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Chapitre 6
La statistique de Fermi-Dirac a été obtenue au chapitre 5. Nous allons l’examiner de plus près
dans le présent chapitre, où nous l’appliquerons au gaz d’électrons dans les métaux et dans les semi-
conducteurs. Pour cela nous supposerons que les électrons sont sans interaction. La justification de cette
hypothèse sort du cadre de ce cours, mais elle est validée par les résultats obtenus.
Les électrons dans un cristal sont en nombre fixé qui dépend des atomes constituants. Cependant
on utilise la distribution de Fermi Dirac obtenue dans l’ensemble grand-canonique pour décrire leurs
propriétés. Dans cet ensemble le nombre de constituants est par hypothèse autorisé à fluctuer. C’est un
peu une astuce : le caractère fermionique des e les corrèle : l’état de l’un d’entre eux n’est pas indépendant
de l’état des autres, comme nous l’indique le principe de Pauli. Or l’existence de corrélations complique
énormément les calculs. Autorisant momentanément le nombre de constituants à fluctuer, on retrouve
l’indépendance statistique des occupations des états individuels entre eux : c’est ce qui a permis d’écrire
⌅ = ⇧l ⇠l comme on l’a fait au paragraphe 4.2 du ch. 5. On obtient alors les différentes occupations
moyennes hnl i. Dans la limite thermodynamique, valable P pour les systèmes de grande taille, on peut
enfin remplacer hN i par N , dans l’expression hN i = l hnl i. En effet le théorème central limite vu au
1er chapitre nous apprend que les fluctuations relatives du nombre total de particules sont extrêmement
faibles, et supposer le nombre de constituants fixé ou lui permettre de fluctuer ne changera pas les
propriétés de la collection.
1 Distribution de Fermi-Dirac
On a vu au chapitre 5, que le nombre moyen de fermions occupant l’état individuel indexé par l
et d’énergie ✏l , est donné par la fonction de Fermi :
1
hnl i = f (✏l ) = (✏ µ) (6.1)
e l +1
où la température T = kB1 et le potentiel chimique µ caractérisent le gaz de fermions.
On remarque - c’est ce qu’on appelle principe d’exclusion de Pauli - que
hnl i 1
A température nulle ( ! +1) on a
hnl i = 1 pour ✏l < µ
hnl i = 0 pour ✏l > µ (6.2)
La fonction de Fermi est donc discontinue à T = 0 du fait que les états individuels sont occupés ou vides.
On définit l’énergie de Fermi (appelé aussi niveau de Fermi) comme étant l’énergie individuelle maximale
des états occupés à T = 0. Donc l’énergie de Fermi est égale au potentiel chimique. Cependant celui-ci
pouvant dépendre de la température, on définit plus précisément ✏F = µ(T = 0).
La fonction de Fermi sera étudiée en TD dans le cas d’une température finie. Il sera établi que la marche
abrupte s’adoucit sur une plage d’énergie de largeur de quelques kB T .
Dans le cas du gaz parfait de fermions (ou modèle de fermions libres), l’état indexé par l est caractérisé
par un vecteur d’onde ~k et par un état de spin. De plus, en l’absence de champ magnétique, la relation
entre énergie et vecteur d’onde est i
~2 k 2
✏~k =
2m
m est la masse du fermion, et k le module du vecteur d’onde. Enfin ~ = 2⇡ h
est la constante de Planck
réduite. Pour un fermion de spin s, il y a (2s + 1) états de spin possibles ( s, s + 1, ... +s). Le nombre
total de fermions peut donc être réécrit
s
X X X
1 1
N= (✏~k µ)
= (2s + 1) (✏~k µ)
~ = s
e +1 ~
e +1
k k
Dans le cas d’un système macroscopique de volume V , les énergies ✏~k sont très denses (très peu espacées
les unes des autres) ce qui permet de remplacer la somme discrète par une intégrale :
X Z Z +1
V
... = d~k... = V d✏ ⇢(✏)...
