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NANOSCIENCES
ET NANOTECHNOLOGIES
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2 – NANOSCIENCES ET NANOTECHNOLOGIES
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– Quel est l’effet sur ces nanoparticules Leurs niveaux d’énergie dans des petites structures
des conditions environnementales : irradia- sont quantifiés et l’on sait maintenant préparer
tion par rayonnement ultaviolet-X, par des des bôtes quantiques semi-conductrices, réali-
particules énergétiques, couplage avec le gaz, sations contrôlées de véritables « atomes arti-
érosion dans les chocs, coagulation ? ficiels ». D’autre part, du fait du faible nombre
d’électrons en jeu, l’écrantage est peu efficace
En laboratoire, deux approches sont utilisées : et les approximations d’électrons indépendants
la simulation expérimentale de processus ne sont plus justifiées. Que ce soit dans les
cosmiques et l’analyse des mécanismes indi- nanostructures semi-conductrices, métalliques
viduels. Ceci nécessite souvent des dispositifs ou supraconductrices, la décennie qui s’achève
expérimentaux complexes pour approcher
a permis d’identifier de nombreux phénomènes
les conditions du milieu interstellaire, par
nouveaux. À côté d’effets « parasites » comme
exemple utilisant la technique de piège à
la fuite tunnel d’électrons dans les circuits MOS
ions refroidis. Le problème de la produc-
(Semiconducteurs Métal-Oxyde) ultimes, on a
tion des nanoparticules se pose également
vu apparâtre certaines fonctionnalités nouvelles
ainsi que celui de l’extraction de nanopar-
comme le blocage de Coulomb – conséquence
ticules de matériaux d’origine extraterrestre.
directe de la quantification de la charge –, ou
Pour l’étude des constantes optiques et plus
la quantification de la conductance, les quasi-
généralement des propriétés physiques et
chimiques, il faut réussir à travailler sur des particules à charge fractionnaire et, à un degré
nanoparticules isolées. Toutes ces questions, encore futuriste, l’ingénierie d’états quantiques
pour être résolues, doivent être abordées de dans les nanosystèmes solides et les circuits
manière interdisciplinaire par la communauté électriques quantiquement cohérents. Les
des nanosciences. enjeux sont l’information et la communication
mais aussi la métrologie.
Les enjeux en nanoélectronique sont
à la fois de pousser les circuits actuels aux
1.2 NANOPHYSIQUE ET limites de la miniaturisation et de préparer
TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION les nouvelles générations. Sans être exhaustif,
on peut identifier quelques lignes de forces.
La nanoélectronique en technologie silicium
Les technologies de l’information ont couvre entre autres les nano-MOSFETs (FET :
connu des progrès considérables et sont transistor à effet de champ) et les dispositifs
encore appelées à se transformer dans les logiques ou mémoires émergents (dispositifs
années/décennies à venir. Nous discutons ici mono-électron ou tunnel résonnant) à base de
quelques domaines exploratoires particuliè- silicium. L’échelle nanométrique demande une
rement étudiés au CNRS. recherche sur de nouvelles architectures mais
aussi de nouveaux matériaux pour les isolants de
grille comme les diélectriques à forte permittivité.
Utiliser l’atome ou la molécule comme brique
1.2.1 Nanoélectronique électronique élémentaire (Voir § 1.1.1) est une
voie ultime et de récents progrès expérimen-
L’évolution vers des systèmes électroniques taux et numériques ont permis d’en montrer
de très faibles dimensions sera durable car de la faisabilité. Il manque encore une compré-
nouveaux phénomènes physiques vont pouvoir hension de base du transport électronique
être exploités. Le transport électronique aux dans une molécule organique et la mâtrise
échelles proches de l’échelle atomique est de l’interface métal-molécule. L’électronique
encore mal connu mais incroyablement riche. à base de nanotubes, édifice moléculaire
Les électrons sont des particules quantiques « idéal », a connu des avancées fulgurantes ces
dotées d’une charge électrique et d’un spin. dernières années (Voir § 1.1.2). L’étude des
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bôtes et fils quantiques est une thématique ques associant matériaux magnétiques et non-
très amont où l’Europe et tout particulièrement magnétiques. Le caractère « nano » des structures
la France ont une présence forte. C’est le cas est imposé par les longueurs d’échelle en jeu,
pour le transport quantique dans les métaux ce qui explique que le développement de la
et semi-conducteurs à une ou zéro dimension, spintronique a été intimement lié au progrès des
les systèmes hybrides formés de conducteurs nanotechnologies.
