La conduite de l’irrigation
en verger de pêcher
Si les effets négatifs d’un
manque d’eau en verger
sont bien connus dans nos
régions, il est souvent plus
difficile de quantifier les
préjudices pour les arbres
d’une irrigation excessive.
Des travaux récents confirment que
des excès d’arrosage en verger de
pêcher diminuent de façon significati-
ve la qualité des fruits, les rendent
plus sensibles aux attaques de moni-
lia et autres parasites de conservation
L’exigence des acheteurs en terme de
qualité et l’objectif de réduction des
intrants (eau) doit nous inciter à prati-
quer une irrigation raisonnée. Pour ce
faire, l’arboriculteur doit disposer
d’une bonne connaissance des arbres,
de leur besoin en eau, du sol qui les
porte, et du système d’irrigation utili-
sé.
Adaptation
des apports
aux besoins
en eau de la plante
Actuellement, trois grandes approches
sont à la disposition de l’arboriculteur
pour estimer et contrôler les besoins
en eau d’un verger de pêcher :
Approche climatique
Le bilan Hydrique est réalisé à partir :
• de la mesure du climat et de
Coeficient culturaux optimaux périodiques (K. opt) d'apres BRL 1984
MOIS
DECADE 1 2
Pecher Précoce
Spingcrest/GF 305 0,7
sol Enherbé
Pecher de saison 0,7
E O'henry/GF 305
sol Enherbé
Dossier technique 2002
l’EvapoTranspiration Potentielle
(ETP). Différentes formules de
calcul, dont celle de Pennman
basée sur le vent et le rayonne-
ment, permettent de chiffrer
chaque jour l’ETP exprimée en
millimètre d’eau.
• d’un coefficient cultural adapté à
chaque culture et pour chaque
période (en général la décade).
Celle-ci reste une approximation
(Graph 1).
Cette méthode simple de calcul per-
met d’estimer la disponibilité en eau
et la demande de l’arbre.
Ainsi, ont peut vérifier de façon globa-
le si les pratiques d’irrigation sont
proches de la demande climatique. Les Tensiomètres :
des outils fiables mais
Facile à réaliser, le bilan hydrique pré- à bien utiliser
sente l’inconvénient de ne pas
prendre en compte la contribution des
Les sondes tensiométriques de type
réserves profondes du sol. De plus, ce Watermark, utilisées aujourd’hui, per-
bilan est relativement imprécis pour mettent d’évaluer la disponibilité de
une période donnée car on utilise un l’eau pour l’arbre dans le sol proche
coefficient cultural moyen lui même
imprécis, quelle que soit la variété
de la bougie. Celle ci doit être posée
dans la zone d’exploration des racines
pour une période donnée. pour la sonde de surface (en général à
30 cm de profondeur). Une sonde plus
profonde (50 à 60 cm) est indispen-
Approche climat, sol sable pour connaître les mouvements
de l’eau dans le sol (descente de l’eau
La mesure du climat ne tient pas en profondeur après un arrosage ou
une pluie et remontée d’eau des
compte d’une donnée essentielle : la
couches profondes vers les couches
réserve en eau du sol qui contribue à
de surfaces).
alimenter les plantes.
Pour connaître cette contribution, la Pose des sondes.
méthode de pilotage des irrigations
Attention aux cas particuliers
par sondes tensiométriques mise au
point par le Canal de Provence et le
Cemagref s’avère simple et très utile ➥ Pour un arrosage en goutte a
si elle est appliquée avec rigueur. goutte : le positionnement des
sondes est essentiel et dépend de la
AVRIL MAI JUIN JUILLET AOUT SEPTEMBRE
3 1 2 3 1 2 3 1 2 3 1 2 3 1 2 3
0,7 0,7 0,7 0,7 1 1 1 1 1 0,7 0,7 0,7 0,7 0,7 0,7 0,7 0,7
0,7 0,7 0,7 0,7 1 1 1 1 1 0,7 0,7 0,7 0,7 0,7 0,7 0,7 0,7
21
taille du bulbe. Dans la pratique, si et révèlent une durée d’arrosage trop Approche climat,
l'agriculteur ne connaît pas la réaction longue (Graph 2).
du sous-sol, il devra poser, dans un Sol, Plante
premier temps, plusieurs tensiomètres ➥ Pour un arrosage par
à des distances variables du goutteur aspersion : les sondes permettent de Dans certaines conditions, pour limi-
(par exemple, à 15 cm, à 25 cm, voire vérifier si la quantité d’eau apportée ter l’impact des maladies de conserva-
dans le cas d'un bulbe très large à 40 est suffisante après un tour d’eau, et tion ou augmenter les taux de sucre,
cm et choisir après quelques relevés la servent au déclenchement du prochain on peut être amené à diminuer les
sonde qui réagit aux variations de arrosage et au choix de la dose d’irri- doses normales d’irrigation. Pour réa-
doses d'arrosage. Par ailleurs, la taille gation (Graph 3). liser ces rationnements sans perte
réduite des bulbes peut, en cas de
déplacement du goutteur par rapport à
la sonde, entraîner des variations très Evapotranspiration Potentielle
Evapotranspiration Station
Potentielle Météo
Station Météo de Salonde
annéeSalon
2002 année 2002
importantes des valeurs relevées. Il est 10
conseillé, dans la pratique, de fixer au 9 ETP
sol le goutteur le plus proche de la 8
sonde pour éviter tout déplacement de
7
celui-ci.
6

