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RÉDACTEUR EN CHEF

B. Cribier

RÉDACTEUR EN CHEF ADJOINT


M.-S. Doutre

SECRÉTAIRE DE RÉDACTION
A. Petit, P. Senet

COMITÉ DE RÉDACTION
N. Kluger, L. Martin, L. Meunier, D. Penso-Assathiany, A. Petit, F. Prigent, J. Revuz, M.-A. Richard, P. Senet, V. Sibaud

CONSEIL SCIENTIFIQUE
J. André (Bruxelles), A. Carlson (Albany, NY), O. Chosidow (Créteil), C. Francès (Paris), E. Haneke (Freiburg), R. Happle (Freiburg),
H. Kerl (Graz), A. Mahé (Colmar), R.-G. Panizzon (Lausanne), A.-A. Ramelet (Lausanne), F. Rongioletti (Gênes), J.-H. Saurat (Genève),
O. Tellechea (Coimbra)

ADRESSE POUR TOUTE CORRESPONDANCE ÉDITORIALE


Christine Levan, Annales de dermatologie
Elsevier Masson SAS, 65, rue Camille-Desmoulins,
92442 Issy-les-Moulineaux cedex
Tél. : 33 (0)1 71 16 54 76
E-mail : c.levan@elsevier.com

SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE DERMATOLOGIE


Maison de la Dermatologie, 10 cité Malesherbes, 75009 Paris (France)
Tél. : 33 (0)1 43 27 01 56
Fax : 33 (0)1 43 27 01 86
Internet : www.sfdermato.org

Annales de dermatologie et de vénéréologie (ISSN 0151-9638) 2020 (volume 147), un an : 12 numéros.


Tarif institutionnel France : 672 € (TTC). Voir tarifs complets sur www.elsevier-masson.fr/revue/170.
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l’année. Les numéros de l’année et les volumes antérieurs doivent être commandés à l’éditeur. Les réclamations pour les numéros
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Secrétaire de rédaction – Christine Levan. Tél. : +33 (0)1 71 16 54 76. E-mail : c.levan@elsevier.com
Responsable de production éditoriale – E-mail : annder-gjp@elsevier.com
Publicité et partenariats – Benoit Sibaud. Tél. : + 33 (0)171165137. Email : b.sibaud@elsevier.com
Abonnements – Tél. : +33 (0)1 71 16 55 99. http://www.em-consulte.com/infos
Éditeur – Christine Aimé-Sempé
Directeur de la publication – Daniel Rodriguez

Les modalités d’abonnement, les recommandations aux auteurs, les sommaires de chaque numéro ainsi que les résumés des articles
publiés dans cette revue sont disponibles sur le site internet d’Elsevier Masson SAS : www.em-consulte.com

Imprimé en France par Jouve, 53101 Mayenne. CPPAP : 0322 T 81453. Dépôt légal à parution
ISSN 0151-9638
Annales de dermatologie et de vénéréologie (2020) 147, 1—3

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ÉDITORIAL

Les Annales du futur


Annals of the Future

En cette année 2020, un grand chantier débute, qui va profondément modifier notre revue.
On a fêté en 2018 les 150 ans des Annales de dermatologie et de syphiligraphie, devenues
aujourd’hui les Annales de dermatologie de vénéréologie. On vient de fêter en 2019 les
130 ans de la Société française de dermatologie (SFD). Après la disparition du Bulletin de la
société française de dermatologie et de syphiligraphie en 1977, les Annales sont devenues
l’organe officiel de la SFD. C’est une revue vivante, francophone, très diverse, qui a connu
de nombreux changements au cours des deux dernières décennies. Elle s’est modernisée,
notamment le système de soumission dématérialisée des articles et la diffusion on-line,
et les rubriques se sont multipliées dans la partie FMC : le rôle de la photographie s’est
accru, comme celui de la vidéo et une place a été faite aux composantes sociologiques,
historiques et éthiques de la spécialité. Oui, mais. . .
La SFD est très riche de ses groupes thématiques, qui en font une société savante
unique dans la dermatologie mondiale, et très dynamique. On peut d’ailleurs constater
que la France est dans les premiers pays en termes de publications dermatologiques dans
le monde. Toutefois, la grande majorité des articles d’auteurs français ne sont pas publiés
dans les Annales. Ainsi l’organe officiel de la SFD a un taux de citations très faible, qui
se traduit par un « impact factor » qui reste aux environs de 0,7, ce qui veut dire que,
dans les deux années qui suivent sa parution, chaque article est cité en moyenne moins
d’une fois. Or ce n’est souvent pas l’intérêt des articles eux-mêmes qui est en cause,
car nous publions des cas cliniques parfois très originaux et certains mémoires provenant
des groupes thématiques qui sont de vrais travaux de recherche clinique. Dans ces cas, il
apparaît que la langue française est le handicap principal qui empêche ce facteur d’impact
de s’élever, pour arriver au rang de revue internationale.
Depuis plusieurs années, une discussion a été entamée entre la SFD et les Annales, avec
le souhait d’augmenter la diffusion scientifique du journal : on ne cite une revue que si
on peut la lire. C’est la raison pour laquelle, depuis quatre ans, paraissent des articles en
anglais, en moyenne un par numéro, la majorité ont été traduits, certains sont désormais
soumis en anglais. La preuve a été faite que ces articles sont plus cités que ceux écrits en
français, notamment les mémoires originaux les plus intéressants.
Il a eu donc de nombreuses discussions au sein du comité de rédaction, puis entre le
comité et la présidence de la SFD. On a pensé à traduire entièrement la revue, mais ceci
aurait un coût exorbitant, rallongerait de beaucoup les délais de publications et ne serait
pas viable au long cours.
Outre la langue française, les Annales ont une autre particularité, c’est d’avoir une
section de formation continue (FMC) très développée. Or, par définition, ces articles
de FMC, notamment les fiches, les rubriques de pharmacovigilance, de génétique,
des documents iconographiques etc., n’ont pas vocation à être cités dans les articles
scientifiques. De ce fait, mathématiquement, le facteur d’impact ne peut pas monter.

https://doi.org/10.1016/j.annder.2019.11.008
0151-9638/© 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
2 Éditorial

C’est donc la quadrature du cercle : la FMC intéresse Il s’agit d’un projet ambitieux et d’un engagement col-
la majorité des gens, mais elle n’est pas citée. La langue lectif, qui ne pourra être couronné de succès qu’avec
française empêche des articles de bonne qualité, dans la la participation active de tous les services de dermato-
partie scientifique, d’être cités. Comment faire ? Après logie français, le fait de sélectionner volontairement un
trois années de discussion, tout d’abord avec Pascal Joly, mémoire original de qualité à publier dans les Annales en
puis avec Marie Beylot-Barry, en accord avec notre édi- anglais contribuant à l’augmentation future de son facteur
teur, et après avoir imaginé beaucoup de solutions, une d’impact. Dans ce but de travail collectif pour l’avenir,
proposition a été faite au conseil d’administration de la le conseil national des universités (CNU), sous-section de
SFD. dermatologie, a été sollicité. Les critères requis pour deve-
Pour augmenter le niveau scientifique de la revue, et sa nir PU-PH sont d’avoir publié au moins six articles en
diffusion internationale, il faut passer à la langue anglaise. premier ou en dernier auteur, dans des revues d’impact
Nous ne sommes de loin pas les seuls parmi les sociétés factor élevé. Il a été décidé lors de la réunion du CNU
scientifiques de spécialités médicales françaises à franchir du mois de juin 2019, que l’un de ces six articles serait
le cap. Les infectiologues, les rhumatologues avant eux, les un mémoire original, publié dans les Annales en anglais.
neurologues, les anesthésistes et d’autres encore sont pas- De cette façon, les futurs PU-PH contribueront à la cons-
sés à la langue anglaise. Divers modèles sont possibles. Mais truction d’une revue de meilleur niveau, avec une plus
comment concilier ceci avec l’intérêt de tous les membres grande diffusion, et à terme, à l’élévation de son facteur
de la SFD, pour qui la FMC est prioritaire et la langue d’impact.
française essentielle ? Est-ce alors uniquement une question numérique, tout
Nous sommes arrivés à la proposition suivante, avoir étant dicté par le calcul, un peu stérile, de cet impact fac-
deux revues : la première, les Annales de dermatolo- tor ? Non : laisser les choses en place sans rien faire équivaut
gie et de vénérologie, qui paraîtra désormais en langue à laisser mourir à petit feu une revue qui ne pourra jamais
anglaise, et seulement on line, et la deuxième, en français, représenter la SFD de la façon qu’elle mérite, vis-à-vis de
qui continuera à paraître sur papier, et dont le nom nos collègues étrangers et de ceux des autres disciplines.
sera Annales de dermatologie et de vénérologie-FMC. Le Rien ne s’oppose à ce que le niveau scientifique global de
tarif de l’abonnement n’augmentera pas pour les membres la revue s’élève de façon très significative au cours des
de la SFD ; tous les membres recevront à la fois le prochaines années. Nos collègues d’autres spécialités qui
journal FMC qui reste une revue papier et le journal l’ont fait ont tous vu leur facteur d’impact augmenter,
en anglais on line. On peut regretter qu’il n’y ait plus certes un résultat positif, mais ont aussi noté une propor-
d’articles scientifiques en français dans les Annales, mais tion de plus en plus importante de soumissions d’articles
bien que beaucoup de Francophones affirment y être et de consultations en provenance de l’étranger. C’est ce
attachés, peu publient en réalité dans les Annales leurs que nous visons. Nous ne nous lançons pas dans une course
meilleurs articles. Tous se tournent vers les revues de langue à l’impact factor, mais nous souhaitons que les travaux
anglaise. français publiés dans les Annales aient une juste reconnais-
Cette double proposition permet de garantir les inté- sance.
rêts de tous, avec, d’une part, la revue scientifique de Les Annales doivent figurer au sein des revues inter-
la SFD et, d’autre part, une revue de FMC de qualité, nationales, et ne pas être seulement un organe dont la
dont on diversifiera les rubriques. On aura ainsi pour les caractéristique principale est la langue française. Comme
Annales quatre numéros par an, donc une parution trimes- on le voit, la solution des deux revues ne renie pas la
trielle, mais qui sera en fait continue, puisque dès qu’un francophonie. Au contraire, celle-ci sera mise en valeur.
article sera prêt, il sera indexé et diffusé en ligne. Pour On continuera à publier dans les Annales-FMC des cas cli-
la revue papier Annales-FMC, on prévoit huit numéros par niques, des mises au point, des fiches thématiques, des
an. articles d’histoire de la dermatologie, d’éthique, de chi-
Les deux fonctionnent avec un comité de lecture, qui rurgie, de cosmétologie. . . De nouvelles rubriques vont
sera en quelque sorte bicéphale. Il y aura des membres apparaître. Un lien plus étroit avec l’organe principal de
du comité de rédaction étrangers, qui joueront un rôle FMC de la SFD que sont les journées de Paris, est envisagé.
actif au sein du comité. Pour les membres francophones, Les internes seront encouragés à publier les cas qu’ils pré-
certains seront plus spécifiquement chargés de la revue sentent aux validations de leur semestre d’internat. On y
FMC. ajoutera systématiquement une vingtaine de résumés de
Le choix qui a été proposé à la SFD est celui de bibliographie des autres revues de dermatologie. Ce sera
garder le titre de la revue Annales de dermatologie et l’occasion ainsi d’augmenter le niveau scientifique d’un
de vénéréologie, ce qui permet de garder l’indexation côté, et d’avoir une offre de FMC plus abondante et plus
Wos, car un nouveau titre (en anglais) aurait entraîné un diverse.
décalage de l’impact factor complet sur une période de Tout ceci ne pourra se faire qu’avec le soutien sans
trois ans. La création de deux revues distinctes a été faille de l’éditeur — il est acquis — des instances la
approuvée à l’unanimité par le conseil d’administration SFD — il est acquis — mais aussi maintenant de tous les
de la SFD du 6 juin 2019. Le titre de la nouvelle membres de la SFD, universitaires, hospitaliers et médecins
revue de FMC a aussi été adopté par les membres du libéraux. C’est une proposition d’un grand projet collec-
conseil d’administration lors d’un vote au mois d’octobre tif, qui doit s’inscrire dans l’histoire de la dermatologie
2019. française.
Éditorial 3

Déclaration de liens d’intérêts Clinique dermatologique, hôpitaux universitaires


de Strasbourg, 1, place de l’Hôpital, 67091
Strasbourg cedex, France
L’auteur déclare être rédacteur en chef des Annales de Der-
Adresse e-mail :
matologie.
bernard.cribier@chru-strasbourg.fr
B. Cribier
Annales de dermatologie et de vénéréologie (2020) 147, 4—8

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MÉMOIRE ORIGINAL

Cinq ans d’expérience d’un atelier de


maquillage médical correcteur des
dermatoses affichantes : évaluation par la
satisfaction des patients
Five years’ experience of cosmetic camouflage of disfiguring skin disorders:
Patient satisfaction

L. Troin a,∗, S. Mallet a, M.-C. Lagouanelle b,


F. Scannapieco a, C. Lignon a, C. Gaudy-Marqueste a,
J.-J. Grob a, M.-A. Richard c

a
Inserm CRO2, UMR 911, département de dermatologie, centre de recherche en oncologie
biologique et oncopharmacologie, Aix-Marseille université, hôpital de la Timone, AP—HM,
264, rue Saint-Pierre, 13385 Marseille, France
b
Service de santé publique hôpital de la conception, Aix-Marseille université, AP—HM, 13385
Marseille, France
c
CEReSS-EA 3279, Dermatology Department, Research Center in Health Services and Quality
of Life Aix-Marseille University, Universitary Hospital Timone, Assistance Publique—Hôpitaux
de Marseille, AP—HM, 13385, Marseille, France

Reçu le 22 mai 2016 ; accepté le 3 septembre 2019


Disponible sur Internet le 10 décembre 2019

MOTS CLÉS Résumé


Maquillage ; Introduction. — Les dermatoses affichantes ont un retentissement négatif tant sur la vie affec-
Dermatoses tive et relationnelle que sur la vie professionnelle ou sociale. Depuis 2010, des ateliers de
affichantes ; maquillage médical correcteur (MMC) des dermatoses affichantes ont été mis en place dans le
Éducation service de dermatologie du Centre Hospitalo-Universitaire de la Timone à Marseille et intégrés
thérapeutique dans un programme d’éducation thérapeutique. L’objectif de cette étude était d’évaluer la
satisfaction des patients ayant participé à ce programme.
Patients et méthodes. — Il s’agit d’une étude rétrospective ayant porté sur 55 patients pris en
charge entre janvier 2010 et décembre 2014 dans le cadre de ces ateliers de MMC et qui ont
accepté de répondre à un questionnaire standardisé.

∗ Auteur correspondant.
Adresse e-mail : ltroin@gmail.com (L. Troin).

https://doi.org/10.1016/j.annder.2019.09.009
0151-9638/© 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Cinq ans d’expérience d’un atelier de maquillage médical 5

Résultats. — L’âge moyen des patients était de 46 ans (extrêmes 8 ; 84), avec une prédominance
de femmes (n = 49, soit 89 %). La formation de MMC a été proposée pour la correction de troubles
pigmentaires (54,5 % des patients), la correction de dermatoses inflammatoires affichantes
(27,3 %) telles que le lupus, et la correction de cicatrices (18,2 %). Soixante-quinze pour cent
des patients estiment avoir assimilé la technique du MMC et 82 % se sont approprié celle-ci.
Cette technique est jugée facile par 62 % et reproductible par 87 % des patients interrogés.
Cinquante-cinq pour cent des patients estiment que le MMC améliore leur qualité de vie, 56 %
estiment que le MMC les aide à affronter le regard des autres.
Conclusion. — Dans notre étude, le MMC apparaît d’utilisation facile et répond aux attentes des
patients.
© 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Summary
Camouflage; Introduction. — Living with disfiguring disorders can impair the emotional well-being and rela-
Disfiguring diseases; tionships of patients as well as their social and professional life. Since 2010, courses in medical
Therapeutic cosmetic correction for disfiguring diseases have been conducted at the dermatology depart-
education ment of the Timone University Hospital in Marseille and they form part of an educational
program. The aim of this study was to assess the satisfaction of patients taking part in this
program.
Patients and methods. — This is a retrospective study of 55 patients taking part in make-up
sessions from January 2010 to December 2014 and subsequently completing a questionnaire.
Results. — The median patient age was 46 years with most being women (n = 49, 89 %). They
presented pigmentary disorders (54.5 %), inflammatory diseases (27.3 %) and scars (18.2 %).
75 % of patients stated that they had improved their knowledge and 82 % remarked that the
technique was personalized to their needs. The technique was considered as easy by 62 % and
reproducible by 87 % of patients. 55 % of patients considered that cosmetic camouflage improved
their quality of life and 56 % stated that it helped them accept the gaze of others.
Conclusion. — In our study skin camouflage appears easy to use and meets patient expectations.
© 2019 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Dans notre société, vivre avec une dermatose affichante Patients et méthodes
a un retentissement négatif tant sur la vie affective
et relationnelle que professionnelle ou sociale [1—6]. Le Notre étude a concerné les patients adultes et enfants ayant
maquillage médical correcteur (MMC) a pour objectif de bénéficié d’un diagnostic éducatif avec au moins un atelier
rendre les affections cutanées moins visibles au regard des de MMC dans le cadre du programme d’ETP entre janvier
autres tout en limitant au maximum le risque d’allergie 2010 et décembre 2014. Les patients étaient adressés soit
ou d’irritation [7,8]. Des ateliers de MMC ont été mis en par des médecins du service (des dépliants sur cet ETP sont à
place dans le service de dermatologie du Centre Hospita- la disposition des médecins et des patients dans chaque salle
lier Universitaire (CHU) de la Timone à Marseille depuis de consultation), soit par des dermatologues libéraux de la
plus de dix ans. Ces ateliers sont intégrés depuis 2010 dans région auxquels les ateliers ont été présentés lors des for-
un programme d’Éducation Thérapeutique du Patient (ETP) mations d’enseignement post-universitaire. Ce programme
destiné aux adultes, enfants et adolescents atteints de s’adresse à toute pathologie répondant à la définition
dermatoses affichantes ; ce programme est labellisé par d’une dermatose affichante, c’est-à-dire exposée au regard
l’Agence régionale de santé provence—Alpes-Côte d’Azur d’autrui et pour laquelle le patient ressent une altération
(ARS PACA). Bien qu’il existe 18 centres d’ETP en derma- de son image accompagnée d’une perte d’estime de soi.
tologie en France labellisés par l’ARS pour des pathologies Ce programme d’ETP, qui répond aux critères requis
diverses telles que l’eczéma et le psoriasis, le programme par l’ARS, se déroule de la façon suivante : une première
du CHU Timone est le seul programme en France labellisé rencontre avec l’équipe permet d’évaluer les besoins du
pour les dermatoses affichantes. patient (diagnostic ou bilan éducatif à l’aide d’une fiche
L’objectif de ce travail était d’évaluer la satisfaction des standardisée élaborée par le médecin de l’ETP) après
patients ayant participé à un programme d’ETP dédié aux obtention de son consentement écrit : savoir nommer la
dermatoses affichantes avec ateliers de maquillage médical maladie affichante dont on est atteint, savoir en repérer les
correcteur. facteurs aggravants, savoir exprimer ses craintes et idées
6 L. Troin et al.

reçues sur le programme d’ETP, exprimer ses difficultés et notait une prédominance de femmes parmi les répondeurs
ses émotions. Le programme propose ensuite quatre ateliers (n = 49, soit 89 %), cette proportion étant la même que celle
techniques de MMC différents, individuels ou collectifs : observée dans le registre de participation aux ateliers.
• principes et techniques du MMC : les patients sont Tous les patients ont eu au moins deux ateliers de
maquillés par la personne formée au MMC (une aide- MMC pour répondre aux critères des programmes de l’ETP
soignante), qui les guide dans l’apprentissage des gestes (de façon systématique étaient suivis l’atelier 1, principes
techniques et la prise de conscience du schéma corporel. et techniques du MMC, et l’atelier 2, compétences tech-
La technique de correction du teint repose sur la prépa- niques) ; 13 % ont eu trois ateliers et 16 % quatre ateliers.
ration de la peau (hydratation), l’amélioration des reliefs La Fig. 1 résume les différentes circonstances moti-
et des creux éventuels, la complémentarité des couleurs : vant le MMC : la première demande justifiant celui-ci était
neutraliser la couleur des lésions à l’aide d’un correcteur les troubles pigmentaires (54,5 %), avec une majorité de
d’une teinte complémentaire (le vert pour neutraliser le vitiligos (45,5 %), mais également des hyperpigmentations
rouge par exemple). localisées (mélasma, nævus) (9,0 %). Venaient ensuite les
• compétences techniques : les patients se maquillent pathologies inflammatoires (pour 27,3 % des patients). Enfin
ensuite eux-mêmes (auto-maquillage), ce qui per- les cicatrices, dont la moitié étaient survenues après chi-
met d’évaluer les compétences techniques acquises et rurgie d’exérèse carcinologique, représentaient 18,2 % des
d’aborder les éventuelles difficultés rencontrées dans motifs médicaux de demande de MMC. Les lésions du visage
l’élaboration des gestes ; étaient celles qui étaient le plus l’objet du MMC (Fig. 2).
• image de soi : la psychologue utilise des outils comme le La note de satisfaction globale concernant les ateliers,
photo-langage pour tenter d’aider le patient à s’accepter évaluée par une échelle de mesure numérique, était en
et à mieux vivre au quotidien. La psychologue assiste éga- moyenne de 7,3/10. Après le programme d’ETP, 75 % des
lement en binôme avec l’aide-soignante aux ateliers 1 et patients estimaient avoir appris la technique du MMC et 82 %
2, ce qui lui permet de faire connaissance avec le patient estimaient se l’être appropriée. La technique de MMC était
de manière moins formelle qu’en entretien ; jugée facile par 62 % et reproductible par 87 % d’entre eux.
• gestion du stress et mise en situation également animées La moitié des patients (53 %) ont pensé qu’une seule séance
par la psychologue. pourrait suffire pour apprendre la technique. Les principaux
obstacles à l’utilisation du MMC relevés par le questionnaire
Chaque atelier dure une heure. Le patient est reçu par étaient : le coût (36 %) puis le temps nécessaire (24 %), la dif-
le médecin en fin de programme pour dresser un bilan de ficulté à trouver les produits (11 %) et le fait que les produits
l’ensemble des séances. tachent les vêtements (5 %). La maîtrise de la technique
Afin d’évaluer leur satisfaction, les patients ont été inter- n’était un obstacle que pour 16 % des patients.
rogés par téléphone ou par e-mail en avril 2015 à l’aide d’un Après le programme d’ETP, 58 % des patients déclaraient
questionnaire standardisé établi par deux médecins du ser- continuer d’appliquer la technique et 35 % de façon quo-
vice. Le questionnaire portait sur la pathologie ayant motivé tidienne. Le coût moyen mensuel du MMC quotidien était
le MMC sur cette période, l’acquisition de compétences, estimé à 21 euros. Il était laissé libre choix des produits
la satisfaction et l’observance, le coût moyen mensuel de MMC, les références des produits utilisés durant l’atelier
d’un MMC quotidien (également estimé par tranches de étaient parfois données à titre indicatif si le patient en fai-
prix : < 10 euros, entre 10 et 20 euros, entre 20 et 30 euros, sait la demande.
etc.). Les craintes (rencontre avec la psychologue, quant Le délai moyen entre la formation au MMC et la soumis-
à ne pas se ressembler ou être en accord avec soi après sion du questionnaire était de 28,3 mois (5 ; 54), on trouvait
avoir été maquillé. . .) et les idées reçues (par exemple pour une corrélation significative entre le délai depuis la forma-
les hommes qui pensent que les ateliers sont réservés aux tion au MMC et l’observance : plus ce délai était court,
femmes) sur ce programme de maquillage médical correc- plus le patient continuait d’appliquer le MMC rs = 0,357 ;
teur ont été abordées avec les patients en parallèle du p = 0,008.
questionnaire (Annexe 1). En revanche, il n’avait pas été Pour 55 % des patients ayant pratiqué régulièrement le
prévu initialement de questionnaire pour évaluer spécifique- MMC, le temps quotidien passé aux gestes de MMC était infé-
ment la qualité de vie avant et après la procédure. rieur à 10 min ; il se situait entre 10 à 20 min pour 25 %. Seuls
L’analyse statistique a fait appel à l’analyse de la 5 % des patients mettaient plus de 20 min à effectuer leur
variance (Anova à un facteur) pour la comparaison entre MMC.
trois groupes, au test du khi2 pour la comparaison de Cinquante-cinq pour cent des patients ont considéré que
moyennes entre deux groupes, et au test de Spearman. le MMC avait amélioré leur qualité de vie, 56 % qu’il les
avait aidés à affronter le regard des autres et 36 % qu’il les
avait aidés à sortir plus de chez eux. Enfin, 76 % conseille-
Résultats raient nos ateliers à un proche atteint d’une dermatose
affichante.
Sur les 72 patients ayant participé à un atelier de MMC entre Il n’y avait pas de différence significative en termes
janvier 2010 et décembre 2014, 55 ont accepté de complé- d’amélioration de la qualité de vie et d’observance entre
ter le questionnaire (taux de réponse de 76 %) ; 16 n’ont les trois groupes de dermatoses ayant fait l’objet d’ETP pour
pas pu être joints et une a refusé de répondre. L’âge moyen MMC, ni entre les patients atteints de vitiligo (pathologie la
des répondeurs était de 46 ans (extrêmes : 8 ; 84). Deux plus représentée) vs autres dermatoses. Il en est de même si
mineures (âgées de 8 et 10 ans) ont répondu par elles- l’on considère les différents territoires anatomiques concer-
mêmes au questionnaire après accord de leurs parents. On nés. L’impact sur la qualité de vie, l’observance et la facilité
Cinq ans d’expérience d’un atelier de maquillage médical 7

