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PEDAGOGIES ET
PEDAGOGUES DU SUD
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Espaces interculturels
Collection dirigée par Marie-Antoinette Hily
et Geneviève Vermès
La collection « Espaces Interculturels » publie régulièrement, depuis
sa création en 1989, des ouvrages consacrés à des questions de la théorie et
de la pratique de l'interculturel. La collection veut se faire l'écho des
nouvelles recherches ouvertes dans les différentes sciences sociales sur des
terrains aussi variés que ceux de l'éducation, du développement de l'enfant,
des relations interethniques et interculturelles et des contacts de langue.
Déjà parus
PEDAGOGIES ET
PEDAGOGUES DU SUD
<Ç)L'Harmattan, 2004
ISBN: 2-7475-7480-6
EAN : 9782747574808
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1 « Perhaps the closest one can get to describing unity in Indigenous Knowledge is that
knowledge is the expression of the vibrant relationships between the people, their
ecosystems, and the other living beings and spirits that share their lands. These
multilayered relationships are the basis for maintaining social, economic and diplomatic
relationships -through sharing- with other peoples» (Battiste & Henderson, 2000, p. 42).
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Le contrôle de l'enseignement par l'Etat est une calamité. Il n'y a aucun espoir
d'établir la paix et l'ordre dans le monde, tant que l'éducation est au service
des Etats ou des Eglises. (p. 73) ... L'éducation dans le monde entier a fait
faillite, elle a produit des destructions et des misères de plus en plus grandes.
Les gouvernements sont en train de dresser les jeunes à devenir les soldats et
les techniciens dont ils ont besoin. (p. 76) ... Tous les Etats souverains
doivent nécessairement nous préparer à la guerre; et aucun de nous ne peut
dire que son propre gouvernement soit une exception. Pour que ses citoyens
soient de bons guerriers, pour les préparer à faire efficacement leur devoir,
l'Etat doit, c'est évident, les régenter et exercer son pouvoir sur eux. (p. 77) ...
L'Etat souverain ne veut pas que ses citoyens soient libres, qu'ils pensent par
eux-mêmes. Il les domine donc par tous les moyens possibles, propagande,
interprétations historiques déformées, etc. Voilà pourquoi l'éducation consiste
de plus en plus à enseigner 'quoi penser' et non 'comment penser'. Si notre
pensée était indépendante du système politique en vigueur, nous serions
dangereux; des institutions libres pourraient fonner des pacifistes ou des
hommes dont la pensée serait contraire au régime (p. 78). (Krishnamurti,
1953, pp. 73-78).
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Les savoirs des pratiques traditionnelles, transmis par « voir faire» et « ouïr
dire », ne pouvaient être que des savoirs suspects ou condamnables, mêlant de
façon indissociable rites et mythes, croyances et superstitions, recettes
magiques et savoir-faire routinier. Contre ces savoirs archaïques imposés par
l'arbitraire d'une tradition autoritaire, les savoirs de l'école républicaine se
sont institués comme les savoirs de la modernité émancipatrice: savoirs des
lumières contre croyance de l'obscurantisme, savoirs scientifiques contre
pratiques empiriques, savoirs laïques contre dogmes religieux, savoirs urbains
contre folklores ruraux, savoirs de la raison et du progrès contre traditions
irrationnelles et passéistes (Chartier & Jacquet-Francillon, 1998, p. 6).
La critique de l'école
Il est inévitable de devoir nous positionner ici de façon critique par
rapport à l'école de type occidental telle qu'elle a été exportée pendant la
période coloniale, et qui est devenue une institution hégélnonique à
l'échelle de la planète (Serpell & Hatano, 1997). Cette école a joué et
continue à jouer un rôle extrêmement ambigu, et peut de ce fait être
présentée soit COlnmeune catastrophe sans pareille, soit COInmela panacée
qui va apporter la paix dans le monde. Le prelnier, peut-être, à en faire une
analyse critique a été Nyerere (1967/1972), président de la Tanzanie et lui-
même enseignant. Nyerere s'est rendu cOlnpte que l'école coloniale dans
son pays nouvellement indépendant, établie pour fournir du personnel
administratif local aux colons, continuait à créer une « élite)} privilégiée,
Il
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Présentation de l'ouvrage
Ce livre vise à développer l'aptitude des spécialistesde l'éducation à
l'analysecritiquedes processuséducatifs.Il est articulésur 2 axes:
2 « Indigenous ways of knowing share the following structure: (1) knowledge of and belief
in unseen powers in the ecosystem; (2) knowledge that all things in the ecosystem are
dependent on each other; (3) knowledge that reality is structured according to most of the
linguistic concepts by which indigenous people describe it ; (4) knowledge that personal
relationships reinforce the bond between persons, communities and ecosystems; (5)
knowledge that sacred traditions and persons who know these traditions are responsible
for teaching 'morals' and 'ethics' to practitioners who are then given responsibility for
these specialized knowledge and its dissemination; and (6) knowledge that an extended
kinship passes on teachings and social practices from generation to generation» (Battiste
& Henderson, 2000, p. 42).
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P. R. Dasen
1 Je remercie A. Akkari, ainsi que les étudiants du cours DEA "Recherches en anthropologie
de l'éducation" pour leurs commentaires critiques sur ce manuscrit.
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Cadre théorique
Figure 1 : cadre théorique intégré pour l'étude interculturelle du
développement humain
Macrosystème
Exosystème
Mésosystème
(processus)
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L'éducation informelle
En examinant maintenant l'éducation infonnelle, ou éducation
traditionnelle, on verra aisément COlmnenton peut la situer dans le cadre
théorique présenté ci-dessus. Mais il nous faut tout d'abord soulever
quelques problèmes de tenninologie. En effet, il n'y a pas, semble-t-il, de
tenne qui ne fasse pas problème. Education « infonnelle » peut suggérer
qu'elle n'a pas de fonne, alors que nous allons justement voir qu'elle
comporte toute une pédagogie, ou encore des ethnothéories, même si
celles-ci restent souvent implicites. De nombreux auteurs parlent
d'éducation « traditionnelle », mais ce tenne pourrait laisser entendre qu'il
s'agit du passé, d'un système statique et fenné, non-évolutif, non-
moderne, et qui n'aurait donc plus de pertinence dans le monde actuel.
Alors que l'éducation infonnelle existe justement partout, au Nord COlnme
au Sud, dans toutes les sociétés, et même dans les sociétés dites post-
industrielles. Ainsi, éducation infonnelle, ou traditionnelle, ne devrait
avoir aucune connotation péjorative. A noter que les difficultés de
tenninologie proviennent en partie de l'hégémonie de l'éducation scolaire,
qui se pose souvent COmIne seul modèle par rapport auquel toutes les
autres fonnes d'éducation doivent se défmir.
Il est vrai que les savoirs infonnels, ceux acquis en-dehors de l'école,
que ce soit dans le domaine de l'agriculture (Akkari, 1992) ou de la
Inédecine (Brelet-Rueff, 1991; Good, 1994; Peltzer, 1995), de la
botanique (Berlin, 1992) ou de la navigation (Hutchins, 1983), ou encore
des mathématiques (Nunes, Schliemann, & Carraher, 1993; Rampal,
2003 ; Saxe, 2001), ont souvent été dévalorisés, considérés comme non-
scientifiques, à tel point qu'ils risquent de disparaître. Un fort mouvement
s'est donc constitué pour les conserver et les revaloriser (Semali &
Kincheloe, 1999 ; Verhelst & Sizoo, 1994).
Dernier point de vocabulaire: pourquoi ne pas utiliser éducation
« non- fonnelle » ? Parce que ce tenne est souvent utilisé pour désigner les
programmes éducatifs, en général gérés par des DNG, qui s'adressent aux
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groupes laissés pour compte par l'enseignement formel (les très jeunes
enfants, les « déchets» de l'instruction scolaire, les non-alphabétisés, etc.
(Ahmed, 1983). Ahmed propose le terme d'éducation «parallèle» pour
éducation informelle, mais cela donnerait à l'école une place
prépondérante.
Je ne m'étendrai pas sur les nombreuses descriptions de l'éducation
traditionnelle, un peu partout dans le monde, écrites soit pas des
ethnologues (p. ex. Fortes, 1938) soit par des indigènes3 eux-mêmes (p.
ex. Kenyatta, 1960; Mukene, 1988; Nsamenang, 1992), et parfois
rendues merveilleusement vivantes dans des romans (p. ex. Laye, 1994).
Il Y a aussi des ouvrages qui cherchent à généraliser à l'échelle d'une
région ou d'un continent, COlTIlneceux de Pierre Erny sur l'enfant africain
(Erny, 1968, 1972a/b), et des typologies qui opposent explicitement
éducation informelle et formelle.
Ainsi, Désalmand (1983) distingue l'éducation traditionnelle (en
Afrique, plus particulièrement en Côte d'Ivoire) de l'enseignement
occidental classique, qui se réfère à l'école importée pendant la période
coloniale, qui perdure souvent avec des méthodes pédagogiques désuètes.
Ainsi, l'éducation traditionnelle, par opposition à la scolarisation, se donne
partout, tout le temps, et par tous, et concerne tout le monde; elle est
étroitement liée au milieu, axée sur les besoins de la société, et intégrée à
la production; elle a un caractère global, insiste sur l'esprit
communautaire, le maintien de l'équilibre, le sacré voire le magique, et le
respect de la vieillesse; les rapports pédagogiques sont personnels, les
parents prenant une part importante dans l'éducation, les connaissances
sont transmises oralement, dans la langue locale, et les modèles sont
élaborés par le groupe concerné.
Dans une autre typologie qui a fait référence, Greenfield et Lave
(1979) ont désigné l'éducation informelle COlTIlneintégrée à la vie
courante, avec un faible degré d'institutionnalisation, l'apprentissage étant
personnalisé (les lnaîtres sont des personnes de 1' entourage) et l'élève
étant responsable de ses acquisitions; il y a peu ou pas de programmes
explicites, l'apprentissage se fait par observation, imitation, et
démonstration, en général sans questionnelnent ; la motivation est trouvée
dans la contribution sociale des débutants, et le maintien de la continuité et
de la tradition est valorisé.
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Quand les enfants maya commencent l'école, ils y trouvent une philosophie
de l'apprentissage où les enseignants utilisent un script de « récitation» qui a
marqué l'école en Europe et aux Etas-Unis pendant des dizaines d'années. Les
enseignants dictent aux enfants et leur posent des questions sur ce qu'ils ont
appris, dans un système de communication dirigé par l'adulte, avec
l'enseignant d'un côté et les élèves (en masse ou individuellement) de l'autre
côté. [...] Quand des enfants euro-américains de classe moyenne entrent à
l'école, ils y rencontrent d'habitude un modèle d'apprentissage Sui ressemble
à celui utilisé à la maison. (Rogoff, 1994, p. 217, ma traduction)
5
"When the Mayan children reach school, they meet a different philosophy of learning, in
which teachers utilize the "recitation" script that has been common in European and U.S.
education for decades. The teachers focus on dictating to the children and quizzing them
on what they have learned with the teacher as one side of the adult-run communication
and students (en masse or singly) as the other side. [...] When middle-class European-
American children reach school, they ordinarily encounter a model of learning that
resembles that used in their homes." (Rogoff, 1994, p. 217)
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précise que chez les Nahuas, l'observation attentive est la méthode la plus
générale d'apprentissage, «les seules consignes données clairement aux
jeunes par les adultes sont de « bien regarder », de « bien se concentrer»
sans plus de détails» (p. 226). Le recours à l'explication verbale est rare,
et n'intervient que si l'apprenti ne réussit vraiment pas à résoudre seul une
difficulté. Les tâtonnements ou «essais et erreurs» sont généralement
absents. Pour l'apprentissage de la conduite automobile, par exemple,
« les jeunes apprennent à conduire en épiant-c'est le mot-les chauffeurs
des autocars dans lesquels ils ont l'occasion de monter» (p. 230).
Chamoux (1986) montre également que les Nahuas ont une «théorie
indigène» qui paraît structurer les modalités pédagogiques de façon
cohérente. Cette ethno-théorie parentale est basée sur le postulat que
« l'âme n'est pas donnée au départ, mais vient progressivement» (p. 233).
Pour les Indiens, un individu n'a pas une seule âme, mais plusieurs
«niveaux d'âme », dont l'un est inné et correspond à la notion de
caractère ou de destin, et un autre qui s'acquiert par effort personnel,
cognitif et social. Cette âme qui s'acquiert progressivement peut aussi se
perdre, et l'entourage adulte veille, à l'aide de nombreux rites, à éviter
cette perte de l'âme qui se marque par la maladie ou un retard de
développement; ces derniers ne sont donc jatnais attribués à la
constitution de l'enfant, mais à des perturbations externes.
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Effets cognitifs
Revenons à la question des effets cognitifs de ces différents processus
d'apprentissage. Le savoir constitué par enculturation, de façon incidente
ou fortuite, et par imprégnation est-il différent du savoir acquis
intentionnellement, sous la direction d'un maître, autrement dit, d'un agent
de socialisation? Cette question a été traitée de deux façons: 1) une
discussion sur les effets cognitifs de la scolarisation et de
l'alphabétisation; 2) une controverse par rapport au transfert ou à la
généràlisation du savoir, scolaire aussi bien que quotidien.
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pensée sur des objets à la pensée sur les représentations de ces objets, c.-à-
d. la pensée sur la pensée. )}(OIson, 1994, p. 282, ma traduction)6
Les recherches comme celles de Scribner et Cole (1981) et Berry et
Bennett (1991) ont pennis de montrer que les effets de l'alphabétisation
(p. ex. dans une écriture syllabique apprise sans scolarisation) étaient très
limités et spécifiques, contrairement à la scolarisation, dont les effets vont
dans' le sens de la seconde hypothèse. Parce qu'une grande partie du travail
scolaire se passe hors contexte, cela faciliterait la généralisation à des
contextes inhabituels (hypothèse 2a), ou un style cognitif « théorique )}
plutôt que « empirique)} (hypothèse 2b) (Scribner, 1979; Scribner &
Tobach, 1997 ; Tapé, 1994). Mais il est difficile d'éliminer totalement la
troisième hypothèse, car les situations provoquées utilisées dans la
recherche, même si on cherche à éviter les tests et que l'on reste dans des
situations quotidiennes, ont toujours des affmités avec les activités
scolaires (Wassmann & Dasen, 1994a!b).
Les revues de questions plus récentes sur les recherches
interculturelles dans le domaine de la cognition de façon générale (Mishra,
1997 ; Mishra, 2001) ou sur les effets de la scolarisation en particulier
(Dasen & Mishra, 2004) n'ont pas modifié ces conclusions, mais ont attiré
l'attention sur le fait que la scolarisation est loin d'être un processus
unifonne, et que les effets cognitifs dépendent de la quantité, du type et de
la qualité de l'école.
6 But there seems little doubt that writing and reading played a critical role in producing the
shift from thinking about things to thinking about representations of those things, that is,
thinking about thought.
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alors que les filles tisserandes étaient plus analytiques. Les auteures
expliquent ce résultat pour les garçons scolarisés par la capacité générale
acquise à l'école de passer d'un contenu à un autre, la lecture et l'écriture
nécessitant le passage entre le domaine visuel et auditif, et pour les
garçons non-scolarisés par leur plus grande participation à l'économie
monétaire, et de fréquents voyages dans les centres urbains. Le manque de
transfert chez les filles tisserandes serait dû à l'apprentissage sans erreur.
Vingt ans plus tard, Greenfield a eu l'occasion de retourner dans le
même village pour répéter ses observations (Greenfield, 1999, 2000,
2003 ; Greenfield, Maynard, & Childs, 2003 ; Maynard & Greenfield,
2003). Quel est l'effet du changement socio-historique décrit plus haut sur
le style d'apprentissage?
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culturelle au niveau micro. [...] Il Y avait un lien étroit entre une niche
écologique nouvelle et le changement dans la niche développementale. »8
Ratano (1982) distingue le « savoir procédural» et le « savoir
conceptuel », le premier étant une procédure de routine utilisée pour
résoudre de façon souvent très rapide et efficace des problèmes dans un
contexte spécifique, mais dont l'efficacité n'est assurée que tant que les
contraintes extérieures ne changent pas. Ce savoir va de soi, est
institutionnalisé, n'est jamais remis en question, et considéré
nécessairement comme le meilleur. Comme exemple, Hatano signale le
calcul avec l'abaque dans différents contextes asiatiques, intériorisé pour
le calcul mental sous forme de l' "abaque mental », qui permet aux experts
de calculer plus rapidement qu'avec une calculatrice électronique. Ratano
a constaté que ce savoir procédural ne se transfère pas à d'autres formes de
calcul, p. ex. le calcul en base 10 et la compréhension du principe de la
retenue, ou encore la mémorisation d'autres informations que celle des
chiffres. Al' opposé, le savoir conceptuel se réfère à une représentation de
la signification de la procédure utilisée, de la compréhension de pourquoi
et comment une procédure fonctionne, et quelles en sont les variations
possibles. La flexibilité, l'adaptabilité, l'innovation et donc le transfert ne
seraient possibles que par le savoir conceptuel. Celui-ci s'acquiert plus
facilement si les contraintes extérieures changent, si la situation demande
des variations de procédures, si le savoir procédural est remis en question,
soit par le sujet lui-même soit par son entourage, et si le sujet est
encouragé à comprendre la procédure plutôt que de l'exécuter avec
rapidité. La plupart des savoirs quotidiens seraient du type procédural.
Tant que les individus vivent dans un contexte stable, le savoir procédural
est suffisant pour assurer la production, et la culture fournit le modèle du
savoir procédural, lnais rarement le pourquoi de l'emploi de cette
procédure.
Une première objection à la dichotomie proposée par Hatano vient des
auteurs qui affITffientque l'école n'est qu'un contexte parmi d'autres, que
les savoirs qui y sont acquis sont souvent très spécifiques (cf. l'hypothèse
3a ci-dessus), que l'apprentissage y est souvent procédural plutôt que
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Conclusion
Pour conclure, reprenons la Figure 1 en retraçant le chemin de notre
raisonnement du niveau le plus micro jusqu'au lnacrosystème. Au niveau
d'une caractéristique psychologique inférée (dans le sens où elle n'est pas
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G. R. Teasdale
Les peuples autochtones tiennent leur nom du fait qu'ils ont été les
premiers occupants d'une terre ou d'un territoire donné. L'idée de
« petitesse» intervient ici pour distinguer deux catégories, abordées l'une
et l'autre dans ce chapitre:
Altruisme ou mutualisme?
Pourquoi nous soucier de la survie des petites cultures? L'altruisme
n'est pas une bonne raison. Il conduit trop souvent à perpétuer les rapports
d'inégalité. Si nous devons épauler les peuples autochtones, il nous faut
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reconnaître que nos besoins sont au moins aussi importants que les leurs.
La survie des petites cultures compte autant pour les sociétés industrielles
modernes que pour les peuples indigènes eux-mêmes.
L'ironie veut que, au moment où les savants rappellent à l'humanité les
explications métaphysiques et même mystiques de notre existence
(Hawking, 1988; Reanney, 1991 ; Davies, 1992), beaucoup de sociétés
industrielles dotninantes sont aux prises avec une crise de décadence
spirituelle et morale. Elles semblent s'être engagées si loin dans la voie du
capitalisme, avec sa prédilection pour la concurrence, la consommation de
biens et de services, et l'exploitation des ressources non renouvelables de
la planète, qu'elles sont en train de perdre leurs racines les plus profondes.
Comme je l'ai fait observer ailleurs:
Le défi que nous devons relever est donc de travailler avec les groupes
indigènes dans un climat d'égalité et de respect mutuel, étant donné que
notre survie à long tenne pourrait bien dépendre de notre capacité à
profiter de leur sagesse. Les difficultés d'ordre général créées par les
sociétés modernes ont peu de chance d'être résolues par un surcroît
d'infonnation et une plus grande capacité technologique, tnais plutôt,
cotnme le plaide l'écologiste Paul Ehrlich de l'Université de Stanford, par
des solutions « quasi religieuses». Ehrlich pense que les problèmes de
l'Occident se retrouvent dans la manière dont nous percevons nos rapports
avec le reste de la nature et dans la façon dont nous appréhendons « notre
rôle dans le grand dessein des choses » (cité par Knudtson et Suzuki,
1992, p. xxiv). Les peuples autochtones, forts de leurs vues globales et
spirituelles du monde, ont beaucoup à nous apprendre à cet égard. Partant
d'une perspective environnementaliste, c'est aussi le point de vue de David
Suzuki: « Mon expérience auprès des peuples autochtones m'a convaincu
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Par où commencer?
Comment l' éducation peut-elle contribuer à la survie des petites
cultures indigènes? En 1992, un séminaire au bénéfice de la région
Australie-Pacifique, parrainé par l'UNESCO, s'est tenu à Rarotonga dans
les îles Cook. Il réunissait des représentants de groupes autochtones
d'Australie, de Nouvelle-Zélande et des pays insulaires du Pacifique Sud
afin d'examiner le rôle de l'éducation dans le développement des petites
cultures. Un thème extraordinairelnent puissant émergea, qui fut
clairement exprimé dans le préambule des recommandations du
séminaire: «Si l'éducation pour le développement culturel doit avoir un
sens, la question de savoir qui a la haute main sur le système éducatif, qui
en est le propriétaire est cruciale [...]. Les cultures autochtones doivent
être maîtresses de tous les aspects de l'éducation de leur peuple»
(Teasdale & Teasdale, 1992a, p. 6).
Pour les peuples non indigènes, il s'agit d'une leçon difficile à
apprendre. Les cultures dominantes, tant à l'échelon national
qu'international, ont quelque difficulté à relâcher leur emprise. Pendant
trop longtemps, ils ont considéré, à tort, COlnmesupérieurs leurs propres
systèmes, leurs propres méthodes (Teasdale, 1998 ; Teasdale & Ma Rhea,
2000). Pourtant, si l'on veut que les peuples autochtones soient
véritablement libres de revivifier, de maintenir et de développer leur
culture, il leur faut disposer d'une entière et véritable maîtrise de tous les
aspects de leur vie et de la vie de leurs enfants. Effectivement, cela
nécessite la reconnaissance de leurs droits antérieurs - en tant que tout
premiers occupants - de propriété et d'autoritésur leurs terres et sur leurs
territoires, car l'autodétennination dans le domaine éducatif est liée à des
questions plus vastes d'autorité politique, de droit foncier et d'autonomie
fmancière. Ce qui s'est traduit dans les recommandations du séminaire de
Rarotonga qui évoquent le partage par tous des «droits, des
responsabilités et des ressources de la nation d'une manière juste et
mutuellement bénéfique» et, ailleurs, de la nécessité pour les cultures
autochtones d'avoir la «garantie absolue qu'aucun veto ne puisse être
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exercé par aucun autre groupe culturel» (Teasdale & Teasdale, 1992b, p.
6-8). Pour commencer, donc, la survie des petites cultures dépend du fait
que leurs membres aient pleine propriété et autorité, non pas seulement sur
l'éducation, mais sur tout autre processus social, politique et économique
qui influence directelnent leur vie.
La recherche de la complémentarité
Même quand les groupes autochtones sont à même d'exercer leurs
droits culturels en contrôlant leur propre éducation et celle de leurs
enfants, ils continuent à affronter le défi de trouver des moyens de réunir
les modes locaux de connaître, d'appendre et d'enseigner à ceux des
sociétés modernes industrielles. Les cultures autochtones devraient avoir
le droit et la liberté de créer leurs propres modes de l'analyse et de la
transmission de la connaissance en se servant de l'action réciproque entre
leurs traditions et celles du monde occidental moderne. Comme j'ai noté
ailleurs, ceci est un processus dynamique de création et de recréation à
mesure que les systèmes industriels modernes de la connaissance sont
passés en revue, évalués, adaptés et syncrétisés (Teasdale, 1998 ; Teasdale
& Teasdale, 1999; Teasdale & Ma Rhea, 2000). Tandis que les tensions
entre le local et le global sont reconnues, elles ne sont pas nécessairement
considérées comme antithétiques ni comme dichotomiques. Plutôt,
beaucoup de peuples autochtones sont occupés à une recherche de la
cOlnplémentarité, à une recherche de nouveaux modes de réunir des
cultures différentes de la connaissance, pour assurer le maintien d'une
identité culturelle locale tout en fournissant aux étudiants les
connaissances nécessaires pour faire face aux réalités du monde
industrialisé moderne. Ce processus de fusion ne peut pas être imposé de
l'extérieur. Tandis qu'il peut être légitimé et facilité par ceux qui sont à
l'extérieur, l'initiative principale doit venir de ceux qui sont à l'intérieur
de la culture locale.
L'importance de la langue
La langue et la culture sont interdépendantes et vivent quasiment en
rapport de symbiose. L'effritement de l'une affaiblit inévitablement l'autre.
Cela est particulièrement vrai pour les petites cultures autochtones qui
n'ont pas la tradition d'une langue écrite et qui s'appuient exclusivement,
de ce fait, sur la langue orale pour la transmission de la connaissance
culturelle. Harris (1990) observe qu'en de telles circonstances la mort
d'une langue peut survenir trois générations seulement après qu'elle est
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L'école aura son rôle à jouer dans le dessein général de maintien de la langue,
mais elle le fera en servant une communauté vibrante et sachant ce qu'elle
veut - une communauté disposant en propre d'un minimum de pouvoir
économique, politique et religieux - plutôt qu'en étant appelée à accomplir
l'impossible: sauver la communauté d'elle-même (Fishman, 1985, p. 374).
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Ces dix dernières années, les Maoris ont pris eux-mêmes la responsabilité
d'affermir leur langue, leur culture et leurs traditions. Nous n'avons pas voulu
dépendre du gouvernement parce que nous nous sommes rendu compte en
1982 que pour bouger culturellement comme nous le voulions, nous devions
rassembler les nôtres et assumer une responsabilité collective. C'est ainsi que
nous avons entrepris cinq projets pilotes qui ont, dès leur naissance, plongé les
enfants dans la langue maorie pendant huit heures par jour. Pourquoi avons-
nous réussi? Parce que les Maoris étaient maîtres du programme et ont eux-
mêmes pris toutes les décisions concernant son fonctionnement. Il reposait sur
le principe de la propriété, sur le fait que les Maoris sont capables de conduire
leur propre barque (Tawhiwhirangi, 1992, p. 1).
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L'anglais est banni dans le Kohanga Reo. Bien que certains enfants
soient exposés à peu de langue maorie chez eux, le niveau de chaleur et de
bienvenue au sein du « nid» leur pennet de s'adapter et d'apprendre
rapidement. On espère que, en accordant à ces jeunes enfants un début
aussi solide et aussi positif, ils seront fortement empreints de langue et de
culture maories tout au long de leur vie. On espère aussi que la
participation des parents et des membres de la communauté au Kohanga
Reo renforcera leur connaissance du maori, et encouragera son utilisation
plus étendue dans les activités domestiques et de proximité.
