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KluwerArbitration

Document information Le nouveau règlement d'arbitrage de la Chambre de


commerce internationale (CCI)
Publication Pierre Mayer ; Eduardo Silva Romero
Revue de l'Arbitrage (★ )
Abstract
Organization Le nouveau Règlement d'arbitrage de la CCI, qui est entré en vigueur le 1er janvier 2012, est
International Court of avant tout une réponse à certaines critiques de manque de transparence et d'efficacité. Le
Arbitration of the Règlement de 2012 transforme, d'une part, des pratiques concernant l'arbitrage complexe
International Chamber of (multipartite, multi-contrat) et l'arbitrage d'investissement en règles dudit Règlement afin
Commerce de les rendre plus transparentes. D'autre part, le Règlement de 2012 adopte de nouvelles
règles sur la gestion de l'arbitrage CCI, cherchant à le rendre plus efficace. L'introduction
dans le nouveau Règlement de l'arbitre d'urgence est particulièrement notable.
Topics 1. Un nouveau règlement d'arbitrage de la CCI est entré en vigueur le 1er janvier 2012 ((1))
Investment Arbitration (ci-après le “ Règlement de 2012 ”). Son texte, révélé au public lors d'une conférence à
Paris en septembre 2011, est le résultat du travail mené par la Commission d'arbitrage de
la CCI (la “ Commission ”) au cours de ces trois dernières années. En effet, depuis 2008,
c'est-à-dire dix ans après l'entrée en vigueur du Règlement d'arbitrage de la CCI de 1998
Bibliographic (le “ Règlement de 1998 ”), la Cour internationale d'arbitrage de la CCI (la “ Cour ”) et la
reference Commission se sont interrogées, faisant écho à des suggestions faites par le Comité
Pierre Mayer and Eduardo national français de la CCI, sur le besoin de reformer le système d'arbitrage de
Silva Romero, 'Le nouveau l'institution.
règlement d'arbitrage de la 2. Afin de déterminer si un tel besoin existait, la Commission, organe dit “ législatif ” de la
Chambre de commerce CCI, a, conformément à sa pratique, constitué un Groupe de Travail ou “ Task Force ”. Ce
internationale (CCI)', Revue dernier a été chargé, en particulier, de décider si et, dans l'affirmative, dans quelle
de l'Arbitrage, (© Comité mesure le Règlement de 1998 devait être reformé. Ce Groupe de Travail, présidé par MM.
Français de l'Arbitrage; Peter Wolrich, Laurie Craig et Michael Bühler, était composé de plus de 150 membres,
Comité Français de spécialistes de l'arbitrage et désignés par tous les comités nationaux de la CCI. Le
l'Arbitrage 2011, Volume nombre très important de membres du Groupe de Travail a conduit la Commission à
2011 Issue 4) pp. 897 - 922 mettre en place, afin d'accélérer et de faciliter les travaux, un Comité Spécial de
Rédaction ou “ Drafting Special Committee ” (le “ DSC ”) formé, à son tour, par les
présidents du Groupe de Travail, les vice-présidents de la Commission, le Président de la
Cour, son Secrétaire général, d'autres membres du Secrétariat de la Cour ainsi que par
des représentants des usagers de l'arbitrage CCI, des conseils intervenant dans des
arbitrages CCI et des arbitres CCI ((2)) . La responsabilité du DSC consistait à formuler des
propositions de réforme. Les propositions, une fois acceptées par le Groupe de Travail,
étaient ensuite soumises à la Commission pour approbation finale.
P 899
3. Le DSC a in limine décidé de ne pas réformer le système d'arbitrage de la CCI
structurellement. Son principe directeur, formulé avec une rare précision par le
pragmatisme anglo-saxon, était “ if it is not broken, do not fix it ”. Le DSC a, en effet,
d'abord constaté que le système d'arbitrage de la CCI, grâce notamment à sa flexibilité
qui le rend adaptable aux procédures quel que soit le pays dans lequel elles se
déroulent, fonctionnait très bien dans sa version de 1998 et qu'il n'était donc pas
nécessaire de le repenser. En conséquence, le DSC, le Groupe de Travail et la Commission
(ci-après les “ rédacteurs ”) ont décidé de conserver les caractéristiques essentielles de
l'arbitrage CCI, à savoir : le contrôle prima facie de l'existence d'une convention
d'arbitrage CCI par la Cour ((3)) ; la nomination d'arbitres uniques et de présidents de
tribunaux arbitraux sur proposition des comités nationaux de la CCI ((4)) ; l'établissement
d'un acte de mission ((5)) et l'examen préalable du projet de sentence arbitrale par la
Cour ((6)) . On a toutefois décidé, ainsi que cela sera expliqué plus loin ((7)) , de mieux
définir les limites de l'examen prima facie effectué par la Cour — levant par là toute
ambiguïté quant au rôle purement administratif de la Cour et de son Secrétariat à cet
égard ((8)) — et de rendre moins déterminante la fonction de l'acte de mission étant
donné l'apparition, dans le nouveau Règlement, de la “ conférence de gestion de
l'arbitrage ”.
4. Les rédacteurs ont organisé des journées de travail pour entendre et apprécier toute
critique adressée à l'encontre de l'arbitrage CCI. Ils ont été principalement sensibles aux
deux critiques majeures les plus fréquemment soulevées. D'une part, les usagers de
l'arbitrage CCI et les praticiens (conseils ou arbitres) ont maintes fois affirmé que
l'application du Règlement de 1998 n'était pas, à une époque comme la nôtre où la “
transparence ” est devenue — à tort ou à raison — une nécessité, empreinte de cette
qualité. A cela s'est ajouté le fait que le système d'arbitrage de la CCI n'est pas formé par
P 900 les seules dispositions du Règlement de 1998 mais également par toute une série de “
pratiques ” — c'est-à-dire d'applications concrètes plus ou moins répétées desdites

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dispositions du Règlement — dont les tenants et les aboutissants ne sont connus que de
ceux, plus ou moins privilégiés, participant aux travaux de la Cour en tant que membres
de celle-ci ou de son Secrétariat. D'autre part, on a très souvent déploré le fait, avéré ou
non, que l'arbitrage CCI devenait de plus en plus lent et coûteux, en d'autres termes
inefficace. Le Règlement de 2012 vise à répondre à ces deux critiques. Dans un sens,
opérant le passage de la pratique à la règle, il vise à rendre le système d'arbitrage de la
CCI plus transparent (I). Dans l'autre sens, allant de la règle vers de nouvelles pratiques,
il tend à rendre le système d'arbitrage de la CCI plus efficace (II).

