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Bielicki

Sarah
Théorie littéraire
Notions importantes pour l’examen
Introduction
Remarques liminaires
Un canon = l’ensemble des noms propres dans un domaine et les narrations dans lesquelles
ces noms se trouvent intégrés/qui les incorporent. Il est le produit provisoire d’une série de
« pratiques discursives ».
Antécédents et précurseurs
La philosophie et la littérature de l’antiquité sont des points de références importants de la
théorie littéraire. Exemples de textes ou de traditions de l’antiquité qui ont influencés la
théorie littéraire :
- Le dialogue La République de Platon.
- L’ouvrage Poétique d’Aristote, qui introduit des notions cruciales comme :
 la mimésis : l’imitation ou la représentation de la réalité.
 la catharsis : la purgation des passions au moyen de la représentation
dramatique.
- La tradition gréco-romaine ayant trait à la rhétorique : l’art ou la technique de
persuader. (ex : Quintilien, Institutio oratoria)
- La tradition antique d’ « arts poétiques » : les manuels rassemblant les règles de l’art,
qui est initiée par Horace (De arte poetica) puis perpétuée par l’humanisme (Scaliger)
et le classicisme (Boileau).
- La tradition de l’herméneutique : l’art d’interpréter, qui est une discipline
philologique remontant à l’exégèse (l’étude approfondie) de la Bible. Cette tradition
fut ressuscitée au Moyen Age et fut également appliquée à l’interprétation de textes
non-religieux (légaux, philosophiques, littéraires, …). Elle a eu un grand impact en
Allemagne depuis le 18ème siècle. Au 19ème siècle, l’herméneutique romantique vit le
jour. Elle se caractérisait par une grande importance attachée à l’empathie. Elle se
focalisa sur l’étude de l’auteur et du contexte de l’œuvre étudiée. L’interprète
s’efforçait dans la première tendance à se déplacer dans l’esprit du créateur. Dans la
seconde, il tentait de se déplacer dans l’esprit de l’époque (le « Zeitgeist »), ce qui
donna naissance (sous l’impulsion de Dilthey) à un courant dans les sciences
humaines (la « Geistesgeschichte »). Au 20ème siècle, l’herméneutique
« phénoménologique » apparaît. Elle s’efforça de tenir compte de l’historicité de
l’interprète. Heidegger est l’inspirateur philosophique principal de cette nouvelle
déclinaison de l’herméneutique et Gadamer est son représentant le plus renommé.
Le positivisme
Taine est le plus célèbre représentant du positivisme dans les études littéraires. Il appliqua ses
idées positivistes dans sa Histoire de la littérature anglaise. La théorie de Taine est résumée
au moyen de ses 3 mots clés : « moment, milieu, race ». Ils dénotent les facteurs, les « causes
objectives » déterminant l’auteur, qui à son tour est la « cause » de son œuvre.

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Le « moment » : la situation politique et sociale, ainsi que les conceptions et idées
prépondérantes, mais aussi l’état d’avancée intellectuelle de l’homme à un moment historique
donné.
Le « milieu » : les circonstances sociales, au climat et à la situation géographique.
La « race » : les dispositions innées et héréditaires de l’homme (le caractère national,
« Latins » vs. « Germains », l’esprit français ou allemand, …)
Chapitre 1. Le formalisme russe
Les acteurs et les groupes
La théorie formaliste est née des travaux conjugués des membres de ces 2 centres :
- Le Cercle linguistique de Moscou fut créé en 1915. Roman Jakobson était l’un des
membres du cercle. Les linguistes de ce cercle voulurent appliquer à l’étude de la
littérature la méthodologie de la linguistique. Ils furent influencés par Saussure
(linguistique structuraliste), Husserl (phénoménologie) et Peirce (sémiotique). Ils
affirmèrent que la littérature est un phénomène de langage à étudier « scientifiquement »
avec les outils de la linguistique. Ils avaient le même souci de scientificité que les
positivistes mais rejetaient la conception selon laquelle on ne peut comprendre l’œuvre
littéraire qu’en identifiant ses causes (extérieures) (Œuvre = produit de causes
extérieures : pour les positivistes). Le Cercle se base sur la distinction langage littéraire
versus langage quotidien et avancèrent que le langage littéraire est autoréférentiel car il
attire l’attention sur sa propre forme et qu’il affaiblit la relation signe – référent.
- L’Opoïaz est la Société d’étude du langage poétique. Elle fut fondée en 1916 et se situait
à Petrograd. Elle se composait d’historiens de la littérature et comptait parmi ses
membres : Victor Chklovski, Boris Tomachevski, Boris Eikhenbaum, Lev Iakoubinski,
Osip Brik et Iouri Tynianov. Ils tentèrent de démontrer que l’œuvre littéraire n’est pas que
le simple reflet de la réalité (mimésis) ou l’effet d’une volonté de communication, mais
plutôt un phénomène particulier/spécifique. Ils analysèrent donc les œuvres littéraires à
l’aide de techniques scientifiques (comme les membres du Cercle linguistique de Moscou)
et se concentrèrent sur la forme du texte littéraire.
La plupart des formalistes russes appartenaient à une génération « révolutionnaire » née dans
les années 1890.
Le langage littéraire est autoréférentiel car il attire l’attention sur sa propre forme et qu’il
affaiblit la relation signe – référent.
Les grandes figures
Roman Jakobson est le formaliste le plus célèbre. Il fit ses études à l’Université de Moscou
et à partir de 1915, il dirigea le Cercle linguistique de Moscou. Il émigra en 1920 à Prague où
il collabora avec les structuralistes tchèques (1920-1926) puis il contribua à la formation du
Cercle linguistique de Prague (1926-1939). Il émigra ensuite en Scandinavie (1939-1941) puis
aux Etats-Unis où il rencontra Claude Lévi-Strauss. Il a été le maître de ce dernier mais aussi
celui de de Chomsky. Après la guerre, il travailla dans des universités prestigieuses des Etats-
Unis et du Royaume-Uni. Il est linguiste mais aussi spécialiste de la poésie.

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Victor Chklovski fut l’un des fondateurs de l’Opoïaz. Il fut théoricien de la littérature (prose
narrative) et du cinéma. Il développa le concept de la « défamiliarisation ».
Iouri Tynianov fut l’un des fondateurs de l’Opoïaz. Il fut théoricien de la littérature (poésie et
histoire de la littérature) et du cinéma.
La « littérarité » et la « défamiliarisation »
La littérarité (literaturnost’) est l’ensemble des qualités immanentes de la littérature qui la
distinguent des autres formes de discours (= ce qui fait d’une œuvre donnée une œuvre
littéraire).
Le modèle de la communication verbale de Jakobson est un schéma permettant de
représenter les 6 facteurs de la communication verbale. A chacun de ces facteurs correspond
une fonction particulière du langage.
CONTACT


CODE


DESTINATEUR → MESSAGE → DESTINATAIRE


CONTEXTE

DESTINATEUR  fonction émotive : permet d’exprimer des sentiments, des émotions, des
idées.
DESTINATAIRE  fonction conative : est orientée vers le destinataire et se marque par tous
les moyens par lesquels le destinateur suggère et appelle la présence d’un destinataire.
CONTACT  fonction phatique : se rapporte au contact qu’elle vise à établir, à maintenir ou
à interrompre.
CONTEXTE  fonction référentielle : est orientée vers le contexte et sert à la transmission
d’informations.
CODE  fonction métalinguistique : assure une bonne compréhension du code de la
communication.
MESSAGE  fonction poétique : se rapporte à la manière dont le message est mis en forme
(sans prêter attention au contexte). Le langage dans sa fonction poétique est gouverné par des
lois immanentes et non pas par des lois de la communication. Elle est garante de la littérarité
d’un texte. Tout texte où la fonction poétique est dominante sera donc considéré comme
littéraire.
Selon Jakobson, un texte est littéraire lorsque la fonction poétique y est dominante et lorsqu’il
est autoréférentiel : le langage y est gouverné par des lois immanentes (et non pas par des lois
de la communication).
En poésie, le langage est autoréférentiel, il ne vise pas à communiquer un message de façon
simple et directe.
La défamiliarisation (ostranenye) :

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La prose littéraire défamiliarise le processus normal de perception et se sert de nouveaux
moyens de représentation et d’un langage délibérément difficile, rendant la réalité perçue
étrangère et nouvelle. Le texte offre ainsi une vision alternative et inattendue et cette
« représentation insolite » revitalise la perception. La chose devient chose vue et non chose
reconnue.  porte sur la perception du monde extérieur/de la réalité.
La défamiliarisation remet en cause les relations habituelles signe – référent, puisqu’elle
déforme les moyens langagiers utilisés habituellement pour représenter la réalité. Le texte
littéraire se caractérise donc par une tendance à la rupture avec ce qui est établi, habituel et
prévisible au niveau langagier. L’accent est place sur l’importance de l’innovation et de
l’originalité dans la création littéraire.  porte sur la forme/les moyens langagiers.
Forme = contenu
L’objet de l’analyse formaliste est la forme du texte littéraire. Les formalistes se concentrèrent
donc sur les procédés mis en œuvre dans un texte littéraire et sur les effets qu’ils cherchent à
atteindre. Chklovski définit le texte littéraire comme la somme de ses procédés dans son
article « L’art comme procédé » (1917). Le texte sera ensuite conçu comme un système
cohérent/ensemble fonctionnel de procédés.
L’une des grandes découvertes de la théorie littéraire est que le contenu du texte littéraire
ne peut être dissocié de sa forme. La forme même du texte est porteuse de sens. Si elle est
modifiée, la signification du texte l’est également. Des textes « non-littéraires » peuvent donc
avoir des qualités littéraires, lorsque leur forme contribue à leur contenu.
La « poéticité » (le trait distinctif) de la poésie est l’autonomie de la forme et sa nature
« autoréférentielle » (se référant à elle-même).
Dans la prose narrative (comme dans l’analyse des œuvres poétiques), on étudie la façon dont
la matière est mise en forme, ainsi que l’effet qu’elle produit. Dans cette optique,
Tomachevski avance une distinction entre la fabula et le sujet.
- La fabula se compose des événements présents dans le texte (l’histoire).
- Le sujet correspond à la manière donc ces événements y sont organisés.
L’analyse formaliste vise à décrire les moyens utilisés par l’auteur pour transformer la fabula
en sujet et examine donc les procédés narratifs (= tous les éléments qui modifient la fabula).
La littérarité du texte narratif réside dans l’ensemble de ces choix formels (techniques et
stylistiques).
Vladimir Propp est un linguiste-folkloriste qui étudie les contes fantastiques russes
traditionnels, il a écrit Morphologie du conte en 1928. Il poursuivit les recherches formalistes
dans le domaine de la prose narrative. Il s’efforce de réduire la multitude de contes de son
corpus à un nombre restreint de structures fondamentales et invariantes qui avaient (selon lui)
généré l’ensemble des contes individuels et particuliers. Il vise à dévoiler le système abstrait
sous-tendant les contes concrets. D’après lui, chacun des contes étudiés s’articule autour de
quelques « fonctions » (32)/est une séquence de « fonctions ». Il est une figure de transition
entre le formalisme et le structuralisme.