COmIne nous quittions le Kohanga Reo et alors que nous avions remis
nos chaussures et longions le jar4in de plantes alimentaires, nous sommes
restés avec la forte impression que nous avions là un centre vibrant qui
apportait une contribution significative, en particulier en insistant sur
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Reconceptualiser l'éducation
L'idée de l'école est une invention occidentale qui remonte à l'Europe
des Lumières, à l'avènement de la science moderne et à la révolution
industrielle. C'est une idée qui a fait son chemin dans la plupart des autres
cultures du monde avec une relnarquable force de pénétration. Pourtant,
l'école n'offre pas nécessairement la façon la plus efficace de transmettre
la connaissance scientifique contemporaine, et encore moins la
connaissance et les valeurs des petites cultures indigènes. Il importe donc
que ceux qui aITêtent les politiques de l'éducation permettent aux groupes
autochtones de repenser l'école dans le cadre de leurs propres paramètres
culturels. C'est donc faire fausse route que de suggérer que la conformité à
l'idée européenne de l'école est une condition préalable pour s'instruire
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L'école Yipirinya
Au centre aride de l'Australie se trouve la ville d'Alice Springs.
Mécontents du manque de soutien culturel dans les écoles du courant
dominant, les parents aborigènes de la ville ont créé leur propre école
primaire (élémentaire) en 1978. Malgré le refus du gouvernement du
Territoire du Nord de reconnaître et de fmancer l'école, malgré la menace
d'une décision de la Cour suprême qui aurait pu fenner ses portes, les
parents se sont entêtés, devenant mêlne plus fennes et plus détenninés
dans leur lutte (Teasdale & Teasdale, 1986). En 1983, l'intervention et le
concours fmancier du gouvernement fédéral assurèrent sa survie à long
tenne. Depuis, Yipirinya a fortement évolué vers la situation d'une école
appartenant en propre aux aborigènes et parfaitement maîtrisée par eux.
Son type de croissance l'a fait évoluer vers ce qu'on pourrait le mieux
décrire COlnmeun centre pédagogique cOlmnunautaire ouvert à tous les
âges, et où les aborigènes participent à tous les niveaux de la relation
enseignement-apprentissage. Elle intègre la garde d'enfants et les
équipements préscolaires pour ceux de 0 à 5 ans.
Aux niveaux priInaire et secondaire, quatre groupes linguistiques
occupent chacun une aire d'enseignement destinée aux études d'ordre
linguistique et culturel, et se rassemblent durant une partie de la journée
pour un programIne à base de connaissances et de compétences
occidentales. Il existe un progralmne de fonnation des maîtres où les
aborigènes peuvent acquérir une qualification pédagogique officielle. Des
programmes postscolaires et destinés à l'éducation des adultes
fonctionnent à la demande. Une unité d'impression assure un flot constant
de matériels d'alphabétisation, à la fois attrayants et culturellement
pertinents, dans chacune des quatre langues d'enseignelnent. Ce qui a
délnarré comme une école primaire est devenu un centre, unique en son
genre, où tous les membres de la communauté aborigène locale peuvent
communier, aussi bien comme enseignants que comme enseignés, dans un
environnement qui affmne leur langue et leur culture. L'encadré qui suit
offre quelques aperçus de leur vibrante institution.
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comme un lieu agréable où l'on vient lire des livres et des revues. Au
dehors, un trampoline et un filet de volley-ball bien usés suggèrent que
l'activité physique ne manque pas. Une petite plantation bien entretenue
d'arbres fruitiers tropicaux révèle pas loin de là une autre dimension du
programme de l'école. Dans la salle de classe, les enfants nous montrent
leurs devoirs. Ils semblent d'un niveau comparable à celui des enfants de
l'école centrale.
Tandis que nous regagnons la piste d'atterrissage, nous prolongeons la
conversation avec les parents et les enfants, et nous avons une fois de plus
l'impression d'une communauté unie, et munie d'un sens aigu de son
identité. Les paroles d'un des parents pourraient résumer leurs sentiments:
«Nous pouvons vivre maintenant sur notre terre traditionnelle. Nous
avons une école, l'eau courante, des douches, des latrines. Nous vivons
loin des problèlnes de la grande communauté. Plus d'alcool, plus de
violence. })(Adapté de Teasdale, 1993, p. 30-31.)
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Etude en collaboration. Cela devrait être un trait partagé par toutes les
écoles qui adoptent taha Maori. Des dispositions doivent être prises pour
que les élèves puissent travailler en collaboration, par groupes de diverses
tailles. Les professeurs doivent reconnaître et récolnpenser les succès du
groupe plutôt que les succès individuels dans un esprit de non-
concurrence. Tous les individus formant un groupe doivent voir leur
apport reconnu, estimé.
Apprentissage global. L'approche maorie de l'étude est globale. Le
nouveau programme a par conséquent des iInplications pour la globalité de
ce qui est appris dans chaque classe puisque la langue et la culture maories
doivent s'insérer parmi tous les autres sujets. Le document sur le
programme d'enseignement souligne toutefois le fait que cette intégration
doit se passer naturellement et de façon appropriée au fur et à mesure que
les occasions se présentent.
Change111entdes attitudes. Pour son application effective, les écoles
doivent à la longue être imprégnées de taha Maori. Les pratiques de
gestion et l'organisation au jour le jour doivent s'annexer les philosophies
qui sous-tendent taha Maori. Aussi les élèves vivront-ils la culture maorie
comme une chose vivante, développant ainsi des attitudes plus positives,
lesquelles à leur tour conduiront à une compréhension plus profonde.
Ces déclarations audacieuses et novatrices semblent impressionnantes,
mais le vrai test concerne leur application effective. Assurément cette
application exigerait une forte dose de patience, de compréhension entre
cultures et d'engagelnent, mais, à supposer que ce soit le cas, une école
peut-elle atteindre ce genre de profond biculturalisme? Un exemple réussi
est l'établissement Tikipunga à Whangarei, dans l'île septentrionale de la
Nouvelle-Zélande. Cette grande école secondaire, où sont inscrits environ
mille élèves dont presque la moitié sont Inaoris et l'autre pakehas, a été
complètement restructurée pour devenir une institution démocratique, sans
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La question du processus
A supposer que les membres d'une petite culture autochtone soient
devenus maîtres de leur éducation, qu'ils aient réussi à développer des
programmes qui se réfèrent à leur propre communauté et à
reconceptualiser l'éducation en termes de leurs propres paramètres
culturels, ils sont toujours obligés de faire face au défi de trouver des
moyens d'unir leur propre processus d'analyse et d'acquisition de la
connaissance à ceux des sociétés modernes industrialisées. En fait,
certains observateurs soutiennent que les différences entre les processus
indigènes et modernes d'acquisition de la connaissance sont si importantes
qu'ils en paraissent incompatibles. La plupart des petites cultures
autochtones s'appuient sur des processus informels, l'apprentissage se
déroulan~ dans le contexte des activités quotidiennes. Il s'agit, pour une
grande part, d'un processus inconscient d'observation, d'imitation et de jeu
de rôles, par opposition à l'instruction verbale et formelle des sociétés
modernes industrialisées. Traditionnellement, les enfants de la plupart des
cultures autochtones apprennent au gré des situations concrètes de la vie
réelle, à travers des approximations, par la persévérance et par la
répétition. Ce qui marque un contraste avec l'apprentissage moderne qui a
lieu dans le contexte peu naturel de l'école, implique la pratique d'activités
structurées artificiellement en vue d'un objectif futur, insiste assez
fortement sur la mise en séquence des capacités, sur l'usage d'éléments
individuels, et exige qu'on privilégie l'analyse et l'efficacité (Harris, 1984,
1990 ; Teasdale & Teasdale, 1992a).
En Australie, on a prêté une attention considérable à la question du
processus. Les cultures des Australiens aborigènes traditionnels et celles
des sociétés industrielles sont vraisemblablement aussi dissemblables que
possible. L'idée que l'aborigène se fait du monde est que la terre, les gens,
la nature et le temps forment un tout cohérent. La signification repose sur
la totalité et la relativité. La diInension spirituelle sert de force
d'intégration et s'insinue dans tous les aspects de la vie. Comme l'écrit
Christie (1985, p. Il) : « Toutes les notions occidentales de quantité - de
plus ou de moins, des nOlnbres, de la pensée mathématique et positiviste
- non seulement sont sans rapport avec le monde des aborigènes, mais lui
sont contraires [...]. Une conception du monde où la terre, les esprits, les
gens et les arbres ne se prêtent pas, d'une certaine manière, à l'analyse
scientifique. » Dans ce genre de système, toutes les questions concernant
la vérité ou la croyance ont déjà trouvé leur réponse dans les lois et dans le
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[...] se garder de ces aspects du programme caché qui projettent les valeurs
occidentales. Ce que vous feriez principalement en rendant explicite le
programme caché, en soulignant que les techniques occidentales s'apprennent
pour permettre aux aborigènes de fonctionner avec efficacité dans le domaine
occidental- ils n'apprennent pas ces techniques parce que ces façons de faire
sont meilleures. Ainsi le contenu et les techniques occidentales [...] seraient
une sorte de gigantesque jeu de rôles - à apprendre à jouer, mais pas à être
cru comme représentant nécessairement la meilleure façon de vivre [...].
Lorsqu'un petit aborigène apprend consciemment à adopter ou à écarter les
rôles occidentaux, ces rôles peuvent être plus facilement maintenus comme
extérieurs à leur identité aborigène la plus personnelle. Les enseignants [...]
ont la responsabilité de dire aux enfants que c'est ainsi que les Occidentaux
font les choses, et qu'ils ne sont pas obligés d'en être d'accord ou d'y croire
(Harris, 1990, p. 16 et 64).
Le sens négocié
Enseignants, conseillers et gestionnaires devraient reconnaître que
leur rôle dans les sociétés autochtones est non pas de dispenser la
connaissance, mais de la partager. Ils doivent être des coapprenants. Il faut
que leur esprit soit ouvert à l'enseignelnent que peut leur offrir une autre
culture au moins autant, sinon plus, qu'à l'enseignement qu'ils apportent
eux-mêlnes de leur propre culture. Une des façons de partager est de
recourir à une approche qui consiste à « négocier du sens », et dans
laquelle les incompatibilités entre les deux systèmes d'apprentissage sont
repérées et analysées. Crawford (1986), par exemple, a développé un
processus de sens négocié, dans le domaine des mathématiques, avec des
adultes aborigènes inscrits à un programIne de fonnation des maîtres sur le
terrain dans les communautés de Pitjantjatjara, en Australie centrale. Elle
s'est engagée dans un processus complexe d'échange de sens
mathématiques qui pennettait aux participants d'acquérir une plus grande
compréhension des systèlnes modernes, cependant qu'ils réafftnnaient
leurs propres connaissance et identité culturelles. Crawford raconte que ce
processus d'analyse cOlnparée et de négociation avait été long et épuisant,
mais, à tenne, très enrichissant aussi bien pour elle-même que pour les
participants, ces derniers déclarant aussi qu'ils se sentaient plus
d'assurance à interpréter et à expliquer les concepts mathématiques
contemporains aux enfants de leurs écoles. L'idée de sens négocié a aussi
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contenu et l'application aussi bien dans les écoles du centre que dans celles
des zones réservées à Y irrkala.
Ils envisagent leur façon de faire dans la perspective de leur histoire et jusqu'à
un moment de l'avenir où ils seront en mesure d'obtenir un équilibre entre,
d'une part, le processus de récupération et de restauration culturelles et, d'autre
part, les nombreuses exigences (en particulier les exigences économiques,
celles de l'emploi) de leur présence actuelle au sein d'un Etat-nation moderne
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En résumé
Il est clair que la question du processus est, pour les peuples
indigènes, une affaire complexe. Les aborigènes d'Australie, entre toutes
les autres petites cultures autochtones, sont ceux qui s'y sont le plus
impliqués aussi bien dans le domaine théorique que dans le domaine
pratique. Les écrits des Yirrkalas et les représentations visuelles des
Walungurrus, par exelnple, représentent des tentatives particulièrement
bien nourries et raffmées de théorisation des deux systèmes de
connaissance, et de leurs modes de transmission. Ce qui n'empêche pas la
plupart des éducateurs aborigènes de reconnaître qu'ils ont encore
beaucoup de chemin à faire pour élaborer des contenus et des processus
d'enseignement qui atteignent un équilibre efficace entre l'acquisition des
connaissances modernes fonctionnelles et la conservation et le
développement des langues et des cultures aborigènes.
Conclusions
La survie des petites cultures autochtones a son importance non pas
seulement pour le bien-être et le sens d'identité de ses propres membres,
mais parce que, incrustés dans leurs connaissances, les systèmes de
valeurs et de croyances représentent des solutions sociales, politiques,
environnementales, voire spirituelles, à nombre des crises auxquelles
doivent faire face les sociétés industrielles contemporaines. La survie des
petites cultures est précieuse pour toute l'hulnanité. L'éducation peut jouer
un rôle important dans cette survie, en particulier dans les contextes où les
petites cultures coexistent auprès de sociétés industrielles dominantes. Les
non indigènes ont assurélnent un rôle à jouer, non pas en offtant des
solutions mais en changeant eux-mêmes d'attitudes et de rôles. Le défi qui
se pose à eux est de travailler à côté des peuples autochtones en
entretenant avec eux des rapports d'égalité et de respect mutuel.
Déjà des solutions commencent à élnerger de certaines cultures
autochtones. Les conditions socioculturelles varient énormément et des
approches qui «marchent}) dans tel contexte peuvent ne pas convenir
dans tel autre. Toutefois, les tendances qui suivent sont certainement
importantes:
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G. R. Teasdale
Le rôle de l'UNESCO
L'importance accordée au local dans de nombreuses récentes réformes
éducatives a été soutenu par les changelnents du discours des
organisations internationales, en particulier celui de l'UNESCO. Il Y a une
dizaine d'années, l'UNESCO a rasselnblé un groupe de 15 penseurs de
l'éducation venant de partout dans le monde en leur demandant de
réfléchir sur le futur de l'éducation. Ils ont constitué la commission
internationale de l'UNESCO sur l'éducation au 21 èmesiècle. La tâche de
ces experts était moins d'inventer de nouvelles idées à propos de
l'éducation que d'évaluer ce qui était le plus incisif et novateur dans ce
domaine. L'objectif était de tenter d'envisager l'éducation future à travers
le meilleur de ce qui a été fait dans ce domaine dans le passé et le présent.
A la fm de l'année 1996, cette commission de l'UNESCO a produit un
rapport intitulé « L'éducation: un trésor est caché dedans» (Delors,
1996) que plusieurs observateurs considèrent comme l'un des plus
importants documents éducatifs produits ces dernières décennies. Jacques
Delors, ancien président de la COlnmission Européenne, a préparé le
préambule du rapport qui est une réflexion visionnaire méritant analyse et
examen minutieux. L'un des points centraux abordé par Delors est que
1'humanité aura besoin de résoudre une série de tensions au 21 èmesiècle.
En effet, la survie mêlne de notre espèce dépendra de sa capacité à
résoudre effectivement ces tensions. L'éducation jouera bien entendu un
rôle clef dans ce processus. Parmi les tensions, Delors a identifié celles
entre le spirituel et le matériel, entre la tradition et la modernité, entre
l'universel et l'individuel, et entre le mondial et le local. Cette dernière est
en fait la première sur la liste énumérée par Delors. Il a affmné que pour
devenir des citoyens du monde, les individus doivent Inaintenir leurs
valeurs locales et leurs identités. La réponse à la mondialisation doit être
une même attention accordée au local. Le mondial et le local doivent être
considérés d'une égale importance.
Cette idée de tension Inérite une analyse plus détaillée. On relie
généralelnent l'idée de tension avec un conflit entre deux clans opposés, le
type de tension qui amène au combat, à la guerre et où il n'y a qu'un
groupe qui gagne. On parle par exemple de tension au Moyen-Orient, ou
de tension entre l'Inde et le Pakistan. Il s'agit d'une tension négative et
destructive. Je suis sûr que ce n'est pas le type de tension auquel Delors se
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réfère. En fait, il a une autre manière de voir une tension. Quand ma fille
était à l'école, elle a appris à jouer de la harpe, l'un des plus beaux
instruments de musique. Et nous avons acheté une harpe directement d'un
fabriquant, ce qui nous a donné l'occasion de voir COlnment elle est
fabriquée. L'ensemble de cet instrument est basé sur la tension. La courbe
du bois et la disposition des cordes créent la tension qui produit le son.
Sans la tension, la harpe serait inutile. La tension dans les cordes est une
tension nécessaire, fonctionnelle et créative. Je crois que c'est le type de
tension auquel Delors se réfère.
Le grand défi, bien sûr, c'est d'avoir la bonne tension et de la
maintenir. L' accordage d'une harpe est un défi constant. Chaque corde
doit être individuellement ajustée pour assurer l'harmonie de l'ensemble.
Même l'acte de jouer de la harpe peut changer la tension et rend un
nouveau réglage nécessaire. Les changements de température et
d'humidité peuvent aussi avoir un impact important. Il faut travailler
constamInent pour maintenir la bonne balance sonore. Et c' en est ainsi des
tensions dans le rapport Delors et particulièrement celles entre le mondial
et le local. Même si les tensions peuvent être fonctionnelles, le monde de
l'éducation n'est jamais statique. Un constant réajustement est nécessaire
si l'école vise à maintenir dans le curriculum l'équilibre entre les deux. En
fait, mes collègues du Sud qui tentent de développer des pédagogies en.
harmonie avec les cultures locales estiment qu'il est difficile de trouver
un équilibre quelconque au vu de la puissance du mondial. Il est vrai que
les modes de pensée et les savoirs mondiaux sont très puissants.
Comme je l'ai noté précédemment, il y a une puissante hégémonie
mondiale qui est induite par le rationalisme économique, par les lnédias,
par les multinationales et par la révolution technologique virtuelle
actuelle. C'est quelque chose de très instrumental dans sa logique. Cette
hégémonie se centre sur la préparation au monde du travail, l'acquisition
de richesses, d'un statut et de pouvoir; et la recherche de sécurité dans un
monde incertain. Un autre phénomène important, particulièrement dans le
Sud-Est asiatique, est la mondialisation de la langue anglaise et la
prolifération des programmes d'anglais comme langue seconde, de
nouveau sous la houlette des impératifs économiques. Contre ces forces
mondiales, il est nécessaire d'avoir une grande détermination pour
sauvegarder les langues et les savoirs locaux et de s'assurer de leur
présence légitime dans les curriculums. Les pédagogues du Sud en sont
comparativement à leurs premières tentatives pour réaliser ces objectifs.
Toutefois, les comptes-rendus suivants montrent que de nouvelles
pédagogies sont en train d'émerger.
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Ensuite, elle a éparpillé ses papiers sur la table. Le Inodèle n'était pas
immédiatement évident. Il n'y avait point de réseaux de cases reliées par
des flèches bidirectionnelles. Il y avait juste un dessin à main levée de
cocotier bien enraciné dans la terre. Toutefois, à l'examen détaillé du
dessin, on pouvait voir clairement que chaque élément était étiqueté: la
terre, les racines, le tronc, les fleurs, les fruits, le soleil, la pluie. Chaque
élément faisait référence à un processus ou un produit du curriculum.
Le « modèle du cocotier» est devenu le point focal de discussion de
l'équipe du proj et. Il a été présenté sur un transparent préparé par un
artiste. Clairement, le modèle avait un bon écho chez nos partenaires
locaux qui semblaient intellectuellement ravis. Toutefois, l'un des
coopérants s'est levé en disant: « Je suis désolé, ceci n'est pas un modèle.
Une métaphore peut-être, mais défmitivement pas un modèle. Vous voyez
que ce n'est pas complètement logique. Certaines des catégories ne sont
pas mutuellement exclusives. Il laisse certains problèmes ouverts,
certaines questions sans réponses. Il contient des ambiguïtés
conceptuelles ».
Aucun accord n'a été trouvé sur le cadre théorique durant cette
réunion. Mais, Salote et certains participants se sont rencontrés pour une
sorte de bilan. Un participant a dit que les experts externes n'ont pas
compris la signification spirituelle du cocotier. Il a dit qu'il va encore à
son village et il peut identifier le palmier sous lequel son père a
symboliquement enterré le placenta et le cordon ombilical lors de sa
naissance. Cela constitue un arbre significatif et symbolique pour lui.
Un autre collègue local a ajouté: « Ils ne comprennent pas cet aspect
de notre culture. Nous ne pouvons pas séparer le spirituel, le culturel et
l'intellectuel. Les choses n'ont pas besoin d'être cohérentes d'un point de
vue logique. Mais, elles doivent être culturellement et spirituellement
cohérentes. Ce n'est pas grave s'il y a des ambiguïtés et des discontinuités.
Elles font partie de la dimension spirituelle, elles font partie de la manière
dont on pense et on vit ». « C'est juste », répliquait un troisième, « ils ne
comprennent pas non plus le fait que nous pensons d'une Inanière
holistique, les idées sont intégrées et non pas séparées dans des boîtes ».
Alors le premier intervenant rétorque: « Ce qui est intéressant dans
notre modèle, c'est qu'il laisse ouvert de nouvelles possibilités, de
nouvelles idées. Il stimule ma pensée. L'autre manière les enferme dans
des boîtes. »
Ainsi, d'une manière subversive, le modèle du cocotier a été choisi
comme le cadre conceptuel de la nouvelle institution et des nouveaux
progralrunes même s'il n'a jamais été accepté en tant que tel par les
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(ii) Papouasie-Nouvelle-Guinée
La Papouasie-Nouvelle-Guinée (PNG) est une nation possédant une
diversité immense en termes de cultures, de langue et de géographie. Avec
une population d'environ quatre millions, elle compte plus de 860 langues
différentes et de nombreux dialectes (Nagai, 2000). Nagai explique que:
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Dans le contexte de la famille élargie, le savoir n'est pas conçu pour préparer
l'enfant Lamaholot à une meilleure vie future, mais pour préserver la
tradition. La culture Lamaholot met l'accent sur l'harmonie et la coopération
comme pré-requis importants à la survie à la fois dans les relations avec les
autres mais aussi avec l'environnement physique... Au lieu d'être un moyen
d'établir un sens du contrôle personnel sur des situations sociales,
l'acquisition du savoir et de compétences n'est significative qu'à la condition
d'être mise au service de la famille et de la communauté (Kopong, 1995, pp.
644-645).
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(i) Helen
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Hélène est une indigène australienne qui a grandi dans une région très
reculée de l'Ouest australien. Sa fonnation initiale était dans les arts
visuels. Elle a ensuite opté pour une maîtrise en éducation. Elle a une
remarquable capacité visuelle au niveau conceptuel et expressif. Elle avait
de la peine à mettre ses idées dans des mots et des phrases. Mais ses idées
émergeaient puissamment à partir d'un pinceau. Il y avait peu d'espoir de
la voir compléter sa thèse écrite d'une manière conventionnelle. Mais, elle
était une étudiante très brillante, alors nous l'avons encouragée à dessiner
sa thèse.
Hélène est d'abord retournée dans la région où elle a grandi pour
parler avec ceux qui l'ont élevée et ceux avec qui elle a grandi. Elle est
alors revenue à son studio pour peindre. Son studio est devenu un
laboratoire où elle a testé et exprimé ses idées. Elle a préparé des dizaines
de grandes toiles. Pendant qu'elle peignait, elle s'enregistrait sur une
cassette audio. A mesure que les idées se développaient sur les toiles, elle
était capable de les exprimer en mots et de capter ces mots. Elle a ensuite
utilisé les transcriptions éditées accompagnant ses dessins COffilnetexte de
sa thèse. Le travail fmal est un rapport de recherche original et très
révélateur sur l'éducation des jeunes indigènes australiens.
(ii) Wani
Wani vient d'un petit village sur une petite île au Nord de la PNG.
Elle a été élevée en grande partie par ses grands-parents maternels qui
n'avaient aucun contact avec les langues et les cultures européennes. Elève
douée, elle a été choisie par sa falnille pour fréquenter une école
secondaire en internat. Ensuite, elle a poursuivi ses études à l'université de
PNG. Elle est venue en Australie pour faire une maîtrise en éducation qui
s'est vite transfonnée en proj et de doctorat en raison de la qualité de son
travail académique.
Wani avait de la peine avec le cadre conceptuel de sa thèse. C'est pour
cette raison que nous avons discuté de la manière de le construire à partir
de la sagesse et du savoir de son propre peuple et en particulier les
manières de penser qu'elle avait acquises avec ses grands-parents. Chez
ces derniers, c'est la culture orale qui prédominait, et raconter des histoires
est l'outil premier du stockage et de l'analyse du savoir. Alors, elle a
décidé d'utiliser les contes comme principale méthode d'analyse en y
incorporant le cas échéant des modes de pensée occidentaux.
Ainsi, le chapitre théorique commence par une histoire qui fournit le
cadre conceptuel de sa thèse. Les questions n'étaient pas abordées d'une
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(iii) Paulus
J'ai un autre doctorant de PNG. Paulus est actuellement retourné chez
lui pour compléter la collecte des données et lui aussi a été encouragé à
mêler local et mondial. Il est retourné dans son village pour explorer, avec
les aînés, la littérature orale de son peuple, pour que sa revue de la
littérature réunisse à la fois les perspectives locales et mondiales. A partir
de là, il a développé un cadre conceptuel basé sur un dispositif
d'explication (une sorte de métaphore) que son peuple utilise
traditionnellement pour cOlnprendre le processus de développelnent des
enfants. Mais, il l'a élargi en effectuant ce travail à la lumière des
perspectives théoriques occidentales. De nouveau, on retrouve cette fusion
créative entre le local et le mondial. J'attends avec impatience son retour
du terrain.
Wani et Paulus ont donné tous les deux une dimension spirituelle et
métaphysique à leurs pensées et leurs écrits. Au contraire de l'occidental
avec sa focalisation sur l'empirique et le rationnel, ils sont à l'aise avec les
explications subjectives et spirituelles de la réalité. Comme d'autres
peuples indigènes, ils ont une tolérance pour l'ambiguïté. L'une des leçons
importantes pour moi dans ma tentative de ln'accommoder à leurs
épistélnologies est d'accepter cette habilité d'avoir manifestement des
modes de pensée apparemInent incompatibles en même temps.