I – De La Pratique A La Règle : Plus De Transparence Dans Le Nouveau


Règlement D'arbitrage De La Cci
5. Suivant en l'espèce une approche que l'on pourrait appeler “ sociologique ”, les
rédacteurs ont assemblé des données sur le fonctionnement de l'arbitrage CCI, y compris
sur certaines pratiques de la Cour, et ont décidé, en modifiant le Règlement de 1998 ou
en y ajoutant des nouvelles dispositions, de le rendre plus transparent.
6. Ainsi, l'observation du fonctionnement in concreto de l'arbitrage CCI a en particulier
donné lieu à deux modifications du Règlement de 1998.
7. Tout d'abord, la CCI a pu remarquer la tendance malencontreuse de certaines parties à
s'accorder, dans leur convention d'arbitrage, afin que “ l'arbitrage conformément au
Règlement d'arbitrage de la CCI soit administré par une institution autre que la CCI ”. Les
articles 1(2) et 6(2) du Règlement de 2012 soulignent désormais que “ [l]a Cour est le seul
organisme autorisé à administrer les arbitrages soumis au Règlement, et notamment à
examiner et approuver les sentences rendues conformément au Règlement ” et que, “ en
convenant d'avoir recours à un arbitrage selon le Règlement, les parties acceptent qu'il soit
administré par la Cour ”. Ces deux dispositions expriment sans ambages une très forte
position de principe de la CCI, mais leurs effets juridiques doivent encore être définis ;
elles n'ont pas vocation à résoudre les problèmes d'interprétation posés par les clauses
P 901 combinées qui sont à l'origine de la nouvelle rédaction. L'interprète doit-il conclure
que la référence à un autre centre d'arbitrage doit être comprise comme une référence à
la CCI ? Doit-il, à l'inverse, conclure que la référence au Règlement de la CCI doit être
comprise comme une référence au règlement de l'autre institution ? Le principe de
l'effet utile inviterait plutôt l'interprète à d'autres conclusions ((9)) .
8. Ensuite, la récente jurisprudence française en matière de responsabilité des
institutions d'arbitrage et les commentaires doctrinaux y afférents ((10)) ont incité les
rédacteurs à réviser l'article 34 du Règlement de 1998 qui énonçait une clause
d'exclusion de responsabilité en faveur de tous ceux qui interviennent dans un arbitrage
CCI au titre de cette institution (les arbitres, les membres de la Cour, etc.). L'article 40 du
Règlement de 2012 contient dorénavant une clause dite “ limitative ” de responsabilité
qui en réalité énonce que ces personnes “ ne sont responsables ” d'aucun fait, acte ou
omission en relation avec un arbitrage, et se borne à réserver le cas où la loi applicable
interdit une “ telle limitation ” ; là est la nouveauté. En pratique, selon la loi de la plupart
des pays, elles seront seulement responsables pour dol ou pour faute lourde.
9. Les rédacteurs ont par ailleurs tenu à faire état dans certaines dispositions du
Règlement de 2012 de trois pratiques fréquemment adoptées dans les arbitrages CCI.
Tout d'abord, l'article 3(2) prévoit maintenant expressément la possibilité d'échanger
des communications par courrier électronique, solution de facto adoptée dans la
plupart, voire dans la totalité des affaires d'arbitrage CCI. Ensuite, l'article 12(5) du
Règlement de 2012 dispose que, pour le cas où les parties délégueraient aux co-arbitres
le choix du président du tribunal arbitral, les co-arbitres doivent procéder à ladite
nomination dans un délai de 30 jours. Ce délai n'était pas mentionné expressément dans
le Règlement de 1998. La Cour devait par conséquent souvent fixer un délai pour que les
co-arbitres désignent le président, ce qui entraînait une perte de temps. Enfin, l'article
17 du Règlement de 2012, consacrant une autre pratique assez répandue dans l'arbitrage
CCI, prévoit que, “ [à] tout moment après l'introduction de l'arbitrage, le tribunal arbitral
ou le Secrétariat peuvent exiger une preuve du pouvoir de tout représentant d'une partie ”.
P 902
10. D'autres pratiques de la Cour, même si elles n'étaient pas évoquées par le Règlement,
avaient été divulguées, à l'initiative d'organes de la CCI, par le biais de notes ((11)) et
d'articles. Ceci est particulièrement vrai à l'égard de la principale problématique que le
Règlement de 2012 résout, à savoir celle de l'arbitrage dit “ complexe ” ((12)) (A). Au moins
à deux reprises, des membres du Secrétariat de la Cour ont, en effet, publié des articles
dans lesquels les pratiques de la Cour relatives à l'arbitrage multipartite ou multi-
contrats ont été décrites ((13)) . Il a cependant été considéré que ces publications
n'étaient pas suffisamment diffusées et que, pour satisfaire le besoin de sécurité
juridique, encore fallait-il que ces pratiques deviennent des règles.
11. D'autres articles, à compter d'un premier texte élaboré par M. Karl-Heinz Böckstiegel
((14)) , ont de même visé à vulgariser les pratiques adoptées par la Cour lors de
l'administration d'arbitrages CCI impliquant des Etats ou, plus généralement, des
personnes morales de droit public ((15)) . Allant plus loin, les rédacteurs ont décidé de
modifier certaines dispositions du Règlement de 1998 afin notamment d'éliminer tout

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obstacle au choix du Règlement d'arbitrage de la CCI dans le cadre des traités bilatéraux
de promotion et de protection d'investissements (“ TBIs ”) (B).
P 903

A) La consécration des pratiques de la Cour en matière d'arbitrage “ complexe ”


12. La principale nouveauté du Règlement de 2012, sans doute celle qui va appeler le
plus d'ajustements en pratique, est l'ajout d'un régime assez détaillé de l'arbitrage dit “
complexe ”. L'arbitrage “ complexe ” comprend, au sein de l'arbitrage CCI, deux
problématiques qui se trouvent pour la première fois réglementées dans le Règlement
de 2012, à savoir la possibilité d'accumuler dans une seule procédure des demandes
découlant de plusieurs contrats (2° ) et l'intervention de “ nouvelles parties ” à
l'arbitrage (3° ). Mais il convient auparavant de mentionner une importante modification
dans la procédure de saisine de la Cour, qui concerne non seulement les hypothèses
d'arbitrage complexe mais aussi celles, plus classiques, où une partie soulève un moyen
relatif à l'existence, la validité ou la portée de la convention d'arbitrage (1° ).
1°) La procédure de saisine de la Cour en vue d'un examen prima facie
13. Le Secrétariat de la Cour a constaté, par le biais d'une étude statistique, que la
plupart des demandes des parties, visant à ce que la Cour décide que l'arbitrage ne peut
pas avoir lieu parce qu'il n'y aurait pas, prima facie, de convention d'arbitrage CCI, ne
sont pas acceptées et que, par conséquent, ces questions sont la plupart du temps
transmises au tribunal arbitral pour décision définitive. La soumission de ces questions à
la Cour serait, en d'autres termes, par trop souvent une perte de temps.
14. Ce constat, combiné au souhait que l'arbitrage CCI soit plus efficace, a conduit les
rédacteurs à limiter le nombre des questions prima facie que la Cour devrait examiner et
décider. Pour ce faire, l'article 6(3) du Règlement de 2012 prévoit que, “ [l]orsqu'une
partie contre laquelle une demande a été formée ne répond pas à cette demande ou soulève
un ou plusieurs moyens relatifs à l'existence, la validité ou la portée de la convention
d'arbitrage ou relatifs à la possibilité de soumettre l'ensemble des demandes à un arbitrage
unique, l'arbitrage aura lieu et toute question relative à la compétence ou à la possibilité de
soumettre l'ensemble des demandes à un arbitrage unique sera tranchée directement par le
tribunal arbitral, à moins que le Secrétaire général ne soumette la question à la décision de
la Cour conformément à l'article 6, paragraphe 4 ”.
P 904
15. Ainsi le principe du Règlement de 2012, à la différence de celui du Règlement de 1998
suivant lequel toute question prima facie devait inexorablement être soumise à la Cour,
est que, dans les situations décrites à l'article 6(3) du Règlement de 2012, la résolution
de ces questions doit être confiée directement au tribunal arbitral. Selon cet article, il
appartient, par voie d'exception, au Secrétaire général de la Cour, ce qui est une
nouveauté, de décider s'il convient, avant de transmettre ces questions au tribunal
arbitral, de demander une analyse prima facie de cellesci à la Cour. Très probablement,
ces situations seront celles où il existerait une possibilité que la Cour décide que prima
facie l'arbitrage ne peut pas du tout avoir lieu, ou ne peut avoir lieu à l'égard de toutes
les demandes. Il nous semble que, en pratique, les quatre situations dans lesquelles le
Secrétaire général devra transmettre le dossier à la Cour sont (i) lorsque la convention
d'arbitrage désigne un règlement d'arbitrage différent de celui de la CCI, (ii) lorsque la
demanderesse dirige sa demande d'arbitrage contre une ou plusieurs parties qui n'ont
pas souscrit la convention d'arbitrage (il serait particulièrement souhaitable que le
Secrétaire général transmette à la Cour les questions prima facie résultant des tentatives
des parties demanderesses d'étendre les effets de la convention d'arbitrage à des Etats
souverains qui ne l'ont pas souscrite), (iii) lorsque la demanderesse commence
l'arbitrage sur la base de plusieurs contrats et (iv) lorsque une partie cherche à faire
intervenir un tiers comme partie à l'arbitrage. Les deux premières situations n'ayant
donné lieu à aucune précision nouvelle, seules les deux dernières seront examinées.
2°) La possibilité de réunir dans une seule procédure des demandes découlant de
plusieurs contrats
16. La problématique de la réunion de demandes dans l'arbitrage “ complexe ” est
traitée différemment par le Règlement de 2012 selon que la demanderesse fonde sa
demande d'arbitrage sur plusieurs contrats (a) ou que la demanderesse a décidé de
commencer autant d'arbitrages qu'il y a de contrats en présence (b).
a) La “ méta-convention d'arbitrage ” dans le Règlement de 2012
17. Avant le Règlement de 2012, se posait la question de savoir si des objections à la
réunion dans une seule procédure de demandes provenant de plusieurs contrats se
rapportaient à l'existence ou à la portée de la convention d'arbitrage et devaient par
conséquent être soumises à l'analyse prima facie de la Cour.
P 905
18. D'aucuns soutenaient que ce type d'objection ne soulevait pas une question prima
facie concernant l'existence, la validité ou la portée de la convention d'arbitrage mais un