couplés à des supraconducteurs ou ferro-
magnétiques intégrant des fonctionnalités La première manifestation d’effet de
supraconductrices et magnétiques. Cet effort a spintronique a été la magnétorésistance géante
déjà mené à des avancées conceptuelles signi- ou GMR, découverte en 1988. Dans des multi-
ficatives. La prise en compte des corrélations couches alternant un métal magnétique et
électroniques et de la dynamique quantique à un métal non magnétique, un changement
haute fréquence reste un enjeu important pour de résistance important est observé lorsque
les années à venir. Un autre enjeu est la mâtrise les aimantations des couches magnétiques
des circuits électroniques élémentaires pour successives basculent d’un état antiparallèle
l’information quantique. Spin et charge dans les en champ nul à un état parallèle aligné en
bôtes quantiques, charge et flux magnétique champ appliqué. Des structures artificielles plus
dans les circuits à nanojonctions Josephson, ont complexes, appelées vannes de spin et permet-
récemment marqué des progrès très rapides tant un effet de magnétorésistance géante dans
avec notamment l’observation d’oscillations des champs très faibles (une dizaine d’Oersted),
de Rabi et l’intrication de 2 états qubits (« bits ont ensuite été développées pour réaliser
quantiques »). L’un des enjeux majeurs dans des détecteurs de champ ultra-sensibles.
ce champ est l’identification et la mâtrise des Aujourd’hui, la quasi-totalité de la production
processus de « décohérence » et de bruit ultime, des têtes de lecture / écriture pour disques durs
ainsi que la mâtrise de la manipulation et de (1 milliard de têtes par an) est constituée de
la détection de ces états quantiques. têtes à GMR. Les applications comme capteurs
de champ pour l’automobile et l’aéronautique
La recherche en nanoélectronique sont également en plein essor.
fait appel à l’ensemble des sujets de nano-
fabrication, nanophysique et physique mésos- Un effet de magnétorésistance semblable
copique, nano-caractérisation et recherche de à la GMR, appelé magnétorésistance tunnel ou
matériaux nouveaux (nanotubes, diélectriques à TMR, est observé dans des jonctions tunnel
faible ou forte permittivité, etc.). La simulation/ (métal ferromagnétique/isolant/métal ferro-
modélisation est maintenant présente à tous les magnétique). On observe aussi une variation
niveaux et est encore appelée à se développer. importante de la résistance lorsque les direc-
tions relatives des aimantations des couches
ferromagnétiques varient. La forte variation de
magnétorésistance et l’impédance élevée (de 0.1
1.2.2 Nanomagnétisme à 100 kilo-Ohm) ont conduit au développement
et électronique de spin de mémoires à accès aléatoire non volatiles
(MRAM – Magnetic Random Access Memories)
La spintronique (ou électronique de spin) pour une mise sur le marché de composants
est un sujet en plein développement à travers fonctionnels à l’horizon 2004- 2005.
le monde. La France occupe une bonne place
dans le domaine avec un important potentiel Paradoxalement, alors que des appli-
en Recherche et Développement amont. Alors cations doivent apparâtre bientôt sur le
que l’électronique classique est basée sur le marché, les mécanismes physiques en jeu dans
contrôle de courants de charge, l’électronique la TMR sont encore loin d’être bien compris. Il
de spin manipule des courants de spin en apparât maintenant que la TMR dépend non
exploitant l’influence du spin sur le transport seulement de la polarisation en spin du ferro-
électronique dans des nanostructures magnéti- magnétique mais aussi de la structure électro-
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nique de l’isolant et surtout du caractère des ferromagnétiques dans lesquels le courant est
liaisons électroniques à l’interface métal/isolant. intrinsèquement polarisé en spin. Une autre
Il est probable que des TMR plus élevées direction de recherche intéressante est l’in-
pourront être obtenues avec d’autres isolants jection de spin dans des bôtes quantiques
que l’alumine essentiellement utilisée jusqu’à (plusieurs concepts d’ordinateur quantique
présent. Également, un autre enjeu important (Voir § 1.2.4) proposent l’intrication d’états de
est la recherche de matériaux ferromagnétiques spin dans un réseau de bôtes quantiques).
