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"Contribution des énergies renouvelables au développement

durable du secteur électrique : le cas du Cameroun"

Tchouate Heteu, Pepin

ABSTRACT

Comme nombre d'autres Etats aux ressources insuffisantes, le Cameroun, pour satisfaire sa demande
croissante en électricité, est à la recherche des solutions novatrices en terme de coûts et de
garanties dans l'optique d'assurer le développement durable de son secteur énergétique. Les énergies
renouvelables y contribueront certainement étant donné la prise de conscience des impacts négatifs sur
l'environnement des systèmes actuels et l'existence d'un potentiel important, équivalent pour les trois
filières étudiées (gazéification de la biomasse ligneuse, biométhanisation de la biomasse humide et la
microhydroélectricité) au moins à la consommation actuelle prélevée du réseau national. La question
de fond est de savoir comment cet accroissement indispensable devrait s'effectuer ?, selon quelles
modalités ?, quelles rythmes ?, et suivant quels choix ? La contribution de cette thèse est le développement
d'un modèle d'analyse permettant d'intégrer les critères environnementaux et économiques dans le
processus de décision lors de la définition des politiques d'électrification. L'application du modèle au
secteur électrique camerounais montre en tenant compte de l'évolution de la consommation en électricité
(2006-2025) que l'intégration de l'électricité verte améliore le bilan financier du secteur électrique malgré
le surcoût d'investissement qu'elle engendre. L'appel de fonds nécessaire à l'investissement peut trouver
auprès des organismes financiers une réponse d'autant plus favorable aux énergies renouvelables qu'au
delà de l...

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Tchouate Heteu, Pepin. Contribution des énergies renouvelables au développement durable du secteur
électrique : le cas du Cameroun. Prom. : Martin, Joseph http://hdl.handle.net/2078.1/5195

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CHAPITRE 4
LA FILIERE BIOMETHANISATION

4.1. Introduction

La pollution de l’eau et de l’air par les déchets municipaux, industriels et agricoles s’accentue.
Les gouvernements et industries sont constamment à la recherche de solutions technologiques
permettant un traitement efficace et moins coûteux des déchets. Une des technologies
permettant efficacement le traitement de la fraction organique de ces déchets est la
biométhanisation, qui consiste en une dégradation en absence d’oxygène de la matière
organique en un mélange de méthane (CH4) et de dioxyde de carbone (CO2) appelé biogaz.
Utilisée de manière optimale, une installation de biométhanisation permet non seulement de
prévenir la pollution, mais aussi de produire de l’énergie, du compost et de procéder à la
reconstitution des nutriments. La biométhanisation, ou digestion anaérobie, peut transformer
un problème de déchets en une source de richesses. Cette technologie devient essentielle dans
le processus de réduction des déchets et la production de biogaz, source d’énergie
renouvelable. De plus, des coproduits solides sont valorisables, tel le compost dans
l’agriculture. Les avantages sont multiples et peuvent être classés comme suit :
- dans le traitement des déchets : processus naturel nécessitant moins d’espace que le
compostage aérobie ou l’enfouissement et réduisant considérablement le volume et le
poids des déchets à enfouir ;
- sur le plan énergétique : production nette d’énergie, génération d’un combustible
renouvelable de haute qualité valorisable dans plusieurs applications finales ;
- sur le plan environnemental : réduction significative des émissions de CO2 et de CH4,
élimination des odeurs, production d’un compost propre (stérile) et d’un fertilisant liquide
riche en matières nutritives utilisables en agriculture, d’où maximisation des bénéfices du
recyclage ;
- sur le plan économique : plus rentable que toutes les autres formes de traitement si l’on
considère tout le cycle de vie.
Ces avantages entraînent actuellement un regain d’attention dans le monde entier. A ce jour,
on dénombre plus de 125 installations en fonction, et environ 35 en construction, utilisant les
déchets industriels organiques et les déchets municipaux comme matières premières, ce qui
totalise une capacité de traitement de 5 millions de tonnes et un potentiel de production
d’électricité de 600 MW. De plus, 1300 installations, en service ou en construction, traitent
les eaux usées industrielles ou les boues d’épuration, principalement dans des brasseries, des
industries chimiques, pharmaceutiques, agro-industrielles et laitières, et des usines de
fabrication de pâtes à papier. La digestion anaérobie permet à la plupart de ces industries de
pré-traiter les boues, de contrôler les odeurs et de réduire le coût du traitement final dans les
stations d’épuration.
Au Cameroun, le traitement des déchets urbains est envisageable, surtout dans les grandes
villes comme Yaoundé et Douala. Les huileries, les abattoirs, les brasseries et autres
entreprises agro-industrielles sont autant de générateurs d’eaux usées dont le traitement par
digestion anaérobie constituerait une source de production d’énergie et de sous produits
solides valorisables dans l’agriculture. Les petites installations en zones rurales utilisant les
déchets agricoles et animaux pourraient fournir l’énergie nécessaire :
- à la cuisson des aliments, contribuant ainsi à la diminution de la consommation de bois
donc de la pression sur les forêts,

4.1
- et à l’éclairage, contribuant à la diminution de la consommation du pétrole lampant.
Les petits digesteurs de ce genre sont évalués, en Chine, à 6 millions d’exemplaires et au
Népal à environ 47000 [IEA, 2001].

4.2. Ressources et Potentiel


4.2.1. Déchets urbains
Dans les principales villes camerounaises, les déchets sont collectés et transportés vers des
bacs métalliques situés à des endroits précis et connus par les zones desservies. A Douala et
Yaoundé, la Société d’Hygiène et Salubrité du Cameroun (HYSACAM) évacue alors ces
ordures ménagères vers les décharges industrielles. Dans d’autres villes, Bafoussam par
exemple, les municipalités sont responsables de l’enlèvement des déchets. Les villes de petite
ou moyenne taille n’ont pas de décharges, mais de petits dépotoirs non contrôlés. La
composition et la définition de déchets urbains varient d’un pays à l’autre. Néanmoins, on
peut distinguer trois principales composantes :
- la fraction directement biodégradable constituée de matières organiques, principalement
les déchets ménagers, les cartons, les herbes. Les déchets ménagers constituent une
première catégorie de ressources convertibles en énergie par biométhanisation : il y a
récupération du biogaz tout en stabilisant les résidus, ce qui évite des problèmes futurs
d’enfouissement ;
- la fraction combustible comprend les matières organiques solides et très lentement
biodégradables (copeaux de bois, plastiques et autres matières synthétiques ;
- la fraction inerte qui inclut les cailloux, le sable et des métaux.
La quantité et la qualité de déchet produit par habitant est fonction de son niveau de vie.
Ainsi, Mouafo (1997) donne un ratio de 0,7 kg par habitant et par jour à Yaoundé et Douala,
et 0,4 kg à Bafoussam. Seule une partie de ces déchets sont mis en décharge, le reste étant
évacué dans les bas-fonds, les terrains vagues, les cours d’eau etc. Ainsi, la population de
Yaoundé produirait de 700 à 1000 tonnes de déchets par jour dont, selon HYSACAM,
environ 220 tonnes seulement sont collectées et versées à la décharge de Kolfoulou. Les
déchets collectés à Yaoundé contiennent environ 52% de substances organiques avec un taux
d’humidité de 49%. La décharge de Makepe à Douala accueille plus du double, soit 400 à 500
tonnes d’ordures par jour alors que la production calculée avec le ratio de Mouafo donnerait
de 1500 à 2000 tonnes. A l’arrivée des camions, des artisans organisés ou non en association
effectuent un premier tri dans le but de récupérer la ferraille qu’ils valoriseront pour la
fabrication des fours, foyers, etc.
Selon Organic Waste Systems (OWS), une tonne de déchets organiques fournit de 100 à
160m3 de biogaz, soit l’équivalent d’environ 60 à 96 litres de gazole. Dans un couplage
chaleur/force, on obtient 170 kWh d’électricité et 340 kWh de chaleur sous la forme d’eau
chauffée à une température d’environ 90°C. Dans chaque installation, une part de 10 à 20%
de l’énergie produite est auto-consommée par le processus de digestion. Avec l’hypothèse
d’une production moyenne de 130 m3 de biogaz par tonne de déchets organiques et un taux de
collecte de 50%, on peut calculer un potentiel théorique avoisinant 50.000 m3 par jour pour
Douala et 24.000 m3 pour Yaoundé. Dans les huit autres chef-lieux de province, on peut
supposer une production équivalente à celle de Bafoussam, soit 4.500 m3 de biogaz par jour.
En totalisant les dix grandes villes du pays, on peut donc atteindre un potentiel théorique
journalier de 110.000 m3 de biogaz productible à partir de grandes installations centralisées,
soit une production nette d’électricité d’environ 1,65 GWh par jour ou encore environ
400 GWh par an.