(iv) Mike
Mike était l'un de mes doctorants qui est philosophe de formation et
un indigène australien. Lui aussi a eu l'opportunité de mélanger le local et
le mondial. Comme d'autres, il a pris une approche holistique, en
traversant beaucoup de thèmes dans une intensité croissante jusqu'à
arriver au noyau de son idée. Il a décrit le processus par l'expression
« parler jusqu'au bout» ou « parler jusqu'à la mort ». Il décrit le processus
comme selnblable à celui utilisé par les indigènes australiens quand ils se
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Conclusion
Le grand défi des éducateurs du Sud est de réaliser un syncrétislne
effectif entre le local et le mondial. Les écoles et universités du Sud
doivent produire des jeunes fermement enracinés dans leurs propres
langues et cultures et qui ont un sens aigu de qui ils sont et du lieu auquel
ils appartiennent. Toutefois, ces institutions doivent préparer les jeunes à
prendre leur place avec aisance et confiance dans l'univers moderne
mondialisé.
Ce défi est immense si l'on tient cOlnpte de I'hégémonie des
épistémologies occidentales. Comment peut-il être le mieux relevé? Ceux
d'entre nous qui travaillent avec des étudiants du Sud qui ont choisi
d'étudier dans les pays occidentaux font face à un défi similaire: comment
peut-on affIrmer et valoriser leurs identités locales mais en même temps
les préparer à interagir effectivement avec le mondial? Ce chapitre a
exploré certaines pédagogies nouvelles émergeant du Sud et a présenté
quelques-uns de ses pédagogues qui tentent de répondre à ces questions.
Leur tâche est considérable, eux qui cherchent à développer des approches
de l'enseignement et de l'apprentissage qui soient plus en hannonie avec
le local. Une grande détermination est nécessaire pour sauvegarder les
langues et les savoirs locaux et pour s'assurer de leur présence effective et
équilibrée dans le curricululn. Les pédagogues du Sud se trouvent aux
premiers stades de leur tentative pour atteindre ces objectifs, mais la
dynamique en faveur du changement s'accélère. En Occident, nous ferions
bien de tirer les leçons de leur expérience et de soutenir activement leurs
efforts.
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J. Gasché
San Cristobal de Las Casas (Chiapas). Cette double expérience m'a permis
de vérifier que les idées et propositions que nous avions formulées avec et
pour les indiens amazoniens valaient également dans le contexte indigène
mexicain et que le discours pédagogique élaboré en Amazonie était
immédiatement compris par nos interlocuteurs mexicains. J'ai conclu de
cette comparaison que l'intercompréhension entre ma personne en tant que
pédagogue et les étudiants indigènes des deux pays n'a été possible que
parce que le discours pédagogique que j'ai utilisé a pris comme réalité
référentielle celle d'un type de société - société indigène, tribale, ou
quelle que soit la manière de la désigner - dont chaque société indienne,
amazonienne ou mexicaine, n'est qu'une variante, dont les membres se
reconnaissent facilement dans les traits génériques du type de société en
identifiant avec eux les traits spécifiques de leur expérience particulière.
Cette pratique pédagogique concrète et réussie en Inilieu indien des deux
pays, fondée sur une intercompréhension discursive soigneusement
élaborée, a été pour moi la cause d'une grande satisfaction professionnelle
et la vérification positive de mes hypothèses de travail initiales au-delà du
cadre géographique alnazonien limité au départ.
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doivent leur être fournies à cette fm. » - Le droit des peuples de posséder
leurs propres institutions et moyens éducatifs est certainement une
composante importante de l'autonomie indigène.
L'article 28 se réfère aux langues indigènes; son premier alinéa dit:
« 1. Lorsque cela est réalisable, un enseignement doit être donné aux
enfants des peuples intéressés pour leur apprendre à lire et à écrire dans
leur propre langue indigène ou dans la langue qui est le plus
communément utilisée par le groupe auquel ils appartiennent. Lorsque
cela n'est pas réalisable, les autorités compétentes doivent entreprendre des
consultations avec ces peuples en vue de l'adoption de mesures qui
permettant d'atteindre cet objectif. » - Ainsi est consacré le droit des
enfants d'apprendre à lire et à écrire dans leur langue maternelle, même
quand cette solution exige des mesures préalables spéciales.
L'alinéa 2 affIrme le droit au bilinguisme: « 2. Des mesures
adéquates doivent être prises pour assurer que ces peuples aient la
possibilité d'atteindre la maîtrise de la langue nationale ou de l'une des
langues officielles du pays. »
L'alinéa 3 promeut la conservation des langues indigènes: « 3. Des
dispositions doivent être prises pour sauvegarder les langues indigènes des
peuples intéressés et en promouvoir le développementet la pratique.» -
Il ne suffit donc pas de savoir lire et écrire dans les langues indiennes;
celles-ci, en plus, doivent être développées, modernisées, pour que leur
usage pratique ne reste pas limité à la vie traditionnelle, mais devienne
possible dans tous les contextes de la modernité.
L'article 29 est significatif pour notre compréhension du contenu de la
notion d' interculturalité; il dit: « L'éducation doit viser à donner aux
enfants des peuples intéressés des connaissances générales et des aptitudes
qui les aident à participer pleinement et sur un pied d'égalité dans à la vie
de leur propre communauté ainsi qu'à celle de la communauté nationale. »
- Ceci est l'équivalent interculturel du bilinguisme: la personne qui se
forme doit savoir se comporter et se développer en participant aux deux
formes de vie, aux deux sociétés et cultures, l'indigène et la nationale.
Je ne citerai pas littéralement les deux derniers articles consacrés à
l'éducation et à la communication, 30 et 3 1, qui postulent la diffusion des
droits et des obligations indigènes dans leurs peuples, si nécessaire au
moyen de traductions en langues indiennes, et qui exigent que dans la
« communauté nationale» soit dispensée une formation qui la libère des
préjugés et qui l'informe, par du matériel didactique, de manière
« équitable, exacte et documentée» sur l'histoire, les sociétés et cultures
indigènes. - Les efforts pour atteindre l'égalité et le respect des peuples
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Relation de domination/soumission
Ce que j'ai appelé la « relation de domination/soumission »,
objectivelnent, se manifeste précisément dans l'ignorance et le non-respect
de ces droits que la Convention considère nécessaire d'affIrmer, parce que,
précisément, ils n'existent pas ou seulement insuffisamment. La
domination existe quand l'intégrité des pratiques et des institutions d'un
peuple n'est pas respectée, quand ses connaissances et traditions sont
discriminées et ne sont pas transmises par l'école, quand les
« développeurs » ignorent les apports technologiques proprement
indigènes, quand la juridiction indigène n'a pas de valeur légale, quand les
autorités indigènes et leurs décisions sont méprisées et ignorées par les
autorités de l'Etat. Les peuples se trouvent en situation de soumission
quand le gouvernement prend des mesures législatives ou administratives
qui les affectent sans qu'ils puissent prendre position et expriIner leurs
réserves et leurs propres aspirations, quand la législation nationale est
appliquée sans que soient prises en compte leurs coutumes et leur droit
coutumier, et la domination et la soumission se manifestent quand les
terres indiennes sont envahies par des colons, des éleveurs ou des
exploitants du bois, et quand de tels abus ne sont pas sanctionnés.
Mais la domination/soumission n'est pas seulement un phénomène
objectif, vérifiable dans des faits objectifs tels que nous les avons
énumérés; la dOlnination/soumission a aussi sa face subjective dans la
conduite des personnes: la honte (de parler en public sa langue indigène,
de se reconnaître comme membre d'un peuple indien), la timidit.é et le
silence (devant une autorité politique ou professionnelle), le sentiment
d'infériorité (face à un blanc ou un métis) sont quelques-unes des
réactions psychologiques, subjectives, qui révèlent la soumission de la
personne indigène face à une personne non indigène, dominante. Quand la
conscience veut se libérer de ces oppressions, la domination produit
souvent l'effet pervers de la négation du monde indigène par l'indigène
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On prétend aider les pays en développement alors qu'on les force à ouvrir
leurs marchés aux produits des pays industriels avancés, qui eux-mêmes
continuent à protéger leurs propres marchés. Ces politiques sont de nature à
rendre les riches encore plus riches, et les pauvres encore plus pauvres - et
plus furieux (Stiglitz, 2002).
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Quelles alternatives?
Le lecteur me demandera alors: Quelle alternative proposez-vous?
Quelle autre vision d'une utopie qui puisse inspirer et justifier notre
pratique éducative interculturelle ?
Si la domination est l'usage égoïste du pouvoir face aux autres qui ne
l'ont pas (que le pouvoir soit politique, éconolnique, social, intellectuel ou
religieux), ma position est que l'égalité, la justice, le respect et la tolérance
ne sont pas obtenus par le prêche de ces valeurs; avec cette recette, il est
illusoire de vouloir convertir le mal du monde en bien; mais que nous
devons nous rendre capables et rendre capables la jeunesse, les nouvelles
générations, de contrôler le « pouvoir du pouvoir », c'est-à-dire, la
domination.
Quel sens donnons-nous au verbe « contrôler» ? Avec ce terme nous
désignons une conduite qui manifeste la cohérence des actes avec la parole
et qui soit capable de contrer - effectivement, dans les faits - les actes
(politiques, économiques, sociaux, intellectuels et religieux) qui
produisent et reproduisent la relation de domination dans les situations
vécues, réelles. Contrôler est donc et en première instance s'opposer,
rej eter, ne pas entrer dans le j eu des automatismes de conduite qui
réitèrent quotidiennement les relations de dOlnination/soumission.
Mais en nous opposant à la domination, en disant « non », ce qui est le
premier pas du contrôle sur la domination/soumission, nous devons avoir
dans notre esprit une alternative positive qui remplace les relations de
domination par un autre type de relation, une relation que nous appelons
« libératrice/démocratique ».
En un second temps, « contrôler» va au-delà de la simple opposition;
il s'agit d'incarner dans les faits la vision positive de la justice et de
l'égalité, du droit et des obligations, et ceci dans un contexte de
domination où la justice et le respect existent formellelnent (verbalement),
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mais où ils sont pervertis dans la pratique, dans leur application. Les
« caciques» dominateurs parlent souvent de manière aimable aux
domiriés, ils se montrent même bien élevés et respectueux dans leurs
discours, mais hors du contexte du dialogue et quand ils prennent des
mesures concrètes en ville, à leur bureau, au lieu de l'exercice de leur
pouvoir, ils agissent conformément à leurs intérêts égoïstes et sans respect
pour les droits de leurs interlocuteurs inférieurs. Le respect est ainsi
« joué» verbalement dans un contexte, mais la domination est « exécutée
de fait» dans un autre.
Dans les deux cas - celui de l'opposition et celui de l'incarnation de
la position démocratique -la conduite libératrice/démocratique n'est pas
seulement verbale, dialogique, elle est aussi action: une action contraire
ou une résistance quand on s'oppose, et une action, un faire et
promouvoir, quand on incarne comme sujet social sa vision de la justice.
Un tribunal nous donne raison dans le cas d'un litige, mais les forces de
l'Etat ne rendent pas effectif le jugement en notre faveur. Devons-nous
alors continuer infatigablement à demander aux autorités (la police, p. ex.)
d'intervenir pour exécuter le jugement, quand celles-ci agissent avec une
mauvaise foi évidente ou ont été corrompues par la partie adverse
économiquement plus puissante? Ou devons-nous recourir à nos propres
for~es pour appliquer le jugement qui nous est favorable? La justice n'est
pas seulement une décision, rendre la justice est appliquer dans les faits la
décision judiciaire et cela exige l'action, celle des autorités compétentes,
ou la nôtre en cas d'autorités corrompues; c'est pourquoi nous
incarnerons une démocratie active.
La démocratie active
Contrôler l'usage égoïste du pouvoir consiste alors dans le fait de
contrer la domination et d'incarner la justice, le droit, le respect, l'égalité
et, surtout, l'usage démocratique du pouvoir face à toutes les formes
d'abus égoïste du pouvoir. En incarnant une délnocratie active nous
réalisons cette cohérence entre paroles et actes dont j'ai parlé auparavant
quand j'ai défmi le sens du « contrôle» de la domination, et qui seule est
capable de changer réellement, dans les faits et dans les situations
concrètes, les relations de dOlnination, et ceci chaque fois qu'elles se
manifestent. La dél110cratieactive est donc l'exercice d'un contre-pouvoir
qui conteste la domination et incarne l'usage démocratique du pouvoir à
tous les niveaux de la vie quotidienne.
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animaux, les maladies, les malaises, etc. De l'évidence pour les membres
d'une société indigène de l'exercice efficace de ce contrôle sur les forces
de la Nature, il résulte un prestige et un pouvoir qui est positif seulement
aussi longtemps qu'il est assumé sans égoïsme, c'est-à-dire, sans la
poursuite d'intérêts personnels. Quand les membres d'une communauté
commencent à percevoir un usage égoïste du pouvoir, alors ils
commencent à le craindre, et la vie de l'autorité entre en danger. (Le bon
sorcier devient mauvais sorcier et risque d'être éliminé). De cette manière,
le pouvoir politique est contrebalancé et contrôlé par le pouvoir social qui
s'appuie sur la vision d'une « société» qui englobe, de fait, Société et
Nature, car la réciprocité n'est pas seulement pratiquée avec les êtres
humains, mais encore avec ceux de la Nature.
Ainsi, en peu de mots - avec lesquels, je pense, tous les indiens
peuvent être d'accord - j'ai caractérisé quelques traits fondamentauxde
l'organisation économique, sociale, politique et culturelle des peuples
indigènes et des valeurs qui orientent et motivent leurs comportements et
activités, et ces traits caractérisent dans leur ensemble le milieu dans
lequel se joue une for111ede dé1110cratieactive. Il faut reconnaître que les
éducateurs interculturels ignorent ces propriétés sociopolitiques et
culturelles des peuples avec qui ils travaillent, et ils pensent que grâce à
leur application en classe de leur concept de démocratie, qui a évolué dans
l'histoire occidentale, ils apportent un élément politique décisif à la
fonnation des enfants indigènes, quand, précisément, la praxis d'une
démocratie active est à la portée de leurs mains, mais ils l'ignorent.
Nous percevons maintenant clairement qu'à cause de ces
caractéristiques socioculturelles les sociétés indigènes sont différentes de
la société urbaine et occidentale, et que c'est en fonction de cette sorte de
différence que la Convention postule de « protéger les droits des ces
peuples et de garantir le respect de leur intégrité » (article 2).
Cette intégrité signifie concrètement que tous partagent, produisent et
célèbrent ensemble dans des groupes de solidarité et selon les règles de la
réciprocité qui, le plus souvent, s'expriment en des tennes de parenté.
Mais rappelons maintenant le contexte général de la domination dans
lequel les peuples indigènes se trouvent de nos jours. Nous devons alors
nous demander si ces peuples continuent à exister dans leur « intégrité ».
La réponse ne peut être que négative, et il faut reconnaître que, sur ce
point, la Convention n'exprime pas une vision historique réelle.
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Praxis de la résistance
Les sociétés indigènes, si elles n'ont pas été exterminées au cours de
I'histoire, ont toutes été englobées dans une société plus vaste, la société
nationale et internationale, et ce processus les a affectées et transformées
- mais seulement jusqu'à un certain point, de sorte que les
caractéristiques que je viens d'énulnérer continuent à être valables pour les
peuples d'aujourd'hui, mais pas exclusivenlent. A côté des valeurs
socioculturelles mentionnées, il existe des relations qui vont au-delà du
territoire et des communautés indigènes ou qui, depuis l'extérieur, s'y sont
infiltrées et ont créé des motivations économiques, politiques, sociales,
religieuses et culturelles qui existent aussi dans la société nationale où
elles agissent avec plus de force, car c'est elle qui impose les lois du
marché, les structures politiques et administratives de l'Etat et qui promeut
les religions (églises, sectes), les modes et les formes du prestige. Mais
malgré cette nouvelle cOlnbinaison de motivations et priorisations sous
l'effet historique des relations de domination qui a donné aux Indiens le
sens de la vie actuelle au sein d'une société globale, il existe chez ces
peuples une praxis de la résistance qui réagit précisélnent à la dOlnination
et à ses conséquences. Cette réaction se manifeste de plusieurs façons et
nous ne retenons ici que quelques-unes des manifestations objectives: Des
fédérations et des confédérations ou d'autres types d'organisations
indiennes se sont formées; de nombreux congrès indiens se sont réunis, et
de Inanière ponctuelle, mais non moins significative, quelques peuples se
sont soulevés en armes. Cette praxis de la résistance apparaît avec une
plus forte incidence là où les forces de la domination sont plus fortes,
voire plus anachroniques. Cette praxis de la résistance nous démontre
précisélnent que les systèlnes étatiques délnocratiques actuellement en
vigueur sont fondalnentalement formels dans la Inesure où ils ne
réussissent pas à contrôler la domination, l'usage égoïste du pouvoir dans
toutes ses dÎ1nensions. Si nous sommes d'accord pour identifier cette
praxis de la résistance avec les traits qui caractérisent la forme indigène
de dénl0cratie active que j'ai décrite auparavant, alors cette praxis de la
résistance nous signale aussi un potentiel pour réformer cette démocratie
formelle afm qu'elle se convertisse en une délnocratie active capable de
contrôler l'usage égoïste du pouvoir: le favoritislne et la corruption,
l'enrichissement par accumulation illimitée aux dépens du prochain et la
compétition individuelle acharnée. Ce potentiel réfornlateur indigène est,
à ma façon de voir, le facteur motivateur central de l'éducation
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ont intériorisé, jusque dans leurs valeurs affectives et dans leur routines
spontanées, les mécanismes de conduite (les habitus) qui reproduisent la
domination dans la vie quotidienne. Ils se trouvent dans le même marais
bien que dans des positions différentes, et tous les deux doivent se sortir
du marais avec leur effort propre depuis leurs positions distinctes. S'ils
disposent d'une organisation politique indigène qui encadre leur
programme et qui a déjà élaboré un discours - ne serait-ce que générique
- qui revalorise la société et culture indigènes et en particulier la praxis
de résistance, alors ils possèdent un point sur lequel ils peuvent appuyer
leur effort. Nous l'avons déjà dit: l'existence de ces organisations est un
élément objectif motivateur pour les acteurs d'un programme éducatif. En
cas contraire, seul le diagnostique de la domination formulé par les
participants au programme et leur solidarité mutuelle avec les convictions
politiques en faveur d'une dén10cratie active généralisée, c'est-à-dire, leur
propre « chevelure intellectuelle », ofue la prise pour se sortir du marais.
Il s'agit alors d'un programme pionnier.
Dans les deux cas, pourtant, le discours analytique et interprétatif de la
domination et de ses conséquences objectives et, surtout, subjectives
fournit le cadre théorique qui oriente l'action - pédagogique dans notre
cas. La fonction de ce discours est de rendre compte de la société et de la
culture indigènes, et de les faire comprendre, dans un langage qui soit
exempt de toute trace de la dOlnination, qui soit neutre, et étant neutre il
s'oppose à la vision que la société dominante a des peuples indigènes.
Comprendre la société et culture indigènes en tennes neutres (qui excluent
aussi les idéalisations abusives et irréalistes) et évaluer leur praxis de la
rés istance en termes de délnocratie active est une action de revalorisation
face aux jugements négatifs de quelque sorte qu'ils soient, qui donnent
expression à la domination. Dans la lnesure où, COlnmenous l'avons dit
précédemment, l' alnbivalence caractérise les personnes indigènes,
chacune d'elles doit se libérer des instances négatives qui dominent en son
for intérieur et arriver à apprécier sa société et culture à la lumière neutre
et libératrice d'un discours théorique interprétatif adéquat. La personne
trouvera sa motivation subjectivement dans l'utopie de la délnocratie
active généralisée, dont les éléments sont présents, réels, c'est-à-dire,
existant de manière objective, dans la praxis de la résistance de son
peuple même et, éventuellelnent, dans l'organisation politique qui encadre
le programme.
Ce procès de re-découverte de sa société et culture qui guide le
processus pédagogique doit être le plus complet possible en tenant compte
de leur histoire, c'est-à-dire, des formes antérieures de la société et culture,
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pour mettre en oeuvre un curriculum interculturel pour les peuples qui ont
été étudiés par cette profession? Sans entrer ici dans une discussion que
j'ai développée ailleurs plus en détail (Gasché, sous presse), je me limite à
mentionner l'argument principal qui fait apparaître un tel usage comme
politiquement inapproprié, donc, pédagogiquement insatisfaisant. Le point
de vue de l'anthropologue est celui d'un sujet extérieur, non impliqué, sur
un objet d'étude, l'ethnie. C'est un point de vue contraire à celui du sujet
indigène qui est solidaire de sa société et impliqué dans son destin. Un
programme de formation d'instituteurs ou une école priInaire interculturels
ne doivent pas former des anthropologues, des sujets qui regardent leur
propre peuple à distance, cotnme un objet à connaître à travers un cadre
cognitif académique occidental, mais ils doivent former des sujets qui
soient autonon1es face aux forces de la domination et qui, comme tels,
assument comme leur étant propre la praxis de la résistance de leurs
peuples, de leur société et de leur culture. Le Mexique a été pionnier dans
l'intégration de contenus indigènes dans le curriculum de formation
d'instituteurs en éditant, sous le sigle du Secrétariat de l'Education
Publique (SEP), en 1988 - deux ans avant la ratification de la
Convention 169 - un « Manuel de captation de contenusethniques». Ce
document révèle le poids qu'ont eu les anthropologues dans sa conception,
étant donné que la notion de « culture» est analysée cotnme s'il s'agissait
de confectionner la monographie d'une ethnie divisée en des parties
comme: 1. Cosmogonie, 2. Médecine traditionnelle, 3. Production
agricole, 4. Technologie, 5. Flore, 6. Faune, 7. Danse», 8. Organisation
sociale, 9. Coutumes et 10. Littérature indigène. La Inéthodologie et ses
instruments ressemblent aussi à ceux du travail sur le terrain de
l'anthropologue. Ledit « Manuel» souffre donc et malgré son mérite
pionnier du défaut de l'objectivistne anthropologique: le maître se fait
anthropologue de son peuple et pour cette raison il est entraîné à le voir
comme un objet à observer et à exalniner.
Pouvons-nous concevoir une alternative qui satisfasse notre objectif
politique et forme les maîtres et les enfants COlnmedes sujets autonon1es,
libérés des liens de la domination et conscients, impliqués dans la praxis
de résistance de leurs peuples et dans l'instauration d'une démocratie
active généralisée?
De 1985 à 1997, j'ai participé activement à la création d'un
programme de formation d'instituteurs qui a essayé d'élaborer une
proposition curriculaire politiquement pertinente pour les peuples
indigènes amazoniens et qui a assumé la domination comme
consubstantielle des relations interculturelles. L'expérience a pris fm
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s. Perez
1. Introduction générale
Cette contribution reprend en grande partie la recherche sur les femmes
paysannes et les centres préscolaires non formels en Equateur que j'ai
publiée sous le titre « L'éducation rurale à petits pas» (Perez, 1996). Je
suis depuis lors retournée régulièrement sur le terrain pour suivre ce projet
de centres préscolaires ruraux dans la province de l' Azuay qui a subi des
transformations socio-économiques importantes. Cette étude privilégie les
interactions entre les différents contextes de la recherche et ensuite la
dimension locale et rurale du préscolaire en Equateur. Dès lors, l'étude des
centres préscolaires ruraux non formels (CIC) a accordé une importance
toute particulière aux promotrices (acteurs-relais). Ainsi, cette contribution
se situe en éducation comparée où des chercheurs font référence à diverses
théories cOlrune la théorie de la dépendance, théorie remise à l'ordre du
jour par différents intellectuels en Atnérique latine. L'approche
contextuelle en éducation me paraît fondalnentale pour l'analyse des
politiques, systèmes et processus éducatifs. Ainsi, dans la première partie,
je présenterai les différents contextes: contexte international, contexte
national, régional et local. La deuxième partie permettra de dégager les
concepts théoriques qui ont guidé ma démarche pour l'interprétation et
l'analyse des données. La troisième partie exposera uniquement la
situation des prolnotrices des communautés de la Sierra (Andes
équatoriennes) et leurs rôles tout en comparant les années des recherches
1987 et 2002 qui sont les moments de recherche initiale et de retour sur le
terrain. Ce choix temporel est déterminé par le nOlnbre d'années
d'expérience des centres sous différents acteurs étatiques. C'est donc
plutôt par rapport à un processus éducatif et socio-éconolnique que cette
contribution amènera une analyse comparée de l'évolution des situations.
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Le contexte politico-économique
Depuis les années 90, l'usage du dollar dans les opérations
économiques a été en augmentation constante. A partir de 1998,
l'effondrement de la monnaie nationale (Sucre) vis-à-vis du dollar, la très
forte hausse de l'inflation ont eu raison du Sucre au bénéfice de la
monnaie américaine. La dollarisation officielle de 2000, soutenue depuis
plusieurs années par l'oligarchie de la Côte a rendu inéluctable cette
décision. En dollarisant, l'Equateur a voulu donner un coup de grâce à une
crise économique historique et a abandonné du même coup sa
souveraineté monétaire et un symbole politique et national puissant. Alors
que différents mouvements sociaux ont paralysé le pays à partir de 1990
pour faire tomber le président de l'époque (Mahuad), les Equatoriens en
élisant Gutierrez le 24 novembre 2002, avec l'appui notamment des
peuples indiens, sont pleins d'espoir. Or, la situation socio-économique est
déplorable. Les classes sociales défavorisées deviennent de plus en plus
pauvres. Gaudier (1995) montre l'évolution de l'approche de la pauvreté
par l'Organisation internationale du Travail. Cette recherche a pennis de
comprendre que si l'objectif de la réduction de la pauvreté et du chômage
est sans cesse réaffmné comme objectif prioritaire depuis de nombreuses
années, les stratégies cohérentes pour y arriver font défaut. Guzman
(2001) analyse la situation de la pauvreté dans les régions paysannes et/ou
indiennes en Equateur et notamment en Amazonie équatorienne là où le
pétrole coule à flot. Dans 17 cantons, plus de 90% de la population rurale
souffrent de pauvreté voire de misère. Il existe dans les territoires
amazoniens une grande dispersion des habitants. Les coûts de transport, de
communication, de maintien de l'infrastructure routière, des denrées de
première nécessité restent très élevés.
La classe moyenne se paupérise, entraînant ces dernières années une
élnigration nnportante vers les pays du Nord. Cela fait déjà longtelnps que
dans certaines cOlnmunautés rurales, les hOlmnes sont partis soit vers la
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Côte soit aux Etats-Unis pour travailler et Inaintenir la famille dans le pays
d'origine. Les femmes restent alors seules avec les enfants et supportent
chaque jour les difficultés de la vie quotidienne. C'est pour cette raison
que les felnmes paysannes souhaitent pour leurs enfants une vie meilleure
et elles sont convaincues que l'éducation est essentielle à cet objectif de
vie d'où une nécessité de maintenir des centres préscolaires non formels.