demi-métalliques (c’est-à-dire métalliques pour
une direction de spin et isolants pour l’autre) L’intégration actuelle des semiconducteurs
pour lesquels on peut attendre une polarisation en spintronique implique nécessairement une
de l’effet tunnel proche de 100 %. Diverses collaboration accrue entre communautés du
pistes sont suivies pour obtenir des matériaux magnétisme et des semiconducteurs. De façon
demi-metalliques de température de Curie suffi- plus générale, la spintronique a aussi besoin
samment élevée au regard des applications. d’une pluridisciplinarité chimie/physique pour
Finalement, on peut également mentionner que le développement de procédés de fabrication.
l’injection de spins par effet tunnel conditionne Dans le champ applicatif, des connexions avec
d’autres développements de l’électronique de les domaines de la biologie et de la médecine
spin comme par exemple l’injection de spins ont également été ébauchées.
dans une nanoparticule ou une bôte quantique Les verrous pour les années à venir se
(dispositifs combinant blocage de Coulomb et situent dans plusieurs domaines :
de spin, bits quantiques).
– matériaux : recherche de matériaux
La commutation d’une cellule de mémoire demi-métalliques pour obtenir des pola-
magnétique (MRAM) s’effectue aujourd’hui dans risations de spin proches de 100 % à tempéra-
un temps de quelques nano-secondes. Réduire ce ture ambiante, recherche de semiconducteurs
temps de commutation est un enjeu important et ferromagnétiques à température ambiante,
les recherches sur la dynamique du renversement intégration de métaux ferromagnétiques et de
de l’aimantation de petits éléments magnétiques semiconducteurs dans une même structure,
sont en plein développement. Ainsi des commu- intégration possible de nanotubes de carbone
tations par précession cohérente dans des impul- (Voir § 1.1.2) en spintronique ;
sions de champ magnétique de seulement une
centaine de pico-secondes ont été obtenues. – nanotechnologies : développement
Une autre possibilité intéressante est le renver- de méthodes de fabrication utilisant la litho-
sement d’aimantation sans application de champ graphie électronique ou des microscopies
magnétique mais seulement par transfert de spins de proximité (nanoindentation, etc.) pour
à partir d’un courant polarisé en spin. Le dépla- la réalisation de transistor spintronique, de
cement de parois de domaines par un courant, nanocontact pour magnéto-résistance balis-
autre effet de transfert de spin, pourrait également tique ou pour injection de spin dans une
avoir des applications intéressantes. nanoparticule ou une bôte quantique ;
– concepts : développements de concepts
Un gros effort de recherche en électronique pertinents de transistor à spin, de dispositifs
de spin est fait actuellement pour intégrer maté- d’opto-spintronique et de dispositifs associant
riaux magnétiques et semi-conducteurs dans une blocage de Coulomb et de spin, de qubits à
même hétérostructure, dite « hybride ». L’objectif spin, étude de solutions pour l’enregistrement
technologique est d’obtenir des composants de très haute densité ;
d’électronique de spin ou d’opto-spintronique
combinant des fonctions de stockage perma- – applications : un problème général est
nent d’information, de traitement logique et de l’intégration de dispositifs de spintronique dans
communication sur une même puce (micro- les filières de microélectronique ; également
processeur reprogrammable par exemple). Une les dimensions sub-100 nanomètres, accessibles
autre voie est l’élaboration de semi-conducteurs en laboratoire (objet unique) posent d’autres
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assez révolutionnaire : on peut en utilisant la ou « qubits ». Les idées les plus prometteuses
physique quantique concevoir de nouvelles pour réaliser une telle « ingénierie quantique »
façons de calculer et de communiquer, dont sont activement explorées expérimentalement,
les « règles du jeu » ne sont plus celles que et sont basées sur la manipulation d’objets
l’on connât classiquement. Il en résulte par quantiques individuels (photons, atomes, ions,
exemple de nouvelles méthodes de crypto- spins, bôtes quantiques, etc.), ou de nano-
graphie dont la sécurité s’appuie sur les circuits quantiques (jonctions Josephson).
bases même de la physique, et de nouvelles À terme il devrait devenir possible d’assembler
méthodes de calculs qui peuvent être exponen- des tels objets à grande échelle, et plusieurs
tiellement plus efficaces. Ces nouvelles idées approches ont été proposées. On peut ainsi
conduisent à de nouveaux algorithmes, et aussi remarquer qu’un effort très important de
à de nouvelles architectures de calcul, qui sont nano-fabrication a été lancé par des équipes
basées sur des « portes logiques quantiques » australiennes et américaines, avec l’objectif
sans équivalents classiques. Un but central des – extrêmement audacieux – d’implanter, de
recherches en cours est de découvrir les lois détecter et de contrôler l’état quantique d’ions
et les techniques qui permettent de manipuler individuels dans une matrice de silicium.
ces objets, sans perdre leur « cohérence quan-
tique », qui est à l’origine de leurs capacités
accrues de traitement de l’information.