En sol peu profond de type Crau, les 5

tensiomètres peuvent être placés à 4

moins de 30 cm de profondeur, mais 3

doivent rester dans la zone d’explora- 2
tion des racines. 1

0
Pour tenir compte de l’hétérogénéité 22juin 29juin 6juil 13juil 20juil 27juil 3aoû 10aoû 17aoû
des sols, il est recommandé de placer
d'autres batteries de sondes dans
deux autres zones différentes de la Courbe de tensiométrie Variété Mid Red Irrigation en Goutte à Goutte année 2002
parcelle.
200

Dans tous les cas, il est nécessaire 180 TENSION 20 cm

d’effectuer un profil de sol afin de 160
déterminer avec précision les horizons 140
de pose des tensiomètres, facteur Pluie
120
essentiel de la fiabilité de la méthode. 100

80 3 mm/j
Interprétation des mesures 60 5,4 mm/j 6,4 mm/j

40

➥ Les sondes sont relevées deux à 20

trois fois par semaine (photo1). Les 0
valeurs de tension hydrique sont à 22juin 29juin 6juil 13juil 20juil 27juil 3aoû 10aoû 17aoû

reporter sur graphique. En effet, pour

interpréter ces mesures, l'évolution
des valeurs entre deux relevés est La dose d'irrigationest
La dose d'irrigationesttrop faiblesursurla période
trop faible la période
du 8 du 8 au
au 20 20 les
Juillet Juillet lesà tension
tension à 20 cm augmentent
20 cm augmentent
essentielle. La seule mesure un jour Du 25DuJuin
25 Juin
au au 8 Juilletetet du
8 Juillet du 25
25 Juillet
Juilletauau 17 17
AoutAout
la dose d'eau est
la dose correcte
d'eau est les tension les
correcte sonttension
stables sont stables
donné ne permet pas d'apprécier jus-
tement l'évolution de l'eau dans le sol. 12

➥ Les tensiomètres permettent de 10

ETP

déclencher au printemps le premier

arrosage car ils intègrent la contribu- 8
tion des réserves profondes du sol et
l’efficacité des pluies. 6
Dans le cas d’un arrosage en goutte à
goutte, les valeurs relevées par la son- 4
de doivent être stables. Une montée
des tensions signifie une diminution 2
de la dimension du bulbe. Il faut aug-
menter le temps d’irrigation. Des ten- 0
22-juin 29-juin 6-juil 13-juil 20-juil 27-juil 3-aoû 10-aoû 17-aoû
sions en baisse signalent au contraire
une augmentation de la zone du bulbe Suivi des experimentations Pepista AGRORESOURCES 2001

22 Dossier technique 2002

économique, la seule approche du cli- Irrigation et courbes de tensiométrie erger de Spring lady irrigé
mat et du sol ne suffit plus. Il faut
connaître précisément les réactions de en asperssion sur la Costière année 2002
l’arbre. 80
On utilise pour cela la "dendrométrie" 70
(Appareil breveté Pépista mis au point 60
par Jean Gérard Huguet à l’INRA 50
d’Avignon). Un capteur placé sur une 40
branche mesure toutes les heures la
croissance de celle-ci au centième de 30
millimètre. Deux paramètres sont 20
contrôlés : la croissance végétative 10
(croissance nette) et la transpiration 28 4 11 18 25 2 9 16 23 30 6 13 20 27 3 10 17 24 1 8
de la plante (Amplitude de Contrac- mai juin juin juin juin juil juil juil juil juil aoû aoû aoû aoû sep sep sep sep oct oct
tion Diurne ou ACD). Celle ci traduit
une diminution du diamètre de la irrigation Pluie
branche durant les heures chaudes de Le tensiometre de surface réagit bien aux irrigations du 22 et 25 Juillet .
la journée.
200
Pour une approche aussi précise, le 180
pilotage des irrigations doit intégrer 160
140
les données climatiques, celles du sol
120
mais également la réaction de l’arbre
100
avec les mesures " Pépista " et des
80
courbes de grossissement des fruits
60
réalisées chaque semaine.
40
20
Trois ans d’études réalisées avec un
0
groupe d’arboriculteurs en collabora- 28 4 11 18 25 2 9 16 23 30 6 13 20 27 3 10 17 24 1 8
tion avec Agro-Ressources et le GRCE- mai juin juin juin juin juil juil juil juil juil aoû aoû aoû aoû sep sep sep sep oct oct
TA de Basse Durance ont permis de
définir précisément des plages et les TENSION 40 cm
niveaux de rationnement applicables à
une variété comme Elegant lady. Le tensiométre en profondeur réagit moins facillement aux irrigation . les doses apportées sont
faibles
Un gain d’indice réfractométrique 200
variant de 0,5 à 1 point a été observé 180
chaque année par rapport à la réfé- 160
rence agriculteur pilotée classique- 140
ment par tensiomètrie (Se reporter à 120
l’article paru dans la revue Fruits & 100
Légumes - Septembre 2002). 80
60
Cette étude se poursuit actuellement 40
sur des variétés tardives et des varié- 20
tés précoces de type Rich may pour 0
vérifier les périodes et les niveaux de 28 4 11 18 25 2 9 16 23 30 6 13 20 27 3 10 17 24 1 8
mai juin juin juin juin juil juil juil juil juil aoû aoû aoû aoû sep sep sep sep oct oct
rationnement possibles après récolte
en vue d’améliorer la qualité du bois TENSION 70 cm
et, de ce fait, la qualité de la récolte
de l’année suivante. Les orages de début Aout et du mois d'Octobre réhumectent correctement le profil les tensions
redescendent en dessoud de 20 Cb