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La « fonction » (de Propp) est l’action d’un personnage, définie du point de vue de sa
signification dans le flux narratif/le déroulement de l’intrigue. C’est l’unité minimale du
conte, qui s’article donc comme une séquence de fonctions.
Le formalisme et l’histoire littéraire
Tynianov a avancé, dans son article De l’évolution littéraire (1927), que dans un texte
littéraire, 3 fonctions sont à l’œuvre :
- La fonction constructive : où le spécialiste étudie le texte comme un système (un
ensemble de variables interdépendantes) en lui-même. Il étudie les éléments formels dans
le texte et leurs relations. Ces relations sont généralement conflictuelles : un élément ou
niveau formel s’efforce de s’imposer, de subordonner les autres et de devenir le « principe
de construction » du texte. La prédominance de ce principe sera à chaque moment
contestée par des principes alternatifs et il est question d’évolution littéraire dès qu’un de
ces principes parvient à usurper la place occupée par le principe régnant.
- La fonction littéraire : où le spécialiste étudie les éléments formels du texte dans leurs
relations aux normes du système littéraire contemporain (genres, écoles, courants,
groupes, styles, …). L’identité même d’une œuvre littéraire dépend de ces relations.
- La fonction sociale : où le spécialiste étudie les éléments du texte dans leurs relations avec
les « faits sociaux » (la réalité extralittéraire).
Pour décrire l’évolution littéraire, il faut tenir compte des évolutions dans les faits littéraires à
ces 3 niveaux ainsi que leurs corrélations/relations.
Chaque époque a sa propre ustanovka, c’est-à-dire une orientation et une attitude propres à
l’époque en question), qui fait que certains phénomènes seront reconnus comme littéraires
alors que d’autres non.
Le « péché anachronique », désigne l’application de « critères (normes, valeurs) propres à
un système (chaque époque = un système particulier) pour juger les phénomènes relevant
d’un autre système ». Tynianov fut parmi les premiers à mettre les historiens de la littérature
en garde contre ce péché.
Tynianov a introduit la distinction entre la « synfonction » d’un élément et son
« autofonction » :
- La « synfonction » d’un élément = ses relations aux éléments de la même œuvre.
- Son « autofonction » = ses relations aux systèmes littéraire et social, qui détermineront la
signification à y attribuer.
Chapitre 2. Le structuralisme, la narratologie et la sémiotique
Origines et développement du structuralisme : Saussure (bis)
Etudier le langage « synchroniquement » signifie l’étudier comme un système complet à un
moment donné, plutôt que « diachroniquement », c’est-à-dire, dans son développement
historique.
Le « signifiant » est la forme du signe, une séquence de phonèmes.
Le « signifié » est le sens/contenu.

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Tout signe est constitué d’un « signifiant » et d’un « signifié » et la relation entre signifiant et
signifié est arbitraire, conventionnelle.
La valeur (le sens) du signe est le produit/résultat de sa différence avec d’autres signes. Le
sens est préservé tant que cette différence est maintenue. Le système langagier est donc un
système différentiel, « sans termes positifs », car dans le système linguistique, il n’y a que
des différences : le sens d’un signe est le résultat de la différence du signe avec d’autres
signes.
La parole est l’ensemble des énoncés individuels et concrets.
La langue est le système général et abstrait, la structure qui rend le discours possible.
Génèse et développement du structuralisme tchèque
Le Cercle linguistique de Prague (1926-1939) compte parmi ses fondateurs : Roman
Jakobson, Jan Mukařovský, Felix Vodička et René Wellek.
La « théorie structurale » est un terme qui renvoie à la théorie de langue et de la littérature
développée par le Cercle linguistique de Prague.
L’étiquette « Ecole de Prague » fut inventée en 1932, pour faire référence aux activités
phonologiques du Centre mais elle s’appliqua ensuite à l’ensemble de ses recherches.
Le texte littéraire est un ensemble dynamique consistant de plusieurs niveaux différentiels,
avec un niveau particulier du texte appelé le niveau « dominant », qui « déforme » tous les
autres niveaux. Les chercheurs structuralistes étudient donc ces différents niveaux et les
relations dynamiques existant entre ceux-ci.
Tous les niveaux de l’œuvre littéraire sont « sémantisés » car ils contribuent à sa
signification.
Jakobson : métaphore versus métonymie
Dans la métaphore, un signe se substitue à un autre parce qu’il lui est, d’une certaine façon,
similaire : « avion » devient « oiseau » (oiseau = métaphore d’avion, similitude : capacité de
vol)  un signe se substitue à un autre sur base d’une similitude. Nous pouvons faire des
métaphores, lorsque nous disposons de signes qui sont « équivalents ».
Dans la métonymie, un signe est associé à un autre : « aile » est associée à « avion » parce
qu’elle en fait partie (aile = métonymie d’avion, aile = partie pour le tout) ; « ciel » est associé
à « avion » parce qu’ils sont en contiguïté spatiale (ciel = métonymie d’avion, ciel = en
contiguïté spatiale)  un signe se substitue à un autre sur base d’une association.
Quand nous parlons/écrivons, nous sélectionnons des signes dans un domaine
d’équivalences, c’est-à-dire sur l’axe « paradigmatique » (métaphorique) et nous
combinons les signes sélectionnés dans une phrase, c’est-à-dire sur l’axe « syntagmatique »
(métonymique), pour former une phrase.
Jakobson dit que la fonction poétique projette le principe de l’équivalence (l’axe
paradigmatique) sur l’axe de la combinaison (l’axe syntagmatique), c’est-à-dire que la
« similarité (métaphorique) se surajoute à la contiguïté (métonymique) car en poésie, nous
prêtons attention aux « équivalences » dans le processus de combinaison tout comme dans

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celui de leur sélection : nous lions des mots qui sont équivalents d’un point de vue
sémantique, rythmique, phonétique, ou autre.
Jakobson considère la poésie comme hautement métaphorique car les similitudes
(répétitions, parallélismes, oppositions) y jouent un rôle central. Les poèmes sont traversés
par un grand nombre d’équivalences situées à plusieurs niveaux : phonétiques,
morphologiques, syntaxiques et sémantiques. Pour lui, cette caractéristique est indicative de la
qualité littéraire de la poésie en général.
D’autres formes littéraires que la poésie (par exemple la prose narrative) sont dites
métonymiques car elles lient les signes entre eux surtout par associations mutuelles.
Jan Mukařovský : la norme esthétique et l’histoire littéraire
Mukařovský fut parmi les premiers à mettre à l’évidence la relation qui existe entre la valeur
en littérature, le contexte dans lequel un texte apparaît et le rôle du lecteur.
- La valeur liée au contexte (relation au contexte) : lorsque la norme esthétique change,
l’interprétation et l’évaluation de l’œuvre d’art changent elles aussi. L’œuvre peut même
parfois cesser d’être perçue comme une œuvre d’art. Mukařovský dit qu’il n’existe aucun
objet qui possèderait une fonction esthétique sans égard au lieu et au temps dans lequel il
est évalué, et rien qui ne puisse posséder une telle fonction esthétique dans des conditions
appropriées. Il introduit donc la distinction entre :
 « l’artefact » : le texte matériel et physique, et
 « l’objet esthétique » : qui n’existe que par l’interprétation humaine de l’artefact
matériel.
Plusieurs objets esthétiques peuvent être construits à partir d’un seul artefact, parce qu’il
est interprété de façons divergentes dans le courant de l’histoire.
- La valeur liée au public (relation au rôle du lecteur) : la norme esthétique n’est pas
nécessairement identique pour tous les lecteurs d’une même époque. Ce sont les lecteurs
qui attribuent la valeur aux textes, à travers un processus qui se déroule souvent dans un
contexte de désaccord. Ces différends aboutissent périodiquement à un consensus plus ou
moins stable sur la norme esthétique et les œuvres de valeur (le « canon »), qui sera
inévitablement remis en cause ultérieurement.
Dans le modèle « relativiste » de Mukařovský, la valeur et la signification sont « attribuées »
sur la base de la relation établie entre le texte jugé et la norme esthétique de la période dans
laquelle le jugement est porté. Elles sont donc attribuées par les lecteurs et historiquement
variables. La mission de l’histoire littéraire devient l’étude de la façon dont cette valeur est
attribuée aux textes littéraires. Les textes importants sont ceux qui jouent un rôle décisif dans
la modification de la norme esthétique d’une époque.
De la théorie littéraire à la sémiotique
L’étude systématique des signes est la « sémiotique » ou « sémiologie ».
Le mot « structuralisme » désigne une méthode de recherche. Le structuralisme vise à
identifier la structure sous-jacente à son objet. D’après le structuralisme, c’est la structure qui
rend possible la signification.