Figure 1. Effectif de patients en fonction de la dermatose relevant du MMC.

d’application n’étaient pas différents entre les hommes et travail souligne un besoin jusqu’alors peu identifié dans
les femmes, bien que l’effectif des hommes fût faible. le contexte et le parcours de soins de patients atteints
de connectivites, avec un niveau de satisfaction après les
ateliers de MMC. Dans l’étude de Peuvrel et al. [9], les patho-
Discussion logies les plus représentées étaient l’acné et la rosacée ;
seuls 3 % de vitiligos et 6 % de connectivites étaient inclus.
L’objectif de cette étude était d’évaluer la satisfaction On peut également noter l’absence de pathologies vascu-
des patients ayant participé à un programme d’éducation laires dans notre population, ce qui pourrait s’expliquer par
thérapeutique avec maquillage médical correcteur pour der- un recours à d’autres techniques, comme le laser.
matoses affichantes. Ce programme a répondu aux attentes Les limites de ce travail sont multiples. Il s’agit d’une
de ces participants puisque la note de satisfaction globale évaluation rétrospective, menée plusieurs mois après la for-
concernant les ateliers était en moyenne de 7,3/10. mation, reposant sur le caractère déclaratif des patients et
Ce travail a également montré que le MMC apparais- qui concerne un effectif relativement faible. Le nombre de
sait facile d’utilisation au quotidien. En effet, il a été jugé patients qui ont pu être intégrés dans ce programme d’ETP
reproductible et « faisable techniquement ». Le principal est effectivement faible par rapport au nombre théorique de
obstacle à l’utilisation du MMC semble le coût. Le coût men- demandes, mais cela est expliqué par le fait que le temps
suel moyen rapporté (21 euros) est proche de celui rapporté médical et paramédical dédié à ce programme d’ETP est peu
dans l’étude de Peuvrel et al. [9] (23 euros/mois). On notera important, ce qui ne permet de prendre en charge qu’un
que l’observance était meilleure dans leur étude (95 % nombre limité de patients. Pour autant, la file active de
continuaient d’appliquer le MMC, dont 52 % de façon quoti- patients inscrits dans le programme était en augmentation
dienne), mais leur évaluation était beaucoup plus précoce constante entre 2010 et 2014, ce qui montre la popularité
(un mois). Or, comme nous l’avons montré, l’observance du grandissante de ce programme toujours pérennisé.
MMC semble s’estomper avec le temps. Ainsi, une séance On note un très fort taux de réponse au questionnaire, ce
supplémentaire plusieurs mois après la formation pourrait qui montre la volonté des patients concernés de s’exprimer
s’avérer utile pour les patients. Peuvrel et al. ont montré sur ce sujet. Le questionnaire n’a pas fait l’objet d’une
également un pourcentage élevé de patients ayant repro- validation ; à notre connaissance, seul un questionnaire spé-
duit la technique (90 %) ce qui confirme que la technique cifique à la cosmétologie, le « beauty QOL », a été validé en
est accessible pour une grande majorité des patients. 2012 (après le début de notre étude) [10]. Ce questionnaire
On note une contradiction dans certaines réponses en ce pourrait servir ultérieurement dans notre programme pour
qui concerne le temps à consacrer au MMC puisque l’obstacle évaluer l’impact du MMC sur différents champs de la vie :
« temps passé » est souvent évoqué comme frein à la pro- vie sociale, confiance en soi, humeur, dynamisme, attrait.
cédure, alors qu’il n’est que d’une dizaine de minutes dans Bien que le maquillage médical correcteur ait jusqu’ici
la majorité des cas. montré un bénéfice en termes de qualité de vie dans de
Bien que la demande de MMC dans notre étude concerne nombreuses dermatoses [9,11,12] nous n’avons pas pu
principalement des patients avec vitiligo ou cicatrices, notre l’évaluer dans notre étude car pour être exploitable, le
8 L. Troin et al.

dans l’apprentissage des gestes de correction, mais aussi


aidés pour accepter leur image. Le MMC, qui améliore la
confiance et l’estime de soi, paraît un bon outil pour la prise
en charge des dermatoses affichantes et mérite des éva-
luations complémentaires. Un travail prospectif randomisé
« intervention MMC vs abstention » permettrait de mesurer
de façon précise son impact sur la qualité de vie tout en
prenant en compte les facteurs confondants tels que l’effet
d’un traitement médical spécifique de la dermatose.

Annexe 1. Matériel complémentaire


Le matériel complémentaire accompagnant la version en
ligne de cet article est disponible sur https://doi.org/10.
1016/j.annder.2019.09.009.

Déclaration de liens d’intérêts


Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

Références
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KR, Bouloc A, et al. Correlates of health-related quality of
life in women with severe facial blemishes. Int J Dermatol
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[2] Amer AAA, Gao XH. Quality of life in patients with vitiligo: an
analysis of the dermatology life quality index outcome over the
past two decades. Int J Dermatol 2016;55:608—14.
[3] Dréno B. Assessing quality of life in patients with acne vulgaris:
implications for treatment. Am J Clin Dermatol 2006;7:99—106.
[4] Loney T, Standage M, Lewis S. Not just ‘‘skin deep’’: psychoso-
cial effects of dermatological-related social anxiety in a sample
of acne patients. J Health Psychol 2008;13:47—54.
[5] Beikert FC, Langenbruch AK, Radtke MA, Augustin M. Willin-
gness to pay and quality of life in patients with rosacea. J Eur
Figure 2. Nombre de patients concernés pour chaque localisation Acad Dermatol Venereol 2013;27:734—8.
maquillée. [6] Bretterklieber A, Painsi C, Avian A, Wutte N, Aberer E. Impaired
quality of life in patients with systemic sclerosis compared to
questionnaire de qualité de vie doit être systématiquement the general population and chronic dermatoses. BMC Res Notes
soumis au patient avant et après les ateliers, ce qui n’a 2014;7:594.
pas été le cas pour tous nos patients. Enfin, il s’agit d’une [7] Deshayes P. Cosmetic camouflage for a better quality of life.
étude monocentrique en CHU, ce qui expose à un biais Ann Dermatol Venereol 2009;136:S372—4.
[8] Deshayes P. Maquillage : techniques de camouflage. EMC —
de recrutement puisque seuls 15 % des patients étaient
Cosmétologie et dermatologie esthétique; 2012. p. 1—6.
adressés par des médecins extérieurs au service et il n’est
[9] Peuvrel L, Quéreux G, Brocard A, Saint-Jean M, Vallet C, Mère
pas certain que la population étudiée reflète les besoins des A, et al. Evaluation of quality of life after a medical corrective
patients vus en dermatologie libérale. Nous pouvons cepen- make-up lesson in patients with various dermatoses. Dermato-
dant penser que les patients concernés et pris en charge logy 2012;224:374—80.
en centre hospitalier étaient affectés des formes les plus [10] Beresniak A, de Linares Y, Krueger GG, Talarico S, Tsutani K,
invalidantes de dermatoses affichantes, ce qui motivait leur Duru G, et al. Validation of a new international quality-of-
demande thérapeutique et leur adhésion au programme. life instrument specific to cosmetics and physical appearance:
BeautyQoL questionnaire. Arch Dermatol 2012;148:1275—82.
[11] Holme SA, Beattie PE, Fleming CJ. Cosmetic camouflage advice
improves quality of life. Br J Dermatol 2002;147:946—9.
Conclusion [12] Boehncke W-H, Ochsendorf F, Paeslack I, Kaufmann R, Zollner
TM. Decorative cosmetics improve the quality of life in patients
Le MCM apparaît d’utilisation facile et rapide. La satisfac-
with disfiguring skin diseases. Eur J Dermatol 2002;12:577—80.
tion élevée des patients réside peut-être dans le fait que
l’atelier est centré sur eux : ils sont en effet à la fois guidés
Annales de dermatologie et de vénéréologie (2020) 147, 9—17

Disponible en ligne sur

ScienceDirect
www.sciencedirect.com

MÉMOIRE ORIGINAL

Mélanome au stade ganglionnaire : analyse


du ganglion sentinelle, curage
ganglionnaire, perspective des traitements
adjuvants. Enquête nationale française sur
les pratiques actuelles et envisagées
Stage III melanoma: Sentinel node biopsy, completion lymph node dissection
and prospects of adjuvant therapy. A French national survey on current and
envisaged practices

C. Orion a, M. Dinulescu a, S. Dalac-Rat b,


D. Giacchero c, T. Jouary d, C. Lebbé e, M.-T. Leccia f,
E. Maubec g, N. Meyer h, L. Mortier i, A. Dupuy a,∗ ,
pour le Groupe de cancérologie cutanée de la Société
française de dermatologieabcdefghi

a
Service de dermatologie, CHU de Rennes, 2, rue Henri-le-Guilloux, 35000 Rennes, France
b
Service de dermatologie, CHRU François-Mitterrand, 14, rue Gaffarel, BP 77908, 21079
Dijon cedex, France
c
Cabinet de dermatologie, 11, rue Châteauneuf, 06000 Nice, France
d
Service de dermatologie, CH de Pau, 4, boulevard Hauterive, 64000 Pau, France
e
Service d’oncodermatologie, hôpital Saint-Louis, AP—HP, 1, avenue Claude-Vellefaux, 75010
Paris, France
f
Service de dermatologie, CHU Grenoble Alpes, boulevard de la Chantourne, 38700 La
Tronche, France
g
Service de dermatologie, hôpital Avicenne, AP—HP, 125, rue de Stalingrad, 93000 Bobigny,
France
h
Dermatologie, IUC et CHU de Toulouse, 24, chemin de Pouvourville, 31059 Toulouse, France
i
Service de dermatologie, CHRU de Lille, 2, avenue Oscar-Lambret, 59037 Lille, France

Reçu le 14 mai 2018 ; accepté le 5 août 2019


Disponible sur Internet le 21 novembre 2019

∗ Auteur correspondant.
Adresse e-mail : alain.dupuy@chu-rennes.fr (A. Dupuy).

https://doi.org/10.1016/j.annder.2019.08.018
0151-9638/© 2019 Publié par Elsevier Masson SAS.
10 C. Orion et al.

MOTS CLÉS Résumé


Mélanome ; Introduction. — La publication récente d’essais randomisés testant l’intérêt des traitements
Ganglion sentinelle ; adjuvants et du curage ganglionnaire au stade III microscopique amène à reconsidérer la prise
Curage en charge du mélanome sur plusieurs aspects : l’indication de recherche du ganglion senti-
ganglionnaire ; nelle, l’indication de curage ganglionnaire au stade microscopique et les traitements adjuvants.
Traitement adjuvant ; L’objectif de notre étude était d’évaluer les pratiques actuelles et d’interroger les onco-
France ; dermatologues sur les changements envisagés dans leur pratique à la lumière des publications
Enquête nationale récentes.
Matériel et méthodes. — Nous avons effectué un sondage auprès des médecins membres du
Groupe de cancérologie cutanée de la Société française de dermatologie en octobre 2017.
Résultats. — Quarante centres français étaient représentés et 53 réponses individuelles ont été
enregistrées. La technique du ganglion sentinelle était pratiquée par 75 % des centres. Avant
l’été 2017 et la publication de l’essai MSLT-II, (démontrant l’absence de bénéfice thérapeutique
à la réalisation d’un curage ganglionnaire lors de la découverte d’un ganglion sentinelle positif),
90 % des centres effectuaient un curage ganglionnaire en cas de positivité du ganglion sentinelle.
À la lumière des résultats de l’étude MSLT-II, 45 % des répondeurs envisageaient de ne plus le
réaliser. Le rapport bénéfice/risque incitait à la prescription, à visée adjuvante, du nivolumab
pour 96 % et de l’association dabrafénib + tramétinib pour 79 % des médecins répondeurs, alors
que l’interféron et l’ipilimumab n’étaient plébiscités que par respectivement 21 % et 15 % des
répondeurs.
Conclusion. — La prise en charge du mélanome au stade précoce va connaître d’importants
changements grâce à l’arrivée de traitements adjuvants au rapport bénéfice/risque favorable ;
on peut également s’attendre à une diminution des indications de curage ganglionnaire pour
les patients au stade III microscopique.
© 2019 Publié par Elsevier Masson SAS.

KEYWORDS Summary
Melanoma; Background. — The recent publication of randomized trials investigating the efficacy of adjuvant
Sentinel node biopsy; therapy and completion lymph node dissection at microscopic stage III melanoma calls for a
Completion lymph reappraisal of melanoma management from different angles: indications for sentinel lymph
node dissection; node biopsy, indications for completion lymph node dissection in microscopic-stage disease,
Adjuvant therapy; and adjuvant therapies. Our objective was to evaluate current practices and to question French
France; onco-dermatologists about any changes they envisaged in their practices in the light of recent
National survey publications.
Methods. — We conducted a national survey among members of the Cutaneous Oncology Group
of the French Society of Dermatology in October 2017.
Results. — Forty French health centers were included, and 53 individual responses were collec-
ted. Sentinel lymph node biopsy for melanoma was performed at 75 % of the centers. Before the
summer of 2017 and the publication of MSLT-II (proving the absence of any therapeutic benefits
for complete lymph node dissection in microscopic stage III melanoma), when a positive sen-
tinel lymph node was diagnosed, immediate completion lymph node dissection was performed
at 90 % of the centers. After the publication of MSLT-II, 45 % of the respondents considered
stopping this practice. The risk-benefit ratio prompted prescription of nivolumab and of combi-
ned dabrafenib + trametinib as adjuvant therapy by respectively 96 % and 79 % of respondents,
while the corresponding rates for interferon and ipilimumab were only 21 % and 15 %.
Conclusion. — Early melanoma management stands on the verge of major changes thanks to
the arrival of efficient adjuvant therapies and a decrease in immediate completion lymph node
dissections for patients with microscopic stage III is also anticipated.
© 2019 Published by Elsevier Masson SAS.

Depuis 2011 et l’arrivée des immunothérapies et des associa- Les recommandations françaises pour la prise en charge
tions de thérapies ciblées anti-BRAF et anti-MEK, la prise en du mélanome de stade I à III ont été actualisées en 2016
charge du mélanome métastatique a connu des changements [1,2]. L’utilité de l’analyse du ganglion sentinelle dans le
majeurs. mélanome reste un des points les plus débattus. La présence
Mélanome au stade ganglionnaire 11

Tableau 1 Classification AJCC 7 (« American Joint Committee on Cancer » — 7e édition).


Tumeur primitive

Classification Épaisseur du Ulcération/mitoses


T Breslow en mm
T1 ≤ 1 mm a : sans ulcération et mitoses < 1 mm2
b : avec ulcération et/ou
mitoses ≥ 1/mm2
T2 1,01—2 mm a : sans ulcération
b : avec ulcération
T3 2,01—4 mm a : sans ulcération
b : avec ulcération
T4 > 4,01 mm a : sans ulcération
b : avec ulcération

Ganglions lymphatiques régionaux

Classification Nombre de Masse métastatique ganglionnaire


N ganglions
métastatiques
N1 1 ganglion a : micrométastase
b : macrométastase
N2 2 à 3 ganglions a : micrométastase
b : macrométastase
c : Métastases en transit satellites sans
ganglion métastatique
N3 ≥ 4 ganglions ou
conglomérat
d’adénopathies
ou métastase(s)
en
transit/satellites
avec ganglion
métastatique

Métastases à distance
Classification M Site métastatique Taux de LDH sérique
M1a Métastase(s) cutanée(s) ganglionnaire(s) à distance Normal
M1b Métastase(s) pulmonaires Normal
M1c Toutes autres métastases viscérales Normal
Toute localisation métastatique Élevé

de cellules tumorales au sein du ganglion sentinelle (stade dans un avenir proche, la prise en charge des stades précoces
ganglionnaire microscopique) est un élément pronostique et ganglionnaires.
[3,4] et l’information sur le statut du ganglion sentinelle Les résultats de l’essai randomisé « MSLTL-II », publié, en
permet de déterminer de façon la plus précise possible le juin 2017, démontrent l’absence de bénéfice, en termes de
stade pronostique selon la classification AJCC, 7e édition [5] survie spécifique au mélanome, à la réalisation d’un curage
(Tableaux 1 et 2). ganglionnaire immédiat lors de la découverte d’un ganglion
En revanche, il n’a pas pu être montré que la recherche sentinelle positif, en comparaison à une surveillance simple,
du ganglion sentinelle, suivie d’un curage en cas de posi- et remettent en question l’intérêt de cette pratique en
tivité, permettait de réduire la mortalité par rapport à cas de positivité du ganglion sentinelle [6], corroborant des
un curage ganglionnaire motivé par la survenue d’une données antérieures [7]. Par ailleurs, plusieurs traitements
adénopathie cliniquement détectable (stade ganglionnaire adjuvants, le nivolumab, l’association de thérapies ciblées
macroscopique) [3,4]. Sur ce terrain de controverse, qui dabrafénib + tramétinib, et plus récemment le pembrolizu-
a abouti à ce que la recherche de ganglion sentinelle soit mab, testés notamment chez les patients ayant un ganglion
proposée en routine dans certains centres, et réservée à sentinelle positif, ont montré un rapport bénéfice/risque
l’inclusion précoce dans les essais cliniques dans d’autres, favorable dans trois essais randomisés publiés en septembre
de nouveaux résultats aboutiront sans doute à réévaluer, 2017 et en mai 2018 [8,9]. Le rationnel scientifique du
12 C. Orion et al.

Tableau 2 Stades de la maladie AJCC 7e édition.


Stade de la maladie

Stades T N M
0 In situ N0 M0
IA T1a
IB T1b
T2a
IIA T2b
T3a
IIB T3b
T4a
IIC T4b
IIIA Tout T mais non ulcéré T1-4a) Micrométastases (N1a ou N2a) M0
IIIB Tout T ulcéré (T1-4b) Micrométastases (N1a ou N2a)
Tout T mais non ulcéré (T1-4b) N1b ou N2b ou N2c
IIIC Tout T ulcéré (T1-4b) N1b ou N2b ou N2c
Tout T N3
IV Tout T Tout N M1

traitement adjuvant des mélanomes à haut risque de envisagées, pouvait être remplie par tous et cinquante-trois
récidive (indice de Breslow intermédiaire ou épais réponses individuelles ont été enregistrées.
et/ou métastase ganglionnaire ou en transit) repose sur
l’hypothèse qu’un traitement administré après résec-
tion complète pourrait permettre de traiter efficacement Résultats
la maladie résiduelle microscopique non détectable de
ces patients. Vingt-sept centres hospitaliers universitaires (CHU), huit
Nous avons effectué en octobre 2017 un sondage auprès centres hospitaliers (CH) et deux centres de lutte contre
des membres du Groupe de cancérologie cutanée de la le cancer (CLCC) ont été représentés. Trois praticiens
Société française de dermatologie (SFD), portant sur les pra- exerçaient une activité mixte (CH et CLCC, CHU et CLCC,
tiques actuelles de prise en charge des patients atteints de CHU et activité libérale).
mélanome aux stades primaire et ganglionnaire, et les modi- Le nombre de nouveaux cas de mélanome stade III pris
fications envisagées à la suite de ces publications. Cette en charge chaque mois était de un à cinq pour 28 centres
analyse a plus particulièrement porté sur les indications de (70 %), de cinq à dix pour neuf centres (23 %) et de plus de dix
recherche du ganglion sentinelle, l’indication d’un curage pour trois centres (7 %). Un seul centre (3 %) ne prenait en
ganglionnaire complémentaire au stade microscopique, et charge aucun mélanome de stade IV, 28 (70 %) en prenaient
les traitements adjuvants. en charge entre un et cinq par mois, cinq (12 %) entre cinq
et dix, et six (15 %) centres plus de dix.