(2⇡)3 ✏min
~
k
où les trois petits points remplacent une fonction quelconque du module de ~k. La première égalité découle
de ce que les vecteurs ~k sont discrets et que le volume élémentaire d’un état individuel est (2⇡)3 /V (voir
l’encadré prolongement). La seconde égalité fait apparaitre ⇢(✏) la densité d’état d’énergie définie de la
manière suivante : V ⇢(✏)d✏ représente le nombre d’états pour un spin fixé dont l’énergie est comprise
entre ✏ et ✏ + d✏. ii Autrement dit, V (2s + 1)⇢(✏)d✏ est le nombre d’états fermioniques dont l’énergie est
comprise entre ✏ et ✏ + d✏ : c’est un facteur indiquant la dégénérescence de l’énergie ✏. ✏min est l’énergie
individuelle minimale qui est nulle dans le cas des fermions libres. On peut donc écrire
Z +1
1
N = V (2s + 1) d✏ ⇢(✏) (✏ µ) (6.3)
0 e +1
1 ⇣ 2m ⌘3/2 1/2
⇢(✏) = ✏ (6.4)
4⇡ 2 ~2
Remarque : l’éq. (6.3) est une équation implicite iii qui permet de déterminer µ(T ). En effet si N et T
sont fixés, le potentiel chimique s’adapte pour satisfaire cette équation.
Dans le cas d’un système macroscopique, de manière analogue au calcul du nombre de fermions, on peut
établir que Z +1
1
hEi = V (2s + 1) d✏ ⇢(✏) ✏ (✏ µ) (6.5)
0 e +1
i. Ceci est un résultat de l’équation de Schrödinger pour une particule libre de masse m.
ii. Chez certains auteurs ⇢(✏) inclut la dégénérescence de spin.
iii. Elle ne permet pas d’étabir une expression explicite de µ(T ), mais on peut déterminer µ(T ) au moins numérique-
ment.
⇧ Discrétisation de ~k
Pour une particule libre de masse m, confinée dans un volume V , les états propres de l’Hamiltonien
sont des ondes planes : (~r) = p1V eik.~r . L’énergie correspondante s’écrit ✏~k = ~2m
~ 2 2
k
. Le confinement
~
au volume V de taille finie introduit une discrétisation des vecteurs k et donc de l’énergie.
Pour trouver les valeurs de ~k acceptables on choisit des conditions limites strictes (annulation de
(~r) sur les parois du contenant) ou périodiques : (~r + Lx x̂) = (~r + Ly ŷ) = (~r + Lz ẑ) = (~r),
où Lx , Ly et Lz sont les longueurs du contenant dans les directions de vecteurs élémentaires
respectifs x̂, ŷ et ẑ.
On peut montrer que les résultats sont indépendants du choix précis des conditions limites, et
l’usage le plus fréquent est de choisir les conditions périodiques. Celles-ci entrainent ~k.x̂Lx = 2nx ⇡,
avec nx 2 Z et des équations analogues pour les 2 autres directions. On a donc
2nx ⇡ 2ny ⇡ 2nz ⇡
kx = , ky = , kz = , avec nx , ny , nz 2 Z
Lx Ly Lz
P
iv. utilisant ln ⌅ = ln (⇧l ⇠l ) = l ln ⇠l .
