Chapitre 2 : Analyse limite appliquée au calcul des structures :

1. Principe de l’analyse limite :

1.1. Introduction :
Le calcul plastique des structures permet de déterminer les charges limites d’une structure
(la capacité portante de la structure). Elle est exprimée par la charge limite nécessaire pour
laquelle il ya formation d’un nombre bien déterminé de rotules plastiques entrainant un
mécanisme d’affaissement(ou de ruine). Différentes méthodes peuvent être utilisées :

- Méthode incrémentale (calcul pas à pas) qui peut être conduite manuellement ou par
l’utilisation de logiciels appropriés. Cette méthode est longue, fastudieuse et
complexe.
- Méthode de l’analyse limite. Celle-ci associe deux théorèmes : les théorèmes statiques
et cinématique.

Dans le présent chapitre, on abordera uniquement la méthode de l’analyse limite utilisant

les deux théorèmes.

1.2. Conditions que doit satisfaire une structure :

Dans le calcul à l’état plastique, une structure doit satisfaire les3 conditions suivantes :

- Condition de mécanisme : la charge limite est atteinte lorsqu’un nombre suffisant de

rotules plastiques se forment pour que la structure se transforme en un mécanisme.
- Condition d’équilibre : les valeurs des moments, efforts tranchants, efforts normaux,
etc.…, dans une toute la structure doivent être en équilibre avec les forces appliquées.
- Condition de résistance : les moments fléchissant dans la structure ne doivent pas
dépasser la valeur du moment plastique de résistance.
1.3. Théorèmes de l’analyse limite :

L’utilisation des théorèmes de l’analyse limite permet de déterminer des valeurs

approchées de la solution lorsque toutes les conditions que doit satisfaire la structure ne
sont pas totalement remplies. Ainsi :

- Le théorème statique qui satisfait les conditions d’équilibre et de résistance fournit un

facteur de charge inférieur ou égal au facteur de charge limite. Il fournit donc une
borne inférieure de la charge limite. Il est appelé « théorème de la borne inférieure »

  lim

- Le théorème cinématique qui satisfait la condition de mécanisme fournit un facteur de

charge supérieur ou égal au facteur de charge limite ; il fournit une borne supérieure
de la charge limite. il est appelé « théorème de la borne supérieure.
   lim

- Le théorème de l’unicité (ou combiné) est le théorème qui combine les deux
théorèmes précédents.

 lim 

On peut schématiser les 3 théorèmes comme suit :

 condition  de  mécanisme   théorème  cinématique : 


théorème  combiné  condition  d ' équilibre 
  condition  de  résistence  théorème  statique : 


 

2. Cas de ruine plastique des poutres :

2.1. Poutre simplement appuyée :

2.1.1. charge concentrée :

Lorsque la charge P augmente progressivement à partir de zéro, la poutre se comporte

d’une manière élastique. Le moment maximal se produit au milieu de la poutre (point
d’application de la charge).

La charge limite à l’état élastique peut être déterminé comme suit :

Pe l 4M e
Me   Pe 
4 l

Lorsqu’on fait accroitre la charge, le moment accroit jusqu’à ce que sa valeur atteigne
la valeur du moment plastique au point d’application de la charge. Une rotule
plastique se forme par plastification de la section. La poutre continue de se déformer
sous une charge constante par une rotation au niveau de cette rotule plastique. La
poutre se rompt (s’affaisse) puisque le système devient un mécanisme.
 Dans ce cas, on aura :

Plim l 4M p
Mp   Plim 
4 l

Plim est appelée charge limite.

Considérons la déformation de la poutre à la phase plastique.

 La courbe 1 est la déformée de la poutre juste au moment où la valeur de la charge

limite est atteinte mais avant qu’il y’ait rotation au niveau de la rotule plastique.
 La courbe 2 est la déformée de la poutre lorsque la rotule plastique subit une rotation
sous un angle arbitraire de 2θ.
 La différence de déformées (courbes 1 et 2) est représentée par deux segments de
droite subissant des rotations de θ à chaque appui pendant l’affaissement plastique.

Ceci représente le mécanisme de ruine pour la poutre étudiée.

Utilisation du principe du travail virtuel :
Si on connait le schéma du mécanisme de ruine, on peut aussi déterminer la charge limite en
utilisant le principe du travail virtuel. Durant l’affaissement, il n’y a pas de changement de
l’énergie potentielle (ou de déformation) emmagasinée dans la poutre puisque la distribution
du moment fléchissant reste inchangée. Le travail effectué par les charges pendant le
déplacement du mécanisme de ruine est égal à l’énergie dissipée dans la rotule plastique.

