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Synthèse // Réflexion // Une entreprise/un homme // Références

COMPTABILITÉ

Contrats de concession de service


public : la comptabilisation chez le
concessionnaire et chez le concédant
moyen de permettre la réalisation de
2e partie : projets de construction d’infrastructures
La comptabilisation importantes (par exemple routières ou
aéroportuaires) en vue d’un usage public.
chez le concédant Si ces accords ne sont pas comptabilisés
dans les états financiers du concédant, Par Pierre SCHEVIN,
Le problème de la comptabilisation la situation financière de celui-ci n’est Professeur à l’Université
des concessions de service public pas complètement connue. L’IPSASB a de Strasbourg,
se pose à un double niveau : chez le émis récemment un exposé-sondage 1, Ecole de management,
concessionnaire et chez le concédant. qui devrait déboucher sur une norme Diplômé d’expertise comptable
La première partie de l’article (parue consacrée à la comptabilisation, chez le
dans le numéro précédent de la RFC) concédant, des accords de concession.
était consacrée aux règles, françaises Nous envisagerons d’abord l’organisa-
et internationales, applicables pour la tion et les modalités de fonctionnement cement de la profession comptable,
comptabilisation chez le concession- de l’IPSASB. Nous étudierons ensuite notamment par l’élaboration de normes
naire. Cette seconde partie étudie le les principes de l’ED 43. Enfin, nous pré- d’audit ou d’assistance à l’audit. L’IFAC
problème au niveau du concédant. senterons les critiques auxquelles cet a créé en 1986 un comité spécialisé, le
Or, jusqu’à présent, aucune norme ne exposé-sondage a donné lieu. PSC, chargé de faire des propositions
traitait de la comptabilisation chez le sur les aspects de comptabilité, d’audit
concédant des biens mis en conces- 1. La normalisation et d’information financière dans le sec-
sion. Celui-ci étant souvent une entité comptable internationale teur public. En 2004, un changement
du secteur public, c’est le Conseil des pour le secteur public d’appellation entre en vigueur (IPSASB)
normes comptables internationales du « afin de refléter le fait que les fonctions
secteur public (IPSASB), et non l’IASB, de cette entité se concentrent désormais
qui s’est penché sur cette question. 1.1 Organisation de l’IPSASB davantage sur l’établissement de normes
L’objectif de l’IPSASB est de favori- Alors que pour les entreprises du secteur comptables internationales pour le sec-
ser et d’améliorer la transparence et privé, le normalisateur comptable interna- teur public » 2. Le Conseil de normalisation
la reddition de comptes, et par suite tional est l’IASB, pour le secteur public, comptable internationale pour le secteur
le processus décisionnel, dans le sec- ce rôle revient à l’IPSASB (International public intègre la diversité nécessaire de
teur public. Public Sector Accounting Standard compétences 3 : experts-comptables,
Or, les accords de concession de ser- Board). Ce “Conseil de normalisation membres des ministères des Finances,
vices, souvent appelés “partenariats comptable internationale pour le secteur auditeurs publics. La diversité profession-
public-privé“ ou PPP, constituent un public“, connu à l’origine sous le nom de nelle se combine avec une large diversité
“Public Sector Committee“ de l’IFAC, éla- géographique. A ces membres s’ajoutent
bore les normes internationales pour les des “observateurs“ venant des grandes
Etats et entités publiques, désignées par institutions internationales 4, et qui parti-
l’appellation normes IPSAS. cipent aux discussions.
Résumé de l’article L’IPSASB est rattaché à l’IFAC, l’orga- Comme pour les autres normalisateurs,
nisation mondiale des experts-comp- la procédure d’élaboration d’une norme
A l’échelle internationale, des règles tables, principalement dédiée au renfor- comprend une large consultation sur le
spécifiques pour la comptabilisa- projet initial et un examen attentif des
tion chez le concédant sont en cours commentaires ou remarques recueillis.
d’élaboration par l’IPSASB, qui
recourt à une approche “miroir“ par
1.2 Démarche adoptée
1. International Public Sector Accounting
rapport à l’IFRIC 12. En se basant L’idée de départ a été que, pour un grand
Standards Board, ED 43: Services Concession
sur le contrôle, l’ED 43 préconise Arrangements: Grantor, février 2010.