Ganglion sentinelle
Matériels et méthodes
L’analyse du ganglion sentinelle était une technique prati-
Un questionnaire a été adressé par courrier électronique à quée en routine ou à titre systématique même en dehors
l’ensemble des médecins membres du Groupe national de des essais thérapeutiques par 30 des 40 centres (75 %).
cancérologie cutanée de la SFD (48 centres français). Leur répartition sur le territoire français est présentée sur
Le questionnaire comprenait 38 questions évaluant par la Fig. 1. Pour les centres ne pratiquant pas la recherche
réponses déclaratives les pratiques actuelles et envisagées de ganglion sentinelle en routine, la technique restait
dans plusieurs domaines : l’indication et la pratique du tout de même accessible à d’éventuelles inclusions dans
ganglion sentinelle, l’indication de curage ganglionnaire des essais cliniques. Dans la plupart des centres, moins
complémentaire en cas de présence d’une micrométastase de dix recherches de ganglion sentinelle étaient réali-
au sein du ganglion sentinelle et la prescription ultérieure sées par mois. L’ensemble des données sur l’accessibilité
éventuelle de traitements adjuvants. Il a été diffusé par à la technique du ganglion sentinelle et les indications
courriel le 3 octobre 2017. Les réponses ont été enregis- de recherche du ganglion sentinelle sont détaillés dans
trées du 3 octobre au 10 octobre 2017. Des relances ciblées le Tableau 3.
ont été effectuées dans chacun des centres qui n’avaient Pour 34 praticiens (64 %), l’arrivée des nouveaux traite-
pas répondu au cours de la phase initiale. ments adjuvants allait élargir les indications de recherche de
Pour l’évaluation des pratiques actuelles, un seul pra- ganglions sentinelles. Il existait un consensus pour limiter les
ticien par centre devait remplir le questionnaire. Des indications aux mélanomes d’épaisseur minimale de 1 mm
réponses ont été obtenues pour 40 centres (87 %). La et dans une moindre mesure pour tout mélanome ulcéré
seconde partie du questionnaire, portant sur les pratiques (Tableau 3).
Mélanome au stade ganglionnaire 13

Figure 1. Pratique du ganglion sentinelle chez les patients atteints de mélanome en France.

Curage ganglionnaire participants envisageaient de réaliser un curage ganglion-


naire afin de rester conforme aux situations d’inclusion de
ces essais (Annexe 1).
Avant l’été 2017 et la publication des résultats de l’étude
MSLT-II [6], la majorité des centres pratiquant la recherche
de ganglion sentinelle proposaient un curage de l’aire gan- Traitements adjuvants
glionnaire concernée en cas d’envahissement du ganglion
sentinelle (90 % toujours ou presque toujours et 7 % assez Dans une majorité de centres (78 %), les traitements adju-
souvent). Après la publication des résultats de l’essai MSLT- vants par interféron faible dose étaient recommandés moins
II, le caractère systématique du curage était remis en d’une fois par mois ou n’étaient pas recommandés en
question (Annexe 1) : 43 % des centres continuaient à le réunion de concertation pluridisciplinaire et 93 % des centres
pratiquer toujours ou presque toujours et 30 %, assez sou- n’avaient recommandé aucun traitement adjuvant par inter-
vent. Le curage ganglionnaire conservait un intérêt pour la féron forte dose dans l’année précédente.
majorité des médecins répondeurs en cas de métastases À la suite des publications récentes, en septembre 2017
ganglionnaires de plus de 1 mm ou si plusieurs ganglions [8,9], le nivolumab et l’association dabrafénib + tramétinib
sentinelles étaient envahis. Dans les essais thérapeutiques (association anti-BRAF + anti-MEK) étaient plébiscités pour la
testant l’association dabrafénib + tramétinib et le nivolu- prise en charge adjuvante d’un mélanome T2bN1M0, stade
mab en situation adjuvante [8,9], les patients avec atteinte IIIB de la 7e classification AJCC (Tableaux 1 et 2), porteur
ganglionnaire bénéficiaient tous d’un curage ganglion- de la mutation BRAF V600, dans l’hypothèse où ces trai-
naire. Si un traitement adjuvant était envisagé, 62 % des tements auraient obtenu une AMM (autorisation de mise
14 C. Orion et al.

Tableau 3 Réponses au sondage sur les pratiques actuelles et envisagées concernant le ganglion sentinelle.
Questions Réponses n (%)
n = 40a
La recherche du ganglion sentinelle pour le mélanome fait-elle Oui 30 (75)
partie des techniques pratiquées dans votre établissement ? Non 10 (25)
Comment jugez-vous l’accessibilité à la technique du ganglion bonne ou plutôt bonne 39 (98)
sentinelle dans votre aire de recrutement ?
Dans combien de centres la technique du ganglion sentinelle Un seul établissement 10 (25)
est-elle disponible dans votre aire de recrutement ? Plusieurs établissements 30 (75)
Dans quels types d’établissement la recherche de ganglion Dans des établissements publics 28 (70)
sentinelle est-elle pratiquée ? majoritairement 10 (25)
À part égale dans des
établissements publics et privés
Combien de recherches de ganglions sentinelles sont Moins de 10 par mois 24 (80)
approximativement réalisées dans votre centre ? (n = 30) Plus de 10 par mois 5 (17)
Quelles étaient les indications de recherche de ganglion Seuil inférieur de Breslow de 1 mm 29 (97)
sentinelle dans votre RCP ? (n = 30) Pas de limite supérieure de Breslow 23 (77)
Existence d’une limite d’âge 19 (63)
L’ulcération du mélanome était-il un critère important pour Oui 21 (70)
l’indication de recherche du ganglion sentinelle ? (n = 30) Non 7 (23)
Quels examens complémentaires avant une recherche de TEP scanner 9 (30)
ganglion sentinelle ? (n = 30) Scanner TAP 22 (73)
Scanner cérébral 19 (63)
IRM cérébrale 6 (20)
Échographie ganglionnaire 17 (57)
Autre 3 (10)
Vous considérez que la recherche de ganglion sentinelle n’est pas 10 % 31 (58)
rentable si la proportion attendue de patients avec ganglion Entre 10 et 25 % 7 (13)
sentinelle positif est inférieure à ? (n = 53) Ne se prononce pas 15 (28)b
Selon vous, les indications de recherche de ganglion sentinelle Oui 34 (64)
vont-elles être élargies par l’arrivée de nouveaux traitements Non 13 (25)
adjuvants ? (n = 53) Ne sais pas 6 (11)
Quelles seront, pour vous, les indications futures de recherche Breslow > 1 mm 33 (97)
du ganglion sentinelle ? Breslow de 0,8 à 1 mm 9 (27)
(Proportion de réponses « tout à fait ou plutôt d’accord ») (n = 34) Breslow < 0,8 mm 2 (6)
Tout mélanome ulcéré 22 (65)
n = 53 : nombre total de répondeurs ; n = 40 : nombre total de centres répondeurs ; n = 30 : nombre de centres pratiquant la recherche
de GS ; n = 34 : nombre de répondeurs ayant répondu que les indications de recherche de GS allaient être élargies.
a Effectif total sauf précision contraire.
b Total non égal à 100 en raison des arrondis.

sur le marché) (Annexe 2). Dans cette situation, le nivolu- initiale au moment du diagnostic, et pour 31 (59 %),
mab serait préféré par 70 % des participants à l’association seulement en cas d’envahissement ganglionnaire.
dabrafénib + tramétinib. L’évaluation de la tolérance des Enfin, l’obtention de données d’efficacité et de tolérance
différents traitements adjuvants est détaillée dans l’Annexe en vie réelle était jugée utile ou très utile par 51 répondeurs
2. Le rapport bénéfice/risque incitait à la prescription, à (96 %).
visée adjuvante, du nivolumab pour 51 (96 %) médecins
répondeurs, de l’association dabrafénib + tramétinib pour 42
(79 %), de l’interféron pour 11 (21 %) et de l’ipilimumab à
la posologie de 10 mg/kg pour 8 (15 %). Discussion
Nous avons réalisé, auprès des membres du Groupe de can-
Autres aspects cérologie cutané de la SFD, un sondage portant sur trois
questions d’actualité de la prise en charge des patients
Le coût actuel des traitements ne représentait pas un frein à atteints de mélanome : l’analyse du ganglion sentinelle,
leur prescription future en situation adjuvante pour 35 par- l’indication de curage ganglionnaire complémentaire au
ticipants (66 %). stade microscopique et les traitements adjuvants. Notre
Pour 18 médecins répondeurs (34 %), la mutation BRAF questionnaire recueillait, dans une première partie, les
devait être recherchée systématiquement sur la tumeur pratiques réelles des centres au moment du sondage,
Mélanome au stade ganglionnaire 15

en octobre 2017. La seconde partie était une enquête En l’absence d’essai évaluant le bénéfice thérapeutique
d’intention et portait sur les pratiques envisagées dans un du curage ganglionnaire chez les patients ayant un ganglion
futur proche. La quasi-totalité des centres français pre- sentinelle positif, le curage chirurgical de l’aire ganglion-
nant en charge le mélanome a été représentée. Notre naire concernée était proposé de façon quasi systématique.
sondage montre que 25 % des centres français ont décidé En juin 2017, l’essai randomisé MSLT-II [6] a comparé, chez
de ne pas inclure la technique du ganglion sentinelle des patients atteints d’un mélanome avec ganglion senti-
dans la prise en charge standard du mélanome. Après nelle positif, deux prises en charge : celle, habituelle, d’un
les résultats d’essais récemment publiés [6,7], la moi- curage ganglionnaire immédiat et, dans le second groupe,
tié des centres interrogés envisagent de ne plus réaliser une surveillance et un éventuel curage ganglionnaire en cas
de curage ganglionnaire en cas de positivité du gan- de survenue d’une adénomégalie clinique ou radiologique
glion sentinelle. L’intérêt du curage ganglionnaire en cas (stade macroscopique). Le critère de jugement principal,
d’atteinte ganglionnaire microscopique est devenu un sujet la mortalité spécifique au mélanome, était similaire dans
de débat. Pour ce qui concerne les traitements adju- les deux groupes. La survie sans récidive était améliorée
vants, une majorité de praticiens est convaincue que les dans le groupe où un curage ganglionnaire immédiat était
rapports bénéfice/risque du nivolumab et de l’association réalisé, témoignant d’un meilleur contrôle régional de la
dabrafénib + tramétinib sont favorables, contrairement à pathologie, essentiellement du fait d’un moindre nombre
ceux de l’ipilimumab (sans AMM dans cette indication) et de métastases ganglionnaires. Le développement d’un lym-
de l’interféron. Au moment du sondage, le nivolumab et phœdème était constaté chez 24,1 % des patients du groupe
l’association dabrafénib + tramétinib n’avaient pas d’AMM avec curage ganglionnaire immédiat vs 6,3 % dans le groupe
pour cette indication. Une recommandation temporaire contrôle. Des résultats concordants avaient été suggérés
d’utilisation (RTU) a été octroyée par l’ANSM (Agence Natio- par des séries rétrospectives [12,13] et par un autre essai
nale de la Sécurité du Médicament) et l’INCa (Institut prospectif randomisé de plus faible puissance [7]. Dans le
National du Cancer) en septembre 2018. Une modification cancer du sein, un essai randomisé de phase 3 [14] a montré
des pratiques à court terme est donc probable et atten- que la survie globale à 10 ans, chez des patientes atteintes
due. d’un cancer du sein invasif avec positivité du ganglion sen-
La recherche du ganglion sentinelle est une tech- tinelle, était similaire dans les groupes avec ou sans curage
nique proposée dès le stade primaire pour les mélanomes immédiat. Après la publication de l’étude MSLT-II, des
d’indice de Breslow supérieur à 1 mm. La découverte d’un positions prônant l’abandon du curage ganglionnaire dans
envahissement du ganglion sentinelle (stade ganglionnaire la grande majorité des cas où un ganglion sentinelle positif
microscopique) apporte une information pronostique et pré- est découvert ont été exprimées [15], sans pour autant
cise la classification AJCC 7e édition (Tableaux 1 et 2) en faire l’unanimité [16,17]. Dans notre enquête, la remise
classant le patient en stade IIIA ou IIIB, avec des taux de en question du caractère systématique du curage après un
survie à 5 ans de respectivement 78 % et 59 %. En revanche, ganglion sentinelle positif est clairement exprimée. Il y a
l’étude randomisée MSLT-I [3,4], dont les résultats sont toutefois plusieurs limites à l’interprétation de ces données.
parus successivement en 2006 et 2014, a montré que la réa- En effet, notre sondage a été réalisé précocement après la
lisation de cette technique n’améliorait pas la survie des publication de l’essai MSLT-II. Les changements de pratique
patients en comparaison à une surveillance simple. Cet essai qu’il implique sont conséquents et peuvent dont nécessiter
a comparé, chez des patients atteints de mélanome au stade un certain délai. De plus, des indications résiduelles de
primaire, biopsie du ganglion sentinelle (groupe expérimen- curage pourraient tenir compte de la charge tumorale de la
tal), complétée, en cas de découverte d’un envahissement micrométastase [16]., bien que dans les analyses en sous-
du ganglion, par un curage ganglionnaire, à une surveillance groupe de l’essai MSLT-II, les résultats semblaient identiques
simple (groupe contrôle). La survie spécifique n’était pas pour les patients dont la charge tumorale ganglionnaire
améliorée dans le groupe expérimental. La présence de était plus importante (diamètre maximal de la méta-
micrométastases était néanmoins un facteur pronostique stase > 1 mm). Enfin, l’indication du curage ganglionnaire
important. Dans notre étude, 25 % des centres ne pratiquent après ganglion sentinelle pourra certainement dépendre de
pas la technique du ganglion sentinelle. Cette hétérogé- la disponibilité de traitements adjuvants efficaces. Toute-
néité de prise en charge a déjà été mise en évidence fois, si après découverte d’un ganglion sentinelle positif,
dans une précédente enquête [10], menée en France en la prise en charge n’était pas complétée par un curage
2008. Les résultats de cette étude expliquent au moins ganglionnaire, le traitement adjuvant (de type nivolumab
partiellement les différences de pratiques déclarées. Cer- ou association dabrafénib + tramétinib) serait proposé à
tains proposent la recherche du ganglion sentinelle pour une population non strictement identique à celle des essais
établir une information pronostique et une classification où le curage ganglionnaire était systématique après la
AJCC précise. D’autres, considérant l’absence de bénéfice mise en évidence d’un envahissement microscopique [8,9].
en termes de survie ou suspectant un rôle immunologique Dans notre sondage, 62 % des participants envisageaient
délétère à l’ablation d’un ganglion sentinelle, ne proposent de poursuivre la pratique du curage ganglionnaire afin de
pas sa recherche au patient. Cette technique reste d’ailleurs rester conforme aux situations d’inclusion de ces essais.
optionnelle dans les recommandations nationales [1,2]. Les modifications de classifications sont un autre facteur
Elle est en revanche recommandée et systématiquement pouvant entraîner des différences entre les conditions
pratiquée aux États-Unis pour les mélanomes d’épaisseur d’inclusion des essais et l’utilisation « en vie réelle » des
intermédiaire (indice de Breslow compris entre 1,2 et traitements adjuvants. Dans la nouvelle et 8e classification
3,5 mm) [11]. AJCC [18], d’importantes modifications ont été réalisées,
16 C. Orion et al.

notamment concernant le stade III. Pour certains auteurs, placebo, en situation adjuvante, dès le stade IIIA (envahisse-
il serait préférable de conserver, pour le stade III la ment ganglionnaire microscopique avec primitif non ulcéré),
classification de la 7e version, utilisée lors de ces essais sont parus en mai 2018 ; une augmentation de la survie sans
adjuvants [19]. récidive a été montrée en comparaison au placebo. Il faut
L’objectif du traitement adjuvant est d’administrer, à un donc considérer qu’à moyen terme, un ensemble de trai-
patient ayant bénéficié d’une résection tumorale complète, tements adjuvants seront disponibles. Plusieurs questions
un traitement standardisé afin de diminuer la mortalité et restent cependant posées. Bien que les résultats de ces
le risque de récidive. Notre questionnaire a confirmé que études soient encourageants, des données significatives sur
l’utilisation de l’interféron à forte dose en situation adju- la mortalité sont encore attendues. La seconde question est
vante est actuellement anecdotique et celle de l’interféron celle du choix du moment de l’administration du traitement
à faible dose, peu fréquente. L’interféron en situation adju- adjuvant. Une première attitude consisterait à traiter le plus
vante apporte un bénéfice de survie sans récidive mais a rapidement possible dès la découverte d’un envahissement
un impact sur la survie globale qui reste controversé, et tumoral microscopique (avec l’avantage d’un traitement
uniquement pour des administrations à « faibles doses » précoce, mais l’inconvénient de traiter de nombreux sujets
à des sous-populations très sélectionnées [20]. Dans les peut-être déjà guéris). Une seconde, plus attentiste, consis-
recommandations françaises de prise en charge du méla- terait à traiter au plus tard, lors de l’atteinte ganglionnaire
nome de stade I à III [2], le seul traitement adjuvant macroscopique (avantage : population sélectionnée à pro-
discuté est l’interféron à faible dose, dont le rapport pos, inconvénient : cette population est — peut-être —
bénéfice/risque est mauvais. Pour des raisons de mauvaise traitée trop tardivement pour l’obtention d’une guérison
tolérance, l’ipilimumab à la posologie de 10 mg/kg n’a pas complète). Il sera souhaitable, comme exprimé par la
obtenu de remboursement en France pour une prise en grande majorité des répondeurs de notre sondage, que ces
charge adjuvante, bien que son efficacité sur la survie glo- traitements puissent être évalués dans des conditions de vie
bale ait été démontrée [21]. Notre sondage a montré que réelle, dont on sait qu’elles diffèrent notablement de celles
la très grande majorité des répondants adhéraient à cette des essais cliniques.
appréciation d’un rapport bénéfice/risque défavorable de Avec ces récentes publications [6—9], la prise en charge
l’ipilimumab à cette posologie. L’étude COMBI-AD [8], dont du mélanome devrait être notablement modifiée, non seule-
les résultats sont parus en septembre 2017, a montré que ment aux stades évolués, ganglionnaire macroscopique et
l’association dabrafénib + tramétinib, utilisée en thérapie métastatique post-résection, mais aussi dès le stade du
adjuvante pour la prise en charge de mélanomes de stade diagnostic de la tumeur primitive. La recherche de gan-
III porteurs d’une mutation BRAF V600E ou V600 K (incluant glion sentinelle, outre son intérêt pronostique, pourra en
des mélanomes avec micrométastases ganglionnaires si leur cas d’envahissement ganglionnaire permettre l’instauration
taille était de plus de 1 mm) diminue de façon significative d’un traitement adjuvant dont l’efficacité sur la survie sans
le risque de récidive, en comparaison au placebo (hazard récidive est désormais démontrée. On peut anticiper une
ratio : 0,47 ; intervalle de confiance (IC) à 95 % : 0,39 à très probable augmentation du nombre de recherches de
0,58). La survie globale était améliorée mais de façon non ganglion sentinelle sur le territoire français au moment
significative (p = 0,0006, supérieur au seuil de 0,000019 fixé de la reprise initiale (pour les mélanomes primitifs de
pour l’analyse intermédiaire), avec des taux de survie glo- plus d’un millimètre d’épaisseur, voire pour tout méla-
bale à 1 an, 2 ans et 3 ans de respectivement 97 %, 91 % nome ulcéré), et une diminution probable des indications de
et 86 % dans le groupe traité par l’association de thérapies curage ganglionnaire après mise en évidence d’un ganglion.
ciblées et de 94 %, 83 %, 77 % dans le groupe placebo. Les Des « recommandations temporaires d’utilisation » ont été
trois quarts des répondeurs de notre sondage considèrent récemment établies afin que ces traitements puissent être
favorablement l’indication potentielle de cette bithérapie disponibles, dans des conditions encadrées, avant même
en situation adjuvante. L’étude CheckMate-238 [9] a com- l’aboutissement de leurs demandes d’AMM et de rembour-
paré le nivolumab à l’ipilimumab dans la prise en charge sement. Enfin, le Groupe de Cancérologie Cutanée français
adjuvante de mélanomes de stade IIIB (incluant des méla- a mis en place un groupe de travail afin de mettre à jour les
nomes avec micrométastases ganglionnaires si le mélanome recommandations portant sur le mélanome stade III.
initial était ulcéré), IIIC ou IV. Les résultats de cet essai,
parus en septembre 2017, montraient que la survie sans
récidive était significativement meilleure dans le groupe Post scriptum
traité par nivolumab (hazard ratio : 0,65 ; IC à 95 % :
0,51—0,82), avec un taux moins élevé d’effets indésirables À la date de mise sous presse, le nivolumab, le pembro-
de grade 3 ou 4. Les données de survie globale ne sont lizumab, et l’association dabrafenib + trametinib ont tous
pas encore disponibles. Dans notre sondage, (en supposant obtenu une autorisation de mise sur le marché européen en
qu’une AMM et un remboursement étaient obtenus pour 2018 pour l’indication adjuvante « mélanome stade III résé-
ces traitements) le nivolumab était préféré à l’association qué ». Le nivolumab a depuis juillet 2019 une autorisation
dabrafénib + tramétinib pour la prise en charge adjuvante de remboursement dans cette indication en France.
d’un mélanome stade IIIB avec mutation BRAF. Les raisons
invoquées par les médecins répondeurs étaient un meilleur
profil de tolérance et un effet supposé à long terme pour Remerciements
le nivolumab, ainsi que le risque d’émergence de résis-
tances tumorales sous thérapies ciblées. Les résultats de Safia Abed ; Jean-Philippe Arnault ; François Aubin ; Chris-
l’essai Keynote-054 [23], comparant le pembrolizumab au tophe Bédane ; Nathalie Bénéton ; Guido Bens ; Françoise
Mélanome au stade ganglionnaire 17

Boitier ; Florence Brunet-Possenti ; Philippe Célérier ; [8] Long GV, Hauschild A, Santinami M, Atkinson V, Mandalà
Patrick Combemale ; Stéphane Dalle ; Caroline Dutriaux ; M, Chiarion-Sileni V, et al. Adjuvant Dabrafenib plus Tra-
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[13] Wong SL, Morton DL, Thompson JF, Gershenwald JE, Leong SPL,
Les matériels complémentaires (Annexes 1 et 2) accompa-
Reintgen DS, et al. Melanoma patients with positive sentinel
gnant la version en ligne de cet article sont disponibles sur nodes who did not undergo completion lymphadenectomy: a
https://doi.org/10.1016/j.annder.2019.08.018. multi-institutional study. Ann Surg Oncol 2006;13:809—16.
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Annales de dermatologie et de vénéréologie (2020) 147, 18—28

Disponible en ligne sur

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www.sciencedirect.com

MÉMOIRE ORIGINAL

Lupus érythémateux et atteinte unguéale :


revue de la littérature
Ungual lesions in lupus erythematosus: A literature review

C. Wagner a, F. Chasset b, T. Fabacher c, D. Lipsker a,∗

a
Clinique dermatologique, université de Strasbourg et hôpitaux universitaires de Strasbourg,
1, place de l’Hôpital, 67091 Strasbourg, France
b
Service de dermatologie et allergologie, faculté de médecine, Sorbonne Université, hôpital
Tenon, AP—HP, 75020 Paris, France
c
Service de santé publique, laboratoire de biostatistique et informatique médicale, hôpitaux
universitaires de Strasbourg, 1, place de l’Hôpital, 67091 Strasbourg, France

Reçu le 27 mars 2019 ; accepté le 9 octobre 2019


Disponible sur Internet le 10 décembre 2019

MOTS CLÉS Résumé


Ongle ; Introduction. — Les anomalies unguéales dans le lupus érythémateux (LE) sont peu étudiées.
Lupus érythémateux ; L’objectif de ce travail est de répertorier le type et la fréquence des lésions unguéales rappor-
Accentuation du tées chez des patients lupiques.
relief longitudinal ; Matériel et méthode. — Une revue systématique de la littérature a été réalisée en interrogeant
Éythème la base de données MEDLINE avec les mots-clés « lupus erythematosus » et « nail ».
péri-unguéal ; Résultats. — Deux cent quatre-vingt-sept patients présentant des anomalies unguéales ont
Onycholyse été colligés, dont 55,1 % de femmes, d’âge moyen 32,2 ± 11 ans. Les atteintes unguéales et
péri-unguéales les plus fréquemment rapportées ont été les accentuations du relief longitu-
dinal (83 patients ; 28,9 %), un érythème péri-unguéal (62 patients ; 21,6 %), une onycholyse
(60 patients ; 20,9 %), une mélanonychie (34 patients ; 11,8 %) et une dyschromie (33 patients ;
11,5 %). Une association statistiquement significative entre la présence d’une onycholyse et
d’un érythème péri-unguéal, d’une part, et l’activité de la maladie, d’autre part, a été mise
en évidence (respectivement 33 (38,8 %) et 26 (30,6 %) patients sur 85 avec maladie active
contre 3 (5,8 %) et 4 (7,7 %) patients sur 52 avec maladie non active, p < 0,001 et p = 0,018).
Une atteinte fongique a été recherchée dans un tiers des cas, avec 34,7 % d’onychomycose
prouvée.