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La sémiotique définit une discipline scientifique, un champ spécifique d’études. C’est la
science qui étudie les signes. La discipline sémiotique est beaucoup plus ancienne que la
méthode structuraliste, mais il y a eu une symbiose temporaire dans les années 1930-1960.
Elle est aussi toujours bien vivante (contrairement au structuralisme).
On utilise la distinction « sémiologie » / « sémiotique » pour renvoyer à la dissociation entre
structuralisme et sémiotique.
- « sémiologie » = la sémiotique structuraliste (d’inspiration saussurienne, modelée sur la
linguistique).
- « sémiotique » = la sémiotique non- et/ou poststructuraliste.
Les 3 types fondamentaux de signes (introduits par Peirce, le fondateur de la sémiotique)
sont :
- « l’icône », où le signe ressemble à ce qu’il veut dire. Exemple : le panneau de
signalisation.
- « l’indice », où le signe est associé à ce dont il est le signe. Exemple : la fumée signifiant
le feu.
- « le symbole », où le signe n’est qu’arbitrairement ou conventionnellement lié à son
référent. Exemple : les mots dans les langues naturelles.
La sémiotique (Hjelmslev, Cercle linguistique de Copenhague) a établi la distinction entre :
- la « dénotation » : la (les) signification(s) directe(s) d’un signe, et
- la « connotation » : l’ensemble de ses significations secondaires et supplémentaires. Elle
joue un rôle primordial en littérature parce qu’elle rattache au sens dénotatif d’un mot une
série de valeurs affectives.
La sémiotique a établi la distinction entre :
- le code, qui est le système de règles gouvernant la combinaison des signes.
- le message, transmis par un tel code.
- le paradigme, qui est une classe entière de signes à l’intérieur de laquelle chaque signe
est différent d’une manière significative. Par exemple : les verbes, les noms… dans une
langue naturelle.
- le syntagme, qui est une combinaison ordonnée de signes en interaction formant un sens
global souvent appelé une « chaîne ». Ces combinaisons sont faites dans le cadre de règles
et de conventions explicites et implicites. Par exemple : une phrase dans une langue
naturelle.
La sémiotique utilise le concept de « métalangage », qui est un système de signes qui produit
un discours sur un ou plusieurs autres systèmes de signes et les prend donc comme objet. Par
exemple : la théorie littéraire, qui prend la littérature comme objet.
La sémiotique emploie le terme « polysémie », qui est un mécanisme fondamental en poésie
(et donc un sujet privilégié des études littéraires). Un signe est polysémique quand il a
différentes significations.
La sémiotique russe : Youri Lotman
Lotman fait la distinction entre :

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- les langues naturelles, par exemple : le français, l’anglais.
- les langues artificielles, par exemple : le code routier, la langue des mathématiques
- les langues secondaires, c’est-à-dire les langues complexes construites à partir des
langues naturelles, par exemple : la langue de l’art ou de la religion.
Les éléments formels dans la littérature sont sémantisés à un degré beaucoup plus élevé que
dans le langage ordinaire, ce qui veut dire que la littéraire est une langue secondaire
impossible à paraphraser de manière adéquate. La structure esthétique du texte est, en effet,
porteuse d’information essentielle et la modification de cette structure impliquerait forcément
une modification de l’information transmise.
Lotman fait la distinction entre :
- la sémantique primaire, qui étudie la signification comme elle est générée dans les
langues naturelles, et
- la sémantique secondaire, qui se focalise sur le sens produit par la forme de l’ensemble
signifiant.
L’analyse d’un texte littéraire devrait se faire en 2 stades :
- l’analyse formelle (y compris l’analyse de la sémantique primaire), qui vise à repérer les
équivalences à tous les niveaux du texte ;
- l’analyse de la sémantique secondaire, qui étudie les effets sémantiques de ces
équivalences.
Un texte poétique est « sémantiquement saturé », c’est-à-dire qu’il concentre plus
d’ « informations » que tout autre discours. Lotman dit que « l’information, c’est la beauté »
car un poème qui ne transmet pas assez d’information est considéré comme mauvais. Cette
saturation sémantique est donc un point positif dans la littérature, mais pas dans le langage
ordinaire où elle serait nuisible à la communication.
Lotman estime que tout texte littéraire est constitué d’un certain nombre de « systèmes » et
réalise ses effets par des tensions constantes entre ces systèmes. Chacun de ces systèmes
représente une « norme » par rapport à laquelle les autres systèmes dévient, qu’ils
transgressent. Chaque système dans le texte tend à disloquer les autres et lorsqu’un des
systèmes du poème risque de devenir trop prévisible, un autre système le traverse. C’est le
choc de tous ces niveaux qui produit la signification du texte et vu qu’il est constant, l’œuvre
littéraire génère continuellement de nouvelles significations. Chaque mot du texte est lié par
un ensemble de structures formelles aux autres mots et on dit que chaque élément du texte est
surdéterminé car il est le résultat de différents déterminants agissant ensemble, il appartient à
plusieurs structures à la fois.
Le structuralisme français
Des structures sont des ensembles d’éléments liés par des relations produites selon les règles
du système. La signification d’un élément est déterminée par sa différence avec les autres
éléments. Une structure est cohérente : elle fonctionne comme un ensemble, même si elle peut
changer suite à l’addition ou la suppression d’un ou plusieurs éléments, sa structure de base
reste immuable.
Le décentrement du sujet

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Le structuralisme se situe pleinement dans le « tournant langagier » qui a eu lieu dans les
sciences humaines au cours du 20ème siècle. Ce « tournant langagier » désigne le fait que la
position privilégiée traditionnellement réservée au sujet est dorénavant occupée par la
structure/le langage. C’est donc un tournant langagier antihumaniste qui a lieu alors, car le
sens n’est plus considéré comme créé par le sujet. On considère à présent qu’il n’est pas
possible de produire du sens sans qu’un système signifiant soit déjà en place. Pour transmettre
un message, l’émetteur doit déjà être pris et constitué par le langage. Ce tournant langagier
rejette donc la notion romantique selon laquelle un texte littéraire est la transcription de la
voix vivante d’un auteur ou l’expression de sa subjectivité. Barthes proclamera en 1968 la
‘mort de l’auteur’.
Le structuralisme et la narration : la naissance de la narratologie
La narratologie est l’étude de la narration. C’est une nouvelle discipline qui vit le jour dans
les années 1960-1970. Parmi ses représentants les plus influents se trouvaient : Greimas,
Todorov, Barthes, Bremond, Genette et Hamon. Le terme « narratologie » entra dans l’usage
en 1969 grâce à Todorov qui qualifia dans son étude Grammaire du Décaméron la
narratologie comme la science du récit. Le manifeste officieux de la narratologie est le
numéro 8 de la revue Communications.
Le précurseur : Lévi-Strauss
Les mythèmes sont des unités individuelles (minimales) qui composent tout mythe. Ils
n’acquièrent de sens que lorsqu’ils se combinent et ces combinaisons sont régies par des
règles « grammaticales ».
De Propp et Lévi-Strauss à Greimas : le « modèle actanciel »
Le sème est l’unité sémantique minimale. Il est le résultat d’une opposition.
Le lexème est l’élément lexical du langage, formé d’une combinaison de sèmes. Les lexèmes
sont différents lorsqu’ils ont au moins un sème qui les distingue. Selon Greimas, le cœur de
tout lexème est formé par un noyau sémique composé de sèmes invariables mais le lexème est
susceptible de contenir également d’autres sèmes qui varient selon le contexte. Dans l’usage
figuré du langage, un lexème qui fonctionne comme une métaphore ou une métonymie d’un
autre lexème aura normalement des sèmes en commun avec celui-ci.
Les isotopies sont les ensembles récurrents d’unités de sens (sèmes).
L’actant est une unité structurale à ne pas confondre avec un personnage. Un actant exécute
ou subit une action, ce qui veut dire que non seulement les personnages, mais également les
objets et même des notions abstraites peuvent se trouver en position d’actant. Les actants sont
déterminés en fonction du rôle qu’ils jouent dans le récit. Ce sont des unités fonctionnelles qui
se divisent en 6 catégories universelles (présentes dans tous les récits) :
1. le Sujet
2. l’Objet
3. le Destinateur (l’instigateur de la quête ou de l’action)
4. le Destinataire
5. l’Adjuvant (l’aide)
6. l’Opposant

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Les relations entre actants sont identiques dans tous les récits. La relation Sujet – Objet est
caractérisée par le désir. La relation Destinateur – Destinataire se situe sur l’axe de la
communication : le Destinateur charge le Sujet d’acquérir un objet pour le remettre au
Destinataire approprié. La relation Adjuvant – Opposant se situe sur l’axe du pouvoir :
l’Adjuvant aide le Sujet, l’Opposant le contrecarre. Un acteur peut assumer plusieurs rôles
actantiels, plusieurs acteurs peuvent jouer le même rôle actantiel et un acteur peut changer de
rôle actantiel au cours du récit. = le modèle actantiel de Greimas.
Par analyse selon le modèle actantiel de Greimas, le récit classique est réduit à une
« séquence narrative » composée de 4 phases :

La phase de performance (pragmatique) est la phase cruciale car c’est celle où le Sujet
intervient pour réaliser une transformation qui nécessaire pour passer de la situation initiale à
la situation finale. Cette action présuppose que le Sujet sache ce qu’il y a lieu de faire.
Dans la phase de manipulation (cognitive), le Sujet se donne pour mission de chercher
l’Objet. C’est le Destinateur qui l’incite à le faire, puisqu’il informe le Sujet de la nature et de
la valeur de l’Objet (« faire savoir ») et le pousse à accepter le contrat (« faire-vouloir »).
La phase de compétence (pragmatique) prépare à l’action. Il y a d’abord le vouloir et le
devoir, qui font comprendre au Sujet l’importance de sa mission, et puis le pouvoir et le
savoir où le Sujet acquière les compétences nécessaires pour honorer son contrat.
La narration se clôt par la phase de sanction (cognitive), où le Destinateur juge l’exécution
du contrat et procède à la récompense ou la punition du Sujet.
Il est possible qu’une ou plusieurs phases ne soit pas présente. Le chercheur doit alors la
reconstituer.
Une des 4 phases peut être fortement accentuée. Ceci est généralement lié aux caractéristiques
du récit et/ou aux conventions génériques.
Todorov et Bremond
Claude Bremond estime dans sa Logique du récit (1973) que tout récit peut être réduit à une
série de « séquences narratives », c’est-à-dire, des processus d’amélioration et de
détérioration, liés à la (non-)réalisation d’actes possibles. Chaque séquence narrative
s’articule autour de 3 moments clés :
1. la situation initiale, qui présente les personnages et les motifs de l’action
2. le passage à l’acte, qui montre le héros en pleine épreuve