Une des raisons du dynamisme actuel de 1.3 NANOMATÉRIAUX
l’information quantique est son caractère très
interdisciplinaire. En effet, la rencontre entre
la théorie de l’information et la mécanique Si nanosciences et nanotechnologies
quantique – qui constitue le cœur de « l’infor- évoquent à priori la « high-tech », elles couvrent
mation quantique » – conduit à l’apparition d’un de fait un champ beaucoup plus large avec les
langage nouveau, commun aux algorithmiciens, nanomatériaux qui jouent un rôle clé dans de
aux informaticiens, et aux physiciens de nombreux domaines, comme l’automobile, l’aé-
nombreuses disciplines (physique du solide, ronautique, le bâtiment, le conditionnement, la
physique atomique et moléculaire, optique tribologie, la catalyse, l’environnement, etc.
quantique, etc.). De plus, les lois quantiques D’importantes mutations sont en cours, qui
régissant le comportement des nanoobjets, les pourraient renouveler complètement le domaine.
nanosciences se trouvent être le domaine privi- Nous l’illustrons avec les progrès récents de la
légié d’application de ces concepts. compréhension des mécanismes de catalyse ou
la synthèse des matériaux adaptatifs, qui sera un
Il existe actuellement deux domaines enjeu majeur pour les chimistes.
principaux d’application de ces concepts quan-
tiques, dont les problématiques et les stades
d’avancement sont différents :
1.3.1 Nanocatalyse
(i) la cryptographie quantique, dont le
principe est de transmettre une « clé secrète »
indéchiffrable en utilisant les propriétés quan- La catalyse a été très longtemps un
tiques de la lumière. Ce domaine a progressé domaine où l’empirisme était roi. En effet,
rapidement au cours des dix dernières années, de par leur très grande complexité, les méca-
et la question actuelle est celle de l’intégration nismes des réactions catalytiques hétérogènes
de protocoles quantiques dans une infrastructure ne pouvaient être approchés que très quali-
globale de gestion de la confidentialité. tativement. Les modèles réactionnels tirés
des études sur monocristaux ne peuvent pas
(ii) le calcul quantique, basé sur des toujours s’appliquer à la catalyse réelle. Les
opérations logiques effectuées sur des systèmes catalyseurs réels sont constitués de particules
quantiques à deux états, les « bits quantiques » métalliques de un à quelques nanomètres
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supportées (le plus souvent) sur des oxydes : il assemblage de collödes métalliques. Les
faut alors tenir compte de l’hétérogénéité intrin- ligands peuvent être éliminés par un plasma
sèque des catalyseurs réels. C’est ce que l’on réactif très doux sans détruire l’arrangement
appelle : « material gap ». D’autre part les réac- des agrégats. Ces deux dernières méthodes,
tions catalytiques réelles ont lieu à la pression relativement peu onéreuses, pourraient être
atmosphérique (voire plus) alors que les études transférées vers l’industrie pour des catalyseurs
de surfaces se passent sous ultravide, c’est ce spécifiques par exemple ultra-sélectifs (en
que l’on nomme : « pressure gap ». Les recherches particulier énantio-sélectifs), pour les capteurs
actuelles visent à combler ces deux fossés. de gaz ou les piles à combustible. Enfin, au
lieu d’utiliser une assemblée d’agrégats, on
• Le « material gap » : les catalyseurs modèles peut aussi penser utiliser un agrégat unique et
supportés. tester sa réactivité. On n’est pas encore arrivé
L’hétérogénéité des catalyseurs réels provient à ce stade mais des études se développent
de la taille nanométrique des particules métal- intensément sur ce sujet en utilisant les sondes
liques, de leur morphologie et de la présence champ proche.
du support. Des résultats importants ont été
Le développement fulgurant des moyens
obtenus récemment sur les effets de morpho-
de calculs ouvre maintenant la porte à la simu-
logie et de support, en utilisant des catalyseurs
lation de réactions chimiques sur une surface ou
modèles préparés par croissance d’agrégats
sur un agrégat libre mais aussi sur un agrégat
métalliques sur des monocristaux d’oxyde. En
supporté. La dynamique moléculaire permet de
fait ce que l’on appelle communément effets
simuler actuellement les agrégats supportés de
de taille en catalyse revêt en réalité plusieurs
quelques nanomètres. Par des calculs ab initio
aspects intriqués. Quand la taille diminue,
il est maintenant possible de déterminer les
la réactivité change par l’augmentation de la
barrières énergétiques correspondant aux étapes
proportion de sites d’arêtes qui chimisorbent
élémentaires d’une réaction catalytique. Il est
plus fortement les molécules. La morphologie
donc devenu possible de prévoir les propriétés
et donc la proportion des différentes facettes,
catalytiques d’un métal ou d’un alliage en fonc-
ayant des réactivités différentes, peut changer
tion de sa structure et de sa composition ce qui
avec la taille. Un troisième effet qui dépend
ouvre la porte à une approche rationnelle de la
de la taille est la capture des molécules physi-
conception d’un catalyseur.
