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Application de l'analyse de risques aux ponts du réseau routier national

français

Article · January 2012

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FR
strasse und verkehr NR. 10, OKTOBER 2012
route et trafic No 10, OCTOBRE 2012

Application de l’analyse de risques aux

ponts du réseau routier national français
Ces dernières années ont été l’occasion de revisiter les procédures
relatives à la préservation des ponts sur le réseau routier national
français, à un moment où les besoins de maintenance pour les
ouvrages les plus anciens dépassent les ressources financières
disponibles. Afin d’améliorer les processus de prise de décision et
de développer des méthodes d’évaluation avancées, le Sétra a déve-
loppé une méthodologie d’analyse de risques visant à procurer une
approche cohérente de la gestion de structures sensibles.

PAR T. KRETZ, C. CREMONA et V. FARDEAU*

L’analyse de risques est un outil performant pour effectuer des
choix stratégiques en contexte budgétaire contraint, pour la
gestion d’un parc d’ouvrages existants, ou la remise à niveau
d’une famille d’ouvrages par rapport à un risque particulier
(sismique par exemple). L’analyse de risques permet de défi-
nir une stratégie de suivi et d’inspection et de hiérarchiser les
ouvrages pour un éventuel renforcement.
tigations complémentaires ou des travaux de renforcement
tout en assurant la sécurité des usagers et l’amélioration de
la durabilité des structures traitées. Cette méthodologie im-
plique l’évaluation de trois familles de critères: les aléas, la
vulnérabilité et les conséquences.
La notion d’aléa

Qu’est-ce que le risque?
Le risque est un danger éventuel, plus ou moins prévisible, qui
peut affecter l’issue d’un projet. Le risque est la combinaison
de la probabilité d’occurrence d’un événement et la magni-
tude de ses conséquences [1]. C’est en fait la valeur attendue
des conséquences indésirables. L’analyse de risques est un
processus mis en œuvre pour identifier les aléas et les consé-
quences, estimer le risque et évaluer différentes alternatives
à son traitement [1].
L’analyse de risques développée par le Sétra [3] vise à classer
les ouvrages et à identifier ceux qui nécessitent des inves-
Un aléa est un phénomène qui est à l’origine du risque, qui
peut se produire ou non au cours de la vie de l’ouvrage [2]. Un
aléa est caractérisé par sa probabilité d’occurrence pendant
une période de référence et l’intensité de sa manifestation.
L’aléa est ainsi la possible manifestation:
d’un endommagement interne (charges de fatigue, corro-
sion des armatures, …)
d’un défaut interne initial (défauts de conception ou de
construction, matériaux défectueux ...) pouvant se révéler
ultérieurement dans la vie de l’ouvrage,
d’un phénomène externe d’origine naturelle (séismes, ava-
lanches, événements climatiques extrêmes, …),
d’un phénomène externe d’origine humaine (incendie,
choc de véhicule, surcharge exceptionnelle, …),
Il n’est pas toujours possible de disposer de données sur les
probabilités d’occurrence et les intensités des aléas. Aussi, il
est d’usage de les caractériser par une
valeur ou une note subjective (sur la base

1 | Exemples d’aléas pouvant

affecter les ponts.
1 | Beispiele von Brücken
gefährdenden Ereignissen.