4.2
4.2.2. Déchets industriels

Les effluents industriels sont essentiellement constitués d’eaux résiduaires des procédés de
fabrication. Leur traitement anaérobie tend à devenir une technique standard et permet de
réduire considérablement la taille et le coût des installations classiques de traitement aérobie.
Néanmoins, il faut mentionner que la biométhanisation des matières organiques n’est pas
aussi complète qu’un traitement aérobie et constitue une étape intermédiaire avant le
traitement aérobie ultime. Des lois existent pour protéger l’environnement contre la pollution
industrielle et quelques entreprises ont fait l’objet d’amendes pour non respect de la
législation en vigueur1. Pour les entreprises dont la production de déchets est importante en
fraction organique, la digestion anaérobie permet une réduction du volume de déchets à
mettre en décharge et la production de coproduits. De plus, l’image environnementale des
entreprises n’est pas à négliger. Les principales industries camerounaises concernées sont les
brasseries, les abattoirs des grands centres urbains, les entreprises agroalimentaires, etc.,
presque toutes concentrées autour de Douala et Yaoundé. Le tableau 4.1 donne un aperçu des
différentes quantités d’effluents en fonction des secteurs susceptibles d’être concernés par la
biométhanisation pour le traitement de leurs eaux résiduaires (PACER, 1993).

Industrie Production spécifique d’effluents


Industries laitières 0,5 – 3 m3 par tonne de lait
Abattoirs et transformation de 0,6 – 9,6 m3 par bovin (400 kg poids vif)
viande 0,3 – 0,4 m3/ porc (100 kg vif)
20 – 40 l/volaille
Industrie vinicole 1650 – 1870 m3 par 100 ha de vignoble
Production et transformation de
fruits 0,5 – 0,8 m3 par jour
Distillerie de fruits
Brasseries 0,4 – 12 m3 par hectolitre de bière
Industrie papetière 1000 m3 par tonne de pâte à papier blanchie
160 – 300 m3 par tonne de cellulose
125 – 2000 m3 par tonne de papier utilisé dans les cartonneries
et papeteries
Tableau 4.1.

Avec une production de quatre millions d’hectolitres de bière par an2, le secteur brassicole
camerounais a une production de 1,6 à 48 millions de m3 d’effluents par an avec une
concentration de 2,3 à 3 gDCO/litre (Bodgan et Servais, 2001). En considérant le rendement
théorique de conversion de la matière organique en méthane (0,34 m3CH4/kgDCO) et une
digestibilité des substrats limitée à 70%, la production annuelle de méthane qu'il serait
possible de récupérer à partir des effluents des 4 brasseries camerounaises varie entre 1 et 30
millions de m³, soit environ l’équivalent de 36 à 1080 TJ d’énergie primaire.
Douala et Yaoundé sont dotés chacun d’un abattoir industriel dont la capacité d’abattage est
de 400 bovins, 200 ovins et caprins et 100 porcs par jour. On en déduit un potentiel de
production d’effluents de 330 à 3960 m3/jour/abattoir, soit 231.000 à 2.772.000 m3 par an
pour les deux abattoirs. Les effluents ont une densité de 5 kg de matière organique par m3.
1
Communiqué radio-presse n° 0015/MINEF/SPE/DNIE/BELE/CAB, Ministère de l’environnement et des
forêts, janvier 2002.
2
Statistiques industrielles, Site web du premier ministère www.spm.gov.cm

4.3
Tenant compte du ratio des abattoirs, 0,45 m3 de biogaz par kg de matière organique, et de la
productivité spécifique de l’installation estimée à 1350 litres par bovin abattu, il vient un
potentiel compris entre 519.500 m3 et 6.237.000 m3de biogaz par an, soit environ entre 12 et
150 TJ d’énergie primaire.

4.2.3. Déchets d’élevage

C’est la ressource la plus utilisée dans les pays en développement et semi-industrialisés. Dans
les communautés rurales de Guinée, Chine, Népal et Inde, les petites installations produisent
du gaz pour l’éclairage et la cuisson dans des maisons individuelles ou des concessions. Dans
les pays développés, de grandes installations utilisent les déchets d’élevage pour la production
d’électricité et de chaleur pour l’auto-approvisionnement des fermes et la fourniture dans le
réseau local. On peut envisager que les déchets d’élevage et certains résidus agricoles frais
puissent contribuer au processus de l’électrification rurale décentralisée et par conséquent à
l’amélioration des conditions de vie dans ces localités. Au Cameroun, l’élevage des bovins est
essentiellement localisé dans la partie septentrionale (83%, soit 4,55 sur 5,5 millions de
bovins que compte le cheptel, se trouvent dans les 3 provinces du Nord, de l'Extrême-Nord et
l'Adamaoua). Seuls 20% des animaux sont « sédentarisés » et peuvent faire l’objet d’une
valorisation énergétique des déchets. Les autres modes d’élevage sont répartis entre la semi-
transhumance (25%), la transhumance (45%) et le nomadisme (10%). Ainsi, considérant les
900.000 bovins élevés de façon sédentaire et en utilisant le ratio de 40 à 60 litres de biogaz
par bovin et par jour (valeurs obtenues dans le projet de petits biodigesteurs familiaux en
Guinée), on obtient un potentiel de 36.000 à 54.000 m3 de biogaz par jour, soit 11 à 16
millions de m3 par an, équivalent à 260 – 390 TJ d’énergie primaire.

4.2.4. Déchets agricoles

L’agriculture produit beaucoup de résidus, surtout la culture de la banane, très présente au


Cameroun et concentrée sur de larges bandes de territoires, et qui génère beaucoup de feuilles
et troncs abandonnés sur place. Pourtant, la digestion anaérobie des feuilles de bananiers a un
rendement élevé en biogaz (Kalia et al, 1995) alors que les troncs ont un rendement un peu
plus faible (Deivanai at Kasturi Bai, 1995). L’étude de Kalia et al (2000) montre que la
biodégradation des troncs de bananiers dans un digesteur anaérobie à deux étapes dans des
conditions mésophiles produit de 130 à 271 litres de biogaz par kg de matières solides (37-
40°C, 57 jours de rétention) et de 143 à 217 litres de biogaz par kg de matières solides dans
des conditions thermophiles (55°C, 24 jours de rétention). La concentration en méthane du
biogaz obtenu varie respectivement de 62 à 72%, et de 59 à 79%. Une biodigestion mésophile
donnera un biogaz de potentiel énergétique moyen de 3250 à 6525 MJ, et une biodigestion
thermophile donnera un potentiel énergétique moyen de 3500 à 5600 MJ par kg de tronc de
bananiers. La production de bananes est une activité pérenne au Cameroun, concentrée dans
les zones du Moungo et du Sud-Ouest. Selon les statistiques de la FAO, le Cameroun a
exporté 159.000 tonnes de bananes en 1998, et est passé de 165.000 tonnes en 1999 à 254.000
tonnes en 2001. Etant donné que le tronc du bananier pèse environ trois fois le poids de la
banane qu’il porte, on peut estimer le potentiel annuel à environ 700.000 tonnes de matières
solides, soit un potentiel en biogaz pour les plantations bananières de 2275 à 4570 TJ. En
supposant un rendement électrique net de 30%, il vient un potentiel théorique net de 190 à
380 GWh d’électricité.
D’autres déchets agricoles existent mais leur dispersion ne favorise pas leur valorisation.

