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NANOSCIENCES
ET NANOTECHNOLOGIES

Pascale LAUNOIS Les nanosciences et les nanotechnologies


connaissent depuis une quinzaine d’années un
formidable essor, grâce au développement de
Henri Benisty nouveaux outils d’élaboration, d’observation
Alain Berthoz et d’analyse.
Robert Corriu Le terme « nano » est utilisé en référence à
Claire Dupas l’échelle du nanomètre, et plus largement pour
Albert Fert les dimensions nettement submicroniques. Aux
Philippe Grangier très petites échelles, de nouveaux phénomènes
Claude Henry apparaissent (effets de taille, effets quantiques,
Christian Joachim
etc.). Les nanosciences s’intéressent d’une part,
aux nouveaux phénomènes au niveau des
Christine Joblin
nano-objets, et d’autre part, aux interactions
Philippe Kapsa
entre objets nanométriques. Les travaux des
Isabelle Ledoux-Rak chercheurs vont de la réalisation, de la synthèse
Jean-Yves Marzin chimique et de l’étude du nano-objet indivi-
Jean-Pierre Nozières duel, pour remonter à ses propriétés intrinsè-
Bernard Pannetier ques, à la réalisation et à l’étude d’assemblées
Alain Pérez de nano-objets en interaction ou non suivant
Didier Stievenard
la densité d’intégration. Les nanotechnologies
– formalisation des concepts et procédés des
Christophe Vieu
nanosciences en vue d’applications – ont d’ores
Jacques Yvon
et déjà de larges domaines d’application en
Joseph Zyss microélectronique et dans le domaine des maté-
riaux, et un ensemble de champs prospectifs
auront sans aucun doute dans les décennies à
venir des retombées sociétales et économiques
majeures, en accroissant les possibilités dans
les domaines pré-cités, mais aussi par exemple
en biotechnologie, en photonique ou dans les
technologies de l’information.

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RAPPORT DE CONJONCTURE 2004

Les nanosciences et nanotechnologies 1 – SITUATION


constituent-elles un domaine nouveau ?
Alors que l’on utilise depuis des siècles SCIENTIFIQUE,
des nanomatériaux tels que les verres et TECHNOLOGIQUE ET
les céramiques, et que la chimie fait appel
à des molécules de tailles diverses, ce qui QUESTIONS SUR QUELQUES
a surtout changé c’est la possibilité de THÈMES
synthétiser de manière de mieux en mieux
contrôlée, d’observer, de manipuler et de
comprendre les nano-objets et leur assem-
blage. Notre conception du rôle du nano-
1.1 NANO-OBJETS OU MOLÉCULES
objet en a été modifiée : de composante UNIQUES : ÉTUDES ET MANIPULATION
élémentaire du système macroscopique,
il est devenu un individu actif à part entière,
avec une fonction spécifique. Lorsque des Les nano-objets sont la « pierre de base »
objets ont la même taille que des molécules des nanosciences et nanotechnologies. Nous
chimiques ou biologiques, ou lorsque l’une en illustrons ici l’intérêt, de la manipulation
de leurs dimensions au moins devient très de molécules uniques, des propriétés origi-
inférieure aux longueurs d’onde caractéris- nales d’agrégats d’atomes ou de « nouvelles »
tiques des phénomènes qui s’y produisent, molécules, les nanotubes de carbone, au rôle
la juxtaposition d’effets possibles ouvre une crucial des nanoparticules de la poussière
multitude de champs de recherche, offrant interstellaire en astrophysique.
des fonctionnalités nouvelles, et s’enrichis-
sant de compétences complémentaires. La
dimension des objets mis en jeu est un
facteur fondamental de la multi-disciplinarité 1.1.1 Manipulation de molécules
du domaine. La créativité est essentielle, et
bénéficie des apports complémentaires des L’objectif est de fabriquer et d’étudier
diverses disciplines. des molécules qui doivent, chacune, remplir
une fonction. Les règles de « design » dépen-
Le foisonnement de la recherche est tel dent de la propriété à étudier, du dispositif à
que ce rapport ne prétend absolument pas réaliser ou de la machine à ma̂triser. Notre
à l’exhaustivité. Nous présentons simple- imagination est ici très anthropomorphique :
ment ici un certain nombre de sujets dans machine mécanique à l’échelle d’une molécule
lesquels le CNRS a un rôle important à jouer. (brouette moléculaire, moteur moléculaire,
Dans chaque cas, des questions ouvertes ou araignée moléculaire, bras moléculaire, etc.),
verrous technologiques sont identifiés, et machine à calculer dans une molécule (architec-
l’aspect pluridisciplinaire des approches ture hybride, semi-classique ou quantique),
– associant chimistes, physiciens, biologistes dispositif de mesure (ampèremètre dans une
ou mathématiciens – est souligné. Après la molécule, etc.). Mais on peut aussi s’intéresser
discussion scientifique, nous concluons sur au transport tunnel à longue portée, au magné-
les aspects stratégiques. tisme sur un seul atome ou à l’intérieur d’une
molécule, à la communication par photon
virtuel entre deux atomes ou deux molécules,
etc. Les règles de design vont donc de la
stratégie simple d’assemblage de pièces au
contrôle quantique où il n’y a plus de pièce.
Par ailleurs, un problème important qui se
pose à la chimie est de réaliser des molécules
complexes qui puissent résister aux techniques

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2 – NANOSCIENCES ET NANOTECHNOLOGIES

d’apport au milieu support de l’expérience ou Leurs propriétés mécaniques (module d’Young


de la technologie. Ce problème se pose par bien meilleur que celui de l’acier, possibilité
exemple pour une surface solide où la subli- de grandes déformations en flexion et torsion)
mation classique détruit les molécules inté- et leur faible poids font des nanotubes une
ressantes. Pour les études sous vide, on sera composante intéressante de matériaux compo-
donc amené à utiliser/découvrir de nouvelles sites « ultra-forts » et légers. La mise en forme
techniques de dépôt ou à réaliser la synthèse des nanotubes dans des matériaux composites,
chimique sur place. N’oublions pas non plus, pour utiliser leurs propriétés mécaniques ou
dans le cas d’un support solide, la fabrication électriques, fait l’objet de nombreux travaux
des supports. On assiste actuellement à un concertés des chimistes et des physiciens. Leur
renouveau dans la ma̂trise de surfaces parti- emploi en nanotribologie, comme lubrifiant,
culières, par exemple en utilisant une mono- pourrait aussi être intéressant. Enfin, le faible
couche d’isolant sur une surface métallique
diamètre et le grand rapport d’aspect des nano-
pour l’électronique mono-moléculaire.
tubes sont extrêmement favorables à l’émission
Les retombées technologiques pourraient d’électrons. Des dispositifs d’éclairage à base
être nombreuses. Citons l’électronique molé- de nanotubes sont sur le marché, et des proto-
culaire ultime, à savoir mono-moléculaire, les types d’écrans plats à base de nanotubes ont
robots moléculaires de surface puis peut-être déjà été réalisés.
capables d’être guidés dans un gel. Ces robots
trouveraient leurs applications en biologie Les propriétés de dopage, remplissage,
(nano-médecine) ou dans le développement fonctionnalisation ou greffage des nanotubes
durable (digesteur moléculaire). Enfin, les nano- apparaissent aussi très importantes. Ainsi, la
communications n’en sont qu’à leur début. variation de la conductance électrique des
nanotubes semi-conducteurs quand ils sont
exposés à certains gaz pourrait permettre de
réaliser de nouveaux capteurs chimiques très
1.1.2 Un nouvel objet : sensibles. Notons aussi que les nanotubes, très
le nanotube de carbone stables, peuvent être utilisés comme creusets
de réactions chimiques en milieu confiné. Par
Les nanotubes de carbone, décou- ailleurs, la connexion à la biologie se développe,
verts en 1991 sont des feuilles de graphène avec l’utilisation possible des nanotubes comme
roulées mono ou multicouches, de dimen- supports de synthèse de molécules biologiques,
sion macroscopique dans une direction et de pour leur transport, ou comme biosenseurs.
taille nanométrique dans les deux autres. Les
connaissances autour de ces objets qui inté- Malgré les avancées citées ci-dessus,
ressent de nombreux physiciens, chimistes et certains verrous importants doivent être
biologistes de tous pays évoluent très rapide- relevés, comme la synthèse dirigée de nano-
ment et des applications sont déjà identifiées. tubes tous de même structure et propriétés,
Les nanotubes de carbone présentent des qui est encore un problème non résolu. Il
qualités exceptionnelles pour le transport élec- nous faudra aussi ma̂triser la chimie de fonc-
tronique. Selon leur structure (diamètre, héli- tionnalisation des nanotubes, pour les trier, les
cité), ils sont conducteurs ou semiconducteurs. manipuler ou pour établir des interfaces avec
Du point de vue fondamental, quantification d’autres milieux chimiques ou biologiques.
de la conductance, blocage de Coulomb et Enfin, la connectique entre nanotubes est un
magnéto-transport ont pu être mis en évidence. verrou majeur à dépasser pour espérer réaliser
Par ailleurs, l’électronique à base de nanotubes un jour une nanoélectronique à base de nano-
a connu des avancées fulgurantes ces quelques tubes. Parmi les voies prometteuses, on peut
dernières années, avec la réalisation de transistors, citer la croissance dirigée et l’autoassemblage
diodes ou mémoires RAM avec des nanotubes. de nanotubes fonctionnalisés.

