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SPECIALITE HLP PREMIERES PROGRESSION DU COURS DE PHILOSOPHIE

INTRODUCTION : Qu’est-ce qu’une approche philosophique ?

Définition du terme « philosophie » à partir de ses racines grecques :

« philo-» : éros philia agapê

« -sophia » : doxa contre sophia

On définit ordinairement la philosophie comme un amour de la “sagesse”. Mais qu’entend-on par là ? C’est que
le grec ancien est une langue concrète, qui n’est pas toujours exactement traduisible dans le français moderne (il y a dix-
huit termes en grec qui désignent des formes d’amour très différentes, un peu comme les trois verbes espagnols
“gustar”, “querer”, “amar”).

Aimer, par exemple, peut s’appliquer aussi bien en français, au chocolat qu’à un ami, ou à la personne avec laquelle on
entend s’engager et vivre le reste de sa vie. Dit-on cependant la même chose lorsqu’on dit aimer le chocolat et lorsqu’on
dit “je t’aime” à quelqu’un ?

Pour les Grecs du VIème siècle avant Jésus-Christ, qui inventent le mot “philosophie” pour désigner leur démarche de
pensée, pas du tout. Il faut au contraire distinguer une simple attirance qui nous pousse à prendre quelque chose en
l’autre, fût-ce çà son détriment, parce que nous imaginons que cette chose peut nous être utile ou agréable. C’est l’”éros”,
le désir qui nous met en chemin vers l’autre, mais à notre bénéfice, parce qu’il y a quelque chose à tirer de lui. Même s’il
ne l’y réduit pas, Platon définit l’éros comme “l’amour du loup pour la brebis”. Un tel amour est facilement prédateur, on
dit qu’il est “captatif”, il prend quelque chose à l’autre, Il se sert de son objet, qu’il réduit peu ou prou au statut de moyen
de satisfaction.

A rebours, la “philia” est l’amour qu’un ami a pour son ami. Loin de prendre, il s’offre pour le bien de l’ami qui en est la
fin, on dit en ce sens qu’il est “oblatif”. La “philia” refuse d’instrumentaliser ou d’objectiver celui qui en est l’objet. Dire
qu’on aime son ami dans la “philia”, c’est dire qu’on veut son bien, qu’on consent à ce que ce bien l’emporte dans nos
choix sur ce que l’éros visait. Loin donc de se servir de l’autre il le sert, se met à son service et y trouve sa joie.

Dire donc qu’on est ou se veut “philosophe”, ou qu’entend développer sa pensée sur un mode “philosophique”, c’est
signifier que l’on est prêt à se mettre au service de la sagesse, comme un ami se met au service de son ami. C’est dire
qu’on est prêt à faire ce qu’il faut quand on pense pour que la vérité émerge quel qu’en soit le coût, et pour certains, il a
été terrible. Socrate, par exemple, l’a payé de sa vie, Sénèque ou Cicéron aussi.

Mais dire qu’on se veut l’ami de la sagesse, qu’on se veut “philosophe”, suppose aussi de savoir ce qu’il faut appeler
“sagesse”. Définissons donc la sagesse, après avoir défini l’amitié.

Lorsque naît la philosophie, le monde grec vit un tournant sur le plan culturel et symbolique. Les récits traditionnels, les
“mythes” et les rites qui les accompagnent “tragédies” et sacrifices ont commencé à montrer les limites de leur pouvoir
d’unification. Des soupçons sur la valeur des récits traditionnels commencent à se faire jour (Est-ce bien les dieux qui
font les hommes ? Et si c’était le contraire, si les dieux étaient faits de mains d’homme, s’ils avaient la fragilité et la relativité
des choses humaines ? Est-ce vraiment à eux qu’il faut demander la route à suivre quand il s’agit de vouloir le bien, de
mener une vie bonne ?). Les mythes avaient su créer une “doxa” commune, une opinion communément partagée
dans laquelle il suffisait de répéter ce qu’on, nous avait transmis de génération en génération pour se croire sage,
pour être sûr d’être dans le vrai (“Sophos” veut dire habile, savant et sage) et mener une vie bonne en accord avec
la vision du monde communément répandue. Mais lorsque se pose la question de la vérité, il faut choisir son camp...
Sera-ton aveuglé par le désir de rester conforme à la pensée du groupe (cf. L'image platonicienne de la caverne),
choisira-ton le cocon douillet de la tradition (pourquoi penser autrement, on a toujours fait comme ça...), ou
affrontera-ton l’étonnement suscité en nous par le décalage entre la “doxa” et le réel lorsqu'il apparaît différent de
ce qu’on a toujours cru (ou cherché à nous faire croire) ?