nombre de ses opérations, l’Etat agis-
tout d’abord l’inscription du bien, sait comme une entreprise. Dès lors, plu-
faisant l’objet de la concession, au 2. IFAC, Report of the Externally Chaired tôt que d’inventer un système nouveau
bilan du concédant. La contrepartie Review Panel on the Governance, Role and de comptabilisation, mieux valait partir
Organisation of the International Federation des meilleures pratiques existantes, et
au passif est représentée soit par
of Accountants Public Sector Committee,
une dette financière, soit par une celles-ci sont, pour les sociétés cotées,
International Federation of Accountants,
“performance obligation“. Compte les normes IAS/IFRS.
Juin 2004.
tenu des critiques soulevées par Mais les Etats et entités publiques étant
cette dernière notion, l’IPSASB envi- 3. Philippe Adhemar : La normalisation organisés différemment des entreprises,
sage de la remplacer par le concept comptable internationale pour le secteur et n’ayant pas nécessairement les
public, La revue du Trésor, n° 1, janvier 2006. mêmes structures ni les mêmes objec-
plus classique de “revenu perçu en
avance“, tout en maintenant le prin- 4. Notamment : Banque Mondiale, FMI, tifs, la démarche a consisté à reprendre
cipe d’une dette. OCDE, ONU ainsi que l’IASB chacune des normes, à vérifier si elle
et la Commission de l’UE. avait un sens pour une entité publique

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et, en cas de réponse positive, à l’adap- l’objet d’une définition, mais elle vise n Passif financier
ter. à reprendre les principes de l’IFRIC 12 Une première forme de rémunération du
Enfin, dès 2004, le Conseil a décidé de applicables à un concessionnaire, habi- concessionnaire par le concédant est
clarifier ses priorités et d’en retenir parti- tuellement une entité privée, et à les un versement de fonds, sur la durée du
culièrement trois : adapter à un concédant, généralement contrat. Le montant est défini à l’avance.
• couvrir des sujets spécifiquement liés une entité publique. La symétrie permet Il est en quelque sorte assuré au conces-
au secteur public, et non traités, notamment de minimiser la possibilité sionnaire, quelle que soit l’utilisation de
• poursuivre la convergence avec les pour un même actif d’être comptabilisé l’infrastructure concédée par le public.
normes IAS/IFRS, deux fois (concessionnaire et concédant), Cette dette financière correspond à la
• organiser la convergence avec les ou de n’être comptabilisé chez aucune comptabilisation chez le concession-
bases dites “statistiques“ (références des parties 6. L’IPSASB fait de l’approche naire d’une créance, sous forme d’un
statistiques utilisées par les Etats soit à “miroir“ le premier point de sa demande actif financier.
la demande du FMI, soit à la demande de commentaires 7. Le concédant comptabilisera la dette
de l’UE). financière en accord avec les normes
La publication d’un projet de comptabi- 2.2 Comptabilisation des actifs IPSAS 28 (Instruments financiers : présen-
lisation des accords de concession de et des dettes tation), IPSAS 29 (Instruments financiers :
services chez le concédant s’inscrit dans La principale question posée par l’ED 43 comptabilisation et mesure), IPSAS 39
cette stratégie de l’IPSASB. et l’IFRIC 12 concerne la comptabilisation (Instruments financiers : informations à
de l’actif physique, objet de la conces- fournir).
2. Les principes de l’ED 43 sion, et des engagements qui y sont asso- Le concédant procédera à une ventila-
ciés. tion au sein des paiements effectués au
Les propositions de l’IPSASB visent à L’objet de ces textes est donc de déter- concessionnaire et les comptabilisera,
faire en sorte que les actifs utilisés pour miner qui du concessionnaire et/ou du conformément à leur substance, sous
fournir un service public, dans le cadre concédant supporte les risques liés à la plusieurs formes : réduction de dette,
d’un accord de concession de services, comptabilisation des actifs et passifs de charge financière, frais pour services.