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problème de compatibilité des clauses compromissoires insérées dans les différents
contrats en question et que, en présence d'une objection à cette réunion, la Cour et son
Secrétariat devaient se limiter à transmettre le dossier au tribunal arbitral, qui aurait
entre autres à résoudre la question du bien-fondé de l'objection.
19. D'autres affirmaient que, lorsqu'une partie défenderesse objectait à la réunion dans
une seule procédure de demandes découlant de plusieurs contrats, cette objection
posait une question soit d'existence de la convention d'arbitrage soit de portée de celle-
ci. Pour eux, en effet, une telle objection supposait de déterminer s'il existait ce que
nous proposons d'appeler une “ méta-convention d'arbitrage ” englobant, même si elles
provenaient de contrats distincts, toutes les demandes soumises.
20. Cette seconde position a été adoptée par la Cour. Elle a dans ce sens développé une
pratique pour déterminer si une telle “ méta-convention d'arbitrage ” existait prima
facie. Ainsi elle a identifié trois conditions qui devaient être remplies pour que des
demandes découlant de contrats distincts puissent être réunies dans une seule
procédure, à savoir (i) que les contrats en question aient été conclus par les mêmes
parties, (ii) que les clauses de résolution de litiges contenues dans les différents contrats
soient compatibles et (iii) que tous les contrats de l'espèce aient trait à la même
opération économique (“ same economic transaction ”) ((16)) .
21. Il apparaît que la CCI a décidé de transformer cette pratique en règle en la modifiant
sensiblement dans le Règlement de 2012. Son article 6(4) prévoit en effet que, “ [d]ans
tous les cas soumis à la Cour [par le Secrétaire général] conformément à l'article 6,
paragraphe 3, la Cour décide si, et dans quelle mesure, l'arbitrage aura lieu. L'arbitrage aura
lieu si et dans la mesure où, prima facie, la Cour estime possible qu'il existe une convention
d'arbitrage visant le Règlement. Notamment : […] (ii) lorsque des demandes au titre de
P 906 l'article 9 sont formées en application de plusieurs conventions d'arbitrage, l'arbitrage
aura lieu relativement aux demandes pour lesquelles, prima facie, la Cour estime possible
(a) que les conventions d'arbitrage en application desquelles elles sont formées sont
compatibles et (b) que toutes les parties à l'arbitrage sont convenues de les faire trancher
dans un arbitrage unique ”. Le nouvel article 9 dispose, à son tour, que, “ [s]ous réserve des
dispositions des articles 6, paragraphes 3 à 7, et 23, paragraphe 4, des demandes découlant
de plusieurs contrats ou en relation avec ceux-ci peuvent être formées dans le cadre d'un
arbitrage unique, qu'elles soient formées en application d'une ou de plusieurs conventions
d'arbitrage visant le Règlement ”. Ces nouvelles dispositions appellent trois séries
d'observations ((17)) .
22. Tout d'abord, il est important de remarquer que l'article 6(4)(ii) du Règlement de
2012 fait référence à deux types différents de conventions d'arbitrage. D'une part, cette
disposition se réfère aux différentes clauses compromissoires insérées dans les
différents contrats en question. D'autre part, cet article consacre un concept, jugé
indispensable pour fonder juridiquement la réunion de demandes découlant de
plusieurs contrats dans un seul arbitrage, d'une convention d'arbitrage implicite qui
engloberait toutes ces demandes. Ce concept de “ méta-convention d'arbitrage ” est
esquissé par l'article 6(4)(ii)(b) du Règlement de 2012 lorsqu'il conditionne la réunion des
demandes à ce que toutes les parties à l'arbitrage soient convenues de les faire trancher
dans un arbitrage unique.
23. Ensuite, étant donné la nature implicite de la “ métaconvention d'arbitrage ”, la Cour,
afin de déterminer, prima facie, si la réunion des demandes peut avoir lieu, devra vérifier
que les clauses compromissoires insérées dans les contrats ne sont pas incompatibles
(article 6(4)(ii)(a) du Règlement de 2012) et trouver des critères qui la guideront pour
conclure si une “ méta-convention d'arbitrage ” existe en l'espèce.
24. L'exigence de compatibilité des clauses compromissoires insérées dans les contrats
en question n'est qu'une consécration de la pratique développée sous l'empire du
P 907 Règlement de 1998. En conséquence, il nous semble légitime d'affirmer, à l'instar des
articles écrits sur ladite pratique ((18)) , que les clauses compromissoires en présence
seront notamment considérées comme incompatibles (i) lorsqu'elles désignent des
sièges de l'arbitrage différents, (ii) lorsqu'elles prévoient un nombre d'arbitres différent
et (iii) lorsqu'elles prévoient des méthodes de constitution du tribunal arbitral
différentes. Il en résulte que, lorsque les clauses compromissoires en question prévoient
des droits applicables au fond du litige ou des langues de la procédure arbitrale
différents, celles-ci ne seraient pas jugées incompatibles.
25. S'agissant de déterminer s'il peut exister, prima facie, une “ meta-convention
d'arbitrage ”, on doit constater que le Règlement de 2012 ne pose pas, du moins
explicitement, les deux autres conditions mentionnées ci-dessus de la pratique de la
Cour, c'est-à-dire (i) l'exigence que les parties à tous les contrats en cause soient les
mêmes et (ii) le fait que tous les contrats soient liés à une même opération économique.
La question se pose de savoir si les rédacteurs ont adopté une position très libérale et
voulu donc que la Cour ait la possibilité de décider que des demandes provenant de
contrats différents passés par des parties différentes puissent être réunies dans un
arbitrage unique. L'intérêt d'une bonne administration de la justice plaide pour la
possibilité que des demandes ayant leur origine dans un groupe de contrats, impliquant
plusieurs sociétés appartenant à un même groupe, puissent être examinées dans un seul
arbitrage. Il faut probablement prendre en compte ici l'article 6(4)(i) du Règlement de