Née de cette question simple, immense et sacrilège : « Qu’est-ce que ? », la philosophie conduit à la même
révélation, mais par la voie tout à fait autre de l’étonnement purement humain. Être, selon les mots de
Goethe, « rempli d’un saisissement devant la réalité prodigieuse)} que nul déjà-dit ne saurait désormais
prévenir ; résister aux réponses transmises par les ancêtres pour se demander, avec un aplomb inaugural
: « Qu’est-¬ce que le Vrai ? Qu’est-ce que le Juste ? Qu’est-ce que le Beau ? » ne plus dire : « Ceci est bon
parce que c’est notre manière à nous », mais. « Où est le Bien, que nous puissions le servir ? », c’est faire
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place en soi pour un regard extérieur à soi. Les coutumes, qui jugeaient depuis la nuit des temps, se voient
soudain citées à comparaître et jugées. Pour la première fois, il est possible de distinguer en elles
l’essentiel du contingent et ce qui relève de la nature de ce qui procède de la convention. Au lieu d’être
éprouvée comme vérité, la tradition est pensée comme telle, et l’extraordinaire notion qui émerge ou qui
se laisse deviner sous l’effet de cette mise à distance est celle d’humanité-une. Que mes coutumes
ressortissent par un certain côté à la convention, cela veut dire que j’aurais pu en suivre d’autres sans
cesser pour autant d’appartenir au genre humain. Mon humanité, en d’autres termes, ne colle plus à mes
manières : (…) Avec le surgissement de la philosophie, la vérité n’est plus enchaînée à la tradition : elle
vaut identiquement pour tous ceux que la tradition n’aveugle plus. Elle sollicite, en tout lieu, sous tous les
climats, l’accord des âmes raisonnables. Alors que les mythes racontaient des histoires jadis arrivées aux
dieux, la grande affaire de la philosophie naissante est de découvrir la nature.”1

A la différence du sophiste qui est son contemporain, le philosophe est à l’origine celui qui sait que le réel ne se
confond pas avec ce qu’il pense. Que la sagesse, il lui faut la servir et pas prétendre la posséder. Qu’on pense ici à la
figure de Socrate, le premier qu’on ait appelé ainsi, qui refusait le titre de sage dont le paraît l’oracle de Delphes (Parmi
les mortels, nul n’est, nul ne fut, nul ne sera plus sage que Socrate.”...arguant, lui, qu’il n’avait rien à enseigner parce
qu'il ne savait rien, sinon l'étendue de son ignorance. Dans l’Apologie de Socrate Platon le fait parler ainsi :

“En effet, Athéniens, la réputation que j’ai acquise vient d’une certaine sagesse qui est en moi. Quelle est cette
sagesse ? C’est peut-être une sagesse purement humaine ; et je cours grand risque de n’être sage que de celle-
là, tandis que les hommes dont je viens de vous parler [20e] sont sages d’une sagesse bien plus qu’humaine. Je
n’ai rien à vous dire de cette sagesse supérieure, car je ne l’ai point ; et qui le prétend en impose et veut me
calomnier.