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RAPPORT DE CONJONCTURE 2004

1.1.3 Agrégats des agrégats (« bottom-up ») ont progressé et


permettent de préparer tous les types d’agrégats,
L’élaboration de nano-objets aux struc- même les plus réfractaires, voire des systèmes
tures et propriétés originales, contrôlées, est complexes tels que les agrégats mixtes. Le
un objectif important. Les agrégats d’atomes défi à venir va consister à utiliser ces briques
sont des édifices formés de quelques dizaines élémentaires pour réaliser des nano-composants
à quelques milliers d’atomes (~1 à quelques (électroniques, optiques, magnétiques), des
nanomètres de diamètre), qui constituent des matériaux nanostructurés (nano-métallurgie),
états intermédiaires de la matière, entre les des nano-catalyseurs. Pour certaines applications
molécules et les solides massifs. Au plan fonda- il faudra organiser des agrégats fonctionnalisés
mental, des progrès décisifs ont été accomplis sur des substrats fonctionnalisés.
dans la compréhension de leurs propriétés spéci-
fiques. Citons par exemple les effets quantiques
de taille dans les métaux dus au confinement 1.1.4 Nano-objets en astrophysique :
des électrons dans un volume réduit, ou les poussiere interstellaire
effets de structure géométrique induisant des
arrangements atomiques différents de ceux des Les nanoparticules qui peuplent le domaine
solides. Les propriétés optiques, électroniques, dit nanométrique (de 1 à 20 nanomètres) repré-
ou magnétiques peuvent aussi revêtir des aspects sentent une composante importante de la
spectaculaires en fonction de la taille de l’objet : matière interstellaire absorbant de manière très
les plasmons de surface confèrent une couleur efficace les photons ultraviolets des étoiles pour
aux agrégats, les structures en cages (type fulle- ré-émettre cette energie dans l’infrarouge. Ces
rènes) conduisent, pour des matériaux cova- nanoparticules auraient également une contri-
lents semiconducteurs comme le silicium, à des bution majeure dans le chauffage du gaz par
propriétés électroniques inédites (large bande effet photoélectrique et dans le bilan chimique
interdite quasi directe), les moments magné- en offrant une surface importante pour la catalyse
tiques peuvent varier avec la taille et notam- de réactions comme celle fondamentale de la
ment, des matériaux non magnétiques peuvent formation de l’hydrogène H2. Si la présence de
présenter un moment magnétique lorsque la macromolécules de type hydrocarbures aroma-
taille du système décro̂t. À l’aide d’agrégats tiques polycyliques et de grains de silicates de
mixtes (Co-Sm, Fe-Pt), des nanostructures à très taille sub-micronique semble confirmée, la nature
forte anisotropie magnétique sont obtenues, des nanoparticules est moins bien connue :
qui sont de bons candidats pour repousser la nanoparticules carbonées de type carbone
limite superparamagnétique dans la réalisation amorphe hydrogéné, nanodiamants ou agrégats
de nouveaux composants de stockage de haute d’hydrocarbures aromatiques polycyliques, nano-
densite (≥ Tbits/inch2). Les agrégats sont aussi particules de silicium et de métaux (fer, etc.).
des systèmes modèles pour développer les
concepts relatifs à la fragmentation et aux tran- Pour l’astrophysicien/l’astrochimiste, le
sitions de phase à l’échelle nanoscopique par le problème se pose ainsi :
biais d’études sur l’évaporation, la fission ou la
– Quel type de nanoparticules trouve-t-on
ségrégation. Leurs propriétes dynamiques jusqu’à
(taille, composition, morphologie) ?
l’échelle de la femtoseconde sont abordées.
– Comment se forment ces nanoparticules ?
De facon générale, le domaine des agré- Même si une partie peut provenir des environne-
gats est exemplaire d’approches expérimen- ments chauds et denses des enveloppes d’étoiles
tales et théoriques couplées, ces dernières évoluées, des mécanismes à basse température
bénéficiant des développements des méthodes et densité sont nécessaires.
et outils informatiques pour modéliser des
systèmes réalistes de plus en plus gros. – Quelles sont les propriétés physiques et
Expérimentalement, les méthodes de synthèse chimiques de ces nanoparticules isolées ?

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2 – NANOSCIENCES ET NANOTECHNOLOGIES

– Quel est l’effet sur ces nanoparticules Leurs niveaux d’énergie dans des petites structures
des conditions environnementales : irradia- sont quantifiés et l’on sait maintenant préparer
tion par rayonnement ultaviolet-X, par des des bo̂tes quantiques semi-conductrices, réali-
particules énergétiques, couplage avec le gaz, sations contrôlées de véritables « atomes arti-
érosion dans les chocs, coagulation ? ficiels ». D’autre part, du fait du faible nombre
d’électrons en jeu, l’écrantage est peu efficace
En laboratoire, deux approches sont utilisées : et les approximations d’électrons indépendants
la simulation expérimentale de processus ne sont plus justifiées. Que ce soit dans les
cosmiques et l’analyse des mécanismes indi- nanostructures semi-conductrices, métalliques
viduels. Ceci nécessite souvent des dispositifs ou supraconductrices, la décennie qui s’achève
expérimentaux complexes pour approcher
a permis d’identifier de nombreux phénomènes
les conditions du milieu interstellaire, par
nouveaux. À côté d’effets « parasites » comme
exemple utilisant la technique de piège à
la fuite tunnel d’électrons dans les circuits MOS
ions refroidis. Le problème de la produc-
(Semiconducteurs Métal-Oxyde) ultimes, on a
tion des nanoparticules se pose également
vu appara̂tre certaines fonctionnalités nouvelles
ainsi que celui de l’extraction de nanopar-
comme le blocage de Coulomb – conséquence
ticules de matériaux d’origine extraterrestre.
directe de la quantification de la charge –, ou
Pour l’étude des constantes optiques et plus
la quantification de la conductance, les quasi-
généralement des propriétés physiques et
chimiques, il faut réussir à travailler sur des particules à charge fractionnaire et, à un degré
nanoparticules isolées. Toutes ces questions, encore futuriste, l’ingénierie d’états quantiques
pour être résolues, doivent être abordées de dans les nanosystèmes solides et les circuits
manière interdisciplinaire par la communauté électriques quantiquement cohérents. Les
des nanosciences. enjeux sont l’information et la communication
mais aussi la métrologie.
Les enjeux en nanoélectronique sont
à la fois de pousser les circuits actuels aux
1.2 NANOPHYSIQUE ET limites de la miniaturisation et de préparer
TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION les nouvelles générations. Sans être exhaustif,
on peut identifier quelques lignes de forces.
La nanoélectronique en technologie silicium
Les technologies de l’information ont couvre entre autres les nano-MOSFETs (FET :
connu des progrès considérables et sont transistor à effet de champ) et les dispositifs
encore appelées à se transformer dans les logiques ou mémoires émergents (dispositifs
années/décennies à venir. Nous discutons ici mono-électron ou tunnel résonnant) à base de
quelques domaines exploratoires particuliè- silicium. L’échelle nanométrique demande une
rement étudiés au CNRS. recherche sur de nouvelles architectures mais
aussi de nouveaux matériaux pour les isolants de
grille comme les diélectriques à forte permittivité.
Utiliser l’atome ou la molécule comme brique
1.2.1 Nanoélectronique électronique élémentaire (Voir § 1.1.1) est une
voie ultime et de récents progrès expérimen-
L’évolution vers des systèmes électroniques taux et numériques ont permis d’en montrer
de très faibles dimensions sera durable car de la faisabilité. Il manque encore une compré-
nouveaux phénomènes physiques vont pouvoir hension de base du transport électronique
être exploités. Le transport électronique aux dans une molécule organique et la ma̂trise
échelles proches de l’échelle atomique est de l’interface métal-molécule. L’électronique
encore mal connu mais incroyablement riche. à base de nanotubes, édifice moléculaire
Les électrons sont des particules quantiques « idéal », a connu des avancées fulgurantes ces
dotées d’une charge électrique et d’un spin. dernières années (Voir § 1.1.2). L’étude des

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RAPPORT DE CONJONCTURE 2004

bo̂tes et fils quantiques est une thématique ques associant matériaux magnétiques et non-
très amont où l’Europe et tout particulièrement magnétiques. Le caractère « nano » des structures
la France ont une présence forte. C’est le cas est imposé par les longueurs d’échelle en jeu,
pour le transport quantique dans les métaux ce qui explique que le développement de la
et semi-conducteurs à une ou zéro dimension, spintronique a été intimement lié au progrès des
les systèmes hybrides formés de conducteurs nanotechnologies.
couplés à des supraconducteurs ou ferro-
magnétiques intégrant des fonctionnalités La première manifestation d’effet de
supraconductrices et magnétiques. Cet effort a spintronique a été la magnétorésistance géante
déjà mené à des avancées conceptuelles signi- ou GMR, découverte en 1988. Dans des multi-
ficatives. La prise en compte des corrélations couches alternant un métal magnétique et
électroniques et de la dynamique quantique à un métal non magnétique, un changement
haute fréquence reste un enjeu important pour de résistance important est observé lorsque
les années à venir. Un autre enjeu est la ma̂trise les aimantations des couches magnétiques
des circuits électroniques élémentaires pour successives basculent d’un état antiparallèle
l’information quantique. Spin et charge dans les en champ nul à un état parallèle aligné en
bo̂tes quantiques, charge et flux magnétique champ appliqué. Des structures artificielles plus
dans les circuits à nanojonctions Josephson, ont complexes, appelées vannes de spin et permet-
récemment marqué des progrès très rapides tant un effet de magnétorésistance géante dans
avec notamment l’observation d’oscillations des champs très faibles (une dizaine d’Oersted),
de Rabi et l’intrication de 2 états qubits (« bits ont ensuite été développées pour réaliser
quantiques »). L’un des enjeux majeurs dans des détecteurs de champ ultra-sensibles.
ce champ est l’identification et la ma̂trise des Aujourd’hui, la quasi-totalité de la production
processus de « décohérence » et de bruit ultime, des têtes de lecture / écriture pour disques durs
ainsi que la ma̂trise de la manipulation et de (1 milliard de têtes par an) est constituée de
la détection de ces états quantiques. têtes à GMR. Les applications comme capteurs
de champ pour l’automobile et l’aéronautique
La recherche en nanoélectronique sont également en plein essor.
fait appel à l’ensemble des sujets de nano-
fabrication, nanophysique et physique mésos- Un effet de magnétorésistance semblable
copique, nano-caractérisation et recherche de à la GMR, appelé magnétorésistance tunnel ou
matériaux nouveaux (nanotubes, diélectriques à TMR, est observé dans des jonctions tunnel
faible ou forte permittivité, etc.). La simulation/ (métal ferromagnétique/isolant/métal ferro-
modélisation est maintenant présente à tous les magnétique). On observe aussi une variation
niveaux et est encore appelée à se développer. importante de la résistance lorsque les direc-
tions relatives des aimantations des couches
ferromagnétiques varient. La forte variation de
magnétorésistance et l’impédance élevée (de 0.1
1.2.2 Nanomagnétisme à 100 kilo-Ohm) ont conduit au développement
et électronique de spin de mémoires à accès aléatoire non volatiles
(MRAM – Magnetic Random Access Memories)
La spintronique (ou électronique de spin) pour une mise sur le marché de composants
est un sujet en plein développement à travers fonctionnels à l’horizon 2004- 2005.
le monde. La France occupe une bonne place
dans le domaine avec un important potentiel Paradoxalement, alors que des appli-
en Recherche et Développement amont. Alors cations doivent appara̂tre bientôt sur le
que l’électronique classique est basée sur le marché, les mécanismes physiques en jeu dans
contrôle de courants de charge, l’électronique la TMR sont encore loin d’être bien compris. Il
de spin manipule des courants de spin en appara̂t maintenant que la TMR dépend non
exploitant l’influence du spin sur le transport seulement de la polarisation en spin du ferro-
électronique dans des nanostructures magnéti- magnétique mais aussi de la structure électro-