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2012, relatif aux arbitrages multipartites, qui admet que puissent être réunies dans une
même procédure des demandes intéressant plus de deux parties lorsqu'il est prima facie
possible “ qu'il existe une convention d'arbitrage les liant toutes et visant le Règlement ”.
Pourraient être ainsi réunies des demandes mettant en jeu une situation à la fois multi-
contrats et multipartite si, par exemple, il existait un contrat-cadre signé par toutes les
parties, et si les contrats d'application, signés par des parties parfois différentes de l'un
à l'autre, contenaient des clauses compromissoires toutes identiques, ou compatibles
avec la clause compromissoire contenue dans le contrat cadre.
P 908
26. Il faut cependant reconnaître, et c'est paradoxal, que le désir de rendre le système
d'arbitrage de la CCI plus transparent et plus lisible est quelque peu contrarié par la
volonté de laisser à la Cour une grande liberté dans la mise en œuvre de critères dont la
combinaison n'est pas toujours évidente.
27. Enfin, se pose la question de savoir si, dans les cas où la Cour, soit ne serait pas saisie,
soit déciderait que la réunion de demandes peut, sur un plan prima facie, avoir lieu, le
tribunal arbitral, qui, conformément à l'article 6(5) du Règlement de 2012, conserve le
pouvoir de prendre toute décision sur sa propre compétence, devrait suivre et appliquer
les dispositions de l'article 6(4)(i) et (ii) pour trancher la question de la réunion des
demandes. Il nous semble que, même si ces dispositions n'engagent que la Cour, le
tribunal arbitral, afin de préserver une certaine cohérence logique du système
d'arbitrage de la CCI, devrait tout au moins s'en inspirer.
b) La jonction d'arbitrages dans le Règlement de 2012
28. La demanderesse peut choisir une stratégie différente. Elle peut, en effet, commencer
autant d'arbitrages qu'il y a de contrats et de clauses compromissoires en présence.
Dans cette hypothèse, la demanderesse peut par la suite demander que la Cour
prononce la jonction des différents arbitrages introduits. Le nouvel article 10 du
Règlement de 2012 réglemente cette situation, et mérite trois séries de remarques.
29. Tout d'abord, l'article 10 du Règlement de 2012 comporte une modification
importante par rapport à l'article 4(6) du Règlement de 1998. Cette dernière disposition
conditionnait la jonction d'arbitrages à ce que l'acte de mission n'ait été ni signé ni
approuvé par la Cour dans aucun des arbitrages en cause. Conformément à l'article 10 du
Règlement de 2012, la jonction d'arbitrages pourra désormais être ordonnée par la Cour
même si l'acte de mission a déjà été signé ou approuvé par celle-ci dans un ou plusieurs
des arbitrages concernés. Cet assouplissement de la règle de la jonction d'arbitrages
comporte, néanmoins, un tempérament. L'article 10, en effet, dispose que, “ [e]n se
prononçant sur une demande de jonction, la Cour peut tenir compte de toutes circonstances
qu'elle estime pertinentes, y compris le fait qu'un ou plusieurs arbitres ont déjà été
confirmés ou nommés dans plusieurs des arbitrages et, le cas échéant, que les personnes
confirmées ou nommées sont ou non les mêmes ”.
P 909
30. Ensuite, l'article 10 du Règlement de 2012 précise que la Cour peut, à la demande de
l'une des parties, joindre plusieurs arbitrages dans trois cas : (i) si les parties sont
convenues de la jonction, (ii) si toutes les demandes formées dans les arbitrages en
cause l'ont été en application de la même convention d'arbitrage et (iii) “ si, lorsque les
demandes ont été formées en application de plusieurs conventions d'arbitrage, les
arbitrages intéressent les mêmes parties et portent sur des différends découlant du même
rapport juridique et la Cour considère que les conventions d'arbitrage sont compatibles ”.
31. Les deux premières hypothèses ne sont pas propres aux situations complexes. Il
arrive que, sur la base d'un seul contrat, et entre deux mêmes parties, deux demandes
soient parallèlement formées, soumises à deux tribunaux différents. Il sera alors
opportun de les réunir, si les procédures ne sont pas trop avancées.
32. La dernière hypothèse, propre aux situations multicontrats, appelle, quant à elle,
deux observations particulières.
Il est d'abord intéressant de remarquer que les conditions pour la jonction d'arbitrages
semblent être beaucoup plus exigeantes que les conditions posées pour la réunion de
demandes découlant de plusieurs contrats dans un seul arbitrage par le biais d'une
seule demande d'arbitrage. Pour la jonction d'arbitrages, en effet, encore faut-il, en
dehors des deux premières hypothèses qui sont encore plus exigeantes, que les parties
aux contrats concernés soient les mêmes et que les arbitrages en cause découlent du
même rapport juridique. Il est à notre avis dommage, du point de vue de la bonne
administration de la justice, que la CCI n'ait pas, en particulier, saisi l'opportunité de
cette réforme du Règlement pour remplacer la condition de “ lien avec le même rapport
juridique ” par celle d'“ appartenance à la même opération économique ”.
On pourrait par ailleurs avoir l'impression que, pour la jonction d'arbitrages, il n'est pas
nécessaire, à la différence de ce qui est requis pour l'accumulation de demandes, que la
Cour détermine l'existence d'une “ méta-convention d'arbitrage ”. Il n'en est rien. Nous
comprenons les exigences de rattachement au même rapport juridique et de
compatibilité des conventions d'arbitrage comme des indices explicités dans le

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Règlement de 2012 qui démontreraient la volonté des parties de soumettre toutes les
demandes découlant de tous les contrats en cause à un seul arbitrage, c'est-à-dire
l'existence d'une “ méta-convention d'arbitrage ”.
P 910
33. Enfin, le dernier paragraphe de l'article 10 du Règlement de 2010 prévoit que, “
[l]orsque les arbitrages sont joints, ils le sont dans l'arbitrage qui a été introduit en premier,
à moins que toutes les parties n'en conviennent autrement ”. En résultent une remarque et
une question. D'une part, cette règle vise à résoudre un problème d'ordre psychologique
que les parties soulevaient lorsque, en particulier, une partie était demanderesse dans
l'un des arbitrages, la partie adverse était demanderesse dans l'autre procédure et les
deux parties voulaient être qualifiées de demanderesse principale dans l'affaire
consolidée. Désormais, il est clair que la demanderesse principale est celle qui a
introduit sa demande la première. D'autre part, se pose la question de savoir si cette
disposition doit être interprétée dans le sens que, s'il existe des tribunaux arbitraux déjà
constitués dans plusieurs des arbitrages concernés, c'est le tribunal de l'affaire qui a été
introduite la première qui l'emporte, même s'il n'a été constitué qu'après l'autre.
3°) L'intervention de “ nouvelles parties ” à l'arbitrage
34. Avant le Règlement de 2012, le Règlement d'arbitrage de la CCI a toujours été
structuré pour encadrer des litiges opposant une partie demanderesse à une partie
défenderesse, c'est-à-dire des litiges bipolaires. Toutefois, les textes demeurent tels
qu'ils ont été écrits tandis que les hommes, eux, ne se reposent jamais ((19)) . Ainsi les
litiges multipolaires sont-ils de plus en plus fréquents, et la CCI s'est vue confrontée à de
nouveaux problèmes pour lesquels le Règlement de 1998 ne comportait pas de solutions.
Le principal de ces problèmes a surgi à cause de demandes de jonction d'une “ nouvelle
partie ” à l'arbitrage.
35. Pendant longtemps, la Cour s'est bornée à refuser ces demandes de jonction,
considérant que seule la partie demanderesse était autorisée par le Règlement à
désigner les parties à la procédure arbitrale ((20)) . Les tenants de cette position ((21))
P 911 ajotaient que l'acceptation d'une demande de jonction entraînerait des problèmes
insolubles quant à la constitution d'un tribunal arbitral de trois membres et le partage
de la provision pour frais de l'arbitrage entre les parties. Face à la critique selon laquelle
une telle position allait à l'encontre du principe de l'égalité des parties, ses partisans
répondaient, tout simplement, que les défenderesses qui voulaient attraire une “
nouvelle partie ” à l'arbitrage avaient toujours le droit de commencer un arbitrage
autonome contre celle-ci. Cette réponse, néanmoins, n'était pas du tout satisfaisante au
regard de l'intérêt d'une bonne administration de la justice. C'est la raison pour laquelle
la Cour, sur la base de l'article 35 du Règlement de 1998 ((22)) , a développé une pratique
((23)) relative à la jonction de “ nouvelles parties ” soumise à trois conditions. En premier
lieu, la Cour a décidé d'accepter des demandes de jonction d'une “ nouvelle partie ” si et
seulement si celle-ci avait signé le contrat contenant la convention d'arbitrage sur le
fondement de laquelle la demande d'arbitrage avait été introduite. Cette première
condition de la pratique de la Cour a été critiquée. Elle créait, en effet, une différence de
traitement entre demanderesses et défenderesses dans la mesure où seules les
premières avaient le droit d'introduire leur demande d'arbitrage, non seulement contre
des parties signataires, mais aussi contre des parties non signataires mais ayant pourtant
participé activement à la négociation, la conclusion, l'exécution ou la résiliation du
contrat comprenant ladite convention d'arbitrage. Par la suite, la pratique de la Cour
s'était néanmoins assouplie à cet égard. En deuxième lieu, la Cour n'a accepté la jonction
de “ nouvelles parties ” que lorsque la défenderesse dirigeait des demandes contre la “
nouvelle partie ” ; en d'autres termes, un litige concernant la “ nouvelle partie ” devait
exister pour que celle-ci puisse être attraite à l'arbitrage. En dernier lieu, la demande de
jonction d'une “ nouvelle partie ” devait être présentée avant que le tribunal arbitral ne
soit formé, c'est-à-dire, en pratique, avant que les co-arbitres ne soient confirmés.
P 912
36. Le Règlement de 2012 consacre la pratique décrite ci-dessus en la modifiant
légèrement. L'article 7 (dont les paragraphes 2 à 4 comprennent des règles de procédure
qui n'appellent pas de développements spécifiques) dispose, dans son premier
paragraphe, ce qui suit : “ [l]a partie souhaitant faire intervenir un tiers comme partie à
l'arbitrage (la “ partie intervenante ”) soumet au Secrétariat une demande d'arbitrage
contre celle-ci (la “ Demande d'intervention ”). La date de réception de la Demande
d'intervention par le Secrétariat est considérée, à toutes fins, comme celle d'introduction de
l'arbitrage contre la partie intervenante. Toute intervention est soumise aux dispositions des
articles 6, paragraphes 3 à 7, et 9. Aucune intervention ne peut avoir lieu après la
confirmation ou la nomination d'un arbitre, à moins que toutes les parties, y compris la
partie intervenante, en soient convenues autrement […] ”. Par ailleurs, l'article 6(4)(i),
applicable à la question de l'intervention, prévoit que, “ [d]ans tous les cas soumis à la
Cour [par le Secrétaire général] conformément à l'article 6, paragraphe 3, la Cour décide si,
et dans quelle mesure, l'arbitrage aura lieu. L'arbitrage aura lieu si et dans la mesure où,
prima facie, la Cour estime possible qu'il existe une convention d'arbitrage visant le
Règlement. Notamment : (i) lorsque l'arbitrage intéresse plus de deux parties, il aura lieu
entre les parties, y compris les parties intervenant conformément à l'article 7, à l'égard