où ✏F est l’énergie de Fermi définie précédemment. A l’aide de l’expression (6.4), ces intégrales se calculent
aisément, et on obtient
2 V ⇣ 2m ⌘3/2 3/2
N = (2s + 1) 2 ✏F (6.7)
3 4⇡ ~2
2 V ⇣ 2m ⌘3/2 5/2
hEi = (2s + 1) 2 ✏F
5 4⇡ ~2
d’où l’on tire
3
hEi = N ✏F (6.8)
5
Evaluons le grand potentiel à T = 0 à partir de l’éq. (6.6). Notant que les énergies ✏ > µ(T = 0) ne
contribuent pas à l’intégrale (ln 1 = 0), seules les énergies ✏ < µ(T = 0) contribuent. Pour ces dernières
ln (1 + e (✏ µ) ) = (✏ µ), de sorte que l’on obtient
2 2
A(T = 0) = hEi N ✏F = hN i✏F = hEi
5 3
Enfin on peut calculer la pression dans le gaz de fermions à température nulle :
⇣ @A ⌘ A(T = 0) 2 hEi
P = = = (6.9)
@V µ,T =0 V 3 V
On peut comparer cette dernière relation P V = 23 hEi à celle obtenue dans le modèle du gaz parfait
classique. Au chapitre 2 (éq. (2.4)), on a vu que P = 13 N V mhv i. Or mhv i c’est 2 fois l’énergie cinétique
2 2
moyenne d’une particule de masse m, et l’énergie moyenne totale qui n’est que cinétique c’est N 12 mhv 2 i,
d’où l’on tire que pour le gaz parfait classique, on a également P V = 23 hEi, tout comme pour le gaz
parfait de fermions. Attention cependant : l’énergie d’un gaz parfait classique à T = 0 est nulle, puisque
dans ce cas 12 mhv 2 i = 32 kB T , alors que l’énergie à T = 0 d’un gaz parfait de fermions est non nulle (éq.
(6.8)) en conséquence du principe d’exclusion de Pauli.
Les relations obtenues ici seront précisées dans l’étude du gaz d’électrons dans les métaux.
Ordres de grandeur
Commençons par quelques ordres de grandeur concernant le sodium métallique. Le sodium est un alcalin
(1ère colonne du tableau périodique) et cède donc aisément un e par atome au gaz. Le sodium cristallisant
sous la forme cubique centré, la densité du gaz d’électron est de n = 2/a3 où a = 4 Å est le paramètre
de maille v . En effet les 8 atomes au sommet du cube sont partagés par 8 cubes, on peut alors attribuer
8 ⇥ 1/8 + 1 = 2 atomes à chaque cube de volume a3 . On trouve donc
Dans une section prolongement du ch. 5, on avait déjà vu que la physique classique n’est pas adaptée
pour décrire les propriétés de ce gaz, indiquant que le caractère fermionique serait important en raison
de sa densité. Nous allons le confirmer dans ce paragraphe.
On peut remarquer l’extrême densité de ce gaz, en prenant comme référence un gaz parfait classique.
L’équation d’état pour ce dernier donne une densite ngpcl = NvA avec le volume molaire v satisfaisant P v =
RT . Dans les conditions normales de température et de pression (CNTP, T = 273K, P = 1.013105 Pa), on
trouve ngpcl ' 2.7 1025 molécules par m3 . Le gaz d’électrons est donc environ mille fois plus dense qu’un
gaz parfait classique dans les conditions CNTP. C’est la raison pour laquelle le modèle du gaz parfait
classique n’est pas approprié (voir la section prolongement, ch 5, paragraphe 4).
A T = 0, d’après l’éq. (6.7), on a
N 1 3
=n= k (6.10)
V 3⇡ 2 F
~2 k 2
où le rayon de Fermi kF est défini à partir de l’énergie de Fermi : ✏F = 2mF . La densité du gaz dans le
sodium n = 3.12 1028 e .m 3 (électrons par m3 ) permet de calculer kF , on trouve
✏F ' 3.6 eV
c’est une pression colossale qu’exerce le gaz de fermions dans le métal à T = 0 ! Non seulement
elle est très élevée par rapport à la pression atmosphérique, mais on peut aussi la comparer à la pression
nulle qui règne dans le modèle du gaz parfait classique à cette température vii .
Les estimations précédentes ont été obtenues à T = 0, mais elles restent pertinentes à température
finie. En effet en TD on montre que entre T = 0 et T 6= 0 la fonction de Fermi n’est modifiée sensiblement
qu’autour de ✏F dans une gamme d’énergie de largeur quelques kB T . Il convient donc de comparer ✏F à
kB T : à 293K on obtient que
1
kB T ' 4.14 10 21 J ' eV
40
Ainsi pour des températures raisonnables (pour lesquelles le métal ne risque pas de fondre), on a toujours
kB T ⌧ ✏ F
Il en découle que les propriétés du gaz d’électrons dans le métal varient peu avec la température.
vis de la température. Or les électrons responsables des propriétés électroniques restent soumis dans les
semi-conducteurs à la statistique de Fermi-Dirac. Comment le comprendre ?