4.4
4.2.5. Boues des stations d’épuration

Plusieurs grandes villes possèdent une station d’épuration, dont le fonctionnement n’est pas
toujours optimal, et qui, outre le traitement des eaux usées, contribue à la réduction des
odeurs. L’épuration des eaux usées entraîne la production des boues qui peuvent être traitées
par digestion anaérobie pour la production de biogaz. L’énergie ainsi produite dans ces
stations sert à alimenter le processus d’épuration de l’eau et du post-traitement des boues et,
dans le cas de grandes installations, le surplus d’électricité est injecté dans le réseau. Dans le
cas du Cameroun, les recettes issues de la vente d’électricité produite par biométhanisation
des boues des stations d’épuration constitueraient une source de revenus et garantiraient un
meilleur fonctionnement de celles-ci. La valorisation de ce potentiel, difficilement estimable
dans cette étude, pourrait être entravée par le coût élevé des petites unités décentralisées.
Cette difficulté peut être contournée par la mise en place d’une politique énergétique et de
déchets ciblée.

4.3. Technologies
La digestion anaérobie des déchets organiques et des effluents organiques industriels est un
processus biologique de décomposition de la matière organique, qui se déroule en absence
d’oxygène et qui conduit à la formation de biogaz, mélange de méthane CH4 (50 à 75%) et de
gaz carbonique CO2 (25 à 50%). Des communautés microbiennes complexes sont
responsables de cette décomposition.
On peut distinguer trois types de digestion anaérobie selon les zones de températures dans
lesquelles s’opère le processus, soit basse, moyenne ou élevée, les limites variant d’un auteur
à l’autre :
- digestion psychrophile : basse température 15 à 25°C,
- digestion mésophile : température moyenne 30 à 45°C,
- digestion thermophile : température élevée 50 à 65°C.
Pour fonctionner de manière optimale, les micro-organismes anaérobies doivent recevoir
régulièrement un substrat équilibré, c’est-à-dire un effluent contenant 15 à 30 fois plus de
carbone que d’azote. Aux températures élevées, la décomposition et la production de biogaz
sont plus rapides mais le processus est aussi plus sensible à la variabilité des substrats et de la
température. La digestion thermophile permet une destruction plus complète des organismes
pathogènes que les processus de digestion à basse ou moyenne température.
La matière organique, qu’elle soit d’origine naturelle ou industrielle, est composée d’un
squelette carboné sur lequel se sont fixés d’autres éléments en proportions variables :
essentiellement hydrogène et oxygène (glucides et graisses), azote (protéines), phosphore
(acides nucléiques) ou soufre (certains acides aminés). Une molécule riche en hydrogène
(graisses) a un potentiel énergétique plus élevé qu’une molécule contenant moins d’hydrogène
(glucides).
L’Agence Française de Normalisation (AFNOR) définit la demande chimique en oxygène, en
abrégé DCO, comme la quantité d’oxygène consommée par l’oxydation des matières
contenues dans un litre d’eau, dans les conditions de l’essai. La mesure de la DCO permet
d’estimer la charge organique polluante d’une eau usée. Sa mesure avant et après un
traitement physique, chimique ou biologique permet également de contrôler le bon
fonctionnement de l’épuration ou d’évaluer l’activité de micro-organismes anaérobies dans un
digesteur.

4.5
La digestion anaérobie est avantageuse pour les effluents fortement chargés en matières
organiques, avec des concentrations supérieures à 50-100 mgDCO/l.

4.3.1. Etapes microbiologiques et biochimiques

L’ensemble des réactions, multiples et complexes, se déroulant dans un digesteur peut se


diviser en quatre étapes principales caractéristiques de l’action de différents groupes de
micro-organismes : hydrolyse, fermentation acidogène (acidogenèse), acétogenèse et
méthanogenèse (figure 4.1) :
• hydrolyse : les macromolécules qui constituent la matière organique se décomposent en
petites molécules solubles, à l’origine du jus de fermentation : par exemple, la cellulose
est transformée en sucres solubles tels que le glucose ou le cellobiose.
• acidogenèse : les molécules simples (monomères) sont transformées sous l’effet des
bactéries en acides de faible poids moléculaire (acide lactique et acides gras volatils) et
des alcools tels l’éthanol. Du bicarbonate et de l’hydrogène moléculaire sont produits.

Matières organiques fermentescibles

Acides aminés, acides gras, sucres

Bactéries
fermentatives Bactéries
Acides organiques fermentatives

Bactéries acétogènes

Acide acétique, CO2

Bactéries méthanogènes

Biogaz

Figure 4.1. Schéma de la digestion anaérobie des déchets et effluents organiques

• acétogenèse : c’est ici qu’interviennent des bactéries réductrices acétogènes et des


bactéries sulfato-réductrices pour transformer certains produits issus des phases
précédentes (acides gras volatils et alcools) en H2, CO2 et acétate. En présence de sulfate,
de l’hydrogène sulfuré (H2S) est aussi généré lors de cette étape de transformation.

• méthanogenèse : dernière phase au cours de laquelle l’acétate (CH3COO-), l’hydrogène et


le bicarbonate (HCO3-)sont convertis en méthane par des micro-organismes
méthanigènes. Les réactions sont les suivantes :
réduction du CO2 : CO2 + 4 H 2 → CH 4 + 2 H 2O (env. 30% du méthane produit)
décarboxylation de l’acide acétique : CH 3COOH + H 2O → CH 4 + H 2CO3 (70%)

4.6
4.3.2. Caractérisation du biogaz

Le biogaz se caractérise par sa composition chimique et les caractéristiques physiques qui en


découlent. La quantité et la composition chimique du biogaz produit en fermenteur dépendent
du substrat, de sa DCO, du débit d’alimentation du digesteur s’il s’agit d’une alimentation en
continu, de la qualité de l’agitation, du temps de séjour dans le réacteur, de la température de
fermentation, etc. Dans un digesteur, ces paramètres sont en général mieux contrôlés et plus
constants de manière à limiter la variabilité du gaz dans la marge 1-5%. Le tableau 4.1 fournit
quelques exemples de compositions pour les cas les plus classiques.

Décharge Décharge Décharge Ordures Boues de Lisier de Effluents de


d’ordures d’ordures d’ordures ménagères stations bovins ou Distillerie
ménagères ménagères ménagères triées (en d’épuration d’ovins (en (en
Composants (MO 80%) (MO 80%) (50%-50%) digesteur) (en digesteur) digesteur)
production production production digesteur)
naturelle forcée avec forcée avec
sans aspiration aspiration
aspiration
CH4 % vol 50 - 58 30- 55 25 - 45 50 - 60 60 - 75 60 - 75 68
CO2 % vol 25 - 34 22 - 33 14 - 29 38 - 34 33 - 19 33 - 19 26
N2 % vol 18 – 2 26 - 6 49 - 17 5-0 1-0 1-0 -
O2 % vol 1- 0 8-2 8-5 1-0 < 0,5 < 0,5 -
H2O % vol 4 (à 30°C) 4 (à 30°C) 4 (à 30°C) 6 (à 30°C) 6 (à 30°C) 6 (à 30°C) 6 (à 30°C)
Total % vol 100 100 100 100 100 100 100
H2S mg/m3 20 - 50 5 - 20 100 - 900 100 - 900 1000 - 4000 3000-10000 400
NH3 mg/m3 - - - - - 50 - 100 -
Aromatiques
2 1 0 - 200 0 - 200 - - -
mg/m3
Organochlorés
ou
organofluorés 0 – 100 0 - 100 100 - 800 100 - 800 - -
mg/m3

Tableau 4.1 : Composition du biogaz selon ses origines (Source : ADEME )

Les facteurs affectant la qualité et la quantité de biogaz sont : le pH, la teneur en matière
sèche du substrat, le rapport carbone/azote, le temps de résidence dans le digesteur,
l’homogénéité et la granulométrie du substrat.

Dans la plupart des cas, le pH est auto-régulé dans le digesteur avec des valeurs optimales
comprises entre 6,8 et 7,4 (Damien, 2002) mais un ajout de bicarbonate de soude peut être
nécessaire, par exemple en présence d’un taux élevé en légumes ou de matières à faible teneur
en azote. Si le pH baisse en dessous de 6,5, le milieu a un effet toxique sur les micro-
organismes méthanogènes. La valeur optimale du rapport carbone/azote se trouve entre 20/1
et 30/13.