∗ Auteur correspondant.
Adresse e-mail : dan.lipsker@chru-strasbourg.fr (D. Lipsker).

https://doi.org/10.1016/j.annder.2019.10.027
0151-9638/© 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Lupus érythémateux et atteinte unguéale : revue de la littérature 19

Discussion. — Aucune atteinte unguéale décrite dans la littérature ne permet d’établir spécifi-
quement un diagnostic de LE. En effet, ces atteintes unguéales peuvent survenir en dehors du
LE, notamment dans d’autres collagénoses. Leur diagnostic est toutefois important car elles
peuvent constituer le point d’entrée dans la maladie et certaines semblent être l’indicateur
d’une maladie plus active. Les onychomycoses sont un facteur de confusion fréquent chez
ces patients immunodéprimés mais potentiellement sous-estimé, par absence de recherche
systématique.
© 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Summary
Nail; Introduction. — There are few studies focusing on ungual lesions in patients with lupus erythe-
Lupus erythematosus; matosus (LE). The aim of this study is to describe the type and the prevalence of ungual lesions
Longitudinal ridging; among LE patients.
Peri-ungual Patients and methods. — A systematic literature review with analysis of individual data was
erythema; performed by searching the MEDLINE database for scientific articles using the keywords ‘‘lupus
Onycholysis erythematosus’’ and ‘‘nail’’.
Results. — Two-hundred and eighty-seven cases were collated including 55.1% women, with an
average age of 32.2 ± 11 years. The most common ungual or peri-ungual lesions were longitu-
dinal ridging (83 patients, 28.9%), peri-ungual erythema (62 patients, 21.6%), onycholysis (60
patients, 20.9%), melanonychia (34 patients, 11.8%) and dyschromia (33 patients, 11.5%). An
association between the presence of onycholysis and peri-ungual erythema and disease activity
was noted [respectively 33 (38.8%) and 26 (30.6%) patients out of 85 with active disease versus
3 (5.8%) and 4 (7.7%) patients out of 52 with non-active disease, P < 0.001 and P = 0.018]. Scree-
ning for fungal infection was performed in one third of the cases, with proven onychomycosis
in 34.7% of cases.
Discussion. — Ungual lesions are not specific and do not permit diagnosis of LE. They can in fact
occur in other diseases such as connective tissue disorders. However, their diagnosis is important
because they may be the presenting sign in LE, and certain of them may be associated with more
active disease. Onychomycosis is frequently a confounding factor in such immunocompromised
patients.
© 2019 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Le lupus érythémateux (LE) est une maladie de mécanisme de malades, il n’en est pas ainsi pour les manifestations
principalement auto-immun, déclenchée par des facteurs unguéales.
environnementaux mal établis sur un terrain génétique pré- L’objectif de ce travail est, à partir d’une revue de la
disposant qui est de mieux en mieux connu. Le LE peut littérature, de répertorier le type et la fréquence des lésions
toucher presque tous les organes. L’atteinte dermatologique unguéales rapportées chez des patients atteints de LE.
du LE est importante à connaître pour plusieurs raisons.
Elle est, avec les manifestations articulaires, l’atteinte
la plus fréquente au cours de cette maladie [1]. Le LE Matériel et méthodes
peut se manifester exclusivement sur la peau, avec des
lésions parfois affichantes et difficiles à traiter, pouvant Une revue systématique de la littérature avec analyse
entraîner des séquelles définitives. Certaines manifesta- des données individuelles a été réalisée en interrogeant
tions cutanées dites « spécifiques » permettent, par la la base de données MEDLINE entre le 01/01/2018 et le
simple corrélation anatomoclinique et en l’absence des 31/05/2018 avec les mots-clés « lupus erythematosus » et
autres signes de la maladie, de poser le diagnostic de « nail ». Les articles en langue française, anglaise et alle-
LE [2]. Enfin, certaines lésions cutanées traduisent chez mande ont été retenus. Un premier tour de sélection a
un malade lupique des phénomènes thrombotiques, confé- permis de retenir les articles potentiels sur la base de la lec-
rant un plus mauvais pronostic, alors que d’autres sont le ture du titre ou du résumé. Secondairement, tous les articles
marqueur du LE cutané neutrophilique imposant des choix portant sur des cas de lésions unguéales cliniques associées
thérapeutiques particuliers [3]. Si les manifestations cuta- au LE ont été inclus et une analyse individuelle des cas a été
nées, muqueuses et capillaires du LE sont souvent abordées réalisée. La bibliographie de chacun des articles sélection-
dans les ouvrages de référence et les publications de séries nés a été vérifiée pour voir si d’autres articles pertinents
20 C. Wagner et al.

Figure 1. Diagramme de flux.

étaient cités afin de les inclure. Ces données sont résumées unguéale était de 32,2 ± 11 ans (pour des extrêmes allant
dans le diagramme de flux représenté Fig. 1. de 9 à 75 ans).
Le test du ␹2 et le test exact de Fisher ont été utilisés Deux cents quarante-huit malades (86 %) pouvaient être
en fonction des situations pour comparer la fréquence des classés en LE systémique (LES) car ils avaient au moins 4 cri-
atteintes unguéales et du repli sus-unguéal entre 2 sous- tères ACR (American College of Rheumatology) ou SLICC
groupes de patients (selon que la maladie soit active ou (Systemic Lupus International Collaborating Clinics). Trente-
non). Une valeur de p inférieure à 0,05 était considérée deux malades avaient des lésions évocatrices de LE cutané
comme statistiquement significative avec un test bilatéral. aigu (11,1 %), toutes associées à un LES sauf un patient,
Les résultats ont été ajustés avec la méthode de Holm. Les qui avait également des lésions évocatrices de LE cutané
analyses ont été réalisées à l’aide du logiciel R dans sa chronique mais pas assez de critères pour conclure à un
version 3.5 via l’application GMRC Shiny Stat des hôpitaux LES. Deux autres patients présentaient plusieurs sous-types
universitaires de Strasbourg version 2.1. de lupus cutané, un avec des lésions évocatrices de LE
cutané aigu et chronique et un avec des lésions de LE cutané
subaigu et chronique. Dix-huit patients avaient des lésions
évocatrices de LE cutané chronique (6,3 %) en comptant les
Résultats 3 patients sus-cités, dont 4 lupus discoïdes localisés, 5 lupus
discoïdes disséminés, et 9 de forme non précisée. Parmi
Il y avait 203 articles référencés en saisissant les mots clés eux, 10 patients avaient une forme isolée sans LES asso-
« lupus erythematosus » et « nail ». Au total, 37 articles cié. Quatre patients avaient des lésions évocatrices de LE
rapportant des cas de lésions unguéales cliniques au cours cutané subaigu (1,4 %) en comptant le patient sus-cité qui
du LE ont été retenus. Deux cent quatre-vingt-sept cas de avait également des lésions évocatrices de LE cutané aigu
patients atteints de LE ayant une atteinte unguéale clinique et chronique. Trois patients avaient un LE cutané subaigu
ont été rassemblés après analyse des 37 articles sus-cités. isolé sans LES associé. Un patient avait un LE cutané sub-
L’ensemble des caractéristiques cliniques et paracliniques aigu induit au procaïnamide. Six patients (2,1 %) n’avaient
est résumé dans le Tableau 1 [4—40]. pas d’atteinte évocatrice de LE cutané aigu, subaigu ou
chronique. Les sous-types n’étaient pas précisés chez les
Épidémiologie et types de lupus érythémateux 231 patients restants (80,5 %).

Les caractéristiques démographiques des patients sont résu- Durée d’évolution du LE


mées dans le Tableau 1. Parmi les 287 cas de LE avec atteinte
unguéale, il y avait une majorité de femmes (n = 158 soit La durée d’évolution du LE au moment de la description de
55,1 %). L’âge moyen au moment du diagnostic de l’atteinte l’atteinte unguéale était précisée pour 143 patients (49,8 %)
Lupus érythémateux et atteinte unguéale : revue de la littérature 21

Tableau 1 Caractéristiques démographiques, cliniques Tableau 1 (Suite)


et paracliniques des cas de lupus érythémateux avec Dépressions ponctuées 9 (3,1)
atteinte unguéale rapportés dans la littérature (n = 287). Ptérygion (ventral ou dorsal) 9 (3,1)
Sexe : n (%) Onychomadèse 8 (2,8)
Femme 158 (55,1) Déformation unguéale 8 (2,8)
Homme 34 (11,8) Amincissement de la tablette 4 (1,4)
Non précisé 95 (33,1) Atteinte du repli sus-unguéal
Âge moyen en années 32,2 ± 11 (9—75) Érythème péri-unguéal 62 (21,6)
Origine ethnique : n (%) Télangiectasies 29 (10,1)
Caucasienne 177 (61,7) Altérations cuticulaires 27 (9,4)
Hispanique 53 (18,5) Hémorragies 9 (3,1)
Afro-américaine 23 (8) Nécroses cutanées 8 (2,8)
Non précisée 34 (11,8) Localisation de l’atteinte unguéale
Atteinte unguéale : n (%) Non précisée 135 (47)
Accentuation du relief 83 (28,9) Précisée 152 (53)
longitudinal Doigts sans plus de précision 39 (13,6)
Onycholyse 60 (20,9) Orteils sans plus de précision 9 (3,1)
Onychomycose avérée : n (% 9 (15) Doigts et orteils sans plus de 60 (20,9)
spécifique) précision
Onychomycose infirmée 14 (23,3) Atteinte des doigts et/ou des 44 (15,3)
Onychomycose non cherchée 37 (61,7) orteils précisée
Mélanonychie 34 (11,8) Uniquement des doigts : n (% 38 (86,3)
Origine afro-américaine : n (% 21 (61,8) spécifique)
spécifique) Doigts et orteils 5 (11,4)
Origine hispanique 6 (17,6) Orteils seuls 1 (2,3)
Origine caucasienne 5 (14,7) Atteinte diffuse des orteils 4 (9,1)
Origine non précisée 2 (5,9) (≥ 5 orteils)
Atteinte partielle (< 5 doigts) 7 (20,6) Atteinte limitée des orteils 2 (4,5)
Atteinte diffuse (≥ 5 doigts) 23 (67,6) (< 5 orteils)
Atteinte non précisée 4 (11,8) Atteinte diffuse des doigts 29 (65,9)
Sous APS 6 (17,6) (≥ 5 doigts)
Dont caucasien 4 Atteinte limitée des doigts 14 (31,8)
Dont hispanique 2 (< 5 doigts)
Sous cyclophosphamide 1 (2,9) Pouce 26 (59,1)
Âge moyen 40,9 ± 9,8 ans Index 27 (61,4)
Dyschromie unguéale 33 (11,5) Majeur 26 (59,1)
Hémorragies en flammèche 22 (7,7) Annulaire 25 (56,8)
Lunule rouge 20 (7) Auriculaire 22 (50)
Hyperkératose sous-unguéale 22 (7,7) Onychomycose : n (%)
Atteinte des orteils : n (% 14 (63,6) Non recherchée 192 (66,9)
spécifique) Recherche positive 33 (11,5)
Atteinte digitale 8 (36,4) Recherche négative 62 (21,6)
Onychomycose avérée 15 (68,2) Maladie considérée comme
Onychomycose infirmée 2 (9,1) « active » : n (%)
Onychomycose non cherchée 5 (22,7) Oui 85 (29,6)
Leuconychie 20 (7) Non 52 (18,1)
Dont onychomycose avérée : n 4 (20) Non précisé 150 (52,3)
(% spécifique) Atteinte cutanée du LE : n (%)
Dont onychomycose infirmée 3 (15) Forme cutanée de LE
Dont onychomycose non 13 (65) Non précisée 231 (80,5)
cherchée Pas d’atteinte cutanée 6 (2,1)
Xanthonychie 16 (5,6) spécifique
Dont onychomycose avérée : n 10 (62,5) LE cutané chronique 18 (6,3)
(% spécifique) Isolé : n (% spécifique) 10 (55,6)
Dont onychomycose infirmée 1 (6,3) Associé à un LES 8 (44,4)
Dont onychomycose non 5 (31,2) LE cutané aigu 32 (11,1)
cherchée LE cutané subaigu 4 (1,4)
Trachyonychie 11 (3,8) Atteinte dermatologique autre
Onychorrhexie 11 (3,8) Non précisée 224 (78)
Onychoschizie 10 (3,5) Pas d’atteinte cutanée 19 (6,6)
22 C. Wagner et al.

Tableau 1 (Suite) Tableau 1 (Suite)


Atteinte muqueuse 25 (8,7) Azathioprine 13 (16,9)
Buccale seule 3 (1) Mycophénolate mofétil 12 (15,6)
Bucco-génitale 1 (0,3) Méthotrexate 6 (7,8)
Bucco-anale 1 (0,3) Ciclosporine 1 (1,3)
Non précisée 20 (7) AINS (piroxicam) 1 (1,3)
Alopécie 23 (8)
Atteinte de la phalange distale
Oui 3 (1)
Non 27 (9,4) et était en moyenne de 7,2 ± 2,4 ans. La durée d’évolution
Non précisé 257 (89,6) de l’atteinte unguéale au moment de sa description était
Autres atteintes d’organe rapportée dans 13 cas (4,5 %) et était en moyenne de
spécifique du LE : n (%) 10,4 ± 17,8 mois.
Non précisé 190 (66,2)
Pas d’autre atteinte associée 8 (2,8) Atteinte unguéale et péri-unguéale
Atteinte spécifique du LE 89 (31)
Sans précision : n (% 74 (83,2) Les atteintes unguéales et péri-unguéales les plus fréquem-
spécifique) ment décrites, remarquées à l’œil nu ou au toucher (sans
Une seule atteinte d’organe 6 (6,7) que cela soit précisé clairement dans les différents articles
Atteinte articulaire : n (% 3 (50) répertoriés), étaient la présence d’une accentuation du
spécifique) relief longitudinal (83 patients sur 287, soit 28,9 %) et d’un
Atteinte rénale 3 (50) érythème péri-unguéal (62 patients, 21,6 %). Une onycholyse
Plusieurs atteintes d’organe 9 (10,1) était notée chez 60 patients (20,9 %), dont 9 avec onycho-
Atteinte articulaire 33 (37,1) mycose avérée (soit 15 % des patients ayant une onycholyse)
Atteinte rénale 26 (29,2) (cf. Fig. 2—6 ; les photographies proviennent de la collection
Atteinte neuropsychiatrique 22 (24,7) de la clinique dermatologique de Strasbourg).
Sérite (cardiaque ou 17 (19,1) L’âge des patients ayant une accentuation du relief longi-
pulmonaire) tudinal était précisé chez 49 d’entre eux (soit 59 %) et était
Atteinte musculo-squelettique 4 (4,5) en moyenne de 34,3 ± 7,8 ans, pour des extrêmes allant de
Atteinte ophtalmologique 3 (3,4) 11,9 à 61 ans. La quasi-totalité de ces patients (42 sur 49 soit
Bilan biologique : n (%) 85,7 %) avaient un âge compris entre 30 et 44 ans. La pré-
Anticorps antinucléaires sence de cette atteinte sur 9 ou 10 doigts était rapportée
Positifs : n (% spécifique) 56 (19,5) chez 6 patients seulement sur les 83 ayant des accentuations
Négatifs ou non significatifs 4 (1,4) du relief longitudinal, soit 7,2 %, sachant que la localisa-
Non précisé 227 (79,1) tion précise de ce type de lésions n’était décrite que chez
Autres anticorps : 8 patients sur les 83, soit 9,6 %.
Précisés 83 (28,9) Il existait une mélanonychie d’un ou plusieurs doigts
Non précisés 204 (71,1) ou orteils chez 34 patients (11,8 %), dont 6 recevant un
Anticorps anti-Sm 29 (10,1) antipaludéen de synthèse (APS) [7,18—20,34] et un du cyclo-
Anticorps anti-ADN 28 (9,8) phosphamide [6]. Leurs caractéristiques démographiques
Anticorps anti-U1RNP 15 (5,2) sont précisées dans le Tableau 1. La durée de la prise de
Anticorps anti-SSA 16 (5,6) l’APS avant l’apparition de la mélanonychie était précisée
Anticorps anti-SSB 7 (2,4) chez 3 patients et était de 8 ans [7], 1 an [20] et 10 mois [34].
Anticorps anti-cardiolipines 9 (3,1) La durée n’était pas précisée pour 2 patients et pour le der-
Anticoagulant circulant 6 (2,1) nier, il était noté que la mélanonychie était apparue avant
Anticorps anti-bêta2-GP1 4 (1,4) l’introduction de l’APS [19]. Le patient ayant développé une
Consommation du complément 7 (2,4) mélanonychie sous cyclophosphamide était d’origine afro-
Anémie hémolytique 3 (1) américaine. Cette mélanonychie était apparue 3 mois après
Leucopénie/lymphopénie 3 (1) une poussée de LES ayant motivé l’introduction du cyclo-
Thrombopénie 0 phosphamide. La localisation exacte de la mélanonychie est
Traitements en cours : n (%) précisée dans le Tableau 1. Une atteinte associée des ongles
Non précisé 198 (69) des orteils était décrite chez un seul patient (celui traité
Aucun traitement 12 (4,2) par cyclophosphamide).
Patients traités 77 (26,8) On observait une dyschromie unguéale chez 33 patients
Monothérapie : n (% spécifique) 36 (46,8) (11,5 %), dont 2 après introduction d’amodiaquine (APS)
Polythérapie 8 (10,4) [4,5]. Les autres atteintes unguéales et péri-unguéales ainsi
Non précisé 33 (42,8) que leur localisation sont détaillées dans le Tableau 1. Les
Corticothérapie générale 56 (72,7) doigts et/ou orteils touchés étaient précisément décrits
Antipaludéens de synthèse 46 (59,7) chez 44 patients. Il n’y avait pas de différence entre les
Cyclophosphamide 18 (23,4) différents doigts touchés, ni entre les côtés droit et gauche.
Les atteintes unguéales et péri-unguéales des patients ayant
Lupus érythémateux et atteinte unguéale : revue de la littérature 23

Tableau 2 Atteinte unguéale, péri-unguéale et de la phalange distale selon le type de LE cutané.


LE cutané aigu LE cutané subaigu LE cutané chronique
n = 32 n=4 n = 18
Atteinte unguéale : n (%)
Accentuation du relief longitudinal 0 0 6 (33,3)
Onycholyse 19 (59,4) 0 0
Mélanonychie 0 0 1 (5,6)
Dyschromie unguéale 0 0 2 (11,1)
Lunule rouge 0 2 (50) 2 (11,1)
Hyperkératose sous-unguéale 0 0 4 (22,2)
Dont onychomycose 0 0 0
Leuconychie 1 (3,1) 0 0
Dont onychomycose 1 0 0
Hémorragies en flammèche 1 (3,1) 0 0
Xanthonychie 0 0 1 (5,6)
Dont onychomycose 0 0 0
Dépressions ponctuées 0 0 1 (5,6)
Déformation unguéale 2 (6,3) 0 1 (5,6)
Atteinte péri-unguéale : n (%)
Érythème péri-unguéal 1 (3,1) 0 1 (5,6)
Télangiectasies 0 0 1 (5,6)
Altérations cuticulaires 0 0 1 (5,6)
Micro-hémoragies 1 (3,1) 0 1 (5,6)
Nécroses cutanées 1 (3,1) 0 0
Atteinte phalange distale : n (%) 0 0 3 (16,7)

une forme cutanée aiguë, subaiguë ou chronique de LE sont péri-unguéal était significativement associée à une maladie
précisées dans le Tableau 2. active (respectivement p < 0,001 et p = 0,018).