sorbées sur le support. Pour étudier finement
les effets de taille il faudrait idéalement avoir • Le « pressure gap » : les études in situ
une taille unique. Pour des agrégats intéres- sous pression
sants pour la catalyse (au moins 50 atomes)
une nouvelle voie s’ouvre par la croissance Le « gap » de pression est en train d’être
sur une surface nanostructurée, les agrégats comblé rapidement. En effet, il est maintenant
nucléant suivant un réseau régulier ce qui rend possible d’étudier des surfaces par STM (micros-
les conditions de croissance identiques pour copie à effet tunnel) et AFM (microscopie à
chaque agrégat d’où il résulte une distribution force atomique) sous pression allant de l’ultra
de taille extrêmement étroite. Une autre voie vide à la pression atmosphérique. Il devient alors
pour fabriquer un réseau d’agrégats est de possible de suivre l’évolution de la morphologie
créer artificiellement un réseau de défauts sur des particules de catalyseur lors d’une réaction
la surface sur laquelle on dépose des agrégats chimique. Les molécules adsorbées peuvent être
préparés en jet. Une troisième voie est de fabri- détectées par des méthodes optiques permettant
quer directement un réseau de particules en de travailler de l’ultravide jusqu’à la pression
poussant à leur limite les techniques de nano- atmosphérique. C’est le cas de la spectroscopie
lithographie : nanolithographie électronique, infrarouge avec modulation de polarisation et
nano-impression ou encore nanolithographie surtout la génération de somme de fréquence. Il
collödale. Une variante de la lithographie est maintenant possible de suivre l’évolution de
collödale est d’utiliser directement l’auto- la structure interne d’un agrégat au cours d’une
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réaction chimique en utilisant un microscope Elle est particulièrement importante car elle
électronique à haute résolution environnemental. permet de rassembler chimie du solide,
Deux microscopes de ce type existent : le premier chimie organique, organométallique et de
au Danemark, le second en France. Enfin sur des coordination, chimie macromoléculaire et
assemblées de particules il est possible d’étudier même chimie des biomolécules, et a donc
in situ en temps réel l’évolution de la structure de grandes potentialités.
et de la morphologie au cours d’une réaction
chimique en utilisant la diffraction des rayons X
en incidence rasante (GIXS) et la diffusion des Les matériaux adaptatifs (aussi quali-
rayons X aux petits angles en incidence rasante fiés d’« intelligents ») sont des matériaux
(GISAXS). De beaux résultats ont été obtenus susceptibles de coupler plusieurs fonctions
récemment à l’ESRF (synchrotron, Grenoble) sur de manière interactivement contrôlée (modi-
la croissance sous vide et devraient être étendus fication par exemple de leurs propriétés
sous pression de gaz. physiques, comme la forme, la conductivité,
la couleur ou la viscoélasticité, en réponse à
des sollicitations telles qu’une variation de
température, de champ électrique ou magné-
1.3.2 Des nano-objets tique, de contrainte, etc.). La recherche sur
aux nanomatériaux l’obtention de tels matériaux est essentielle
et matériaux adaptatifs pour l’avenir et va constituer l’un des enjeux
importants de la chimie. Les chimistes
La synthèse de certains nanoobjets peut devront trouver les méthodes permettant
d’ores et déjà s’effectuer à partir des acquis d’assembler des nanoobjets porteurs de
de la chimie citons les réalisations de clusters propriétés différentes et mettre en œuvre
moléculaires magnétiques à très fort spin ou des méthodes d’organisation prédictive de
de moteurs moléculaires (Voir § 1.1.1), par nanoobjets différents. Ils devront en outre
exemple. Au-delà, un but essentiel à atteindre assurer leur intercommunication par l’emploi
est la synthèse de nanomatériaux et, à terme, d’espaceurs chimiques adaptés, autorisant
l’accès aux matériaux adaptatifs. des interactions entre nanoobjets, ainsi que
leur contrôle par le jeu des interruptions et
L’inclusion est la voie la plus utilisée reconnexions. L’une des voies possibles est
pour la préparation des nanomatériaux. Les celle des matériaux méso/nano-poreux, pour
nanocomposites obtenus sont réalisés par lesquels on a déjà réussi à mâtriser la forme,
encapsulage ou inclusion de nanoobjets la taille et la régulation de la surface poreuse
dans une matrice organique ou minérale, et et à contrôler des fonctions induites dans la
correspondent au mélange de deux phases. charpente du matériau ainsi qu’à l’intérieur
Le contrôle des interactions matrice-nanobjet des pores, ouvrant la voie au couplage de
est un sujet de recherche actif. propriétés différentes.
