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10 ÉNERGÉTIQUE DES STRUCTURES

10.1 RAPPEL : TRAVAIL W D’UNE FORCE

On rappelle que le travail d’une force F appliquée en un point d’une structure à comportement
élastique linéaire a pour expression :

1
W= Fq
2
Équation 10-1 : Travail W d’une force (rappel)

avec q le déplacement du point d’application de F selon la ligne d’action de F.

Nota :

1. F représente ici un effort ponctuel généralisé, c’est-à-dire soit une force, soit un couple pur.
Si F est une force q est une translation, si F est un couple q est un angle de rotation

2. dans le cas de plusieurs forces appliqués à la structure, le travail total est la somme de tous
les travaux :

W=
∑ i
1
2
Fi q i

avec Fi, effort généralisé (force ou couple) et qi déplacement généralisé (translation ou rotation)

10.2 ÉGALITÉ ENTRE TRAVAIL ET ÉNERGIE DE DÉFORMATION ÉLASTIQUE

Pour une structure composée de plusieurs poutres, l’expression de l’énergie de déformation


élastique s’écrit, dans le cas général :

2
1 N 2 Ty Tz2 M fy2 M fz2 M 2t
We = ∫ ( ES + GSry + GSrz + EIGy + EIGz + GJ ) dx
2 structure

Dans le cas d’une structure à comportement élastique linéaire, et en supposant que les liaisons ne
peuvent, ni emmagasiner, ni dissiper d’énergie, le travail des forces extérieures est intégralement
converti en énergie de déformation élastique :

1
W= Fq
2
Équation 10-2 : Égalité travail - énergie

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Remarque :
Pour une structure soumise à un seul effort, cette égalité permet de calculer directement le
déplacement du point d’application de la force.

Exemples : poutres encastrées

On a : On a :

M2 M2 1 C2L
∫ ∫
1 1 P 2 L3 1
We = dx = … = We = dx = … =
2 EI 2 3EI 2 EI 2 EI

1 PL3 et W =
1
C θ A , d’où θ A =
CL
et W = P q A , d’où q A =
2 3EI 2 EI

Exercice :
Déterminer le déplacement vertical q du point C de la structure suivante (barres identiques de
section S et de module de Young E) :

Effort normal N dans chaque barre :

P
2N cos α = P ⇒ N =
2 cos α
Énergie de déformation de la structure :

N2 P2 L

1
We = 2 x ( dx ) =
2 ES 4 cos 2 α E S

1
et W = P q c , d’où :
2
PL
qc =
2 E S cos 2 α

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10.3 THÉORÈME DE CASTIGLIANO ET THÉORÈME DE MENABREA

Théorème de Castigliano :

L’énergie de déformation We d’une structure à


comportement élastique linéaire étant exprimée
uniquement en fonction des efforts extérieurs
appliqués (efforts indépendants les uns des autres), le
déplacement qi du point d’application d’un effort Fi,
selon la ligne d’action de l’effort, est égal à la dérivée
partielle de We par rapport à l’effort Fi :

∂ We
qi =
∂ Fi
Équation 10-3 : Théorème de Castigliano

Remarques :

- les termes « effort » et « déplacement » doivent être pris dans leur sens le plus large, c’est-à-
dire qu’ils englobent force et couple pour le terme « effort », et translation et rotation pour
le terme « déplacement ». Si Fi est une force, qi est une translation ; si Fi est un couple, qi est
une rotation.

- si des efforts se présentent sous la forme 2F, 3F,... il faut les appeler F1, F2,... pour les
distinguer (pour les rendre indépendants les uns des autres), calculer les dérivées partielles
par rapport à F1, F2, ..., et après dérivation seulement exprimer F1, F2... en fonction de F.

- on peut démontrer que, si parmi les forces extérieures appliquées, il en existe deux de valeur
F égales et opposées, appliquées en deux points A et B, la variation de distance ∆AB entre A
et B est donnée directement par le théorème de Castigliano :
∂We
∆AB =
∂F

Si ces deux forces sont dirigées perpendiculairement à [AB], alors ∆AB correspond à l’angle de
rotation de la droite [AB]

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Théorème de Menabrea (ou principe de l’énergie minimale) :

Les valeurs des efforts hyperstatiques X1, X2, …, Xh (avec h le degré d’hyperstaticité) qui se
produisent réellement dans une structure à comportement élastique linéaire, rendent minimum son
énergie de déformation interne We, ce qui se traduit par :

∂ We
= 0 pour i = 1, 2, …, h
∂ Xi
Équation 10-4 : Théorème de Menabrea

Remarques :

- ce théorème ne s’applique que si les efforts Xi correspondent à des efforts de liaisons


surabondantes, ces efforts peuvent être pris de façon arbitraire (ils sont indépendants).
Attention : l’appliquer dans le cas d’une structure isostatique est faux !

- ce théorème permet de toujours écrire les h équations nécessaires pour résoudre les
problèmes hyperstatiques de degré h ; on applique pour les h efforts de réaction inconnus le
théorème de Menabrea, on obtient ainsi un système d’équations linéaire de h équation(s) à
h inconnue(s).