Onychomycose Biologie
Une atteinte fongique était recherchée dans 95 cas sur Les éléments pertinents du bilan biologique sont résumés
287 (33,1 %). Une onychomycose était mise en évidence dans le Tableau 1. Ils représentent les anomalies immuno-
par examen mycologique (examen direct ou culture) ou logiques et hématologiques habituellement rencontrées au
à l’histologie (coloration PAS positive) chez 33 patients cours du LE.
(34,7 %). Les anomalies unguéales des patients avec
onychomycose avérée sont résumées dans le Tableau 1. Histologie
L’agent pathogène était identifié dans 9 cas : Trichophyton Une biopsie unguéale était pratiquée dans 3 cas : une biop-
rubrum chez 4 patients, Trichophyton mentagrophytes chez sie de la matrice associée à une analyse histologique de
2 patients, Microsporum canis chez 2 patients, et Candida la tablette unguéale dans le 1er cas, une biopsie latéro-
chez un patient (sans précision de l’espèce). longitudinale dans le 2e cas et une biopsie du lit unguéal
dans le 3e cas [8,9,35]. Il était mis en évidence des
Autres atteintes du LE signes histologiques évocateurs de LE (essentiellement der-
Les autres atteintes dermatologiques et atteintes d’organe mite de l’interface avec vacuolisation de la couche basale
du LE sont résumées dans le Tableau 1. Une atteinte cuta- de l’épiderme, et infiltrat dermique lymphocytaire péri-
née de la phalange distale par des lésions spécifiques de vasculaire et/ou péri-annexiel). Dans l’étude de Nabil et al.,
LE (décrite dans l’article ou visible sur photographie) était des biopsies du repli sus-unguéal proximal étaient réalisées
rapportée dans 3 cas de LE cutané discoïde (1 %), dont un chez des patients atteints de LES ou de LE cutané discoïde
évoluant vers un LES (cf. Tableau 2) [9,36,38]. Il n’y avait pas avec mise en évidence à l’IFD d’une bande lupique chez
d’atteinte de la phalange distale dans 27 cas (9,4 %) et cela 13 patients sur 18 dont 11 avaient une atteinte unguéale
n’était pas précisé chez les 257 patients restants (89,6 %). [10]. Les lésions unguéales ou péri-unguéales les plus obser-
vées dans cette étude étaient une accentuation du relief
Activité de la maladie longitudinal (41,7 %) et un érythème péri-unguéal (50 %).

La maladie était considérée comme active au moment de


la description de l’atteinte unguéale chez 85 patients, soit Prise en charge thérapeutique
29,6 %. La fréquence des atteintes unguéales et du repli sus- Les traitements en cours au moment de la description de
unguéal selon l’activité de la maladie est résumée dans le l’atteinte unguéale sont résumés dans le Tableau 1. Quatre
Tableau 3. La présence d’une onycholyse et d’un érythème patients sur 44 traités par APS (9,1 %) et un patient sur
24 C. Wagner et al.

Tableau 3 Atteinte unguéale et péri-unguéale selon l’activité de la maladie.


Maladie active Maladie non active p OR
(n = 85) (n = 52)

Atteinte unguéale : % (n)


Accentuation du relief longitudinal 11,7 % (10) 13,4 % (7) 1 0,858
Onycholyse 38,8 % (33) 5,7 % (3) < 0,001 10,217
Mélanonychie 10,5 % (9) 23,1 % (12) 0,58 0,398
Dyschromie 9,4 % (8) 23,1 % (12) 0,53 0,349
Lunule rouge 1,1 % (1) 1,9 % (1) 1 0,609
Hyperkératose sous-unguéale 2,3 % (2) 5,7 % (3) 1 0,396
Leuconychie 5,8 % (5) 7,6 % (4) 1 0,752
Hémorragies en flammèche 16,4 % (14) 5,7 % (3) 0,961 3,197
Déformation unguéale 5,8 % (5) 3,8 % (2) 1 1,558
Dépressions ponctuées 5,8 % (5) 5,7 % (3) 1 1,021
Atteinte du repli sus-unguéal : % (n)
Érythème péri-unguéal 30,5 % (26) 7,6 % (4) 0,018 5,234
Nécroses cutanées 5,8 % (5) 5,7 % (3) 1 1,021
Télangiectasies 1,1 % (1) 0 % (0) 1 Incalculable
Onychomycose : % (n) 0 % (0) 5,7 % (3) 0,58 Incalculable

Figure 2. Accentuation du relief longitudinal et onychoschizie


diffuses, début de ptérygion ventral du 2e doigt droit et hyperkéra-
tose sous-unguéale du 3e doigt droit.

16 traité par cyclophosphamide (6,3 %) avaient une atteinte Figure 3. Accentuation du relief longitudinal et érythème péri-
unguéale considérée comme secondaire au traitement : unguéal des 3, 4e et 5e doigts droits. Hémorragies en flammèche du
2 cas de dyschromie avec l’APS, et 3 cas de mélanonychie 4e doigt droit.
(2 avec un APS et un avec du cyclophosphamide).
Aucun traitement n’était mis en place uniquement pour corticothérapie, APS et cyclophosphamide dans un cas [15].
l’atteinte unguéale, excepté concernant les onychomy- Le traitement mis en place n’était pas précisé dans un cas
coses. La réponse au traitement de l’atteinte unguéale [37]. Les 2 patients pour qui l’évolution n’était pas favorable
n’était de ce fait quasiment pas décrite (seulement sous traitement étaient tous les 2 traités par APS [8,12].
14 patients sur 287 soit 4,9 %). Elle était favorable dans la
quasi-totalité des cas (12 patients sur les 14 soit 85,7 %) : un
cas décrit en 1930 traité par sels d’or [36], un cas de défor- Discussion
mation unguéale en pince traitée chirurgicalement [14], un
cas de dyschromie unguéale sous APS ayant régressé après Les manifestations unguéales et péri-unguéales du LE sont
l’arrêt du traitement incriminé [5], un cas d’onychomycose peu étudiées dans la littérature ; les plus fréquentes sont
avérée à M. canis traitée par itraconazole [29], traitement les accentuations du relief longitudinal, un érythème péri-
par APS seul dans 2 cas [35,38], ajout de thalidomide à unguéal, une onycholyse et une mélanonychie. L’onycholyse
un traitement par APS dans un cas [13], corticothérapie semble être surtout l’apanage du LE cutané aigu. Les
orale seule dans 2 cas [11,19], association corticothérapie accentuations du relief longitudinal semblent être surtout
orale, APS et isotrétinoïne dans un cas [9] et association l’apanage du LE cutané chronique et, dans ce cas, souvent
Lupus érythémateux et atteinte unguéale : revue de la littérature 25

Figure 4. Onycholyse des 3e , 4e et 5e doigts gauches.

associées à une hyperkératose sous-unguéale. La présence


d’une onycholyse et d’un érythème péri-unguéal sont asso- Figure 5. Mélanonychie longitudinale des 2e , 3e et 4e doigts
ciées à l’activité de la maladie. droits.
Ces associations découlent des données disponibles dans
la littérature qui ne sont probablement que très partielle-
ment représentatives de la réalité clinique. Les atteintes
unguéales lupiques paraissent rares en pratique clinique
mais sont probablement sous-diagnostiquées en raison de
biais d’évaluation. En effet, il s’agit d’une zone souvent
négligée à l’examen clinique. De plus, l’examen clinique
du patient lupique par un dermatologue n’est pas systé-
matique. Dans notre étude, 81 cas sur les 287 (28,2 %) ont
été rapportés par des spécialistes autres que dermatologues
(rhumatologues et pédiatres). Il semble ainsi important de
prévoir une évaluation dermatologique régulière chez tous
les patients lupiques, même sans atteinte cutanée évidente.
Une analyse fine du repli sus-unguéal, complétée par un exa-
men dermoscopique de débrouillage, est également utile
de par la grande précision clinique qu’elle apporte avec
notamment la visualisation d’éventuelles anomalies capil-
laires évocatrices de LES comme les capillaires tortueux,
les anomalies morphologiques capillaires et les hémorragies Figure 6. Hyperkératose sous-unguéale de l’index gauche.
[41].
En outre, les patients ne rapportent pas systémati-
quement de doléance concernant cette localisation, par association significative entre PR et accentuation du relief
absence de gêne fonctionnelle ou esthétique. Il s’agissait de longitudinal, uniquement lorsque les lésions sont présentes
la récrimination première du patient dans 3 cas seulement, sur 9 ou 10 doigts. La présence d’une accentuation du relief
ce qui a permis de poser le diagnostic de LE systémique par longitudinal sur un ou 2 doigts est fréquente dans la popula-
la suite [8,11,13]. tion générale (16 sur 40 sujets contrôles dans la série de Tunc
La présence d’une accentuation du relief longitudinal est et al., 47,5 % sur 80 contrôles dans la série de Marie et al. et
l’anomalie la plus fréquemment relevée dans notre étude 44 sur 50 contrôles dans la série de Michel et al.) et a ten-
(Figs. 2 et 3). Elle est également fréquemment décrite dance à augmenter avec l’âge [30]. En revanche, la présence
notamment dans la sclérodermie systémique ou la polyar- d’une accentuation du relief longitudinal sur tous les doigts
thrite rhumatoïde (PR). Il s’agit de la lésion unguéale la est rare. Dans notre étude, il a été visualisé des accentua-
plus fréquente dans les études de Tunc et al. (37 % de tions du relief longitudinal sur 9 ou 10 doigts chez seulement
39 patients atteints de sclérodermie systémique et 46 % de 6 patients sur les 83 soit 7,2 %, sachant que la localisation
47 patients atteints de PR), d’El Mansour et al. (4 patients de cette atteinte était précisée dans moins de 10 % des
sur 16 atteints de sclérodermie systémique), de Michel et al. cas. Ces patients étaient relativement jeunes, ce qui rend
(48 patients sur 50 atteints de PR) et de Marie et al. l’hypothèse d’une cause liée à l’âge moins probable.
(53,5 % de 129 patients atteints de sclérodermie systé- El Mansour et al. et Tunc et al. décrivent respective-
mique) [24,25,42,43]. Dans la PR, Michel et al. décrivent une ment 50 % et 7,7 % d’érythème péri-unguéal chez des
26 C. Wagner et al.

groupes de 8 et 13 patients atteints de dermatomyosite paracliniques étaient suffisamment complètes, nous avons
(DM) ou polymyosite [24,25]. Cet érythème est peu décrit pu déterminer si la maladie était active ou non en utilisant
dans la sclérodermie. Dans la DM, il se différencie du fait les critères du SLEDAI-2000. Toute interprétation concernant
qu’il forme un épaississement œdémateux et kératosique, ces données reste donc délicate. Par ailleurs, il n’a pas été
finement télangiectasique, douloureux lors de la pression possible de déterminer la sévérité de la maladie (notamment
rétrograde de la matrice (signe de la manucure) [1]. via le SLICC/ACR Damage Index) par manque de données
Dans notre étude, la majorité des patients chez qui dans la grande majorité des études retenues.
une mélanonychie était rapportée était d’origine afro- Les mécanismes physiopathologiques sous-jacents à ces
américaine (61,8 %), constituant un facteur de confusion différentes lésions unguéales ne sont pas encore compris.
certain (Fig. 5). En effet, les mélanonychies ethniques A l’instar de l’atteinte cutanée, différents mécanismes
affectent 77 % des sujets d’origine afro-américaine de plus peuvent être à l’origine d’une atteinte unguéale dans le LE :
de 20 ans et presque 100 % de ceux ayant 50 ans et atteinte immunologique par dépôts de complexes immuns,
plus. Elles sont souvent multiples, bien limitées, de lar- se traduisant à l’histologie par une dermite de l’interface
geur variable et de coloration plus ou moins foncée. Les et à l’IFD par des dépôts d’Ig et/ou de C3 le long de la
mélanonychies ethniques sont surtout localisées sur les membrane basale (à rapprocher des accentuations du relief
doigts les plus impliqués dans la préhension (pouce, index, longitudinal et de l’hyperkératose sous-unguéale visualisées
majeur) ou sujets à traumatismes (gros orteil). Le nombre chez les patients avec histologie et/ou IFD évocatrices) ;
et l’épaisseur de ces mélanonychies augmentent avec l’âge. atteinte vasculaire par des phénomènes thrombotiques
À l’opposé, les mélanonychies sont rares chez les sujets à (hémorragies en flammèche, purpura stellaire acral non
peau claire. Elles peuvent être favorisés par les trauma- infiltré) appelant à une vigilance accrue et une conduite
tismes [44—47]. Ces données se sont confirmées dans notre thérapeutique spécifique (traitement antiplaquettaire ou
étude. En effet, lorsque l’atteinte était partielle, touchant anticoagulant) ; atteinte vasculaire par inflammation des
moins de 5 doigts, les doigts les plus atteints étaient les vaisseaux (vasculite lupique ou vasculite urticarienne) ;
3 premiers doigts de la main. De plus, l’âge moyen des atteinte indirecte par inflammation de contiguïté (en cas
patients ayant une mélanonychie était plus élevé que l’âge d’atteinte de la phalange distale associée : dépressions
moyen général des patients lupiques avec atteinte unguéale ponctuées, déformation unguéale, trachyonychie . . . mais
(40,9 ± 9,8 ans pour les patients avec mélanonychie contre aussi accentuation du relief longitudinal et hyperkératose
32,2 ± 11 ans). sous-unguéale) ou secondaire aux traitements (dyschro-
Une autre atteinte unguéale fréquemment notée chez mie unguéale ou mélanonychie longitudinale secondaires
les malades lupiques est l’onycholyse, dont la cause prin- au cyclophosphamide ou aux APS) [50—53]. Dans notre
cipale est mécanique (Fig. 4) [48]. Dans l’étude d’Urowitz étude, environ 10 % des patients traités par APS avaient
et al., l’onycholyse est l’anomalie unguéale la plus rappor- une atteinte unguéale considérée comme secondaire au
tée (36 patients sur 42, dont 25 ont une atteinte évocatrice traitement. La présence d’une atteinte de la phalange dis-
de LE cutané aigu, et 39 une maladie considérée comme tale associée à l’atteinte unguéale n’a été précisée que
active) [32]. Dans l’hypothèse du biais maximum, on peut chez 10,5 % des patients, ce qui ne nous permet pas de
en déduire qu’au moins 33 patients de cette étude avec conclure quant à l’existence d’un lien entre les deux bien
onycholyse ont une maladie active et 3 une maladie non que l’hypothèse d’une dystrophie unguéale par inflamma-
active. De la même manière, on peut en déduire qu’au tion de contiguïté soit fortement probable.
moins 19 patients avec atteinte de LE cutané aigu ont une Il existe également d’autres facteurs confondants dont
onycholyse. le principal est l’onychomycose. L’atteinte fongique a été
De même, Tunc et al. ont décrit une association entre la cherchée dans un tiers des cas que nous avons rapportés,
présence d’hémorragies en flammèche (Fig. 3) et l’activité avec environ un tiers d’onychomycose avérée parmi ces
de la maladie chez les patients lupiques [25]. Par ailleurs, cas. L’onychomycose est plus fréquente chez les patients
Higuera et al. ont observé, chez des patients lupiques, lupiques du fait d’une immunodépression liée à la pathologie
une association entre la présence d’une atteinte unguéale elle-même et aux traitements systémiques [26,54,55]. Cette
(principalement onycholyse et accentuation du relief longi- immunodépression est également un facteur favorisant les
tudinal) et une atteinte d’organe plus importante (mesurée infections par des micro-organismes rarement pathogènes
par le SLICC/ACR Damage Index) [16]. chez l’homme. Ainsi, des cas d’onychomycose à M. canis
Notre étude de la littérature suggère ainsi que la pré- sont décrits [26,29]. M. canis est un dermatophyte zoophile
sence d’une onycholyse est la lésion la plus observée chez rarement pathogène pour l’ongle chez l’homme (respon-
les patients ayant une maladie considérée comme active. sable de moins de 1 % des infections unguéales fongiques).
L’analyse en sous-groupes confirme une association sta- Il est également décrit des cas d’onychomycose proxi-
tistiquement significative entre onycholyse et activité de male, forme quasi exclusivement observée chez des patients
la maladie. Cependant, les critères utilisés pour définir immunodéprimés [56—58]. Les atteintes unguéales les plus
l’activité de la maladie ne sont pas détaillés clairement évocatrices d’onychomycose sont la leuconychie, la xan-
dans toutes les études. Le score SLEDAI (Systemic Lupus Ery- thonychie, l’hyperkératose sous-unguéale et l’onycholyse.
thematosus Disease Activity Index) ou SLEDAI-2000 n’a été Un examen clinique dermatologique attentif régulier est
utilisé que dans 2 études [16,25]. Urowitz et al. ont utilisé donc nécessaire chez les patients lupiques. Un prélèvement
des critères se rapprochant du SLEDAI, leur étude datant mycologique systématique semble indispensable lors de la
de 1978, tandis que le SLEDAI n’a été développé qu’en visualisation d’anomalies unguéales chez un patient lupique
1992 [49]. Pour les autres études, les critères n’ont pas afin de ne pas méconnaître une infection fongique asso-
été clairement explicités. Lorsque les données cliniques et ciée.
Lupus érythémateux et atteinte unguéale : revue de la littérature 27

La réalisation d’une biopsie péri-unguéale ou de [13] García-Patos V, Bartralot R, Ordi J, Baselga E, de Moragas J,
l’appareil unguéal constitue un outil diagnostique précieux Castells A. Systemic lupus erythematosus presenting with red
permettant de rechercher des signes histologiques ou à l’IFD lunulae. J Am Acad Dermatol 1997;36:834—6.
évocateurs de LE. La biopsie d’un repli péri-unguéal est un [14] Majeski C, Ritchie B, Giuffre M, Lauzon G. Pincer nail deformity
acte simple et d’accès facile, dont la réalisation devrait associated with systemic lupus erythematosus. J Cutan Med
Surg 2005;9:2—5.
être plus fréquente en pratique courante étant donné qu’il
[15] Azevedo THV, Neiva C, Consoli R, Couto A, Dias A, Souza E.
s’agit du seul examen permettant d’établir avec certitude
Pincer nail in a lupus patient. Lupus 2017;26:1562—3.
l’origine lupique de l’atteinte. Le praticien se rappellera [16] Higuera V, Amezcua-Guerra L, Montoya H, Massó F, Patlán M,
que la matrice proximale est protégée par le repli sus- Paez A, et al. Association of Nail Dystrophy With Accrued
unguéal et que le trocart ne doit pas aller jusqu’au contact Damage and Capillaroscopic Abnormalities in Systemic Lupus
osseux à cet endroit. Erythematosus. J Clin Rheumatol 2016;22:13—8.
Sur le plan thérapeutique, l’atteinte unguéale ne modi- [17] Wananukul S, Watana D, Pongprasit P. Cutaneous manifes-
fiait pas la prise en charge car elle n’était jamais isolée tations of childhood systemic lupus erythematosus. Pediatr
(associée soit à un LE systémique, soit à une forme cutanée Dermatol 1998;15:342—6.
isolée de LE). Il y avait une amélioration sous traitement [18] Kapadia N, Haroon T. Cutaneous manifestations of systemic
lupus erythematosus: study from Lahore, Pakistan. Int J Der-
dans la majorité des cas (85,7 %), en faveur d’une associa-
matol 1996;35:408—9.
tion entre la pathologie et l’atteinte unguéale décrite, sans
[19] Vaughn R, Bailey JJ, Field R, Loebl D, Mealing HJ, Jerath R,
pouvoir toutefois l’affirmer. et al. Diffuse nail dyschromia in black patients with systemic
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Disponible en ligne sur

ScienceDirect
www.sciencedirect.com

REVIEW

Proactive treatment in childhood psoriasis


Traitement proactif du psoriasis de l’enfant

J. Lavaud , E. Mahé ∗

Dermatology Department, hôpital Victor-Dupouy, 69, rue du Lieutenant-Colonel Prud’hon,


95100 Argenteuil, France

Received 18 January 2019; accepted 11 July 2019


Available online 10 October 2019

KEYWORDS Summary Psoriasis affects 0.5% of children. The current therapeutic arsenal includes local
Psoriasis; treatments, phototherapies and systemic treatments (conventional systemic therapy and
Child; biotherapy), which, in most cases, are sufficient to control this skin disease. Subsequent mana-
Adolescent; gement of these children should focus on maintaining therapeutic efficacy and preventing
Treatment; relapse by reducing any treatment-related toxicity in order to improve their quality of life.
Proactive treatment It would therefore appear useful to adopt a ‘‘proactive’’ attitude. To be proactive is to antici-
pate disease progression in order to limit both the severity and the incidence of new flare-ups.
This approach must be distinguished from reactive support. Based on our experience of atopic
dermatitis and data on adult psoriasis, in the absence of publications specific to childhood-onset
psoriasis, herein we propose to provide an overview of this proactive approach in paediatric
psoriasis. This proactive management approach concerns four key precepts: therapeutic edu-
cation: explanation of the disease, its pathophysiology and the various possible therapeutic
approaches; prevention of factors triggering flare-ups or worsening psoriatic infections, such
as stress, trauma, diet (mainly reduction of obesity); a proactive approach to topical therapy:
skin hygiene and use of emollients, but also limitation of active therapies, use of dosing inter-
vals and ‘‘weekend therapy’’ to reduce the risk of relapse; a proactive approach to systemic
therapies: improved therapeutic safety, reduced cumulative doses, through reduced doses, use
of dosing intervals and weekend therapy. Care for children with psoriasis must be comprehen-
sive and include their environment. The concept of ‘‘proactive’’ treatment in childhood-onset
psoriasis can help limit the duration and severity of flare-ups while improving quality of life.
Simple measures can in fact ensure effective maintenance of treatments over the long term.
© 2019 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

∗ Corresponding author.
E-mail address: emmanuel.mahe@ch-argenteuil.fr (E. Mahé).

https://doi.org/10.1016/j.annder.2019.07.005
0151-9638/© 2019 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
30 J. Lavaud, E. Mahé