Mais je vous conjure, Athéniens, de ne pas vous émouvoir, si ce que je vais vous dire vous paraît d’une
arrogance extrême ; car je ne vous dirai rien qui vienne de moi, et je ferai parler devant vous une autorité digne
de votre confiance ; je vous donnerai de ma sagesse un témoin qui vous dira si elle est, et quelle elle est ; et ce
témoin c’est le dieu de Delphes. Vous connaissez tous [21a] Chéréphon, c’était mon ami d’enfance ; il l’était
aussi de la plupart d’entre vous ; il fut exilé avec vous, et revint avec vous. Vous savez donc quel homme c’était
que Chéréphon, et quelle ardeur il mettait dans tout ce qu’il entreprenait. Un jour, étant allé à Delphes, il eut la
hardiesse de demander à l’oracle (et je vous prie encore une fois de ne pas vous émouvoir de ce que je vais
dire) ; il lui demanda s’il y avait au monde un homme plus sage que moi : la Pythie lui répondit qu’il n’y en avait
aucun. A défaut de Chéréphon, qui est mort, son frère, qui est ici, [21b] pourra vous le certifier. Considérez
bien, Athéniens, pourquoi je vous dis toutes ces choses, c’est uniquement pour vous faire voir d’où viennent les
bruits qu’on a fait courir contre moi.

Quand je sus la réponse de l’oracle, je me dis en moi-même : que veut dire le dieu ? Quel sens cachent ses
paroles ? Car je sais bien qu’il n’y a en moi aucune sagesse, ni petite ni grande ; Que veut-il donc dire, en me
déclarant le plus sage des hommes ? Car enfin il ne ment point ; un dieu ne saurait mentir. Je fus longtemps dans
une extrême perplexité sur le sens de l’oracle, jusqu’à ce qu’enfin, après bien des incertitudes, je pris le parti
que vous allez entendre pour [21c] connaître l’intention du dieu.

J’allai chez un de nos concitoyens, qui passe pour un des plus sages de la ville ; et j’espérais que là, mieux
qu’ailleurs, je pourrais confondre l’oracle, et lui dire : tu as déclaré que je suis le plus sage des hommes, et
celui-ci est plus sage que moi. Examinant donc cet homme, dont je n’ai que faire de vous dire le nom, il suffit
que c’était un de nos plus grands politiques, et m’entretenant avec lui, je trouvai qu’il passait pour sage aux yeux
de tout le monde, surtout aux siens, et qu’il ne l’était point. Après cette découverte, je m’efforçai de lui faire voir
qu’il n’était nullement ce qu’il croyait être ; et voilà déjà ce qui me rendit odieux [21d] à cet homme et à tous ses
amis, qui assistaient à notre conversation.

Quand je l’eus quitté, je raisonnai ainsi en moi-même : je suis plus sage que cet homme. Il peut bien se faire que
ni lui ni moi ne sachions rien de fort merveilleux ; mais il y a cette différence que lui, il croit savoir, quoiqu’il ne
sache rien ; et que moi, si je ne sais rien, je ne crois pas non plus savoir. Il me semble donc qu’en cela du moins
je suis un peu plus sage, que je ne crois pas savoir [21e] ce que je ne sais point. De là, j’allai chez un autre, qui
passait encore pour plus sage que le premier ; je trouvai la même chose, et je me fis là de nouveaux ennemis.
Cependant je ne me rebutai point ; je sentais bien quelles haines j’assemblais sur moi ; j’en étais affligé, effrayé
même : malgré cela, je crus que je devais préférer à toutes choses la voix du dieu, et, pour en trouver le
véritable sens, aller de porte en porte chez tous ceux [22a] qui avaient le plus de réputation ; et je vous jure,
Athéniens, car il faut vous dire la vérité, que voici le résultat que me laissèrent mes recherches : ceux qu’on

1 A. Finkielkraut, L’Humanité perdue, chap. 1


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vantait le plus me satisfirent le moins, et ceux dont on n’avait aucune opinion, je les trouvai beaucoup plus près
de la sagesse.