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desquelles, prima facie, la Cour estime possible qu'il existe une convention d'arbitrage les
liant toutes et visant le Règlement […] ”. Ces règles appellent quatre commentaires.
37. Tout d'abord, les dispositions citées ci-dessus montrent clairement que deux sur trois
des conditions de la pratique de la Cour ont été conservées dans l'état. Conformément
aux termes des articles 7 et 6(4)(i) du Règlement de 2012, il faut encore, en effet, que la
demande d'intervention comprenne des prétentions contre la “ nouvelle partie ” et soit
faite avant qu'un arbitre ne soit confirmé ou nommé. En revanche, la disposition de
l'article 6(4)(i) du Règlement de 2012 tient compte de la critique dirigée contre la
condition adoptée dans la pratique de la Cour, selon laquelle la “ nouvelle partie ”
devait être signataire de la convention d'arbitrage sur la base de laquelle la demande
d'arbitrage avait été introduite ; elle accepte que l'intervention ait également lieu
lorsque la “ nouvelle partie ” est considérée comme liée par la clause en raison de sa
participation active à la négociation, la conclusion, l'exécution ou la résiliation du
contrat comprenant cette clause. Etant donné qu'elle vise à garantir l'égalité des parties,
nous ne pouvons qu'approuver l'adoption de cette solution.
P 913
38. Ensuite, le Règlement de 2012 vise à résoudre les deux problèmes pratiques qui ont
jadis été opposés à l'existence d'une intervention dans l'arbitrage CCI, à savoir le
problème de la constitution d'un tribunal arbitral de trois membres dans une situation
multipartite et la question du partage de la provision pour frais de l'arbitrage entre les
parties ((24)) . D'une part, l'article 12(7-8) prévoit (i) que, “ [l]orsque l'arbitrage implique
une partie intervenante et que le litige est soumis à trois arbitres, la partie intervenante
peut, conjointement avec le(s) demandeur(s) ou avec le(s) défendeur(s), désigner un arbitre
pour confirmation conformément à l'article 13 ” et (ii) que, “ [à] défaut d'une désignation
conjointe conformément à l'article 12, paragraphe 6 ou 7, et de tout autre accord entre les
parties sur les modalités de constitution du tribunal arbitral, la Cour peut nommer chacun
des membres du tribunal arbitral et désigne l'un d'entre eux en qualité de président […] ”.
Ces dispositions ne font que consacrer la solution pratique qui avait été adoptée par la
Cour sous l'empire du Règlement de 1998. D'autre part, l'article 36(4) du Règlement de
2012 octroie une discrétion totale à la Cour pour fixer une ou plusieurs provisions pour
frais de l'arbitrage lorsque l'arbitrage est devenu, du fait de la jonction d'une partie
intervenante, multipolaire.
39. En outre, les situations d'arbitrage multipartite posaient sous l'empire du Règlement
de 1998 le problème de savoir si des “ cross-claims ”, c'est-à-dire des demandes dirigées
par une défenderesse contre une autre défenderesse étaient recevables dans le système
d'arbitrage de la CCI. On répondait alors que “ cela dépendait de la volonté des parties ”
((25)) . Conformément à l'article 8 du Règlement de 2012, il est désormais clair que toutes
les parties à un arbitrage multipartite peuvent diriger des demandes contre les autres
parties à la procédure.
40. Enfin, l'on doit constater que les rédacteurs ont décidé de ne pas réglementer dans le
texte de 2012 la question de “ l'intervention volontaire ”. La raison en est simple. Ni la
P 914 Cour ni son Secrétariat, tous les deux tenus de respecter un devoir exprès de
confidentialité à leur charge ((26)) , ne pourraient même pas informer un tiers désirant
intervenir volontairement dans un arbitrage CCI de l'existence de celui-ci.

B) Le recours au système d'arbitrage de la CCI pour régler des litiges en matière


d'investissement
41. Depuis toujours, le système d'arbitrage de la CCI a été plébiscité par des personnes
morales de droit public ((27)) , y compris des Etats souverains, de tous les continents.
Environ 10 % des nouvelles demandes d'arbitrage reçues par la CCI chaque année
impliquent, en effet, une personne morale de droit public. La plus grande partie de ces
affaires découle, toutefois, d'un contrat, et ne pose pas de problème particulier en ce qui
concerne l'application du Règlement d'arbitrage de la CCI à la résolution du litige en
résultant. Le Règlement d'arbitrage de la CCI a toujours et avant tout été conçu pour la
résolution de litiges découlant d'un contrat ou en rapport avec un contrat.
42. L'arbitrage CCI a aussi été utilisé pour régler des litiges en matière d'investissement.
C'est en particulier à partir de 2009 que l'institution à vraiment commencé à recevoir des
demandes d'arbitrage fondées sur un TBI. C'est un fait que l'arbitrage CCI est l'une des
options arbitrales offertes par les Etats aux investisseurs étrangers dans beaucoup de
TBIs ((28)) . Les arbitrages CCI fondés sur un TBI se sont toujours bien déroulés. Le
Règlement de 1998, néanmoins, comprenait, comme c'était le cas du Règlement
d'arbitrage de la CNUDCI de 1976, certaines dispositions qui pouvaient potentiellement
constituer des obstacles à son utilisation pour la résolution de litiges en matière
d'investissement. Le Règlement de 2012, sur la base de recommandations qui ont été
faites par un autre Groupe de Travail de la Commission, le groupe sur l'arbitrage CCI
impliquant des Etats et des parties étatiques (le “ Groupe de Travail sur les Etats ”), est
parvenu à résoudre trois des quatre problèmes suscités.
P 915
43. Tout d'abord, l'article 1(1) du Règlement de 1998 disposait que la Cour avait pour
mission de permettre la solution par voie d'arbitrage de litiges intervenant dans le