Le tableau 4.2 présente une compilation de données provenant de diverses sources sur la
teneur en azote et le rapport carbone/azote pour une série de substrats.

3
U.S. Department of Energy : Methane (Biogas) from Anaerobic Digesters.
http://www.eren.doe.gov/consumerinfo/refbriefs/ab5.html

4.7
Tableau 4.2 : Teneur en N et rapport C/N d’une sélection de substrats.

Le temps de séjour ne peut être calculé exactement que pour les installations en batch ou
discontinues. Pour les systèmes alimentés en continu, la durée moyenne est estimée en
divisant le volume du digesteur par le volume de substrats introduits quotidiennement dans le
digesteur.

4.8
4.3.3. Différents systèmes de digesteurs

Le digesteur, encore appelé fermenteur ou bioréacteur-anaérobie, est généralement constitué


d’une cuve fermée, étanche à l’air et de préférence isolée thermiquement, dans laquelle
différents microorganismes dégradent chimiquement et biologiquement les déchets et
effluents organiques et produisent du biogaz. Le choix du digesteur varie en fonction du type
de déchets à traiter et de l’application visée. On peut classer les digesteurs selon :
- le mode d’alimentation : batch, continu ou semi-continu ;
- le type de substrats : solide, semi-solide ou liquide ;
- le nombre d’étapes : mono- ou bi-étape selon que la méthanogénèse et l’acidogénèse
se déroulent dans le même réacteur ou dans deux cuves séparées.

MODE D’ALIMENTATION

Le digesteur batch ou discontinu a l’avantage d’être d’une construction simple. Le mode


opératoire consiste à remplir le digesteur avec les substances organiques et laisser digérer, le
temps de rétention étant fonction de la température et d’autres facteurs. A la fin de la
digestion, le digestat est évacué et le processus peut recommencer. Ce système, rustique et
d’une grande simplicité technique, est avantageux pour traiter les déchets solides tels les
fumiers, les résidus agricoles ou les ordures ménagères. La production de biogaz n’est pas
régulière : au début du cycle, la fermentation du substrat commençant, la production de
biogaz est lente. Elle s’accélère, et atteint un taux maximal au milieu du processus de
dégradation et chute en fin de cycle lorsque seuls les éléments difficilement digestibles restent
dans le digesteur.

Dans un digesteur continu, le substrat introduit de manière continue est digéré et évacué sous
forme de digestat soit mécaniquement, soit sous la pression des nouveaux intrants. Ce type de
fonctionnement est bien adapté aux installations de grande taille. Il en existe trois principaux
types : système à cuve verticale, système à cuve horizontale et système à « cuves multiples ».

Le digesteur semi-continu fonctionne avec une combinaison des propriétés des deux
précédents afin de tirer profit des avantages des deux extrêmes.

Figure 4.2. Schéma d’une installation batch (le modèle chinois)

4.9
Figure 4.3. Schéma d’une installation de production continue de biogaz.

TYPE DE SUBSTRATS

Cette classification des digesteurs est fonction de la teneur en matière sèche des matières
organiques qui affecte leur consistance :
• solide : teneur en matière sèche typiquement > 15 % ;
• semi-solide ou pâteux : teneur en matière sèche typiquement comprise entre 5 et 15 % ;
• liquide : teneur en matière sèche typiquement inférieure à 5 %.
Les substrats liquides et pâteux sont dits pompables.
Pour traiter les effluents liquides plus ou moins riches en suspension, on préfèrera des
procédés continus ou semi-continus, le contenu du digesteur étant maintenu homogène par
brassage mécanique régulier du liquide.
Les différents types de digesteurs sont présentés schématiquement à la figure 4.4 (Gerin,
2002).

gaz gaz gaz

Réacteur Réacteur Réacteur "contact"


"infinim ent "piston" anaérobie
m élangé"
(CSTR)
Procédés pour boues

4.10
gaz gaz gaz

L it d e b o u e F iltre b a c té rie n L it flu id is é


à flu x a n a é ro b ie L it e x p a n s é
a s c e n s io n n e l
(U A S B )

Procédés pour liquides g ra n u le s b io film s u r s u p p o rt g ra n u le s

gaz

gaz
gaz

solide en
suspension solide en lit fixe
épaisse percolé

(semi) - continu discontinu


recirculation
recirculation
de la suspension
du liquide
agitation par
gaz comprimé

Procédés pour solides


Figure 4.4. Schémas de différents procédés de digestion anaérobie en fonction du substrat.

ETAPES

Cette classification met en évidence le fait que l’hydrolyse et l’acidogénèse sont, ou non,
séparés de la phase suivante de méthanogénèse.

1. 2.
acidogenèse acido- méthano-
+
genèse genèse
méthanogenèse

1- étape 2- étapes

Dans les procédés monoétapes, toutes les étapes de la digestion ont lieu dans la même
enceinte. Ils sont exploitables en continu ou en batch, et principalement appliqués pour des
substrats allant jusqu’à 40% de MS.

Les procédés bi-étapes sont caractérisés par le fait que l’hydrolyse et l’acidification sont
nettement séparées de la phase suivante de méthanisation. La recirculation de la phase liquide
présente l’avantage de ne pas nécessiter constamment l’ajout d’eau réchauffée. L’avantage
des procédés bi-étape réside dans les courts temps de décomposition de la matière solide, de

4.11
l’ordre de quelques jours. Cette séparation des phases réduit le risque d’intoxication des
microorganismes méthanogènes liées à la présence d’un excès d’acides gras volatils, lorsque
l’acidogénèse trop rapide par rapport à la capacité d’assimilation des micro-organismes
méthanigènes.

Certains digesteurs sont dits mixtes ou intégrés. Plus exactement, c’est l’installation et non le
digesteur qui est mixte. Le principe consiste à faire subir au substrat organique une digestion
anaérobie et récupérer le sous-produit qui est ensuite stabilisé par l’étape de compostage. Ces
procédés mixtes permettent la réduction des systèmes de traitement du liquide issu du
digesteur anaérobie, ce dernier servant en grande partie à l’humidification du compost. Le
second avantage est la stabilisation quasi totale du substrat organique en raison de la
complémentarité des deux systèmes.

4.4. Description et classification des installations de biométhanisation

La digestion proprement dite n’est qu’une étape du processus global de cette filière
technologique qui comprend, en amont, une étape de préparation du substrat et, en aval, une
étape de post-traitement. Le schéma de principe d’une installation de biométhanisation (figure
4.5) détaille les quatre étapes principales de cette filière :
- le pré-traitement du substrat,
- la digestion proprement dite,
- l’utilisation du biogaz,
- le post-traitement des effluents.
Cette figure 4.5 présente une installation de traitement de déchets ménagers, le cas le plus
complexe des installations de digestion anaérobie. Puisqu’elles traitent des substrats mieux
définis, les installations agricoles et agro-industrielles présentent des étapes de pré- et post-
traitements plus simples.
La préparation consiste à séparer les éventuels contaminants (verre, plastiques, métaux,
sables, …) nettoyer les ordures collectées, réduire leurs dimensions, les désagréger et réduire
leur volume afin d’en améliorer la manipulation. Elle vise ainsi une modification :
• de la matière par les étapes de tri successives : tri magnétique (séparation des métaux
magnétiques et autres parties métalliques), tri balistique par ventilation et tamisage, et
finalement un tri manuel (enlèvement de plastiques, verres et métaux non magnétiques),
• des propriétés de la matière par le broyage qui peut être humide comme dans le cas du
vieux papier, par le détrempage (mouillage des déchets organiques pendant lequel il y a
ensemencement des micro-organismes) et par le pré-traitement thermo-alcalin
(décomposition assistée chimiquement par ajout alcalin dans un réacteur spécial et
chauffé).
La granulométrie du substrat obtenu après tamisage dépend des exigences de chaque procédé
de digestion. Elle est, en règle générale, comprise entre 3 et 10 mm. La teneur en matières
sèches souhaitée pour la fraction organique se situe entre 25 et 35% (digestion « sèche ») ou
entre 12 et 18% (digestion humide). Dans ce cas, un ajout d’eau est souvent nécessaire pour
obtenir une boue susceptible d’être pompée.
Le post-traitement consiste principalement en l’affinage des déchets méthanisés, c’est-à-dire
la déshydratation par presses ou centrifugeuses suivi d’un compostage, permettant d’obtenir
un compost avec une teneur en matières sèches d’au moins 40%, pour faciliter son stockage.