MOTS CLÉS Résumé Le psoriasis touche 0,5 % des enfants. L’arsenal thérapeutique actuel comprend les
Psoriasis ; traitements locaux, les photothérapies et les traitements systémiques (systémiques conven-
Enfant ; tionnels et biothérapies), et il permet le plus souvent de contrôler cette dermatose. La prise
Adolescent ; en charge de ces enfants devra alors se concentrer sur maintenir l’efficacité thérapeutique,
Traitement ; et prévenir les rechutes en réduisant toute toxicité thérapeutique, afin d’améliorer la qualité
Traitement proactif de vie de ces enfants. Il semble donc intéressant d’adopter une attitude « proactive ». Être
proactif c’est anticiper l’évolution de la maladie afin de limiter sa sévérité et la survenue de
nouvelles poussées. Cette attitude est à différencier d’une prise en charge réactive. À par-
tir de l’expérience de la dermatite atopique et des données dans le psoriasis de l’adulte, à
défaut de publications spécifiques à l’enfant psoriasique, nous proposons ici de faire un point
sur cette approche proactive dans le psoriasis de l’enfant. Quatre grands axes interviennent
dans cette prise en charge proactive : l’éducation thérapeutique : explication de la maladie, de
sa physiopathologie et des différentes thérapeutiques ; la prévention des facteurs déclenchant
les poussées ou aggravant le psoriasis : infections, stress, traumatismes, régime (réduction de
l’obésité notamment) ; être proactif avec les traitements locaux : hygiène cutanée et utilisation
des émollients, mais aussi épargne des thérapeutiques actives : espacement des doses, week-
end therapy, afin de réduire le risque de rechutes ; être proactif avec les traitements généraux :
amélioration de la tolérance des traitements, réduction des doses cumulées : réduction des
doses, espacements des prises, « week-end therapy ». La prise en charge des enfants atteints
de psoriasis doit être globale et intégrer l’entourage. Le concept de traitement « proactif » dans
le psoriasis de l’enfant permet à la fois de limiter les poussées dans le temps et la gravité de
celles-ci, et d’améliorer la qualité de vie. Des mesures finalement simples peuvent permettre
le maintien au long cours de traitements efficaces.
© 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Psoriasis is a chronic inflammatory dermatosis that pro- systemic drugs [1,9]. The short-term benefits of this
gresses by flare-ups which affects 0.5 to 1% of children in approach are well known, but long-term remission between
Europe. The first manifestations of the disease begin in flare-ups is difficult to achieve, making long-term treat-
childhood in around 30% of psoriasis patients [1—3]. The ment strategies to prevent relapse necessary. Adopting
most common form in children is plaque psoriasis. Cer- a ‘‘proactive’’ approach appears beneficial in terms of
tain functionally severe skin conditions, such as generalized improving the quality of life of children with psoriasis
plaque psoriasis, erythrodermic psoriasis, pustular psoria- [10,11].
sis and palmoplantar psoriasis, as well as psoriatic arthritis, Proactive patient management means anticipating dis-
warrant rapid institution of systemic therapy [1]. In France, ease progression in order to limit its severity and the
such severe forms affect 16% of psoriatic children seen in occurrence of new flare-ups. This approach must thus
private practice and 32% of those seen in hospitals [4,5]. be distinguished from ‘‘active or reactive’’ management
The therapeutic objectives for a psoriatic child are mul- given at the time of the active episode, and also from
tidimensional: management of flare-ups (clinical aspect and ‘‘prophylactic’’ management, conducted before onset of
quality of life), prevention of relapse and maintenance the disease. This concept has been developed primarily
of remission, and prevention of long-term complications. in atopic dermatitis, where proactivity is the daily norm
These different phases of care are often interconnected. [12,13].
The prevention of long-term complications is currently of Based on experience of atopic dermatitis and on data
less importance due to the reassuring nature of long-term concerning adult psoriasis, and in the absence of publica-
data on outcomes for psoriatic children: onset before the tions specific to the psoriatic child, we propose herein to
age of 18 years does not increase the risk of developing provide an overview of this proactive approach in childhood-
severe psoriasis, psoriatic rheumatism, cardiovascular or onset psoriasis.
metabolic comorbidities, addictions or even desocialization
[3,6—8]. Therapy must thus focus on management of flare-
ups, maintenance of therapeutic efficacy, and prevention of Remission — the therapeutic goal of initial
relapses. treatment
The therapeutic arsenal has progressed considerably in
recent years, with better control of relapses and significant Rather than targeting cure, the aim of initial therapy is to
improvement in the quality of life of patients of all ages. reduce the severity of the episode and achieve whitening
The treatment of flare-ups consists mainly of the application or near-whitening of lesions while improving the quality of
of local treatments such as topical corticosteroids or vita- life of the child. Often this goal will be achieved after sev-
min D derivatives, but it may also include phototherapy or eral weeks or months of local or systemic treatment [1,9]. In
Proactive treatment in childhood psoriasis 31

adults, the goal of psoriasis management is clearing or near-


Table 1 Proactive treatment.
clearing, and values are assigned quantifying this notion:
PASI 75 (a 75% reduction in Psoriasis Area Severity Index), Education Explain the pathophysiology and
PASI 90 or PASI 100, absolute PASI, or PGA 0-1 (Physician course of psoriasis
Global Assessment of 0 or 1), associated with an improve- Choose treatment (pharmaceutical
ment in quality of life (DLQI — Dermatology Life Quality forms) together with the child and
Index of 3 or 5) [14,15]. In children, neither these scores nor parents
the goals have been validated. Psoriasis is often less inflam- No restrictions concerning diet,
matory, occurring in smaller plaques that are less thick and vaccination or sports
less scaly [1], and these scores and therapeutic goals are Avoid factors that Avoid injury (onychophagia,
therefore difficult to extrapolate to children [16] and thus aggravate/trigger pruritus, poor hygiene in nappy
rarely used in all cases [17]. A simple clinical objective, flare-ups area, poor shoe fit)
‘‘clearing or near-clearing’’ of the lesions, corresponding Up-to-date vaccines (adaptation in
to PGA 0 or 1, seems reasonable, even if this approach case of vaccine-related flare-ups)
has not been validated in children. The treatment aims are Tonsillectomy, antibiotic
also expressed simply as straightforward clinical and social prophylaxis
goals: resumption of sport, ability to go swimming, etc. Such Psychological support
goals frequently take a long time to attain, and this must be Management of obesity
explained to the child and parents. Once consent has been Mediterranean diet
obtained, proactive treatment can be initiated. Topical therapy Emollients
This proactive treatment is based on several approaches: Very gradual decline in topical
education, prevention of aggravating/triggering factors, and corticosteroids
adaptation of therapy. The key principles are set out in detail Weekend therapy (topical
in Table 1. corticosteroids—calcipotriol,
tacrolimus)
Early treatment of flare-ups
Education (topical corticosteroids -
calcipotriol)
Education about treatment, whether formal (hospital edu- Systemic therapy Subcutaneous treatments: local
cation sessions) [18] or informal (performed on a day-to-day anaesthetic
basis at visits) must be fully integrated into patient care Acitretin: mucous, semi-mucous,
to ensure that all patients understand their disease (patho- dermal hydration
physiology, course, etc.) and its management, thereby Methotrexate: folic acid
optimizing overall compliance with the therapeutic project. Effective minimum dose (acitretin,
The key messages given to parents are not limited to treat- cyclosporin, methotrexate)
ment. It is essential to be able to explain what the disease Dosing intervals (adalimumab,
is, its course and the types of treatment that may be given. ustekinumab)
Weekend therapy (cyclosporin)
Simple explanation of pathophysiology (‘‘it’s Intermittent treatment
not in the head’’) (cyclosporin, etanercept)

Explain that genetic and immunological predispositions for


the disease exist, and that environmental factors (including form) must be adapted to the site of the lesions, and to
stress) play a part in flare-ups. Parents should not be made their extension and semiological appearance (more or less
to feel guilty in any way, particularly in cases of a famil- squamous, differing degrees of inflammation). Finally, it is
ial history, and it should be stressed that the disease is not important to dispel any fear of corticosteroids.
contagious. The anonymous and free educational game ‘‘Theo and
the Psorianautes’’ in book form (target age group: 5—8
Course of the disease years) (Fig. 1A) and digital form - theoetlespsorianautes.fr
(target age group: 6—12 years) (Fig. 1B), developed by the
Explain that the disease is not fatal, and that in children ‘‘France Psoriasis’’ patient association, is of great assis-
there is no excess risk of developing comorbidities or psori- tance in explaining the disease to children and their parents.
atic arthritis. It should be stated that the disease is chronic, It allows the children themselves, but also their entourage,
that progression occurs through flare-ups, and that remis- siblings and parents, to better understand their dermatosis.
sions can occur either spontaneously or with treatment.

Treatments
Preventing triggers for flare-ups or
It should be pointed out that psoriasis does not require any worsening of psoriasis
restrictions with regard to diet, sporting activity or vac-
cines. There is no cure, but relapse can be controlled via The main triggers for psoriasis flare-ups are infections, phys-
therapy. Indicate that the treatment (type, pharmaceutical ical trauma, stress and medications [1]. Another important
32 J. Lavaud, E. Mahé

Figure 1. Theo and the Psorianauts. An anonymous and free educational game created by the France Psoriasis association. A. The book
form (made with the support of Laboratoire Abbvie). B. The homepage of the digital version (theoetlespsorianautes.fr).

factor is the link between obesity and severity of psoriasis


in children [4,5].
Infections frequently induce outbreaks but are difficult to
avoid. This is true for beta-haemolytic streptococci (throat
and other sites), but also staphylococci, viral infections and
vaccinal reactions [19—21]. Psoriasis is obviously not a con-
traindication to vaccines, even if vaccination can trigger
flare-ups of psoriasis. The vaccine schedule must be kept up-
to-date. Caution must be exercised in the event of a severe
flare-up after certain vaccines. In this case, the benefit-
risk ratio of boosters should be discussed (consideration of
residual levels of antibodies may be useful in deciding).
Streptococcal infections can cause recurrent guttate psoria-
sis as well as flare-ups of plaque psoriasis. Although its value
has not been validated, antibiotic prophylaxis may be pro-
posed as in recurrent erysipelas [22]. Similarly, some authors
suggest preventive tonsillectomy in cases of recurrent throat Figure 2. Psoriatic onychopathy in a 14-year-old footballer. Con-
infection that trigger flare-ups of psoriasis [23,24]. While the sider adapting shoe form/size to reduce ungual trauma.
value of this approach has not been confirmed in systematic
literature reviews, it may nevertheless be discussed with the
paediatrician on a case-by-case basis.
Physical trauma is a source of worsening psoriasis and
possibly Koebner’s phenomenon. Children should be made
aware of this factor: they must avoid biting their nails and
scratching (the application of emollient creams is to be pre-
ferred in the case of pruritus for example). For psoriatic
onychopathy of the toes it is necessary to check that suit-
able footwear is being worn, especially in young footballers
(Fig. 2) and young dancers. Particular attention must be
paid to cleansing of the nappy area in the event of nappy
rash (Fig. 3). Nappy rash is often considered a Koebner
phenomenon occurring on an irritated nappy area. Simple
instructions concerning cleansing of this area will prevent
relapses: ‘‘cleaning with super-fat soap or syndet soap, Figure 3. Nappy rash. Insist on the importance of good hygiene
rinsing, drying’’ with each nappy change. Avoiding drying of the nappy area to avoid maceration and relapse.
agents (e.g. eosin, water paste, etc.), oil-limestone lini-
ment, cleansing wipes, and so on [25,26].
Stress is very common in children: the birth of a younger support may be warranted, and its implementation must be
sibling, entry into first school classes, parental separation, discussed with the paediatrician.
and so on. Studies suggest that the stress factor plays a Medications rarely appear to be involved in psoriasis
greater role in children than in adults in the onset of flare- flare-ups in children. Although a case has recently been
ups [2]. This stress is often minor and does not warrant reported [27], it would appear that the wide use of propra-
specific therapy. In some children, however, psychological nolol for instance in haemangiomas does not cause psoriasis
Proactive treatment in childhood psoriasis 33

in infants. There does not appear to be any absolute con- contribute to good compliance. The aim of proactive treat-
traindication to medication in children with psoriasis. ment is to maintain therapeutic efficacy while minimising
Obesity is linked to the existence of psoriasis and the treatment.
severity thereof in both children and adults [3,28,29]. In In order to improve the safety of medication, it is impor-
adults, weight reduction improves psoriasis, psoriatic arthri- tant that for all treatments given by subcutaneous injection
tis and treatment response [30]. It follows then that it is (methotrexate, etanercept, adalimumab and ustekinumab),
important to manage excess weight in the psoriatic child, allowance should be made for pain, which is not always
working closely with the paediatrician. verbally signalled by the child. Intervention by a nurse,
There are also no dietary restrictions in psoriasis. Recent especially in small children (injections by parents create
studies have suggested that in adults a ‘‘Mediterranean an ambiguous relationship with the child and should thus
diet’’ (i.e. rich in fruits, vegetables, beans, cereals, herbs be avoided), a calm atmosphere, and prior application of
and olive oil, with moderate consumption of dairy prod- anaesthetic cream such as lidocaine/prilocaine will avoid
ucts and eggs, limited consumption of fish and low intake of the potential physical and psychological trauma of repeated
meat) seems to have a favourable effect on psoriasis, par- ‘‘pricks’’ [38]. Acitretin should be avoided in adolescent
ticular regarding disease severity [31,32]. Despite the lack maintenance therapy due to the strict and difficult-to-
of certainty as to its efficacy on psoriasis, it may also be implement rules imposed on account of the teratogenicity of
proposed in children. Even if not effective, this type of diet the drug [39]; it must be accompanied over the long term by
is nevertheless balanced and promotes weight loss. hydration of the mucous membranes (ophthalmic gel), semi-
mucous membranes (lip stick) and skin (emollient), the type
of which must be chosen with the child and parents [40]. Sys-
Proactive topical treatment tematic use of folic acid associated with methotrexate has
been shown to reduce digestive intolerance in both adults
Emollients are essential in the long run. As in atopic der- and children, although its impact on therapeutic efficacy has
matitis, emollient treatment of the areas usually affected not been demonstrated [41—43]. Folic acid at a dose of 5 to
reduces the frequency of relapse [33]. In addition, by redu- 10 mg should be routinely proposed 48 h after methotrexate
cing pruritus, it limits the risk of scratching and of Koebner use.
phenomenon on dry skin. The choice of emollient, which To reduce cumulative toxicity, proactive treatment
may contain urea, will obviously be made with the child and seeks to reduce the therapeutic dose by means of three
its parents in order to determine the product that is most approaches: seeking to determine the minimum effective
comfortable for the child [34]. dose, weekend therapy, and intermittent treatment. The
Treatment of the active phase—with topical corticos- search for the effective minimum dose can be achieved
teroids, vitamin D analogues, tacrolimus (non-label use) either by reducing the dose (acitretin, methotrexate,
— [1] has its place in proactive treatment based on all ciclosporin) [41] or by spacing intakes (adalimumab, ustek-
available pharmaceutical forms suitable for psoriasis sites. inumab) [44,45]. The search for this minimum dose is
Several alternatives may be proposed, and feasibility should undertaken gradually in stages, usually after several months
be assessed with the parents. These alternatives are suit- of treatment at full dose.
able for mild psoriasis with plaques always occurring at the Weekend therapy has been studied for ciclosporin in
same site. The first is the classic ‘‘gradual withdrawal’’ of atopic dermatitis and adult psoriasis [46—48]. It consists
treatment over a period of several months to avoid any of giving the initial dose on Saturday and Sunday only. This
early rebound. In practice (based on our personal expe- reduces the frequency and intensity of subsequent flare-ups
rience), this is quite difficult to achieve, and compliance with very low doses of treatment.
is generally poor. The alternative is weekend therapy, by Intermittent treatment consists of stopping treatment
analogy to what has been proposed in atopic dermatitis once remission has been achieved and consolidated, and
and adult psoriasis [35,36]. This approach involves applying then resuming it early in the event of relapse. It is of value
topical treatment to the areas usually affected on Satur- if the treatment is rapidly effective and no loss of effi-
day and Sunday only (or on two separate weekdays), which cacy is noted upon resumption. This alternative has been
reduces the frequency of flare-ups. A further alternative is proposed in psoriasis for ciclosporin and etanercept and it
‘‘on-demand’’ treatment, i.e. early treatment of flare-ups, may therefore be proposed in children. Its value in adults is
from the first symptoms, which seems equally effective, debatable, however, and it appears to be infrequently used
even if this approach is not strictly proactive treatment in paediatrics [49,50].
[37].

Proactive systemic treatment


Conclusion
Conventional systemic treatments (acitretin, methotrexate
and ciclosporin) and biotherapies (etanercept, adalimumab The management of children with psoriasis must be com-
and ustekinumab), when effective, are generally utilised for prehensive and take their environment into account. The
more than a year. The fear of prescribers regarding all long- concept of ‘‘proactive’’ treatment in childhood-onset pso-
term treatments is the risk of cumulative toxicity, especially riasis limits flare-ups in terms of duration and severity while
since subjects are young and may require treatment for the improving patients’ quality of life. Finally, simple measures
rest of their life. In addition, ease of use and good safety can enable effective treatment to be maintained over the
34 J. Lavaud, E. Mahé

long term. In addition, the management of trigger factors [12] Wollenberg A, Ehmann LM. Long term treatment concepts
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Disponible en ligne sur

ScienceDirect
www.sciencedirect.com

CAS CLINIQUE

Évolution fatale du syndrome de


Netherthon due à une utilisation excessive
de dermocorticoïdes chez un adulte
Fatal outcome of Netherton syndrome due to excessive use of topical
corticosteroids in an adult patient

C. Valette ∗, J. Ofaiche , M. Severino ,


J. Mazereeuw-Hautier

Hôpital Larrey, 24, chemin de Pouvourville, 31400 Toulouse, France

Reçu le 1er octobre 2018 ; accepté le 4 septembre 2019


Disponible sur Internet le 22 octobre 2019

MOTS CLÉS Résumé


Syndrome de Introduction. — Le syndrome de Netherton (SN) est une génodermatose rare causée par des
Netherton ; mutations du gène SPINK5 ; il associe une ichtyose (érythrodermie et desquamation), une alopé-
Dermocorticoïdes ; cie et des manifestations atopiques. Il n’existe pas de traitement efficace. Les dermocorticoïdes
Syndrome de peuvent être utilisés sur de courtes périodes en cas d’épisodes d’eczéma. Nous rapportons le cas
Cushing ; d’une patiente atteinte de SN qui a présenté des complications mortelles liées à un mésusage
Insuffisance des dermocorticoïdes.
surrénalienne ; Observation. — Une femme de 38 ans, atteinte de SN, utilisait de la bêtaméthasone par voie
Ostéoporose topique depuis une dizaine d’années en raison un prurit sévère. La consommation était estimée
à 7,2 kg par an. Elle présentait une ostéoporose, un syndrome de Cushing, une insuffisance cor-
ticotrope et des intertrigos intermammaires, axillaires et interfessiers surinfectés. Lors d’une
hospitalisation pour des plaies nécrotiques de jambes compliquant une atrophie cutanée sévère,
elle présentait une fracture après une chute de sa hauteur. L’évolution était marquée par la
survenue d’un choc septique d’étiologie indéterminée, compliqué d’une insuffisance surrénale
aiguë conduisant à une défaillance multiviscérale fatale.
Discussion. — De nombreux cas de iatrogénie liés aux dermocorticoïdes chez les enfants ont
été rapportés dans la littérature, dont un cas d’évolution fatale (infection par CMV) chez un
nourrisson. Cette iatrogénie est plus rare chez les adultes, chez qui nous n’avons pas noté de cas
mortel. Dans le SN, les effets secondaires des dermocorticoïdes sont majorés du fait d’un défaut

∗ Auteur correspondant.
Adresse e-mail : chloe valette@hotmail.fr (C. Valette).

https://doi.org/10.1016/j.annder.2019.09.003
0151-9638/© 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Évolution du syndrome de Netherthon due à des dermocorticoïdes chez un adulte 37

majeur de la barrière cutanée qui augmente leur passage systémique. En l’absence d’alternative
thérapeutique efficace, le sevrage en dermocorticoïdes est habituellement difficile.
Conclusion. — Ce cas illustre la gravité de la iatrogénie secondaire à mésusage des dermo-
corticoïdes dans le SN, et la nécessité de trouver de nouveaux traitement efficaces de cette
maladie.
© 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Summary
Netherton syndrome; Introduction. — Netherton syndrome (NS) is a rare disease caused by SPINK5 mutations asso-
Topical steroids; ciated with ichthyosis (erythroderma and desquamation), alopecia and atopic manifestations.
Cushing syndrome; There are no effective treatments. Topical corticosteroids may be used for a limited period in
Adrenal insufficiency; the event of eczema. Herein we report on a patient with fatal complications related to misuse
Osteoporosis of topical corticosteroids.
Patients and methods. — A 38-year-old woman with NS had been using betamethasone for about
ten years for severe pruritus. Consumption was estimated at 7.2 kg per year. On examination, she
had osteoporosis, Cushing’s syndrome, corticotropic insufficiency and inframammary, axillary,
and intergluteal superinfected intertrigo. During hospitalization for necrotic leg wounds on
severe skin atrophy, she sustained a fracture on falling down. The course was marked by the
onset of septic shock of unknown etiology, complicated by acute adrenal insufficiency leading
to fatal multi-organ failure.
Discussion. — Many iatrogenic cases related to topical corticosteroids in children have been
reported in the literature, including one case of fatal outcome (CMV infection) in an infant. Such
iatrogenic cases are rarer in adults and we observed no fatal cases. In NS, the adverse effects of
topical corticosteroids are amplified due to the major defect in the skin barrier which enhances
the systemic passage of these drugs. In the absence of any effective therapeutic alternative,
weaning patients off topical corticosteroids is usually difficult.
Conclusion. — This case illustrates the severity of iatrogenic effects secondary to misuse of
topical corticosteroids in NS as well as the need to find effective new treatments for this
syndrome.
© 2019 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Le syndrome de Netherton (SN) est une génodermatose la gravité des complications dues à l’usage excessif de ces
rare causée par des mutations du gène SPINK5, qui code médicaments.
l’inhibiteur de protéase à sérine LEKTI ; il en résulte
une augmentation d’activité de la trypsine dans la couche
cornée, responsable d’une desquamation prématurée et Observation
donc d’un défaut majeur de barrière cutanée [1,2]. Les
patients présentent une érythrodermie à la naissance. Il s’agissait d’une patiente chez laquelle le diagnostic de SN
Apparaissent ensuite une dysplasie pilaire spécifique (à avait été porté dans l’enfance devant des signes cliniques
type de trichorrhexie invaginata) responsable d’alopécie, typiques : érythrodermie, desquamation à type d’ichtyose
une desquamation cutanée parfois à type d’ichtyose linéaire circonflexe (Fig. 1), alopécie avec dysplasie pilaire
linéaire circonflexe, une inflammation cutanée respon- à type de trichorrhexis invaginata. Elle avait comme autre
sable d’un prurit et des manifestations atopiques (poussées antécédent une polyarthrite rhumatoïde érosive traitée par
d’eczéma, asthme, allergies alimentaires et taux élevé méthotrexate à raison de 10 mg par semaine. La patiente
d’immunoglobulines E). Les complications comprennent des avait ensuite été perdue de vue jusqu’à l’âge de 32 ans,
infections cutanées fréquentes, un retard de croissance chez âge auquel elle était adressée par son médecin traitant
l’enfant, une altération de la qualité de vie. Il n’existe pour des intertrigos persistants (Fig. 2) de localisation sous-
pas de traitement curatif. Les traitements utilisés sont mammaire, axillaire et interfessière.
d’efficacité limitée : émollients pour réduire les squames, À l’examen clinique, les lésions étaient érythémateuses,
dermocorticoïdes pour réduire l’inflammation en cas de suintantes et macérées (Fig. 2). Les prélèvements des
poussées d’eczéma. intertrigos montraient la présence de Candida albicans,
Nous rapportons un cas de SN d’évolution fatale chez un Corynebacterium sp., Streptococcus agalactiae et Staphy-
adulte en raison d’un abus de dermocorticoïdes, illustrant lococcus aureus. À l’interrogatoire, la patiente appliquait
38 C. Valette et al.