soient correctement comptabilisés dans la concession de service. Cette dette financière est symétrique
les états financiers de l’entité concédante, Selon l’ED 43 de l’IPSASB, le concédant à l’actif financier comptabilisé par le
et que toutes les informations pertinentes comptabilise les infrastructures liées à la concessionnaire.
concernant l’accord soient fournies. concession en tant qu’actif si les deux
conditions suivantes sont remplies 8 : n Obligation d’exécution
2.1 Approche “miroir“ • le concédant contrôle ou régule le ser- (“performance obligation“)
Cette approche assure la liaison avec vice (contrôle du destinataire, du prix, du Une seconde forme de rémunération est
l’IFRIC 12, et plus globalement avec contenu du service), de garantir au concessionnaire le droit
la comptabilisation effectuée chez le • le concédant contrôle (par la pro- de collecter des redevances (ou hono-
concessionnaire. priété, un droit bénéficiaire ou d’une raires) auprès des utilisateurs, ou encore
Dès l’introduction, l’ED 43 indique que autre manière) un intérêt résiduel signi- de garantir au concessionnaire l’accès à
le projet de norme destiné à prescrire ficatif dans l’actif au terme du contrat de un autre actif générateur de revenu pour
le traitement comptable des accords concession. lui. Dans ce cas, la dette reconnue par le
de concession de services chez le L’actif de concession de service reconnu concédant prendra la forme d’une “per-
concédant a pour objectif de “refléter“ en accord avec le § 10 sera comptabi- formance obligation“. Elle correspond
l’IFRIC 12, cette interprétation de l’IASB lisé conformément aux normes IPSAS 17 à l’obligation du concédant de fournir
constituant un guide pour la compta- (Immobilisations corporelles) ou IPSAS 31 l’actif à l’opérateur (concessionnaire),
bilisation chez le concessionnaire. La (Immobilisations incorporelles) selon le
conséquence de cette approche est tout cas.
d’abord de faire dériver de l’IFRIC 12 le Le concédant doit ensuite comptabiliser
champ d’application de la future norme, les passifs liés aux actifs reconnus.
le principe de comptabilisation d’un actif Abstract
chez le concédant et plus généralement 2.3 Distinction au niveau de la dette
la terminologie utilisée. L’approche En contrepartie de la comptabilisation Precise rules for accounting at the
adoptée, notamment en matière de cri- d’une immobilisation (construite par le grantor’s are being elaborated, on an
tères de comptabilisation des actifs, est concessionnaire) à l’actif du concédant, international scale, by the IPSASB.
destinée à assurer un traitement comp- dès le début de la concession, le concé- ED 43 applies a mirror approach with
table cohérent de l’accord de conces- dant doit, d’après l’ED 43, comptabiliser regard to IFRIC 12 and advocates
sion de services par les deux parties : un passif. Dans ce but, il comptabilise, at first, basing oneself on control,
concessionnaire et concédant. selon les cas, soit un passif financier, soit the registration of the asset, forming
D’autre part, en ce qui concerne les une “performance obligation“ ou “obliga-
the subject of the concession, on
principes de comptabilité plus détaillés tion d’exécution“ 9, soit les deux.
the grantor’s balance sheet. The
à appliquer chez le concédant pour les
counterpart on the liabilities side
actifs de concession, les dettes en rap-
port, les revenus et dépenses, l’IPSASB is represented either by a financial
5. M. Portal, Les concessions de service debt or by a “performance obliga-
renvoie aux normes IPSAS concernées, public selon l’IFRIC IASB 12 et l’ED
de même que l’IFRIC 12 renvoyait à un tion“. Given the criticisms raised by
IPSASB 43, RFC n° 431, avril 2010.
certain nombre de normes IAS. the latter notion, the IPSASB consi-
Par l’approche “miroir“, l’ED 43 souligne 6. ED 43, BC 2. ders replacing it by the more clas-
l’importance de la symétrie de comptabili- 7. ED 43, p. 4, Specific matter for comment. sical concept of “income received
sation des actifs, passifs, charges et pro- in advance“, while maintaining the
8. ED 43, § 10. principle of a debt.
duits pour les deux parties aux accords
envisagés 5. Cette approche ne fait pas 9. Traduction de “performance obligation“.