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Sarah
3. la situation finale, caractérisée par la récompense pour le héros ou le châtiment pour ses
adversaires (amélioration) ou vice versa (détérioration).
Roland Barthes
L’étude structuraliste du récit doit décrire la « langue » qui génère les récits sur plusieurs
niveaux liés entre eux par un rapport hiérarchique. Grâce à l’opération conjointe de ces
niveaux, le récit parvient à produire du sens. L’analyse doit décrire les éléments des différents
niveaux et leurs relations. Celles-ci peuvent être :
- distributionnelles, c’est-à-dire, sur un même niveau ou
- intégratives, c’est-à-dire, passant d’un niveau à l’autre.
Barthes estime que la narratologie doit prendre en compte 3 niveaux de description :
- le niveau des fonctions (le plus bas), où l’on retrouve les unités narratives minimales du
récit. Les unités distributionnelles de ce niveau sont les fonctions proprement dites et les
unités intégratives sont les indices.
La classe des fonctions proprement dites se divise en 2 sous-classes :
 les fonctions cardinales, qui sont des actions décisives dans le déroulement des
événements, fonctionnant comme des noyaux ou charnières.  elles occupent une
position privilégiée car elles constituent l’armature du récit (les autres ne sont que des
expansions).
 Les catalyses, qui sont des actions d’une nature plutôt subsidiaire.
La présence d’une catalyse présuppose l’existence d’une fonction cardinale, mais une
fonction cardinale ne présuppose pas la présence d’une catalyse.
Les indices regroupent :
 les indices proprement dits, qui ont des signifiés implicites et demandent donc une
activité de déchiffrement.
 les informants, qui sont d’une nature directe et explicite et servent à situer le récit
dans le temps et dans l’espace.
Les indices et les informants peuvent se combiner librement entre eux.
Selon Barthes, l’analyse au niveau des fonctions doit déboucher sur un regroupement des
actions individuelles en séquences (suite logique de fonctions cardinales). Les petites
séquences identifiées doivent ensuite être regroupées dans des séquences plus larges.
- le niveau des actions, qui est le niveau des « agents » du récit.
- le niveau de la narration, où il faut étudier l’instance narrative : l’instance « qui parle » (à
ne pas confondre avec la personne (réelle) « qui écrit » (l’auteur).
Gérard Genette
Genette établit dans « Le discours du récit » (1972) une distinction dans le récit entre :
- le texte narratif, désignant l’énoncé narratif qui rapporte une série d’événements
(« sujet » (intrigue) des formalistes russes).
- l’histoire ou la diégèse, qui renvoie à la séquence dans laquelle les événements se
produisent (l’ordre chronologique) (« fabula » (histoire) des formalises russes)

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Sarah
- la narration, qui concerne l’acte de raconter.
Genette discerne dans l’analyse narrative 5 catégories centrales : l’ordre, la durée, la
fréquence, le mode (distance et perspective) et la voix (l’instance narrative).
1. L’ordre concerne le déroulement temporel de la narration.
Le récit est anachronique, il présente les événements dans un ordre qui n’est pas leur
ordre d’occurrence/de succession dans la diégèse/histoire. Il opère alors par :
 prolepse (anticipation, flashforward). Un événement postérieur au « récit premier »
est narré.
 analepse (rétrospection, flashback). Un événement antérieur au « récit premier » est
narré. Les analepses sont bien plus fréquentes que les prolepses.
La plupart des textes narratifs ont recours à l’anachronie, qui est une des ressources
traditionnelles de la narration littéraire.
2. La durée concerne les relations entre la durée du texte et la durée de l’histoire. Elle
montre comment la narration peut élider (condenser) certains épisodes, les augmenter,
résumer, suspendre momentanément, etc.
Un récit isochrone est un récit dont le temps de la narration et le temps du récit sont
équivalents = le « degré zéro de la narration ». C’est un récit où il n’y a aucune forme
d’accélération ou de ralentissement/où le rapport durée d’histoire/longueur du récit est
constant.
Un récit anisochrone (majorité des récits) présente des accélérations et/ou des
ralentissements. Il y a un rapport variable entre la durée d’histoire et la longueur du récit.

4 techniques narratives sont utilisées pour modifier le rapport entre le temps du récit et le
temps de l’histoire :
- la pause, qui est un arrêt presque complet de l’action. Par exemple : des descriptions
ou des disgressions.
- la scène, qui fait se rejoindre temps du récit et temps de l’histoire. Les événements y
sont narrés dans un temps relativement équivalent à celui où ils se sont produits. Par
exemple : des dialogues.
- le sommaire, qui consiste à résumer une certaine partie de l’action (nombre limité de
détails).
- l’ellipse, qui correspond à une coupure temporelle. Le récit ignore une certaine
période de l’action.
3. La fréquence pose la question de savoir
- si un événement a eu lieu 1x dans l’histoire et est raconté 1x (récit singulatif)
- si un événement a lieu 1x mais est raconté plusieurs fois (récit répétitif)
- si un événement a lieu plusieurs fois mais n’est raconté qu’1x (récit itératif)
- si un événement a lieu plusieurs fois et est raconté plusieurs fois (sous-type du récit
singulatif)
4. Le mode se divise en « distance » (entre narration et monde/événements narrés) et
« perspective » (« qui voit ? »).

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Sarah
La distance concerne la relation entre la narration et son propre matériau, c’est-à-dire soit
raconter l’histoire (« diégèse », telling, distance maximale) ou représenter l’histoire
(« mimésis », showing, distance minimale).
Il y a 3 sortes de discours :
- Le discours narrativisé ou raconté (où la distance est maximale).
- Le discours transposé au style indirect.
Cas spécial : le discours indirect libre, où l’absence de subordination (pas de verbe
déclaratif) laisse une plus grande liberté au discours. Cela peut entraîner une confusion
entre le discours prononcé et le discours intérieur, mais aussi entre le discours du
personnage et celui du narrateur. Le narrateur assume le discours du personnage et les
2 instances se confondent.
- Le discours rapporté ou dramatique, qui est la forme la plus mimétique. Le narrateur
feint de laisser la parole à son personnage.
Cas spécial du discours rapporté ou dramatique : le discours immédiat (monologue
intérieur). Ce discours est émancipé de tout patronage narratif (les marques de
l’instance narrative sont effacées). Il n’y a pas d’introduction déclarative (du type : « Il
dit : … »). Le narrateur s’efface et le personnage se substitue à lui.
La perspective (qui voit ?) ou la focalisation ne doit pas être confondue avec la voix (qui
parle ?). C’est ce qu’on appelle traditionnellement « point de vue » ou la « vision » et il y
en existe plusieurs types. La narration peut être :
- non focalisée (ou « à focalisation zéro »), observée à partir du point de vue d’un dieu.
C’est une focalisation totale, subjective et exhaustive. Le narrateur sait tout sur les
personnages et est capable de dire ce qui se passe dans plusieurs endroits à la fois. Le
lecteur en sait donc plus que les personnages.
- à « focalisation interne », depuis :
 une position fixe
 des positions diverses  focalisation variable : plusieurs personnages observent
successivement
 plusieurs points de vue  focalisation multiple : un même événement est narré à
partir des points de vue de personnages différents.
Ces positions coïncident souvent avec le(s) point(s) de vue d’un ou plusieurs
personnage(s). Le narrateur ne dit que ce que le(s) personnage(s) sait (savent) = un
récit « à point de vue ».
- à « focalisation externe » : tout est vu de l’extérieur, comme par une caméra qui
n’enregistre que les actions. La narration reste totalement neutre et objective. Le
personnage est supérieur au lecteur : le héros agit avant nous, sans que nous soyons
autorisés à connaître la moindre de ses pensées. = un « récit objectif » ou « à vision du
dehors ».
L’importance de la focalisation pour l’interprétation d’un récit réside dans le fait qu’elle
renvoie non seulement :
- à l’observation du monde narré, mais aussi
- aux jugements portés sur le monde narré, et aux pensées et sentiments qu’il évoque.

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Sarah
5. La voix (= l’instance narrative), à ne pas confondre avec la perspective ni avec l’auteur
même (l’instance d’écriture). Elle ne demeure pas nécessairement identique et invariable
au cours d’un même récit. Elle s’articule en 3 sous-catégories : le temps de la narration, le
niveau narratif et la « personne » (les relations entre le narrateur et l’histoire qu’il
raconte).
- Le temps de la narration. La principale détermination temporelle de l’instance
narrative est sa position par rapport à l’histoire. Il existe 4 types de narrations :
1) La narration « ultérieure », qui raconte l’histoire des événements passés (majorité
des récits). Il y a donc une distance temporelle séparant le moment de la narration
du moment de l’histoire. Cette distance temporelle peut être :
-indéterminée : on ne sait pas clairement situer le moment de la narration.
-déterminée : le moment de la narration peut être situé par rapport au moment de
l’histoire. Un effet peut être crée par le fait que le déroulement de l’histoire
réduise progressivement la distance qui la sépare du moment de la narration.
2) La narration « antérieure » prédit l’histoire qui doit encore se produire (type de
récit relativement rare).
3) La narration « simultanée » relate les événements alors qu’ils se produisent. La
narration et l’histoire coïncident.
4) La narration « intercalée » est une narration à plusieurs instances. L’histoire et la
narration s’enchevêtrent de telle sorte que la narration réagisse à l’histoire.
Exemple : le récit épistolaire à plusieurs correspondants.
- Le niveau narratif ou diégétique (relevant de la diégèse, de l’histoire). Un narrateur
peut être :
1) hétérodiégétique, le narrateur est absent de sa propre narration.
2) homodiégétique, le narrateur est situé à l’intérieur de la narration. Exemple : les
récits à la 1ère personne. Il y a identité de personne entre le narrateur et un
personnage.
3) autodiégétique, le narrateur est dans la narration et tient le rôle principal.
4) allodiégétique, le narrateur est présent dans la narration mais se limite à un rôle
d’observateur ou de témoin.
La nature d’un narrateur peut se modifier dans le courant d’un récit.
/!\ différences entre le narrateur hétérodiégétique et le narrateur homodiégétique.
Le narrateur hétérodiégétique peut être omniprésent et omniscient mais il ne se sert
pas toujours des connaissances supérieures dont il dispose. Il peut se projeter dans la
vision et l’expérience d’un ou plusieurs personnage(s).
Le narrateur homodiégétique ne peut jamais être omniprésent et omniscient. Il raconte
généralement à la première personne à un moment ultérieur (postérieur aux
événements racontés).
- La personne concerne la position du narrateur par rapport au monde narré. Avec un
narrateur intradiégétique (interne), l’action de raconter est fictionnalisée, prise dans
une diégèse. Tandis qu’avec un narrateur extradiégétique (externe), l’action de
raconter reste en dehors de toute fiction.
Il y a 6 types de narrateurs :
1)Le narrateur externe hétérodiégétique
2)Le narrateur externe autodiégétique