- pour pouvoir l’utiliser, il faut exprimer l’énergie We en fonction uniquement des efforts
extérieurs appliqués et des inconnues hyperstatiques Xi choisies arbitrairement.

Utilisation directe du théorème de Castigliano :


Reprenons les 3 cas étudiés précédemment :

- poutre encastrée soumise à une force ponctuelle à son extrémité libre :


1 P 2 L3 ∂We PL3
on a We = et donc : = qA =
2 3EI ∂F 3EI

- poutre encastrée soumise à un couple pur à son extrémité libre :


1 C2L ∂We CL
on a We = et donc : = θA =
2 EI ∂C EI

- structure composée de deux barres :


P2 L ∂We PL
on a We = et donc : = qc =
4 cos 2 α E S ∂P 2 E S cos 2 α

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Utilisation du théorème de Menabrea pour la résolution d’un problème hyperstatique

Reprenons la structure précédente et rajoutons


une barre supplémentaire [OC] de section S et
module de Young E.

La structure est maintenant hyperstatique.


L’effort X1 de réaction au point O est superflu
pour assurer le blocage isostatique de la
structure.

Pour déterminer X1 (choisi de façon arbitraire),


nous allons exprimer l’énergie de déformation
We de la structure en fonction de la force
appliquée P et de X1.

Le PFS fournit une première équation : 2 N cos α + X1 = P et le théorème de Menabrea permettra


d’en écrire une seconde. Calculons l’énergie de déformation :

1 N2 L 1 X12 L cos α P - X1
We = 2 ( ) + avec N = et donc :
2 E S 2 E S 2 cos α

( P − X1 ) 2 L1 X12 L cos α
We = ) + .
4 cos 2 α E S 2 E S

∂We (P − X1 )(−1) L X1 L cos α


Menabrea : = + = 0
∂X1 2 cos 2 α E S E S

(P − X1 ) P
soit = X1 cos α , et donc : X1 =
2
2 cos α 1 + 2 cos 3 α

10.4 INTÉGRALES DE MOHR

Il s’agit d’une table permettant de calculer les intégrales de la forme :

b
∫ f(x) g(x) dx
a

forme que l’on rencontre très souvent en RdM (calcul des énergies, des déplacements avec le
théorème de Castigliano, ou avec les formules de Bresse, etc.).

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Exemple d’utilisation des intégrales de Mohr :

L
M 2 (x )

1
Soit à calculer l’intégrale suivante (énergie d’une poutre encastrée) : We = dx avec
2 0 EI
M(x) = P(x-L).

On prend f(x) = g(x) = P (x-L) et on remplace l’expression analytique de chaque fonction par sa
représentation graphique, soit :


1
We = dx
2 0 EI

On obtient le résultat dans la table de Mohr dans la case correspondant à la ligne et à la


colonne :

1 1 1 P 2 L3
We = ( (-PL) (-PL) L) =
2 3E I 2 3E I

10.5 CALCULS DES DÉPLACEMENTS AVEC LE THÉORÈME DE CASTIGLIANO

Deux cas sont à considérer :


- cas où il y a déjà un effort F au point où l’on cherche le déplacement (déplacement cherché
selon la ligne d’action de F)

- cas où il n’y a pas d’effort au point où l’on cherche le déplacement

1er cas : il y a un effort F au point où l’on cherche le déplacement. Pour mettre en place l’application
pratique du théorème de Castigliano, nous considérons uniquement le déplacement dû au moment
de flexion M(x) existant dans la structure.

M2

1
L’énergie de déformation a pour expression : We = dx
2 EI

Appliquons le théorème de Castigliano :

∂ We ∂ 1 M2 1 ∂ M2 ∂M M ∂M
∫ ∫ ∫ ∫
1 1 1
q= = ( dx ) = dx = 2M dx = dx
∂F ∂F 2 EI 2 EI ∂F 2 EI ∂F EI ∂F

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∂M
Le terme , dérivée partielle du moment de flexion par rapport à l’effort F que l’on notera
∂F
∂M
M= , est facile à calculer car M est toujours une fonction linéaire en F, F étant ponctuelle
∂F
(forme : M = α F + β, avec β coefficient qui dépend des efforts extérieurs autres que F appliqués à la
structure).

∂M
D’un point de vue pratique, pour déterminer M = = α, on prendra F=1 dans l’expression de M
∂F
et on annulera tous les termes liés aux éventuelles autres forces appliquées à la structure => β = 0).

Illustration :

Considérons la poutre encastrée ci-contre et


cherchons à calculer le déplacement qB du point B.

Le moment de flexion a pour expression :

• sur [OA] :
M(x) = (P + P’) x - (PL + P’L’)

• sur [AB] :
M(x) = P (x - L)

∂M
Calculons M = :
∂P

∂ M ∂ (P + P' ) x ∂ (PL + P' L' )


• sur [OA] : M = = - =x- L
∂P ∂P ∂P
∂M
• sur [AB] : M = = x- L
∂P

On remarque que l’on peut obtenir directement ces expressions en faisant P = 1 et P’ = 0 dans
l’expression de M(x), c'est-à-dire que l’on évite ainsi de calculer la dérivée partielle.