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et plus précisément son accès. D’après 3. Critiques de l’ED 43 cables aux entreprises, et d’autre part en
l’ED 43 10, cette “obligation d’exécution“ considération des spécificités du secteur
sera comptabilisée selon l’IPSAS 19 La publication de l’exposé-sondage a public » 14.
(Provisions, Contingent Liabilities and été accompagnée d’un appel à com- Par ailleurs, il apparaît que l’application
Contingent Assets). Cette dette repré- mentaires. Les réponses font ressortir un de ce principe n’est pas tout à fait res-
sente un poste symétrique de l’actif certain nombre de critiques, qui vont être pectée 15. L’IFRIC 12 (§§ 16-17) établit
incorporel enregistré chez le conces- présentées ci-après. Ces critiques ont une distinction en fonction du porteur du
sionnaire pour matérialiser ses droits. amené l’IPSASB à préciser sa position et risque de demande (le concessionnaire
Le compte de “performance obligation“ à la réviser sur quelques points. a un droit inconditionnel ou non), alors
sera progressivement diminué par le que l’ED 43 (§§ 21-22) établit une distinc-
biais d’un transfert annuel en produit 3.1 Approche miroir tion en fonction de l’identité du payeur
(figurant au compte de résultat), pen- Par une déclaration introductive à l’ex- de la rémunération au concessionnaire.
dant la durée de la concession 11. posé-sondage, l’IPSASB précise que l’ED Il est vrai que, dans les projets antérieurs
43 doit être compris comme une adapta- à l’IFRIC 12, cette distinction en fonc-
2.4 Comptabilisation des revenus tion en “miroir“ de l’IFRIC 12 de l’IASB. tion de l’identité apparaissait primordiale,
et des dépenses Cette approche présente notamment mais elle a finalement été écartée par le
n Revenus l’avantage d’assurer l’absence d’une Comité d’interprétation, dans la mesure
Le concédant comptabilisera le revenu double comptabilisation, sous la même où elle ne reflétait pas la substance de
découlant de l’accord de concession de forme, des actifs concédés. Ainsi, lorsque l’accord. Celle-ci repose sur une fixation
services en accord avec la norme IPSAS 9 l’opérateur (ou concessionnaire), qui a à l’avance des paiements à recevoir par
“Revenus en provenance de transactions construit l’infrastructure, est rémunéré par le concessionnaire, indépendamment ou
d’échange“. Cette norme découle essen- le droit de faire payer l’usager pendant la non de l’utilisation du service public par
tiellement de l’IAS 18 “Produits des activi- durée de la concession, il y a inscription les tiers.
tés ordinaires“. Selon l’IPSAS 9, le revenu à son bilan d’une immobilisation incor- Toutefois, à l’heure actuelle, l’IPSASB
est comptabilisé lorsqu’il est probable porelle. La symétrie est assurée chez le considère que les critiques formulées à
que les bénéfices économiques futurs ou concédant, qui contrôle l’actif concédé, l’encontre de l’approche miroir ne sont
le potentiel de service iront vers l’entité et par la comptabilisation d’une immobili- pas primordiales, et il envisage de main-
que ces bénéfices pourront être mesurés sation corporelle. tenir le principe de cette approche dans
d’une façon fiable. Cependant, le concept de l’effet miroir a la norme définitive.