Mais il faut achever de vous raconter mes courses et les travaux que j’entrepris pour m’assurer de la vérité de
l’oracle. Après les politiques, je m’adressai [22b] aux poètes, tant à ceux qui font des tragédies qu’aux poètes
dithyrambiques et autres, ne doutant point que je ne prisse là sur le fait mon ignorance et leur supériorité.
Prenant ceux de leurs ouvrages qui me paraissaient travaillés avec le plus de soin, je leur demandai ce qu’ils
avaient voulu dire, désirant m’instruire dans leur entretien. J’ai honte, Athéniens, de vous dire la vérité ; mais il
faut pourtant vous la dire. De tous ceux qui étaient là présents, il n’y en avait presque pas un qui ne fut capable
de rendre compte de ces poèmes mieux que ceux qui les avaient faits. Je reconnus donc bientôt que ce n’est
pas la raison qui, dirige le poète, mais une sorte d’inspiration naturelle, [22c] un enthousiasme semblable à celui
qui transporte le prophète et le devin, qui disent tous de fort belles choses, mais sans rien comprendre à ce
qu’ils disent. Les poètes me parurent dans le même cas, et je m’aperçus en même temps qu’à cause de leur
talent pour la poésie, ils se croyaient sur tout le reste les plus sages des hommes ; ce qu’ils n’étaient en aucune
manière. (…). Ce sont ces recherches, Athéniens, qui ont excité contre [23a] moi tant d’inimitiés dangereuses ;
de là toutes les calomnies répandues sur mon compte, et ma réputation de sage ; car tous ceux qui m’entendent
croient que je sais toutes les choses sur lesquelles je démasque l’ignorance des autres. Mais, Athéniens, la vérité
est qu’Apollon seul est sage, et qu’il a voulu dire seulement, par son oracle, que toute la sagesse humaine n’est
pas grand-chose, ou même qu’elle n’est rien ; et il est évident que l’oracle ne parle pas ici de moi, mais qu’il
s’est servi de mon nom comme d’un [23b] exemple, et comme s’il eût dit à tous les hommes : le plus sage
d’entre vous, c’est celui qui, comme Socrate, reconnaît que sa sagesse n’est rien.”

Or s’il est bien un lieu où l’exigence de vérité est extrême, c’est la parole, tout à la fois moyen d’expression et
de manifestation de la vérité, et trappe ou viennent s’intriquer toutes les formes possibles de sa dissimulation.

Première, semestre 1 Les pouvoirs de la parole

(Période de référence : De l’Antiquité à l’Âge classique)

I - L’art de la parole : du « mythos » au « logos » les formes antiques de la parole publique

A -L’art du rhapsode Ion, la parole est chose divine, l’inspiration divine

B - L’art du rhéteur Gorgias et la rhétorique

C - L’art du philosophe : la dialectique Socrate dans le Gorgias

II - L’autorité de la parole

A - Le poids de la tradition

B - Le vertige de la virtuosité

C - La force des raisons

III - Les séductions de la parole

A - Le charme du poète
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B - Le prestige du sophiste

C - Le pathos de l’orateur

Conclusion de la partie : De la séduction à l’attirance , le discours du philosophe et la diaconie de la vérité.

Première, semestre 2 Période de référence : Renaissance, Âge classique, Lumières

I - Découverte du monde et pluralité des cultures

II - Décrire, figurer, imaginer

II - L’homme et l’animal

Annexe 1 / PROGRAMME OFFICIEL PREMIER SEMESTRE (sur le site eduscol)

La première partie de l’enseignement a pour objet le rôle du langage et de la parole dans les sociétés humaines.

Elle porte sur :

 les arts et les techniques qui visent à la maîtrise de la parole publique dans des contextes variés, notamment judiciaires
et politiques, artistiques et intellectuels ;

 les formes de pouvoir et d’autorité associées à la parole sous ses formes diverses ;

 la variété de ses effets : persuader, plaire et émouvoir.

Cette étude s’appuie sur une période de référence qui permet de mettre au jour les liens entre l’Antiquité et l’Âge
classique.

De l’aède grec récitant Homère de cité en cité à l’éloquence de la chaire, de la scène ou même de la conversation
classiques, en passant par les disputes des universités médiévales ou les orateurs qui s’adressèrent à l’Assemblée
athénienne ou au Sénat romain, ces périodes offrent le contexte et les œuvres dans lesquels l’art de la parole a trouvé un
développement particulier..