Le contexte éducatif
Les politiques éducatives équatoriennes suivent le mouvement des
pays andins (Bolivie, Equateur, Pérou) concernant l'enseignement
primaire et l'alphabétisation des adultes. Ces pays ont des politiques
éducatives semblables: amélioration de la qualité de l'éducation;
développement de l'éducation interculturelle bilingue; intégration et
démocratisation du système éducatif (Bureau International de l'Education,
2001). Les stratégies concernent les réfonnes éducatives, la
décentralisation vers des instances éducatives régionales et locales sont en
interaction avec le contexte économique. En effet, pour pouvoir faire une
décentralisation et non une déconcentration, il convient d'avoir un
fmancement important; or les Etats andins cités ne disposent pas de
budgets conséquents pour planifier à long terme la décentralisation des
pouvoirs de l'Etat vers les régions, provinces et/ou localités, même s'ils
ont commencé à la faire selon les recommandations internationales.
Les dépenses publiques de ces trois pays oscillent entre 2,5 et 5% du
PIB (BlE, 2001) et concernent pour une grande partie les salaires des
fonctionnaires et des enseignants. Le maintien des infrastructures scolaires
est quasÎlnent nul. Pourtant, les pays andins ont un taux de scolarisation
élevé pour l'éducation primaire. Mais si on s'intéresse à l'indicateur de
permanence à l'école, autrement dit au nOlnbre d'années que les enfants
passent pour terminer l'école primaire, on remarque que les résultats sont
décevants avec un taux de redoublelnent scolaire et d'échec non
négligeable. Dans les zones rurales, l'accès à l'école est souvent difficile en
raison de l'éloignelnent des communautés par rapport au centre scolaire.
Les enfants représentent aussi une force de travail quelquefois nécessaire à
la survie de la famille. C'est le cas dans les villes où beaucoup d'enfants
des classes sociales défavorisées font divers travaux notamment dans le
commerce ambulant, et à la campagne, où les enfants aident à l'agriculture
selon les saisons. Pour ces raisons, il est vraisemblable que dans les zones
rurales, il existe un taux plus important d'absentéisme ponctuel.
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. familles nucléaires;
la perte des valeurs culturelles: le migrant dévalorise bien
souvent son milieu d'origine en privilégiant les apports de la
société urbaine dans laquelle il évolue désormais. L'habitat, par
exemple, est totalement transfonné: le paysan passe d'une
construction en matériaux locaux à une construction en dur car
l'argent qu'il a économisé lui permet d'acquérir dans sa propre
communauté un statut social plus élevé. Les valeurs culturelles
(transmission du savoir des personnes âgées aux plus jeunes, fêtes
liées au cycle agricole, travaux cOlnmunautaires...) perdent de
plus en plus de terrain.
Par ailleurs, il est utile d'insister sur un critère exogène sur lequel les
paysans n'ont guère de prise mais qui a des incidences économiques de
premier rang: les intempéries. En effet, celles-ci posent de sérieuses
difficultés aux plus pauvres des ruraux. Leurs habitations précaires sont
souvent détruites; le manque de ressources éconolniques ne leur permet
plus de reconstruire leur Inodeste propriété. Cela a été le cas dans les
années 90 en raison du « Nino» qui a dévasté les terres agricoles et a
détruit une grande partie des récoltes et des terres qui se retrouvent
souvent sous l'eau. La fonnation d'un immense lac a fmi de réduire à
néant l'espoir des populations rurales et par conséquent une grande partie
d'entre elles ont migré vers les villes et à l'extérieur du pays.
La situation de l'éducation dans la province reflète la situation
nationale avec des zones rurales éloignées où, au niveau du préscolaire, il
est important d'avoir des prograffilnes non formels avec une certaine
participation de la communauté.
J'ai rendu compte dans les sections précédentes des contextes
international, national et provincial de Inon étude. Je tenterai maintenant
de dégager et de préciser les concepts théoriques qui ID'ont guidée dans
l'interprétation et l'analyse des données. Je développerai essentiellelnent
les concepts utiles pour cette contribution et j'analyserai les différences
conceptuelles dans l'étude comparative longitudinale. Le lecteur peut
consulter « L'éducation rurale à petits pas» pour de plus amples
informations (Perez, 1996).
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toujours des mères célibataires et les autres sont des femmes mariées avec
une absence constatée des maris migrants sur la Côte ce qui n'était pas une
des particularités dans la recherche initiale.
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5.1 Nuve
Nuve en 1987
Nuve vit avec sa mère. Elle est l'aînée de la famille. Elle se rappelle
quand elle était petite où dans la maison, les grands-parents, les oncles, les
tantes, les cousins et cousines vivaient tous ensemble. C'était une grande
maison en terre battue qui, après la mort des parents a été divisée. La
famille de Nuve s'est retrouvée avec trois pièces disponibles. Les autres
membres ont occupé le reste mais comme cela ne suffisait pas, des cousins
sont partis à la Côte chercher du travail comme journaliers agricoles et
puis d'autres sont partis pour les Etats-Unis. Ils ont tout vendu pour
pouvoir payer leur voyage clandestin. Ils sont à Chicago: deux travaillent
au noir dans une usine de textiles, trois font la plonge dans des restaurants.
Ils vivent tous ensemble, ils partagent le loyer d'un petit appartement.
Nuve en 2002
Nuve est nostalgique par rapport à son enfance mais ne regrette pas
d'être restée. En réalité, sa situation s'est alnéliorée car les frères envoient
de l'argent des Etats-Unis, un peu chaque tTIois(200 dollars, quelques fois
300) lnais Nuve raconte qu'avec la dollarisation de l'économie, tout a
énormément augmenté. Elle n'a plus de contact avec le père de sa fille qui
a grandi et qui va passer son eXalTIende secondaire II l'année prochaine.
Nuve a de fortes aspirations concernant les études de sa fille. Elle veut
qu'elle fasse l'université et soit une professionnelle digne de ce nom. Elle
travaille toujours pour la communauté, elle est toujours aussi dynamique.
Les Noëls sont durs: peu de gens de sa génération reviennent au village,
alors elle organise des fêtes de Noël pour les femmes de sa cOlmnunauté
qui, COlIDneelle, restent seules. Elle tisse touj ours le chapeau de paille
mais fait partie d'une association du MCCH. Elle a été enrôlée par une de
ses connaissances de Cuenca.
Nuve a finalement passé son diplôlne du secondaire supérieur. Elle en
est fière. Son acharnement a payé. Elle insiste sur le fait que l'éducation
est essentielle mêlne pour les felnmes analphabètes ou celles qui n'ont pas
terminé l'école primaire. Alors elle donne des cours d'alphabétisation à
ses consœurs qui veulent apprendre. Elles sont 7, plutôt d'un âge avancé
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5.2 Clara-Inés
Clara-Inés en 1987
En 1987, Clara-Inés a 35 ans. A 20 ans, elle se lie avec un hOlnrne de
son village qui part pour chercher fortune aux Etats-Unis. Elle reste seule
avec sa fille et sa mère. Son père est lui aussi parti et il n'est pas rentré. De
temps en telnps, une carte postale de New York donnant des nouvelles. Il
était considéré COlTIlneun notable dans son village et puis un jour comme
bien d'autres, il entend parler de New York. Il vend ses terres, sans en
parler à sa feffi1ne,pour payer le voyage, et part en laissant à son épouse la
maison et un petit terrain autour de la demeure. Depuis que le chef de
famille est parti, le statut social de la falnille s'est dégradé. Clara-Inés a
accepté de s'occuper du centre infantile car un salaire de plus servira aux
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dépenses des siens et cOlnme elle aime les enfants, elle accepte la
proposition de devenir promotrice.
Clara-Inés en 2002
Elle vient d'avoir 50 ans. Toute une vie dédiée à la communauté. Sa
mère est morte et Clara-Inés continue l' anunation du centre préscolaire.
Elle est déprimée et regrette son passé. Son niveau de vie ne s'est pas
arrangé avec la dollarisation. Une catastrophe selon elle avec une
augmentation des coûts des produits de première nécessité. Sa vie n'a pas
beaucoup changé. Elle continue son potager et élève quelques animaux de
ferme qu'elle vend au marché. Le train-train quotidien est bien là et le
dimanche tous ceux qui restent vont à la messe. Les travaux
communautaires permettent aux femtnes essentiellement de parler de leurs
problèmes et de leurs soucis face à cette solitude qu'elles redoutent.
L'unique consolation est que sa fille a terminé ses études secondaires.
Le temps a passé et elle s'entend mieux avec la famille de sa Inère. Les
cousins ont Inêlne envoyé quelques dollars pour que sa fille puisse
continuer les études. Elle est très reconnaissante. Clara- Inés parle
librement de ses voisins qui sont partis à New York. Certains d'ailleurs
sont revenus pour construire des maisons en cunent, de grandes maisons
avec un confort important. Ceux-là ont réussi leur vie, en tous les cas, ils
auront peut-être une vieillesse heureuse.
Avec ces témoignages, les relations sociales complexes qui existent
dans les familles et dans les localités sont Inises en exergue. La mobilité
sociale peut être relevée dans ces histoires de vie, où des membres de la
famille partent ailleurs tenter leur chance. Si les possibilités de rentrer
pour les fêtes de village se présentent, ils reviennent passer quelques jours
chez eux, Inais pas tous, et en tous les cas pas ceux qui vivent aux Etats-
Unis.
Si les prolnotrices de la Sierra étaient plus dociles par rapport aux
acteurs-décideurs des comtnunautés, de l'église et de l'Etat en 1987, ces
deux felrunes ont opéré des changements dans leur position et
revendiquent beaucoup plus fermement le droit à l'éducation pour les
enfants et les femmes paysannes. Ce qui a aussi changé, c'est
l'urbanisation de ces zones rurales qui, grâce aux voies de communication,
ne sont plus si éloignées de la capitale de la province, Cuenca. Certaines
familles des paysannes qui ont migré depuis les années 80 ont réussi à
supporter mieux que d'autres la dollarisation et l'augmentation des coûts
des produits de prelnière nécessité, ainsi que le transport. La dégradation
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6. Conclusion
En somme, il existe donc toute une série de compromis entre les
différents acteurs impliqués directement ou indirectement dans la vie des
centres préscolaires. La participation et le comportement des prolnotrices
évoluent dans le temps en fonction des relations qu'elles nouent avec les
autorités locales. Avec les autorités administratives, les promotrices ont
une participation semi-active coopérative. Elles sont attentives à ces
autorités car elles peuvent être leurs alliées dans les moments difficiles.
Avec les autorités éducatives, la participation est semi-active
conflictuelle: les promotrices s'allient avec les autres autorités locales et
les mères de falnille pour essayer de trouver des solutions aux conflits qui
les opposent notamment dans certaines communautés. Grâce à leurs alliés,
elles maintiennent leur poste de promotrice auquel elles tiennent. Avec les
autorités ecclésiastiques, la participation selni-active coopérative est
présente car les promotrices écoutent les conseils de ces autorités qui ont
un rôle important dans les communautés. Elles participent aux associations
où les curés des paroisses sont souvent présents surtout à la Sierra.
En 2002, les revendications des promotrices sont beaucoup plus
appuyées. Elles disent donner leur point de vue sur tout ce qui a trait aux
centres. La participation des promotrices reste à lnon sens semi-active car
les autorités continuent à contrôler les centres et essaient d'influencer les
prolnotrices. Les autorités religieuses gardent en 2002 une importance et
sont représentées souvent dans la Sierra plutôt par une église dite
conservatrice et sur la Côte, une église émanant de la théologie de la
libération.
Pour ce qui est des rapports sociaux que les prolnotrices et le
promoteur entretiennent avec les autres acteurs dans la recherche initiale,
les acteurs intennédiaires ont des relations de pouvoir avec les felTIlnes
paysannes et des relations de subordination avec les autorités locales dans
les six communautés. Ces acteurs sont donc bien des acteurs-relais, qui
selon les circonstances, essaient de gérer une situation difficile,
conflictuelle ou coopérative, dans la mesure où ils doivent garantir et
effectuer les directives de l'Etat et cOlnprendre les attentes des femmes
paysannes dans les cOlnmunautés rurales. Cette constatation reste valide
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en 2002. Force est de constater que les centres préscolaires non formels
ont du mal à fonctionner. Pourtant, les femmes paysannes et les
promotrices font tout ce qu'elles peuvent. Le développement de
l'éducation préscolaire non formelle semble être une solution pour le
Ministère des affaires sociales tout comme elle l'était dans les années 80.
Il est évident que l'Etat équatorien privilégie l'éducation de base pour
tous, étant donné que le préscolaire reste un sous-système éducatif peu
privilégié. Pourtant, la réalité subsiste: les communautés rurales se vident
et les habitants partent pour l'étranger par le biais de réseaux. La
générosité des membres des communautés pour le bien-être de leur
localité est présente dans bien des cas et certains centres préscolaires
reçoivent des donations des migrants issus des communautés, mais elles
sont insuffisantes pour garantir une éducation préscolaire de qualité selon
les normes internationales. Ainsi, la typologie de Carnoy développée au
niveau international se conflnTIe partiellement au niveau national et local.
L'Equateur fait partie des Etats qui ont diminué le budget de l'éducation.
La situation démontrée dans le contexte politico-économique montre la
dégradation des relations politiques et publiques. Ce pays ne considère pas
l'éducation préscolaire non formelle comme une priorité urgente
notamment dans les zones rurales: le non formel est moins cher que le
formel car les promotrices n'ont pas de diplômes reconnus. En termes du
marché du travail, le pays fonctionne actuellement grâce à l'apport
fmancier des équatoriens de l'extérieur. Quant à la fracture numérique,
elle est présente dans ces COlTIlTIunautés rurales où l'accès aux nouvelles
technologies est rare voire inexistant. Par contre, les promotrices sont plus
conscientisées, au sens de Freire et de Touraine, aux enjeux de l'éducation
des plus jeunes. Elles opèrent un changement et deviennent des sujets
grâce en particulier à leur participation à des lTIOUVements sociaux de base
syndicaux et autres: avec les années, elles se sentent plus libres
d'intervenir là où il est possible de le faire ce qui n'était pas le cas dans les
années 80.
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R.C. Mishra
1 On désigne en anglais indien les groupes et les personnes qui font l'objet de cet article de
« tribals » ; par commodité, j'ai décidé de reprendre ce terme, même s'il n'est pas d'usage
courant en français (note du traducteur).
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Les études menées dans le cadre scolaire portent en général sur les
notes dans les différentes disciplines d'enseignement. En comparaison
avec d'autres groupes, les résultats montrent en général de mauvaises
performances. Singh (1996) et Singh et Jayaswal (1981) ont attribué ces
mauvaises performances à des facteurs familiaux comme le bas niveau
d'éducation, d'occupation et de revenu des parents, et de façon générale
aux caractéristiques déficitaires du milieu falnilial et communautaire. Ils
décrivent des attitudes négatives des parents face à l'école, peu d'aide de
la part des parents dans le travail scolaire, et des modes d'interaction entre
parents et enfants qui ne favorisent pas le succès scolaire. Des niveaux de
motivation bas et un concept de soi déficient ont également été considérés
COmInedes facteurs dans les mauvaises performances scolaires.
Ces études ne fournissent aucun signe de déficience cognitive ou
intellectuelle chez les enfants de populations tribales, mais attribuent les
mauvais résultats scolaires à des facteurs familiaux, sociaux, économiques
et motivationnels (Sinha & Mishra, 1997). Les parents manquent de
motivation pour envoyer les enfants à l'école, et ils interagissent avec eux
dans la vie quotidienne d'une façon qui ne les encourage pas à participer
au processus scolaire. Al' école, on leur enseigne des savoirs (p. ex.
linguistiques, mathématiques) qui sont très éloignés de la réalité
quotidienne. Aucun effort n'est entrepris pour lier les Inatières scolaires à
des connaissances et aptitudes qui sont valorisées dans la culture de ces
enfants (p. ex. les compétences manuelles, la différenciation perceptive).
Ces facteurs créent un contexte dans lequel la scolarisation se révèle
inintéressante aussi bien pour la cOlnmunauté que pour les enfants. Selon
Sinha et Mishra (1997), encourager des motivations appropriées, des
styles d'interaction entre parents et enfants à la maison, et l'utilisation
d'aptitudes valorisées par les groupes tribaux permettrait d'assurer une
performance scolaire plus optimale.
Il y a de nombreuses études utilisant des tests psychologiques, mais
peu d'entre elles ont utilisé des instruments dans lesquels les situations
réelles de la vie des enfants tribaux trouvent une place adéquate. Il faudrait
que le contenu des tests reflète de façon fidèle le contexte naturel des
enfants et que les fonctions étudiées correspondent à celles qui sont
utilisées dans les contextes familiers et les activités quotidiennes. De telles
études lnontrent que les aptitudes cognitives des enfants tribaux peuvent
être mesurées, évaluées et comprises de façon valide en exalninant leur
fonctionnalité et leur utilité dans la vie quotidienne. Des aptitudes comme
la différenciation perceptive, les processus d'apprentissage et la
mélnorisation, les conservations (selon la théorie de J. Piaget), et
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l'orientation spatiale ont été étudiées dans les recherches que nous allons
passer en revue rapidement.
La différenciation perceptive
Dans une étude déjà ancienne, Sinha (1979) a travaillé avec deux
sous-groupes de la culture Birhor au Bihar (dans la partie actuellement
nommée Jharkhand). Un de ces groupes lnenait une vie de chasseurs-
cueilleurs, alors que l'autre avait fait la transition vers une vie sédentaire
et l'agriculture. L'étude comprenait également le groupe tribal Oraon
pratiquant l'agriculture depuis longtemps. Un test de figures encastrées
mis au point par Sinha (1978, 1984) dans le contexte indien, le Story
Pictorial Embedded Figures Test (SPEFT), a été utilisé avec des garçons et
des filles de 8 à 10 ans dans chacun de ces trois groupes. Le SPEFT
s'inspire du CEFT (Children's Embedded Figures Test); des stimuli
familiers (p. ex. des écureuils, serpents, ou papillons) sont cachés dans des
paysages naturels (p. ex. forêt, jardin). Les résultats ont montré que les
enfants du groupe de chasseurs-cueilleurs réussissaient à trouver
significativement plus de figures encastrées que les enfants des groups
d'agriculteurs. Dans une autre étude, Sinha (1980) a cOlnparé des enfants
de groupes tribaux et non-tribaux dans le but d'étudier l'effet du genre. La
différence entre garçons et filles n'était pas statistiquement significative
dans l'échantillon tribal, alors que les garçons avaient un net avantage sur
les filles dans le groupe non-tribal, dans les groupes d'âge 4-5, 7-8 et 9-10
ans. Ces résultats montrent que les chasseurs-cueilleurs ont une meilleure
différenciation perceptive que les agriculteurs.
G. Sinha (1988) a étudié les effets de la scolarisation et de l'exposition
à un environnement industriel et urbain sur la différentiation perceptive
d'enfants du groupe tribal Santal. Les effets attendus de ces variables sur
les scores au SPEFT (une plus grande différenciation dans les échantillons
d'enfants scolarisés, et de milieux urbain et industrialisé) ont été
confmnés, l'industrialisation étant le facteur le plus important. L'effet plus
atténué de la scolarisation a été attribué à la mauvaise qualité des écoles
dans la région des Santals; non seulelnent ces écoles ne fonctionnaient pas
régulièrelnent parce que les enseignants étaient souvent absent, lnais la
qualité de l'enseignement et du contexte d'apprentissage étaient égalelnent
déficiente et fonctionnellelnent inefficace.
Mishra, Sinha et Berry (1996) ont effectué une recherche de grande
envergure dans l'état de Bihar (actuellelnent Jharkhand), en travaillant
avec des enfants Birhor (chasseurs-cueilleurs), Asur (sédentarisés
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Mémoiré et apprentissage
Ces processus jouent un rôle important dans nos vies. Il est vrai que
nous n'apprenons et ne nous souvenons pas de tout ce que nous
rencontrons dans ce monde, mais seulement de ce qui paraît important
pour vivre de façon efficace dans notre milieu. Le milieu dans lequel
vivent les populations tribales est très différent du nôtre, de même que les
exigences de ce milieu. On peut donc s'attendre à trouver plusieurs
différences entre les enfants de groupes tribaux et non-tribaux à la fois
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Les conservations
Les recherches qui suivent la tradition piagétienne indiquent que les
enfants acquièrent progressivement l'aptitude à conserver les propriétés de
différents objets. La conservation des quantités, du poids, du volume ou de
concepts spatiaux a été étudiée plus particulièrement dans les contextes
tribaux indiens. Une mauvaise performance de la part d'enfants de groupes
tribaux a été rapportée souvent (voir Mishra, 1998) et de nombreux
chercheurs ont estimé que cela reflétait un bas niveau de développement
cognitif chez les enfants tribaux en comparaison avec d'autres groupes.
Mais quelques études nous révèlent une interprétation différente. Elles
suggèrent que même ces processus universels doivent être examinés à la
IUlnière de leur utilité quotidienne dans le contexte tribal. Mishra (1994) a
comparé les performances à des épreuves de conservation chez les Birhor
et les Oraon du Jharkhand en utilisant des objets familiers COlTIlnematériel
de test. Il a trouvé un niveau de conservation des quantités de liquides (en
utilisant des pots en bois petits et grands, au diamètre étroit ou large) plus
grand dans le groupe Oraon, et un niveau de conservation dans le domaine
de l'espace plus grand dans le groupe Birhor. Les épreuves dans le
dOlnaine spatial portaient sur la conservation de la longueur de cordes
placées dans des configurations différentes, des jugelnents de surface, de
distance entre objets, et la mélnoire de la localisation spatiale d'objets.
L'utilité fonctionnelle respective de ces concepts dans la vie des deux
groupes ethniques a été clairement démontrée. Chez les Birhor qui vivent
de chasse et de cueillette, une cOlnpréhension de l'espace est de première
iInportance parce que cela aide à connaître sa localisation dans le terrain et
à organiser la chasse et la pose de pièges dans la forêt. Dans la vie
agricole, par contre, une compréhension des quantités est plus importante,
car les paysans doivent pouvoir évaluer la quantité de riz pour calculer le
nombre de récipients nécessaires pour sa conservation. Ces aptitudes
représentent une dimension importante du développement cognitif, et les
résultats suggèrent que les enfants tribaux sont assez compétents dans ces
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Classification d'objets
Dans notre milieu il y a une quantité tellement énorme de stimuli qu'il
est indispensable de procéder à une catégorisation quelconque pour les
organiser et s'en rappeler pour une utilisation ultérieure. La catégorisation
représente une activité cognitive relativelnent complexe, parce que cela
demande d'aller au-delà de l'information donnée par les stimuli.
Mishra et al. (1996) ont présenté à des enfants tribaux une collection
d'objets en leur demandant de les regrouper comme ils l'entendaient.
Alors que des groupements conceptuels (p. ex. ce sont des animaux) ou
structurels (p. ex. ils ont quatre pattes) ont été utilisés comme critère
important de classification, c'est la fonction ou l'utilité des objets qui
étaient prédominantes. Certains chercheurs pensent qu'une catégorisation
fonctionnelle reflète une forme de cognition moins avancée sur une
échelle développementale; si nous adoptons ce point de vue, nous
devrions en conclure que les enfants tribaux seraient moins avancés que
ceux d'autres groupes. Prenant un point de vue opposé, Mishra et al.
(1996) argumentent qu'il n'est pas question de cognition plus ou moins
avancée, mais que ces données indiquent simplement que les activités
cognitives d'enfants tribaux sont dirigées de façon prépondérante par un
principe utilitaire.
La recherche de Mishra et al. (1996) montre également que les enfants
tribaux, même ceux du groupe nomade, possèdent une aptitude
relnarquable pour effectuer des jugements précis sur la forme et la
grandeur des stimuli. Leurs aptitudes tactiles sont très développées, et leur
sens de l'orientation, des directions et des relations spatiales sont sans
commune mesure. Toutes ces aptitudes cognitives sont en consonance
avec les delnandes de leur environnelnent quotidien, et leur ont permis de
survivre dans leurs contextes éco-culturels respectifs en relevant les
nombreux défis de leur mode de vie.
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attentes de ces populations n'ont pas été exalninées dans ces études.
Mishra (2001) a essayé d'analyser ces aspects dans le contexte éducatif du
groupe Kharwar. Les analyses détaillées sont encore en cours, mais les
données indiquent que la participation des enfants Kharwar dans le
système scolaire dépend en grande partie d'une compréhension des
besoins de la communauté et comment la population pense que l'école
pourrait répondre à ces besoins.
Les enseignants
Il va de soi que les enseignants occupent une place importante dans
les processus éducatifs. Dans un pays comme l'Inde, où les enseignants
ont été considérés comme des dieux, la population attend beaucoup plus
des enseignants que dans d'autres contextes. Un problème majeur de la
scolarisation des populations tribales est le manque d'intérêt des
enseignants pour travailler dans ces régions. Cela s'applique aussi bien à
des enseignants tribaux que non-tribaux. Ces régions sont souvent très
reculées, difficiles d'accès, et y vivre pose de nombreux problèmes
pratiques (p. ex. de condition de vie et de confort, de nourriture) qui
découragent même les enseignants d'origine tribale. La prelnière priorité
de ces enseignants est de chercher à se faire transférer dans une école
urbaine. En attendant, ils se mettent souvent en congé ou ne vont
siInplement pas à l'école. Même s'ils sont présents, ils ne s'intéressent pas
à enseigner. Les enseignants qui ne sont pas d'origine tribale se retrouvent
dans un milieu culturel étranger, qui n'a pas d'attrait pour eux. Il y a aussi
le problèlne de la scolarisation des enfants de ces enseignants, qui les
amène à laisser leurs familles quelque part en ville. Ces problèmes
préoccupent les enseignants continuellement. En gros, le contexte tribal
est totalement inintéressant pour la majorité des enseignants.
Pour essayer de résoudre ce problème, les gouvernements de plusieurs
Etats ont entrepris d'envoyer les enseignants nouvellelnent formés dans
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les régions tribales pour une période initiale de quelques années. Une
question importante est soulevée par cette politique: Qui devrait enseigner
aux enfants de populations tribales? Un enseignant d'origine tribale qui
connaît la culture, la vie et les besoins éducatifs, ou un enseignant non-
tribal, qui est étranger à la région et n'a pas d'intérêt pour la culture
tribale ? Est-ce que l'enseignement peut être confié à des enseignants
inexpérimentés, ou devrait-il s'agir d'experts qui y trouvent du plaisir?