L’IPSASB 12 indique que le revenu payé des limites. Tout d’abord, on peut rele-
par le concessionnaire au concédant ver que le concessionnaire et le concé- 3.2 Recours à la
en contrepartie de l’accès à l’actif de dant ne retirent pas le même bénéfice “performance obligation“
concession peut prendre plusieurs de l’actif concédé 13. En effet, le conces- Lorsque le concessionnaire est rémunéré,
formes, notamment : sionnaire bénéficie des avantages éco- en compensation de la construction de
• un paiement versé d’avance ou une nomiques associés au bien (revenus tou- l’infrastructure (par exemple), par le droit
série de paiements, chés), alors que le concédant bénéficie de demander une contribution financière à
• des dispositions de partage de revenus, du potentiel de service, offert au public l’usager, il se pose le problème de l’inscrip-
• une réduction dans une série prédéter- (utilisateurs tiers). Ensuite, de façon plus tion au bilan du concédant d’une contre-
minée de paiements que le concédant générale, le principe de symétrie comp- partie à l’immobilisation corporelle. D’après
doit faire au concessionnaire, table (correspondant à l’effet miroir) n’est l’ED 43, celui-ci fait figurer le bien concédé
• des paiements de loyers pour la four- pas un principe généralement admis, et il à son actif, et il convient de faire ressortir
niture de l’accès à l’opérateur (conces- conviendrait non seulement de le justifier l’engagement d’assurer l’accès à ce bien
sionnaire) d’un actif générateur de davantage, mais encore de le définir, au au concessionnaire. Cependant, les réac-
revenu. moins dans l’exposé sondage. tions à l’ED 43, notamment celles des orga-
L’ED 43 précise notamment que si le Pour d’autres répondants, notamment le nismes français, mettent en évidence que
concessionnaire effectue des paiements CNOCP (Conseil de normalisation des la notion d’ “obligation d’exécution“, appli-
pour le droit de collecter des revenus comptes publics de la France), il n’est pas quée au cas des concessions, souffre de
auprès de tiers, une partie des paiements judicieux d’intégrer au référentiel IPSAS plusieurs faiblesses conceptuelles.
sera comptabilisée en “obligation d’exé- un tel principe. Les normes doivent être
cution“, jusqu’à ce que les conditions établies « d’une part en cohérence avec L’utilisation de cette notion dans le réfé-
pour la reconnaissance du revenu soient les principes comptables existants, tels rentiel des IPSAS est nouvelle. L’ED 43
remplies. qu’ils sont déclinés dans les normes appli- n’en précise pas la nature, mais indique
que la comptabilisation de cette “perfor-
n Charges mance obligation“ doit satisfaire aux prin-
Les composantes “charge financière“ cipes de la norme IPSAS 19 (Provisions,
et “rémunération de services“, com- 10. ED 43, § 22. passifs éventuels et actifs éventuels).
prises dans la dette financière, devront Celle-ci est la transposition de l’IAS 37 et
11. ED 43, § AG 38.
être comptabilisées conformément à considère qu’une provision est un passif.
la norme IPSAS 1 “Présentation des 12. ED 43, § AG 42. Or, dans le cas où le concessionnaire est
états financiers“. Celle-ci définit les 13. Direction générale des finances publiques,
rémunéré par le droit de prélever l’usa-
dépenses comme des diminutions Paris, Lettre de commentaires, réponse p. 6. ger, l’obligation d’exécution ne répond
dans les bénéfices économiques ou le pas à la définition d’un passif. Il n’y aura
potentiel de service durant l’exercice 14. CNOCP, Lettre de commentaires, p. 14. pas, pour l’entité publique, de sortie de
comptable, sous forme de sorties de 15. KPMG, Lettre de commentaires, p. 6. ressources représentatives d’avantages
trésorerie, de consommation d’actifs économiques, ce qui devrait exclure la
ou de contractions de dettes qui entraî- 16. CNOCP, Lettre de commentaires, p. 14. comptabilisation d’un passif 16. De plus,
nent des diminutions dans la situation 17. Direction générale des finances publiques, le concédant bénéficiera du potentiel de
nette. Paris, Lettre de commentaires p. 7. service associé à l’actif concédé, à savoir

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la fourniture du service public 17, ce que de fiabilité dans son évaluation. Seul le “échange“, mais sans adopter la solution
ne traduit pas la comptabilisation d’une contrat de concession met en évidence de rattachement à la situation nette sug-
dette. cet actif et rend possible la détermina- gérée ci-dessus.