Nourri par la découverte d’œuvres et de discours principalement issus de la période de référence, cet enseignement a
en particulier pour objectif d’apprendre à :

 repérer, apprécier et analyser les procédés et les effets de l’art de la parole ;

 mettre en œuvre soi-même ces procédés et ces effets dans le cadre d’expressions écrites et orales bien construites

 mesurer les questions et les conflits de valeurs que l’art de la parole a suscités.

L’enseignement se distribue en trois volets ou selon trois axes, portant respectivement sur l’art de la parole, l’autorité de
la parole et les séductions de la parole.

 L’art de la parole La constitution de la rhétorique, art réglé de la parole et de l’éloquence, forme le premier axe d’étude.
Celui-ci permet d’aborder les différents aspects et les divisions classiques de la rhétorique, les genres de discours et les
parties du discours, ainsi que les qualités et la culture de l’orateur. L’héritage de la rhétorique antique dans l’esthétique
de l’Âge classique, qui a pu être appelé L’Âge de l’éloquence, constitue un axe d’étude aisément identifiable. L’étude
prend en compte la diversité des situations de prise de parole (débats publics en assemblée, procès, cérémonies…) et
celle des formes littéraires qui s’y rattachent (poèmes sacrés et profanes, discours écrits, dialogues…), ainsi que la
spécificité des contextes historiques, sociaux et institutionnels dans lesquels ces savoirs et techniques se sont développés
et transmis. Les différences et les relations entre parole et écriture sont également prises en considération.

 L’autorité de la parole Les formes d’autorité associées à l’exercice de la parole constituent le deuxième axe de ce
thème. En Grèce ancienne, le poète invoquant la Muse apparaît comme premier maître de vérité et garant de la mémoire.
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Sont également étudiées les autres formes de la parole autorisée qui se sont développées dans la période de référence
: parole politique, religieuse, savante, didactique… L’attention est portée sur la façon dont chacune établit et manifeste la
forme d’autorité qu’elle revendique, sur les principes et les valeurs qu’elle invoque pour ce faire, et sur les stratégies
qu’elle privilégie.

Au-delà du cadre antique, médiéval et classique, cette étude peut se prolonger dans une réflexion sur les règles
auxquelles est soumise la parole publique sous ses diverses formes, sur les codes sociaux qui régissent les différentes
sortes de communication, et sur les rapports entre la parole et l’action.

 Les séductions de la parole Les effets de la parole, son pouvoir de plaire, de séduire et d’émouvoir constituent le
troisième axe de ce chapitre. Ces effets sont étudiés en premier lieu à partir des corpus poétiques, rhétoriques et
philosophiques des périodes de référence.

Cette étude a notamment pour objets :

 la parole poétique ; la mise en scène de la parole et sa relation avec les autres arts ; les procédés de fiction (fable,
parabole, allégorie…) ;

 les valeurs du véridique, du sincère et de l’authentique dans la communication verbale ; la parole séductrice et les
procédés d’emprise ; l’amour et ses déclarations.

Les séductions de la parole ont été dès l’Antiquité un objet de polémique. Le poète et le dramaturge ont mis en scène,
parfois sur le mode de la satire, l’orateur et le philosophe ; le philosophe a fait à l’orateur et au poète un procès en
sophistique et en mensonge. L’étude de ces arguments et de ces représentations fournit aux élèves de première
l’occasion d’aborder la philosophie dans ses relations d’emblée complexes avec les arts du langage.

Si l’étude des pouvoirs de la parole doit s’appuyer principalement sur des textes antiques, classiques et médiévaux, elle
peut s’enrichir de références comparatives à d’autres sociétés et cultures que celles qui ont constitué et recueilli
l’héritage gréco-latin. Moyennant l’usage de certains textes et documents d’époques ultérieures, elle engage à une mise
en perspective de l’héritage antique et médiéval et à une réflexion sur sa transmission jusqu’à notre époque.