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3)Le narrateur externe allodiégétique
4)Le narrateur interne hétérodiégétique
5)Le narrateur interne autodiégétique
6)Le narrateur interne allodiégétique
Il y a différentes façons de narrer :
 la situation narrative auctoriale (concept de Stanzel), où le narrateur décrit,
commente et juge le monde narré à partir d’une grande distance (récits du 18 ème
siècle).
 la situation narrative personnelle, où la vie intérieure d’un personnage est éclairée
en exposant les pensées et sentiments de celui-ci (récits du 20 ème siècle, le
modernisme).
 la situation narrative neutrale, où l’accent est mis sur le monde extérieur,
notamment sur les comportements et les conversations des personnages (récits du
19ème siècle, le réalisme, …).
Le structuralisme d’après-guerre et la poésie
Pour les structuralistes, le « lecteur idéal » d’une œuvre est celui qui dispose de tous les
codes nécessaires à une lecture adéquate et dont la lecture se fait dans une abstraction totale
de ses particularités individuelles. Le lecteur idéal n’est pas un lecteur réellement existant
mais une fonction heuristique pour déterminer ce qui est nécessaire pour lire « correctement »
un texte. Le lecteur est une fonction du texte, décrire le texte de façon exhaustive équivaut à
décrire le lecteur capable de le comprendre.
Un premier essai de recontextualisation : l’intertextualité
Le groupe et la revue Tel quel (fondée en 1960) ont introduit la notion d’intertextualité à
travers 2 publications :
 l’ouvrage collectif Théorie d’ensemble (1968) auquel collaborèrent Foucault, Barthes,
Derrida, Sollers et Kristeva.
 l’étude Sèméiôtikè. Recherches pour une sémanalyse (1969) de Kristeva. Elle considère
l’intertextualité comme un processus indéfini opérant sous forme de traces, souvent
inconscientes. Le texte se réfère à la totalité des discours qui l’environnent.

Riffaterre perçoit l’intertextualité comme une contrainte car si l’intertexte n’est pas perçu,
c’est la nature même du texte qui peut être manquée. En effet, l’intertexte est l’ensemble des
œuvres (littéraires et non-littéraires) antérieures au texte d’accueil, le corpus de références, et
il évolue historiquement. Il change donc avec le temps et les textes paraissent donc voués à
devenir illisibles ou à perdre de leur signification dès lors que leur intertextualité devient
opaque.

Riffaterre introduit la notion d’hypogramme, c’est-à-dire, les mots ou les groupes de mots
auxquels un texte renvoie. Il y a 2 catégories d’hypogrammes :
- les hypogrammes potentiels, qui se rapportent à la langue naturelle (la langue
« primaire »).
- les hypogrammes actuels, qui se rapportent à la « langue secondaire », c’est-à-dire, la
littérature existante. Un hypogramme actuel = un interprétant, c’est-à-dire, un signe
qui explique un ou plusieurs autre(s) signe(s).
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Sarah

Genette décrit l’intertextualité comme 1 des 5 formes de la transtextualité, c’est-à-dire, tout


ce qui met le texte en relation, manifeste ou secrète, avec d’autres textes. Il y a 5 types de
relations transtextuelles (qui ont souvent des relations entre-elles (≠ étanches)) :
1) l’intertextualité désigne la présence effective d’un texte dans un autre. Cette présence
peut être explicite et littéraire (la citation), inavouée et littérale (le plagiat) ou inavouée et
généralement moins littérale (l’allusion).
2) la paratextualité concerne la relation que le texte entretient avec son paratexte. Le
concept de paratexte renvoie à tous les signaux autographes (venant de l’auteur même) ou
allographes (venant d’une autre main) qui procurent au texte un entourage et qui influent
sur la façon dont le texte est lu et signifié. Par exemple : titre, sous-titre, intertitre, préface,
notes marginales, avant-propos, etc.
3) la métatextualité concerne la relation dite « de commentaire », qui unit un texte à un
autre texte dont il parle, sans nécessairement le citer ( de façon explicite ou implicite).
4) l’architextualité concerne l’ensemble des catégories générales ou transcendantes (types
de discours, modes d’énonciation, genres littéraires, etc.) dont relève chaque texte. Par
exemple : l’indication « Roman » accompagnant le titre sur la couverture.
5) l’hypertextualité. L’hypertexte est un texte dérivé d’un autre texte préexistant au terme
d’une opération de transformation. Il existe de nombreux types d’hypertextes : l’imitation
simple, la transposition, la parodie, le pastiche, le travestissement, la charge.
L’hypertextualité est un aspect universel de la littérature, il n’existe pas d’œuvre littéraire
qui n’en évoque une autre mais certains textes sont nettement plus hypertextuels que
d’autres.
Chapitre 3. Le New Criticism
Genèse et développement
La Doctrine of Relevance désigne la conviction que tout, y compris la poésie, doit être utile
d’un point de vue politique et/ou social.
La heresy of the will signifie l’hérésie de la volonté, qui privilégie une réflexion étroitement
fonctionnaliste.
Ransom et Tate (2 pionniers du New Criticism) s’y opposent car, pour eux, la poésie nous
offre une forme alternative de connaissance, donnant accès à la plénitude du monde concret
par le biais d’images et d’une multitude de significations connotatives. Pour eux, la poésie est
l’opposé de la science, qui a un esprit d’abstraction et de généralisation.
Les précurseurs anglais
Leavis et Scrutiny
F.R. Leavis est la figure centrale de la nouvelle génération de théoriciens littéraires anglais,
c’est-à-dire, des précurseurs anglais du New Criticism. Il fait partie des fondateurs de la revue
Scrutiny crée en 1932.
La revue Scrutiny est l’organe le plus important des « Leavisiens », c’est-à-dire, des
précurseurs anglais du New Criticism. Elle préconise une analyse rigoureuse, portant une
attention systématique aux « mots sur la page ». Elle prend la défense de la littérature, qui est
conçue comme le lieu où sont sauvegardés les usages créatifs de la langue. Sa critique

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Bielicki
Sarah
littéraire est à situer dans le cadre d’une critique idéologique de la société commerciale
moderne et de la culture de masse (capitalisme industriel). Selon les Leavisiens, c’est la
qualité du langage d’une société qui indique la qualité de sa vie individuelle et sociale, une
société qui cesse de valoriser la littéraire se ferme donc aux impulsions qui ont crée le
meilleur de la civilisation. L’étude de la littéraire de cette revue est donc étroitement liée à
une utopie (réactionnaire) : faire renaître une communauté naturelle et « organique », opposée
à la société produite par le capitalisme industriel. Dans ce combat, l’étude de la littérature
anglaise est considérée comme la discipline centrale. Scrutiny n’est pas seulement une revue
mais aussi le centre d’une croisade morale et culturelle à relativiser. Les Leavisiens n’ont
jamais réellement tenté de changer la société mais envisageaient une transformation de
l’éducation pour former une minorité ou élite cultivée et combative qui transmettrait à son
tour son savoir et sa sensibilité. C’est sur cela que leur espoir de changement reposait.
L’élitisme de Scrutiny est lié aux origines sociales modestes (classe moyenne inférieure) de
ses collaborateurs, qui ont nourri le souhait de se distinguer des élites traditionnelles et de la
classe ouvrière. Il s’agit d’une élite défensive et marginale (bien qu’elle se considère comme
centrale), qui se perçoit comme avant-gardiste tout en se basant sur des idées réactionnaires.
L’influence de T.S. Eliot
Selon Eliot, le poème doit fonctionner comme un « corrélat objectif », c’est-à-dire, un
artefact capable de produire sur le lecteur les effets correspondant aux sensations originales
du poète. L’émotion doit être immédiatement suscitée par l’organisation formelle du langage
(donc, sans médiation par la raison). Le poème n’exprime pas les émotions ou la personnalité
de l’auteur comme dans la poésie romantique.
F.R. Leavis, I.A. Richards et William Empson
Leavis est le propagateur de la « théorie pratique » et de la « lecture méthodique ».
La « théorie pratique » affirme que l’on peut juger de la qualité de la littéraire (émettre un
jugement de valeur) en portant une attention concentrée sur le texte, isolé de son contexte
culturel et historique.
La « lecture méthodique » (close reading) désigne une interprétation analytique détaillée qui
appelle une attention rigoureuse aux « mots sur la page » et aux éléments constitutifs d’un
texte plutôt qu’aux contextes qui les ont produits et qui les entourent. Elle encourage l’illusion
que le texte peut être étudié isolément.
C’est le début de la lecture du texte littéraire en tant qu’objet en soi.
I.A. Richards a établit le lien principal entre les études littéraires de Cambridge et le New
Criticism. Il prend la défense de la poésie moderniste, qu’il considère comme supérieure à la
« culture de masse » commerciale, et croit que la littérature doit aller à l’encontre des attentes
du public. Il organisa des expérimentations psychologiques où il demanda à ses étudiants
d’interpréter un poème uniquement sur la base du texte (sans informations supplémentaires
sur l’auteur ou le contexte). Les réponses obtenues étaient très hétérogènes et Richards en
déduisit qu’il était nécessaire d’offrir une formation qui se focaliserait davantage sur les outils
nécessaires pour lire et interpréter (+ évaluer) un texte littéraire de façon « correcte ». Il a
également avancé que la poésie occupe une fonction cruciale dans la société contemporaine,
car elle se sert d’un langage émotif essentiel à notre bien-être psychique et orchestre ainsi