24 THEMA THèME
 de jugements d’experts) tenant compte de ces deux paramètres.
Le guide d’analyse de risques du Sétra [3] présente une liste
d’aléas avec un système de notation directement utilisable.
La vulnérabilité à un aléa
La vulnérabilité d’un ouvrage est une propriété entraînant
une sensibilité à une source de risque pouvant induire un
événement avec une conséquence [2]. Elle dépend de l’aléa
concerné, mais doit aussi être intrinsèque et déterminée vis-
à-vis d’un ensemble d’aléas inconnus. Elle est donc la capacité
d’une structure à soutenir un certain nombre d’efforts très
variés. Le guide d’analyse de risques du Sétra [3] donne une
liste de facteurs de vulnérabilité.
Lorsque l’ouvrage est très peu vulnérable, il est dans la majo-
rité des cas relativement robuste. Si la notion de robustesse
est globalement l’inverse de la notion de vulnérabilité, elle
présente quelques subtilités. Un ouvrage est robuste lorsque
des aléas «faibles» en importance n’entraînent pas des consé-
quences disproportionnées [4]. Un ouvrage robuste peut donc
parfaitement être vulnérable à des aléas très importants. Par
contre, un ouvrage qui n’est pas vulnérable est robuste. L’exi-
gence de robustesse est donc un minimum (on est dans la
2 | Méthodologie d’analyse de risques en trois étapes.
2 | Methode der dreistufigen Risikoanalyse.
DE
Anwendung der Risikoanalyse auf die Brücken des französischen Nationalstrassennetzes
In den letzten Jahren, als der Finanzbedarf zum Unter-
halt der älteren Bauwerke höher als die vorhandenen
Geldmittel wurde, ergab sich die Gelegenheit, das Ver-
fahren zur Bewahrung der Brücken im französischen
Nationalstrassennetz zu überdenken. Zur Verbesserung
situation d’un aléa fréquent et de conséquences importantes)
alors que l’exigence d’invulnérabilité n’est pas indispensable,
et doit dépendre du risque global.
Les conséquences incluent l’importance stratégique de l’itiné-
raire, le niveau de trafic, la valeur patrimoniale de l’ouvrage
et les actions induites comme les travaux de réparation. Le
système d’évaluation des conséquences proposé repose sur
le calcul de l’indicateur socio-économique du système de ges-
tion des ponts du réseau routier national, LAGORA [5]. L’éva-
luation des conséquences doit caractériser les désordres qui
peuvent affecter un pont en termes d’aptitude au service et
de sécurité structurale [6]. Il est parfois nécessaire d’appré-
cier les conséquences à une échelle plus large que la section
routière concernée. C’est particulièrement vrai dans le cas
du risque sismique. Le guide SISMOA [3, 7] procure ainsi de
nombreux éléments spécifiques à la gestion de crise en cas
de séisme majeur.
Le calcul du risque
La méthodologie du Sétra [3] est un processus en trois étapes.
Les deux premières étapes (collecte des données et analyse
de risques simplifiée) forment ce que l’on appelle le dépis-
tage des risques (risk screening). Ceci consiste à classer les
ouvrages en trois groupes, ceux qui continueront à être ins-
pectés suivant les procédures de surveillance classique (dite
de surveillance organisée), ceux qui nécessitent des investi-
gations complémentaires (pour les aiguiller vers le premier ou
le dernier groupe), et enfin ceux qui requièrent une analyse
de risques détaillée. Le dépistage des risques vise à réduire
le nombre d’ouvrages concernés par des investigations détail-
lées. L’analyse de risques détaillée doit permettre d’optimiser
le programme de surveillance, les calculs complémentaires
à réaliser et les solutions de réduction du risque (réparation,
renforcement…).
Les aléas et la vulnérabilité peuvent être cotés sur la base de
jugements d’experts ou de calculs. L’évaluation
du risque peut être menée en combinant numé-
riquement ces notes ou en définissant et croisant
des classes d’aléas, de vulnérabilité et de consé-
quences. Dans le premier cas, les classes de risque
sont définies par des intervalles de valeurs; le se-
cond cas implique la définition de classes d’aléas,
de vulnérabilité et de conséquences. Ces classes
sont généralement combinées sous forme de ma-
trices de criticité et de risque.
der Entscheidungsverfahren und zum Fortschritt der
Schätzungsweisen hat der Sétra eine Methode zur Ri-
sikoanalyse entwickelt, die darauf zielt, ein zusammen-
hängendes Herangehen der Verwaltung von gefährde-
ten Strukturen zu vermitteln.
THEMA THèME 25
strasse und verkehr NR. 10, OKTOBER 2012
route et trafic No 10, OCTOBRE 2012
26
a)
3 | Ouvrages sensibles du réseau routier national étudiés par analyse de risques: a): VIPP; b): Buses métalliques; c): Ouvrages affouillables.
3 | Durch Risikoanalyse untersuchte gefährdete Bauwerke des Nationalstrassennetzes: a) Viadukte mit unabhängigen Feldern aus vorgespannten Balken;
b) Gepanzerte Rohrunterführungen; c) Unterspülbare Bauwerke.
Etudes d’ouvrages neufs
La méthodologie d’analyse de risques du Sétra [3] a été appli-
quée à quelques projets neufs. Elle a notamment permis l’éva-