ANNEXE 2 TEXTES

PLATON , Ion (rhapsode, dialogue sur l’inspiration poétique)

[Les extraits des deux dialogues suivants sont essentiels pour la compréhension de l'idée que les Grecs se firent de la
poésie. Loin d'apparenter celle-ci à quelque travail formel, Platon l'identifie ici à un délire d'origine divine, du même
ordre que celui qui fait parler les augures. Le poète devient du coup une sorte de prêtre ou de mage, appelé aux plus
hautes fonctions dans la Cité.]

Ce n'est point en effet à l'art (technê), mais à l'enthousiasme et à une sorte de délire, que les bons poètes épiques doivent
tous leurs beaux poèmes. Il en est de même des bons poètes lyriques. Semblables aux corybantes, qui ne dansent que
lorsqu'ils sont hors d'eux-mêmes, ce n'est pas de sang-froid que les poètes lyriques trouvent leurs beaux vers ; il faut
que l'harmonie et la mesure entrent dans leur âme, la transportent et la mettent hors d'elle-même.
Les bacchantes ne puisent dans les fleuves le lait et le miel qu'après avoir perdu la raison ; leur puissance cesse avec
leur délire ; ainsi l'âme des poètes lyriques fait réellement ce qu'ils se vantent de faire. Ils nous disent que c'est à des
fontaines de miel, dans les jardins et les vergers des Muses, que, semblables aux abeilles, et volant ça et là comme elles,
ils cueillent les vers qu'ils nous apportent ; et ils disent vrai. En effet le poète est un être léger, ailé et sacré : il est incapable
de chanter avant que le délire de l'enthousiasme arrive : jusque-là, on ne fait pas des vers, on ne prononce pas des
oracles.
Or, comme ce n'est point l'art, mais une inspiration divine qui dicte au poète ses vers, et lui fait dire sur tous les
sujets toutes sortes de belles choses, telles que tu en dis toi-même sur Homère, chacun d'eux ne peut réussir que dans
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le genre vers lequel la muse le pousse. L'un excelle dans le dithyrambe, l'autre dans l’éloge ; celui-ci dans les chansons
à danser, celui-là dans le vers épique ; un autre dans l'ïambe ; tandis qu'ils sont médiocres dans tout autre genre, car ils
doivent tout à l'inspiration, et rien à l'art ; autrement, ce qu'ils pourraient dans un genre, ils le pourraient également dans
tous les autres.
En leur ôtant la raison, en les prenant pour ministres, ainsi que les prophètes et les devins inspirés, le dieu veut
par là nous apprendre que ce n'est pas d'eux-mêmes qu'ils disent des choses si merveilleuses, puisqu'ils sont hors de
leur bon sens, mais qu'ils sont les organes du dieu qui nous parle par leur bouche.

Platon, Ion, [534a-534d]

Platon, Phèdre, 244b - 245c]