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Bielicki
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notre vie émotionnelle. Un bon poème éveille un ensemble complexe mais harmonieux
d’émotions, dont l’expérience contribue à l’équilibre psychique du lecteur.
William Empson est l’inventeur du « close reading » (ou « lecture méthodique »). Cette
procédure consiste à se focaliser d’abord sur les mots individuels du texte et d’en explorer
leur potentiel de significations. Ensuite, ce potentiel est mis en relation avec celui des autres
mots dans le texte. A la fin, le critique peut interpréter et évaluer le texte étudié dans son
ensemble.
Genèse et évolution du New Criticism
Les New critics reprennent la procédure de la close reading des anglais, c’est-à-dire, une
approche intrinsèque, axée sur une lecture attentive du texte, devant déboucher sur une
interprétation et évaluation bien fondées.
La « fallacy of communication » désigne l’erreur grave de paraphraser une œuvre littéraire
(la forme et le contenu sont indissociables !). Elle est dénoncée dans l’essai « The Heresy of
Paraphrase » de Brooks.
La poésie comme objet d’étude privilégié
Le New Criticism s’intéresse au poème comme une unité « organique », un équilibre
dynamique entre forces opposées (ambiguïtés, tensions, …). Il s’agit d’une idée inspirée par
l’anglais S.T. Coleridge. Le New Criticism s’intéresse aux ambiguïtés et tensions au cœur de
l’œuvre, qui sont résolues dans une coopération « organique » de tous les éléments du
poème. Il considère la poésie comme une source de connaissance non-rationnelle, une façon
de comprendre concrète (symbolique et connotative), affective et sensuelle. La forme
contribue de façon essentielle à la signification. Le poème n’est pas directement
communicatif (dénotatif, référentiel, …) mais évoque, à travers l’interaction de ses
connotations et de ses composantes formelles, des « thèmes ». Il est impossible de paraphraser
l’unité organique complexe qui résulte de ce processus.
Séparation du texte de l’auteur et du lecteur
« The Intentional Fallacy » est un essai dans lequel Wimsatt et Beardsley dénoncent
l’illusion qu’il est indispensable, afin de pouvoir interpréter une œuvre littéraire, de connaître
la biographie et la psychologie de son auteur, la genèse de ses textes et surtout les intentions à
la base de ceux-ci. D’après eux, la genèse du texte est un processus immanent au langage,
indépendant de l’intention de l’auteur. Le poème naissant s’écrit indépendamment de
l’intention de l’auteur. L’auteur découvre donc le poème dans le travail avec le matériau
langagier.
« The Affective Fallacy » est un essai dans lequel Wimsatt et Beardsley dénoncent l’erreur
de prendre en considération les réactions subjectives des lecteurs. D’après eux, le sens d’un
texte littéraire est objectif et n’est donc pas question de significations abstraites produites par
un lecteur privé. En accordant de l’importance aux réactions émotives des lecteurs, le critique
risque de se perdre dans le subjectivisme.
Chapitre 4. Les théories de la réception
Précurseurs et influences

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Bielicki
Sarah
Sartre contribua aux théories de la réception. Dans un chapitre de son ouvrage Qu’est-ce que
la littérature intitulé Pour qui écrit-on ?, il préconise (dans une perspective marxiste),
l’engagement politique et social tant de l’auteur que du lecteur d’œuvres littéraires.
Barthes contribua aux théories de la réception. Il propose dans Le plaisir du texte une
approche axée sur le plaisir individuel procuré par la lecture de certaines œuvres.
Eco s’est intéressé à la réception des œuvres mais d’un point de vue sémiotique. Il a écrit
Lector in fabula.
Jauss : « horizon d’attente » et « écart esthétique »
Jauss soutient qu’afin d’étudier un texte littéraire, il faut établir son « horizon d’attente »
(Erwartungshorizont), c’est-à-dire l’ensemble des connaissances, normes, valeurs et attentes
existant auprès d’un public historiquement et culturellement situé. Un horizon d’attente est le
produit d’une évolution historique et se trouve donc en état de réorganisation permanente.
Ceci explique qu’une même œuvre peut être comprise et évaluée différemment à plusieurs
époques consécutives. Cet effet risque d’occulter la diversité des attentes à partir desquelles
les lecteurs d’une même période historique lisent.
Jauss appelle « écart esthétique » (Ästhetische Distanz) le décalage entre le texte littéraire et
l’horizon d’attente. Il estime qu’un texte éprouvé comme distant par rapport à cet horizon
(donc, un texte « transgressif ») est généralement apprécié comme étant extrêmement
« littéraire ». Cette appréciation positive se produit rarement d’emblée : dans un premier
temps, le texte « transgressif » tend à susciter des réactions négatives. La disparition ultérieure
de ces réactions signale l’établissement d’un nouvel horizon d’attente.
Jauss s’intéresse à la problématique de l’identification en littérature. D’après lui, le lecteur
s’identifie à un ou plusieurs personnage(s). Il existe plusieurs formes d’identifications et
chacune d’elles présentent des aspects positifs et négatifs. Jauss étudie l’apport potentiel de la
littérature au perfectionnement de la position idéologique et du comportement social du
lecteur, il adopte donc une position normative.
Iser : le « lecteur implicite » et les « espaces blancs »
Dans son discours Die Appellstruktur der Texte (1970), Iser dit que l’historien de la littérature
doit étudier la « structure appellative » du texte. En effet, un texte soulève des questions
bien précises desquelles on peut déduire le type de lecteur auquel il s’adresse. Iser s’intéresse
donc à la représentation que l’œuvre donne de ses lecteurs, des « appels » qu’elle leur lance.
Selon Iser, le « lecteur implicite » est le lecteur virtuel sollicité par le texte même. Cela
renvoie au rôle de lecteur inscrit dans le texte. Tout œuvre met en place une représentation de
son lecteur et pré-oriente sa réception : elle organise et dirige la lecture. Le texte contient dans
sa structure le modèle du rôle qu’il veut que le lecteur joue dans le processus de la
communication littéraire. Une des tâches du chercheur littéraire est de repérer le « lecteur
implicite » inscrit dans le(s) texte(s) qu’il étudie.
Iser dit que le texte littéraire est essentiellement caractérisé par son indétermination ou
imprécision (Unbestimmtheit). Il postule qu’il existe des « vides » ou espaces blancs
(Leerstellen) à l’intérieur des textes, qui seront remplis par les projections du lecteur, qui y
inscrit sa propre expérience. Chaque lecteur actualise le sens d’un texte à sa propre manière.

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Bielicki
Sarah
La polysémie est donc une caractéristique essentielle de la littéraire et il n’y a pas de lecture
« correcte ». Cette idée démocratise radicalement le processus d’interprétation mais il ne faut
pas en déduire que toutes les lectures ont la même valeur. Le lecteur est supposé maîtriser les
« codes » pour que sa lecture soit reconnue comme valable.
D’après Iser, la lecture est un mouvement dynamique et complexe qui se déploie à la façon du
« cercle herméneutique », un concept central de l’herméneutique élaboré par Gadamer dans
Wahrheit und Methode et qui renvoie à un va-et-vient entre la partie (les éléments concrets du
texte) et le tout (l’interprétation qu’on lui donne). Nos déductions initiales créent un cadre de
référence à l’intérieur duquel nous interprétons ce qui suit peut transformer notre
compréhension originelle. Chaque phrase crée un horizon qui se trouve confirmé, défié ou
infirmé par la phrase suivante.
Approches herméneutique et empirique
Dans les années 1970, les théories de la réception se sont, à la suite d’une « querelle de
méthodes » scindées en 2 approches différentes :
- L’approche herméneutique (de Jauss et Iser), qui prend en compte le rôle du lecteur sans
renoncer à l’apport personnel du chercheur. Elle a élargi son champ d’étude et aborde de
nouvelles questions de recherche. Elle accorde plus d’attention à la « paralittérature ».
Elle a étudie l’impact de plusieurs facteurs sur la variabilité de la réception : l’évolution
du système littéraire, du contexte historique, social et culturel, l’appartenance à une classe
sociale, l’âge, le sexe et les convictions idéologiques des lecteurs. Partisans les + connus :
Stempel, Stierle, Gumbrecht.
- L’approche empirique, qui étudie le comportement de lecteurs « réels » le plus
objectivement possible, par le biais de méthodes expérimentales (pour que le chercheur ne
joue jamais un rôle actif dans la communication littéraire). Ses représentants les + connus
sont Groeben et Schmidt.

Approche empirique de Groeben : il prend les idées de Jauss et Iser comme point de
départ et les assortit d’une méthodologie empirique. Pour lui, il est impératif que le
chercheur essaie d’apprendre comment les lecteurs réalisent la signification d’un texte. Il
soumet des textes à des lecteurs et leur demande d’en fournir des interprétations. Il estime
qu’une recherche visant à étudier la réception littéraire de façon scientifique doit se fonder
sur des données empiriques. Ses recherches se focalisaient d’abord sur l’interprétation de
textes littéraires par les lecteurs puis sur la motivation de lire et les effets de la lecture.

Approche empirique de Schmidt : il décrit la réalité socioculturelle comme un ensemble


de « systèmes actionnels » dont chacun a sa structure et fonction spécifiques et ses
propres conventions. Ce qu’il appelle le système actionnel littéraire-esthétique
comprend 4 rôles : la production, la distribution, la réception, la transformation (à travers
de nouveaux textes). Ce système a 2 conventions :
- la convention esthétique porte sur le fait que le lecteur applique au texte des
critères spécifiquement esthétiques et ne s’intéresse pas en premier lieu à la
véridicité, la valeur communicative ou l’utilité pratique du texte.

