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Du national-judaîsme au national-conservatisme
Note de l’auteur
Israël
L’agonie d’une démocratie
Charles Enderlin
Du national-judaîsme au national-
conservatisme
Surtout, là, se pose la question fondamentale du droit humain. Analysant la
philosophie politique d’Edmund Burke, ce parlementaire anglo-irlandais de
la fin du XVIIIe siècle, père du conservatisme politique, Hannah Arendt
écrivait : « La perte des droits nationaux a entraîné dans tous les cas celle
des droits de l’homme ; jusqu’à nouvel ordre, seule la restauration ou
l’établissement des droits nationaux, comme le prouve le récent exemple de
l’État d’Israël, peut assurer la restauration de droits humains. » En
l’occurrence, elle évoquait les apatrides rescapés du nazisme retrouvant une
nationalité en Israël. Arendt a défini le principe « du droit d’avoir des
droits » « inaliénables » et « imprescriptibles » car indépendants de toute
appartenance collective 32. Alors, que dirait-elle, aujourd’hui, en apprenant
que Yoram Hazony, Juif israélo-américain, a créé, en 2018, la fondation
Burke, qui a pour but de « renforcer le national-conservatisme en Occident
et dans d’autres démocraties » ? En opposition à l’universalisme, aux
idéaux des Lumières et aux principes issus de la Révolution française,
pourtant émancipatrice des Juifs. Hazony est un disciple de la théologie
messianique du rabbin Meir Kahane. Il a participé à l’édition du livre-
programme de Benjamin Netanyahu en 1993, A Place Among the Nations,
et se fait à présent le promoteur d’une forme de nationalisme intégral
version Maurras, l’antisémitisme en moins. Selon lui, Israël ne peut être à la
fois un pays dans lequel les habitants seraient juifs et l’État d’une
démocratie universaliste. Le principe démocratique contribuant d’après lui à
déjudaïser Israël, et à en faire un État non juif 33. Le sionisme religieux a
viré au national-judaïsme et s’exporte sous la forme du national-
conservatisme 34.
Organisateur de grandes conférences annuelles sur ce thème – la première a
eu lieu en 2019 à Washington – après la publication de son ouvrage The
Virtue of Nationalism, un best-seller, traduit en vingt langues 35, Hazony est
l’idéologue préféré des ultranationalistes, il a porte ouverte chez le Polonais
Mateusz Morawiecki, l’Italienne Giorgia Meloni, sans parler des trumpistes
et des ultraconservateurs aux États-Unis et ailleurs.
Le Hongrois Viktor Orbán a des liens encore plus étroits avec Israël. En
2008, c’est par l’entremise de Netanyahu que le Fidesz, le parti d’Orbán,
alors en difficulté dans les sondages, a fait appel aux stratèges électoraux,
deux Juifs américains, Arthur Finkelstein et George Birnbaum, qui avaient
réussi à faire élire le chef du Likoud en 1996 36. Ils ont ciblé l’ennemi et
l’ont placé au centre de leur campagne : George Soros. « C’est un libéral, il
incarne ce que les conservateurs détestent à gauche : un spéculateur
financier. Il n’a aucun levier politique de représailles et il ne vit même pas
dans le pays », a révélé Birnbaum. Diabolisé, ce philanthrope milliardaire
juif américain né en Hongrie est devenu l’ennemi de la Hongrie, et le
chiffon rouge régulièrement agité par les nationalistes un peu partout dans
le monde, avec de forts relents d’antisémitisme. Y compris en Israël, où
Netanyahu l’accuse d’être un des financiers des manifestations pro-
démocratie. Soros est de ces Juifs qui subissent l’antique condamnation du
« Herem », la mise au ban de la société juive.