Figure 3. À l’âge de 32 ans : atrophie cutanée majeure, télan-


Figure 1. À l’âge de 32 ans : érythème et desquamation à type
giectasies diffuses, obésité faciotronculaire, vergetures pourpres
d’ichtyose linéaire circonflexe.
larges de l’abdomen et amyotrophie des membres.

membres et un « buffalo neck » (Fig. 3). Le tableau clinique,


associé à la consommation excessive de bêtaméthasone,
évoquait un syndrome de Cushing iatrogène.
Le traitement des intertrigos consistait en un séchage soi-
gneux des plis, une antibiothérapie locale (gentamicine) et
®
un traitement systémique par fluconazole (Triflucan ). Un
entretien psychologique et des séances d’éducation théra-
peutique étaient réalisés lors de son hospitalisation, avec
la patiente et sa personne de confiance. Après un diagnostic
éducatif, le soignant et la patiente décidaient de réaliser un
remplacement progressif des dermocorticoïdes par du tacro-
®
limus pommade (Protopic ). La patiente avait peur d’une
poussée de sa maladie à l’arrêt des dermocorticoïdes en rai-
son d’essais infructueux dans le passé. Le médecin traitant
était informé de la situation médicale par le biais du courrier
Figure 2. À l’âge de 32 ans : intertrigos sous-mammaires érythé-
d’hospitalisation. Une consultation de suivi était program-
mateux et érosifs couverts d’un enduit blanchâtre.
mée mais la patiente ne s’y rendait pas et, malgré plusieurs
convocations, courriers et coups de téléphone, elle était de
une fois par jour sur le corps entier un émollient contenant nouveau perdue de vue.
un mélange de glycérol, de vaseline et de paraffine liquide À l’âge de 38 ans, la patiente nous était adressée
®
(Dexeryl ). En raison du prurit, elle appliquait également par des chirurgiens dans les suites d’un parage de plaies
une fois par jour une préparation magistrale contenant de la chroniques nécrotiques post-traumatiques des membres
bêtaméthasone et de la vaseline. La consommation en béta- inférieurs (Fig. 4). À l’examen clinique, on retrouvait les
méthasone était estimée à 20 tubes par mois (soit 600 g par signes du SN ainsi que ceux du syndrome de Cushing, qui
mois ou 7,2 kg par an), et ce depuis plus de 10 ans. L’examen étaient encore plus marqués. Elle présentait également de
montrait une atrophie cutanée majeure, des télangiecta- larges plaies nécrotiques et profondes des faces externes
sies diffuses, une obésité faciotronculaire, des vergetures des jambes, avec une atrophie cutanée de la peau environ-
pourpres et larges de l’abdomen, une amyotrophie des nante, évoquant une atrophie cortisonique sévère (Fig. 4). À
Évolution du syndrome de Netherthon due à des dermocorticoïdes chez un adulte 39

malgré une antibiothérapie à large spectre par voie intravei-


neuse (méropenem, vancomycine et gentamicine), associée
à une supplémentation par hydrocortisone et fludrocorti-
sone, l’évolution était rapidement fatale.

Discussion
Les effets indésirables des dermocorticoïdes sont bien
connus, notamment en cas d’utilisation inappropriée [3].
Ils sont tout d’abord locaux, comprenant fragilité cuta-
née, retard de cicatrisation, vergetures, hypertrichose,
Figure 4. À l’âge de 38 ans : larges plaies nécrotiques et pro- purpura, télangiectasies et infections cutanées. Il peut
fondes sur les faces externes des jambes, avec une atrophie cutanée également s’agir d’effets indésirables systémiques : syn-
de la peau environnante.
drome de Cushing, insuffisance surrénale corticotrope,
retard de croissance chez l’enfant, ostéoporose, hyper-
l’interrogatoire, la consommation quotidienne en dermocor- tension artérielle et intolérance au glucose. Dans le cas
ticoïdes était restée identique ; la patiente rapportait une de notre patiente, le décès était directement lié aux
mauvaise tolérance du tacrolimus (brûlures). L’exploration effets systémiques de la corticothérapie locale : le pas-
paraclinique du syndrome de Cushing montrait une insuf- sage systémique du corticoïde, favorisé par l’altération
fisance surrénale (IS) corticotrope, avec une cortisolémie constitutionnelle de la barrière cutanée et l’amincissement
de base à 0,02 ␮g/mL à 8 h (normale > 0,05 ␮g/mL) et à cutané cortico-induit, a entraîné une ostéoporose respon-
0,21 ␮g/mL une heure après l’injection d’une ampoule de sable d’une fracture à faible cinétique qui s’est compliquée
®
Synacthène (normale > 0,21 ␮g/mL). Une supplémentation d’un choc septique favorisé par l’immunodépression due
par 20 mg d’hydrocortisone était débutée. Il existait égale- aux dermocorticoïdes et au méthotrexate. Ces effets
ment une carence en vitamine D, avec un taux de 5 ng/mL secondaires systémiques de la corticothérapie locale sont
(normale > 30 ng/mL). L’ostéodensitométrie montrait une exceptionnels en pratique courante. Les facteurs de risque
ostéoporose diffuse avec un T score à −2,8 (normale > −2,5). comprennent l’étendue des lésions, les traitements prolon-
Lors de cette hospitalisation survenait une fracture gés, le niveau d’activité très fort des dermocorticoïdes, la
ouverte du tiers distal de la fibula droite (Fig. 5) à la suite réalisation d’une occlusion, les défauts de la barrière cuta-
d’une chute de sa hauteur dans la douche. Cette frac- née, l’épiderme mince (chez l’enfant [4,5] ou dans certaines
ture se compliquait d’un choc probablement septique avec localisations), l’utilisation conjointe de rétinoïdes oraux
des hémocultures négatives mais des portes d’entrée cuta- (absorption augmentée) [6] et une immunodépression asso-
nées. Les prélèvements des lésions cutanées montraient ciée [7]. Ainsi, chez notre patiente, on notait l’accumulation
la présence de Pseudomonas aeruginosa au niveau des de plusieurs facteurs de risque.
intertrigos, et de Serratia marcescens. Dans ce contexte La morbi-mortalité due aux dermocorticoïdes est égale-
septique, l’IS chronique se décompensait en IS aiguë et, ment bien connue dans d’autres affections dermatologiques

Figure 5. À l’âge de 38 ans : fracture du tiers distale de la fibula droite après chute de sa hauteur.
40 C. Valette et al.

comme la pemphigoïde bulleuse, dont le traitement repose [6] Mahé E. Cushing’s Syndrome Induced by High-Potency Topi-
sur l’application prolongée de dermocorticoïdes très forts ; cal Corticosteroids in Two Children with Palmoplantar Psoriasis
le traitement local y reste cependant moins toxique que la Taking Acitretin. Pediatr Dermatol 2017;34:219—20.
corticothérapie générale [8]. [7] Zenklusen C, Feldmeyer L. The dermocorticoids, irreplaceable
Dans le cas de notre patiente, la consommation en and feared. Rev Med Suisse 2014;10:821—6.
[8] Joly P, Roujeau JC, Benichou J, Picard C, Dreno B, Delaporte
dermocorticoïdes était particulièrement importante et
E, et al. A comparison of oral and topical corticoste-
prolongée (estimée à 7,2 kg par an pendant plus de 16 ans). roids in patients with bullous pemphigoid. N Engl J Med
Afin d’éviter de telles situations, l’éducation thérapeutique 2002;346:321—7.
est essentielle pour éviter la surconsommation et les effets [9] Mazereeuw-Hautier J, Vahlquist A, Traupe H, Bygum A,
secondaires qui en résultent. Cela passe par une informa- Amaro C, Aldwin M, et al. Management of congenital ich-
tion claire et précise délivrée par le soignant à chaque thyoses: European guidelines of care: Part one. Br J Dermatol
consultation ainsi que par le pharmacien et par des séances 2019;180:272—81.
d’éducation thérapeutique. Dans le cas du SN, selon notre [10] Mazereeuw-Hautier J, Hernandez-Martin A, O’Toole EA, Bygum
expérience, il est particulièrement essentiel de ne pas A, Amaro C, Aldwin M, et al. Management of congenital ich-
thyoses: European guidelines of care: Part Two. Br J Dermatol
« habituer » les patients à la corticothérapie locale qui sera
2019;180:484—95.
ensuite impossible à stopper, en raison d’une aggravation du
[11] Allen A, Siegfried E, Silverman R, Williams ML, Elias PM,
prurit à l’arrêt et de l’absence d’alternative thérapeutique. Szabo SK, et al. Significant absorption of topical tacrolimus in
Ce cas clinique illustre les difficultés de la prise en 3 patients with Netherton syndrome. Acta Dermatol Venereol
charge thérapeutique du SN et la nécessité de trouver de 2018;12:42—3.
nouveaux traitements efficaces. Selon les recommandations [12] Shah KN, Yan AC. Low but detectable serum levels of tacro-
européennes récentes, les dermocorticoïdes peuvent être limus seen with the use of very dilute, extemporaneously
utilisés dans le SN pour traiter les poussées inflammatoires, compounded formulations of tacrolimus ointment in the treat-
mais uniquement sur de courtes périodes [9,10]. Les autres ment of patients with Netherton syndrome. Arch Dermatol
traitements sont les inhibiteurs topiques de la calcineurine 2006;142:1362—3.
[13] van der Voort EA, Prens EP. Netherton syndrome with
(tacrolimus et picrolimus), qui doivent également être utili-
multiple nonmelanoma skin cancers. Acta Derm Venereol
sés uniquement par intermittence sur des zones restreintes
2013;93:727—8.
en raison d’un passage systémique [11,12]. Les traitements [14] Braun RP, Ramelet AA. Failure of cyclosporine in Netherton’s
systémiques ne sont pas recommandés. En effet, les réti- syndrome. Dermatology 1997;195:75.
noïdes oraux sont en général mal tolérés, la photothérapie [15] Roda Â, Mendonça-Sanches M, Travassos AR, Soares-de-Almeida
UVB [13], la ciclosporine [14] et les anti-tumour necrosis L, Metze D. Infliximab therapy for Netherton syndrome: a case
factor (anti-TNF) [15] sont à éviter. Les anti-TNF ont été report. JAAD Case Rep 2017;3:550—2.
associés à une augmentation du risque de cancers cuta- [16] Raaschou P, Simard JF, Asker Hagelberg C, Asking J, ARTIS Study
nés hors mélanome [16—19], certains cancers pouvant être Group. Rheumatoid arthritis, anti-tumour necrosis factor treat-
très agressifs au cours du SN [20]. Les données concernant ment, and risk of squamous cell and basal cell skin cancer:
cohort study based on nationwide prospectively recorded data
l’omalizumab [21] et les immunoglobulines [22] sont insuf-
from Sweden. BMJ 2016;352:i262.
fisantes à ce jour.
[17] Mariette X, Matucci-Cerinic M, Pavelka K, Taylor P, van Vollen-
hoven R, Heatley R, et al. Malignancies associated with tumour
necrosis factor inhibitors in registries and prospective obser-
Déclaration de liens d’intérêts vational studies: a systematic review and meta-analysis. Ann
Rheum Dis 2011;70:1895—904.
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. [18] Zitelli KB, Zedek D, Ranganathan P, Amerson EH. Squamous
cell carcinoma of the lip associated with adalimumab the-
rapy for ankylosing spondylitis: a case report and review of
Références TNF-␣ inhibitors and cutaneous carcinoma risk. Cutis 2013;92:
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Disponible en ligne sur

ScienceDirect
www.sciencedirect.com

CAS CLINIQUE

Candidose cutanéo-muqueuse chronique


avec mutation gain-de-fonction du gène
STAT1 associée à des infections herpétiques
et à mycobactérie
Chronic mucocutaneous candidiasis with STAT1 gain-of-function mutation
associated with herpes virus and mycobacterial infections

B. Baghad a,∗,b, I. Benhsaien b,c, F.Z. El Fatoiki a,b,


M. Migaud d,e, A. Puel d,e, S. Chiheb a, A.A. Bousfiha b,c,
F. Ailal b,c

a
Service de dermatologie vénéréologie, CHU de Casablanca, Maroc
b
Laboratoire d’immunologie clinique, inflammation et allergie, faculté de médecine et de
pharmacie de Casablanca, Hassan II University of Casablanca, Maroc
c
Unité d’immunologie clinique, service de pédiatrie infectieuse, CHU Harrouchi, Casablanca,
Maroc
d
Laboratoire de génétique humaine des maladies infectieuses, Necker Branch, Inserm U1163,
75015 Paris, France
e
Institut imagine, université Paris Descartes, 75015 Paris, France

Reçu le 19 janvier 2019 ; accepté le 19 septembre 2019


Disponible sur Internet le 31 octobre 2019

MOTS CLÉS Résumé


Candidose Introduction. — La candidose cutanéo-muqueuse chronique (CCMC) est caractérisée par une sus-
cutanéo-muqueuse ceptibilité à développer une infection chronique ou récidivante à des levures du genre Candida
chronique ; spp., atteignant la peau, les ongles et les muqueuses. Nous décrivons un patient présentant
Déficit immunitaire ; une CCMC et porteur d’une mutation hétérozygote gain-de-fonction du STAT1.
Facteur de Observation. — Un garçon de 5 ans sans notion de consanguinité présentait depuis l’âge de
transcription STAT1 ; 8 mois des épisodes récurrents de muguet buccal, de candidose unguéale chronique et de
Interleukine-17 ; ginvivo-stomatite herpétique. Il présentait également une adénite à mycobactérie, secondaire
Candida ; à la vaccination par le BCG et une rosacée atypique. L’étude génétique objectivait la mutation
Mycobactérie gain-de-fonction du gène STAT1.

∗ Auteur correspondant.
Adresses e-mail : bouchrabaghad@gmail.com, bshira27@hotmail.com (B. Baghad).

https://doi.org/10.1016/j.annder.2019.09.597
0151-9638/© 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
42 B. Baghad et al.

Discussion. — Le diagnostic de CCMC a été retenu malgré un tableau clinique peu spécifique,
en raison de la présence d’une mutation gain-de-fonction du gène STAT1. Cette mutation
affecte la production d’IL-17, cytokine clé dans la défense muco-cutanée contre les candi-
doses. L’association à une adénite à mycobactérie reste rare et mal élucidée. La présence de la
rosacée atypique dans ce contexte est évocatrice de cette entité. Le traitement antifongique et
la prévention des complications sont les éléments clés pour réduire la morbidité et la mortalité
liées à cette affection.
Conclusion. — La CCMC due à la mutation gain-de-fonction du STAT1 se caractérise par un large
spectre clinique et doit être suspectée devant toute infection fongique chronique ou récidivante
associée ou non à d’autres infections.
© 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Summary
Chronic Introduction. — Chronic mucocutaneous candidiasis (CMC) is characterized by susceptibility to
mucocutaneous chronic or recurrent infections with yeasts of the genus Candida affecting the skin, nails and
candidiasis; mucous membranes. We describe a Moroccan patient presenting CMC with heterozygous STAT1
Immunologic gain-of-function (GOF) mutation.
deficiency Patients and methods. — A 5-year-old boy with no consanguinity presented recurrent episodes
syndromes; of oral thrush, chronic nail candidiasis and herpetic gingivostomatitis from the age of 8 months.
STAT1 transcription He also had mycobacterial adenitis secondary to BCG vaccination and atypical rosacea. Genetic
factor; analysis revealed GOF mutation of the STAT1 gene.
Interleukin-17; Discussion. — CMC was diagnosed in our patient despite poor clinical features. Sequencing of
Candida; the genome revealed STAT1 GOF mutation. This mutation affects production of IL-17, an impor-
Mycobacteria tant cytokine in mucocutaneous defense against Candida. The association with mycobacterial
adenitis is rare and continues to be poorly understood. The presence of atypical rosacea in
this setting is suggestive of this entity. Antifungal therapy and prevention of complications are
necessary to reduce the morbidity and mortality associated with this condition.
Conclusion. — CMC due to STAT1 GOF mutation is characterized by a broad clinical spectrum
and should be considered in all cases of chronic or recurrent fungal infection, whether or not
associated with other infections.
© 2019 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction (STAT1) [5—11]. Ces mutations génétiques entraînent une


altération de l’immunité dépendante de l’IL-17 et illustrent
La candidose cutanéo-muqueuse chronique (CCMC) est une l’importance de cette dernière dans la protection muco-
entité clinique rare caractérisée par des infections per- cutanée vis-à-vis de C. albicans chez l’homme [12]. Nous
sistantes ou récidivantes de la peau, des ongles et des rapportons l’observation d’un enfant présentant une CCMC
muqueuses, causées par des levures du genre Candida associée à une infection herpétique et à mycobactérie, dont
spp., en particulier C. albicans [1,2]. Les lésions se déve- l’étude génétique a mis en évidence une mutation hétéro-
loppent habituellement au cours de la petite enfance, mais zygote gain-de-fonction de STAT1.
peuvent se manifester jusqu’à la 3e décennie de vie [3].
C. albicans est un commensal des muqueuses digestives
et génitales et ne se trouve que rarement sur la peau Observation
saine. Cependant, chez les patients immunodéprimés, il
peut provoquer des infections cutanéo-muqueuses invasives Un garçon, âgé actuellement de 5 ans et né de parents non
ou chroniques [4]. Les principales causes génétiques de la consanguins d’origine marocaine, présentait depuis l’âge
CCMC n’ont été que récemment identifiées, notamment de 8 mois des épisodes récurrents de muguet buccal et
le déficit autosomique dominant de l’interleukine IL-17F, d’une candidose unguéale chronique. À l’âge de 7 mois,
les déficits autosomiques récessifs des chaînes A ou C de le patient présentait une adénopathie axillaire satellite du
l’IL-17 récepteur, IL-17RA, IL-17RC, du facteur nucléaire site d’injection du vaccin BCG avec une étude histologique
activateur de NF␬B 1 (ACT1) et de RORC ainsi que les muta- en faveur d’une tuberculose, dont la guérison complète
tions hétérozygotes gain-de-fonction dans le gène codant était obtenue après 6 mois de traitement par antituber-
pour le transcripteur et l’activateur de la transcription 1 culeux. Il était hospitalisé à plusieurs reprises pour une
Candidose cutanéo-muqueuse chronique 43

cuir chevelu et des ongles isolaient C. albicans. L’analyse


par cytométrie de flux du changement de fluorescence de
la dihydrorhodamine (DHR), test fonctionnel qui évalue
la fonction des polynucléaires neutrophiles, était négative
chez notre patient permettant d’éliminer une granuloma-
tose septique. Le séquençage de l’exome identifiait une
mutation hétérozygote gain-de-fonction déjà rapportée du
gène STAT1 (c.511G>A, p.Asp171Asn) confirmant le diagnos-
tic de CCMC (Fig. 3) [3].
Un traitement par fluconazole par voie générale était ins-
tauré et était sans efficacité après 2 mois de traitement.
L’antifongigramme mettait en évidence une résistance de la
souche de C. albicans isolée au fluconazole. Le patient était
alors traité par voriconazole avec contrôle de la maladie à
partir de la 3e semaine du traitement.

Discussion
Le diagnostic de CCMC a été retenu chez ce patient mal-
gré un tableau clinique peu spécifique, grâce à la mise
en évidence de la mutation hétérozygote gain-de-fonction
Figure 1. Muguet buccal chez un enfant atteint de candidose
cutanéo-muqueuse chronique. du gène STAT1 par séquençage du génome. Cette mutation
touche le domaine « coiled-coil » de la protéine et altère
le développement de cellules T productrice d’IL-17 [3].
Cette cytokine est essentielle dans la défense muco-cutanée
anti-Candida et permet le recrutement de neutrophiles et
l’induction de peptides anti-microbiens sur les sites inflam-
matoires périphériques [13,14]. La mutation trouvée dans
cette observation (D171N) a été identifiée chez un seul
patient de la série de Toubiana et al. dont le tableau cli-
nique se caractérisait par un début précoce similaire à notre
observation et par des infections bactériennes sans infec-
tions virales ou mycobactériennes associées [3].
Les patients porteurs de la mutation gain-de-fonction
STAT1 présente souvent une CCMC autosomique dominante,
associée à des infections bactériennes et virales [10]. Dans
notre observation, le patient a présenté également une
infection à mycobactérie secondaire à la vaccination par le
BCG au cours de sa première année de vie sans complications
Figure 2. Folliculite et multiples chalazions chez un enfant après traitement. Plusieurs cas rapportés témoignent de la
atteint de candidose cutanéo-muqueuse chronique. susceptibilité des patients porteurs de cette mutation aux
infections par les mycobactéries [3,15,16]. Le mécanisme
gingivo-stomatite herpétique invalidante. L’examen cuta- sous-jacent à cette susceptibilité n’est pas clairement éta-
néomuqueux trouvait un muguet buccal, des intertrigos bli. Les mutations gain-de-fonction de STAT1 affecteraient
multiples, une xanthonychie, des lésions croûteuses du cuir la production de cytokines protectrices contre les mycobac-
chevelu, une folliculite du visage avec de multiples cha- téries en particulier l’IL-17 et l’IFN-␥ [17].
lazions ainsi qu’une blépharite bilatérale (Fig. 1 et 2). Il Dans notre observation, le patient présentait également
n’y avait pas de retentissement sur la croissance staturo- un tableau de folliculite faciale chronique avec des cha-
pondérale. lazions et une blépharite évoquant une rosacée atypique.
La numération formule sanguine montrait une hémoglo- Cette manifestation clinique reste peu rapportée au cours
bine à 12 g/dL. Les leucocytes étaient à 8500/mm3 avec de la mutation gain-de-fonction de STAT1 et ne semble pas
2810/mm3 lymphocytes et 4200/mm3 neutrophiles. Le être une association fortuite. En effet, l’immunodépression
dosage pondéral des immunoglobulines était normal induite par ce déficit immunitaire permettrait une proli-
(Ig A : 7,2 g/L, Ig G : 18,1 g/L et IgM : 3,9 g/L). fération excessive du Demodex et de certaines bactéries
L’immunophénotypage des sous-populations lymphocytaires telles que le Bacillus oleronius et le Staphylococcus epider-
retrouvait des lymphocytes CD3+ à 2002/mm3 [967—1725], midis qui pourraient entraîner une inflammation chronique
des CD3+ CD4+ à 923/mm3 [507—955], des CD3+ CD8+ à du visage à l’origine de ce phénotype clinique inhabituel
768/mm3 [404—826], des CD19+ à 753/mm3 [47—243] et des [18,19]. Dans un contexte de déficit immunitaire, une rosa-
CD16+ CD56+ à 206/mm3 [94—348]. Les IgE totales étaient à cée atypique chez l’enfant pourrait être un signe clinique
649,12 UI/mL (<100). La sérologie VIH était négative. Les fortement évocateur d’une mutation gain-de-fonction de
prélèvements mycologiques des intertrigos des mains, du STAT1.
44 B. Baghad et al.

Figure 3. Résultat du séquençage par la méthode Sanger (laboratoire de génétique humaine des maladies infectieuses, institut ima-
gine, université Paris Descartes, Paris) confirmant la mutation identifiée par séquençage de l’exome. Le patient présente une mutation
hétérozygote dans l’exon 7 du gène STAT1, la mère n’est pas porteuse de la variation.