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2 – NANOSCIENCES ET NANOTECHNOLOGIES

nique de l’isolant et surtout du caractère des ferromagnétiques dans lesquels le courant est
liaisons électroniques à l’interface métal/isolant. intrinsèquement polarisé en spin. Une autre
Il est probable que des TMR plus élevées direction de recherche intéressante est l’in-
pourront être obtenues avec d’autres isolants jection de spin dans des bo̂tes quantiques
que l’alumine essentiellement utilisée jusqu’à (plusieurs concepts d’ordinateur quantique
présent. Également, un autre enjeu important (Voir § 1.2.4) proposent l’intrication d’états de
est la recherche de matériaux ferromagnétiques spin dans un réseau de bo̂tes quantiques).
demi-métalliques (c’est-à-dire métalliques pour
une direction de spin et isolants pour l’autre) L’intégration actuelle des semiconducteurs
pour lesquels on peut attendre une polarisation en spintronique implique nécessairement une
de l’effet tunnel proche de 100 %. Diverses collaboration accrue entre communautés du
pistes sont suivies pour obtenir des matériaux magnétisme et des semiconducteurs. De façon
demi-metalliques de température de Curie suffi- plus générale, la spintronique a aussi besoin
samment élevée au regard des applications. d’une pluridisciplinarité chimie/physique pour
Finalement, on peut également mentionner que le développement de procédés de fabrication.
l’injection de spins par effet tunnel conditionne Dans le champ applicatif, des connexions avec
d’autres développements de l’électronique de les domaines de la biologie et de la médecine
spin comme par exemple l’injection de spins ont également été ébauchées.
dans une nanoparticule ou une bo̂te quantique Les verrous pour les années à venir se
(dispositifs combinant blocage de Coulomb et situent dans plusieurs domaines :
de spin, bits quantiques).
– matériaux : recherche de matériaux
La commutation d’une cellule de mémoire demi-métalliques pour obtenir des pola-
magnétique (MRAM) s’effectue aujourd’hui dans risations de spin proches de 100 % à tempéra-
un temps de quelques nano-secondes. Réduire ce ture ambiante, recherche de semiconducteurs
temps de commutation est un enjeu important et ferromagnétiques à température ambiante,
les recherches sur la dynamique du renversement intégration de métaux ferromagnétiques et de
de l’aimantation de petits éléments magnétiques semiconducteurs dans une même structure,
sont en plein développement. Ainsi des commu- intégration possible de nanotubes de carbone
tations par précession cohérente dans des impul- (Voir § 1.1.2) en spintronique ;
sions de champ magnétique de seulement une
centaine de pico-secondes ont été obtenues. – nanotechnologies : développement
Une autre possibilité intéressante est le renver- de méthodes de fabrication utilisant la litho-
sement d’aimantation sans application de champ graphie électronique ou des microscopies
magnétique mais seulement par transfert de spins de proximité (nanoindentation, etc.) pour
à partir d’un courant polarisé en spin. Le dépla- la réalisation de transistor spintronique, de
cement de parois de domaines par un courant, nanocontact pour magnéto-résistance balis-
autre effet de transfert de spin, pourrait également tique ou pour injection de spin dans une
avoir des applications intéressantes. nanoparticule ou une bo̂te quantique ;
– concepts : développements de concepts
Un gros effort de recherche en électronique pertinents de transistor à spin, de dispositifs
de spin est fait actuellement pour intégrer maté- d’opto-spintronique et de dispositifs associant
riaux magnétiques et semi-conducteurs dans une blocage de Coulomb et de spin, de qubits à
même hétérostructure, dite « hybride ». L’objectif spin, étude de solutions pour l’enregistrement
technologique est d’obtenir des composants de très haute densité ;
d’électronique de spin ou d’opto-spintronique
combinant des fonctions de stockage perma- – applications : un problème général est
nent d’information, de traitement logique et de l’intégration de dispositifs de spintronique dans
communication sur une même puce (micro- les filières de microélectronique ; également
processeur reprogrammable par exemple). Une les dimensions sub-100 nanomètres, accessibles
autre voie est l’élaboration de semi-conducteurs en laboratoire (objet unique) posent d’autres

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RAPPORT DE CONJONCTURE 2005

problèmes à l’échelle du démonstrateur (objets de la nanophotonique pour la nanofabrica-


multiples, par exemple mémoire magnétique tion (Voir § 1.5) : lithographies ultimes, par
1 Mbit) où l’on doit contrôler les dispersions projection ou par sondes locales, lithographie
en taille et ordonnancement d’un grand en volume à deux photons, etc.
nombre d’objets.
Les verrous pour les années à venir sont :
– le contrôle de l’émission spontanée
(rythme, statistique, directionnalité), dans le
1.2.3 Nanophotonique prolongement des études faites en physique
atomique, qu’on peut appliquer à des bo̂tes
Diverses sortes de matériaux nano- quantiques de semiconducteurs, jusqu’aux fluo-
structurés présentent des réponses optiques rophores de la biophotonique, en lien avec la
très singulières, qui dépendent toutefois drasti- cryptographie quantique ;
quement (au-delà d’une simple loi d’échelle) de
changements de dimensions nanométriques : les – les matériaux :
sphères métalliques, les opales, les microcavités, (i) structures hybrides métal-diélectrique :
par exemple. La microscopie en champ proche potentiel et limites (pertes) des plasmons dans
trouve ici sa place, offrant une connaissance l’interaction matière-lumière, connaissance et
locale des propriétés optiques. Les techniques contrôle déterministe des effets de « points
de photomanipulation d’objets micro- et nano- chauds » dans les assemblées d’̂lots d’argent
métriques, comme les « pinces optiques », très en ou d’or, liés au SERS (effet Raman renforcé).
vogue en biologie, ou l’orientation tout optique
mettant en jeu des interactions non linéaires, (ii) connaissance des effets de structu-
relèvent dans une large mesure du domaine de ration nanométrique sur l’interaction onde-
la biophotonique. matière dans les matériaux non-linéaires,
électro-optiques, etc.
L’échelle des cristaux photoniques ou des
manipulation de plasmons sur or ou argent (iii) Matériaux hybrides à base d’organiques,
convient aux méthodes de fabrication parallèles de sol-gel : potentiel applicatif ? (optique inté-
de la microélectronique, ce qui apporte un grée ? sources ? etc.)
grand potentiel d’application, dont l’exploitation Une dernière série de questions, appli-
débute à peine, en commençant naturellement quées, tient à la recherche de meilleur
par l’optoélectronique sur semi-conducteur. couplage onde-matière ou onde-onde à l’aide
À l’image des objets industriels de l’optique de nanostructurations.
intégrée (visant au traitement de signaux pour
les télécommunications surtout), le physicien (i) Pour les sources : quelle augmentation
peut aujourd’hui concevoir et réaliser des bancs de rendement peut en résulter ?
optiques complexes sur puce, exploitant les (ii) Pour l’optique intégrée et les fibres
nanostructures photoniques et éventuellement optiques microstructurées : il s’agit de faire suivre
électroniques. L’ordinateur quantique (Voir à la lumière guidée des virages, des changements
§ 1.2.4) pourrait se baser sur cette approche. de taille transverse sur mesure, à l’aide de nano-
À plus court terme, une voie applicative d’intérêt structuration ou de cristaux photoniques.
concerne les matériaux hybrides multifonction-
nels. L’insertion de nanoparticules inorganiques
à propriétés laser dans une matrice polymère
organique à propriétés non linéaires permettrait 1.2.4 Ordinateur quantique
par exemple d’associer dans un même matériau et information quantique
des fonctionnalités de type modulation électro-
optique et de type amplification laser. L’information quantique est basée sur
un concept apparu au cours des 20 dernières
On peut aussi mentionner divers apports années, qui a en un certain sens un caractère

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2 – NANOSCIENCES ET NANOTECHNOLOGIES

assez révolutionnaire : on peut en utilisant la ou « qubits ». Les idées les plus prometteuses
physique quantique concevoir de nouvelles pour réaliser une telle « ingénierie quantique »
façons de calculer et de communiquer, dont sont activement explorées expérimentalement,
les « règles du jeu » ne sont plus celles que et sont basées sur la manipulation d’objets
l’on conna̂t classiquement. Il en résulte par quantiques individuels (photons, atomes, ions,
exemple de nouvelles méthodes de crypto- spins, bo̂tes quantiques, etc.), ou de nano-
graphie dont la sécurité s’appuie sur les circuits quantiques (jonctions Josephson).
bases même de la physique, et de nouvelles À terme il devrait devenir possible d’assembler
méthodes de calculs qui peuvent être exponen- des tels objets à grande échelle, et plusieurs
tiellement plus efficaces. Ces nouvelles idées approches ont été proposées. On peut ainsi
conduisent à de nouveaux algorithmes, et aussi remarquer qu’un effort très important de
à de nouvelles architectures de calcul, qui sont nano-fabrication a été lancé par des équipes
basées sur des « portes logiques quantiques » australiennes et américaines, avec l’objectif
sans équivalents classiques. Un but central des – extrêmement audacieux – d’implanter, de
recherches en cours est de découvrir les lois détecter et de contrôler l’état quantique d’ions
et les techniques qui permettent de manipuler individuels dans une matrice de silicium.
ces objets, sans perdre leur « cohérence quan-
tique », qui est à l’origine de leurs capacités
accrues de traitement de l’information.
Une des raisons du dynamisme actuel de 1.3 NANOMATÉRIAUX
l’information quantique est son caractère très
interdisciplinaire. En effet, la rencontre entre
la théorie de l’information et la mécanique Si nanosciences et nanotechnologies
quantique – qui constitue le cœur de « l’infor- évoquent à priori la « high-tech », elles couvrent
mation quantique » – conduit à l’apparition d’un de fait un champ beaucoup plus large avec les
langage nouveau, commun aux algorithmiciens, nanomatériaux qui jouent un rôle clé dans de
aux informaticiens, et aux physiciens de nombreux domaines, comme l’automobile, l’aé-
nombreuses disciplines (physique du solide, ronautique, le bâtiment, le conditionnement, la
physique atomique et moléculaire, optique tribologie, la catalyse, l’environnement, etc.
quantique, etc.). De plus, les lois quantiques D’importantes mutations sont en cours, qui
régissant le comportement des nanoobjets, les pourraient renouveler complètement le domaine.
nanosciences se trouvent être le domaine privi- Nous l’illustrons avec les progrès récents de la
légié d’application de ces concepts. compréhension des mécanismes de catalyse ou
la synthèse des matériaux adaptatifs, qui sera un
Il existe actuellement deux domaines enjeu majeur pour les chimistes.
principaux d’application de ces concepts quan-
tiques, dont les problématiques et les stades
d’avancement sont différents :
1.3.1 Nanocatalyse
(i) la cryptographie quantique, dont le
principe est de transmettre une « clé secrète »
indéchiffrable en utilisant les propriétés quan- La catalyse a été très longtemps un
tiques de la lumière. Ce domaine a progressé domaine où l’empirisme était roi. En effet,
rapidement au cours des dix dernières années, de par leur très grande complexité, les méca-
et la question actuelle est celle de l’intégration nismes des réactions catalytiques hétérogènes
de protocoles quantiques dans une infrastructure ne pouvaient être approchés que très quali-
globale de gestion de la confidentialité. tativement. Les modèles réactionnels tirés
des études sur monocristaux ne peuvent pas
(ii) le calcul quantique, basé sur des toujours s’appliquer à la catalyse réelle. Les
opérations logiques effectuées sur des systèmes catalyseurs réels sont constitués de particules
quantiques à deux états, les « bits quantiques » métalliques de un à quelques nanomètres