Comment des enseignants non-volontaires peuvent-ils contribuer à la
qualité de l'éducation là où il faudrait une engagement sérieux et un grand
sens des responsabilités? Quelle type de contrôle pourrait-on mettre en
place pour assurer la qualité de l'enseignement de la part d'enseignants
non-volontaires? La politique d'obliger les nouveaux enseignants à
accepter ces postes est sujette à caution. Il faudrait mettre en place des
conditions qui encouragent des enseignants confmnés à s'intéresser à
travailler dans les régions tribales.
Des études montrent que la motivation des enseignants contribue plus
aux processus d' enseignelnent-apprentissage que leurs compétences
(Vaidyanathan & Nair, 2001). Une évaluation de Sarma, Datta et Sarma
(1992) estime que presque la moitié des enseignants formés n'utilisent pas
leurs aptitudes pédagogiques dans la classe. COInlnent les enseignants
peuvent-ils être mieux motivés à utiliser dans leur pratique ce qu'ils ont
appris pendant leur formation? Voilà un problème récurrent qui inquiète
non seulement les administrateurs du système scolaire mais aussi les
parents dont les enfants sont à l'école.
Le curriculum
Aucune question n'est débattue plus sérieuselnent dans le chalnp
éducatif que celle du contenu du curriculum scolaire, et cette question
devient encore plus aiguë dans le contexte de l'éducation tribale. Par le
passé, on pensait à un curriculum unique pour tous les enfants, selon la
croyance que l'école COInlnemoteur du changement social était liée à un
curricululn qui allait favoriser l'assimilation des populations tribales dans
la société plus large. Un curricululn standard était sensé fournir aux
enfants tribaux les mêmes expériences que celles des enfants d'autres
groupes sociaux. Pendant ces dernières décennies, plusieurs chercheurs
ont exprimé des doutes sur l'utilité d'un curriculum unique pour les
enfants de populations tribales. Ils ont appelé à développer des
pro graffilnes scolaires culturellelnent appropriés qui permettraient de
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La pédagogie
Comment quelque chose est enseigné à l'école est peut-être plus
important que ce qui est enseigné. La façon d'organiser les processus
d'enseignement-apprentissage à l'école peut avoir des conséquences
importantes dans la vie future des élèves. Les technologies éducatives sont
actuellement un sujet très discuté en Inde. Pour les enfants tribaux,
l'expérience directe et l'apprentissage basé sur l'action ont été les formes
traditionnelles pour acquérir les connaissances sur différents aspects de la
vie y compris les aptitudes nécessaires à la gestion du quotidien. Cet
apprentissage prenait place dans les contextes informels par la
participation des enfants à différentes activités avec des personnes plus
qualifiées de la cOlTIlnunauté,qui pouvaient corriger les erreurs commises
par les enfants. Ces sessions d'apprentissage pouvaient continuer tant que
l'enfant n'avait pas acquis un niveau optimal de perfection, et un certain
nombre de pratiques culturelles permettaient de renforcer les compétences
des enfants. Par exemple, dans les communautés de chasseurs-cueilleurs,
un garçon ne pouvait pas se marier avant d'avoir fait la démonstration de
ses capacités dans une chasse majeure.
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La langue d'enseignement
La langue est l'élément clé des processus de communication et
d'interaction. Malheureusement, la politique des langues d'enseignement
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Conclusions
Nous tirons de cette discussion deux leçons importantes. La première
est que les capacités cognitives des enfants tribaux doivent être évaluées
en tenant compte des contextes écologiques et culturels qui impliquent des
besoins particuliers dans la vie quotidienne. A cause de ces différences
dans les besoins, la structure des aptitudes cognitives est également très
différente de celle d'autres groupes. Une seconde leçon encore plus
importante, mais qui en découle, est que les enfants des populations
tribales ne sont ni culturellement inférieurs ni cognitivement moins
compétents que les enfants d'autres groupes. Au contraire, ils possèdent de
nombreuses aptitudes hautement développées et très sophistiquées.
Les implications de ce constat pour la scolarisation de ces enfants sont
claires. Un programme scolaire qui ne tient pas compte des
caractéristiques écologiques, culturelles et psychologiques des élèves
tribaux n'a aucune chance d'avoir un effet significatif. Le système éducatif
de la population dominante non-tribale n'a qu'une valeur très limitée dans
le milieu culturel tribal, parce qu'il ne correspond pas aux styles de vie et
aux besoins des communautés tribales. Lier l'éducation fonnelle à la vie
quotidienne, et aux besoins particuliers des communautés tribales est
l'étape la plus importante qui doit retenir toute notre attention.
Les chercheurs ont décrit de nombreuses qualités des individus des
populations tribales qui sont utiles non seulement à la participation à
l'école et au succès scolaire, mais également en-dehors de l'école. Par
exelnple, les élèves tribaux semblent être plus détenninés, imaginatifs,
explorateurs et expérimentateurs, mais également plus pratiques et
émotionnellement plus stables que des enfants non-tribaux (Srivastava,
1983). Ils ont aussi une famille qui les accepte, leur donne un appui
affectif et s'implique positivement (Singh, 1996), ce qui est lié de façon
significative au succès scolaire et à la créativité chez les enfants.
Le très faible taux de participation et de réussite scolaire des élèves
tribaux malgré l'existence d'aptitudes, de dispositions et de qualités
psychologiques favorables au succès scolaire montre que nous n'avons pas
réussi à produire un modèle d'éducation appropriée basé sur les points
forts de la psychologie de ces enfants. Les études montrent qu'en
comparaison avec d'autres groupes, les chasseurs-cueilleurs ont un haut
niveau de différenciation psychologique, ils ont une bonne capacité pour
faire de fmes distinctions de fonne et de grandeur, pour catégoriser des
objets et manipuler des relations spatiales (Mishra et al., 1996). Ces
capacités sont requises pour réussir dans les sciences, les arts comme la
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perceptions et les attitudes des enseignants par rapport aux enfants tribaux
est encore plus essentiels. Il faut les sensibiliser pour leur permettre de
voir les caractéristiques culturelles et psychologiques des populations
tribales de façon positive, et les motiver pour s'impliquer de leur mieux
dans l'enseignement. Il faut mettre en place des incitations pour attirer des
enseignants confirmés et les encourager à rester assez longtemps sur place.
Seuls de tels enseignants motivés réussiront à intéresser les enfants tribaux
à apprendre à l'école, à condition d'introduire un curriculum avec des
contenus qui sont pertinents aux réalités existentielles des communautés
tribales, en se basant sur des technologies éducatives innovatives.
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A. Akkari
Introduction
La connaissance approfondie des pédagogues et des pédagogies
considérées comme non-occidentales2 delneure insuffisante malgré
quelques travaux récents sur la question (Thanh Khoi, 1995; Reagan,
2000). L'école coranique représente un modèle pédagogique intéressant
non seulement en raison de sa longévité mais aussi par sa large diffusion
géographique dans le monde. Or, la connaissance de l'école coranique a
souffert jusqu'ici de la quasi-inexistence d'une véritable anthropologie de
l'islam en tant que religion porteuse d'un système cognitif original
(Colonna, 1984). L'image d'une école coranique dans laquelle des
apprentissages ruditnentaires sont mêlés à la contrainte et aux châtiments
fait l'économie de la cOlnplexité liée à l'extension géographique du monde
lTIUsulmanet aux différents cheminelnents historiques qui l'ont configurée
(Penrad,2003).
1 Je tiens à relnercier Pierre Dasen pour sa lecture critique d'une première version de ce
manuscrit.
2 Signalons que l'opposition école occidentale/école coranique est contestée par certains
historiens qui soulignent la continuité entre l'école byzantine et l'école coranique. Reagan
(2000) estime de son côté que les traditions pédagogiques occidentale et islamique puisent
dans les mêmes sources religieuses. Il faut également ajouter que l'école coranique avait
entrepris de profondes mutations à la fin du 19ème siècle comme par exemple
l'introduction des disciplines profanes. Ces changen1ents ont été stoppés par la
colonisation. Par ailleurs, l'époque la plus féconde de la civilisation arabo-islamique est
celle des emprunts et des interactions "Occident- Orient". La fameuse université créée à
Bagdad par le calife abbasside AI-Mamoun (813-833) appelée la "Maison de la sagesse"
(AI-bey! al-hikma) était entre les IXe et XIe siècles, un haut lieu de liberté d'esprit, de
production intellectuelle et de synthèse des sciences hellénique, indienne, perse et arabe.
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(1) L'ouverture
L'admission à l'école coranique constitue un droit pour tout enfant
d'un père musuhnan sans aucune restriction liée à la naissance, l'âge, le
niveau intellectuel ou l'intégrité physique3. L'âge normal d'entrée à
l'école coranique est d'environ 5 ans. Une fois franchie l'étape de
l'adhésion à l'islam, l'ouverture de l'école coranique à tous les groupes
sociaux et à toutes les cultures fait de cette institution un « enseignement
de base» destiné à tous, et donc par défmition égalitaire. L'ouverture de
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(2) La ritualisation4
L'appel intensif à la mémoire, la mobilisation du corps par le rythme
et la voix sont les signes extérieurs de la pédagogie de l'école coranique.
Elle est tout entière marquée par le respect de la forme et par le rôle
central de la répétition, à la fois catégorie clef et pratique centrale de cet
apprentissage qui consiste à refaire inlassablement les mêmes récitations,
les mêmes parcours (Colonna, 1984). «Apprendre par cœur» des
quantités de plus en plus importantes du coran est resté une modalité
centrale de la pédagogie coranique malgré son abandon progressif dans
d'autres traditions pédagogiques. L'initiation à la lecture et l'écriture du
coran, qui se déroule en caractères arabes quelle que soit la langue
maternelle du maître ou des élèves, est organisée autour d'une démarche
analytique et progressive: la lettre, le mot, la phrase et le sens. L'arabe
littéraire n'était pas connu en général des Arabes ruraux, ni des musulmans
non arabes. Or le coran ne pouvait être enseigné qu'en arabe littéraire (en
vertu du dogme de l'inimitabilité). Les écoliers le récitaient donc par cœur,
souvent sans le comprendre.
La pédagogie de l'école coranique est, selon la terminologie de Freire,
essentiellement bancaire puisqu'elle traite les jeunes comme des
« récipients» potentiels du coran. Ils doivent s'imprégner de la culture
islamique et se conformer aux valeurs et normes établies. Ceux qui s'en
éloignent sont sévèrement rappelés à l'ordre. L'école coranique peut être
considérée comme une institution qui fait accéder l'élève à l'universalité
du coran par une approche basée sur la transmission. Par l'imposition de
contraintes (soumission/adhésion), elle opère une mise en œuvre de
réflexes conditionnels, d'habitudes par répétition sur un programme
4 Observons que cette dimension rituelle est présente dans d'autres pédagogies religieuses,
Cf. Gurugé (1982) pour la pédagogie bouddhique.
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(3) La permanence
La pennanence dans le temps de l'école coranique demande à être
expliquée autrement que comme un héritage culturel archaïque. En effet,
COlnment expliquer que l'école coranique a pu traverser des siècles en
restant présente dans une vaste zone géographique. L'une des hypothèses
que l'on peut fonnuler pour interpréter cette pennanence est l'absence
dans l'islam d'un clergé hiérarchisé à l'instar de l'église catholique. En
effet, ouvrir une école coranique n'est lié à aucune institution régulatrice.
L' »autorisation» d'enseigner dépend exclusivement de la communauté
locale des croyants. Nous reviendrons dans la dernière partie de ce texte
sur la vivacité actuelle de l'école coranique en Afrique de l'Ouest
notamment.
(4) La malléabilité
La malléabilité et la « migration» de l'école coranique d'un système
culturel et linguistique à l'autre repose sur une combinaison optimale et
subtile de l'oral et de l'écrit. Ce caractère composite lui pennet d'entrer en
résonance aussi bien avec la grande culture (la tradition écrite), qu'avec
les cultures de tradition orale (Colonna, 1984). Cette capacité explique en
particulier l'enracinement rapide de l'école coranique en Afrique de
l'Ouest. COmIne l'a montré Santerre (1973), les maîtres des écoles
coraniques du Nord du Cameroun ne sont nullement complexés par leur
méconnaissance de l'arabe. Cela ne les empêche nullement de jouer un
rôle dans la socialisation religieuse des enfants dont ils ont la charge.
(5) La résistance
L'irruption du système éducatif colonial a produit une configuration
complexe dans laquelle l'école coranique s'est trouvée pour la première
fois de son histoire en position dominée. Le développement d'une dualité
entre l'école occidentale, chargée de fonner les enfants des colons
européens et des élites urbaines et l'école coranique, réservée aux ruraux
pauvres et aux indigènes, a été manifeste durant toute la période coloniale
au Maghreb (Colonna, 1984 ; Sraeib, 1974).
Mais, même en situation de domination, l'école coranique a pu être
mobilisée dans la lutte contre la colonisation. Alors que les écoles
186
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. (Tunisie, Turquie),
incorporée dans le système étatique ou tolérée par ce dernier
5 Notons que cette domestication n'a pas toujours donné les résultats escomptés par la
colonisation. En effet si la première génération des résistants à la colonisation en Algérie
et en Tunisie était issue de l'enseignement islmnique, la deuxième génération qui a obtenu
l'indépendance en Tunisie et qui a déclenché la guerre de libération en Algérie est un
produit d'une double éducation « arabophone» et « francophone ». L'exemple typique est
représenté par Bourguiba qui après avoir terminé dans un collège traditionnel tunisien ses
études secondaires a pu décrocher son brevet d'avocat à Paris.
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The central grounds on which forms of education that differ from schooling
are condemned [in conventional educational argument/policy/discourse] are
that changing the person is not the central motive of the enterprise in which
learning takes place [...]. The effectiveness of the circulation of information
among peers suggests, to the contrary, that engaging in practice, rather than
being its object, may well be the condition for the effectiveness of learning
(Lave& Wenger, 1991, p. 93).
190
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. pratique du coran,
l'évaluation et la certification participent elles-mêmes à
l'appropriation et à la consolidation des compétences.
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Ces ONG islamiques négocient directement avec les Etats concernés des
facilités pour l'importation des matériels, des équipements et des compétences
nécessaires à leur entreprise. Leurs relations avec les organisations nationales,
si elles sont maintenues, ne sont plus exclusives, elles sont de plus en plus
impliquées dans la réalisation et le suivi de leurs projets (Penrad, 2003, p.
333).
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Conclusion
L'école coranique ne laisse pas les analystes contemporains de
l'éducation dans les pays arabo-musulmans indifférents. Pour certains, il
s'agit d'une institution archaïque combinant une éducation religieuse et
des méthodes pédagogiques livresques et répressives (mémorisation sans
cOlnpréhension, châtiments, endoctrinement...). Pour d'autres, elle
représente au contraire une alternative sérieuse à la difficile généralisation
de la forme scolaire occidentale dans cette partie du monde. L'analyse
développée dans ce texte tend à Inontrer qu'il s'agit d'une forme
d'éducation originale qui se distingue nettement de la forme scolaire
occidentale. En particulier, nous avons Inis en évidence la capacité
d'intégration sociale et cOlnmunautaire développée par l'école coranique
tout au long de son histoire. Dans l'alphabétisation coranique, c'est la
force du lien social qui donne en permanence valeur et sens à l'effort des
apprenants. De même, certaines écoles coraniques africaines réalisent un
syncrétislne pédagogique en intégrant divers éléments de la forme scolaire
moderne. Mais attention, il s'agit d'une nouvelle fonne d'école coranique
qui réalise pour reprendre l'expression de M. De Certeau un
« braconnage)} de la forme scolaire occidentale. Ce braconnage exprime
la ruse de celui qui se trouve dominé mais qui invente des manières
imprévues pour utiliser certains éléments de la forme scolaire (De Certeau,
1980).
La résurgence de l'école coranique dans certaines régions du monde
arabo-musuhnan révèle les tensions et les conflits culturels qui traversent
des sociétés en transition. Ces dernières ne sont pas complètement
intégrées dans la modernité éducative occidentale mais elles ne trouveront
pas non plus leur salut dans le repli dans des structures traditionnelles de
type religieux.
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Annexes
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l'implication
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Introduction
L'Inde est une ancienne civilisation où la spiritualité et les réalités de la
vie ont toujours coexisté. Ainsi, peu de pays sur cette terre peuvent offrir
une telle diversité dans la philosophie de la vie. La langue représente un
ingrédient essentiel de la culture d'un groupe d'individus. La fondation de
la culture indienne et son héritage reposent sur une langue ancienne,
appelée le sanskrit. Cette langue, qui est une des plus anciennes langues du
monde, contient les contenus les plus profonds de la pensée et les
réalisations les plus plaisantes de la création humaine. Des aspects de cette
langue peuvent être trouvés non seulelnent dans la littérature mais aussi
sous une variété de formes artistiques et de danses. Le sanskrit est aussi lié
à une grande variété de rites religieux et de pratiques du yoga que les
Indiens accomplissent pour s'élever spirituellelnent. C'est une langue de
rêve et de romance, de science et de technologie, et d'un système médical
complet. Elle contient une gralnmaire précise et bien accordée (la
gralTIlnaire de Panini utilise un systèlne de Inarqueurs auditifs) et est
extrêmement riche en spéculations philosophiques. Les concepts du zéro
et des décimales ont été inventés dans cette langue. Aussi, le sanskrit a-t-il
apporté une grande contribution à la sagesse et à la connaissance qui se
sont développées sur ce sous-continent durant ces derniers millénaires.
Histoire du sanskrit
L'utilisation fonnelle de n'Ï1nporte quelle langue peut être tracée dans
l'histoire de son écriture. De ce point de vue, le sanskrit semble être très
ancien. On trouve des références historiques du sanskrit et des écoles
sanskrites dans divers sources (Burrow, 1995 ; Filliozat, 2000 ; Raghvan,
1957 ; Upadhyaya, 1999 ; Vaidya, 1986). Il est pourtant assez difficile de
présenter l'historique de cette langue car la plupart des textes qui nous la
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L'éducation sanskrite
Dès le début de l'évolution du sanskrit, la transmission du savoir a été
au centre des préoccupations des lettrés sanskrits. Plusieurs auteurs (e.g.,
Altekar, 1934 ; Biswas & Agrawal, 1986 ; Chatterjee, 1999) ont présenté
un rapport précis et détaillé de l'éducation dans l'Inde ancienne.
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Les institutions
Dans le système traditionnel de l'éducation sanskrite, l'accent était
lnis sur un développement équilibré de l'intellect, des émotions et des
aspects pratiques de la vie. Les buts d'une telle éducation étaient menés à
bien dans deux sortes de centres éducationnels : les temples (111andir)et la
maison ou famille du lnaître (gurukul). Les temples étaient de petits
centres, mais importants, de l'éducation en Inde dans les telnps anciens.
Aujourd'hui encore, beaucoup de temples servent de centres éducatifs.
La littérature sanskrite abonde en descriptions de temples pour
l'éducation du yoga, de la méditation (sadhana), de la philosophie et de la
religion, de la lnusique, de la danse et d'autres formes d'arts (peinture,
sculpture etc.), des activités qui étaient pratiquées et interprétées comme
une manière de réaliser les diverses manifestations du divin (Tout-
Puissant). L'implication et la concentration lors de ces quêtes étaient
considérées comme différentes formes d'upasana (manières de s'asseoir
près de Dieu) et, en conséquence, la manière la plus facile d'atteindre
Celui qui ne peut pas être atteint autrelnent.
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Pédagogie
Dans les pages précédentes, nous avons mentionné que l'éducation
dans les gurukul visait à atteindre un certain nombre d'objectifs relatifs à
la vie de tous les jours et à la vie spirituelle. Une grande variété de
stratégies, relatives à l'âge des apprenants ainsi qu'au dOlnaine étudié ont
été adoptées pour atteindre ces objectifs. Les anciens pensaient que le
premier éveil de la conscience se produisait à l'âge de sept ans environ.
Aussi, c'était l'âge approprié pour envoyer l'enfant dans un gurukul ou un
telnple afm qu'il puisse développer ses potentialités mentales et
spirituelles. Pour pouvoir entrer dans un gurukul, il fallait passer un test
d'éligibilité. Les critères d'acceptation variaient d'un enseignant à l'autre.
Dès qu'ils étaient ad1nis au gurukul, les enfants étaient initiés à trois
pratiques de base du yoga: nadi shodhan (purification du système
nerveux), pranaya111(méditation à l'aide de respiration spécifique), and
surya namaskar (prier le soleil dans des postures particulières).
L'enseignement aux nouveaux arrivants comportait aussi l'apprentissage
de prières destinées à la déesse de la sagesse (Gayatri mantra) pour
favoriser un développement équilibré du corps et l'esprit.
Le stade suivant comportait l'enseignement aux étudiants de Inéthodes
d'autocontrôle, de conscience de soi et d'autodiscipline. Après
l'introduction de ces pratiques, le guru faisait passer de nouveaux tests aux
enfants avant de commencer à aborder l'éducation formelle proprement
dite. Si l'enfant était capable de répondre aux demandes de l'éducation
morale, le guru le considérait éligible pour l'éducation formelle
(adhikarin). Ainsi, la satisfaction du guru était essentielle pour avoir droit
à l'éducation formelle. Le niveau de concentration, le développement
moral et la volonté étaient les éléments qui détenninaient la nature et le
type d'éducation. La perfection en tant qu'être hUlnain et le droit à
l'apprentissage étaient les critères les plus importants pour fournir une
éducation de haut niveau. Cela contribuait, dans une certaine mesure, à
perpétuer le bon usage de la connaissance pour favoriser le développement
de la cOlnrnunauté. C'est pourquoi, développer la responsabilité envers la
communauté était la préoccupation principale en vigueur dans les gurukul.
L'enseignement y était essentiellement oral et suivait une approche
dialectique qui faisait appel à des moyens mnémoniques appropriés dans
certaines disciplines. L'apprentissage des Veda, par exelnple, se faisait en
utilisant des battements de la main bien précis liés à la prononciation des
différents vers chantés védiques (mantras). Jusqu'à aujourd'hui, cette
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ordre doit être faite entre le pandit et le guru. Un pandit est une personne
sage, qui a reçu une bonne éducation, qui a une bonne mémoire, et une
bonne connaissance orale des Veda et d'un ou de plusieurs shastras
(tradition d'écriture). Un pandit peut ou non être un enseignant. De l'autre
côté, le guru est un enseignant mais aussi plus que cela. Il est celui qui
illumine tous les aspects de la vie (matérielle et spirituelle) de quelqu'un.
Si le maître existe seulement physiquement, un guru peut aussi exister
symboliquement.
Pendant la fm du 19èmesiècle, des changements radicaux prirent place
dans les écoles sanskrites et ceci plus particulièrement dans les capitales
culturelles de l'Inde. Par exelnple, les Anglais ayant besoin d'experts qui
pourraient les aider à juger en fonction des lois hindoues, une école
sanskrite qui mettait l'accent presque exclusivement sur le dharmashastra
(code de conduite hindou) a été fondée à Varanasi. Pendant quelque
telnps, cette école fut dirigée par des indigènes. Plus tard, des anglais aussi
bien experts en sanskrit qu'en littérature et sciences occidentales furent
envoyés dans cette école dans le but d'étendre l'enseignement à d'autres
domaines que les savoirs classiques indiens (Dalmia 1996).
Cet effet s'est propagé à d'autres écoles et c'est comme cela que les
Anglais sont parvenus à introduire une partie de leur curriculum dans les
écoles sanskrites. Avec ce changement, le sanskrit pouvait être reconnu
comme un système culturel puissant qui pouvait à la fois refléter et créer
une structure sociale et une idéologie. D'un autre côté, il est aussi devenu
un élément important de l'exploitation économique et politique qui a
fmalement résulté en un affaiblissement de la culture indigène et à son
remplacelnent par des valeurs culturelles occidentales. Par exelnple, les
lettrés possédant des diplômes (offerts par les Anglais) pouvaient,
dorénavant, être employés comme enseignants réguliers et recevoir des
salaires. Certains spécialistes considèrent ce changement comme le
commencement du déclin de l'éducation sanskrite en particulier et de
l'éducation en général (Biswas & Agrawal, 1986).
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L'introduction de diplômes
La fondation d'universités sanskrites dans certaines parties du pays a
marqué un autre processus de modernisation de l'éducation sanskrite. Ces
universités diffèrent des autres universités par le fait que 1) leur
curriculum est traditionnel et proche de celui des écoles traditionnelles
sanskrites et que 2) la langue d'instruction et d'examen est le sanskrit.
Aujourd'hui, la plupart des écoles et des collèges sanskrits sont affiliés à
ces universités pour la reconnaissance de l'éducation qu'ils apportent. Ces
universités ont introduit des diplôlnes (Michaels, 2001) qui sont reconnus
par les Etats et le gouvernement central et qui sont équivalents à ceux
offert dans les autres universités (par exelnple : BA, MA, doctorat). Avec
ces diplômes les étudiants acquièrent le droit de postuler à une grande
variété de postes gouvernementaux et d'entrer, ainsi, en compétition avec
les détenteurs de diplômes provenant des autres universités.
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qu'il existe une forte demande d'étudiants des écoles sanskrites pour des
occasions particulières, une grande variété de cérémonies et d'activités
sont organisées tout au long de l'année autour des lettrés sanskrits et leur
procurent un gagne-pain régulier. Cette situation attire beaucoup
d'étudiants, plus spécialement des étudiants originaires de familles
brahmanes démunies des régions rurales qui n'ont pas assez de ressources
pour couvrir les besoins essentiels de leurs enfants (nourriture, vêtements,
enseignelnent). Les centres religieux nnportants comme Varanasi et
Hardwar attirent plus ce type d'étudiants que les petits centres où la
perspective de pouvoir obtenir assez de fonds pour subvenir à ses besoins
n'est pas très bonne. Ainsi, il existe une grande variabilité dans la
distribution des écoles sanskrites et du nombre d'étudiants qui les
fréquentent dans les différentes régions du pays.
Apprentissage et mémoire
Un certain nombre de recherches ont été effectuées en psychologie
interculturelle sur les effets de la scolarisation sur le développement
cognitif des enfants. Des comptes-rendus détaillés de ces études sont
disponibles (Dasen & Mishra, 2004 ; Mishra, 1997, 2001 ; Rogoff, 1981).