Repartons de l’éq. (6.5) : avec une densité d’états d’énergie telle qu’indiquée dans l’éq. (6.4), cette
équation modélise à peu près bien l’énergie du gaz d’électrons dans le métal. Elle n’est pas applicable
dans le cas des semi-conducteurs pour lesquels il faut utiliser une expression fortement modifiée de la
densité d’états.
La raison de cette différence est la suivante. Bien sûr les e ne sont pas libres dans les solides : ils
sont soumis entre autre à un potentiel créé par les ions. Cette interaction a pour conséquence principale
d’introduire des bandes d’énergies interdites. Elles sont représentées dans les 2 figures qui suivent (6.1) et
(6.2), par les espaces au delà des rectangles bleus situés à droite des 2 figures : en dehors des rectangles
les énergies sont inaccessibles aux e . Ces bandes (en grand nombre) existent dans les métaux viii et dans
les semi-conducteurs, et pour ces derniers elles ont une influence importante.
La figure (6.1) schématise le cas d’un métal. On appelle bande de conduction (BC) la bande d’énergie
permise qui est partiellement pleine ix à température nulle ou finie. A gauche du rectangle bleu est
représentée la fonction de Fermi. Etant données les propriétés de cette dernière : marche d’escalier à
T = 0, qui s’arrondit à température finie, on retrouve les résultats discutés pour les électrons libres des
paragraphes précédents.
La figure (6.2) schématise le cas d’un semiconducteur. Dans ce cas on peut montrer que le potentiel
chimique µ se trouve dans la bande d’énergie interdite encore appelée gap d’énergie. Il en découle qu’à
basse température dans un semi-conducteur les bandes d’énergie seront pleines ou vides. La dernière
bande pleine se nomme bande de valence (BV), la première bande vide se nomme bande de conduction.
Les semi-conducteurs sont des isolants à T = 0 du fait que les bandes sont pleines ou vides. Cependant
à une température modeste (ambiante), telle kB T ⌧ Eg où Eg est l’énergie du gap ou l’énergie séparant
BC de BV, typiquement de l’ordre de l’eV, le faible dépeuplement de BV et le faible peuplement de BC,
donnent lieu à une conductivité électrique finie. Les états électroniques de la bande de conduction seront
alors caractérisés par hni ' e (✏ µ) , c’est à dire qu’ils seront bien décrits par une statistique classique
(éq. 5.3), tout comme les états de trous de la bande de valence, ou absence d’électrons, pour lesquels
1 hni = e (✏1 µ) +1 ' e (✏ µ) .
En résumé, les électrons des métaux et des semi-conducteurs sont soumis à la statistique de Fermi-
Time-dependent thermoelectric transport, realisation d’un frigo
Dirac. Mais la position du potentiel chimique vis-à-vis des états permis est différente dans les deux cas,
blabla
ce qui a des conséquences importantes.
PACS numbers:
INTRODUCTION
"
"
µ BC
µR
µL
eVb
fL (") fR (")
f (")
Figure 6.1 – Cas du métal. A gauche est représentée la fonction de Fermi à température finie. L’axe
vertical est l’axe des énergies. Le potentiel chimique tombant au milieu de la bande de conduction, les
propriétés électroniques seront peu différentes de celles d’un gaz de fermions libres.
viii. On en a représenté seulement une sur la figure, mais il y en a d’autres au dessus et en dessous.
ix. En général à demi-pleine
"
BC
BV
f (")
Figure 6.2 – Cas du semi-conducteur : cette fois le potentiel chimique tombe dans le gap ou bande
interdite. A T = 0, BV sera occupée, BC sera vide : le matériau est isolant. A température finie, les
états du bas de BC seront occupés avec une faible probabilité, tandis que les états du haut de BV seront
occupés avec une probabilité légèrement inférieure à 1. Le matériau sera alors faiblement conducteur.