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ALHADITA
N° 11
Lire Roland Barthes, cela signifie sans a étudiés dans ce livre appartiennent à
aucun doute entrer dans l’empire des des grands écrivains français tels : Albert
signes, et vivre dans le monde de ses Camus, Arthur Rimbaud, Stéphane
icones et de ses symboles, en essayant de Mallarmé, et bien d’autres.
les comprendre et de les interpréter selon Ce même livre a été traduit en langue arabe
la vision lumineuse de ce grand écrivain et par l’écrivain et critique littéraire marocain
critique français. Mohamed Berrada.
Car Roland Barthes n’écrit pas seulement Parmi les livres de Roland Barthes qui
pour « le plaisir du texte », mais aussi, et ont tracé la chemin de la sémiologie,
avant tout, pour déchiffrer et déconstruire on trouve son célèbre livre intitulé par
les structures des mots, et à travers eux ce titre conducteur : « Eléments de la
les structures des choses avant de les sémiologie », dans lequel il a pu désigner
reconstruire, en leur donnant un sens ses éléments principaux chez Saussure et
profond, le sens du sens. Hjelmslev, en s’arrêtant sur les perspectives
Roland Barthes, en traçant son parcours sémiologiques d’une part, et sur le rapport :
avec un livre qui a pu changer le parcours langue /parole d’autre part.
même de la critique littéraire française et En continuant son aventure sémiotique,
européenne en premier lieu, et universelle Roland Barthes a étudié presque toutes
par la suite n’a pas cessé de continuer ce les «mythologies» modernes, et toutes les
parcours avec tant d’originalité et beaucoup activités artistiques. Il a étudié et analysé
de courage scientifique dans le domaine de les mots, les images et les choses, en tant
la recherche culturelle . Ce livre qui a pris qu’outils idéologiques et culturels, et bien
comme titre « Le degré zéro de l’écriture » évidement, en tant que signes qui référent
où Roland Barthes a étudié toutes les à des systèmes sociaux culturels bien
modes de l’écriture avec un regard critique, définis.
telles l’écriture révolutionnaire, l’écriture
bourgeoise, l’écriture marxiste, et l’écriture Dans son livre intitulé «La chambre
intellectuelle. Ainsi il a étudié ces modes noire», Roland Barthes s’arrête sur
d’écriture avec une méthode structuraliste l’image photographique avec une
qui a pu montrer les différentes formes méthode sémiologique bien ouverte sur
de ces modes d’écriture, et leur influence la subjectivité du sujet, en citant deux
sur le sens des œuvres romanesques ou éléments qui l’amènent vers l’admiration de
poétiques. la photographie même plus que le cinéma.
Ces deux éléments sont : le studium et le
Les exemples littéraires que Roland Barthes
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le plus important qui puisse se poser à la plus que le cinéma. C’est pour cette raison
sémiologie des images : la représentation même qu’on trouve dans ses articles sur le
analogique (la « copie ») peut-elle produire cinéma tels « Les romains au cinéma » des
de véritables systèmes de signes et non traces de l’analyse sémiologique des photos
plus seulement de simples agglutinations plutôt que des images filmiques, c’est-à-
de symboles ? Un « code » analogique — dire des images en mouvement. Et ce qui
et non plus digital — est-il concevable ? nous intéresse ici est essentiellement c’est
On sait que les linguistes renvoient hors du comment Roland Barthes a pu construire
langage toute communication par analogie, du sens dans le processus de film. De là, on
du « langage » des abeilles au «langage » par peut dire que le film cinématographique est
gestes, du moment que ces communications un signe sémiologique lui -aussi, il est un
ne sont pas doublement articulées, c’est- lieu de rencontre de beaucoup de signes, un
à-dire fondées en définitive sur une carrefour de signes même. Le film devient
combinatoire d’unités digitales, comme le ici un mythe moderne, un mythe qui
sont les phonèmes. Les linguistes ne sont présente un récit qui possède de la magie
pas seuls à suspecter la nature linguistique sur les récepteurs. Et puisque le mythe est
de l’image ; l’opinion commune elle aussi un langage, selon même l’expression de
tient obscurément l’image pour un lieu de Roland Barthes, alors c’est évident de de
résistance au sens, au nom d’une certaine l’étudier à partir de ses trois côtés, le côté
idée mythique de la Vie : l’image est re- linguistique, le côté iconique, et le côté
présentation, c’est-à-dire en définitive symbolique. Le film dans ce cas là devient
résurrection, et l’on sait que l’intelligible un ensemble des images photographiques.
est réputé antipathique au vécu. Ainsi, des Pour la photographie, Roland Barthes
deux côtés, l’analogie est sentie comme un considère l’image photographique comme
sens pauvre : les uns pensent que l’image un labyrinthe où le lecteur ne peut que
est un système très rudimentaire par rapport plonger dans son univers en cherchant le sens
à la langue, et les autres que la signification qui lui échappe de temps à autre. C’est vrai
ne peut épuiser la richesse ineffable de que Roland Barthes nous donne des outils
l’image. Or, même et surtout si l’image est pour analyser l’image photographique tels
d’une certaine façon limite du sens, c’est à le studium et le punctum, et tout cela avec
une véritable ontologie de la signification une manière séduisante. Cette manière qui
qu’elle permet de revenir. Comment le fait dire à Jacques Derrida ces mots : « Sa
sens vient-il à l’image ? Où le sens finit- manière, la façon dont il exhibe, fait jouer,
il? et s’il finit, qu’y a-t-il au-delà? C’est interprète le couple studium / punctum, tout
la question que l’on voudrait poser ici en en racontant ce qu’il fait, en nous livrant
soumettant l’image à une analyse spectrale ses notes, tout à l’heure nous y entendrons
des messages qu’elle peut contenir.»(21). la musique .Cette manière est bien la
L’image selon Roland Barthes livre son sienne. L’opposition studium / punctum,
message dès le premier regard, et à travers le versus apparent de la barre, il les fait
ce message là on peut commencer à d’abord surgir, lentement, prudemment,
construire le sens que l’image veut nous dans un contexte nouveau, avant lequel,
présenter à travers des outils employés. semble t-il, ils n’avaient aucune chance
C’est vrai que l’image cinématographique d’apparaitre. Il leur donne ou il accueille
est plus compliquée que l’image cette chance.»(22).