Beaucoup de ces études relatent des comparaisons entre enfants scolarisés
et enfants non-scolarisés. Il existe aussi quelques études examinant les
effets du type de scolarisation (par exemple de l' école coranique) sur le
développement cognitif des enfants, plus particulièrement de la mémoire
(Wagner, 1993). La conclusion générale de ces études est que la
scolarisation de type occidental favorise le développement de certaines
compétences cognitives (par exemple certaines stratégies
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La différenciation psychologique
La différenciation psychologique a également été étudiée chez les
enfants de l'école sanskrite. Selon la théorie de Witkin (1978), le
développement psychologique d'un individu se fait en termes d'une
différenciation graduelle, du global au plus différencié, et ceci dans
différents domaines du comportement. Une construction moins générale
de la différentiation psychologique est le style cognitif qui se manifeste
selon deux modes: la dépendance à l'égard du champ (FD) et
l'indépendance à l'égard du chalnp (FI). Les individus FD et FI diffèrent
dans la manière dont ils se réfèrent à leur environnement et à eux-mêmes.
Les individus FD ont plus tendance à percevoir de façon globale et sont
caractérisés par une acceptation passive de leur environnement. A
l'opposé, les individus FI ont plus tendance à réagir à leur environnement
de façon analytique (Witkin, 1978).
Alors que le style cognitif se développe en adaptation à la demande
écologique que rencontrent les individus ou les groupes, les recherches ont
démontré que la scolarisation de type occidental tendait à promouvoir le
développement du style FI (Berry, 1976 ; Mishra, 1997, 2001). A ce jour,
nous n'avons pas beaucoup d'infonnations concernant le développement
de ce style dans d'autres formes de scolarisation. Mishra et Agrawal
(2002) ont comparé la différentiation perceptuelle chez des enfants
fréquentant les écoles traditionnelles (sanskrites et coraniques) et dans les
écoles modernes (de type occidental). Les tests SPEFT (Story Pictorial
Enlbedded Figures Test, Sinha, 1984) et BDT (Kohs Block Designs) ont
été administrés à 240 enfants âgés de 5 à 13 ans. Certaines constatations
intéressantes ont émergé des résultats de cette recherche mais nous
n'allons nous intéresser ici qu'aux résultats concernant le rôle de
l'éducation sanskrite. En général, les scores au test SPEFT augmentaient
avec l'âge. Les résultats des enfants des écoles sanskrites étaient,
toutefois, moins bons à tous les âges. Les enfants des écoles sanskrites ont
aussi passé plus de temps à trouver les objets placés dans des dessins
complexes que les enfants fréquentant l'école lnoderne. Des résultats
similaires ont été notés avec le test du BDT, les enfants de l'école
moderne réussissant mieux que ceux des écoles sanskrites. Il serait
possible d'interpréter ces résultats comme indiquant que la perception des
enfants des écoles sanskrites était moins différenciée que celle des enfants
fréquentant les écoles modernes. Cette interprétation serait tout à fait
cohérente avec les résultats des études montrant que les capacités
analytiques décontextualisées et le transfert des apprentissages scolaires au
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images étaient montrées aux enfants et une histoire en relation avec ces
images leur était racontée. Chaque personnage recevait un nom hindou ou
un nom musulman et était décrit comme l'initiateur de certaines actions
menant soit à des conséquences positives (comme gagner un trophée), soit
à des conséquences négatives (par exemple voler). Après avoir écouté
I'histoire, les enfants devaient deviner quel personnage de I'histoire avait
initié l'action et aussi dire lequel allait être récompensé ou puni.
Recolnmander une récompense et empêcher de faire du tort à un membre
de son propre groupe étaient utilisés comme mesure de préjudice (défmie
COrnInefavoritisme de l' endo-groupe ou discrimination de l' exo-groupe).
Nous n'allons décrire ici que les résultats concernant directement les
enfants fréquentant les écoles sanskrites. Tous les enfants étaient
conscients de leur identité sociale alors que seuls 90 % des enfants des
écoles modernes connaissaient la leur. La base de l'identité sociale pour
les enfants de l'école sanskrite était de façon prédominante (95%) les
caractéristiques internes (les qualités comportementales) des individus,
alors que dans le cas des enfants fréquentant les écoles modernes, à la fois
des traits internes (49 %) et externes (par exelnple les vêtements) (39 %)
caractérisaient leur identité sociale. La famille était la source principale de
connaissance de l'identité sociale pour les deux groupes. Alors que les
enfants des deux groupes ont montré un même taux de préférence pour les
membres de leur propre groupe, il y avait des différences significatives
dans la nature de ces préférences. La préférence dominante des enfants
fréquentant l'école sanskrite était principalement en tennes d'activités
interpersonnelles alors que la préférence de l'autre groupe était basée à la
fois sur les activités interpersonnelles et un penchant général (sympathie).
En plus, les enfants fréquentant les écoles sanskrites disaient préférer les
membres de leur propre groupe surtout en raison de leurs habitudes
alimentaires (végétariennes dans ce contexte), ce qui n'a pas été un critère
de choix pour les enfants fréquentant les écoles modernes. Les tendances à
allouer des récolnpenses et de prévenir des punitions aux membres de leur
propre groupe était prédominant dans les deux groupes d'écoliers. En
général, les résultats ont indiqué que le développelnent de l'identité
sociale et de préjugés n'était pas beaucoup influencé par le type de
scolarisation reçue par les enfants. Ces résultats peuvent être interprétés de
deux manières. Il peut être argumenté que la formation de l'identité
sociale est un processus universel qui prend place à la maison de la même
manière quelle que soit la forme de scolarisation. D'un autre côté, il peut
aussi être soutenu que la glorification de l'identité sociale commence plus
tard que l'âge liInite ( 12 ans) utilisé dans cette étude.
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Conclusion
Les écoles sanskrites qui occupaient une place très respectable dans la
société indienne traditionnelle, ont beaucoup perdu de leur importance
durant les dernières années. Ceci est plus spécialement dû à la possibilité
de choisir, pour une grande section de la population indienne d'autres
options éducatives qui préparent à un meilleur avenir du point de vue
économique. Bien que plusieurs de ces écoles survivent dans les
campagnes et dans les petites villes, il y a beaucoup de chance que ce type
d'école disparaisse ces prochaines années. D'un autre côté, les écoles
situées dans des centres religieux importants ont plus de chance de se
perpétuer.
Des études ont été menées pour examiner COlnment les Indiens
réagissent aux changements culturels (Mishra & Chaubey, 2002 ; Mishra,
Sinha, & Berry, 1996; Sinha, 1988). Les résultats ont Inontré que les
Indiens adoptent souvent une stratégie de conservation d'éléments de leur
propre culture mêlés à des éléments d'autres cultures dans un état de
coexistence. C'est comme cela que la société indienne a été capable de
maintenir son héritage culturel jusqu'à aujourd'hui sans entrer en conflit
avec les incursions d'autres cultures. Alors que beaucoup d'individus de la
société indienne semblent très «modernes », leurs traditions restent à
l'abri des influences de la modernisation. En fait, ces personnes
« modernes» peuvent souvent être trouvées en train de glorifier les
traditions et ceci plus encore que des personnes plus traditionnelles. C'est
pourquoi, aussi longtemps que les traditions vivront, la vie des écoles
sanskrites ne sera pas en danger. Cependant, leur importance pour la
majorité des gens va probablement diIninuer de plus en plus.
Durant ces dernières années, le gouvernement indien a ressenti le
besoin de raviver les connaissances et la sagesse traditionnelles. Il existe
de nombreux débats sur cOlrunent et quoi faire revivre. Il existe pourtant
certains domaines du savoir où une interaction mutuelle et un dialogue
entre les lettrés traditionnels et les scientifiques modernes semble possible.
Le temps est un de ces domaines, l'espace et le mouvement des planètes
sont d'autres domaines potentiels pour une collaboration entre physiciens,
astronomes modernes et lettrés sanskrits.
L'astrologie a toujours été au centre des débats entre les lettrés
traditionnels et modernes. Les mathématiques védiques qui sont beaucoup
plus faciles et précises que les mathématiques modernes enseignées dans
les écoles aujourd'hui sont aussi un domaine possible pour effectuer des
recherches mutuelles et rechercher des applications. D'autres domaines
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Références
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M. A. Broyon
Introduction
A l'instar d'autres fonnes de scolarisation traditionnelle, l'école sanscrite
n'est pas très connue en Occident. Le peu de documents existants abordent
essentiellement l'aspect historique et philosophique tout en survolant
quelque peu les aspects pédagogiques. Et, mis à part Protopapas (1998) et
Michaels (2001), personne n'exalnine son adéquation (ou non adéquation)
aux besoins de la société indienne contemporaine. C'est pourquoi, il nous
a semblé important de nous intéresser à ces aspects encore peu explorés.
L'étude de deux écoles sanskrites, l'une réservée aux filles et l'autre aux
garçons va pennettre une meilleure compréhension des pratiques
éducatives encore en vigueur aujourd'hui dans ces écoles. Elle nous aidera
également à mieux appréhender les enjeux qui se cachent derrière le
financement public ou privé de ces institutions. L'historique et la
philosophie de l'éducation sanskrite ayant déjà été largement évoquée
dans cet ouvrage dans l'article de Mishra et Vajpayee, seuls les aspects
historiques et philosophiques les plus significatifs des pratiques éducatives
seront développés ici.
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sanskrite, il serait très réducteur de penser cela. Car, s'il est vrai que
l'apprentissage des Veda (textes religieux) qui représente une partie
importante de l' enseignetnent dispensé dans les écoles sanskrites se fait
par cœur, ceci s'explique, entre autres, par le fait que lors des rites,
l'exactitude textuelle et gestuelle est essentielle, l'erreur étant considérée
comme une faute majeure (Renou, 2001) et une catastrophe pour la
communauté (Pollak, 1982). Mais cet apprentissage par cœur ne se fait pas
de la façon dont nous l'entendons généralement: la récitation des Véda se
fait de Il manières différentes ce qui implique des comparaisons et une
réflexion sur leurs différentes utilisations (Filliozat, 2002). D'autre part, il
existe aussi une forme de métnorisation qui est la mémorisation du
contenu des textes (ce n'est pas une tnémorisation des mots, mais des
matières abordées, de l'ordre de l'exposé, de l'emplacement des idées et
des infonnations dans le texte) (Filliozat, 2002, p. 82). Certaines de ces
techniques d'apprentissage et d'enseignement pourtant millénaires pour la
plupart, sont, à nos yeux, novatrices à bien des égards.
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même niveau d'impureté que les sudra3. Les prêtres, s'appuyant sur le
mythe d' Indra4, ont progressivement usurpé leurs positions dans les
temples et elles ont été exclues des tâches religieuses. Cette mise à l'écart,
justifiée par l'impureté, tire son origine du fait que la lignée (jati) étant
transmissible par l'homme, l'homme devait constamment pouvoir
s'assurer de sa paternité. Aussi, les hommes hindous ont progressivement
mis en place un système de lois qui contrôlaient totalement la sexualité des
femmes: elles étaient mariées avant la puberté, le contact avec les
hommes pendant leurs menstruations était interdit et elles étaient isolées
pendant une certaine période après leurs accouchements. Il est à noter que
le système des castes a été mis en place à la même époque. Pour Gomprich
Gupta plus ce système s'est renforcé, plus les femmes ont été considérées
comme une source de danger pour le statut social des hommes et plus la
domination masculine s'est affmnée.
En Inde, le systèlne des castes, vieux de 2000 ans5, définit,
aujourd'hui encore la place des individus en fonction de leur naissance.
L'éducation sanskrite a-t-elle joué un rôle dans la conservation de ce
système? Pour Kumar (2000), la facette la plus intéressante de
l'éducation sanskrite est son curricululn caché. Selon elle, l'éducation
sanskrite a contribué à la reproduction de la hiérarchie sociale en
consolidant ses inégalités, en renforçant le pouvoir du guru et surtout, en
cautionnant un système de valeurs non énoncé mais partagé par plusieurs
strates sociales. De ce fait, il est évident que l'éducation sanskrite a
fortement participé à établir l'hégémonie brahmanique sur la société
indienne. Les étudiants fréquentant ce type d'écoles étaient, et sont
toujours pour la plupart des brahInanes, mêlne s'il a été attesté que
quelques Baniyas et quelques Kayasthas ont eu accès à ce type
d'éducation et qu'il était même possible de trouver quelques gurus
Kayasthas (Kumar, 2000).
Pourtant, il serait faux de croire que le système éducatif était
exclusivement aux Inains des brahmanes. Les castes étant
traditionnellement associées à un métier ou à une tâche rituelle précise, la
3 Une des castes les plus basses. Dans la hiérarchie des castes, elle est placée juste après
celle des intouchables (daltis). Il est, par ailleurs, formellement interdit aux sudra
d'écouter ou de réciter les Veda.
4 Mythe expliquant l'origine des menstruations chez la femme.
Spour Deliège (1993, p. 32), on peut penser qu'à cette date le système existait déjà sous sa
forme actuelle.
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6 Henry Stewart Reid, Report on Indigenous Education and Vemacular Schools, Agra:
Secundar Orphan Press 1852.
7 Etude de Sir Thomas Munro pour la province de Madras publiée en 1826 et étude de W.
Adam pour le Bengale et le Bihar publiée en 1835. Ces deux études sont largement
développées dans l'ouvrage de Shri Dharampal (1983), The beautiful tree. Delhi: Biblia
Impex. Nivedita, Biswas et Agrawal, s'y réfèrent probablement même s'ils ne le citent
pas.
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9 Dans le reportage « Sur la route du Gange» (réalisé par O. Weber et coproduit par ARTE
France et Doc en Stock) diffusé par Arte le 22 avril2003.
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monde extérieur est une télévision, mais elles ont seulement le droit de
voir les nouvelles de temps à autre.
Mumuksha Bhawan
Cette école est établie à l'intérieur d'un ashram dédié à un saint
homme. Ce lieu de pèlerinage est aussi un lieu de fm de vie pour quelques
dizaines d'hommes et de femmes qui ont décidé de renoncer à tout pour
venir passer leurs dernières années dans la ville sainte. L'ashram est
séparé de la rue grouillante de vie par un mur épais et un garde surveille la
porte jour et nuit. Les bâtiments ne sont pas très bien entretenus, la
peinture s'écaille un peu partout mais l'endroit est propre; il y a peu de
verdure et peu d'espace vide pour le sport et le jeu. Chaque jour, en fm de
matinée et pendant plus de 45 minutes, une cinquantaine de jeunes
adolescents brahmanes, âgés de 12 à 17 ans, vêtus des vêtements
traditionnels (le dhoti, une sorte de longue jupe à deux pans et la corta une
tunique jaune ou orange à col mao, croisée sur la poitrine), une marque de
poudre vennillon au milieu du front, récitent la mêlne prière en scandant
chaque parole d'un Inouvement de la main. Bien qu'ils se soient tous levés
à l'aube pour se rendre au temple et étudier les sutras (fonnules
grammaticales), cette prière collective marque le début des cours fonnels
non religieux (sanskrit, anglais, sciences politiques, mathématiques,
histoire, géographie), cours qui se tenninent en fin d'après-midi par une
séance de yoga. Ces jeunes gens sont éduqués, logés et nOUlTis
gratuitement pendant deux ans, généralelnent le temps d'accomplir le
niveau pathasala (7èmeet gèmeannée scolaire) ou le niveau maadhya111ik
(niveau intennédiaire). Comme pour les jeunes filles, les niveaux
supérieurs sont sanctionnés par un exalnen passé à l'université. Ces
adolescents viennent, en majorité, de la campagne environnante et bien
que tous brahmanes (la caste la plus haute), ils fréquentent, pour la
plupart, cet établisselnent pour des raisons économiques: leurs pères sont
prêtres, enseignants dans le primaire ou paysans et n'ont pas les moyens
de continuer à leur payer des études après le primaire. Aussi, pour ces
jeunes gens sortis de l'école gouvernementale, l'éducation sanskrite est
souvent la seule façon d'accéder à l'école secondaire. D'autre part, si
l'école propose bien des cours jusqu'à la licence (BA), très peu d'étudiants
continuent leurs études après le secondaire inférieur. Ceci s'explique par le
fait qu'après deux ans passés gratuitement dans cette institution, les
étUdiants sont dans l'obligation de trouver un logement à l'extérieur de
l'ashram et doivent comtnencer à financer leur éducation. A leur sortie de
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l'école, les jeunes gens qui ont atteint le niveau de la licence (BA)
s'orientent vers des métiers liés à la fonction publique: enseignants (la
majorité, 30% environ), employés du gouvernement, militaires. Ceux qui
n'obtiennent pas ce degré se tournent souvent vers le karmakanda
(pratique de cérémonies religieuses, rites sacrificiels) mais c'est surtout
parce qu'ils ne trouvent pas d'autre moyen de subvenir à leurs besoins et à
ceux de leur famille.
Dans cette institution, les jeunes gens sont beaucoup plus libres d'aller
et venir que les filles de l'école sanskrite. Ceci n'est pas véritablement une
particularité de cet établissement puisqu'en Inde, les jeunes filles sont
habituellement confmées à la maison après l'école. Ils ont le droit de
rentrer un lnois chaque année dans leur famille et les visites sont
autorisées. L'ashram étant situé à quelques lninutes à pieds d'Assi GhattO,
un endroit très animé d'où partent les barques à touristes, les jeunes gens
essayent de s'y rendre dès qu'ils le peuvent c'est-à-dire chaque dimanche
et chaque fois que l'école ferme pour cause de fête religieuse (ce qui est
souvent le cas). Seul le directeur vit sur le campus avec sa falnille et ses
propres enfants (2 petites filles et un jeune garçon), des enfants qui
semblent très proches de certains pensionnaires. Les jeunes gens sont
autorisés à se rendre à son appartelnent pour voir les matches de cricket à
la télévision. Certains pensionnaires ont également quelques contacts avec
les personnes âgées vivant dans l'autre partie de l'ashram. Ces personnes
sont souvent d'anciens pandits (enseignants, médecins, professeurs) et
peuvent ainsi aider les jeunes à résoudre certains problèmes affectifs ou
intellectuels.
Le plus grand problème auquel doit faire face la direction de l'école
est le manque d'enseignants. Le gouvernement leur a alloué 8 postes
d'enseignants (cette école est subventionnée par l'Etat) mais à ce jour, ils
ne sont que 4. Ils se plaignent beaucoup de cette situation qui les empêche,
disent-ils, de progresser. Le directeur, par exemple, doit enseigner seul la
plupart des sujets modernes, ce qui n'est pas évident pour lui. Ils
commentent cette situation en disant que les professeurs ne sont pas
d'accord d'enseigner dans des institutions où l'horaire n'est pas fixe et où
il existe une telle diversité de degrés. Mais l'explication est peut-être
ailleurs. En effet, le fait d'être subventionné fait de cet établissement un
établissement public devant suivre les directives du gouvernelnent.
10 Les ghats sont cOlnposés de vastes terrasses et d'escaliers qui longent la rive du Gange et
où les pèlerins viennent se baigner dans le fleuve sacré.
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ordres, qui respecte leurs désirs et qui est disposée à étudier. Il semble
bien qu'elles arrivent à leur fm puisqu'une fois leurs études tenninées un
certain nombre d'étudiantes choisissent de consacrer leur vie à
l'enseignement dans cette école ou une école similaire. Les autres
deviennent prêtresses, professeurs de yoga ou se Inarient selon leur désir
ou celui de leur famille.
Le premier enseignement que les garçons reçoivent en arrivant à
Mumuksha Bhawan est l'apprentissage du silence total. Puis, les
professeurs leur indiquent la meilleure façon de s'asseoir sur le sol en
classe et comment écouter l'enseignant attentivement. Nous avons été
surpris de la rapidité avec laquelle ces jeunes gens arrivent à résoudre les
problèmes: ils ont une capacité à écouter les consignes données oralement
sans interrompre celui qui les donne, puis à poser toutes sortes de
questions de compréhension pour ensuite résoudre le problème en un
Ininimuln de temps. A Mumuksha Bhawan, il n'y a pas de sonnerie pour
indiquer la fm d'un cours. Les enseignants sont libres de donner leur cours
et les étudiants sont libres de venir les suivre. Tous les niveaux sont
mélangés, on ne voit pas de différence entre les étudiants des différents
niveaux. Les jeunes gens vont et viennent tranquillelnent d'une classe à
l'autre. Certaines classes restent vides alors que d'autres sont prises
d'assaut. Les jeunes gens nous ont expliqué que deux des professeurs
(dont le directeur) sont de très bons enseignants et qu'ils privilégient la
fréquentation de leurs cours.
Dans cet établissement les professeurs ne font jamais de cours
Inagistraux et le bachotage, en vigueur dans la plupart des écoles indiennes
y compris dans certaines écoles sanskrites (selon eux), n'y a pas sa place.
Les enseignants mettent surtout l'accent sur l'enseignement individuel:
L'essentiel chez nous c'est que malgré le fait qu'ils soient dans une classe, on
apprend à chaque garçon comme s'il était notre propre fils. On explique,
puis on demande: est-ce que tu as compris? Et si le garçon dit non, on lui
explique une deuxième fois - Dans les classes primaires on leur tient parfois
la main pour les faire écrire et on demande, par rapport à chaque mot s'ils ont
compris, et si oui, ce qu'ils ont compris.
Rien n'est imposé, même l'écriture ne l'est pas mais les enseignants
sont contents si les jeunes gens prennent eux-mêmes l'initiative d'écrire ce
qui est dit pendant les cours et de le leur montrer. Pour eux, c'est la preuve
que les cours ont bien été intériorisés. Lors de l'enseignement des Veda,
les mouvements de la main et les tons de la voix jouent un rôle important.
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13 Voir article « Women priests for the jet age» Tin1es of India, Sept. 8, 2003.
http://timesofindia. indiatimes. comlcms.dIl/html/uncomp/articleshow ?art_id= 13804983.
14 Le nom d' Arya les autorise, une fois leurs études terminées, à pratiquer les rites à
l'extérieur de l'école.
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Notre plus grand problème est que nous ne sommes plus éduqués
convenablement dans nos traditions et que nous ne recevons pas non plus une
éducation occidentale acceptable. C'est plutôt un mélange des deux [...] ;
nous sommes passé à un savoir à moitié apprêté.
Conclusion
Nous avons vu précédemment qu'en Inde, il existe un grand choix
d'écoles et d'institutions pédagogiques et que l'école publique est loin
d'être standardisée. Avec ces deux études de cas, nous nous apercevons
que l'éducation sanskrite est aussi un phénomène très complexe et en
pleine mutation. D'un côté, nous avons une école réservée aux filles qui
mélange le fondamentalislne et l'activisme féministe et qui enseigne aussi
bien le maniement des annes que le tricot. De l'autre côté, nous avons une
école qui s'efforce de faire face aux problèmes adtninistratifs et fmanciers
tout en essayant de ne pas y perdre son âme. Il est très difficile dans ces
conditions de prévoir quel sera l'avenir de l'éducation sanskrite. Veer
Bahdra Mishra, un pandit très respecté de Bénarès, hybride des deux
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J. Herzog
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plutôt que de lutter pour supprimer de leur pensée les systèmes catégoriels
eux-mêmes.
J'aimerais pousser plus loin la théorie de l'ontologie intuitive, en
suggérant que « l'architecture neurale}) du système nerveux (Hirschfeld,
2002, p. 623) du cerveau de l'adolescent (en particulier) peut inclure des
« propensions}) ou des «dispositions cognitives}) pour apprendre avec
plaisir et facilement grâce à une activité corporelle dans des
environnements mentaux et/ou physiques et/ou émotionnels nouveaux (par
exelnple le monde social et physique adulte), spécialement quand ces
contextes sont significatifs pour lui-lnême et pour les autres, plutôt que
dans des lieux familiers tels que les écoles et les classes à l'espace confmé.
En d'autres termes la facilité à apprendre tout ou presque augmente si
l'adolescent ou le jeune y est confronté dans un cadre original et proche de
la vraie vie, plutôt que d'une manière abstraite dans ce que je considère
comme un « enclos}) pour adolescents. Pour des opinions similaires, voir
Wilson (1998).
Que de telles tendances spécifiques puissent exister est devenu
plausible grâce à de récentes découvertes, trop complexes à résumer ici,
sur l'importance et l'impact de la croissance et du développement du
cerveau pendant les années d'adolescence, jusqu'à 20 ans (Cf. Steinberg,
2001; Teicher, Anderson & Hostetler, 1995). Et certainement, la
proposition prend tout son sens d'un point de vue évolutionniste: dans les
sociétés de chasseurs-cueilleurs, le bien-être du groupe pourrait, tout bien
considéré, être augmenté si les adolescents (en contraste avec les enfants
plus jeunes) étaient spécialement actifs et curieux du monde physique et
social autour d'eux. Les écoles qui offrent des rôles généralement passifs
aux étudiants, sont des inventions récentes et (dans leurs propres murs, à
part pendant les activités sportives) sont rarement capables de donner des
occasions significatives pour d'authentiques explorations et activités. En
effet et de la mêlne façon pour les nations riches cOlrune pour les nations
pauvres, la nouveauté et les défis sont vécus par les adolescents, dans leur
majeure partie, avec et dans le groupe de leurs selnblables. Ainsi, la
majeure partie de ce que les adolescents apprennent Inaintenant, ils l'ont
acquis de leur pairs ou en compagnie les uns des autres.
Le travail des théoriciens socioculturels ou sociohistoriques, tels que
Lave et Wenger (1991), Rogoff (1995 ; 2003), Wertsch (1998), etc... dans
la tradition de Vygotsky (1978) apporte un argulnent supplélnentaire au
fait de considérer l'expérience extra-scolaire comme une composante
potentielle majeure des systèmes d'éducation à la fois dans les pays riches
et les pays pauvres. Ces ethnographes et psychologues culturels se sont
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dans le temps, plus celui qui apprend atteint le centre d'un réseau de
pratiquants, et plus rapidelnent il acquiert son savoir. Ces concepts sont
sensés provoquer «une vision plus globale» (p. 32) de l'apprentissage
quotidien.
L'élaboration plus précise de Rogoff du concept de l'apprentissage
situé divise celui-ci en trois plans ou aspects interconnectés (Rogoff: 1995,
p. 141). Le premier, l'aspect comportemental qu'elle appelle
apprentissage, met en valeur « les rôles actifs des nouveaux arrivants et
des autres dans l'organisation des activités et le soutien» (Rogoff, 1995,
p. 143) pour l'apprentissage et le développement des néophytes. Elle
appelle le second participation guidée, y incluant «le système
d'engagelnents et de relations interpersonnelles ... impliqué dans la
participation aux activités... » qui mène à l'apprentissage (p. 146). Le
troisièlne niveau est l'appropriation participative ou « ... le procédé par
lequel chacun transforme sa compréhension et sa responsabilité pour les
activités» grâce à ses propres efforts pour leur donner du sens (p. 150).