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Bielicki
Sarah
- la convention de polyvalence renvoie à l’acceptation par le lecteur qu’il se
produit des différences considérables dans l’attribution de signification à un même
texte.
Le caractère littéraire d’un texte n’est pas une qualité inhérente mais dépend de la façon
dont le texte est lu. Le lecteur est cependant guidé par les caractéristiques du texte même,
les indices du genre, le nom de l’auteur, … vers une lecture « littéraire ».
Schmidt estime que lire peut avoir 3 fonctions :
1) une fonction cognitive et réflexive où le lecteur compare la construction de la réalité
dans le texte avec sa propre construction de la réalité, qui peut alors se trouver
affirmée ou modifiée.
2) une fonction morale et sociale où le texte peut renforcer, saper ou modifier les normes
et valeurs du lecteur.
3) une fonction hédoniste et individuelle où la lecture même et la sympathie avec les
émotions évoquées dans le texte peuvent constituer des sources de plaisir.
Selon Schmidt, le chercheur doit se limiter à étudier comment les textes concrets sont
réellement lus et interprétés.
Types de recherches axées sur le lecteur
Les recherches portant sur le lecteur peuvent se pencher sur :
- le « lecteur productif » qui renvoie à l’auteur qui incorpore des traces de sa lecture dans
son œuvre avec des intentions diverses. Les recherches qui étudient ce type de lecteur ont
des affinités avec l’étude des influences subies par un auteur et de l’intertextualité.
- le « lecteur visé » (lecteur non-réel), quand il est possible de déterminer à quel type ou
groupe de lecteurs un texte se destine. Affinités avec le concept de « lecteur implicite »
d’Iser (le rôle de lecteur inscrit dans le texte).
Les recherches axées sur l’apport du lecteur ont donné lieu à un nouveau type d’histoire
littéraire qui se trouve confrontée au problème que, dans l’étude d’une période révolue, le
chercheur ne peut aller enquêter auprès des lecteurs. Il peut compenser cela en s’appuyant sur
ce qui est disponible en tant que documents attestant la réception contemporaine des textes
étudiés.
Les recherches synchroniques sur la réception de la littérature visent à étudier la réception de
la littérature à un moment historique donné. Par exemple, en reconstituant le comportement
des acheteurs, en examinant le rôle des institutions littéraires ou en comparant la vision de la
réalité dans une œuvre littéraire avec celle en rigueur dans la société en général.
Les recherches diachroniques sur la réception de la littérature s’intéressent à la façon dont
une œuvre littéraire est reçue à travers plusieurs périodes consécutives et aux relations entre
les évolutions dans la réception de cette œuvre et la transformation des horizons d’attente.
Chapitre 5. Le poststructuralisme
Genèse et développement
Une pensée dite « rhizomatique » désigne une pensée se ramifiant sans centre ni hiérarchie.
Cela vient de la notion de rhizome introduite par Deleuze et Guattari. Elle est caractéristique
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du postmodernisme littéraire qui a une préférence pour une littérature ludique, ironique et
intertextuelle, préconisant une pensée associative et « rhizomatique », caractérisée par
l’absence de tout point de vue fiable et par la conviction que tout énoncé renvoie à d’autres
énoncés. La littérature postmoderniste est, en effet, fondée sur un antiréalisme fondamental.
Le « père » du poststructuralisme : Jacques Derrida
Le sens n’est jamais présent dans le signe. L’effet des différences du signifiant avec
d’autres signifiants permet uniquement de dire que la signification dudit signifiant diffère de
celle des signifiants A, B, C, D, et ainsi de suite. Le sens est donc dispersé tout au long de la
chaîne des signifiants, il n’est jamais donné de façon positive, il n’est jamais présent. Seul le
signifiant est réellement présent, que l’on peut donc identifier au signe même. Cela veut dire
que la relation entre le niveau des signifiants et celui des signifiés est d’une asymétrie
radicale. La signification est présente comme absence, en tant que promesse dont la
réalisation est différée indéfiniment, elle est toujours « à venir ». La recherche du signifié
dans sa présence directe ne sera jamais couronnée de succès. Le signifiant lui est bel et bien
présent et il est traditionnellement considéré comme un « supplément » du sens mais ce
« supplément » est indispensable pour qu’il y ait du sens. Le signifiant instaure la
signification, le sens dépend donc de lui.
L’absence irrévocable du sens est liée à son instabilité profonde : le signifiant reste toujours
identique à lui-même mais le sens auquel il renvoie ne cesse de se modifier (glisser, flotter).
Ceci est lié à l’itérabilité du signifiant, qui renvoie (selon Derrida) au fait que le signifiant
peut être réitéré éternellement mais chaque réitération se fait à l’intérieur d’une nouvelle
constellation de signifiants. Les signifiants ne se trouvent jamais au même endroit puisque
leur contexte se modifie continuellement. Exemple : le signifiant « loup » a différentes
dénotations et associations ou connotation suivant le contexte dans lequel il apparaît.
La « métaphysique de la présence » est l’illusion que le sens puisse être présent directement
(sans médiation par le signifiant). Elle naît de l’apparition du supplément (le signifiant) qui
nous promet la présence du sens, une promesse qui ne sera jamais tenue mais qui nous incite à
chasser cette présence.
Le « phonocentrisme » est une forme spécifique de la métaphysique de la présence. Il
renvoie à une autre illusion : celle que nous ne connaissons une personne réellement ( accès
à son essence/identité) que lorsque nous nous trouvons en sa présence et entendons sa voix
qui est alors conçue comme le médium de sa conscience. Cette illusion repose sur une vision
dépassée de l’homme qui serait capable de dominer le langage comme l’expression
transparente de son être le plus intime. Elle ignore la primauté du langage : ce que nous
prenons pour l’identité d’une personne est en fait le produit du langage et n’est qu’identité
promise. Cela nous incite à rechercher la présence de la personne et le son de sa voix.
La philosophie occidentale fut « logocentrique », c’est-à-dire, engagée dans une croyance en
un « dernier mot », une vérité ou une réalité ultime (« signifiant transcendantal ») qui
fonderait toutes nos pensées, langages et expériences. Ce « signifiant transcendantal »
donnerait un sens univoque (un « signifié transcendantal ») à tous les autres signes.
La métaphysique désigne tout système de pensée qui dépend d’une fondation incontestable
sur laquelle une hiérarchie de sens peut être construite. Derrida ne croit pas que nous
puissions échapper à la nécessité de forger de tels systèmes mais nous pouvons les

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déconstruire en montrant qu’ils sont le produit d’un système de pensée spécifique et qu’ils se
définissent généralement par ce qu’ils excluent.
Le « phallocentrisme » est un système métaphysique où l’homme est le principe fondateur et
la femme l’opposé exclu. Tant que cette distinction tient, le système peut fonctionner.
La « déconstruction » est l’opération théorique qui permet d’au moins partiellement annuler
des oppositions. C’est un terme emprunté à Heidegger et utilisé par Derrida pour la 1 ère fois
dans De la grammatologie). La déconstruction a montré que les oppositions binaires sont
caractéristiques des idéologies, qui dessinent des frontières entre acceptable/non-acceptable,
sens/non-sens, etc. Elle permet d’au moins commencer à démêler ces oppositions et à montrer
comment le terme d’une antithèse appartient secrètement à l’autre.
D’après Derrida, il est impossible de fixer le sens dans ce qu’il appelle l’écriture car le sens
flotte sans cesse, c’est un processus interminable qu’il appelle la « dissémination »
(l’inévitable dérive d’un message de sa destination originelle). La dissémination caractérise
tout écrit.
Roland Barthes : la lutte contre la « doxa »
« La mort de l’auteur » (1968) est une célèbre conférence de Barthes, qui annonçait la
rupture définitive avec la tradition des critiques et historiens littéraires Sainte-Beuve et
Lanson, qui attache une grande importance à la figure de l’auteur. C’est un pas décisif vers le
poststructuralisme, dont il sera considéré comme une sorte de manifeste.
L’une des fonctions de toute idéologie est de « naturaliser » la réalité sociale, de la faire
passer pour immuable. Elle vise à transformer Culture (historique et sociale) en Nature
(immuable). Barthes s’oppose aux signes autoritaires et idéologiques qui se donnent comme
les seules façons concevables de voir le monde. Pour lui, un signe « sain » est celui qui attire
l’attention sur son propre caractère arbitraire et factice et qui n’essaie pas de se faire passer
pour « naturel » et « vrai ».
Barthes écrit des « fictions carnavalesques » parodiant les langages de plusieurs
« systèmes » scientifiques modernes. Il s’efforce de démontrer ainsi l’impossibilité d’une
représentation homogène et systématique du monde, d’ébranler l’unité fermée de ces
systèmes et de dévoiler leur caractère autoritaire. Exemple : Sade, Fourier, Loyola = analyse
des discours parodiques et subversifs de chacun de ces 3 auteurs.
La « Doxa » désigne les idées reçues d’une société. Barthes utilise des techniques subversives
parodiques contre son pouvoir autoritaire.
Barthes pense que les textes les plus intéressants ne sont pas ceux qui sont « lisibles » mais
ceux qui sont « scriptibles », c’est-à-dire, ceux qui rompent avec les codes établis et
encouragent le théoricien/lecteur à produire du sens lui-même. Le texte scriptible est apte à
donner lieu à une lecture aventureuse et imprévisible. Il n’a pas de sens déterminé et établi, et
prend la forme d’un tissu complexe et pluriel, un jeu de signifiants sans fin. Le texte est un
processus sans fin de « structuration » réalisée dans la lecture.
Les textes de plaisir renforcent la notion du sujet autonome et transparent, qui est une
illusion créée par le discours idéologique.