31
RAPPORT DE CONJONCTURE 2004

supportées (le plus souvent) sur des oxydes : il assemblage de collo̈des métalliques. Les
faut alors tenir compte de l’hétérogénéité intrin- ligands peuvent être éliminés par un plasma
sèque des catalyseurs réels. C’est ce que l’on réactif très doux sans détruire l’arrangement
appelle : « material gap ». D’autre part les réac- des agrégats. Ces deux dernières méthodes,
tions catalytiques réelles ont lieu à la pression relativement peu onéreuses, pourraient être
atmosphérique (voire plus) alors que les études transférées vers l’industrie pour des catalyseurs
de surfaces se passent sous ultravide, c’est ce spécifiques par exemple ultra-sélectifs (en
que l’on nomme : « pressure gap ». Les recherches particulier énantio-sélectifs), pour les capteurs
actuelles visent à combler ces deux fossés. de gaz ou les piles à combustible. Enfin, au
lieu d’utiliser une assemblée d’agrégats, on
• Le « material gap » : les catalyseurs modèles peut aussi penser utiliser un agrégat unique et
supportés. tester sa réactivité. On n’est pas encore arrivé
L’hétérogénéité des catalyseurs réels provient à ce stade mais des études se développent
de la taille nanométrique des particules métal- intensément sur ce sujet en utilisant les sondes
liques, de leur morphologie et de la présence champ proche.
du support. Des résultats importants ont été
Le développement fulgurant des moyens
obtenus récemment sur les effets de morpho-
de calculs ouvre maintenant la porte à la simu-
logie et de support, en utilisant des catalyseurs
lation de réactions chimiques sur une surface ou
modèles préparés par croissance d’agrégats
sur un agrégat libre mais aussi sur un agrégat
métalliques sur des monocristaux d’oxyde. En
supporté. La dynamique moléculaire permet de
fait ce que l’on appelle communément effets
simuler actuellement les agrégats supportés de
de taille en catalyse revêt en réalité plusieurs
quelques nanomètres. Par des calculs ab initio
aspects intriqués. Quand la taille diminue,
il est maintenant possible de déterminer les
la réactivité change par l’augmentation de la
barrières énergétiques correspondant aux étapes
proportion de sites d’arêtes qui chimisorbent
élémentaires d’une réaction catalytique. Il est
plus fortement les molécules. La morphologie
donc devenu possible de prévoir les propriétés
et donc la proportion des différentes facettes,
catalytiques d’un métal ou d’un alliage en fonc-
ayant des réactivités différentes, peut changer
tion de sa structure et de sa composition ce qui
avec la taille. Un troisième effet qui dépend
ouvre la porte à une approche rationnelle de la
de la taille est la capture des molécules physi-
conception d’un catalyseur.
sorbées sur le support. Pour étudier finement
les effets de taille il faudrait idéalement avoir • Le « pressure gap » : les études in situ
une taille unique. Pour des agrégats intéres- sous pression
sants pour la catalyse (au moins 50 atomes)
une nouvelle voie s’ouvre par la croissance Le « gap » de pression est en train d’être
sur une surface nanostructurée, les agrégats comblé rapidement. En effet, il est maintenant
nucléant suivant un réseau régulier ce qui rend possible d’étudier des surfaces par STM (micros-
les conditions de croissance identiques pour copie à effet tunnel) et AFM (microscopie à
chaque agrégat d’où il résulte une distribution force atomique) sous pression allant de l’ultra
de taille extrêmement étroite. Une autre voie vide à la pression atmosphérique. Il devient alors
pour fabriquer un réseau d’agrégats est de possible de suivre l’évolution de la morphologie
créer artificiellement un réseau de défauts sur des particules de catalyseur lors d’une réaction
la surface sur laquelle on dépose des agrégats chimique. Les molécules adsorbées peuvent être
préparés en jet. Une troisième voie est de fabri- détectées par des méthodes optiques permettant
quer directement un réseau de particules en de travailler de l’ultravide jusqu’à la pression
poussant à leur limite les techniques de nano- atmosphérique. C’est le cas de la spectroscopie
lithographie : nanolithographie électronique, infrarouge avec modulation de polarisation et
nano-impression ou encore nanolithographie surtout la génération de somme de fréquence. Il
collo̈dale. Une variante de la lithographie est maintenant possible de suivre l’évolution de
collo̈dale est d’utiliser directement l’auto- la structure interne d’un agrégat au cours d’une

32
2 – NANOSCIENCES ET NANOTECHNOLOGIES

réaction chimique en utilisant un microscope Elle est particulièrement importante car elle
électronique à haute résolution environnemental. permet de rassembler chimie du solide,
Deux microscopes de ce type existent : le premier chimie organique, organométallique et de
au Danemark, le second en France. Enfin sur des coordination, chimie macromoléculaire et
assemblées de particules il est possible d’étudier même chimie des biomolécules, et a donc
in situ en temps réel l’évolution de la structure de grandes potentialités.
et de la morphologie au cours d’une réaction
chimique en utilisant la diffraction des rayons X
en incidence rasante (GIXS) et la diffusion des Les matériaux adaptatifs (aussi quali-
rayons X aux petits angles en incidence rasante fiés d’« intelligents ») sont des matériaux
(GISAXS). De beaux résultats ont été obtenus susceptibles de coupler plusieurs fonctions
récemment à l’ESRF (synchrotron, Grenoble) sur de manière interactivement contrôlée (modi-
la croissance sous vide et devraient être étendus fication par exemple de leurs propriétés
sous pression de gaz. physiques, comme la forme, la conductivité,
la couleur ou la viscoélasticité, en réponse à
des sollicitations telles qu’une variation de
température, de champ électrique ou magné-
1.3.2 Des nano-objets tique, de contrainte, etc.). La recherche sur
aux nanomatériaux l’obtention de tels matériaux est essentielle
et matériaux adaptatifs pour l’avenir et va constituer l’un des enjeux
importants de la chimie. Les chimistes
La synthèse de certains nanoobjets peut devront trouver les méthodes permettant
d’ores et déjà s’effectuer à partir des acquis d’assembler des nanoobjets porteurs de
de la chimie citons les réalisations de clusters propriétés différentes et mettre en œuvre
moléculaires magnétiques à très fort spin ou des méthodes d’organisation prédictive de
de moteurs moléculaires (Voir § 1.1.1), par nanoobjets différents. Ils devront en outre
exemple. Au-delà, un but essentiel à atteindre assurer leur intercommunication par l’emploi
est la synthèse de nanomatériaux et, à terme, d’espaceurs chimiques adaptés, autorisant
l’accès aux matériaux adaptatifs. des interactions entre nanoobjets, ainsi que
leur contrôle par le jeu des interruptions et
L’inclusion est la voie la plus utilisée reconnexions. L’une des voies possibles est
pour la préparation des nanomatériaux. Les celle des matériaux méso/nano-poreux, pour
nanocomposites obtenus sont réalisés par lesquels on a déjà réussi à ma̂triser la forme,
encapsulage ou inclusion de nanoobjets la taille et la régulation de la surface poreuse
dans une matrice organique ou minérale, et et à contrôler des fonctions induites dans la
correspondent au mélange de deux phases. charpente du matériau ainsi qu’à l’intérieur
Le contrôle des interactions matrice-nanobjet des pores, ouvrant la voie au couplage de
est un sujet de recherche actif. propriétés différentes.
Les méthodes d’assemblage, qui impli-
quent des liaisons chimiques fortes (cova- À la fin de ce rapide aperçu des progrès
lence, coordination, liaisons hydrogène, que l’on peut escompter dans l’élaboration
etc.) entre les nanoobjets, correspondent des nanomatériaux, citons un domaine extrê-
aux matériaux nanostructurés. Ce type mement prometteur au niveau des applica-
de matériaux, où une organisation et une tions et des retombées économiques : la
orientation des unités composantes sont séparation sélective, qui peut permettre
possibles, représente un stade plus avancé de traiter les problèmes de dépollution de
que l’inclusion. Une des méthodes d’assem- matières organiques ou minérales avec des
blage, la polymérisation minérale, est incluse nanomatériaux porteurs d’agents chimiques
dans le vocable de la « chimie douce » parce susceptibles de séparer les adjuvants indési-
qu’elle s’effectue à température ambiante. rables en les piégeant par chélation.

33
RAPPORT DE CONJONCTURE 2004

1.3.3 Nanomatériaux à base de l’ordre du kilogramme) d’échantillons pour


de minéraux naturels le génie minéral, pour engager l’expérimenta-
ou de substances géomimétiques tion à l’échelle pilote.