Les méthodes d’assemblage, qui impli-
quent des liaisons chimiques fortes (cova- À la fin de ce rapide aperçu des progrès
lence, coordination, liaisons hydrogène, que l’on peut escompter dans l’élaboration
etc.) entre les nanoobjets, correspondent des nanomatériaux, citons un domaine extrê-
aux matériaux nanostructurés. Ce type mement prometteur au niveau des applica-
de matériaux, où une organisation et une tions et des retombées économiques : la
orientation des unités composantes sont séparation sélective, qui peut permettre
possibles, représente un stade plus avancé de traiter les problèmes de dépollution de
que l’inclusion. Une des méthodes d’assem- matières organiques ou minérales avec des
blage, la polymérisation minérale, est incluse nanomatériaux porteurs d’agents chimiques
dans le vocable de la « chimie douce » parce susceptibles de séparer les adjuvants indési-
qu’elle s’effectue à température ambiante. rables en les piégeant par chélation.
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l’animal en activité. Ceci permettra de réaliser problème essentiel des procédés de fabrica-
de nouvelles études : de l’activité neuronale tion capables de structurer la matière à cette
chez la souris juqu’à celle des bases neurales échelle. Deux voies se sont dégagées pour y
des fonctions cognitives les plus élevées chez parvenir : l’approche « top-down » qui vise à
le singe. C’est l’enregistrement de centaines, réduire les dimensions d’un matériau massif
voire de milliers, de neurones dans plusieurs jusqu’au nanomètre et l’approche « bottom-
structures cérébrales à la fois qui permettra up » qui consiste à élaborer un système à
sans doute de vraiment comprendre le trai- partir de ses constituants élémentaires, atomes
tement de l’information complexe dans le ou molécules. La première fait largement
cerveau. Les nanotechnologies ouvrent une appel aux techniques de lithographie ultime
perspective remarquable pour aborder les et à celles développées pour la microélec-
mécanismes au niveau moléculaire, cellulaire tronique et la seconde aux techniques de
et au niveau des réseaux. Un rapprochement manipulation ou d’auto-assemblage d’atomes
entre neurosciences et nanotechnologies est ou de molécules. Rien n’oppose ces deux
donc nécessaire. approches qui sont complémentaires. Au delà
des problèmes technologiques de réalisation
des nanostructures artificielles, il faut en effet
également disposer des outils qui permet-
1.4.7 Les limites de la vie tent de les étudier et de les utiliser. Il faut
donc générer et contrôler un environnement
Quelle est la taille minimale d’une permettant d’échanger de l’information avec
bactérie ? Cette question posée à la fin des ces structures. Si les techniques optiques ou
années 60 rebondit d’années en années à force de champ proche se sont avérées extrêmement
d’amélioration des techniques de microscopie fécondes, la réalisation de systèmes fonction-
et de mise en place de nouveaux protocoles nels nécessite la mise au point de technologies
de culture de bactéries. Des 100 nanomètres permettant de combiner de façon compatible
théoriques aux premières observations de nano et microstructures, objets de dimension
très petites bactéries de 200 nanomètres de moléculaire et architectures de commande. Un
diamètre, on devrait assister à un renouveau enjeu majeur dans cette perspective de réali-
dans le domaine de la recherche des nano- sation de systèmes fonctionnels est de marier
bactéries dans les milieux extrêmes, jusqu’au les deux approches « top-down » et « bottom-
problème de la vie sur Mars. Certaines familles up ». On conçoit aisément tout l’intérêt qu’il
de nanobactéries utilisent des coques en calcite y a à imaginer des nano-objets élaborés par
pour se reproduire ce qui serait à l’origine de auto-assemblage ou manipulation d’atomes ou
certaines maladies. Ce domaine des nanobac- de molécules qui soient « adressés » et « archi-
téries est donc au carrefour des sciences de tecturés » à l’aide de nanostructures ultimes
la vie et de la physicochimie. Il y a en plus fabriquées par des méthodes de lithographie
l’idée qu’une si petite unité de vie possède ou par les circuits de la microélectronique.