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Les textes de jouissance contrecarrent l’identification au discours idéologique en offrant un
« contrediscours » fragmentaire et hybride. Un texte de jouissance est un texte hybride et
fragmentaire visant à saper la souveraineté du sujet idéologique. Il efface tous les points de
référence du sujet et force le lecteur à se « réécrire ». Cette activité lui procure un plaisir
ambivalent que Barthes appelle « jouissance ».
Barthes élabore la problématique du sujet dans Roland Barthes par Roland Barthes.
Les « Yale Critics » et le déconstructionnisme américain
Le déconstructionnisme est une école qui se base sur l’idée derridienne que le langage n’est
jamais univoque et qui développe une méthode de lecture qui vise à révéler que l’univocité
espérée n’est qu’une illusion.
Le terme déconstruction renvoie à la façon dont des caractéristiques d’un texte, à première
vue accidentelles et marginales, s’avèrent subvertir le message que ce texte était censé
transmettre.
La pratique déconstructionniste et ses aspirations politiques
Le résultat d’une lecture déconstructionniste est le renouveau perpétuel de l’expérience du
critique, qui va au-delà des cadres interprétatifs établis et en révèle la « cécité » (blindness)
pour la remplacer par une nouvelle « vue » (insight), qui devient elle-même une nouvelle
cécité à déconstruire à son tour, et ainsi de suite. La pratique déconstructionniste résulte en la
destruction permanente de tout ce qui se présente comme définitif, elle résulte en un
« déplacement » intellectuel interminable.
Pour Derrida, la déconstruction est une pratique politique visant à démanteler la logique
grâce à laquelle un système spécifique de pensée et une structure politique et sociale
maintiennent leur pouvoir.
Chapitre 6. La théorie littéraire et la psychanalyse
Le père de la psychanalyse : Sigmund Freud
Le point de départ de la théorie psychanalytique est que tout être humain est obligé de
réprimer ses tendances à la satisfaction, le « principe de plaisir » subit donc une répression
par le « principe de réalité ». Cette répression peut devenir excessive et nous rendre malade,
dans ce cas-ci, mener à la névrose. Comme tous les êtres humains sont réprimés jusqu’à un
certain point, ils sont dès lors des « animaux névrotiques ». La névrose nous amène à
satisfaire nos désirs en les « sublimant », c’est-à-dire en les orientant vers des fins
socialement plus valorisées (détourner les instincts vers des buts + élévés). La sublimation
constitue la base de la civilisation et de la culture.
L’inconscient est le lieu où nos désirs interdits sont refoulés.
Le complexe d’Œdipe est une étape de l’enfance où la relation « dyadique » (entre l’enfant et
la mère) se transforme en un triangle qui réunit l’enfant et ses 2 parents. Le parent du même
sexe devient alors un rival dans son affection pour le parent du sexe opposé. Ce terme renvoie
à la pièce de théâtre de Sophocle intitulée Œdipe roi. Il prépare l’individu à son rôle dans la
société, qui implique le report des satisfactions et l’acceptation de l’autorité.

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D’après Freud, le petit garçon refoule son désir incestueux pour sa mère sous la menace
paternelle de castration. Il se conforme au « principe de réalité » en se soumettant à son père
et se détache de sa mère (= la prohibition de l’inceste par le père). Son père symbolise une
place qu’il sera capable de prendre un jour. L’enfant accède au rôle symbolique de la virilité
et surmonte son complexe d’Œdipe mais il a refoulé son désir interdit dans l’inconscient, un
lieu qui s’ouvre par cet acte de refoulement primaire. Cela permettra au petit garçon
d’assumer le rôle de père et s’insérer dans la société. Il est possible que la transformation
n’aboutisse pas et que l’individu devienne psychiquement « malade », incapable de
fonctionner « normalement ».
Le « surmoi » (Über-Ich, superego) est la voix de la conscience. C’est l’intériorisation de la
loi patriarcale qui amène la création du surmoi.
Le « moi » (Ich, ego) est l’identité de l’individu qui lui permet d’occuper une place dans les
réseaux de la société. Cela présuppose qu’il rejette ses désirs illégitimes et les refoule dans
son inconscient, dans le « ça ».
Le « ça » (Es, id) est l’ensemble des pulsions inconscientes, désirs refoulés.
Le « travail du rêve » consiste à déchiffrer la signification des rêves.
La condensation est une technique utilisée dans le « travail du rêve » où plusieurs images
sont « synthétisées » dans une seule image. Elle correspond à la métaphore qui condense des
sens sur l’axe paradigmatique.
Le déplacement est une technique utilisée dans le « travail du rêve » où le sens d’un objet est
transféré sur un autre objet. Il correspond à la métonymie qui déplace un sens sur un autre sur
l’axe syntagmatique.
Les résidus diurnes sont les événements qui ont eu lieu le jour. D’après Freud, le rêve y
puise son matériau qu’il mélange avec des images tirées de notre petite enfance.
Les parapraxes sont des lapsus, des trous de mémoire, des erreurs de lecture qui, selon
Freud, renvoient aux désirs inconscients.
La névrose survient lorsque les désirs refoulés s’efforcent de resurgir dans la vie consciente.
Le moi se bloque sur la défensive. Elle est le résultat du conflit entre les deux. L’individu
développe des symptômes qui protègent à la fois contre le désir inconscient et l’expriment de
façon indirecte. Derrière la névrose, il y a des conflits non résolus dont les racines remontent à
la période œdipienne. Il existe une relation entre les névroses (phobies, obsessions,
compulsions, hystérie, …) et le moment où le développement psychique s’est arrêté. Le but
de la psychanalyse est de découvrir les causes cachées de la névrose pour libérer le patient de
ses conflits et faire disparaître ses symptômes.
La psychose (paranoïa, schizophrénie) est une affection bien plus problématique. Le moi est
incapable de réprimer le désir inconscient et tombe sous son emprise. Le lien entre le moi et le
monde extérieur (social) est alors rompu et l’inconscient se met à construire une réalité
alternative et délirante.
Le « transfert » est le cœur du traitement pour ceux considérés comme psychiquement
défaillants ou dérangés. L’analysé est encouragé à parler sans contraire, par association libre
d’idées. Il commence alors à transférer sur l’analyste ses conflits psychiques et répéter son

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conflit originel. Le transfert fournit à l’analyste un aperçu privilégié de la vie psychique du
patient, dans une situation contrôlée où il peut intervenir. Le processus transférentiel
permettra aux problèmes du patient d’être « perlaborés ». A l’issue du traitement, il devrait
être capable de recueillir une partie du matériau refoulé et de produire une nouvelle narration
de lui-même.
Jacques Lacan et son « déplacement » de Freud
Lacan tente de « réécrire » la psychanalyse freudienne à la lumière du « tournant langagier ».
Il s’inspire pour cela du structuralisme et du poststructuralisme, des linguistes Saussure +
Jakobson + Benveniste, de la philosophie d’Hegel, d’une vaste lecture dans la littérature et les
sciences, et de l’œuvre de Derrida. Sa démarche résulte en une œuvre souvent opaque et
énigmatique. Lacan réécrit le processus freudien du développement de l’enfant en termes de
langage : le passage à travers le complexe d’Œdipe est lié à l’acquisition du langage.
« L’imaginaire » est le stade dans le développement de l’enfant où il n’y a pas de distinction
claire entre le sujet et l’objet, entre le soi et le monde.
1) Stade initial : l’enfant éprouve son corps comme « morcelé », comme un amalgame de
pulsions hétérogènes, sans unité ni identité.
2) Le « stade du miroir » est le stade « imaginaire » : l’enfant se regarde dans le miroir et
découvre une image unifiée et satisfaisante de lui-même dans le miroir. Cette image
constitue la base du moi « imaginaire » (l’ego), un moi qui résulte d’une identification
narcissique à cette image : l’enfant s’y « méreconnait ». Il y trouve une identité distincte
et stable qui constitue une source de plaisir mais cette image lui reste étrangère, il ne fait
pas l’expérience de cette image dans son corps « morcelé ». L’image dans le miroir reste
donc séparée de lui et l’identification imaginaire est donc aliénante. Le stade imaginaire
repose sur une structure « dyadique » (corps – image, moi – autre, enfant – mère) sans
distinction claire entre les 2 termes.
3) Le stade symbolique est le passage à travers le complexe d’Œdipe, il repose sur une
structure « triadique » suite à l’entrée en jeu du père qui symbolise la « Loi primordiale »
(le tabou social de l’inceste) et la société. Il sépare l’enfant de la mère et refoule ainsi le
désir de celui-ci dans l’inconscient.
« L’ordre symbolique » ou le « grand Autre » est la structure préalable et transindividuelle
des rôles sociaux et des relations qui font la société. Cet ordre gouverne toutes formes
d’organisation sociale et intervient dans toutes les relations entre individus. L’enfant passe du
registre imaginaire à l’ordre symbolique lorsqu’il accepte que son identité est constituée par
ses relations de différence et de similitude aux sujets qui l’entourent.
Par « désir », Lacan entend un mouvement potentiellement sans fin d’un signifiant vers un
autre, à la recherche de la plénitude imaginaire perdue, ainsi que du « réel », le domaine
impénétrable à l’extérieur de l’ordre symbolique. Tout désir surgit d’un manque qu’il tente de
combler. Le langage humain fonctionne par le biais d’un double manque : l’absence de l’objet
réel que le signe désigne + le fait que le sens d’un mot se fonde sur l’exclusion d’autres mots.
« L’objet petit a » est l’objet substitutif avec lequel nous cherchons en vain à combler le
vide, le manque creusé par le langage.

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Le « sujet de l’énoncé » est le « je » que je prononce (le « je » dans la phrase), c’est un point
de référence immédiatement intelligible et parfaitement stable. Il est le sujet construit dans et
par l’ordre symbolique.
Le « sujet de l’énonciation » est le « je » qui prononce, c’est le sujet « réel » (le « je » à
l’extérieur de/implicite dans la phrase), qui échappe à toute symbolisation.
La psychanalyse et les études littéraires
Le « contenu latent » d’un rêve est son « matériau brut », il est fait de désirs inconscients, de
stimulations corporelles dans le sommeil, des « résidus diurnes » et est transformé par le
« travail du rêve ». Les mécanismes de ce travail sont les techniques inconscientes de
condensation et de déplacement. Le rêve qui est le fruit de ce travail (le rêve dont nous nous
souvenons) est le « contenu manifeste ». L’objet de l’analyse de Freud est le travail du rêve.
La « révision secondaire » est une étape du travail du rêve qui consiste en une réorganisation
du rêve pour en faire une narration relativement consistante et compréhensible. Elle
systématise le rêve.

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