L’usage de minéraux naturels ou de subs-


tances de synthèse les imitant est déjà répandu,
dans les cosmétiques, l’alimentaire (embal-
lages), les durcisseurs de sols, la galénique,
1.4 NANOBIOLOGIE
etc. Pour l’essentiel, les pratiques cherchent à
conférer à des matrices de base des propriétés
d’usage qu’elles ne présentent pas employées 1.4.1 Contexte historique
seules. Il peut s’agir de propriétés optiques,
thermiques, de stabilité chimique, de propriétés La découverte de la structure en double
diélectriques, de tenue au feu, de renforcement hélice de l’ADN a marqué la vision molé-
mécanique, d’effets barrière, de rugosité. Il peut culaire du vivant du XXe siècle. À la suite
s’agir aussi de propriétés conditionnant la mise du séquençage de génomes entiers, il est
en œuvre (additifs d’extrusion), etc. désormais envisageable d’identifier toutes les
Les pratiques actuelles ont cependant espèces moléculaires (gènes, ARN, protéines,
des limites, dont la plus difficile à franchir est métabolites) d’une cellule ou d’un organisme.
d’assurer au matériau, inévitablement hétéro- Cependant, au terme de ce dénombrement,
gène aux échelles nanométriques, une homo- le défi face à nous est de comprendre l’orga-
généité à l’échelle micronique, ce qui suppose nisation fonctionnelle de l’ensemble et les
la ma̂trise de l’adhésion renfort-matrice. Une problèmes de régulation.
deuxième limite est liée à l’usage de matières
L’observation d’évènements moléculaires
d’origines naturelles souvent porteuses d’agents
individuels dans des cellules uniques a mis
indésirables. Une troisième catégorie de diffi-
en évidence le caractère stochastique de ces
cultés concerne les aspects préparatifs, en
évènements. Comprendre comment est assurée
particulier la ma̂trise des effets connexes de
la robustesse du comportement des cellules
la fragmentation, et parfois, l’extrême difficulté
malgré « le bruit » des réactions chimiques
d’extraire économiquement la matière de son
individuelles, comment les cellules utilisent
milieu de préparation sans l’altérer.
ce bruit pour répondre aux variations de leur
Les besoins de recherche sont multi- environnement, comment cette robustesse est
ples : ils concernent le choix des matières, affectée au cours des processus pathologiques
les formules de modification des propriétés représente un enjeu majeur.
interfaciales et les aspects préparatifs. Les
travaux fondamentaux révèlent des propriétés On peut prédire que ce concept d’orga-
morphologiques, d’hydratabilité ou d’inséra- nisation et de régulation va être un concept
bilité qui demeurent totalement inexploitées pivot de la biologie du XXIe siècle. C’est la
dans par exemple certaines silices lamellaires prise en compte des interactions entre les
ou dans des hydroxydes lamellaires multiples composants et pas seulement la nature (ou
qui sont des échangeurs anioniques. De la la structure) des composants qui permet de
même façon, la préparation de nano-renforts comprendre le fonctionnement.
à partir des phyllosilicates 1/1 rigides est
ignorée alors que certains sont insérables à Pour décrire, modéliser et manipuler ces
longue distance. systèmes biologiques complexes il faut de
nouveaux outils et des nouveaux concepts qui
Il faut pour finir mentionner le manque seront issus d’une recherche interdisciplinaire,
actuel en France d’instrumentation permettant la faisant appel à la biologie, la physique, la chimie,
synthèse en volume moyen (pour des masses les mathématiques et les nanotechnologies.

34
2 – NANOSCIENCES ET NANOTECHNOLOGIES

1.4.2 Apport 1.4.4 Verrous technologiques


des nanotechnologies à la biologie
La manipulation d’objets biologiques de
taille nanométrique doit être réalisée en s’assu-
Les apports « classiques » de la physique rant que tous les acteurs biologiques sont dans
à la biologie sont multiples : quantification des conditions les plus proches possibles de
(mesure de vitesse, de force, de déplacement, celles rencontrées dans un organisme vivant.
etc.), conceptualisation de la mécanique cellu- Ces objectifs nécessitent la mise en place d’outils
laire (motilité, adhésion des cellules, etc.) technologiques nouveaux, de très haute préci-
et des régulations (avec les spécialistes des sion spatiale (la taille des biomolécules d’intérêt
systèmes dynamiques), modélisation (prin- est inférieure à 10 nm) et qui garantissent l’in-
cipes généraux d’organisation, réseaux de tégrité des entités biologiques. Ces procédés
régulation, etc.), simulation dynamique (par n’existent pas encore aujourd’hui et constituent
exemple formation de l’ARN et repliement des autant de verrous technologiques capitaux pour
bras, plus généralement toutes les études struc- le domaine des nanotechnologies appliquées
turales sur les biomolécules), imagerie (RMN, aux sciences du vivant.
RPE pulsée, etc.).
– Le « biopatterning » : il s’agira d’immo-
biliser sur un support différents types de biomolé-
Les nanotechnologies apportent un cules (ADN, protéines, peptides, enzymes, sucres,
nouveau contexte : imager et manipuler grâce à etc.) en ayant soin de ne pas les dénaturer et de
de nouveaux outils (microscopie champ proche leur fournir un environnement favorable à l’ex-
et dérivés), de nouveaux objets (nanoparticules pression de leur spécificité biochimique. On cher-
(marqueurs), nanopores, nanoélectrodes) et de chera à mettre au point des procédés permettant
nouvelles approches (nanofluidique, encapsu- le dépôt contrôlé de très petites quantités de solu-
lage, vectorisation des médicaments par des tion (< femtolitre) voire de biomolécules à l’unité.
nanomatériaux, « lab on chip », criblage massi- Nanostructuration des surfaces, chimie de gref-
vement parallèle). fage spécifique des biomolécules sur le support,
nano-dépôt en champ proche, lithographie douce
sont autant de pistes actuelles qu’il conviendra
d’approfondir et d’amener à maturité.
1.4.3 Apport de la biologie – la détection intégrée : il s’agira d’utiliser
aux nanotechnologies nano-outils et nano-systèmes afin de mesurer
des signaux électriques, mécaniques ou opti-
ques permettant de comprendre les mécanismes
Inversement de nombreux concepts d’interaction entre biomolécules. Il sera néces-
et outils issus de la biologie peuvent être saire de mesurer des événements à l’échelle de
utiles aux nanotechnologies : nano-systèmes la molécule unique dans un environnement où
existants (ADN, protéine, peptides, moteurs peuvent cohabiter de nombreux partenaires ;
rotatifs, linéaires, etc.), auto-assemblage
programmable, construction de nanostructures – le multiplexage : au niveau techno-
au moyen de manipulation génétique, réseaux logique, le terme de multiplexage se traduit
de régulation, approche 3D multiconnexions, par la mise en présence de différentes solu-
notion de robustesse et bruit (problématique tions biologiques avec différentes sondes. Si
pertinente pour l’étude de la fiabilité des les techniques de biopatterning permettent
systèmes formés d’un grand nombre de nano de déposer différentes sondes biologiques
composants). On se servira aussi de notre sur une surface, la mise en réaction de ces
compréhension des systèmes biologiques sondes avec différentes solutions reste un
pour fabriquer des dispositifs qui « imitent » problème technologique important qui peut
les systèmes biologiques (biomimétique). être approché par la micro/nanofluidique.

35
RAPPORT DE CONJONCTURE 2004

– la nanofabrication à bas coût : beaucoup fique de fragments d’ADN, de protéines ou


de technologies innovantes pour manipuler des de membranes cellulaires par des émetteurs
biomolécules individuelles reposent sur la fabri- de lumière nanométriques dont on peut alors
cation de nanostructures dont la taille ultime suivre la trajectoire au travers de cheminements
peut être de l’ordre de 10 nanomètres. La pers- cellulaires complexes. Par exemple, la micro-
pective d’application dans le secteur de la santé scopie confocale à un ou plusieurs photons
réclame que ces structures soient fabriquées à autorise l’étude des caractéristiques de la fluo-
un coût unitaire très faible, c’est-à-dire en utili- rescence d’objets moléculaires uniques issus
sant des techniques de fabrication à fort rende- de l’expression in vivo d’un gène associé à une
ment et faible investissement. L’émergence de protéine. Ces avancées dans le domaine spatial
techniques de nanofabrication à bas coût adap- se conjuguent par ailleurs avec le domaine
tées aux exigences des applications biologiques temporel par l’avènement des lasers ultra-brefs,
constituera un passage clef où les techniques de qui ouvre une fenêtre de résolution temporelle
nano-impression, d’impression moléculaire, de jusqu’à la femtoseconde.
lithographie douce, de moulages, etc. devraient
apporter des solutions intéressantes. Les retombées actuelles dans les
domaines des études fondamentales (aide
au séquençage, protéomique, virologie,
neurologie, etc.) et leur premier pas dans
1.4.5 Nanophotonique et biologie les domaines associés de la prévention, du
diagnostic et de l’intervention justifient plei-
L’essor de la nanobiophotonique appa- nement l’implication convergente d’un nombre
ra̂t au débouché de progrès antérieurs en croissant d’équipes. Celles-ci regroupent
photonique (lasers) et en physique molé- physiciens, chimistes, biologistes autour de
culaire (spectroscopie d’absorption et de projets dont l’aspect pluridisciplinaire relève
fluorescence). Si l’on s’accorde à reconna̂tre de la réalité quotidienne. On envisage actuel-
que la biologie s’est constituée en discipline lement de franchir une étape supplémentaire
véritablement scientifique en prenant princi- en utilisant la lumière, non seulement comme
palement appui sur l’essor de l’instrumenta- un outil de détection d’objets nanométriques,
tion microscopique au début du XVIIe siècle, mais aussi comme un moyen de manipulation
permettant d’accéder à une nouvelle fenêtre de ces entités, que ce soit par la méthode
d’observation à l’échelle des entités cellulaires déjà bien ma̂trisée des pinces optiques, ou
de dimensions microniques, on peut prendre par des techniques plus futuristes, basées
la mesure des implications du bond quantitatif sur des phénomènes optiques non linéaires,
et qualitatif de plusieurs ordres de grandeur qui permettent de déplacer et d’orienter à
en résolution ouvert par la nanophotonique et volonté certaines catégories de molécules
l’accès à l’intimité génétique sub-cellulaire et dans des milieux fluides ou des polymères,
moléculaire des mécanismes biologiques qui et qui peuvent être aisément transposables à
sous-tendent les pathologies. la manipulation photoinduite de molécules
individuelles en milieu biologique.
Les premières mises en œuvres expé-
rimentales de spectroscopie de molécules
individuelles, qui exigeaient des dispositifs
cryogéniques incompatibles avec l’étude des 1.4.6 Nanotechnologies
systèmes biologiques, ont en effet cédé la place et neurosciences
au milieu des années 1990 à des dispositifs
de microscopie confocale à un ou plusieurs L’analyse des mécanismes neuronaux du
photons permettant d’opérer à température fonctionnement cérébral exige que soient mises
ambiante en phases condensées de type au point de nouvelles méthodes et technologies
biologique. On assiste dans cette perspective pour enregister l’activité neuronale soit sur
à l’essor de technologies de marquage spéci- des préparations réduites soit, surtout, chez