luation des risques encourus par chaque ouvrage. Ceci permet
au maître d’œuvre de s’assurer que tous les éléments ont bien
été pris en compte. Le retour de ces études montre cependant
qu’une connaissance approfondie de l’ouvrage et du projet,
accompagnée de la plus grande objectivité, sont nécessaires
afin d’obtenir une analyse pertinente.
L’utilisation de l’analyse de risques en phase de projet vise égale-
ment l’évaluation des risques futurs encourus par l’ouvrage, notam-
ment durant son exploitation. Le retour d’expérience montre que
l’analyse de risques doit être considérée comme un outil d’aide à
la décision pour le maître d’ouvrage, qui se doit de conserver un
jugement critique sur certains résultats. Il est donc conseillé de faire
réaliser l’analyse par un ingénieur chevronné, extérieur au projet,
pouvant facilement maîtriser les différents éléments du projet.
Viaduc à travées indépendantes en poutres précontraintes
(VIPP): L’application de la méthodologie aux 117 VIPP du ré-
seau routier national montre que tous les ponts construits avant
1960 appartiennent à la catégorie «risque élevé (R3)» [9]. Le
pourcentage de structures R3 augmente d’ailleurs avec l’âge,
60 % des ponts R3 étant construits avant 1973, 35 % des ou-
vrages appartenant à la catégorie R3. Pour les ponts de catégorie
«risque faible (R1)», le programme de surveillance organisée est
poursuivi alors que pour les ponts R2 et R3 selon les résultats
d’auscultations (ouvertures de fenêtres pour apprécier l’état de
la précontrainte, mesures de tension…), une surveillance spé-
cifique (émission acoustique par exemple) pourra être définie
jusqu’au renforcement. Les calculs avancés sont également es-
sentiels pour évaluer la performance structurale et la solution
de renforcement. Des recommandations sont actuellement en
cours de rédaction pour préciser ces exigences de calcul. L’étude
préliminaire d’analyse de risques détaillée met en évidence des
coûts d’inspection et de calcul induits s’élevant à 1,4 M.
Buses métalliques: Sur la base d’une enquête préliminaire,
1000 buses métalliques ont été identifiées sur le réseau routier
national français et parmi elles, 200 ont au moins 35 ans et
60 % sont des buses hydrauliques. Ces buses ont été évaluées
par analyse de risques simplifiée. 806 buses ont été analysées
à ce jour et 118 sont classées avec un niveau de «risque élevé
(R3)». Elles représentent 15 % du patrimoine national. Les buses
présentant les niveaux de risque les plus élevés (R3) ont été
THEMA THèME
View publication stats
b) c)
construites avant 1981 et sont situées dans un environnement
agressif. Les détails de l’analyse de risques montrent qu’un petit
nombre de facteurs (état, période de construction et conditions
d’exploitation) influence le classement dans une catégorie de
risque. La fiabilité de ces données est donc une condition essen-
tielle pour établir un dépistage des risques pertinent. Les carac-
téristiques de l’analyse de risques détaillée sont en cours d’éla-
boration pour fixer la fréquence et l’ampleur des mesures de
surveillance, les besoins en travaux de réparation et l’urgence
de ces réparations, et les mesures temporaires d’exploitation.
Conclusion
Analyser les risques (et les maîtriser) ne signifie pas nécessai-
rement les réduire à zéro. Ce serait difficile à réaliser et extrê-
mement coûteux. Mais être conscient des risques qui existent
et avoir pris des dispositions pour en réduire les impacts poten-
tiels fait partie des bonnes pratiques.
L’objet de la méthodologie d’analyse de risques développée
par le Sétra n’est pas de réinventer les règles de maîtrise des
risques existantes, mais plutôt de formaliser et généraliser la
démarche. Elle offre des outils opérationnels pour l’évaluation
simplifiée des risques et donne les grands principes de l’ana-
lyse détaillée des risques; elle renvoie vers d’autres documents
lorsqu’ils existent, ou à une analyse au cas par cas lorsque cela
s’avère nécessaire. ||
Références
[1] ISO/CD 13824 Bases du calcul des constructions – Principes généraux sur
l’évaluation du risque pour les systèmes comprenant des structures, 2009.
[2] ISO GUIDE 73 Management du risque: vocabulaire, 2009.
[3] Maîtrise des risques: applications aux ouvrages d’art, guide méthodologique,
SETRA, 2012.
[4] NF EN 1991-1-7 Eurocode 1 – Actions sur les structures – Partie 1-7: actions
générales – Actions accidentelles, 2011.
[5] LAGORA: Logiciel de gestion des ouvrages d’art, SETRA, 2011.
[6] Cremona C., Structural performance: probability-based assessment,
ISTE-WILEY, 2011.
[7] SISMOA: Evaluation préliminaire du risque sismique sur les ouvrages d’art
existants, SETRA, 2010.
[8] ITSEOA: Instruction technique de surveillance et d’entretien des ouvrages
d’art, SETRA, 2010.
[9] Analyse de risques appliquée aux viaducs à travées indépendantes
en poutres précontraintes (VIPP), SETRA, 2010.
T. KRETZ, C. CREMONA, V. FARDEAU
Centre des Techniques d’Ouvrages d’Art, SETRA, Sourdun, France