Plus brièvement, le premier niveau attire l'attention sur l'activité à
l'endroit même où l'apprentissage se fait, le second sur les relations
sociales, le troisième sur la façon de donner du sens. La contribution
particulière de Rogoff, à lnon avis, est son explication de la participation
guidée et de l'appropriation participative, qui sont souvent ignorées même
par les éducateurs, psychologues et anthropologues qui veulent explorer
l'éducation au-delà de la classe et de l'école. Liées à l'apprentissage, elles
sont la source de la plupart ou de l'essentiel de ce que les gens
connaissent, même dans les sociétés les plus fortement scolarisées.
En résumé, des positions récemment énoncées en anthropologie
évolutionniste et en théorie socio-culturelle historique mènent directement
à la notion que l'utilité éducative des écoles et des classes pourrait être
bien moindre que ce que nous avons pensé qu'elle fût pendant des siècles.
Les procédés et les résultats du cOlnpagnonnage, un progralmne éducatif
qui utilise quelquefois le slogan «nous ne sommes PAS une école! »,
ajoute foi à cette idée.
Le compagnonnage
Depuis plus de 10 ans, Dorothy Herzog et moi avons étudié le
compagnonnage français, un systèlne d'éducation mêlant apprentissage
professionnel et instruction scolaire, éducation pratique et développement
psychologique; ce système pourrait être interprété comme une Inise en
oeuvre délibérée du modèle d'apprentissage situé, sauf que son histoire
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remonte à plus de 500 ans, et que ses dirigeants actuels n'ont certainement
pratiquement jamais entendu parler de Jean Lave, Barbara Rogoff, et des
autres théoriciens socio-culturels ou socio-historiques. Jusqu'à présent,
nous n'avons jamais présenté le compagnonnage en tant qu'apprentissage
situé, afm de l'observer d'abord avec d'autres approches, mais la
pertinence de ce concept n'a pas tardé à devenir évidente.
Je dois insister sur le fait que le compagnonnage contemporain n'est
pas simplement un programme d'apprentissage spécialement bien
organisé, semblable à ceux de l'Allemagne (Hamilton, 1990; Schlegel,
sans date) et de la Suisse (Dasen, cOmInunication personnelle), par
exemple. Comme on peut le voir plus loin, et dans la description plus
systématique du programme dans l'annexe, le compagnonnage va bien au-
delà de ces modèles par beaucoup d'aspects: durée, multiplicité de sites
de travail et d'employeurs expérimentés, total d'heures passées au travail,
obligation de résider sur place, sens de la vie en communauté, engagement
affectif (par exemple les rituels et les mythes), intégration aux groupes
d'âge, élitislne du programme en lui-même, possibilité de garder son
appartenance au groupe à vie, etc.
En tant que système d'apprentissage situé particulièrement bien
développé, le compagnonnage devrait (à mon point de vue) avoir un
intérêt considérable pour les éducateurs venant des nations pauvres qui
cherchent à briser les chaînes du modèle de la classe et de l'école et à les
remplacer, en partie, par d'autres formes d'éducation mieux adaptées aux
besoins à la fois de la jeunesse et de l' éconolnie de ces nations.
Notre étude approfondie du cOlnpagnonnage sur le terrain nous a aidés
à voir un certain nombre de mises en oeuvre cOlnplexes et inhabituelles de
l'apprentissage situé. Celles-ci vont bien au-delà du premier niveau de
Rogoff sur l'apprentissage; elles comprennent également la participation
guidée et l'appropriation participative. (En effet, il peut être utile de
penser le compagnonnage en grande partie en tant que participation
guidée, plutôt qu'un apprentissage situé, bien que celle-ci soit en fait un
aspect de ce dernier. Dans ce chapitre, j'utilise le terme le plus connu.) Les
conséquences, si rarelnent discutées, de ces aspects de la formation par
compagnonnage démontrent que le Inodèle de Lave/Rogoff nécessiterait
une élaboration plus complète. Je me concentrerai sur trois cOlnposantes
importantes de la fonnation par cOlnpagnonnage qui ne sont pas souvent
discutées dans la littérature sur l'apprentissage situé. Pour une vue globale
du système, voir l'annexe.
Tout d'abord, le programme fait bien Inieux qu'insérer simplement
ses jeunes adolescents dans des boulots non qualifiés, comme le font
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Conclusion
Je ne propose pas que le compagnonnage français soit un modèle à
imiter point par point par les nations pauvres, ou les riches en-dehors de la
France, ou mêlne par toutes les écoles françaises. Je le propose plutôt
COmIneun exelnple puissant et bien élaboré de ce que l'apprentissage situé
peut être et peut faire et sur la base duquel on pourrait faire des
adaptations appropriées pour d'autres environnements, en particulier les
systèmes éducatifs des pays pauvres.
En effet les pays pauvres semblent offrir à la fois des avantages et des
handicaps pour la mise en œuvre de l'apprentissage situé selon le modèle
du compagnonnage. Une des difficultés auxquelles le compagnonnage
français fait maintenant face est le recrutement et la fidélisation des
compagnons adultes afm de maintenir le mélange des âges que j'ai décrit
et sans lequel le programme perdrait une grande partie de sa vitalité. Ce
problème est enraciné dans «l'individualisation» grandissante de la
culture française. Aujourd'hui les artisans cOlnpagnons éprouvent plus de
pression sociale pour faire progresser leur propre carrière et leur
entreprise, pour passer du temps avec leurs propres enfants et autres
membres de leur famille, et pour profiter d'activités récréatives, que pour
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Annexe
Compagnonnage: un canevas
Le compagnonnage est un progralIDne d'enseignement et de formation
professionnelle qui s'est développé à l'origine dans le système des
confréries françaises. Pendant le Moyen-Age, les compagnons occupèrent
la strate entre les maîtres et les apprentis. Au sens ancien du ten11e, les
maîtres n'existent plus aujourd'hui, mais les compagnons demeurent. Ils se
consacrent à la formation et l'éducation des jeunes, qui commencent
comme apprentis, pour les aider à devenir artisans qualifiés, citoyens
consciencieux, et hommes dédiés à leurs falnilles, ainsi qu'à leurs
successeurs dans le compagnonnage. Il y a une centaine d'années, d'autres
formes du compagnonnage existaient dans la plupart des pays européens,
mais de nos jours cette organisation ne subsiste qu'en France.
Nonnalement, le jeune hOlnme entre dans le compagnonnage à l'âge
de 16 ou 17 ans, comme apprenti, un parmi environ 4000 qui le font
chaque année après avoir achevé la troisièlne année du collègè, où il était
probablement dans la moitié inférieure de sa classe et il a décidé qu'il
n'aimait pas le lycée. Il devient un associé d'une maison de compagnons,
qui ressemble à un petit collège (à l'américaine), avec 15 à 150 jeunes et
comprenant des salles de classe, ateliers, dortoirs, salle à manger, salle
d'exposition, et autres locaux COlIDnuns.Il commence immédiatement un
travail d'entrée, organisé par les compagnons locaux, dans le métier qu'il
a sélectionné parmi peut-être 25 qui sont disponibles: 111enuiserie,
charpenterie, maçonnerie, carrosserie, serrurerie, tapisserie, pâtisserie, etc.
Dans l'idéal, son patron est un compagnon, mais souvent il est seulement
un artisan bien-estimé. Il reçoit le demi-SMIC comme salaire, COlnmetous
les apprentis français, desquels seulelnent 5% rejoignent le
cOl11pagnonnagechaque année.
Quelques apprentis, dans des circonstances particulières, résident
dans la 111aison,mais la plupart rentrent chez eux le soir. Cependant,
pendant deux semaines sur huit, tous deviennent internes dans une maison
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P. Mesquida
Introduction
Pour COlTIlnencer,il nous faut donner un aperçu du contexte à partir duquel
se sont développées la pensée et la pratique pédagogiques de Freire. Fils
d'un Inilitaire et d'une institutrice, Freire a suivi le cours de sciences
juridiques à la Faculté de Droit de l'Université Fédérale du Pernambouc,
au Nord-Est du Brésil. Le poste de Secrétaire du Département
d'Enseignement de l'Etat lui a permis de connaître l'état de pénurie
intellectuelle, économique et sociale dans lequel vivait la plupart de la
population de l'Etat du Pernalnbouc, particulièrement la population des
grandes villes de la Région, mais aussi celle de la campagne. Les données
statistiques étaient vraiment frappantes: sur une population adulte de
20'000'000 de personnes, 16'000'000 étaient des illettréee)s.
Nous sommes dans la deuxième moitié des années 1950, au moment
du démarrage du processus d'industrialisation du pays grâce à
l'association entre l'Etat fédéral, les entrepreneurs nationaux et les
entreprises transnationales. S'il est vrai que les révolutions industrielles
engendrent des sociétés inédites où les innovations technologiques et les
nouvelles conceptions de gestion et d'organisation du travail provoquent
de nouvelles formes de vie communautaire, le démarrage de
l'industrialisation au Brésil, pendant les années 1950 et particulièrement
dans les régions Sud et Sud-Est, a exigé un nouveau type d'homme. Il
fallait façonner un hOlnme capable de lire et de déchiffrer les codes de la
nouvelle culture qui s'imposait. Il fallait que le nouvel homme sache au
moins comprendre le langage nouveau de cette forme Inoderne que le
mode de production capitaliste introduisait dans le pays (Furter, 1983).
Les paysans, vivant dans un état de paupérisme économique, social et
intellectuel sous l'oppression des patrons, se sentaient attirés par les villes,
où ils croyaient pouvoir Inieux vivre. Un mouvement migratoire de la
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campagne vers les villes s'est mis en marche. Ainsi les villes gonflaient,
les bidonvilles s'installaient et l'urbanisation, sans aucune planification,
devenait chaotique. Puis l'homme a été atteint par l'alphabétisation: il
devait devenir un homme nouveau, prêt à participer à la révolution
industrielle en tant que force de travail.
Ce n'est pas par hasard si, après avoir expérimenté l'application de ses
théories au Pernambouc et au Rio Grande do Norte, Freire a déménagé à
Brasilia, la Capitale Fédérale, où se trouve le siège du mouvement national
d'alphabétisation des adultes. Un lnouvement appuyé par le gouvernement
fédéral jusqu'au coup d'Etat de 1964 qui a renversé l'ordre politique en
vigueur. Exilé au Chili, paradis des politiciens et des intellectuels de la
gauche brésilienne, Freire profita de ce temps pour lire des auteurs
européens et pour se mettre en contact avec les œuvres classiques du
marxisme.
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Le milieu
Dans les Cahiers de prison, Gramsci remarque que le milieu est
éducateur et comme tel doit être lui aussi éduqué (Gramsci, 1975).
Gramsci, ici, suit K. Marx (1935) lorsqu'il afflTIlle que l'éducateur doit
être éduqué. Pour Gramsci, étant donné les rapports sociaux auxquels les
« s' éduquants » participent, la famille, les voisins, la communauté doivent
eux aussi être objets de l'action éducative. Ainsi, l'éducateur doit se
rendre cOlnpte du contexte social et culturel des « s'éduquants». Il faut
que l'éducateur entende le contexte, Inais il faut aussi que le contexte
puisse écouter l'éducateur. Ceci amène l'éducateur à valoriser le savoir
populaire existant.
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Ecole et vie
Pour Gramsci (1975) il y a un lien entre l'école et la vie et une union
entre la parole et la vie. L'éducateur doit conceptualiser les vocables et les
doter de vie par la densité historique et politique qu'ils peuvent avoir :
« L'identification des mots et leur conceptualisation doivent être faites en
tenant compte du contexte culturel et historique» (Gramsci, 1975, p.
1545). Ainsi, Gramsci croit que l'école, la vie de l'éducateur et celle du
« s'éduquant» sont inséparables. Dans la mesure où la pratique
pédagogique est une action basée fondamentalement sur la parole, l'école
et la vie ne peuvent pas être séparées. Freire croyait qu'en apprenant les
mots avec leur poids culturel et historique, le « s'éduquant» construisait
une conscience politique capable de l'aider à se sortir de l'oppression.
Pour Freire, la conquête de I'histoire par ceux qui n'ont pas le droit de se
faire. acteurs de leur histoire, passe par la conquête de la parole: « il faut
donner la parole aux misérables pour qu'ils puissent « prononcer le
monde» (Freire, 1979, p. 62), dans le sens non seulement de dire les
choses avec conviction et d'être capable d'annoncer ce qu'ils pensent en
tant qu'une bonne nouvelle (annoncer vient du latin « nuntius », le
messager), lnais aussi « prononcer le monde» dans le sens de le
« transformer et en le transformant, le rendre hUlnain pour 1'hulnanisation
de tous» (Freire, 1979, p. 62). Il s'agit d'une parole annonciatrice de la
bonne nouvelle, mais aussi transfonnatrice. La conscience de soi et de la
réalité donne à l'opprimé ce courage dont il a besoin pour se montrer au
monde.
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Philosophie et philosophes
Gramsci (1975) considère que tous les hommes sont des philosophes
et la philosophie est une réflexion sur la liberté. Freire croit que la
philosophie de l'éducation est une réflexion sur l'être hwnain - une
réflexion qui permet à l'homme de se découvrir en tant qu'homme.
Suivant Teilhard de Chardin (1965), Freire affIrme que I'hulnanisation
n'est pas seulelnent un processus biologique - l'humanisation est aussi
historique et libératrice.
Platon confiait le pouvoir politique aux philosophes afin de leur
pennettre d'éduquer les citoyens. Ainsi, l'éducation était réalisée grâce au
pouvoir politique. Toutefois, la fmalité authentique de ce pouvoir peut
devenir justice (Lévêque & Best, 1969 ; Furter, 1983). De cette manière,
le philosophe qui désire incarner sa réflexion en une action dans la société
des hommes, celui qui cherche à prolnouvoir la liberté et l'universalité, a
pour unique moyen l'éducation. L'homIne qui fait une réflexion sur lui-
même et sur le monde a la possibilité de devenir un acteur, bâtisseur de sa
propre histoire (Freire, 1974b).
Vérité et révolution
Dans les Cahiers de prison, Gramsci (1975) estime que la vérité est
révolutionnaire lorsqu'elle se fait l'anne des oppritnés (ouvriers) contre
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La théorie
A partir de cet amalgame épistémologique et conceptuel, Freire a bâti
une théorie éducative qui s'est propagée un peu partout dans le monde.
Les idées fortes de la théorie freirienne peuvent se résumer comme suit:
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. libératrice.
Le respect d'autrui, accompagné, comme chez Pestalozzi, de la
Une critique
Je m'autorise dans cette dernière partie quelques remarques critiques.
Il s'agit de rel11arques différentes de celles qui ont été faites par Paiva
(1973) dans un contexte polémique.
Tout d'abord, la théorie freirienne ne peut pas être vue comme une
pédagogie tout court, mais en tant qu'anthropologie politique et socio-
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Antonio Gramsci (1975), par exemple, une théorie capable de fonder une
méthode valable d'alphabétisation. Malgré le fait que l'on peut lui
reprocher de prêcher une « méthode non-directive, dans l'action éducative
réelle, Freire (et ses aniInateurs culturels) pratiquaient une pédagogie
directive» croyant que son action pédagogique était vraiInent
démocratique (Paiva, 1973, p. 51-53).
Mais la théorie freirienne est arrivée à élaborer un langage commun
qui unissait les aniInateurs culturels et la masse (qui devrait devenir
peuple) d'illettrés, permettant le dialogue entre les deux couches sociales.
La construction de ce langage commun commençait par la découverte des
mots générateurs issus du contexte culturel dans lequel se trouvaient les
illettrés et aboutissait dans l'apprentissage d'un vocabulaire
« scientifique» chargé de sens politique: conscientisation, dialogue,
immersion, peuple, transitif, conscience critique, liberté, praxis, utopie,
sujet, transformation, monde, consommation d'idées, conception bancaire,
etc.
Finalement, la théorie de Freire et sa méthode d'alphabétisation ont
été les symboles, dans maintes régions du Tiers Monde, de l'incarnation
de la subversion parce qu'elles délnontraient clairement que l'expansion
des techniques éducatives telle qu'elle se réalisait dans ces régions ne
libère nullelnent les exploités, mais augmente les possibilités de contrôle
et du maintien du statu quO» (Freire, 1977, p. 68). Ainsi, tant que les
éducateurs ne sauront pas « redéfinir leurs techniques et organiser une
'pédagogie de la liberté' pour l'ensemble de la population, l'éducation
restera un des obstacles majeurs au développement du Continent latino-
américain» (Furter, 1980, p. 212). Le fait de dominer un instrument
d'expression ne signifie pas encore être persuadé que l'on a 'quelque
chose' à dire.
Ainsi, Furter (1980) propose de « conscientiser» les hommes et les
felnmes avant de leur apprendre à lire et à écrire. Cela parce qu'il
faut réapprendre à dire les mots avant d'écrire les paroles, dans une
« société du silence». Alors, à la question: qu'est-ce qui doit venir en
prelnier, l'écriture ou la conscientisation ? Furter répond (1980) qu'il faut
d'abord construire la conscience critique, alors que Freire (2001) estiIne
que la lecture, l'écriture et la conscientisation doivent se réaliser en lnême
temps, car elles font partie d'un même processus. Ainsi, il faut que
l'illettré apprenne à lire, à écrire et à construire la conscience critique dans
le processus d'alphabétisation.
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A. Hemma Devries
Introduction
Le terme de « Théâtre de l' opprÙné » a une connotation étrange, il évoque
vaguement les cabarets berlinois d'avant-guerre mal éclairés, sur fond de
cuir et de crise. Mais peut-être n'est-ce qu'une impression - la mienne?
Pourtant, dans ce contexte le terme théâtre est quelque peu trompeur
s'agissant de désigner une pratique basée sur et découlant des expériences
de ce que l'on appelle traditionnellement le public.
A l'origine, ces méthodes interactives ont été développées en
Amérique du Sud par le metteur en scène et activiste Augusto Boal, pour
être utilisées dans les communautés opprimées par les dictatures militaires
qui étaient au pouvoir. Fortement influencée par la Pédagogie des
opprimés de Paolo Freire (1974), la pratique de Boal a pour but d'aider les
individus et les groupes à identifier les forces qui les contraignent et à
explorer les solutions qu'ils peuvent tenter pour diminuer la contrainte
voire pour s'en affranchir. Par la suite, Boal a introduit ce style
de dran1aturgie sociale en Europe. Sa méthode et sa technique ont été
quelque peu adaptées au contexte Européen par lui-lnêlne ainsi que par les
diverses personnes qui ont été fonnées à sa Inéthode. En bref, les
techniques issues du théâtre de l' opprin1é sont largelnent utilisées dans les
domaines culturels, théâtraux, sociaux, éducatifs, scolaires, politiques,
thérapeutiques etc. Une philosophie commune forte sous-tend ces
variations, celle qui consiste à habiliter l'individu et le groupe à nOllliner,
démasquer et, affronter les questions et les obstacles rencontrés dans la vie
sociale ou collective (réalité externe). Il en est de même pour l'individu
pour sa vie personnelle et individuelle (réalité interne personnelle à chaque
individu). En visualisant et en transformant les situations, la personne et le
groupe peuvent développer des stratégies pour en prendre conscience et
tenter de les modifier.
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Le théâtre de l'opprimé
J'ai voulu, avec ce livre, montrer que le théâtre dans son
intégralité est nécessairement politique, parce que toutes les
activités de l'homIne sont politiques et que le théâtre en est
une... Qui tente de séparer théâtre et politique tente de nous
induire en erreur -- c'est une attitude politique (Boal, 1983,
pp. 7-8)
Boal a voulu donner quelques preuves du fait que le théâtre est une
anne. Une anne très efficace. C'est pour cela selon lui, qu'il faut lutter
pour en assurer la pérennité. A son avis, c'est pour cela que les classes
dominantes essaient de façon pennanente de confisquer le théâtre et de
l'utiliser comme instrument de domination. En agissant ainsi, elles
défonnent le concept même de ce qu'est le « théâtre ». Mais le théâtre peut
aussi être une anne de libération. Pour qu'il le soit, il faut créer les fonnes
théâtrales adéquates. Il faut le changer.
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Mais ce qui est nouveau avec Boal, c'est ce qu'il essaie de faire
aujourd'hui: une vaste systématisation de toutes les possibilités
d'expression théâtrale de l'opprimé. Ce qui est nouveau, c'est cette
recherche toujours plus poussée sur les procédés, les techniques, les styles,
les formes, les exercices, les jeux qui les relient. Cette systématisation,
cette interrelation, cette recherche sont nouvelles. A ce niveau, nous nous
trouvons dans une conception de méthode théâtrale (une pratique, une
action) qui s'est répandue dans le monde entier et qui utilise le théâtre
comme langage, comme moyen de connaissance et de transformation de la
réalité intérieure, relationnelle et sociale. Il s'agit donc d'un théâtre qui a
pour but et visée de rendre le public actif et qui sert aux groupes de spect-
acteurs à explorer, à mettre en scène, à analyser et à transformer certains
aspects de la vie de tout un chacun. En d'autres termes, la méthode
élaborée avec ses techniques, construites et continuellement développées
par Boal, est dans l'utilisation du langage théâtral en général; il utilise
l'espace esthétique et ses propriétés gnoséologiques, afm de déclencher
des processus collectifs de conscientisation, c'est à dire de changement
personnel et social. Dit d'une autre manière, il propose le développement
de la théâtralité humaine dans le but d'analyser et de transformer les
situations de malaise, de mal-être, de conflit, d'oppression, qui existent
fmalement dans tous les continents à des degrés plus ou moins accentués.
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Le concept de l'opprimé
Le théâtre de l'opprimé n'est pas un théâtre de classe, comme par
exemple, le théâtre prolétaire. Celui-ci traite des problèmes d'une classe
dans sa totalité: les problèmes prolétaires. Même s'il peut y avoir, s'il y a,
au sein de la classe prolétaire, des oppressions, il se peut qu'elles résultent
de l'universalisation des valeurs de la classe dominante « les idées
dominantes d'une société sont les idées de la classe dominante» (Marx &
Engels, 1965, pp. 52-65). Quoi qu'il en soit, il est évident que dans la
classe ouvrière peuvent exister (et existent) des formes d'oppression:
oppression des hommes sur les femmes, des jeunes par les adultes, etc. Le
théâtre de l'opprimé peut être aussi le théâtre de ces opprimés-là, et pas
simplement celui des prolétaires en général.
Dans la conception « Boalienne », opprimé et spectateur sont presque
synonymes. Un dialogue exige deux interlocuteurs. Ces deux
interlocuteurs sont deux personnes, des êtres humains et, comme tels, deux
sujets. Un dialogue comprend l'émission et la réception de messages
(visuels, verbaux, tactiles, etc.) et l'intermittence: chaque interlocuteur
émet pendant que l'autre reçoit, et reçoit pendant que l'autre émet. A tout
instant, un des interlocuteurs est acteur quand l'autre est spectateur et vice
versa.
Dans ce dialogue, le mot spectateur pour Boal, n'est pas une
difficulté; il signifie un lnoment nécessaire au dialogue. On ne peut
imaginer de dialogue où les deux interlocuteurs parleraient constamment
en même temps, émettraient des messages sans les recevoir. La difficulté
commence quand le dialogue se transforme en monologue, quand l'un des
interlocuteurs se spécialise dans la « parole» et l'autre dans « l'écoute »,
l'un émet des messages et l'autre les reçoit, obéit, l'un se transfonne en
sujet, et l'autre en objet.
Cette relation de dialogue apparent (qui n'est au fond qu'un
monologue) existe partout, dans toute relation humaine: professeur-élève,
parents-enfants, Inari-felTIlne (ou vice versa), officier-soldat, et ainsi de
suite. Elle se sacralise dans la relation acteur-spectateur là où le
monologue atteint son plus haut degré de stratification, où le code social
se transforme en rituel et ce dernier, en un véritable rite. Cette relation
« intransitive» est toujours autoritaire, castratrice, inhibitrice. Pour Boal,
cette relation intransitive doit être détruite où qu'elle se situe, dans la
famille ou dans le parti, à l'école ou dans la paroisse, dans le quartier ou au
théâtre.
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Oppression et subversion
Pour Boal, toutes les sociétés que nous connaissons sont (ou ont
tendance à être) autoritaires, (ne serait-ce que par certaines règles et lois
édictées et prônées par le législateur). Et le dialogue qu'elles engendrent,
est intransitif. « L'ordre vient d'en haut, il faut obéir! » Or une société
autoritaire engendre une pédagogie autoritaire, une hiérarchisation
autoritaire, une famille autoritaire, un théâtre autoritaire. Alors que la loi
devrait en principe permettre le respect des droits et devoirs de chacun
(ceci au moins dans une société démocratique).
Dans une société autoritaire (par exelnple dans un contexte de
dictature tel que l'a connu Boal dans son pays d'origine) des oppressions
en chaîne se consolident et s'exercent à travers la relation opprimé-
oppresseur. C'est une sorte d'enchaînement d'obéissance féodale: suzerain
sur vassal-> vassal-suzerain sur autre vassal -> vassal-suzerain sur vassal
(chaque vassal étant toujours suzerain d'un autre vassal) ; enchaînement
que l'on retrouve dans la hiérarchie militaire: général-colonel-capitaine-
lieutenant-sergent-soldat-peuple. Chaque maillon est représenté par un
opprimé qui à son tour exerce son oppression sur le suivant, qui opprimé à
son tour, opprime.
Un dialogue devient monologue, un sujet devient objet. Mais cette
conversion n'est pas irréversible pour Boal. Il ne s'agit pas d'une vraie
mutilation, il s'agit simplelnent d'une atrophie. Pour Boal, il est difficile de
réduire un homme à la condition d'objet, de récepteur, d'être passif, de
spectateur, et ceci, de manière irréversible. Même opprimé, le spectateur
garde l'initiative du dialogue, le spectateur conserve, atrophiée, sa capacité
de participation, de contribution, de créativité. Celui qui assume
momentanément la condition de spectateur face à n'Îlnporte quel acteur
(qu'il soit général ou professeur), conserve Inalgré tout un caractère
subversif, un désir de transformer cette relation où il est passif. Ce
caractère subversif est sacré, et c'est ce désir subversif que tout théâtre
vraÎlnent populaire doit chercher à stimuler, à développer, à désatrophier, à
faire Inûrir, à faire grandir. Ce caractère subversif peut être canalisé afm
de détruire l'oppression.
Le patron opprime le contremaître, qui opprime l'ouvrier, qui opprime
son épouse, qui opprime ses enfants... cette chaîne d'oppression doit être
suivie en sens inverse; contre l'oppresseur et non en faveur d'une nouvelle
oppression. Quand l'opprimé/oppresseur exerce sa violence sur un nouvel
opprÎlné il renforce la stabilité de la société oppressive. Quand au contraire
il canalise sa violence contre l'oppresseur, il engage un mouvement de
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Le spectateur opprimé
Ce qu'un homme peut faire, tous les autres le peuvent. Tout le monde
peut distribuer des lettres, même les facteurs. Tout le monde peut
enseigner, même les professeurs. Tout le monde peut soigner une blessure,
même un médecin. Tout le monde peut gouverner un pays, même les
hommes politiques. Tout le monde peut faire la guerre, même les soldats.