1. La charge Plim se déplace de lθ/2 et effectue un travail égal à :

Plim l
Wext 
2

2. La rotation dans la rotule plastique est de « 2θ », l’énergie absorbée dans la rotule

sous le moment constant Mp est égal à :

Wint  2 M p

Le principe de conservation de l’énergie s’écrit :

Plim l
Wext  Wint   2M p
2
4M p
Plim 
l

Considérant le rapport Pp/Pe , on aura :

4M p
Pp l  M p  f qui est le facteur de forme.

Pe 4M e Me
l

2.1.2. charge uniformément répartie :

Lorsque la charge q augmente, une rotule plastique se forme au milieu de la poutre (section
où le moment est maximal) dès que le moment dans cette section est atteint le moment
plastique Mp . la charge limite est :

qlim l ²
On a : Mp 
8

8M p
La charge limite est : q lim 
l²

En utilisant le principe du travail virtuel, on peut déterminer la charge limite qlim en

considérant le mécanisme de ruine suivant :

3. Le travail des forces extérieures est calculé pour chaque troncon. Il est égal à :

q lim l l q lim l l
Wext         qlim l ²
2 4 2 4 4
q l²
 Wext  lim
4

4. L’énergie emmagasinée dans la rotule plastique, la rotation à ce niveau est de

2θ, est égale à :

Wint  M p 2 

L’équation du principe du travail virtuel s’écrit :

q lim l ²
Wext  Wint   2 M p
4

La charge limite est donc égaleà :

8M p
q lim 
l²
Considérant le rapport Pp/Pe , on aura :

8M p
Pp 2 Mp
 l   f qui est le facteur de forme.
Pe 8M e Me
l2

On note pour les cas de chargements précédents des poutres isostatiques que le gain
réalisé par l’analyse plastique par rapport à celle élastique est uniquement celui de la
forme de la section.

2.2. Poutres hyperstatiques :

2.2.1. poutre console sur appuis :

2.2.1.1. Charge concentrée (au milieu de la poutre) :

La poutre étant hyperstatique et après étude, le diagramme à l’état élastique des moments
fléchissant prend l’allure ci-dessous.

Lorsque la charge P augmente, une rotule plastique se forme à l’encastrement A (où le

moment est maximal) quand le moment atteint le moment plastique en cette section.
Cependant, la poutre ne s’affaisse pas.

Elle se comporte comme une poutre isostatique avec une charge P’> Pe et un moment
Mp en A.
On aura le schéma suivant :

Un accroissement supplémentaire de la charge résultera éventuellement à la formation

d’une seconde rotule plastique au pont d’application de la charge, lorsque le moment
fléchissant en cette section atteint le moment plastique Mp. Dans ce cas, la poutre va se
comporter comme un mécanisme et la charge qui provoque ce mécanisme est la charge
limite de la poutre. Ceci est schématisé ci-dessous :

On constate, en comparant les diagrammes des moments fléchissants à l’état élastique et

à l’état plastique qu’il y a une redistribution des moments. Ceci est du au fait qu’au point
A le moment élastique est maximal et après la formation de la rotule plastique en ce
point, le moment est constant et égal à Mp, alors que le moment au point d’application de
la charge continuera de croitre jusqu’à ce que la seconde rotule soit formée. Par
conséquent, cette distribution des moments tend à augmenter la résistance ultime des
structures hyperstatiques puisque la ruine d’une section tend à rendre d’autres parties de
la structure de supporter l’accroissement de charge. On peut dire qu’il y a une adaptation
plastique de la structure.

Connaissant le schéma du mécanisme, on peut déterminer la charge limite Plim en

considérant l’équilibre statique.
 - considérons les moments par rapport à A :

Plim l
Mp   VC  l ……….(1)
2

- considérons l’équilibre de la partie BC :

l 2M p
M p  VC  VC  ………(2)
2 l

Les équations 1 et 2 nous donnent :

6M p
Plim 
l

Utilisation du travail virtuel :

Connaissant le mécanisme de ruine, on peut déterminer la charge limite par le biais du

principe du travail virtuel.

Plim l
Wext 
2
Wint  M p  M p 2 
6M p
Wext  Wint  Plim 
l