photographique, on trouve même que Mais au fond de la chose, il ne montre
Roland Barthes préfère la photographie
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pas comment peut-on découvrir l’essence qu’une luminosité toute physique, la trace
de la photographie. La seule solution photographique d’une couleur, le bleu-vert
pour arriver à cela c’est d’abord aimer de ses prunelles. Mais cette lumière 104
l’image photographique et la désirer, était déjà une sorte de médiation qui me
puis l’interpréter selon cet amour et ce conduisait vers une identité essentielle, le
désir. Je cite Roland Barthes : «Beaucoup génie du visage aimé. Et puis, si imparfaites
de photos sont, hélas, inertes sous mon fussent-elles, chacune de ces photos
regard. Mais même parmi celles qui ont manifestait le sentiment juste qu’elle avait
quelque existence à mes yeux, la plupart ne dû éprouver chaque fois qu’elle s’était
provoquent en moi qu’un intérêt général, laissé photographier ma mère se prêtait à
et si l’on peut dire, poli : en elles, aucun la photographie, craignant que le refus ne
punctum elles me plaisent ou me déplaisent se tournât en attitude; elle réussissait cette
sans me poindre elles sont investies du épreuve de se placer devant l’objectif(acte
seul studium. Le studium, c’est le champ iné-vitable) avec discrétion (mais sans rien
très vaste du désir nonchalant, de l’intérêt du théâtre contracté de l’humilité ou de la
divers, du goût inconséquent j’aime je bouderie); car elle savait toujours substituer
n’aime pas, I like / I dont. Le studium est une valeur morale, une valeur supérieure,
de l’ordre du to like, et non du to love; il une valeur civile. Elle ne se débattait pas
mobilise un demi- désir, un demi-vouloir; avec son image, comme je le fais avec la
c’est la même sorte d’intérêt vague, lisse, mienne elle ne se supposait pas.»(24).
irresponsable, qu’on a pour des gens, des Pour conclure , on peut dire que Roland
spectacles, des vêtements, des livres, qu’on Barthes reste et restera dans la critique
trouve bien».(23). moderne telle une lumière qui nous pousse
C’est grâce à cet amour, et à ce désir que tous ,en tant que lecteurs ,d’aller vers
Roland Barthes décrit avec une grande les univers des textes en pensant à leurs
sensibilité les photos de sa mère : «il avait multiples significations, mais aussi au
toujours dans ces pho-tos de ma mère plaisirs de les lire avec savoir et amour.
une place réservée, pré- servée la clarté
de ses yeux. Ce n’était pour le moment
Notes de l’étude :
1- Roland Barthes : « Le degré zéro de l’écriture + Éléments de 14-Micro Robert (Dictionnaire) .Paris 1982. (Tome 2) .P : 697.
sémiologie ». Éd : Gonthier. Paris -1970 .P 13. 15- Dictionnaire de la langue française (Encyclopédie et noms
2 -Roland Barthes : ibid. P : 10-11. propres), Ed. Hachette .Paris 1980. P : 865.
3 -Roland Barthes : ibid. P : 14. 16- Roland Barthes : « Sur Racine » .Ed. Seuil. 1972.
4 -Roland Barthes : ibid. P : 73. 17- Roland Barthes : « Le degré zéro de l’écriture + Éléments
5-Louis-Jean Calvet : « Roland Barthes, un regard politique sur de sémiologie ».P : 14.
le signe ». Ed : Payot, Paris 1973. 18- Roland Barthes : « Mythologie » .Ed .Seuil .1970. P :7.
6- Louis-Jean Calvet : ibid. P : 131. 19-Roland Barthes, ibid. Pp : 9-10.
7- Roland Barthes : « Le plaisir du texte » .Ed .Seuil. Paris 20- Roland Barthes : « Le degré zéro de l’écriture + Éléments
.1973. de sémiologie ». Éd : Gonthier. Paris -1970 .P :81.
8-Roland Barthes : « Fragments d’un discours amoureux ».Ed. 21-Roland Barthes : « Rhétorique de l’image » in
Cérès. Tunis .1996. Communications. Numéro 4, volume 4, année 1964. P : 40.
9- Roland Barthes : « Le plaisir du texte ». Pp :13.14 22-Jacques Derrida : « Les morts de Roland Barthes » in Poétique.
10- Roland Barthes : ibid. :45. N°4. (Roland Barthes Inédit) .Ed. Seuil .Paris 1981.P : 273.
11-Mohamed Boughali : « L’érotisme du langage chez R. 23- Roland Barthes : « La chambre claire ».Ed .de l’Étoile,
Barthes ». Ed. Afrique Orient .Casablanca -1986. Gallimard, Le Seuil, 1980.P :50.
12- Roland Barthes : « Le plaisir du texte ». P : 25. 24- Roland Barthes : ibid. P : 105.
13- Boughali : « L’érotisme du langage chez R. Barthes ».P :34.
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