36
2 – NANOSCIENCES ET NANOTECHNOLOGIES

l’animal en activité. Ceci permettra de réaliser problème essentiel des procédés de fabrica-
de nouvelles études : de l’activité neuronale tion capables de structurer la matière à cette
chez la souris juqu’à celle des bases neurales échelle. Deux voies se sont dégagées pour y
des fonctions cognitives les plus élevées chez parvenir : l’approche « top-down » qui vise à
le singe. C’est l’enregistrement de centaines, réduire les dimensions d’un matériau massif
voire de milliers, de neurones dans plusieurs jusqu’au nanomètre et l’approche « bottom-
structures cérébrales à la fois qui permettra up » qui consiste à élaborer un système à
sans doute de vraiment comprendre le trai- partir de ses constituants élémentaires, atomes
tement de l’information complexe dans le ou molécules. La première fait largement
cerveau. Les nanotechnologies ouvrent une appel aux techniques de lithographie ultime
perspective remarquable pour aborder les et à celles développées pour la microélec-
mécanismes au niveau moléculaire, cellulaire tronique et la seconde aux techniques de
et au niveau des réseaux. Un rapprochement manipulation ou d’auto-assemblage d’atomes
entre neurosciences et nanotechnologies est ou de molécules. Rien n’oppose ces deux
donc nécessaire. approches qui sont complémentaires. Au delà
des problèmes technologiques de réalisation
des nanostructures artificielles, il faut en effet
également disposer des outils qui permet-
1.4.7 Les limites de la vie tent de les étudier et de les utiliser. Il faut
donc générer et contrôler un environnement
Quelle est la taille minimale d’une permettant d’échanger de l’information avec
bactérie ? Cette question posée à la fin des ces structures. Si les techniques optiques ou
années 60 rebondit d’années en années à force de champ proche se sont avérées extrêmement
d’amélioration des techniques de microscopie fécondes, la réalisation de systèmes fonction-
et de mise en place de nouveaux protocoles nels nécessite la mise au point de technologies
de culture de bactéries. Des 100 nanomètres permettant de combiner de façon compatible
théoriques aux premières observations de nano et microstructures, objets de dimension
très petites bactéries de 200 nanomètres de moléculaire et architectures de commande. Un
diamètre, on devrait assister à un renouveau enjeu majeur dans cette perspective de réali-
dans le domaine de la recherche des nano- sation de systèmes fonctionnels est de marier
bactéries dans les milieux extrêmes, jusqu’au les deux approches « top-down » et « bottom-
problème de la vie sur Mars. Certaines familles up ». On conçoit aisément tout l’intérêt qu’il
de nanobactéries utilisent des coques en calcite y a à imaginer des nano-objets élaborés par
pour se reproduire ce qui serait à l’origine de auto-assemblage ou manipulation d’atomes ou
certaines maladies. Ce domaine des nanobac- de molécules qui soient « adressés » et « archi-
téries est donc au carrefour des sciences de tecturés » à l’aide de nanostructures ultimes
la vie et de la physicochimie. Il y a en plus fabriquées par des méthodes de lithographie
l’idée qu’une si petite unité de vie possède ou par les circuits de la microélectronique.
une organisation macromoléculaire particulière Cette convergence concerne au premier chef
qu’il serait intéressant de comprendre pour la l’électronique moléculaire où les difficultés
conception de nano-machines moléculaires. pour faire réaliser à des molécules une fonc-
tion électronique ou mécanique, à les relier au
monde extérieur sans altérer leurs propriétés
sont patentes.
1.5 NANOFABRICATION
La nanofabrication de demain doit aussi
permettre de structurer des matériaux très
Tirer profit de la réduction des dimen- divers. En plus des semi-conducteurs et de leurs
sions à l’échelle nanométrique pour réaliser hétérostructures diverses, les couches ferro-
de nouveaux objets ou systèmes pose le électriques, piézo-électriques ou magnétiques,

37
RAPPORT DE CONJONCTURE 2004

les polymères (passifs ou actifs), les nouvelles Il faut éviter le cloisonnement du système
formes du carbone (fullerènes et nanotubes), de recherche entre technologie lourde d’un
les couches moléculaires auto-assemblées, les côté, et auto-assemblage ou nanofabrication
biomolécules (ADN, protéines) sont d’ores et alternative d’un autre côté. Il y a un grand
déjà de plus en plus utilisés à l’intérieur des avenir et un énorme enjeu à coupler étroi-
nanosystèmes. Le développement de techno- tement ces domaines. C’est dans le mariage des
logies permettant leur utilisation conjointe techniques d’auto-assemblage et de lithographie,
nécessite un effort de recherche conséquent. de « bottom-up » et de « top-down » (au plan
disciplinaire de la physique, de la chimie, de la
Utiliser des nano-objets pour stocker, biologie), que se feront les plus beaux enfants
communiquer, calculer, analyser, mettra néces- des nanotechnologies dans les prochaines
sairement en jeu des réseaux complexes de années. Notre système de recherche français
nanostructures. Trouver des architectures doit donc favoriser ces fertilisations croisées et
nouvelles, tolérantes aux imperfections issues mieux encourager cette interdisciplinarité.
de la fabrication, reconfigurables voire répa-
ratrices pour pallier les déficiences issues du
vieillissement est également un véritable enjeu
pour lequel très peu d’efforts sont investis à
l’heure actuelle. Il n’existe ainsi que bien peu
d’exemples de nanosystèmes qui ne soient pas 2 – ASPECTS
une déclinaison de dispositifs préexistants et
qui exploitent complètement les spécificités STRATÉGIQUES1
des nano-objets. La genèse de ces nouvelles
architectures, qui pourrait également dimininuer
les contraintes actuelles en matière de nanofabri- 2.1 LE CONTEXTE INTERNATIONAL
cation sur la régularité des objets, leur perfec-
tion, leur adressage, mériterait d’être stimulée.
Les nanosciences et nanotechnologies sont
Au plan des technologies, un des des enjeux majeurs pour le futur, tant au niveau
problèmes majeur est l’absence de techniques des concepts que des applications. Devant
capables de structurer la matière avec une réso- l’ampleur des retombées attendues, des soutiens
lution nanométrique poussée (<10 nanomètres) financiers considérables sont mis en place. Il est
qui soit compatible avec une production de intéressant de comparer les efforts réalisés en
masse à bas coût pour des applications de type Europe à ceux effectués aux USA et au Japon.
grand public. Nous disposons ainsi d’un côté
d’un très grand savoir-faire industriel à l’échelle Jusqu’en 2000, l’Europe est en bonne
de 50 nanomètres et plus (la microélectronique) position dans ces efforts financiers, avec en
et de l’autre d’une grande ma̂trise en laboratoire tête l’Allemagne, suivie par le Royaume-Uni, et
de procédés à haute résolution (lithographie plus loin seulement par la France. En termes
ultime, STM, AFM, etc.). Tirer ces techniques de publications et de brevets, la position de
de laboratoire lentes et onéreuses vers des l’Europe par rapport aux autres pays est tout à
procédés rapides et fiables reste un problème fait correcte aussi.
à résoudre de même qu’amener les procédés Depuis cette époque il faut signaler des
industriels de la microélectronique aux dimen- changements majeurs.
sions des nanosystèmes. Les solutions étudiées
peuvent prendre des formes assez diverses : Les États-Unis, sous l’impulsion du gouvernement
nano-impression, lithographies douces ou de B. Clinton, puis de l’actuelle administration,
approches basées sur l’auto-assemblage. considérant que les nanotechnologies seront à la

1. Texte daté de novembre 2003.

38
2 – NANOSCIENCES ET NANOTECHNOLOGIES

base de la prochaine révolution industrielle, ont Soutien gouvernemental aux Nanosciences


lancé une « National Nanotechnology Initiative » et Nanotechnologies (en M€)2-3
(NNI) : l’effort gouvernemental en direction des
a) pour l’Europe des 15, les USA et le Japon
nanosciences et nanotechnologies est augmenté
de 56 % en 2001 par rapport à 2000 et de 23 % en
2002 par rapport à 2001. Y contribuent principa-
lement la National Science Fondation, le départe-
ment de la défense et le département de l’énergie.
En parallèle de la NNI, initiative fédérale, un grand
nombre d’états ont lancé des programmes signi-
ficatifs d’aide aux nanotechnologies. De plus, de
nombreuses PME voient le jour, en particulier
dans le domaine des matériaux.
L’état japonais a aussi augmenté significative-
ment l’enveloppe budgétaire consacrée aux
Nanosciences et Nanotechnologies depuis 2000. b) en 2000 en Europe
La Commisssion Européenne a fait des
nanosciences et nanotechnologies un de ses
programmes prioritaires du 6 e programme
cadre 2002-2006. Sur 5 ans, 1 300 M€ seront
consacrés au programme « nanotechnologies et
nanosciences, matériaux multifonctionnels basés
sur la connaissance, nouveaux composants et
procédés de production ». De plus, les nanos-
ciences et nanotechnologies concernent aussi
d’autres priorités thématiques du 6e PCRD comme
« les technologies de la société de l’information »
et « les sciences du vivant, la génomique et les
biotechnologies pour la santé ». Brevets en nanotechnologies sur la période
1991-1999
En résumé, les pays industrialisés ont cons-
cience de l’enjeu des nanosciences et nano-
technologies, et investissent donc fortement
dans ce domaine au niveau financier.
Un autre aspect à considérer est celui de
la structuration de l’effort. Ainsi, aux États-Unis,
il y a au niveau de la « NNI » une structuration
globale de la coordination entre les différents
départements. En France, la coordination entre
ministères n’est pas aussi poussée. Ce pourrait
être un aspect à améliorer.