4.12
Pré-traitement Digestion torchère Utilisation
du biogaz
déchets stockage
organiques
groupe électrogène
réception Digesteur
production électricité
vapeur chaleur
broyage
Post-traitement
tamisage des effluents
pompage solide
presse
dosage liquide
traitement maturation
eaux usées aérobie

eau compost

Figure 4.5. Schéma de principe d’une installation de biométhanisation


dans le cas le plus complexe du traitement des déchets organiques.

On peut classer les installations de biométhanisation en fonction de leur taille et de la nature


de leur exploitation. On distingue ainsi :
- les installations centralisées de grande taille traitant principalement des déchets
ménagers urbains,
- les installations industrielles décentralisées
- les installations agricoles décentralisées utilisant des résidus propres de l’utilisateur
(résidus d’élevage, cultures énergétiques, etc.),
- les installations agricoles centralisées traitant les résidus provenant de plusieurs
fermes. Le principe consiste à collecter les effluents d’élevage produits par les fermes
d’une zone donnée et les digérer dans un digesteur centralisé. Le digestat peut être
redistribué aux agriculteurs pour l’amendement de leur sol. Ces installations, bien
qu’elles offrent l’avantage d’améliorer la qualité des substrats et donc du biogaz tout
en déchargeant le fermier du suivi de l’installation, est fortement pénalisé par les frais
importants de transport et d’analyse.

4.5. Analyse environnementale

La combustion du biogaz produit du CO2 et de l’eau.


Le biogaz issu de la digestion anaérobie contient du méthane (CH4) qui, non utilisé, contribue
substantiellement à l’effet de serre. Il est donc indispensable d’éliminer les excédents de gaz
en torchères. Néanmoins, le stockage du digestat entraîne une émission de gaz dont la
composition est différente de celle qui serait issue du stockage du substrat non digéré. Une
revue de la littérature réalisée par Edelmann et al (2001) indique que le gaz issu du stockage
du digestat est composé de 24% de méthane et 75% de CO2. Ces auteurs estiment que cette
valeur de méthane est très faible étant donné les conditions anaérobies qui y prévalent. Les
mesures ponctuelles, sans interprétation statistique, ont donné des valeurs plus élevées de
méthane et supposent une concentration de 45% pour le CH4. Toutefois, on pourrait récupérer

4.13
ce gaz en couvrant le lieu ou la cuve de stockage ce qui permettrait de réguler l’émission de
CH4 par rapport à la référence qui est la non-digestion des substrats.
Le SO2 s’oxyde en SO3 qui réagit en présence de l’humidité pour donner l’acide sulfurique,
principale cause des pluies acides. Bien que le soufre du biogaz, issu des cycles naturels,
puisse être considéré comme restitué à la nature, il est recommandé de prévoir les installations
de désulfuration.
La matière en fin de fermentation subit une séparation solide-liquide au cours de laquelle de
l’eau de pressage fortement chargée en matière organique et inorganique est produite. Celle-
ci doit être traitée avant rejet, à moins d’être utilisée pour l’arrosage des tas de compost dans
les systèmes mixtes. Souvent cette fraction liquide du digestat est utilisée pour diluer les
substrats frais avant leur introduction dans le digesteur. L’utilisation du digestat ou de sa
fraction liquide comme fertilisant dépend de la qualité et de la réglementation en vigueur
localement.
Il est difficile de quantifier l’effet de la production du biogaz sur les émissions de N2O car la
production de ce gaz dépend de plusieurs facteurs (propriétés des sols, teneur en humidité et
en azote de la couche supérieure du sol, du climat, etc.) et peut varier fortement d’un endroit à
l’autre (FAL, 2000). Dans le contexte de cette étude, les émissions à considérer sont celles
liées au stockage du digestat et celles qui ont lieu après épandage du digestat sur les sols.
Sommer et al (2000) pensent qu’il n’y a pas nécessairement un surplus d’émissions de N2O
lors du stockage du digestat et Hüther (1999) justifie cela par une nitrification limitée due aux
concentrations élevées d’ammoniac. Une réduction des émissions de N2O pourrait être
créditée à l’épandage du digestat (Klingler, 2000) parce que les émissions correspondantes
sont évitées dans le processus de fabrication des engrais minéraux, mais la quantification
exacte de la quantité d’azote absorbée en plus par les plantes, comparée à la situation
d’épandage du substrat non digéré, est presque impossible. Nous considérons donc qu’aucune
différence n’est mesurée en ce qui concerne les émissions de N2O si l’on compare au substrat
brut utilisé comme fertilisant. Par contre, elle est importante si le traitement de référence avait
été l’enfouissement des déchets.
En présence des substrats riches en azote, la matière extraite du digesteur peut contenir un peu
d’ammoniac (NH3) libéré pendant la période de stabilisation finale du digestat qui subit une
aération avant utilisation comme compost. Edelmann (2001) conclut, après une analyse de la
littérature, que la digestion anaérobie des résidus d’élevage conduit à une augmentation des
émissions de NH3 de l’ordre de 15%. Ce chiffre est une moyenne de l’augmentation de 40%
en stockage et de 10% en épandage par rapport à la situation de non digestion de ces résidus.
Menzi et al (FAL, 1997), tout comme Heinzer (2000), indiquent une augmentation moyenne
de 16%, alors que, selon KTBL (1999), la production de biogaz à partir des résidus d’élevage
entraîne un excès d’émission d’ammoniac de 14 à 17%. Ce surplus d’émission peut être réduit
en respectant des techniques et conditions adéquates (saison, dilution du digestat, temps)
d’épandage et la fermeture de la cuve de stockage. Des recherches récentes à l’université de
Bonn (Wulf et al., 2001) parlent plutôt d’une baisse significative (plus de 40%) des émissions
de NH3 à l’épandage du digestat et justifient cela par l’amélioration de l’écoulement, comme
l’avaient déjà signalé Christensen et Sommer (1991).

4.5.1. LCA d’un système de traitement des déchets : méthodologie

L’analyse du cycle de vie d’un système de traitement de déchets permet aux gestionnaires des
déchets de mieux apprécier la dimension environnementale de leurs choix et permet de
comparer les différents systèmes entre eux.

4.14
La première étape consiste à définir les limites du système ou de la filière à analyser. Dans le
cas du traitement des déchets, le système commence aux sources de production des déchets
(ménages, industries, etc.) et se clôture lors du retour à la nature des résidus finaux, en passant
par les étapes de collecte, transport, tri, traitement biologique, production d’énergie et
traitement des résidus. Nous excluons du système à étudier la fabrication des véhicules
utilisés pour la collecte des déchets ou des pièces de rechange et nous limitons à leur
consommation énergétique et celle des autres machines liées au traitement des déchets (IEA,
1997).
Le processus de digestion anaérobie est représenté à la figure 4.6. Si l’on considère que, quel
que soit le mode de traitement des déchets ménagers, les étapes de collecte et de transport

BIOMASSE (fumier, lisier,


déchets organiques, purin,
plantes énergétiques, déchets
organiques de l’industrie
agroalimentaire, boues de step)

Matières organiques
fraîches

Hydrolyse et
acidogénèse

Matières organiques
solubilisées

Acétogénèse

Acétates et hydrogène

Méthanogenèse

BIOGAZ : Substrat digéré :


CH4 + CO2 DIGESTAT

Figure 4.6. Schéma du processus de digestion anaérobie des matières organiques.

auraient eu lieu, nous pouvons envisager de limiter le système à étudier aux procédés de
traitement sur site et des émissions qui y sont associées. En cas de valorisation du compost,
les différences entre les quantités et qualités des composts produits doivent être prises en
compte, ainsi que les bénéfices liés à la substitution des engrais chimiques. Selon Meier-
Ploeger, l’utilisation d’un compost « bon, mature », permet d’éviter les 360 MJ/tonne de

4.15
déchets qui auraient été nécessaires à la fabrication d’engrais minéraux de valeur nutritive
équivalente. La valeur nutritive du compost varie selon le type de sol sur lequel il est
susceptible d’être appliqué et dépend fortement de la composition des déchets digérés. Cette
complexité joue souvent en défaveur de leur prise en compte dans les LCA. Il y a lieu de
mentionner que l’utilisation du compost comme engrais est réglementée dans certains pays
(Allemagne, Pays-Bas, Suisse). En Suisse par exemple, les teneurs en N, P, K ne doivent pas
dépasser respectivement 13, 16, et 16 kg par tonne de MS (compost) afin d’éviter les risques
d’eutrophisation.
Les unités fonctionnelles que l’on peut utiliser lors du LCA d’un système de traitement de
déchets sont : la tonne de déchets à l’entrée du système, le m3 du digesteur utilisé, le kWh
électrique produit, le kWh thermique produit. Les sous produits tels que l’énergie produite ou
récupérée et le compost doivent être comptabilisés parce que leur production est ainsi évitée
par les moyens conventionnels.