Ensuite, le CNOCP estime que « le traite- tion de sa valeur. Ensuite, la traduction de
ment comptable proposé dans l’ED 43 est l’“échange“ dans le traitement comptable 3.4 Alternative à la
plus justifié par le souci d’éviter de comp- permet de faire ressortir deux opérations “performance obligation“
tabiliser un enrichissement immédiat et simultanées : la reconnaissance chez le Une attention particulière mérite d’être
sans cause comptable de l’entité publique concédant de l’actif incorporel, et son a c c o rd é e à l a p o s i t i o n d u G A S B
que par le souci de faire figurer au passif octroi au concessionnaire. Chez ce der- (Governmental Accounting Standards
de l’entité publique une information sur les nier, l’actif incorporel représente le droit Board) des Etats-Unis d’Amérique en rai-
engagements générateurs de sortie de tré- de faire payer une tierce partie : l’usager son de son originalité. Il a publié en juin
sorerie future » 18. Cette remarque apparaît du service concédé. 2010 un ED 30 consacré à “Accounting
d’autant plus justifiée, que le droit d’ac- D’autre part, cette approche serait cohé- and financial reporting for service conces-
cès consenti au concessionnaire est déjà rente avec la norme IPSAS 9 “Revenus en sions arrangements“. L’organisme amé-
retracé dans les états financiers, puisqu’il provenance des transactions d’échange“, ricain préconise aussi de comptabiliser
fait l’objet d’une mention en annexe (dis- l’accord de concession de services répon- un actif dès le début de la concession.
position de l’ED 43 § 27). dant à la définition de ce type d’opération 22. Cependant, la contrepartie envisagée n’est
Une autre critique à l’utilisation de la Cette norme prévoit 23 que les échanges de pas un compte de dette (comme c’est le
notion de “performance obligation“ est services ou de biens dissemblables doi- cas dans l’ED 43 de l’IPSASB), mais un
qu’elle ne paraît pas respecter fidèlement vent conduire à la comptabilisation d’un compte “Deferred inflow of resources“. Il
l’approche miroir. En effet, la symétrie revenu. Cependant, dans le cas de l’enre- sera réduit progressivement par transfert
n’est qu’apparente : le concessionnaire gistrement initial d’une concession, cette dans un compte de produit.
comptabilise un actif incorporel repré- disposition pourrait être adaptée, et ne pas L’ED 30 ne donne pas d’explication sur la
sentatif du droit de prélever l’usager, et prendre la forme d’une inscription d’un nature de ce compte “deferred inflow of
non pas une créance sur l’Etat, alors que produit rattachable au résultat d’un exer- resources“, mais on peut se reporter au
le concédant comptabilise une dette vis- cice particulier. L’opération d’échange ne Concept statement 4 “Elements of finan-
à-vis du concessionnaire. générant pas pour le concédant une entrée cial statements“ 25. Celui-ci définit deux
D’autre part, se pose le problème du d’avantages économiques ou de potentiel nouveaux éléments des états financiers
traitement ultérieur de la “performance de service sur une période spécifique, et pour les entités publiques : les deferred
obligation“. D’après l’ED 43 (§ AG 38), la dans la mesure où ce droit existait préa- outflows of resource et les deferred inflows
réduction de ce passif aura lieu dans la lablement au contrat de concession, une of resource. Ces flux différés correspondent
mesure où l’accès au service est fourni solution consisterait à inscrire la contre- à des charges et produits intéressant les
par le concessionnaire. La base de cette partie de l’immobilisation dans la situa- périodes futures 26. Malgré leur proximité
réduction s’effectue habituellement sur tion nette 24. Cette solution serait conforme avec les “charges constatées d’avance“ et
la durée de l’accord de concession de à l’IPSAS 1, qui définit la situation nette les “produits constatés d’avance“, ils s’en
services, mais une autre base peut être comme le solde des actifs de l’entité après distinguent. Ils ne doivent pas être ratta-
retenue. Cette réduction est logique, mais déduction de toutes ses dettes. chés, respectivement, aux créances ou aux
la contrepartie sous forme d’un produit au Dans son projet d’amélioration de l’ED 43, dettes, parce qu’ils n’en remplissent pas
compte de résultat pose à nouveau un l’IPSASB retient finalement l’approche les conditions : une ressource contrôlée
problème d’interprétation, qui n’est pas actuellement, pour un actif, et une obliga-