2. D’après le 3e rapport européen sur les indicateurs S&T, le rapport du Programme National en Nanosciences et
Nanotechnologies et le rapport du groupe de travail «Nanotechnologies» de l’Académie des Technologies.
3. Les chiffres diffèrent parfois selon les sources consultées et surtout ne recouvrent pas toujours les mêmes éléments (par
exemple, les frais de personnels ou le financement des infrastructures sont comptés ou non selon les pays). Les chiffres
présentés ici le sont donc à titre indicatifs : ils permettent de dégager les grandes lignes de la politique de soutien au
domaine des nanosciences et nanotechnologies.

39
RAPPORT DE CONJONCTURE 2004

Publications en nanosciences-nanotechno- « Situation scientifique » illustrent la richesse


logies de 1997 à 1999 de la problématique pour les années à venir.
Les domaines pionniers des nanosciences
(relevants des technologies de l’information :
nanoélectronique, optoélectronique, spintro-
nique) doivent continuer d’être soutenus. Il
conviendrait aussi dans les années à venir
d’assurer un fort développement dans le
domaine des matériaux et de la nanobiologie,
moins développés pour l’instant en France.
Enfin, il importe de renforcer les liens entre la
« communauté des nanosciences » et d’autres
communautés comme celles de l’astrophysique
ou des neurosciences (Voir § 1.1.4 et 1.4.6).

Le domaine des technologies de l’infor-


mation bénéficie en France de la présence
2.2 LE CONTEXTE NATIONAL d’industries dynamiques, avec une recherche
ET LA RECHERCHE AU CNRS avancée en microélectronique, optoélectro-
nique et spintronique. Le CNRS y a accom-
pagné les efforts avec des créations de
2.2.1 Soutien financier et humain laboratoires associés à des entreprises ou à
d’autres organismes publics (citons en région
Il ressort clairement de l’analyse de la parisienne le laboratoire Thalès, ou le L2M,
situation internationale que la France doit devenu LPN, citons SPINTEC à Grenoble,
accro̂tre son soutien financier aux nanos- etc.). Néanmoins, de manière générale, une
ciences et nanotechnologies pour garantir le des faiblesses des programmes Nanosciences-
maintien de son potentiel de recherche et Nanotechnologies en Europe et en particulier
développement dans le domaine. La dimen- en France, par comparaison au Japon et aux
sion européenne des recherches, qui contri- USA, est liée au trop faible drainage industriel
buera à élargir la dynamique française, doit que nous pouvons constater dans ce domaine,
également être encouragée. Enfin, dans ce et qui conduit les acteurs de la recherche à
domaine en pleine expansion, il sera fonda- prendre assez peu en considération les aspects
mental de garantir les moyens humains. Au valorisation de leurs travaux. On entend trop
niveau du CNRS, une politique ambitieuse de souvent dire de la part de responsables de
recrutements de chercheurs, d’ingénieurs et de grands groupes que les applications dans ce
techniciens est nécessaire. domaine sont trop lointaines et qu’ils s’en tien-
nent pour le moment à un « état de veille ».
De même les responsables de PME-PMI consi-
dèrent souvent le domaine comme technolo-
2.2.2 Recherche fondamentale giquement trop complexe et probablement
et recherche appliquée trop coûteux en investissements techniques
et humains pour s’y lancer. Ceci malgré les
La recherche fondamentale en nanos- efforts faits dans leur direction avec les réseaux
ciences bénéficie de la qualité des équipes, et nationaux de recherche et d’innovation tech-
constitue un point fort au CNRS Nous pouvons nologique, soutenus par plusieurs ministères et
apprécier la bonne place des groupes français par l’ANVAR (agence française de l’innovation)
dans le contexte mondial au niveau des publi- et qui ont pour but d’encourager le transfert
cations ou des conférences internationales. Les technologique, en particulier par la création de
exemples développés dans le paragraphe 1 PME innovantes. Nommons, dans le domaine

40
2 – NANOSCIENCES ET NANOTECHNOLOGIES

des nanotechnologies, le Réseau National de 2.2.3 Interdisciplinarité


Recherche en Télécommunications (RNRT) ou et coordination des recherches
le Réseau Micro-Nano-Technologies (RMNT).
Doit-on se résoudre à voir la production fran- Une des missions du CNRS, organisme
çaise dans le domaine des nano-composants, multi-disciplinaire, est d’encourager l’interdis-
nanomatériaux, nano-technologies, dans un ciplinarité, au cœur du développement des
avenir pas si lointain, soumise à des achats nanosciences.
de licences étrangères pour cause de non
investissement en temps opportun ? Une telle Ainsi, le CNRS joue un rôle fédérateur à
situation serait d’autant plus dommageable que travers :
les efforts amont en recherche de la part des – plusieurs Groupements de Recherche,
institutions européennes et françaises pour très appréciés de leurs participants pour les
nous placer au plus haut niveau scientifique ouvertures qu’ils leurs offrent sur d’autres
et technique international dans le domaine sont champs disciplinaires ;
importants et les résultats palpables. Le CNRS,
en sa qualité d’organisme de recherche national, – les Réseaux Thématiques Pluridisci-
doit analyser cette situation et participer avec plinaires (RTP), structurés autour d’une finalité
les ministères concernés à la réflexion pour la ou d’un thème de recherche prioritaires pour les
mise en place de mécanismes nouveaux qui Sciences et Technologies de l’Information et de
encourageraient fortement, dès maintenant, la Communication ;
l’implication/l’investissement industriel pour – les programmes de recherche inter-
se positionner sur certains marchés. disciplinaires, dont l’objectif est de soutenir
et de coordonner les équipes de recherche
Également, dans son organisation interne, françaises impliquées dans le domaine. Citons
le CNRS doit favoriser les relations recherche- pour ces dernières années les programmes
industrie. C’est notamment le cas pour la prise « Nanosciences-nanotechnologies », « Matériaux »
en compte des brevets dans la carrière des et « microfluidique et microsystèmes fluidiques »
chercheurs qui, suivant les départements/ Le soutien se fait par la sélection de projets sur
commissions, reste souvent trop faible par appels d’offres, en encourageant le partenariat
rapport aux indicateurs courants tels que les entre équipes et l’interdisciplinarité ;
publications dans de bonnes revues interna-
– le Programme National Nanosciences
tionales. Il faut faire admettre dans les critères
2002-2005, qui reprend le programme
d’évaluation que le dépôt d’un brevet est une
« Nanosciences-nanotechnologies » et l’axe nano-
opération complexe, laborieuse et scientifi-
structures des programmes interdisciplinaires
quement gratifiante, qui doit valoir à son auteur
pré-cités. Il s’agit d’une action de coordination
une prise en compte réaliste. D’autres aspects
menée conjointement par le CNRS, le ministère
du transfert de technologies doivent se faire via
de la recherche et le CEA / DSM, en s’appuyant
l’initiation/la formation de personnels de l’indu-
sur trois modes d’interventions principaux : (i)
strie au sein de laboratoires disposant de savoir
soutien à des projets innovants via un appel
faire et techniques spécifiques, de même que
d’offres annuel, (ii) soutien à des projets « inté-
par l’accès à certaines infrastructures nanotechno-
grés » visant à lever des verrous technologiques
logiques. Enfin, il faut également mentionner le
prévus à échéance de dix ans, (iii) contribution
domaine de la modélisation/simulation de nano-
à la mise en place et au fonctionnement d’un
objets et nano-systèmes qui a fait des progrès
réseau de centrales technologiques (Voir § 1.2.4).
considérables ces dernières années pour arriver
La dotation du programme était de 10 M€ en
à des niveaux d’interprétation et de prédiction
2002 et est de 11,2 M€ en 2003.
élevés, très bien ma̂trisés dans des laboratoires
CNRS et qui pourrait avantageusement profiter Les actions fédératrices ci-dessus nous
aux milieux industriels moins portés sur ce type apparaissent extrêmement positives compte-
d’approches. tenu du fort développement du domaine.

41
RAPPORT DE CONJONCTURE 2004

Au niveau individuel, l’inter-disciplinarité support à des recherches plus fondamentales


est parfois vécue comme étant mal reconnue. de physique, de biologie ou de chimie qui font
La prise en compte de l’interdisciplinarité dans progresser les nanosciences, ou à des recher-
l’évaluation des chercheurs par les sections du ches interdisciplinaires qui nécessitent l’utili-
Comité national doit être amplifiée. Par ailleurs, sation des équipements de pointe dont elles
la création d’une Commission Interdisciplinaire disposent. Cinq centrales sont développées,
(CID) « Nanosciences-Nanotechnologie » pour- chacune autour d’un laboratoire de recherche
rait-elle apporter un élément de réponse à ce important travaillant dans le domaine. Les pôles
problème ? retenus sont : le LETI (Laboratoire d’Électro-
nique et de Technologie de l’Information,
Grenoble), le LAAS (Laboratoire d’Analyse et
d’Architecture des Systèmes, Toulouse), l’IEMN
2.2.4 Nanofabrication (Institut d’Électronique, de Microélectronique
et de Nanotechnologies, Lille) et, pour le pôle
Le domaine de la nanofabrication (Voir Ile-de-France Sud implanté sur deux sites, les
§ 1.5) est essentiel dans le contexte du dévelop- laboratoires LPN (Laboratoire de Photonique
pement des Nanosciences et Nanotechnologies. et de Nanotechnologies, Marcoussis) et IEF
Il demande actuellement de forts investissements (Institut d’Électronique Fondamentale, Orsay).
en moyens que nous allons expliciter. Mais On distinguera dans chaque centrale les projets
auparavant, rappelons, et ce n’est pas antino- qui font l’objet de collaborations avec le labo-
mique, qu’un des objectifs est le développement ratoire support de la centrale et les projets
de méthodes de fabrication bas coût, adaptées dits « exogènes », qui doivent faire l’objet d’au
par exemple aux exigences des applications en moins 15 % de l’activité de la centrale afin d’en
biologie ou en catalyse, et qui permettront aussi garantir un fonctionnement ouvert.
un développement plus rapide des nanosciences
au niveau de chaque laboratoire. Dans le cadre de la structuration des
moyens au niveau national, les autres labora-
En terme de moyens pour la nanofabri- toires et équipes doivent pouvoir disposer loca-
cation, plusieurs niveaux complémentaires lement d’équipements spécifiques en adéquation
d’organisation et d’investissement intervien- avec leur activité de recherche avancée. Certains
nent, qu’il convient de prendre en compte de équipements sont donc regroupés au sein de
façon opérationnelle. centrales spécifiques (« deuxième cercle ») de
dimension, de coût et de supports plus réduits,
Le CNRS, le CEA et le ministère délégué à la qui doivent également être partiellement
recherche et aux nouvelles technologies unissent ouvertes et mises en réseau.
leurs efforts pour construire un réseau de grandes
centrales technologiques de nanofabrication Enfin, un « troisième cercle », tout autant
(« premier cercle ») compétitif au niveau euro- nécessaire, qui concerne des équipements mi-
péen et mondial et cohérent au niveau national. lourds (investissements ≤ 1 M€) généralement
Une grande centrale technologique se situe entre associés à des savoir faire spécifiques locaux
les équipements dédiés des laboratoires et les pour la préparation, mais aussi l’étude de
centrales industrielles. Du fait du coût grandis- nano-objets et nanostructures divers, est trop
sant des équipements de pointe, et des coûts peu pris en compte actuellement (exemple
de fonctionnement associés, le nombre de ces d’équipement du 3e cercle : les plates-formes
centrales technologiques doit être limité. Mais physico-chimiques pour l’élaboration de nano-
elles doivent en corollaire servir de socles pour objets et nanostructures par les voies sol-gel,
des projets de recherche à l’échelon français et collo̈dale). Ceci conduit à des plans d’inves-
européen. Utilisées pour les recherches techno- tissement complexes, souvent multipartenaires
logiques de base sur les dispositifs avancés et (CNRS, Université, Région), qui ne sont pas
les filières technologiques du futur, les grandes toujours aisés à concrétiser et gérer. De plus,
centrales technologiques doivent aussi servir de leurs budgets de fonctionnements qui dépassent