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domaine des affaires (“ business disputes ”). On aurait par conséquent pu arguer que la
Cour n'avait pas la compétence requise pour administrer la résolution de litiges
intervenant dans le domaine des investissements (“ investment disputes ”). Afin d'éliminer
cet obstacle potentiel, l'article 1(2) du Règlement de 2012 se borne à préciser que la Cour
a pour mission d'“ administrer la résolution de différends ”, sans aucun qualificatif, par
voie d'arbitrage. D'aucuns, néanmoins, pourront regretter que le mot “ investissement ”
n'ait pas été inséré dans le Règlement de 2012 pour argumenter, dans des espèces
concrètes, par exemple, que le système d'arbitrage de la CCI comprend une “ notion
d'investissement ” ayant vocation à limiter l'ampleur des listes d'investissements
protégés contenus dans les TBIs.
44. Ensuite, les réponses à des questionnaires que le Groupe de Travail sur les Etats a
envoyés à plusieurs Etats ont montré que l'une des raisons pour lesquelles certains Etats
étaient réticents à inclure l'option arbitrale CCI dans les TBIs qu'ils négocient était que,
conformément au Règlement de 1998, les arbitres uniques et les présidents des
tribunaux arbitraux devaient être nommés par la Cour sur la base de propositions
provenant des comités nationaux de la CCI. Or les comités nationaux de la CCI sont
souvent des associations de commerçants, chambres de commerce ou d'industrie ou
autres, situés dans les différents pays affiliés à la CCI. Plus précisément, les Etats
questionnés ont exprimé leur préoccupation à l'égard de la possibilité qu'un arbitre
unique ou le président du tribunal arbitral dans une affaire où ils seraient partie soit
proposé par une association à laquelle pourrait appartenir la partie adverse. Le nouvel
article 13(4)(a) du Règlement de 2012 tente de pallier ce problème en prévoyant que “
[l]a Cour peut aussi nommer directement toute personne qu'elle juge compétente pour agir
en qualité d'arbitre : a) lorsqu'une ou plusieurs des parties sont des Etats ou affirment être
des entités étatiques […] ”. On soulignera, à cet égard, que l'utilisation dans cette règle du
verbe “ pouvoir ” et de l'expression “ affirment être des entités étatiques ” confère une
large discrétion à la Cour lors de l'application de l'article 13(4)(a) du nouveau Règlement.
De même, l'expression “ affirment être des entités étatiques ” a permis aux rédacteurs de
ne pas avoir à définir dans le Règlement de 2012 la notion polysémique d'“ entité
étatique ”.
P 916
45. En outre, les rédacteurs ont décidé de modifier légèrement l'article 17(2) du
Règlement de 1998 afin de clarifier que “ les dispositions du contrat ” et “ les usages du
commerce ” n'ont pas toujours vocation à s'appliquer dans l'arbitrage en matière
d'investissement. En ce sens, le nouvel article 21(2) du Règlement de 2012 dispose que “
[l]e tribunal arbitral tient compte des dispositions du contrat entre les parties, le cas
échéant, et de tous les usages du commerce pertinents ”.
46. Enfin, les Etats interrogés ont également exprimé leur préoccupation à propos du fait
que, conformément au Règlement de 1998, les motifs pour lesquels la Cour accepte ou
rejette une demande de récusation d'un arbitre ne sont pas communiqués aux parties. Ils
ont ajouté que cette règle du système d'arbitrage de la CCI serait contraire à un principe
de “ transparence ” existant dans l'arbitrage en matière d'investissement. Malgré des
débats assez vifs sur ce sujet, les rédacteurs ont décidé de laisser cette affaire en l'état.
L'article 11(4) du Règlement de 2012 dispose encore, en effet, que “ [l]a Cour statue sans
recours sur la nomination, la confirmation, la récusation ou le remplacement d'un arbitre.
Les motifs de ces décisions ne sont pas communiqués ”. Trois raisons nous amènent à
approuver cette décision. En premier lieu, la mode grandissante de l'arbitrage en
matière d'investissement ne doit pas faire perdre de vue que le système d'arbitrage de
la CCI est, avant tout et surtout, fait par et pour les commerçants internationaux. On
ferait à notre avis fausse route si on commençait à modifier le système d'arbitrage de la
CCI afin de tenir compte des spécificités des arbitrages entre un investisseur et un Etat. Il
est à cet égard important de constater que l'absence de communication des motifs n'a
jamais posé de problème dans l'arbitrage CCI. En deuxième lieu, l'absence de
communication des motifs n'a pas posé de problème dans le système parce que les
arbitres et les parties, somme toute, connaissent les motifs sur lesquels la Cour a très
probablement fondé sa décision sur une récusation. En effet, l'article 14(3) du Règlement
de 2012, correspondant à l'ancien article 11(3) du Règlement de 1998, prévoit que “ [l]a
Cour se prononce sur la recevabilité, en même temps que, s'il y a lieu, sur le bien-fondé de la
demande de récusation, après que le Secrétariat a mis l'arbitre concerné, les autres parties
et tout autre membre du tribunal arbitral s'il y en a, en mesure de présenter leurs
observations par écrit dans un délai convenable. Ces observations sont communiquées aux
parties et aux arbitres ”. Tous les participants à un arbitrage CCI sont ainsi au courant des
P 917 commentaires des uns et des autres sur la demande de récusation. En dernier lieu, la
communication des motifs des décisions de la Cour sur les récusations d'arbitres pourrait
avoir deux effets pervers et néfastes pour le système d'arbitrage de la CCI. D'une part,
certaines parties pourraient essayer de qualifier ces décisions de la Cour de “
juridictionnelles ” et de les attaquer devant les tribunaux étatiques. D'autre part,
certaines parties pourraient demander, avec raison, pourquoi l'on communique les
motifs des décisions de la Cour sur les récusations d'arbitres et non pas ceux fondant les
autres décisions (existence prima facie d'une convention d'arbitrage visant le Règlement
; fixation du siège de l'arbitrage ; approbation du projet de sentence arbitrale, par
exemple) de la Cour. Nous croyons que l'efficacité de l'arbitrage CCI passe par la
préservation de la nature purement administrative du rôle de la Cour.

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II – De La Règle A La Pratique : Plus D'efficacité Dans Le Nouveau Règlement
D'arbitrage De La Cci
47. S'il ne convient pas de déterminer ici si les critiques dirigées contre l'arbitrage
international en général et contre l'arbitrage CCI en particulier concernant leur durée et
leur coût sont bien fondées, force est néanmoins de constater que la Commission a
toujours été très sensible aux préoccupations des usagers de l'arbitrage CCI. Elle a, par
conséquent, créé un Groupe de Travail dont la mission était d'élaborer un guide destiné
à apporter des recommandations sur les moyens de diminuer le temps et le coût de
l'arbitrage CCI.
48. Le guide élaboré par ce Groupe de Travail ((29)) se trouve à l'origine de plusieurs des
nouvelles dispositions du Règlement de 2012 qui visent à rendre le système d'arbitrage
de la CCI plus efficace. La plupart d'entre elles ont trait à l'instance arbitrale CCI (B). Les
nouvelles dispositions sur l'“ arbitre d'urgence ”, appartenant à une phase pré-arbitrale,
méritent d'emblée une mention spéciale (A).