4.5.2. Etude de cas : installation de biométhanisation dans un abattoir

Il s’agit d’une installation décentralisée comportant un digesteur d’un volume de 300 m3


traitant les effluents d’un abattoir. La cuve peut être en béton ou en acier selon l’option
choisie. La figure 4.7 montre les limites du système étudié.
Abattoir Station de traitement
Chaudière Eau froide
Salle de découpe Eau chaude
& stock
Bio gaz
Eaux usées Pré traitement Digesteur
Animaux (anaérobie)
Abbas
Solide
&
Rumen graisse
Viande Lits de Lagunage
séchage (aérobie)
Station de
Compostage
boues

Compost Eau traitée


& (irrigation)
emballage

Figure 4.7. Schéma de la filière de digestion anaérobie dans un abattoir.

Description du substrat utilisé


On suppose que la production d’eaux usées dans cet abattoir est de 0,6 m3 par tête de bovin,
valeur spécifique minimale étant donné le souci de préservation des ressources en eau en
zones tropicales. Les eaux sont d’abord prétraitées pour enlever les solides et graisses avant
d’être introduites dans le digesteur. Les effluents ont une densité en matières organiques
équivalente à 5 kgMO/m3. Le temps de rétention étant de 10 jours, le digesteur devra être
alimenté en continu à raison de 30 m3 par jour, soit l’équivalent de l’abattage de 50 vaches par
jour. Tenant compte du ratio des abattoirs, 0,45 m3 biogaz par kg de matière organique, la
productivité de l’installation est de 67,5 m3 de biogaz par jour, soit 1350 litres par bovin

4.16
abattu ou encore environ 82 m3 de biogaz par m3 de digesteur par an. Le digestat est laguné
par traitement aérobie et les boues sont mélangées aux déchets solides (abas, rumen, solides et
graisses) de l’abattoir dans la station de compostage pour la production de compost, emballé
et utilisé en agriculture.

Bilan matière : Le tableau 4.3 présente l’inventaire des matériaux utilisés pour la
construction des différents composants de l’installation, prenant en compte la production de
biogaz et le stockage du substrat post digestion. Les données sur les besoins en superficie et
en matériaux de construction proviennent de 2 constructeurs suisses. Les valeurs sont
indiquées par m3 de digesteur et par an.
Les durées de vie supposées des différents composants sont de 20 ans pour les digesteurs, 15
ans pour les machines et le cogénérateur, 5 ans pour le gazomètre en plein air et 10 pour le
gazomètre sous toit.
On tient aussi compte du démantèlement, principalement du recyclage des métaux. On
suppose que le béton, y compris le fer des armatures, est mis dans une décharge de matières
inertes. Les bois de construction et les matériaux d’isolation sont brûlés dans un incinérateur
avec traitement des fumées.

Cuve en
Unités béton Cuve en acier
Construction
Surface m² 0,36 0,367
Béton (sans fer d'armement) kg 28,8 11,2
Acier (sans alliage) kg 1,08 1,3
Acier (très allié) kg 0,13 0,24
Bois kg 0,66
Cuivre kg 0,025 0,017
Polystyrol kg 0,057
PE kg 0,017 0,133
PVC kg 0,033
Acier (légèrement allié) kg 0,341
Caoutchouc EPDM kg 0,167
Laine minérale kg 0,12 0,105
Mortier kg 0,2
Résine de Polyester saturé kg 0,133

Traitement des déchets


béton armé kg 29,88 12,5
bois non traité kg 0,66
polystyrol kg 0,06
PVC kg 0,03
plastique kg 0,14 0,43
Laine minérale kg 0,11

Tableau 4.3 : Bilan matière d’une installation de digestion anaérobie décentralisée


(les données sont rapportées à 1 m3 de digesteur et par an).

4.17
Bilan énergétique : pendant les phases de construction et de démantèlement de l’installation,
la consommation énergétique est essentiellement liée à la fabrication des matériaux entrant
dans le système. Pendant la phase d’exploitation, la production de biogaz varie en fonction du
type du substrat et peut être améliorée par co-digestion de déchets ménagers ou d’herbes.
Dans ce cas, l’énergie consommée pour réaliser la culture co-digérée devra être
comptabilisée. Ainsi seules les productions nettes d’énergie sont prises en compte, faisant
ainsi abstraction de l’énergie auto-consommée.
Le tableau 4.4 résume le bilan énergétique de la phase d’exploitation. Le groupe de
cogénération convertit le biogaz avec un rendement électrique de 33% et un rendement
thermique de 50%. Les besoins en chaleur du digesteur sont supposés égaux à 20% de la
production du cogénérateur. Il en est de même pour la consommation d’électricité de
l’installation. Le biogaz produit a un contenu énergétique de 24 MJ/m3.

Bilan environnemental : le calcul des émissions liées aux infrastructures a été fait en
utilisant les valeurs spécifiques d’émissions liées à la fabrication des matériaux inventoriés au
tableau 4.3 (Tchouate et Bolle, 2002). Les valeurs individuelles sont exprimées en g/m3 de
digesteur par an et le total en kg/m3digesteur/an (tableau 4.5).

Biogaz produit m3/m3digesteur/an 82,125


Electricité cogénérée MWh/m3digesteur/an 0,169
Chaleur cogénérée MWhth/m3digesteur/an 0,272
Consommateur chaleur digesteur MWhth/m3digesteur/an 0,0545
chaleur utile MWhth/m3digesteur/an 0,218
Consomation électricité MWh/m3digesteur/an 0,033
Electricité nette produite MWh/m3digesteur/an 0,136

Tableau 4.4 : Bilan énergétique d’une installation de digestion anaérobie décentralisée de 300 m3
en phase d’exploitation dans un abattoir.

Construction SO2 NOx CO2équiv. NMVOC CO


Béton (sans fer d'armement) 0,29 72,00 20246,40 0,00 0,00
Acier (sans alliage) 17,55 11,50 2818,14 0,19 1,13
Cuivre 0,89 0,58 164,96 0,01 0,04
Polystyrol 231,48
PE 69,04
PVC 0,49 0,35 103,71 0,01 0,03
Laine minérale 0,73 0,34 126,21 0,01 0,10
Traitement des déchets
béton armé 0,30 74,70 21005,64 0,00 0,00
polystyrol 1,37 0,88 238,79 0,01 0,07
PVC 0,44 0,31 94,28 0,01 0,03
plastique 3,21 6,33 0,00 0,64 6,96
Total en kg/m3 digesteur/an 0,03 0,17 45,10 0,001 0,01

Tableau 4.5 : Emissions relatives à une installation avec cuve en béton.

En phase d’exploitation, l’élaboration du bilan environnemental est fonction des hypothèses.


En règle générale, on suppose que le CO2 émis dans l’atmosphère lors de la combustion du
biogaz dans un moteur ou groupe de cogénération provient du cycle naturel de la biomasse.