[…] Les plus grands biens nous arrivent par un délire inspiré des dieux. C'est dans le délire que la prophétesse
de Delphes et les prêtresses de Dodone ont rendu aux citoyens et aux États de la Grèce mille importants services ; de
sang-froid elles ont fait fort peu de bien, ou même elles n'en ont point fait du tout.
Parler ici de la sibylle et de tous les prophètes qui, remplis d'une inspiration céleste, ont dans beaucoup de
rencontres éclairé les hommes sur l'avenir, ce serait passer beaucoup de temps à dire ce que personne n'ignore. Mais
ce qui mérite d'être remarqué, c'est que parmi les anciens ceux qui ont fait les mots n'ont point regardé le délire ( mania)
comme honteux et déshonorant.
En effet, ils ne l'auraient point confondu sous une même dénomination avec le plus beau des arts, celui de prévoir
l'avenir, qui dans l'origine fut appelé manike. C'est parce qu'ils regardaient le délire comme quelque chose de beau et
de grand, du moins lorsqu'il est envoyé des dieux, qu'ils en donnèrent le nom à cet art ; et nos contemporains, par défaut
de goût, introduisant un « τ » dans ce mot, l'ont changé mal à propos en celui de mantike. Au contraire, la recherche de
l'avenir faite sans inspiration d'après le vol des oiseaux ou d'après d'autres signes, et essayant d'élever à l'aide du
raisonnement l'opinion humaine à la hauteur de l'intelligence et de la connaissance, fut appelée d'abord oionoistike ; dont
les modernes ont fait oiônistike, changeant l'ancien « ο » en leur emphatique « ω ». Les anciens nous attestent par là
qu'autant l'art du prophète (mantike) est plus noble que celui de l'augure (oiônistike) pour le nom comme pour la chose,
autant le délire qui vient des dieux l'emporte sur la sagesse des hommes.
Il est arrivé quelquefois, quand les dieux envoyaient sur certains peuples de grandes maladies ou de grands
fléaux en punition d'anciens crimes, qu'un saint délire, s'emparant de quelques mortels, les rendit prophètes et leur fit
trouver un remède à ces maux dans des pratiques religieuses ou dans des vœux expiatoires ; il apprit ainsi à se purifier,
à se rendre les dieux propices, et délivra des maux présents et à venir ceux qui s'abandonnèrent à ses sublimes
inspirations. Une troisième espèce de délire, celui qui est inspiré par les muses, quand il s'empare d'une âme simple et
vierge, qu'il la transporte, et l'excite à chanter des hymnes ou d'autres poèmes et à embellir des charmes de la poésie
les nombreux hauts faits des anciens héros, contribue puissamment à l'instruction des races futures. Mais sans cette
poétique fureur, quiconque frappe à la porte des muses, s'imaginant à force d'art se faire poète, reste toujours loin du
terme où il aspire, et sa poésie froidement raisonnable s'éclipse devant les ouvrages inspirés.
J'aurais encore à citer beaucoup d'autres effets admirables du délire envoyé par les dieux. Gardons-
nous donc de le redouter, et ne nous laissons pas effrayer par celui qui prétend prouver qu'on doit préférer un ami de
sang-froid à un amant en délire : la victoire est à lui, s'il peut également démontrer que les dieux ne veulent pas du bien
à deux personnes quand ils donnent à l'une de l'amour pour l'autre. Mais nous, au contraire, nous voulons prouver que
les dieux ont en vue notre plus grande félicité, en nous accordant cette espèce de délire. Nos preuves seront rejetées
par les faux sages, mais les vrais y souscriront.

Platon, Phèdre , Premier discours de Socrate :


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En toute chose, mon enfant, quand on veut honnêtement discuter, il n'est qu'un seul moyen de commencer. Il faut
savoir sur quoi porte la discussion, si l'on ne veut pas tout à fait s'égarer. La plupart des hommes oublient qu'ils ignorent
l'essence de chaque chose. Aussi, comme s'ils la connaissaient, ils ne s'entendent pas au début du débat ; et, à mesure
qu'ils avancent, ils se rendent compte, comme il est naturel, qu'ils ne sont d'accord, ni avec eux-mêmes, ni avec les autres.

Ne souffrons donc pas, toi et moi, ce dont aux autres nous faisons un reproche. Mais, puisque nous avons à
décider entre nous s'il vaut mieux entrer en relations d'amitié avec un homme sans amour plutôt qu'avec un homme
épris, établissons d'abord ce qu'est l'amour et quelle est sa puissance. Puis, ayant d'un commun accord convenu d'une
définition, ayons les yeux fixés sur elle, rapportons-y toute notre recherche, et voyons si l'amour est utile ou nuisible.

Que l'amour soit un désir, c'est évident pour tous. Mais nous savons, d'autre part, que ceux qui n'aiment pas
désirent aussi ce qui est beau. Comment donc discernerons-nous celui qui aime de celui qui n'aime pas ? Il faut aussi
penser qu'il est en chacun de nous deux principes qui nous gouvernent, qui nous dirigent et que nous suivons là où ils
nous conduisent. L'un est le désir inné du plaisir ; l'autre, sentiment acquis, est la propension vers le mieux. Ces deux
principes sont en nous tantôt en harmonie, tantôt en désaccord, et tantôt l'un, tantôt l'autre l'emporte. Quand donc, soumis
à la raison, ce sentiment nous conduit vers le mieux et domine, cette domination s'appelle tempérance.

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