Déterminons maintenant le déplacement de B :

∂ We M ∂M MM L' M M L M M
qB = = ∫EI dx = ∫ dx = ∫ dx + ∫ dx que l’on calcule en
∂P ∂P EI 0 EI L' E I

utilisant les intégrales de Mohr, soit :

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M

M
L

qB =

0
EI
dx

L' L

qB =

0
EI
dx +

L'
EI
dx

L' P
qB = [ 2 ( PL + P' L' ) L + ( PL + P' L' ) (L - L' ) + P (L - L' ) L + 2 P (L - L' ) 2 ] + (L - L' ) 3
6EI 3E I

2ème cas : il n’y a pas d’effort au point où l’on cherche le déplacement.

Méthode :
1. Pour pouvoir appliquer le théorème de Castigliano (calcul de la dérivée par rapport à un
effort qui n’existe pas !), on introduit sur la structure étudiée un effort ponctuel fictif fi au
point où l’on cherche le déplacement, la ligne d’action de l’effort fi étant selon le
déplacement cherché.
2. On établit ensuite l’expression de l’énergie de déformation (qui maintenant est due non
seulement au chargement réel mais aussi à l’effort fictif).
3. Puis on applique le théorème de Castigliano pour établir l’expression du déplacement.
4. Enfin, on annule fi, et on obtient ainsi l’expression du déplacement cherché.

Comme précédemment, pour mettre en place la méthode, nous ne considérons que l’énergie de
déformation due au moment de flexion.

Le chargement réel crée dans la structure un moment fléchissant M(x). Lorsqu’on ajoute à la
structure l’effort fictif fi, un moment de flexion supplémentaire Mi(x) apparaît.
On a donc par superposition un moment fléchissant égal à M(x) + Mi(x) et l’énergie de déformation
s’écrit alors :

L
( M ( x ) + M i (x) ) 2

1
We = dx
2 0 EI

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Appliquons le théorème de Castigliano pour déterminer l’expression q du déplacement cherché :

∂ We ∂ 1 ( M(x) + M i (x) ) 2 ∂ ( M(x) + M i (x) )


∫ ∫
1 2
q= = ( dx ) = ( M(x) + M i (x) ) dx
∂ fi ∂ fi 2 EI 2 EI ∂ fi

∂ M(x) ∂ M i (x)

1
= ( M(x) + M i (x) ) ( + ) dx
EI ∂ fi ∂ fi

fi étant une force ponctuelle, le moment fléchissant Mi(x) créé par cette force est forcément une
fonction linéaire en fi.

∂ Mi(x)
On peut donc déterminer facilement le terme en faisant fi = 1 dans l’expression de Mi(x) :
∂ fi
∂ Mi(x)
on obtient alors Mi(x) = le moment fléchissant créé par la force fictive unitaire.
∂ fi

∂ M(x)
De plus, le terme est nul puisque M(x) ne dépend pas du chargement fictif.
∂ fi


1
On a donc q = ( M(x) + M i (x) ) M i (x) dx
EI
Une fois fait le calcul des termes dérivés, on annule la force fi, et donc Mi(x) = 0, d’où l’expression
finale du calcul du déplacement :


1
q= M(x) M i (x) dx (théorème de la charge unité ou
EI théorème de Müller-Breslau)

avec :
• M(x) : moment de flexion dans la structure dû au chargement réel
• M i (x) : moment de flexion dans la structure dû au chargement fictif unitaire (fi = 1) appliqué
au point où l’on cherche le déplacement selon la direction du déplacement cherché

Illustration :

Prenons le cas de la poutre encastrée ci-dessous et cherchons à calculer le déplacement vertical qA


du point A. Le moment de flexion M(x) dû au chargement réel a pour expression : M(x) = C

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Le moment de flexion M i (x) dû au chargement fictif unitaire a pour expression : M i (x) = x - L

On peut donc calculer le déplacement vertical du point A :

L
C L2

1 1
qA = dx = C (-L) L = -
EI EI 2 2EI
0

On notera ici que le signe – indique que le déplacement est opposé à celui de la force fictive !

Généralisation du théorème de la charge unité :

Si l’on considère l’ensemble des composantes du torseur de cohésion régnant dans la structure,
l’expression du déplacement devient :

N N i M fy M ify M fz M ifz T Tiy



T Tiz M t M it
q = ( + + + ky + kz + ) dx
ES E I GY E I GZ GS GS GJ
structure

avec N i , Tiy , Tiz , M ify , M ifz , M it les efforts internes dus uniquement à l’effort fictif unitaire
appliqué au point où l’on cherche le déplacement, selon la direction du déplacement cherché.

Remarque pratique : on peut constater que dans le cas où il y a une force, ou dans le cas où il n’y en
a pas, la méthode pour déterminer un déplacement est en fait la même, on détermine le torseur de
cohésion dû au chargement réel, on détermine celui dû uniquement à un effort fictif unitaire (fi = 1),
puis on applique le théorème de la charge unité en s’aidant des intégrales de Mohr pour faciliter les
calculs.

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