42
2 – NANOSCIENCES ET NANOTECHNOLOGIES

souvent les capacités des groupes gestionnaires techniques de sublimation), aux nouveaux
sont difficiles à garantir car ils sont rarement instruments de manipulation d’atomes et de
inclus dans les budgets de base récurrents et molécules ainsi qu’à la mise au point de méso
doivent faire l’objet de demandes spécifiques et micro-outils compatibles ultra-vide. On doit
au caractère peu reproductible. Enfin, pour aussi mentionner le nécessaire développement
permettre l’ouverture et la mise à disposition de microscopes environnementaux à résolution
de ces équipements, il faut également prendre atomique, permettant de combler le « pressure
en compte la mise à disposition de person- gap » pour la nanocatalyse, de travailler sous
nels techniques de bon niveau (Ingénieurs de atmosphère compatibles avec les conditions de
Recherche et d’Étude). C’est finalement sur ces la vie en biologie, etc.
trois volets de l’investissement mi-lourd, du
fonctionnement récurrent et du personnel tech-
nique d’encadrement, que la réflexion et l’or-
ganisation devrait porter pour aboutir à terme 2.2.5 Formation et communication
a un potentiel national de ces infrastructures
du « troisième cercle », opérationnel et adapté Les nanosciences pourraient conduire
aux besoins réels, en complémentarité de ceux à une véritable révolution économique et
des 1er et 2e cercles. Il faut remarquer qu’une sociétale. La communication en direction du
initiative dans ce sens avait été tentée en 2001 grand public est donc un point à développer et
au CNRS par la MRCT (Mission Ressources renforcer. Le CNRS devrait mener une réflexion
Compétences Technologique) de la Direction détaillée sur le rôle qu’il sera amené à avoir
de la Stratégie et des Programmes et qu’il serait dans ce cadre.
intéressant d’analyser les résultats et retombées
de cette action pour un développement futur. D’autre part, dans le contexte du fort
développement des nanosciences et nano-
Il conviendrait aussi d’apporter un soutien technologies, des besoins en personnels
conséquent aux instruments de manipulation/ compétents apparaissent, tant dans le milieu
fonctionnalisation. Citons les équipements industriel que dans le milieu universitaire et
sous ultravide de plus en plus nécessaires au CNRS. Les laboratoires du CNRS jouent
pour élaborer dans des conditions contrôlées un rôle de formation pour les doctorants,
de très grande propreté, caractériser, manipuler en partenariat avec les universités. Mais ils
et fonctionnaliser des objets à nano-échelle. doivent aussi assurer une mission de forma-
Dans ce cas, en plus d’une complexité liée tion auprès des étudiants d’IUT ou de DESS,
à l’ultravide, les instruments de manipula- en offrant, grâce à leurs laboratoires, des
tion / fonctionnalisation doivent offrir des plates-formes d’expérimentation. Ils doivent
résolutions spatiales inférieures au centième de contribuer à la formation de personnels de
nanomètre, les instruments de caractérisation l’industrie à certaines techniques de pointe
doivent offrir des sensibilités ultimes adaptées (Voir § 1.2.2). Enfin, en interne, des ateliers
aux très faibles quantités de matière en cause, à destination des techniciens, ingénieurs et
des systèmes de transferts des échantillons chercheurs pourront être organisés par le biais
garantissant le maintien des conditions de de la formation continue. La tenue d’écoles
propreté doivent être disponibles. Un effort à caractère fortement inter-disciplinaire doit
instrumental est à lancer qui prendrait appui aussi être soutenue. Le CNRS doit pleinement
sur un soutien accru à la science des surfaces bénéficier de la présence dans l’organisme de
(surfaces isolantes, métallurgie de surface, toutes les compétences nécessaires.

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RAPPORT DE CONJONCTURE 2004

ANNEXES ANNEXE 2 : LISTE DES AUTEURS

ANNEXE 1 : LISTE DES Pascale Launois


Coordinatrice de la rédaction du rapport
ACRONYMES « Nanosciences et nanotechnologies »
– Laboratoire de Physique des Solides
(UMR CNRS 8502), Bât. 510,
ADN Acide désoxyribonucléique Université Paris Sud 91405 Orsay cedex
AFM Microscopie à force atomique Domaine de compétence : nanotubes

ARN Acide ribonucléique Henri Benisty


Institut d’Optique, centre scientifique,
CEA Commisariat à l’énergie atomique Bât 503 91403 Orsay cedex
Domaine de compétence : nanophotonique
CNRS Centre national de la recherche scien-
tifique Alain Berthoz
UMR CNRS 7150/Collège de France,
DESS Diplôme d’études supérieures spécia-
11 place Marcelin Berthelot, 75005 Paris
lisées
Domaine de compétence : neurosciences
DSM Direction des Sciences de la matière Robert Corriu
(CEA)
Laboratoire de Chimie Moléculaire et
FET Transistor à effet de champ Organisation du Solide (UMR CNRS 5637),
place Eugène Bataillon,
GISAXS Diffusion des rayons X aux petits 34095 Montpellier cedex
angles en incidence rasante Domaine de compétence : chimie
GIXS Diffusion des rayons X en incidence Claire Dupas
rasante École Normale Supérieure de Cachan,
GMR Magnétorésistance géante 61 av. du Président Wilson,
94235 Cachan cedex
IUT Institut Universitaire de Technologie Domaine de compétence : nanomagnétisme
MRAM Mémoires magnétiques à accès aléa- Albert Fert
toires Unité Mixte de Physique CNRS/THALES
(UMR CNRS 137), Domaine de Corbeville,
MOS Semiconducteurs métal-oxyde
91404 Orsay
NNI National Nanotechnology Initiative Domaine de compétence : nanomagnétisme,
(USA) spintronique
PME Petite et moyenne entreprise Philippe Grangier
LCFIO (UMR CNRS 8501), Institut d’Optique,
PMI Petite et moyenne industrie Centre scientifique, Bât 503
RMN Résonance magnétique nucléaire 91403 Orsay cedex
Domaine de compétence : information quan-
RPE Résonance paramagnétique élec- tique
tronique
Claude Henry
SERS Diffusion Raman exaltée de surface Centre de Recherche en Matière Condensée
STM Microscopie à effet tunnel et Nanosciences (UPR CNRS 7251),
Campus de Luminy 13288 Marseille cedex 09
TMR Magnétorésistance tunnel Domaine de compétence : nanocatalyse

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2 – NANOSCIENCES ET NANOTECHNOLOGIES

Christian Joachim 38042 Grenoble cedex 9


Centre d’Élaboration de Matérieux et d’Études Domaine de compétence : nanoélectronique
Structurales, 29 rue J Marvig 31055, Toulouse
Domaine de compétence : nanosciences Alain Pérez
atomiques et moléculaires Laboratoire de Physique de la Matiere
Condensée et Nanostructures (UMR CNRS
Christine Joblin 5586), Université Claude Bernard Lyon 1,
CESR, UMR CNRS 5187, 9 avenue du Colonel Domaine Scientifique de la Doua,
Roche 31028 Toulouse cedex 04 69622 Villeurbanne cedex
Domaine de compétence : astrophysique Domaine de compétence : agrégats
Philippe Kapsa Didier Stievenard
École Centrale de Lyon, Laboratoire de IEMN (UMR CNRS 8520), Cité Scientifique,
Tribologie et Dynamique des Systemes Avenue Poincaré BP 60069
(UMR CNRS 551), 69134 Écully cedex 59652 Villeneuve d’ascq cedex
Domaine de compétence : tribologie Domaine de compétence : nanobiologie
Isabelle Ledoux-Rak Christophe Vieu
LPQM (UMR 8537), Institut d’Alembert (IFR LAAS-CNRS, 7 avenue du colonel Roche
121), École Normale Supérieure de Cachan, 31077 Toulouse
61 av. du Président Wilson Domaine de compétence : nanobiologie,
94235 Cachan cedex nanofabrication
Domaine de compétence : nanobiophoto-
nique Jacques Yvon
LEM (UMR CNRS 7569),
Jean-Yves Marzin
15 av. du Charmois BP 40
LPN/CNRS, route de Nozay 91460 Marcoussis
54501 Vandoeuvre les Nancy cedex
Domaine de compétence : nanofabrication
Domaine de compétence : géophysique,
Jean-Pierre Nozières nanomatériaux
SPINTEC (CEA-CNRS), 17 avenue des martyrs
Joseph Zyss
38054 Grenoble cedex 09
Domaine de compétence : spintronique LPQM (UMR 8537), Institut d’Alembert (IFR
121), École Normale Supérieure de Cachan,
Bernard Pannetier 61 av. du Président Wilson
Centre de Recherches sur les Très Basses 94235 Cachan cedex
Températures, CNRS, 25 av. des Martyrs, Domaine de compétence : nanobiophotonique

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