volant d’une berline qui avait forcé un passage piéton, alors que le feu
était rouge vif, et que je traversais avec un enfant d’une dizaine d’année. "Conardo", appelons-le comme ça,
fonça sur nous, sans scrupules, sûr de son bon droit, parce qu’il le valait bien, nous obligeant à vite courir vers le
trottoir pour ne pas finir en steack hâché…

Dressons une anatomie du connard. Quels sont ses éléments constitutifs ? À quoi le reconnaît-on ? Quelle est la
différence avec un con ? Comment expliquer son comportement incivil, sans gêne, qui se croit tout permis ?
Pourquoi est-il important de prendre conscience de son coût pour la société ? Comment lutter contre ce fléau,
heureusement minoritaire ?

Un monde de connards ?

C'est un sujet sérieux dont personne n'avait vraiment interrogé en profondeur, aussi bien scientifiquement,
journalistiquement que philosophiquement. Eric la Blanche publie un livre au 10ᵉ degré où il prend très au
sérieux cette question du connard. En travaillant sur la question, il s'est rendu compte que quasiment tous les
problèmes de la société remontent la plupart du temps aux comportement connard, c'est, constate-t-il, la base de
la quasi totalité de nos problèmes.

Il dédie d'ailleurs ce livre à toutes celles et ceux qui gardent le sourire et refusent obstinément de devenir à leur
tour des connards après avoir été victimes de connards, même s'il se veut rassurant en rappelant que les connards
ne représentent qu'une toute petite partie de la population, mais "portent tout de même une responsabilité
écrasante dans la quasi totalité des maux qui nous affligent, depuis les questions de violences sexistes, de
harcèlement au travail, les fake news, les incivilités, les problèmes dans les transports… Il démontre à quel point
la quasi totalité de nos problèmes ont un lien peu ou prou avec un comportement connard, celui qui se refuse à
respecter les rapports sociaux civilisés les plus basiques, se croit tout permis au profit de sa personne qu'il juge
supérieure et qui pourrit de fait la vie des autres.

Des chercheurs de l'Université de Géorgie ont même noté (étude publiée dans la revue Collabra: Psychology le
23 février dernier) que le profil des connards était semblable à celui des personnes atteintes de troubles de la
personnalité, psycho pathologique, antisociaux et narcissiques.

Le connard, le con et le salaud : comment bien les distinguer ?

Il définit le connard comme "une personne qui se comporte de façon déplaisante ou déplacée, par manque
d'intelligence, de savoir-vivre ou de scrupules et insensible aux plaintes des autres. Quelqu'un de sans gènes,
qui se croit tout permis et qui ne s'excuse jamais. Le connard va intentionnellement, délibérément, en toute
connaissance de cause s'autoriser à être déplaisant parce qu'il se sent souvent supérieur aux autres car imbue
de lui-même. Il va couper la file d'attente, parler mal, maltraiter les gens qui l'entourent et va tout faire pour
échapper aux critiques, sans jamais s'excuser".

Con : "nous pouvons toutes et tous l'être inconsciemment pour quelqu'un d'autre tous les jours, on peut toutes et
tous être bête, imbécile, stupide, crétin sans intention directe de nuire à autrui".

Salaud : "c'est une personne méprisable, moralement répugnante, qui aura plus l'intention de faire du mal là où
le connard aura plus l'intention de se mettre lui-même en avant en s'en prenant à autrui".
Laurent Testot spécialiste d'histoire globale et mondiale, journaliste, scientifique, conférencier, précise que les
connards sont des personnalités psycho-pathologiques, souvent asociales qui cochent 6 familles de critères,
toutes conditionnées par un total égocentrisme en amont :

1. Le manque total d'empathie


2. La capacité très forte à manipuler autrui
3. Une intolérance très forte à la frustration
4. Ne pas supporter les écarts des autres
5. La tendance à blâmer autrui
6. L'art de faire culpabiliser autrui

Les deux chercheurs sont d'accord pour dire que le point de non retour qui fait que la connerie se transforme
véritablement en connardise, c'est l'absence d'excuse, de regrets suite à une incivilité :"Très souvent le connard
non seulement revendique son geste et quand on lui demande de s'excuser, souvent il retourne le problème
contre autrui. On s'assume souvent en tant que connard en n'hésitant pas non plus à le revendiquer haut et fort".

Le connard au boulot et en voiture : le paroxysme du connard

Les deux spécialistes reviennent sur ce premier cas très particulier car c'est le type de connard le plus toxique
celui qui partage notre environnement professionnel et qu'il est plus que nécessaire de combattre tant les
conséquences peuvent être véritablement nuisibles sur une équipe et la productivité collective.