une organisation macromoléculaire particulière Cette convergence concerne au premier chef
qu’il serait intéressant de comprendre pour la l’électronique moléculaire où les difficultés
conception de nano-machines moléculaires. pour faire réaliser à des molécules une fonc-
tion électronique ou mécanique, à les relier au
monde extérieur sans altérer leurs propriétés
sont patentes.
1.5 NANOFABRICATION
La nanofabrication de demain doit aussi
permettre de structurer des matériaux très
Tirer profit de la réduction des dimen- divers. En plus des semi-conducteurs et de leurs
sions à l’échelle nanométrique pour réaliser hétérostructures diverses, les couches ferro-
de nouveaux objets ou systèmes pose le électriques, piézo-électriques ou magnétiques,
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les polymères (passifs ou actifs), les nouvelles Il faut éviter le cloisonnement du système
formes du carbone (fullerènes et nanotubes), de recherche entre technologie lourde d’un
les couches moléculaires auto-assemblées, les côté, et auto-assemblage ou nanofabrication
biomolécules (ADN, protéines) sont d’ores et alternative d’un autre côté. Il y a un grand
déjà de plus en plus utilisés à l’intérieur des avenir et un énorme enjeu à coupler étroi-
nanosystèmes. Le développement de techno- tement ces domaines. C’est dans le mariage des
logies permettant leur utilisation conjointe techniques d’auto-assemblage et de lithographie,
nécessite un effort de recherche conséquent. de « bottom-up » et de « top-down » (au plan
disciplinaire de la physique, de la chimie, de la
Utiliser des nano-objets pour stocker, biologie), que se feront les plus beaux enfants
communiquer, calculer, analyser, mettra néces- des nanotechnologies dans les prochaines
sairement en jeu des réseaux complexes de années. Notre système de recherche français
nanostructures. Trouver des architectures doit donc favoriser ces fertilisations croisées et
nouvelles, tolérantes aux imperfections issues mieux encourager cette interdisciplinarité.
de la fabrication, reconfigurables voire répa-
ratrices pour pallier les déficiences issues du
vieillissement est également un véritable enjeu
pour lequel très peu d’efforts sont investis à
l’heure actuelle. Il n’existe ainsi que bien peu
d’exemples de nanosystèmes qui ne soient pas 2 – ASPECTS
une déclinaison de dispositifs préexistants et
qui exploitent complètement les spécificités STRATÉGIQUES1
des nano-objets. La genèse de ces nouvelles
architectures, qui pourrait également dimininuer
les contraintes actuelles en matière de nanofabri- 2.1 LE CONTEXTE INTERNATIONAL
cation sur la régularité des objets, leur perfec-
tion, leur adressage, mériterait d’être stimulée.
Les nanosciences et nanotechnologies sont
Au plan des technologies, un des des enjeux majeurs pour le futur, tant au niveau
problèmes majeur est l’absence de techniques des concepts que des applications. Devant
capables de structurer la matière avec une réso- l’ampleur des retombées attendues, des soutiens
lution nanométrique poussée (<10 nanomètres) financiers considérables sont mis en place. Il est
qui soit compatible avec une production de intéressant de comparer les efforts réalisés en
masse à bas coût pour des applications de type Europe à ceux effectués aux USA et au Japon.
grand public. Nous disposons ainsi d’un côté
d’un très grand savoir-faire industriel à l’échelle Jusqu’en 2000, l’Europe est en bonne
de 50 nanomètres et plus (la microélectronique) position dans ces efforts financiers, avec en
et de l’autre d’une grande mâtrise en laboratoire tête l’Allemagne, suivie par le Royaume-Uni, et
de procédés à haute résolution (lithographie plus loin seulement par la France. En termes
ultime, STM, AFM, etc.). Tirer ces techniques de publications et de brevets, la position de
de laboratoire lentes et onéreuses vers des l’Europe par rapport aux autres pays est tout à
procédés rapides et fiables reste un problème fait correcte aussi.