A) L'efficacité en amont de l'instance arbitrale CCI : l'arbitre d'urgence


49. A l'instar d'autres institutions d'arbitrage telles que l'American Arbitration Association
P 918 (“ AAA ”) et l'Institut d'arbitrage de la Chambre de commerce de Stockholm, la
Commission a décidé d'inclure dans le système d'arbitrage de la CCI, à l'article 29 du
Règlement de 2012 et dans son Appendice V ((30)) (qui décrit la procédure de l'arbitrage
d'urgence CCI), la possibilité d'avoir recours à un arbitre dit “ d'urgence ”, avant la
constitution du tribunal arbitral et en vue d'obtenir le prononcé de mesures provisoires
ou conservatoires.
50. Avant le Règlement de 2012, le système de résolution des litiges de la CCI comprenait
un Règlement de référé préarbitral ((31)) qui, dans une certaine mesure, visait à remplir
la fonction que l'arbitre d'urgence devrait remplir désormais. Ce Règlement, du fait que
son utilisation dépendait d'un accord exprès des parties pour ce faire, n'a jamais
véritablement, malgré quelques cas isolés dont un donnant lieu à un arrêt remarqué
((32)) , connu le succès. C'est pourquoi les rédacteurs ont décidé que la possibilité de
recourir à l'arbitre d'urgence du Règlement de 2012 serait automatique toutes les fois
que des parties conviendraient de soumettre leurs litiges au Règlement d'arbitrage de la
CCI. Cette possibilité, postérieurement à l'entrée en vigueur du Règlement de 2012, qui se
trouve établie à l'article 29(1) du Règlement de 2012, et le mécanisme adopté, appellent
quatre séries d'observations.
51. Tout d'abord, l'article 29 du Règlement de 2012 précise les compétences de l'arbitre
d'urgence et ses relations avec le tribunal arbitral. En premier lieu, l'article 29(1) du
Règlement de 2012 prévoit qu'une requête de mesures urgentes n'est recevable que si
elle est présentée par la partie intéressée avant que le tribunal arbitral ne reçoive le
dossier. En deuxième lieu, l'article 29(2) précise que l'arbitre d'urgence rend sa décision
sous forme d'ordonnance. Cela résulte de la nature des mesures prononcées
(conservatoires ou provisoires) et ne remet nullement en cause le fait que l'arbitre
d'urgence est un arbitre, ce qu'était peut-être déjà, quoi qu'en ait dit la Cour d'appel de
P 919 Paris dans son arrêt précité du 29 avril 2003 ((33)) , le “ tiers ” saisi d'un référé
préarbitral. En troisième lieu, l'article 29(3) du Règlement de 2012 spécifie que le
tribunal arbitral peut modifier et lever les mesures prises par l'arbitre d'urgence. En
quatrième lieu, le tribunal arbitral est, conformément à l'article 29(4) du Règlement de
2012, compétent pour trancher toute demande d'une partie relative à la procédure de
l'arbitre d'urgence, y compris sur le partage des frais, et toute demande découlant de
l'exécution ou de l'inexécution de l'ordonnance rendue par l'arbitre d'urgence ou en
relation avec cette exécution ou inexécution. Etant donné les incertitudes concernant la
possibilité de demander à un tribunal étatique d'ordonner l'exécution forcée d'une
ordonnance rendue par un arbitre d'urgence, cette disposition deviendra peut-être la
meilleure garantie de l'efficacité de l'arbitrage d'urgence CCI.
52. Ensuite, l'article 29(5) du Règlement de 2012 reflète une grande prudence à l'égard du
nouvel instrument de l'arbitrage d'urgence lorsqu'il limite la portée ratione personae de
son application. Cette règle, en effet, prévoit que le régime de l'arbitre d'urgence ne
s'applique pas à des parties qui ne sont pas signataires de la convention d'arbitrage
visant le Règlement sur laquelle la requête est fondée, ou leurs successeurs. A travers
cette disposition, les rédacteurs, tenant compte d'une préoccupation exprimée par les
Etats, ont notamment voulu exclure le mécanisme de l'arbitrage d'urgence de l'arbitrage
CCI fondé sur un TBI. Etant donné la manière selon laquelle le consentement à l'arbitrage
se forme dans ces affaires, les parties à un arbitrage fondé sur un TBI ne seraient pas, en
effet, des “ signataires ” d'une convention d'arbitrage.
53. En outre, l'article 29(6)(b et c) du Règlement de 2012 prévoit (i) que les parties
peuvent exclure expressément dans leur convention d'arbitrage l'application de
l'arbitrage d'urgence et (ii) que cette exclusion opère tacitement lorsque les parties sont
convenues d'une autre procédure pré-arbitrale destinée à l'obtention de mesures
provisoires ou conservatoires, telle que le référé pré-arbitral de la CCI ou le recours à des
“ dispute boards ” dans des contrats de génie civil FIDIC.
54. Enfin, l'article 29(7) du Règlement de 2012 précise que les parties, malgré l'inclusion

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de l'arbitre d'urgence dans le nouveau Règlement, conservent le droit de demander
l'adoption de mesures provisoires ou conservatoires à un tribunal étatique.
P 920

B) L'efficacité pendant l'instance arbitrale CCI : la gestion efficace de l'affaire


55. Adoptant les recommandations contenues dans le guide sur le contrôle des temps et
des coûts dans l'arbitrage CCI, la Commission a décidé d'insérer dans le Règlement de
2012 cinq séries de dispositions nouvelles, destinées à rendre la procédure arbitrale plus
efficace.
56. Tout d'abord, la Commission a pu constater une tendance à ce que les premiers écrits
d'un arbitrage CCI, à savoir la demande d'arbitrage, la réponse à celle-ci, la demande
reconventionnelle et la réplique, soient de plus en plus brefs. En pratique, ladite
tendance supposait que le véritable échange entre les parties ne commençait qu'après
l'établissement de l'acte de mission, c'est-à-dire six ou huit mois après le dépôt de la
demande d'arbitrage auprès du Secrétariat de la Cour. Le Règlement de 1998 tolérait, en
effet, la présentation d'écrits assez laconiques. Le Règlement de 2012 est plus exigeant :
les nouveaux articles 4(3)(c), 5(1)(c) et 5(5)(a) prévoient que les parties doivent préciser
ou commenter les fondements des demandes soumises ; les articles 4(3)(d), 5(5)(b) et
23(1)(c) exigent que les montants des demandes soient bien établis (il est à cet égard
intéressant de souligner que ces dispositions exigent des parties que, lorsque leurs
demandes ne sont pas quantifiables — prétentions dites “ déclaratives ” —, elle doivent
donner une estimation de la valeur pécuniaire de celles-ci) ; et les articles 4(3) in fine,
5(1) in fine et 5(5) in fine cherchent à inciter les parties à produire avec leurs premiers
écrits dans l'arbitrage autant de pièces que possible.
57. Ensuite, l'article 22(1 et 2) du Règlement de 2012 consacre le devoir des arbitres de
conduire la procédure d'arbitrage de la manière la plus efficace possible. L'une des
nouveautés du Règlement de 2012 se trouve dans son Appendice IV ((34)) , portant sur les
techniques de gestion de la procédure, qui met en œuvre ledit devoir. Seule une de ces
techniques, qui toutes s'expliquent par elles-mêmes, mérite un commentaire. Elle
suggère de “ segmenter ” la procédure arbitrale lorsque le prononcé de sentences
partielles peut être une méthode efficace de contrôle du temps et des coûts dans
l'arbitrage (la pratique emploie plutôt le mot “ bifurquer ”, moins correct il est vrai dans
un emploi transitif). Cette technique a notamment tenu compte de la préoccupation
P 921 exprimée par certains Etats selon laquelle les arbitres suivent de plus en plus une
tendance à joindre l'examen de leurs objections à la compétence à la résolution du fond
du litige.
58. En outre, l'article 24 du Règlement de 2012 consacre, à l'image du règlement de l'AAA,
le devoir pour le tribunal arbitral d'organiser le plus rapidement possible une
conférence de gestion de l'arbitrage avec les parties. Etant donné que le Règlement de
2012 n'exige pas que les points litigieux à trancher soient énumérés dans l'acte de
mission et que l'intérêt de son établissement consistait avant tout dans l'organisation
d'une réunion dans laquelle la gestion de la procédure était discutée, le nouvel
instrument de la conférence de gestion de la procédure amoindrit l'importance de
l'étape de l'acte de mission dans l'arbitrage CCI.
59. De plus, l'article 27 du Règlement de 2012 reprend, en la modifiant, la règle de
l'article 22 du Règlement de 1998 mettant à la charge des arbitres les obligations de
clôturer la procédure arbitrale et d'annoncer au Secrétariat la date à laquelle le projet
de sentence finale lui sera remis pour examen et approbation par la Cour. La
modification ajoutée consiste à préciser que ces obligations ne concernent pas
seulement la sentence finale. Conformément à l'article 27, en cas de “ bifurcation ”, en
effet, le tribunal arbitral a maintenant l'obligation de clôturer l'étape processuelle dont
il s'agit (sur les mesures provisoires ou conservatoires ; sur la compétence ; sur le droit
applicable ; sur la responsabilité) et d'annoncer au Secrétariat la date à laquelle le
projet de sentence partielle lui sera remis pour examen et approbation par la Cour. Il est
évident que ces dispositions cherchent à diminuer, en exerçant une certaine pression sur
les arbitres CCI, le temps écoulé entre la dernière audience ou les derniers mémoires et
la soumission du projet de sentence arbitrale à la CCI.
60. Enfin, l'article 37(5) du Règlement de 2012 prévoit une nouvelle règle visant à inciter
les parties à résoudre leur litige de la manière la plus efficace possible. Cette règle, en
effet, dispose que, “ [l]orsqu'il se prononce sur des frais, le tribunal arbitral peut tenir
compte des circonstances qu'il estime pertinentes, y compris dans quelle mesure chacune
des parties a conduit l'arbitrage avec célérité et efficacité en termes de coûts ”. Certains
arbitres CCI avaient déjà tendance à tenir compte du comportement des parties dans
l'arbitrage lors de leur décision quant aux coûts de la procédure ((35)) .
P 922
Le nouveau Règlement d'arbitrage de la CCI est le fruit de discussions et d'études
particulièrement intenses et nombreuses. Pour autant, il n'est pas révolutionnaire. La
vieille institution qu'est l'“ arbitrage CCI ” évolue avec son environnement. Les instances
arbitrales sont de plus en plus complexes, en raison, entre autres, de la multiplication
des situations de pluralité de parties ou de contrats, des incidents de procédure, des