Un chercheur de Stanford, spécialiste des questions liées au management, Robert Sutone, auteur d'un ouvrage
intitulé "Objectif zéro sale con en entreprise" explique très bien que le connard n'a absolument aucun intérêt pour
une entreprise. Le journaliste Eric la Blanche estime lui aussi que "quand bien même le connard peut parfois
représenter un aiguillon opportun pour certaines équipes, notamment pour les postes à haute responsabilité,
afin d'instiller de la compétition, celui-ci nuit plus qu'autre chose à la force collective professionnelle car au
final on se rend compte que le connard ne fait que pourrir et pressurer la vie des employés".

Aussi, la connardise atteint un tout autre degré sur la route selon le journaliste Laurent Testot qui rappelle que de
récentes études ont montré qu'une personne à l'intérieur d'une voiture avait l'impression d'avoir un corps
augmenté et de ressentir davantage de frustration à l'égard d'autrui regrettant que "la voiture est une sorte
d'outils enconnardisateur, qui donne aux plus connards des conducteurs la sensation qu'ils sont au-dessus du
piéton, au-dessus du reste du monde. D'autant que, généralement, plus la voiture est rapide et plus on a
tendance à se croire au-dessus du lot…"

Quelques signes pour identifier un connard

Eric La Blanche cite une dizaine d'indicateurs partagés par Robert Sutton, professeur à l'université Stanford, tirée
de son étude consacrée aux connards "Objectif Zéro-sale-con" :

1. Lancer des insultes personnelles


2. Envahir l'espace personnel d'autrui
3. Imposer des contacts physiques importants
4. Proférer des menaces et pratiquer des formes d'intimidation verbale et non verbale
5. Dissimuler des propos vexatoires sous des plaisanteries sarcastiques et de prétendues taquineries
6. Envoyer des courriels cinglants
7. Critiquer le statut social professionnel
8. Humilier par des remontrances publiques
9. Couper grossièrement la parole
10. Porter des attaques hypocrites
11. Jeter des mauvais regards
12. Traiter les gens comme s'ils étaient invisibles…

D'autres indices extérieurs peuvent potentiellement signaler un connard selon Eric La Blanche :

Les looks, les attitudes, personnalités un peu trop marquées


Le style poète suspicieux

Les grandes gueules

Les aventuriers

Les playboy, dandy

Le style businessman, beau gosse qui se regarde

La montre apparente, la grosse voiture hors de prix

Dans l'espace public, ceux qui mettent les pieds sur la banquette dans le train

Ceux qui font gentiment profiter de leur musique sur une enceinte portative

La personne qui bouscule sans état d'âme

La personne qui vous met une main au cul

Celle qui vous traite de tous les noms parce que vous avez refusé de vous arrêter après vous avoir interpellé

Deux conseils pour faire face aux connards

Si, bien sûr, tout dépend de la situation, la première technique à adopter selon le journaliste c'est la fuite :

1 - "Il faut fuir quand on voit un connard parce que de toute façon, vous n'allez pas le faire changer d'avis. Il est
souvent un connard depuis longtemps et a une grande expérience en la matière.

La deuxième solution qu'il préconise, surtout dans le monde de l'entreprise, c'est de passer par la dimension
collective des choses :

2 - Si le connard vous emmerde, il emmerde aussi de fait tous les autres autour de vous, donc il faut arriver à
mettre en place une équipe qui puisse faire front commun face à son mauvais comportement, retourner la honte
contre cette personne".

Avec

Eric la Blanche, journaliste scientifique et essayiste. Passionné d’histoire et d’anthropologie.

Auteur de "Le Connard - Enjeux et perspectives" (Michel Lafon, 25 août 2022).

Laurent Testot, journaliste scientifique. Il a dirigé une douzaine de hors-séries et livres pour « Sciences
Humaines ».

Auteur de "Collapsus - Changer ou disparaître ? Le vrai bilan sur notre planète" (avec Laurent Aillet éditions
Albin Michel, 2020) et de "Histoire universelle de la connerie" (Sous la direction de Jean-François Marmion,
éditions Sciences Humaines, octobre 2019), et prochain livre : "Vortex. Faire face à l’Anthropocène", coécrit
par Nathanaël Wallenhorst. Parution le 18 janvier 2023 édition Payot.

La chronique Choses (presque) vues d'Eric Libiot

Les questions toujours pertinentes de Marie-Laure Zonszain, rédactrice en chef chez Femme actuelle

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