4.18
Construction SO2 NOx CO2équiv. NMVOC CO
Béton (sans fer d'armement) 0,11 28,00 7873,60 0,00 0,00
Acier (sans alliage) 27,27 17,87 4380,92 0,30 1,75
Cuivre 0,61 0,39 112,17 0,00 0,03
0,00
540,11
Polystyrol 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00
PE 2,68 1,77 567,47 0,02 0,01
PVC 0,64 0,30 110,43 0,01 0,09
Laine minérale 3,05 1,96 529,32 0,03 0,15
Traitement des déchets
béton armé 0,13 31,25 8787,50 0,00 0,00
polystyrol 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00
PVC 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00
plastique 9,85 6,33 1711,35 0,09 0,47
Total en kg/m3 digesteur/an 0,04 0,09 24,08 0,000 0,00

Tableau 4.6 : Emissions relatives à une installation avec cuve en acier.

Le CH4, composante principale du biogaz, est lui même un gaz à effet de serre avec un
potentiel de réchauffement supérieur au CO2. La combustion du biogaz convertit ce CH4 en
CO2 et constitue ainsi la contribution de la biométhanisation aux mesures d’atténuation du
réchauffement climatique.

En tenant compte des productions d’électricité et de chaleur données dans le tableau 4.4, et en
prenant pour hypothèse que toute la chaleur non utilisée par le digesteur est utilisée dans
l’installation, le bilan CO2 est résumé dans le tableau 4.7. Pour le calcul des émissions évitées,
la référence utilisée ici est une centrale classique moderne au gazole à 30% de rendement pour
la production d’électricité et une chaudière à mazout de 90% de rendement pour la production
de chaleur. Les émissions dues à l’utilisation du gazole ont été évaluées à 89 kg CO2/GJ
primaire.

unités Valeurs
CO2 lié à électricité nette
produite kg CO2/m3digesteur/an 145,78
CO2 lié à la production nette
de chaleur kg CO2/m3digesteur/an 77,55
CO2 (installation avec 45,10
digesteur en béton) kg CO2/m3digesteur/an
CO2 évité kg CO2/m3digesteur/an 178,23
24,08
CO2 (installation avec
digesteur en acier) kg CO2/m3digesteur/an
CO2 évité kg CO2/m3digesteur/an 199,25
CO2 évité (digesteur en
béton) kgCO2/MWh élect 1305,74
CO2 évité (digesteur en
acier) kgCO2/MWh élect 1459,74
CO2 évité Moyenne kgCO2/MWh élect 1382,74
Tableau 4.7 : Bilan CO2 de la digestion anaérobie.

4.19
En faisant la moyenne, on peut dire indépendamment du digesteur, que les émissions évitées
par cette installation se situent aux environs de 1383 kgCO2 par MWh d’électricité produite
par l’installation. Cette valeur moyenne est réduite à 816 kgCO2 par MWh d’électricité nette
produite si le surplus de chaleur n’est pas valorisée. Selon TBW Bénélux4, une telle
installation permet de produire 250 kg de compost par jour, soit environ 75 à 90 tonnes par an.
L’utilisation agricole de ce compost permet d’éviter les engrais minéraux dont la fabrication
est fortement consommatrice d’énergie. Le compost produit contient 65% de matière sèche et
2% d'azote, et peut être vendu pour la fertilisation des terres agricoles.

4.6. Analyse économique

4.6.1. Méthodologie et hypothèses


La digestion anaérobie est une option technique pour le traitement des résidus organiques,
procurant des bénéfices environnementaux à travers la production d’énergie et le recyclage
des nutriments et la limitation des odeurs, d’organismes pathogènes et la pollution
atmosphérique liée au méthane. Comme toutes les options de production d’énergie à partir des
sources renouvelables, la rentabilité économique dépend d’un certain nombre de facteurs :
- la qualité des déchets,
- la disponibilité de l’énergie produite pour le consommateur,
- les prix et taxes sur l’énergie,
- les prix de rachat de l’énergie,
- la politique énergétique liée au renouvelable,
- les investissements nécessaires,
- le marché du compost, etc.
Les frais d’investissement comprennent :
- l’achat de terrain,
- la construction,
- le développement et l’aménagement (raccordements d’eau, d’eaux usées, d’électricité
et téléphone, accès et places, etc.),
- les installations : ensemble des équipements électromécaniques,
- les machines et appareils : grue à grappin, chargeur sur pneus, machine à tamiser,
pompe, petits appareils, outillage.
Les frais d’exploitation comprennent :
- les frais de capital, amortissement et intérêts du capital investi, calculés par la méthode
des annuités, et tenant compte de la durée de vie de chaque équipement ;
- les frais de réparation, service et entretien des constructions et équipements dont les
coûts annuels sont calculés en appliquant les taux suivant aux coûts
d’investissements : construction, développement et aménagement (1%), installations
de compostage et digestion (3%), machines et appareils (6%).
- les frais de personnel : montant brut de la main d’œuvre comprenant toutes les charges
sociales ;
- divers frais : assurances (1% des coûts d’investissement), frais administratifs, contrôle
de qualité et élimination des matières résiduelles.

4
TBW Bénélux Ingénieurs Conseils, Othée-Liège

4.20
Ces paramètres varient d’un pays à l’autre et souvent même d’une région à l’autre à l’intérieur
d’un même pays.

4.6.2. Etude de cas : traitement des déchets de la ville de Yaoundé

Yaoundé est une ville d’environ 1,4 millions de personnes. D’après les chiffres actuels de
HYSACAM, entreprise responsable du ramassage des déchets, 220 tonnes de déchets
ménagers sont collectés quotidiennement. Cette quantité ne représente que le tiers des déchets
produits dans la ville et se compose de :
- caoutchouc : 0,1%
- tissu et cuir : 1,6%
- verre et céramique : 2,7%
- ferraille : 3%
- papier et carton : 4%
- plastiques : 4,7%
- débris (gros): 5,3%
- débris (∅<2,5 cm) : 26,5%
- substances organiques : 52,2%.

Cette composition ne fait pas apparaître le sable. Ainsi, une hypothèse raisonnable est de
considérer que la fraction organique biodégradable dans un digesteur correspond à 30% de
l’ensemble, soit environ 66 tonnes de déchets fermentescibles par jour de collecte. En outre,
on suppose 250 jours de collecte par an, ce qui revient à une capacité de traitement anaérobie
de 16.500 tonnes par an et une capacité globale de l’installation d’environ 50.000 tonnes de
déchets par an.
En utilisant un digesteur monoétape basé sur le procédé DRANCO avec digestion
thermophile, la production moyenne de biogaz est de 130 m3 par tonne de substrat. Les coût
d’investissement et d’exploitation nécessaires sont résumés dans le tableau 4.8 et les prix
exprimés en Euros. Les hypothèses sont :
- coût du terrain : 3 €/m² ;
- taux d’intérêt (8%) ;
- durée d’utilisation : construction, développement et aménagement (25 ans),
installation digestion (16 ans), machines et appareils (7 ans) ;
- le poste installation inclut l’unité de réception/broyage, le digesteur, l’alimentation,
vidange, pressage, le stockage de gaz, les mesures et régulation, le cogénérateur pour
la valorisation du gaz, le traitement de l’air extrait, le génie civil et l’installation
électrotechnique.

Le terrain acheté a une superficie de 50.000 m². Le biogaz, formé dans le réacteur et accumulé
dans un gazomètre, est transformé en électricité au moyen d’un moteur à biogaz de puissance
nominale 1 MWe avec un rendement électrique de 33% et thermique de 44%. L’électricité
produite est en partie utilisée pour le fonctionnement de l’installation, le surplus est vendu.
Une partie de la chaleur des moteurs à gaz est utilisée et, à l’aide d’un échangeur, est
transformée en vapeur afin de chauffer le substrat entrant dans le réacteur. On suppose qu’une
entreprise s’installe à côté du site et rachète le surplus de chaleur produite par l’installation de
digestion anaérobie (17900 GJth). Cette chaleur peut être sous forme d’eau chaude ou vapeur
ou encore simultanément sous les deux formes en fonction de l’usage. Le bilan de la
production est résumé dans le tableau 4.8.