Contrôle des installations

Raisonner ses irrigations en verger
exige également une bonne connais-
sance des installations et des doses
d’eau que le système d’irrigation peut
apporter.
Un réseau d'irrigation vieillit rapide-
ment : les installations nécessitent
d'être contrôlées régulièrement : des • usure du matériel courante en
écarts très importants peuvent être aspersion,
constatés entre la dose d’eau théo- • colmatage et bouchage particuliè-
rique apportée et la dose réellement rement en micro aspersion et
apportée. goutte à goutte,
Plusieurs causes sont à l’origine de • Hétérogénéité du matériel en
variations dans les doses d’eau appor- micro aspersion. sur de nom-
tées : breuses parcelles contrôlées fai-

Dossier technique 2002 23

 Bibliographie :
Peyremorte.P (Canal de Provence);
Isberie.C (Cemagref);
Huguet JG (INRA Avignon)
Bussi.C(INRA Valence)
Soing.P(CTIFL)
Belluau.E (CNABRL)
Chamet.C (SEFRA)
Guinet.P (Agro-Ressources).
sant suite à de la casse et au rem-
placement avec un matériel diffé-
rent,
• Pression variant entre le projet
d’irrigation et la pression effecti-
ve sur le réseau.
Pour vérifier, les doses d'eau réelle-
ment apportées et le bon fonctionne-
ment du réseau, trois contrôles
simples sont à réaliser :
Contrôle des débits :
❶ A la borne ou à la pompe, le comp-
teur d'eau est obligatoire (photo 2).
Noter régulièrement les valeurs affi-
chées. Le calcul des débits enregistrés
en m 3 est à comparer avec les doses
théoriques de l’installation sur une
période donnée. Il peut être intéres-
sant de placer d'autres débitmètres en
tête de quelques parcelles.
❷ Contrôle des débits au niveau du
goutteur ou l'asperseur. Pour être
représentatif, effectuer la mesure sur
plusieurs points (par exemple : pour
une parcelle, contrôler le débit sur 3
rampes différentes, en début, en
milieu et fin de chaque rampe). Ce test
est simple à réaliser : une fois le
réseau sous pression, récupérer dans
un récipient gradué l'eau de chaque
asperseur ou goutteur pendant 36
secondes, en multipliant par 100 on
obtient le débit horaire. Répéter l'opé-
ration sur tous les points de mesure.
Contrôle des pressions :
L'objectif de ce contrôle est de vérifier
que la pression réelle est stable et
conforme au projet lors de la mise en
place du réseau.
24
En effet, la variation du débit des
asperseurs peut être très importante
en cas de variation de pression.
Comme pour les contrôles de débit, il
est souhaitable d'effectuer des
mesures en des points différents,
notamment en début et en fin de ram-
pe.
On utilise par exemple un manomètre
portable placé à la place d'un asper-
seur ou mieux prévoir des prises
rapides en tête et fin des rampes à
vérifier.
En goutte à goutte, ce manomètre
sera placé en début et en fin de ram-
pe.
Contrôle des pluviométries :
En aspersion, des pluviomètres (cinq
au minimum), peuvent être installés
sur une parcelle. Ils enregistrent la
pluviométrie réelle (pluies + irrigation)
sur une période donnée. Veiller à bien
les positionner : une branche mal pla-
cée peut influencer la récupération de
l'eau de plus les recoupements d’as-
perseurs entrainent des hétérogénéï-
tés normales de répartition.
Eric Navarro
GRCETA de Basse Durance
Patrice Guinet
Agro ressources
Avec la participation d Eric Belluau
CNABRL
Dossier technique 2002