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demandes de nature conservatoire ou provisoire. Par ailleurs, les demandes de plus
grande transparence se font pressantes. C'est pour tenir compte de ce nouveau contexte
que les rédacteurs du Règlement de 2012 ont élaboré de nouvelles règles, amélioré la
rédaction et parfois modifié la substance des anciennes, sans pour autant transformer un
système dont le succès a toujours été grandissant.
P 922

References
★ ) Pierre Mayer: Professeur à l'Université Paris I (Panthéon – Sorbonne) Avocat Associé,
Dechert LLP
Eduardo Silva Romero: Docteur en Droit et Avocat Associé, Dechert LLP
(1)) V. le texte du Règlement, infra p. 1121.
(2)) Les deux auteurs de ce commentaire ont fait partie du DSC.
(3)) V. l'article 6 du Règlement de 2012.
(4)) V. l'article 13(3) du Règlement de 2012.
(5)) V. l'article 23 du Règlement de 2012.
(6)) V. l'article 33 du Règlement de 2012.
(7)) V. infra n° 13 et s.
(8)) V. Ph. Fouchard, “ Les institutions permanentes d'arbitrage devant le juge étatique
”, Rev. arb., 1987.225. Adde E. Silva Romero, “ Les apports de la doctrine et de la
jurisprudence françaises à l'arbitrage de la Chambre de commerce internationale
(CCI) ”, Rev. arb., 2005.421.
(9)) V. le commentaire de Ph. Cavalieros sur la sentence arbitrale rendue à Budapest
(affaire VB/99130) le 18 avril 2000, Rev. arb., 2002.1019.
(10)) V. Paris, 22 janvier 2009, SNF c/ CCI, Rev. arb., 2010.314, note Ch. Jarrosson.
(11)) Note du Secrétariat de la Cour internationale d'arbitrage concernant la correction et
l'interprétation des sentences arbitrales, Bull. Cour CCI, Vol. 10, N° 2, 1999, p. 4.
(12)) Sur le sujet, v., B. Hanotiau, Complex Arbitrations: Multiparty, Multicontract, Multi-
Issue and Class Actions, Kluwer Law International, 2006.
(13)) V. A. Marie Whitesell et E. Silva-Romero, “ L'arbitrage à pluralité de parties ou de
contrats : l'expérience récente de la Chambre de commerce internationale ”, Suppl.
Spécial Bull. Cour CCI, Vol 7, N° 13, 2003. V. égal. S. Greenberg, J.R. Feris et Ch.
Albanesi, “ Consolidation, Joinder, Cross-Claims, Multiparty and Multicontract
Arbitration: Recent ICC Experience ”, Dossier of the ICC Institute of World Business
Law: Multiparty Arbitration, 2010, p. 161.
(14)) K.-H. Böckstiegel, “ Arbitration of disputes between states and private enterprises in
the International Chamber of Commerce ”, AM.J.Int'l L. 579 1965.
(15)) V. E. Silva Romero, “ L'arbitrage de la Chambre de commerce internationale et les
contrats d'Etat ”, Bull. Cour CCI, Vol. 13, N° 1, 2002, p. 35. V. égal. E. Silva Romero, “ La
dialectique de l'arbitrage international impliquant des parties étatiques :
observations sur le droit applicable dans l'arbitrage des contrats d'Etat ”, Bull. Cour
CCI, Vol. 15, N° 2, 2004, p. 86.
(16)) V. A.-M. Whitesell et E. Silva-Romero, “ L'arbitrage à pluralité de parties ou de
contrats: l'expérience récente de la Chambre de Commerce Internationale ”, préc. ;
Greenberg, J. R. Feris et Ch. Albanesi, “ Consolidation, Joinder, Cross-Claims,
Multiparty and Multicontract Arbitration: Recent ICC Experience ”, préc.
(17)) L'article 6(3-7) du Règlement de 2012 traite de la question des objections à la
compétence ou à la réunion de demandes dans le système d'arbitrage de la CCI.
L'article 23(4), quant à lui, détermine le régime de la soumission de nouvelles
demandes après l'établissement de l'acte de mission.
(18)) V. A. Marie Whitesell et E. Silva-Romero, “ L'arbitrage à pluralité de parties ou de
contrats: l'expérience récente de la Chambre de Commerce Internationale ”, préc. ;
S. Greenberg, J. R. Feris et Ch. Albanesi, “ Consolidation, Joinder, Cross-Claims,
Multiparty and Multicontract Arbitration: Recent ICC Experience ”, préc.
(19)) V. J.-E.-M. Portalis, Discours préliminaire sur le projet de Code civil, préface de M.
Massenet, Paris, Editions Confluences, 1999, p. 18.
(20)) La Cour fondait ses décisions sur les dispositions de l'article 4(3) du Règlement de
1998 qui prévoyait qu'il appartient à la demanderesse d'identifier dans sa
Demande les parties à l'arbitrage.
(21)) S. R. Bond, “ Dépeçage or Consolidation of the Disputes Resulting from Connected
Agreements: The Role of the Arbitrator ”, Dossier of the ICC Institute of World Business
Law: Multiparty Arbitration, 2010, p. 35.
(22)) L'article 35 du Règlement de 1998 disposait ce qui suit : “ [d]ans tous les cas non
visés expressément ci-dessus, la Cour et le tribunal arbitral procèdent en s'inspirant de
ce Règlement et en faisant tous leurs efforts pour que la sentence soit susceptible de
sanction légale ”.

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(23)) V. A.-M. Whitesell et E. Silva-Romero, “ L'arbitrage à pluralité de parties ou de
contrats : l'expérience récente de la Chambre de Commerce Internationale ”, préc. ;
S. Greenberg, J.R. Feris et Ch. Albanesi, “ Consolidation, Joinder, Cross-Claims,
Multiparty and Multicontract Arbitration: Recent ICC Experience ”, préc.
(24)) V. A.-M. Whitesell et E. Silva-Romero, “ L'arbitrage à pluralité de parties ou de
contrats: l'expérience récente de la Chambre de Commerce Internationale ”, préc. ;
S. Greenberg, J.R. Feris et Ch. Albanesi, “ Consolidation, Joinder, Cross-Claims,
Multiparty and Multicontract Arbitration: Recent ICC Experience ”, préc.
(25)) V. E. Silva Romero, “ Brief Report on Counterclaims and Cross-Claims: the ICC
Perspective ”, in Arbitral Procedure at the Dawn of the New Millennium, Reports of the
international Colloquium of CEPANI, 15 Oct. 2004, Bruylant, 2005, p. 75.
(26)) V. l'article 6 de l'Appendice I (Statuts de la Cour internationale d'arbitrage) du
Règlement de 2012.
(27)) V. “ 2010 Statistical Report ”, Bull. Cour CCI, Vol. 22, N° 1, 2011.
(28)) E. Silva Romero, “ Quelques brèves observations du point de vue de la Cour
international d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale ”, in Le
contentieux arbitral transnational relatif à l'investissement, L.G.D.J., 2006, p. 331.
(29)) Techniques pour maîtriser le temps et les coûts dans l'arbitrage, rapport de la
Commission de l'arbitrage de la CCI, Publication CCI N° 843, 2008.
(30)) V. le texte de l'Appendice V, infra p. 1144.
(31)) Y. Derains, “ Expertise technique et référé arbitral ”, Rev. arb., 1982.239. V. égal. P.
Tercier, “ Le référé pré-arbitral ”, ASA Bulletin, Volume 22, N° 3, 2004, p. 464.
(32)) V. Paris (1re Ch. - C), 29 avril 2003, Société nationale des pétroles du Congo et
République du Congo c/ société Total Fina Elf E & P Congo, Rev. arb., 2003.1296, note
Ch. Jarrosson. Pour un résumé, V. A. Mourre, “ Référé préarbitral de la CCI : to be or
not to be a judge… ”, Les cahiers de l'arbitrage, 2003/ 1, p. 5 ; pour une note
approbative, v. Ch. Jarrosson, préc. ; pour une note critique, v. P. Mayer, JDI,
2004.511.
(33)) Paris, 29 avril 2003, Société nationale des pétroles du Congo et République du Congo
c/ société Total Fina Elf E & P Congo, préc.
(34)) V. le texte de l'Appendice IV, infra p. 1143.
(35)) M. W. Bühler, “ Costs of Arbitration: Some Further Considerations ”, in Liber Amicorum
in honour of Robert Briner, ICC Publication N° 693, 2005, p. 179.

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