Tout le monde peut écrire, même les écrivains. Tout le monde peut parler,
même les orateurs. Tout le monde peut faire du théâtre, même les acteurs.
Image idéale d'une société où tout le monde peut tout faire, et même
diriger cette société! Mais cet idéal est dangereux! Et cette société se
protège; c'est-à-dire que ceux qui occupent des positions privilégiées
défendent évidemInent ces privilèges! Leur manière de se protéger est de
consolider un statu quo au moyen de la spécialisation: c'est ainsi que les
hommes se spécialisent en ouvriers qui produisent des biens de
consommation, en commerçants qui les vendent, en capitalistes qui gèrent
ces capitaux, en soldats qui font la guerre, en politiciens qui dirigent le
pays et rédigent les lois.
Par conséquent pour Boal, la spécialisation conduit d'une part à
l'hypertrophie de tous les éléments nécessaires à la tâche spécifique d'un
individu (physiquement ou mentalement) et entraîne d'autre part l'atrophie
de tous les éléments (physiques et mentaux) non nécessaires à la
réalisation de cette tâche. Les hOlnmes naissent équivalents, la
spécialisation se charge de les différencier, dit-il joliment.
Toutefois, aujourd'hui dans de nOlnbreux pays, de nombreuses
branches d'activités vont vers la « déspécialisation », tendent à
« désatrophier» les compétences des êtres humains pour les aider à se
réaliser, mêlne si cela n'a pas de lien direct avec leur fonction. On
cOlrunence à comprendre que soigner, physiquement et mentalement, n'est
pas l'apanage du médecin ou du psychologue; qu'enseigner n'est pas le
monopole des enseignants, que faire du théâtre n'est pas la propriété
privée, la zone interdite, dont l'accès serait réservé aux acteurs.
On commence à distinguer vocation et profession. La vocation
théâtrale, chacun de nous l'a. Le théâtre est un langage parmi d'autres que
chaque individu peut utiliser. Même s'il en est quelques-uns qui se
spécialisent dans la parole. Pour Boal, il serait ridicule de penser que seuls
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les orateurs peuvent parler! Que seuls les spécialistes de la parole ont le
droit d'en faire usage.
Une des atrophies les plus graves pour Boal, dont souffrent les
hommes dans une société de spécialistes est précisément l'atrophie
esthétique. Dans la théorie de Baal, l'activité esthétique est immanente
chez l'homme, constante; on ne peut s'y opposer, comme on ne peut
empêcher celui-ci de respirer. Seul un mort ne respire pas, seuls les morts
n'ont pas d'activités esthétiques. Lorsque nous parlons, nous ne choisissons
pas seulement les mots que nous allons prononcer, nous choisissons aussi
la manière de les dire, le timbre de notre voix, son rythme, sa force, son
intensité. Les mots sont modulés esthétiquement. Si le signifié est
important, le signifiant l'est aussi.
Dans cette perspective, «esthétique» est un mot qu'il faut préciser
afin de le démystifier. L'esthète, étymologiquement, est celui qui sent. Et
nous sentons tous, nous sommes tous des esthètes. La communication
esthétique n'est autre que la communication sensorielle.
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1. Introduction
Cet article présente les premiers résultats d'un projet d'études de cas
effectuées, sous la coordination du Bureau International d'Education
(UNESCO-BlE), en Bosnie Herzégovine, au Guatemala, au Liban, en
Irlande du Nord, au Mozambique, au Rwanda et au Sri Lanka. Ces sept
études portent sur les processus de changement des politiques curriculaires
dans des sociétés émergeant ou ayant émergé d'un conflit civil violent.
L'intérêt porte essentiellement sur les mesures adoptées ou envisagées par
ces sociétés nationales quant à la réfonne des curricula en vue de renforcer
ou de reconstruire une cohésion sociale à la lumière des expériences
récentes de violence politique ou de conflit anné interne. Après une brève
revue de la littérature récente portant sur le rapport dialectique entre
éducation et conflit violent (1), la seconde partie (2) présentera les
justifications ainsi que les hypothèses de travail du projet Changement des
Curricula et Cohésion Sociale dans le cadre duquel ces études de cas ont
été préparées. Une troisième partie (3) présentera le cadre analytique
élaboré en collaboration avec les coordinateurs nationaux des études de
cas et organisé autour de cinq questions principales relatives à la nature du
conflit, à I'histoire du système éducatif, à la nature de la politique
curriculaire, aux modalités de consultation et, enfin, à la traduction des
décisions curriculaires au niveau des programmes et des contenus
d'apprentissage les plus explicitement sensibles; ceux défmissant et
reproduisant l'identité, la mélnoire, le sens de la citoyenneté, et la vision
1 Une version initiale de cet article a été présenté à l'atelier de la Banque Mondiale sur:
« Manuels scolaires, curricula, formation des enseignants et la promotion de la paix et du
respect de la diversité». Washington DC, 24-26 mars 2003.
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d'un destin partagé au niveau national. La quatrième partie (4) présente les
résultats préliminaires issus des sept contextes et portant sur le rôle de
l'éducation comme catalyseur des tensions sociales et des conflits civils,
les réponses éducatives et curriculaires et les débats nationaux quant aux
contenus pédagogiques sensibles ou controversés.
La problématique
La question de la promotion de la paix et du respect de la diversité à
travers l'éducation cherche à détenniner COlnment les progralnmes
scolaires et matériels pédagogiques, la fonnation des Inaîtres, les curricula
ainsi que les processus de développement de ces curricula pourraient
contribuer à la paix et au respect des diversités. Le concept de diversité
(culturelle) appelle celui, central, d'identité:
Une certaine fonne d'identité - qu'elle soit singulière (individuelle),
sociale, culturelle, professionnelle, religieuse ou politique - constitue le
point de départ de toute relation avec autrui. L'identité est ce qui fait de
nous ce que nous SOlnmeset qui nous SOlmnes.Plus encore, l'expérience
de l'identité évoque invariablement des codes d'exclusion, de différence et
de distinction. L'appartenance à une collectivité implique toujours la
délimitation de cette collectivité et l'application d'une logique de conflit et
de contestation (Burgess, 2003-2004).
Le problème est posé sur la base de l'observation de divisions sociales
ou de « profonds clivages sociaux». Alors même que la diversité
culturelle représente une source potentielle de divisions sociales, il est
important de ne pas perdre de vue que les divisions sociales résultent aussi
de l'exclusion, qu'elle soit économique (exclusion de l'emploi, des
moyens de production, ou de la terre), ou sociale (exclusion de l'accès à
l'éducation, à la santé, au logement et autres services sociaux). Ces deux
fonnes de divisions sociales (basées sur l'identité d'une part et socio-
économiques d' autre part) peuvent se chevaucher et représenter une
importante source de conflits identitaires quand elles sont associées à des
fonnes d'exclusion politique touchant à la sécurité, à la représentation
politique, à la citoyenneté et à d'autres droits politiques fondamentaux.
De plus, juxtaposé à la notion de « respect des diversités », le concept
de « paix» suppose plus qu'une simple référence à la sécurité ou à
l'absence de violence politique ouverte et engage la question d'une paix
« interne» ou « sociale» basée sur la justice dans le cadre de l'Etat-
Nation. Le problème est alors de détenniner dans quelle mesure
l'éducation fonnelle pourrait contribuer à la paix sociale ou, inversement,
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. organisations religieuses;
les tensions existant entre les cultures éducatives locales et la
culture nationale.
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L'échelle à laquelle l'Etat opère, de même que les besoins de cet Etat
d'entretenir des contacts directs avec ses citoyens, posent problème. C'est
ainsi que l'éducation de masse doit, pour des raisons pratiques, se faire dans
les langues vernaculaires, tandis que l'éducation destinée à une petite élite
peut se faire dans une langue incomprise et non parlée par la majorité de la
population ou même étrangère à toute la population dans les cas de langues
comme le latin, le persan classique ou le chinois classique écrit (Hobsbawn,
1990, p. 94).
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Malgré tout, même en excluant effectivement les cas des sociétés qui
ne s'identifient pas au concept d'Etat-Nation et comme l'ont fait
remarquer Meyer, Boli, Thomas et Ramirez (1997), la remise en question
de la souveraineté territoriale n'a pas forcément donné lieu à une remise
en question du concept de souveraineté dans le paradigme de l'Etat-
Nation.
L'expansion considérable des structures, de la bureaucratie, des
agendas, des revenus et des capacités d'ajustement de l'Etat-Nation depuis
la seconde guerre mondiale indique quelque chose de faussé au niveau des
analyses affmnant que la globalisation nuit à la « souveraineté» de l' Etat-
Nation. La globalisation pose certainement de nouveaux problèmes aux
Etats, mais elle renforce aussi le principe culturel universel selon lequel
les Etats-Nations sont les premiers acteurs chargés d'identifier et de gérer
ces problèmes pour le compte de la société qu'ils représentent.
L'expansion du pouvoir et des responsabilités des Etats engendre peut-être
des structures complexes et fragmentées, mais certainement pas un
affaiblissement (Meyer, Boli, Thomas & Ramirez, 1997).
Alors que la «globalisation politique» semble avoir curieusement
contribué à renforcer l'idée de l'Etat-Nation, le nombre de guerres civiles
survenues à la fin du 20ème siècle semble démontrer pour sa part une
intensification du degré de violence politique nécessaire à sa préservation.
Or, si la relation entre violence et construction de l'Etat-Nation a changé,
il en a été de même de la relation entre école et conflit violent. Le
développement de l'école en tant qu'élément essentiel à la formation de
l'Etat-Nation moderne est un processus violent de destruction et de
reconstruction des relations et des structures sociales. «La violence peut
être considérée comme inhérente au processus de modernisation au cours
duquel les contrats sociaux sont détruits avant que d'autres fonnes de
cohésion sociale et de socialisation soient édifiées» (Tawil, 1997, pp. 8-
9). Ce processus peut engendrer des tensions entre éducation officielle et
cultures locales.
Historiquement, la Inodernisation appelle l'imposition de systèmes
scolaires étrangers et de cultures autres dans une grande partie des pays en
voie de développement. Basés sur un modèle scolaire né en Europe au
XIXème siècle, le contenu et le mode d'organisation de l'école restent
souvent non représentatifs des cultures locales et nationale. Aussi, de par
son assuj ettissement à des curricula étrangers et son utilisation de langues
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Objectifs
Des études de cas en Bosnie Herzégovine, au Guatemala, en Irlande
du Nord, au Liban, au Mozambique, au Rwanda et au Sri Lanka ont été
effectuées en 2003 par le Bureau International d'Education de l'UNESCO
sur la question des réfonnes des curricula et la cohésion sociale. L'objectif
de ces études de cas est de développer une meilleure compréhension des
problèlnes accolnpagnant un processus légitime et viable de changement
des curricula scolaires en vue d'améliorer la cohésion sociale.
Hypothèses de travail
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Approche et méthodologie
Le proj et s'inspire largement de l'approche de renforcement de la paix
«{ peacebuilding ») qui tient compte des facteurs historiques et socio-
politiques et qui défmit l'éducation comme étant multidirnensionnelle et
nécessairement liée à d'autres sous-systèmes, contrairement à l'approche
d'éducation à la paix, dont la perspective plus restreinte se limite à une
approche pédagogique se centrant sur les Inéthodes et les contenus des
apprentissages (Bush & Saltarelli, 2000). Les études de cas sont donc
abordées par le biais d'une approche socio-éducative retraçant les
processus de construction sociale du savoir éducatif au niveau des
curricula scolaires officiels. Cette approche tient compte du caractère
multidirnensionnel de l'éducation et de son interdépendance avec les
processus sociaux et politiques de réconciliation et de reconstruction.
Les études de cas, effectuées par des experts nationaux étroitement
associés au processus de réfonne des curricula nationaux dans plusieurs
pays à travers le monde, ont pour but le renforcement des capacités locales
à réfonner les programmes scolaires à travers un échange international.
Les versions préliminaires de ces études avaient été présentées et
analysées dans le cadre d'un colloque international (Genève, 3-4 avril
2003) qui à pennis aux différentes équipes travaillant sur le sujet de
partager leurs expériences avec un public international et de tirer parti
d'un feedback critique collectif en vue d'éprouver la pertinence de leurs
approches et de fmaliser leurs études. Le projet d'études de cas, qui prend
la fonne d'une recherche-action collective, se veut une fonne de
renforcement des capacités aux niveaux à la fois micro et macro. Ceci se
réalise au travers d'une documentation des processus nationaux de réforme
des curricula en cours, intégrés, dans la mesure du possible, dans des
processus de dialogue et de formulation de politique éducative au niveau
local et national, et enrichissant le débat international sur ces questions.
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En réalité, il n'y ad' équivalent au terme « curriculum» dans aucune des trois
langues officielles, et ce concept est ainsi habituellement traduit par « plan et
programme». Pour comprendre le contexte de la Bosnie-Herzégovine, il est
donc important de faire la distinction entre le concept de « curriculum» et
celui de « syllabus» ou « programme ». Le développement et la politique
curriculaires en Bosnie-Herzégovine sont presque exclusivement centrés sur
le « syllabus» (interprétation peut-être plus précise de la notion de « plan et
programme»), avec peu ou pas de cadre d'ensemble d'objectifs, de résultats
pédagogiques, ou de principes directeurs (Stabback, 2004, p. 42).
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Traditions:
. Qu'a-t-on déjà construit?
. Quelles sont les traditions pédagogiques nationales?
. Quelles sont les conceptions traditionnelles du curriculum?
. Qu'est-ce qui a déjà été fait dans le passé?
. Caractéristiques du système d'évaluation
. Pédagogie
Ilnplications :
. Quel impact ont ces traditions sur les possibilités effectives de
changement et d'innovations curriculaires ?
. A quelles influences éducatives traditionnelles
décisions politiques en cours?
sont soumises les
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. contextes étudiés).
Constat de vide ou de faiblesse dans le contenu des programmes
d'enseignement antérieurs au conflit, particulièrement en ce qui
concerne l'éducation aux valeurs nationales/ culturelles (Rwanda,
Guatemala, Mozambique) et/ou civiques (Liban, Irlande du
Nord).
.. (Bosnie-Herzégovine).
Insister sur l'inclusion lnulticulturelle et multilingue (Guatemala).
Donner plus d'importance à la qualité en terme de pertinence
souvent cherchée à travers la décentralisation et la régionalisation,
à des fms de promotion d'un développement local du contenu
curriculaire (Guatemala, Mozambique).
. Tenter d'adoucir les tensions relatives à une politique linguistique
officielle en étendant l'usage d'une seconde langue PQ!lvant
servir comme pont entre les cOlrununautés (Sri Lanka).
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. Nord),
méthodes d'approches de la réfonne: affronter différentes
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Ceci est exacerbé par le statut du Mozambique qui fait partie des pays
les plus dépendants au monde de l'aide extérieure; mais il est difficile de
détenniner à quel point cette « dépendance et l'endettement ont miné la
souveraineté du Mozambique, certaines conditions attachées à l'aide ayant
obligé le pays à accepter des changelnents politiques sujets à contro-
verses» (Balegamire et al., 2004, p. 225).
Concernant la politique de réformes linguistiques, par exemple, les
soutiens fmanciers tendent à subventionner les initiatives monolingues au
détriment des initiatives bilingues. Même au niveau du pouvoir
décisionnel national, les modalités de consultation sont limitées par les
divisions linguistiques (entre les groupes urbains de langue portugaise et
les groupes ruraux parlant des langues locales -- un schisme survenu après
l'indépendance) et demandent donc un haut niveau d'engagement politique
et des ressources suffisantes (allocations) pour maintenir le dialogue
public.
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Une analyse du système éducatif antérieur à 1994 révèle que les curricula
étaient silencieux là où ils auraient dû être éloquents et éloquents là où le
silence aurait dû être gardé. En d'autres termes, on en disait trop sur les
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Le Sri Lanka
La particularité du Sri Lanka réside dans la perspective adoptée qui
conçoit clairement le changelnent de politique curriculaire comme un
processus politique. Certainement, la question toujours irrésolue du statut
du conflit au Sri Lanka implique que les décideurs, au niveau de la
politique éducative, sont (et sont conscients d'être) en position de faire de
la réfonne curriculaire un instrument pour la paix. Malgré tout, les risques
associés à toute volonté de contribuer au processus de paix à travers le
système scolaire public sont évidents dans un contexte d'un mouvement
séparatiste où l'une des parties en conflit cherche à diviser ce mêlne Etat-
Nation. La tension existant entre l'interprétation des problèmes sociaux et
les analyses scientifiques qui en découlent (et où le système éducatif
représente en toute «logique» un réservoir de significations) est
manifestement exacerbée par le fait que le changelnent éducatif au Sri
Lanka est une affaire politiquement sensible. La suspicion jetée sur les
motifs de la réfonne relève de prises de position politiques, ethniques,
religieuses, et autres (Perera, Wijetunge & Balasooriya, 2004). Cette
suspicion est certainement compréhensible si l'on considère les effets
complexes de la réfonne éducative sur les comportements durant la guerre
civile. La loi sur les langues officielles qui redéfmit, en 1956, la politique
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3 Intervention dans le cadre des débats du colloque « Curriculum change and social
cohesion in conflict-affected societies» du Bureau International d'Education, Genève, 3-4
avril 2003.
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J. Marin
Introduction
L'occidentalisation du Inonde a commencé d'abord avec les Croisades et a
continué avec les premières « découvertes» de l'Afrique et de l'Amérique
avec les expéditions portugaises et espagnoles au XVème siècle.
L'évangélisation des « païens », la civilisation des « sauvages» et le
mythe du développelnent et de la mondialisation économique et culturelle
actuelle, ne sont que des périodes d'un mêlne processus historique
d'imposition de l'ethnocentrisme occidental dans le monde, dans les
constantes redéfinitions de « l'occidental» par rapport aux « autres ».
La domination culturelle, avec des caractéristiques propres à chaque
période, a été suivie par la mondialisation économique. Depuis la chute du
Mur de Berlin en 1989 et l'éclatement de l'Union des Républiques
Socialistes Soviétiques (URSS) en 1991, nous assistons à la fm du monde
bipolaire et à l'iInposition du lnodèle économique capitaliste au niveau
mondial. Ce processus implique l'imposition d'une standardisation
culturelle, appelée aussi « Mcdonaldisation culturelle» (Adda, 1998;
Cassen, 2000 ; Lempen, 1999 ; Ramonet, 2001 aJb ; Schiller, 2000)
Cette dernière période n'a pas été largement analysée dans ses
aspects socioculturels. L' éconolnie, certes, est à l'origine de grands
changements et mutations mais l'explication économique ne se suffit pas à
elle-même. C'est dans l'évolution technologique, elle-même conséquence
d'une évolution plus large des idées, que s'est passée la grande révolution
de l'information et de la cOlnmunication dans le domaine de la culture.
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L'occidentalisation du monde
L'occidentalisation du monde a cOlTIlnencéau XVème siècle avec le
processus historique de la colonisation de l'Afrique, de l'Amérique et de
l'Asie (Latouche, 1989; Marin, 1994a/b). Les racines historiques de la
mondialisation économique et culturelle actuelle se trouvent dans
l'ethnocentrisme occidental. La vision du monde et le modèle occidental
de société sont présentés, dans le contexte de la domination coloniale et
post-coloniale, comme un modèle universel à suivre.
Premièrement, les colonialismes espagnol, portugais, puis plus
largement européen, ont eu besoin de légitimer l'imposition de leurs
systèmes aux peuples indigènes de l'Amérique et de l'Afrique. Ce
processus a impliqué la construction d'un imaginaire qui permette de
fabriquer de toutes pièces, l'infériorité de ses victimes, mécanisme
idéologique qui sert à justifier toute sorte d'injustices. Dénigrer l'opprinlé
sera la règle fondamentale dans une échelle de valeurs qui appartient à la
culture dominante, structurée à partir de l'imposition de l'universalité de
sa civilisation considérée COlnme la seule et unique base pour imaginer
aussi un modèle unique de société, d'économie, de politique et de culture.
L'évangélisation, dans le contexte américain, en tant que première
période de l'hnposition de l'ethnocentrisme européen commence au
XVème siècle et se poursuivra jusqu'à la fin du XVlllème, quand
débutèrent les révoltes indigènes en Amérique du Sud. Le rituel de
l'évangélisation est le baptêlne et l'institution intermédiaire est l'Eglise. Le
baptême permet le passage de l'Indien considéré comme païen à l'Indien
évangélisé. La civilisation des indigènes constitue la deuxième période de
ce processus qui COlnmenceà la fm du XVlllème siècle, après les révoltes
indigènes conduites surtout par des Indiens scolarisés. Les Indiens
deviennent des sauvages à civiliser, le rituel sera l'alphabétisation en
castillan ou en portugais qui sont les langues dominantes, et l'école
deviendra l'instrument de la domination coloniale par excellence car elle
pennet l'Ùnposition des cultures et des langues officielles.
L'école joue un rôle fondalnental dans la négation des identités
culturelles. La seule « intégration» possible proposée aux peuples
indigènes à travers l'école, est l'acceptation de la langue et de la culture
dominantes officielles au détriment de la diversité culturelle et linguistique
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Mythes du progrès
et du
développement
(Sciences et
technolo ies
Image et oralité
im osées
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impôts sur les revenus les plus élevés des personnes et sur les profits des
sociétés (Houtart & Polet, 1999).
Cet ensemble de mesures a déformé, de façon désastreuse, le cours
normal de l'accumulation du capital et le libre fonctionnement du marché.
Selon cette théorie, la croissance reviendra naturellement lorsque sera
atteinte la stabilité monétaire et qu'auront été réactivées les principales
incitations (défiscalisation, limitation des charges sociales, déréglemen-
tation, etc.). Ce programme ne s'est pas réalisé du jour au lendemain; il lui
a fallu une décennie pour s'imposer. En 1979, une situation politique
nouvelle est apparue. Cette année là, en Angleterre, a commencé le règne
de Margaret Thatcher. C'est le premier gouvernement d'un pays capitaliste
avancé qui se soit engagé publiquement à mettre en pratique le programme
néo-libéral avec les conséquences que connaît aujourd'hui ce pays dans les
domaines de la politique sociale, de la santé et de l'éducation publiques.
Ronald Reagan a été élu en 1980 Président des Etats-Unis et le
néolibéralislne est devenu l'idéologie politique au pouvoir avec des
conséquences planétaires. En 1982 c'est le tour de l'Allemagne et en 1982
-1984 du Danemark, symbole du modèle scandinave de l'Etat-providence.
L'hégémonie d'une nouvelle droite en Europe et en Amérique du Nord s'en
trouve consolidée. Ainsi, au cours des années 1980 on a assisté au
triomphe incontestable de l'idéologie néo-libérale dans les pays capitalistes
avancés. Les conséquences sociales se traduisent par des taux élevés du
chômage, l'écrasement des grèves, la tnise en place d'une législation
antisyndicale et des coupures importantes dans les dépenses sociales. Une
autre caractéristique importante a été la privatisation de nombreux secteurs
qui étaient auparavant étatisés. Aux Etats-Unis, où il n'existe aucun Etat-
social similaire à ceux de l'Europe, le gouvernetnent donne la préférence
aux dépenses militaires, réduit les impôts en faveur des riches. Les
secteurs publics de la santé, du social et de l'éducation sont les domaines
les moins favorisés. Les gouvernements socio-délnocrates ont aussi
appliqué les principes du néolibéralisme, contrairement à leur théorie
politique d'origine.
De l'autre côte du monde, en Australie et en Nouvelle-Zélande, le
Inême schétna néo-libéral est appliqué avec une force brutale. La Nouvelle
Zélande représente certainement le cas le plus extrême. L'Etat-social est
désarticulé de façon plus cotnplète que dans le cas de la Grande-Bretagne.
Au Chili l'expérience néo-libérale est associée à l'influence nord-
américaine avec Milton Friedman, professeur à l'université de Chicago.
L'expérience chilienne présupposait l'abolition de la détnocratie et la mise
en place d'une des dictatures les plus cruelles de l'après-guerre. Si le Chili
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plus l'attention des décideurs dans des secteurs aussi divers que
l'alimentation et l'agriculture, le C0111lnerce et le développement
économique, l'environnement, la santé, les droits de l'homme et la
politique culturelle. Le rôle de la propriété intellectuelle indigène en
rapport avec la protection des savoirs traditionnels a été le sujet d'une
conférence organisée par l'Organisation mondiale de la Propriété
intellectuelle (OMPI) à Genève en 1999 (Organisation mondiale de la
Propriété intellectuelle, 2001).
L'éducation est un moyen d'exercer les droits, d'établir entre les citoyens une
égalité de fait et de rendre réelle l'égalité politique. Sur une base laïque... le
but de l'instruction n'est pas de faire admirer aux hommes la législation toute
faite, mais de les rendre capables de l'apprécier et de la corriger (cité par
Longo, 2001, p. 25).
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La diversité culturelle
La planète où nous vivons est caractérisée par sa biodiversité,
constituée par une immense variété de formes de vie qui se sont
développées depuis des millions d'années. La défense de cette biodiversité
apparaît COlnme indispensable à la survie des écosystèmes naturels, qui
sont à la base des «écosystèmes culturels », cOlnposés d'une mosaïque
complexe de cultures qui ont aussi besoin de la diversité pour préserver le
patrimoine des générations futures. Cet axe entre nature et culture et sa
préservation est fondamental pour notre survie. C'est dans notre diversité
que se trouve la richesse de notre humanité. Les races, bio-génétiquement,
n'existent pas; nous appartenons tous à la lnême espèce; nous SOmInes
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Conclusion
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Auteurs
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Harley, Alexandra
Alexandra Harley a participé au sein du Bureau international de
l'éducation (Genève) au projet de recherche dirigé par Sobhi Tawil sur la
reconstruction des systèmes éducatifs dans des pays perturbés. Avant de
travailler au BlE, elle a fondé et dirigé une ONG au Nicaragua destinée à
venir en aide aux populations affectées par le cyclone Mitch.
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Auteurs
Herzog, John
John.herzog@wanadoo.fr et jherzog@lynx.dac.neu.edu
John Herzog est professeur émérite au Northeastern University et
chercheur indépendant. Il effectue actuellement des travaux de recherche
sur le compagnonnage en France. Ses principaux travaux ont été publiés
dans des revues internationales telles que Harvard Educational Review
(1962), Ethos (1973) et Human Organization (1974). John Herzog a
également été président du Conseil sur l'anthropologie et l'éducation de
l'American Anthropological Association.
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Auteurs
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