4.21
Comme le contenu du compost en métaux lourds dépend de la nature et de la composition des
déchets initiaux, le Humotex contient un taux minimal en métaux lourds, ce qui est atteint par
la collecte sélective des déchets organiques. Le Humotex est vendu en tant qu’amendement de
sol de haute qualité. Comme déjà signalé, selon Meier-Ploeger, l’utilisation d’un compost
« bon, mature », permet d’éviter les 360 MJ/tonne de déchets qui auraient été nécessaires à la
fabrication d’engrais minéraux de valeur nutritive équivalente. Il y aurait alors une économie
d’énergie de 5940 GJ d’énergie primaire.

Investissements [€]
Achat de terrain 150000
Construction 1156462
Développement et aménagement 170000
Installations 4149660
Pesage 41496,6
Grue à grappin/chargeur sur pneus 62244,9
Tamis 41496,6
Investissement total [€] 5621360,1

Coût d'exploitation [€/an]


Frais de capital
achat de terrain 12000,00
construction 92516,96
Développement et aménagement 13600,00
Installations 468911,58
Machines/appareils 33959,18
Réparation, service,entretien
construction 11564,62
Développement et aménagement 1700,00
Installations 124489,80
Machines/appareils 8714,29
Personnel 90000,00
Divers
Assurances 56213,60
Administration 27210,00
Contrôle de qualité 13605,00
Elimination des matières résiduelles 41496,60

Total coûts d'exploitation 995981,627

Tableau 4.8.

Sans vente de chaleur, l’électricité fournie au réseau reviendrait à 0,238 €/kWh, soit
155 FCFA/kWh. Ce coût de revient est à priori très élevé mais une politique volontariste
pourrait ramener ce coût à des valeurs acceptables économiquement.

En supposant une réduction d’émissions équivalente à 1000 kg de CO2 par MWh produit par
une installation de digestion anaérobie, cette installation permettrait au moins une réduction
annuelle de 4200 tonnes de CO2 équivalent. En tenant compte des émissions évitées dans
l’industrie de fabrication des engrais chimiques et par une chaudière classique destinée à la
production de la chaleur vendue, la réduction d’émission s’élève à 6360 tonnes CO2 par an. Il
y a lieu de préciser que les émissions dues au transport des déchets ménagers n’ont pas été
comptabilisées parce qu’elles existeraient toujours en absence de l’installation de
biométhanisation car transportées de toute façon vers les décharges publiques.

4.22
Avec l’hypothèse d’un prix de vente de la chaleur égal à 6 €/GJth utile, le coût de revient du
kilowattheure produit devient 0,212 €/kWh. Une rémunération des émissions évitées et des
subsides pour le traitement des déchets abaisserait encore ce coût. Par exemple, un subside de
10 € la tonne de substrat ramènerait ce coût à 0,173 €/kWh. Les résultats ci-dessus sont
résumés dans le tableau 4.10.

Quantité collectée par jour 220 tonnes/jour


Fraction organique 30%
Quantité fermentescible 66 tonnes/jour
Jours de collecte par an 250
Total fermentescible 16500 tonnes/an
Total collecté 55000 tonnes/an

Production spécifique biogaz 130 m3/tonne MO


PCI du biogaz 24 MJ/m3
Biogaz produit 2145000 m3/an
Valorisation du biogaz
rendement électrique 33%
rendement thermique 44%
Electricité produite 4719000 kWh/an
Chaleur produite 6292000 kWhth/an
Besoins énergétiques du site
Chaleur spécifique 80 kWh/tonne/an
Electricité spécifique 32 kWh/tonne/an
Chaleur autoconsommée 1320000 kWhth/an
Electricité autoconsommée 528000 kWh/an
Production nette
Electricité fournie au réseau 4191000 kWh/an
Chaleur fournie aux tiers 4972000 kWhth/an

Tableau 4.9 : Bilan de production d’une installation de digestion anaérobie valorisant les déchets
ménagers de Yaoundé.

Coût électricité sans vente de chaleur 0,238 €/kWh


Prix chaleur 6 €/GJth
Vente chaleur 107395,2 €/an
Production nette de chaleur en GJ 17899,2 GJth
CO2 évité dans une chaudière classique 1671 tCO2/an
CO2 évité du à l'électricité nette 4191 tCO2/an
CO2 évité dû à l'utilisation du compost 499 tCO2/an
Energie économisée/engrais chimique 5940 GJp/an
Coût électricité avec vente de chaleur 0,212 €/kWh
Total CO2 évité 6361 tCO2/an
Subside éventuel 10 €/tonne substrat
Subside 165000 €/an
Coût de revient de l'électricité 0,173 €/kWh

Tableau 4.10 : Coût de revient de l’électricité produite dans une installation de digestion
anaérobie des déchets ménagers collectés dans la ville de Yaoundé.

4.23
4.7. Conclusions

Ce chapitre a permis d’identifier les secteurs susceptibles d’être intéressants pour la filière
biométhanisation au Cameroun. En particulier, le traitement des déchets ménagers et
d’abattoirs dans les grandes villes a fait l’objet de deux études de cas qui ont illustré le
potentiel de réduction des émissions de CO2 par cette filière, 800 à 1380 kgCO2 par MWh
d’électricité fournie au réseau. Si le surplus de chaleur n’est pas valorisée, la réduction
d’émission n’est plus que de 730 - 890 kgCO2 par MWh d’électricité nette produite.
Le coût de revient de l’électricité produite n’est pas en faveur de la filière biométhanisation si
tous les coûts sont alloués à la production d’énergie. En réalité, la fonction première de cette
technologie est le traitement de déchets d’où la nécessité de prendre en compte les avantages
environnementaux qui pourraient être à l’origine de subsides et concevoir les installations en
intégrant sur le site des potentiels consommateurs de chaleur de manière à assurer une
valorisation complète du surplus de chaleur disponible.
Le potentiel a été réalisé pour les différentes catégories d’intrants recensés. Pour chaque
catégorie, nous avons utilisé les ratios disponibles dans la littérature et auprès de fabricants
d’unités de biométhanisation. Par exemple, pour la culture de bananes, les déchets valorisés
sont les troncs et feuilles de bananiers. Leur quantité a été évalué selon le ratio d’usage en
fonction de la production de bananes. Ensuite les valeurs moyennes de production de biogaz à
partir du substrat ont été utilisées pour calculer le potentiel de production de biogaz. Les
plantations industrielles étant regroupées dans la zone du Moungo, à l’ouest de Douala, leur
valorisation dans de grandes installations industrielles serait même envisageable. Pour le
calcul de l’électricité produite, il a été considéré un moteur de rendement net 30%.
Dans la partie septentrionale, le cheptel bovin est très important. L’évaluation du potentiel de
biogaz dans ce secteur n’a tenu compte que des 20% du cheptel qui sont sédentarisés, soit
environ 900 mille têtes avec un potentiel de production de biogaz compris entre 40 et 60 litres
par bovin et par jour, ce qui est très modeste car obtenu avec les petits biodigesteurs en
Guinée.
Avec une production de quatre millions d’hectolitres de bière par an, le secteur brassicole
camerounais a une production annuelle de 1,6 à 48 millions de m3 d’effluents avec une
concentration de 2,3 à 3 gDCO/litre. En considérant le rendement théorique de conversion de
la matière organique en méthane (0,34 m3CH4/kgDCO) et une digestibilité des substrats
limitée à 70%, la production annuelle de méthane qu'il serait possible de récupérer à partir des
effluents des 4 brasseries camerounaises varie entre 1 et 30 millions de m3, soit environ
l’équivalent de 36 à 1080 TJ de biogaz.
Le potentiel estimé dans les secteurs principalement exploitables au Cameroun est résumé
dans le tableau 4.11.

Biogaz [TJ] Electricité [GWh /an]


Culture de bananes 2275- 4570 190 – 380
Fraction organique des déchets urbains 300 – 660 30 - 60
Brasseries et industries agroalimentaires 36 – 1080 3 – 100
Abattoirs 12 - 150 1 - 12,5
Elevage 260 – 390 72 – 108
Total 2885 – 6850 296 – 660
Tableau 4.11 : Potentiel de production de biogaz au Cameroun.

4.24

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