analysée dans l’ED 43. tion actuelle, pour un passif. Leur inscription
séparée est destinée à faciliter la lecture des
3.3 Position par rapport états financiers par les utilisateurs 27.
18. CNOCP, Lettre de commentaires, p. 15.
à l’approche “échange“
D’après certains répondants 19, l’accord 19. Notamment la Direction générale des Finalement, compte tenu de la fréquence
entre le concédant et le concessionnaire finances publiques, Paris. de la remise en cause du recours à la
pourrait être analysé comme l’échange 20. IFRIC 12, § 26. notion d’“obligation d’exécution“ dans
d’une prestation de construction contre les lettres de commentaires, et des argu-
un droit d’exploiter l’ouvrage, et, plus 21. IAS 38, §§ 45-47. ments développés, l’IPSASB prévoit de
précisément, contre un droit à exiger 22. ED 43, § 24. la remplacer. La nécessité de la cohé-
une rémunération de la part de l’usager. rence avec les autres IPSAS est rappelée,
23. IPSAS 9, § 17.
On peut d’ailleurs souligner que, dans ainsi que la volonté de se conformer à la
le cas du modèle de l’actif incorporel, 24. Direction générale des finances publiques, disposition de l’IPSAS 9, qui demande
l’IFRIC 12 20 se réfère à cette approche, Paris, Lettre de commentaires, p. 8 et la comptabilisation d’un revenu dans le
et que celle-ci est prévue par l’IAS 38 21 CNOCP, Lettre de commentaires, p. 16. cas d’un échange d’actifs dissemblables.
pour la comptabilisation et l’évaluation 25. GASB 4e partie du Conceptual Toutefois, l’IPSASB précise que cette dis-
de certaines immobilisations incorpo- Framework, juin 2007. position ne signifie pas que le revenu soit
relles. comptabilisé en totalité dès le début de la
Il est reproché à l’ED 43 de ne pas y avoir 26. J.C. Scheid, Le cas des péages perçus concession. Il en résulte sa nouvelle pro-
recours, alors même que cette notion par le concessionnaire selon IPSASB ED 43 position d’utiliser un poste “Revenu reçu
“Service concession arrangements : grantor“,
d’échange permettrait un raisonnement en avance“ (revenue received in advance),
Revue française de comptabilité, n° 435,
plus logique que celui basé sur la “perfor- septembre 2010. encore classé parmi les dettes, à la place
mance obligation“. Tout d’abord, la notion de “performance obligation“ 28.
d’“échange“ explique pourquoi l’actif 27. J.C. Scheid, “Etats financiers, de
incorporel transféré au concessionnaire nouveaux éléments“, Revue française de Conclusion
n’est pas inscrit, avant la signature du comptabilité, n° 402, septembre 2007.
contrat de concession, dans les comptes 28. IPSASB Meeting, mars 2011, Le projet de norme internationale éla-
du concédant. La raison en est l’absence Agenda paper 8.2, § 20F. boré par l’IPSASB s’efforce de combler

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un vide et a pour volonté affichée de ne bilisation à l’actif de son bilan, lorsqu’il forme d’une “performance obligation“
pas traiter le cas du concédant indé- en détient le contrôle, la comptabilisa- et la référence à l’IPSAS 19 (Provisions,
pendamment de celui du concession- tion par le concédant devant s’effec- contingent liabilities and assets), dans le
naire. Il en résulte la mise en œuvre tuer en conformité avec les normes cas où le concessionnaire obtient le droit
de l’approche “miroir“, basée sur une IPSAS 17 (Immobilisations corporelles) de prélever une redevance sur l’usager,
recherche de symétrie par rapport aux ou IPSAS 31 (Immobilisations incorpo- sont remises en question. Compte tenu
règles prévues pour le concession- relles) qui reprennent les principes des des commentaires reçus à la suite de
naire, l’ED 43 reprenant les principes normes IAS 16 et IAS 38. L’inscription à cet exposé-sondage, l’IPSASB prévoit
de l’IFRIC 12, en les adaptant au cas du l’actif du concédant d’une immobilisation de modifier sa position en adoptant une
concédant. L’exposé-sondage prévoit “apportée“ par le concessionnaire néces- autre approche, et en comptabilisant un
que le concédant comptabilise l’immo- site une contrepartie au passif, mais la “revenu perçu en avance“.

Bibliographie
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38 // N°445 Juillet-août 2011 // Revue Française de Comptabilité

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