à résoudre de même qu’amener les procédés Depuis cette époque il faut signaler des
industriels de la microélectronique aux dimen- changements majeurs.
sions des nanosystèmes. Les solutions étudiées
peuvent prendre des formes assez diverses : Les États-Unis, sous l’impulsion du gouvernement
nano-impression, lithographies douces ou de B. Clinton, puis de l’actuelle administration,
approches basées sur l’auto-assemblage. considérant que les nanotechnologies seront à la
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2. D’après le 3e rapport européen sur les indicateurs S&T, le rapport du Programme National en Nanosciences et
Nanotechnologies et le rapport du groupe de travail «Nanotechnologies» de l’Académie des Technologies.
3. Les chiffres diffèrent parfois selon les sources consultées et surtout ne recouvrent pas toujours les mêmes éléments (par
exemple, les frais de personnels ou le financement des infrastructures sont comptés ou non selon les pays). Les chiffres
présentés ici le sont donc à titre indicatifs : ils permettent de dégager les grandes lignes de la politique de soutien au
domaine des nanosciences et nanotechnologies.
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souvent les capacités des groupes gestionnaires techniques de sublimation), aux nouveaux
sont difficiles à garantir car ils sont rarement instruments de manipulation d’atomes et de
inclus dans les budgets de base récurrents et molécules ainsi qu’à la mise au point de méso
doivent faire l’objet de demandes spécifiques et micro-outils compatibles ultra-vide. On doit
au caractère peu reproductible. Enfin, pour aussi mentionner le nécessaire développement
permettre l’ouverture et la mise à disposition de microscopes environnementaux à résolution
de ces équipements, il faut également prendre atomique, permettant de combler le « pressure
en compte la mise à disposition de person- gap » pour la nanocatalyse, de travailler sous
nels techniques de bon niveau (Ingénieurs de atmosphère compatibles avec les conditions de
Recherche et d’Étude). C’est finalement sur ces la vie en biologie, etc.
trois volets de l’investissement mi-lourd, du
fonctionnement récurrent et du personnel tech-
nique d’encadrement, que la réflexion et l’or-
ganisation devrait porter pour aboutir à terme 2.2.5 Formation et communication
a un potentiel national de ces infrastructures
du « troisième cercle », opérationnel et adapté Les nanosciences pourraient conduire
aux besoins réels, en complémentarité de ceux à une véritable révolution économique et
des 1er et 2e cercles. Il faut remarquer qu’une sociétale. La communication en direction du
initiative dans ce sens avait été tentée en 2001 grand public est donc un point à développer et
au CNRS par la MRCT (Mission Ressources renforcer. Le CNRS devrait mener une réflexion
Compétences Technologique) de la Direction détaillée sur le rôle qu’il sera amené à avoir
de la Stratégie et des Programmes et qu’il serait dans ce cadre.
intéressant d’analyser les résultats et retombées
de cette action pour un développement futur. D’autre part, dans le contexte du fort
développement des nanosciences et nano-
Il conviendrait aussi d’apporter un soutien technologies, des besoins en personnels
conséquent aux instruments de manipulation/ compétents apparaissent, tant dans le milieu
fonctionnalisation. Citons les équipements industriel que dans le milieu universitaire et
sous ultravide de plus en plus nécessaires au CNRS. Les laboratoires du CNRS jouent
pour élaborer dans des conditions contrôlées un rôle de formation pour les doctorants,
de très grande propreté, caractériser, manipuler en partenariat avec les universités. Mais ils
et fonctionnaliser des objets à nano-échelle. doivent aussi assurer une mission de forma-
Dans ce cas, en plus d’une complexité liée tion auprès des étudiants d’IUT ou de DESS,
à l’ultravide, les instruments de manipula- en offrant, grâce à leurs laboratoires, des
tion / fonctionnalisation doivent offrir des plates-formes d’expérimentation. Ils doivent
résolutions spatiales inférieures au centième de contribuer à la formation de personnels de
nanomètre, les instruments de caractérisation l’industrie à certaines techniques de pointe
doivent offrir des sensibilités ultimes adaptées (Voir § 1.2.2). Enfin, en interne, des ateliers
aux très faibles quantités de matière en cause, à destination des techniciens, ingénieurs et
des systèmes de transferts des échantillons chercheurs pourront être organisés par le biais
garantissant le maintien des conditions de de la formation continue. La tenue d’écoles
propreté doivent être disponibles. Un effort à caractère fortement inter-disciplinaire doit
instrumental est à lancer qui prendrait appui aussi être soutenue. Le CNRS doit pleinement
sur un soutien accru à la science des surfaces bénéficier de la présence dans l’organisme de
(surfaces isolantes, métallurgie de surface, toutes les compétences nécessaires.
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