D’autres manifestations cliniques peuvent être retrou- des patients traités par un traitement antifongique au long
vées au cours de la CCMC avec une mutation gain-de- cours et chez 15 % des patients traités par intermittence,
fonction de STAT1, notamment des dermatophytoses, des les résistances aux azolés étant les plus fréquentes [3]. En
manifestations auto-immunes et inflammatoires (dysthy- l’absence de vaccin contre C. albicans et en raison d’une
roïdies, hépatite auto-immune, cytopénie auto-immune, résistance antifongique accrue, d’autres modalités théra-
vitiligo, psoriasis, maladies du tissu conjonctif. . .) et des peutiques sont à explorer. Le ruxolitinib oral, un inhibiteur
anévrismes artériels pouvant menacer le pronostic vital. Le de la protéine tyrosine kinase JAK1/2, s’est révélé promet-
suivi du patient décrit dans notre observation doit être réa- teur bien que son effet sur la CCMC soit suspensif nécessitant
lisé au long cours en raison du risque accru de cancer de la une utilisation au long cours avec un risque accru de surve-
bouche et de l’œsophage [3,20]. L’inflammation chronique nue d’effets indésirables [24—26]. L’utilisation du G-CSF, du
et la production de nitrosamines médiée par C. albicans GM-CSF et des immunoglobulines intraveineuses a été rap-
seraient incriminées dans la cancérogenèse du carcinome portée [3]. La greffe de cellules souches hématopoïétiques
épidermoïde au cours des CCMC. représente une option thérapeutique potentiellement cura-
Le rôle de STAT1 dans la cancérogenèse est complexe, car tive qui devrait être envisagée précocement pour prévenir
ses fonctions ne se limitent pas aux cellules tumorales, mais les complications graves et améliorer la survie globale [27].
s’étendent à différents compartiments du microenviron- l’IL-17 recombinante pourraient constituer le traitement de
nement tumoral (cellules immunitaires et endothéliales). choix à l’avenir [28].
Des résultats divergents ont rapporté que l’abondance de
STAT1 était un marqueur de bon pronostic dans certains
types de tumeurs, mais il pourrait aussi servir de promo- Conclusion
teur tumoral et être corrélé à la progression de la maladie
cancéreuse [20,21]. Cette observation, associant chez cet enfant des infec-
Les traitements antifongiques systémiques et topiques tions fongiques, virales, mycobactériennes et une rosacée
constituent le pilier du traitement de la CCMC notamment atypique, rapporte un phénotype clinique peu spécifique
le fluconazole dont la tolérance à long terme est excellente. de la CCMC avec mutation gain-de-fonction du STAT1.
Un traitement prolongé ou en continu est souvent nécessaire Une initiation précoce d’un traitement antifongique avec
pour prévenir les récidives. Cependant, le C. albicans isolé recherche de maladies auto-immunes, de néoplasies et
chez ce patient présentait une résistance à cette molécule d’anévrismes artériels est nécessaire pour réduire la
nécessitant le recours au voriconazole. La résistance de cer- morbidité et la mortalité liées à cette affection. La trans-
taines souches de Candida spp. aux antifongiques demeurent plantation de cellules souches hématopoïétiques doit être
une préoccupation [22,23]. Dans la série de Toubiana et al., envisagée précocement pour prévenir les complications
une résistance à un antifongique a été observée chez 39 % graves.
Candidose cutanéo-muqueuse chronique 45

Déclaration de liens d’intérêts 1 (STAT1) gain-of-function mutations and disseminated coc-


cidioidomycosis and histoplasmosis. J Allergy Clin Immunol
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Annales de dermatologie et de vénéréologie (2020) 147, 46—49

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CAS CLINIQUE

Lésions jaunâtres de psoriasis révélant une


métaplasie lipomateuse dermique
Yellowish psoriasis revealing dermal lipomatous metaplasia

H. Sahel a,∗,b, S. Bellaifa c, R. Baba-Ahmed a,c

a
Université d’Alger 1, Faculté de Médecine, Alger, Algérie
b
Service de dermatologie, CHU Bab-El-Oued, Alger, Algérie
c
Laboratoire Anatomie Pathologique, CHU Bab-El-Oued, Alger, Algérie

Reçu le 25 novembre 2017 ; accepté le 4 septembre 2019


Disponible sur Internet le 18 octobre 2019

MOTS CLÉS Résumé


psoriasis ; Introduction. — La métaplasie lipomateuse dermique est un aspect histologique particulier,
métaplasie caractérisé par la présence d’adipocytes matures au niveau du derme. Elle est observée dans le
lipomateuse stroma tissulaire de certaines tumeurs cutanées et dans un seul cas de psoriasis, leur conférant
une coloration jaune orangée. Nous rapportons une deuxième observation.
Observation. — Une femme âgée de 82 ans consultait pour une poussée de psoriasis étendu,
d’extension rapide depuis 3 mois. Le psoriasis évoluait depuis 30 ans et avait été rarement
traité. L’examen clinique retrouvait des plaques jaune orangé isolées ou mélangées aux plaques
de psoriasis. Le bilan biologique lipidique était sans anomalie. L’électrophorèse des protéines
trouvait une inflammation chronique. L’étude anatomopathologique et immunohistochimique
a permis de retenir le diagnostic de métaplasie lipomateuses dermique. Un traitement par
acitrétine à la posologie de 20 mg/jour entraînait une nette amélioration de l’éruption en un
mois.
Conclusion. — La métaplasie lipomateuse dermique est une entité très particulière et excep-
tionnelle, à évoquer devant des lésions jaune orangé.
© 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

∗ Auteur correspondant.
Adresse e-mail : houriasahel2015@gmail.com (H. Sahel).

https://doi.org/10.1016/j.annder.2019.09.008
0151-9638/© 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Lésions jaunâtres de psoriasis révélant une métaplasie lipomateuse dermique 47

KEYWORDS Summary
Psoriasis; Introduction. — Dermal lipomatous metaplasia is a particular histological presentation charac-
dermal lipomatous terized by the presence of mature fat cells in the dermis. It is found in the tissue stroma of
metaplasia certain skin tumours and in a single reported case of psoriasis, imparting an orange-yellow tint.
Herein we report a second case of this type.
Patients and methods. — An 82-year-old woman was consulting for an extensive, rapidly sprea-
ding psoriasis flare-up that had appeared 3 months earlier. Her psoriasis had been present
for 30 years and had rarely been treated. The clinical examination revealed orange-yellow
patches, either alone or mixed with psoriasis plaques. The laboratory lipid balance was
without abnormalities. Protein electrophoresis revealed chronic inflammation. Histopathology
and immunohistochemistry findings supported the diagnosis of dermal lipomatous metaplasia.
Acitretin 20 mg/day produced marked improvement in the rash within one month.
Conclusion. — Dermal lipomatous metaplasia is a highly specific and rare entity that should be
considered where orange-yellow lesions are seen.
© 2019 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

La métaplasie lipomateuse (ML) dermique est définit par la


localisation anormale de cellules adipeuses matures dans le
derme. Cet aspect histologique a été décrit en association
avec des tumeurs cutanées bénignes et malignes et avec des
plaques de psoriasis dans un seul cas. Nous rapportons une
deuxième observation.

Observation
Une femme de 82 ans, aux antécédents d’hypertension
artérielle traitée, consultait pour une poussée étendue
de psoriasis, survenue après le décès de sa fille 3 mois
auparavant. Le psoriasis évoluait par poussées rémission
depuis 30 ans et avait été rarement traité en raison d’une
bonne tolérance par la patiente. L’examen clinique trouvait
des plaques jaunes orangées non infiltrées, non doulou-
reuses, non prurigineuses, localisées soit à la périphérie
des plaques de psoriasis, soit sur celles-ci, leur conférant
une coloration jaune orangé (Fig. 1). La patiente ignorait
Figure 1. Plaques de psoriasis associées à des plaques jaunes
la date de début d’évolution de ces lésions. Le bilan bio-
orangées de métaplasie lipomateuse dermique du dos et des fesses.
logique (numération formule sanguine, rénal, hépatique,
cholestérol total, HDL et LDL-cholestérol, triglycérides)
était sans anomalie. L’électrophorèse des protéines mon- Un traitement par acitrétine à la dose de 20 mg/jour a été
trait une inflammation chronique. L’examen histologique débuté. Après un mois de traitement, un début de régres-
d’une biopsie cutanée réalisée sur une lésion jaunâtre trou- sion des plaques jaune orangé et du psoriasis était observé
vait un épiderme régulier légèrement aminci, un derme (Fig. 3).
sous-jacent comportant des nappes d’adipocytes matures
et des fibres collagènes qui les séparaient de l’hypoderme
(Fig. 2), sans présence d’histiocytes spumeux. L’examen Discussion
immuno-histochimique montrait un marquage membranaire
de PS 100 homogène des cellules adipeuses matures intra- La topographie anormale d’un tissu mature transformé en
dermiques et l’absence d’expression du CD68 éliminant ainsi un autre tissu mature ayant des caractères fonctionnels et
un xanthogranulome. Ces aspects histologiques et immuno- structurels normaux définit la métaplasie [1]. L’exemple le
histochimiques permettaient de porter le diagnostic d’une plus classique étant celui de la métaplasie digestive [2].
ML dermique. La ML concerne le tissu adipeux. Elle a été décrite au
48 H. Sahel et al.

L’immunomarquage de la PS100 était positif et celui du


CD163 négatif éliminant ainsi respectivement le diagnos-
tic de vacuoles dermiques et d’une lipogranulomatose [6].
Celle-ci se caractérise par une nécrose du pannicule adipeux
sous-cutané entrainant une réaction granulomateuse inflam-
matoire constituée en plus des cellules inflammatoires, de
macrophages spumeux qui prennent l’aspect d’adipocytes
[7]. En dehors des tumeurs cutanées, la ML dermique asso-
ciée à une dermatose inflammatoire n’a été rapporté qu’une
fois, au cours d’un psoriasis également. Il s’agissait d’une
patiente de 69 ans avec un antécédent de psoriasis non
traité évoluant depuis l’âge de 20 ans. Elle développait deux
épisodes de pustulose exanthématique aiguë généralisée,
suivis par l’apparition de plaques jaunâtres des cuisses et
des bras de séméiologie identique à celles de notre obser-
vation. L’étude anatomopathologique de la biopsie cutanée
réalisée sur ces lésions révélait une bande de cellules adi-
Figure 2. Aspect histologique en microscopie optique à faible peuses matures du derme superficiel, avec une expression
grossissement, évocateur de la métaplasie lipomateuse dermique. de la PS100 à l’immunomarquage, confirmant la nature adi-
pocytaire de ces cellules [8].
Plusieurs diagnostics différentiels peuvent être évoqués.
Sur le plan clinique, l’aspect jaunâtre des plaques peut
être confondu avec une xanthomisation post-inflammatoire,
éliminée dans notre cas par l’absence d’expression du CD
68. Sur le plan histologique, une infiltration du derme par
de la graisse ou la présence dans le derme de vacuoles
optiquement vides peuvent se discuter mais l’aspect mor-
phologique, l’absence de noyaux ainsi que la négativité de
la PS100 en immunohistochimie permettent d’éliminer ces
diagnostics. La présence de graisse dans le derme asso-
ciée à un infiltrat lymphocytaire a été signalée chez deux
patients présentant un psoriasis. Elle résulterait proba-
blement d’un dépôt dans le derme de lipides exogènes
(lanoline et vaseline) contenus dans les dermocorticoïdes
ou serait secondaire à l’effet de l’inflammation qui entraî-
nerait une destruction des glandes sébacées déversant ainsi
leur contenu dans le derme [9,10].
La « pseudolipomatose cutanée » est un autre diagnostic
à discuter. Vingt six biopsies cutanées d’affections associant
inflammation ou fibrose avec des vacuoles dermiques ont
été examinées à la recherche de l’origine de ces vacuoles
Figure 3. Amélioration des plaques de psoriasis et des lésions de ou de leur association avec des dermatoses spécifiques [11].
la métaplasie lipomateuse dermique après un mois de traitement Celles-ci étaient à contenu vide, de différentes tailles, bien
par acitrétine. circonscrites mais sans membrane ou noyaux individualisés,
siégeant dans le derme superficiel. Aucun lien avec un pro-
sein du stroma tumoral de nombreuses néoplasies bénignes cessus pathologique particulier n’a été mis en évidence.
ou malignes dans divers organes [3]. La ML a été rappor- L’immunohistochimie et l’examen des fragments cutanés
tée aussi chez des patients ayant présenté un infarctus congelés ainsi que la microscopie électronique éliminaient
du myocarde (IDM), le tissu cicatriciel de la zone infar- une origine vasculaire, adipocytaire, lymphocytaire ou
cie étant remplacé par un tissu adipeux [4]. Au niveau mucineuse.
cutané, la ML dermique se caractérise par la présence Cet aspect serait un artefact secondaire à une mauvaise
anormale de cellules adipeuses matures dans le derme. fixation du tissu de biopsie ou à une injection de bulles
Cet aspect histologique a été noté dans de nombreuses d’air lors de l’anesthésie locale. Ces auteurs parlent ainsi
tumeurs cutanées bénignes ou malignes. Ainsi, une infiltra- « d’une pseudolipomatose cutanée » par analogie avec « la
tion adipeuse focale ou diffuse a été rapportée dans 22 cas pseudolipomatose intestinale » secondaire à l’insufflation de
d’une série de 320 neurofibromes cutanés [5]. Googe et al. l’air dans la muqueuse intestinale lors de l’introduction de
ont rapporté une ML dermique au sein du stroma tumo- l’endoscope.
ral d’une série de dix tumeurs cutanées (cinq carcinomes Ces vacuoles vides dermiques ont été rapportées chez
basocellulaires, deux carcinomes épidermoïdes, un spira- deux patients, n’ayant pas utilisé de dermocorticoïdes avant
dénome, un cylindrome, et une porokératose actinique). la biopsie cutanée [12]. Selon ces auteurs, celles-ci seraient
Elle était localisée au sein d’un tissu non inflammatoire secondaires à une injection superficielle de l’anesthésique
et non fibrosé, siège d’une élastose solaire dans 8 cas/10. local formant des bulles d’air dans le derme ou seraient une
Lésions jaunâtres de psoriasis révélant une métaplasie lipomateuse dermique 49

caractéristique histologique tardive du psoriasis, modifiée Conclusion


par le grattage ou le traumatisme, en relation avec le siège
de la biopsie cutanée qui était réalisée sur les genoux. La métaplasie lipomateuse dermique est une entité très par-
L’origine des adipocytes trouvés anormalement dans le ticulière et rare, à évoquer devant des lésions jaune orangé.
derme au cours de la ML est inconnue. Ils pourraient pro-
venir d’une transformation des fibroblastes ou des cellules
souches pluripotentes dermiques ou d’une migration des adi- Déclaration de liens d’intérêts
pocytes du tissu sous-cutané dans le derme comme cela a
été proposé par Finch et al. dans le cas de ML associées à
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.
certaines tumeurs surrénaliennes [13]. Cette transformation
ou cette migration des adipocytes pourrait être secondaire
à une inflammation chronique ou sévère [8]. Il est à noter
que deux épisodes de PEAG avaient précédé l’apparition
Références
des lésions de ML dermique associée à un psoriasis dans
l’observation rapportée par Eyerich et al. [8]. Dans notre [1] Mosnier JF. Métaplasies digestives : biologie et physiopatholo-
gie. Ann Pathol 2012;32:67—9.
observation, l’amélioration des lésions de ML grâce au trai-
[2] Malfertheiner P, Peitz U. The interplay between Helicobacter
tement du psoriasis et par conséquent la diminution de
pylori, gastrooesophageal reflux disease and intestinal meta-
l’inflammation cutanée seraient en faveur de cette hypo- plasia. Gut 2005;54:13—20.
thèse. Trois autres facteurs peuvent favoriser la ML : l’âge, [3] Helenon O, Merran S, Paraf F, Melki P, Correas JM, Chrétien Y,
la chronicité de la pathologie sous-jacente et les prises et al. Unusual fat-containing tumors of the kidney: a diagnostic
médicamenteuses. En effet, les observations de ML sont rap- dilemma. Radiographics 1997;17:129—44.
portées en majorité chez des personnes âgées. Dans la série [4] Arnold JR, Karamitsos TD, Pegg TJ, Francis JM, Neubauer S.
de dix tumeurs cutanées associée à une ML dermique rap- Left ventricular lipomatous metaplasia following myocardial
portée par Googe et al., l’âge variait entre 42 et 95 ans infarction. Int J Cardiol 2009;137:11—2.
et 7 malades/10 avaient plus de 60 ans [6]. Dans la série [5] Val-Bernal JF, González-Vela MC. Cutaneous lipomatous neu-
rofibroma: characterization and frequency. J Cutan Pathol
de neurofibromes cutanés, un âge élevé favoriserait éga-
2005;32:274—9.
lement l’infiltration adipeuse focale [5]. Nous supposons,
[6] Googe PB, Tidwell WJ, Rosenberg AE. Lipomatous metaplasia
comme ces auteurs, que la ML dermique pourrait être plus of superficial dermis. J Cutan Pathol 2016;43:120—4.
fréquente si elle était recherchée systématiquement, parti- [7] Asano Y, Idezuki T, Igarashi A. A case of Rothmann-Makai
culièrement chez les personnes âgées. La chronicité est un panniculitis successfully treated with tetracycline. Clin Exp
autre facteur intervenant probablement dans la genèse de Dermatol 2006;31:365—7.
la ML puisque son développement nécessite plusieurs années [8] Eyerich K, Traidl-Hoffmann C, Albert A, Kerzl R, Rombold S,
d’évolution [5,14]. Enfin, l’origine iatrogène n’est pas à Darsow U. Lipomatous metaplasia after severe and chronic
éliminer. L’utilisation de nouveaux traitements a été incrimi- cutaneous inflammation. Dermatology 2008;217:52—5.
née dans la survenue de la ML après IDM [4]. Notre patiente, [9] Lazarov A, Avinoach I, Giryes H, Halevy S. Dermal spherulosis
(myospherulosis) after topical treatment for psoriasis. J Am
âgée de 82 ans, recevait un traitement anti hypertenseur
Acad Dermalol 1994;30:265—7.
et présentait un psoriasis chronique. Tous ces facteurs pour-
[10] Lee J, Bhawan J, Rothman K. Massive papillary dermal
raient être impliqués dans la genèse de sa ML dermique. fatty infiltration in a patient with psoriasis. J Cutan Pathol
L’évolution de la ML est inconnue. Elle peut retentir sur 1995;22:182—4.
la fonction de l’organe, comme dans l’IDM où elle a été [11] Trotter MJ, Crawford RI. Pseudolipomatosis cutis: superficial
incriminée dans la genèse de troubles du rythme et de la dermal vacuoles resembling fatty infiltration of the skin. Am J
survenue de morts subites [14]. Dans la peau, la ML est un Dermatopathol 1998;20:443—7.
diagnostic histologique, sans modification de l’architecture [12] Ayva S, Erkek E, Atasoy P. Dermal vacuoles in two biopsies of
ou de la fonction de la peau, en dehors d’une modifica- psoriasis. Australas J Dermatol 2008;49:245—7.
tion de sa couleur notée au cours du psoriasis, comme dans [13] Finch C, Davis R, Truong LD. Extensive lipomatous metaplasia in
bilateral macronodular adrenocortical hyperplasia. Arch Pathol
notre observation et dans le cas rapporté dans la littéra-
Lab Med 1999;123:167—9.
ture [8]. Le risque de dégénérescence est discuté du fait de
[14] Mordi I, Radjenovic A, Stanton T, Gardner RS, McPhaden A,
l’observation de différents stades de transition entre des Carrick D, et al. Prevalence and prognostic significance of lipo-
cellules carcinomateuses et des adipocytes matures dans matous metaplasia in patients with prior myocardial infarction.
certains processus néoplasiques où la ML est observée [15]. JACC Cardiovasc Imaging 2015;8:1111—2.
Dans la métaplasie intestinale de l’œsophage, ce risque est [15] Izumi M, Serizawa H, Iwaya K, Takeda K, Sasano H, Mukai
certain puisque cette métaplasie s’associe à un risque élevé K. A case of myxoid adrenocortical carcinoma with exten-
de transformation en un adénocarcinome œsophagien [16]. sive lipomatous metaplasia. Arch Pathol Lab Med 2003;127:
Nous n’avons pas assez de recul dans notre observation pour 227—30.
se prononcer sur ce risque. Néanmoins, un suivi clinique et [16] Coriat R, Perkins G, Brezault C. Incidence and physiopatho-
logy of high-grade dysplasia in Barrett’s esophagus. Presse Med
histologique régulier du patient atteint de psoriasis associé à
2011;40:496—501.
une ML dermique rapporté par Eyerich et al. n’a pas montré
de transformation carcinomateuse [8].
Annales de dermatologie et de vénéréologie (2020) 147, 50—56

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LETTRES À LA RÉDACTION

Réaction urticarienne localisée


induite par le rituximab sur un
lymphome B cutané primitif de la
zone marginale

Localized urticarial rituximab-induced reaction in pri-


mary cutaneous marginal zone B-cell lymphoma

Le lymphome B cutané primitif de la zone marginale (LBC


ZM) fait partie, selon la classification WHO-EORTC (World
Health Organization—European Organization for Research
and Treatment of Cancer) [1], des lymphomes indolents
de très bon pronostic. Le rituximab, anticorps monoclonal
anti-CD20, traitement classique du LBC ZM, a montré son
efficacité avec des réponses complètes après administration
par voie intraveineuse ou intralésionnelle [2].
Nous rapportons la survenue d’une réaction urticarienne
localisée en regard des lésions cutanées d’un LBC ZM lors des
deux premières perfusions de rituximab, réaction explorée
par des tests allergologiques.

Observation

Un homme de 41 ans présentait depuis plusieurs années


de grandes plaques papulo-nodulaires érythémateuses et
prurigineuses prédominant aux membres supérieurs, sans Figure 1. Face interne du bras gauche. A. Plaques érythéma-
altération de l’état général. L’analyse en immunohistochi- teuses infiltrées mal limitées de LBC ZM avant traitement par
mie de la biopsie d’un des nodules montrait un infiltrat rituximab. B. Papules urticariennes prurigineuses limitées à la zone
lymphoïde dermique CD20+ et bcl2+ au centre, CD3+ et de lymphome, apparues 45 minutes après le début de l’injection
intraveineuse de rituximab.
CD5+ en périphérie, associé à quelques images de différen-
ciation plasmocytaire sans monotypie. Les recherches d’un
clone B et d’une translocation t(14,18) (q32;q21) n’étaient lymphome préexistantes (Fig. 1B). Il n’existait pas de fièvre
pas effectuées. L’immunophénotypage lymphocytaire san- ni de retentissement hémodynamique, pas d’angio-œdème
guin était normal, ainsi que le reste du bilan d’évaluation ni de lésion au point d’injection. La perfusion était arrêtée
(tomodensitométrie thoraco-abdomino-pelvienne et biopsie et les lésions urticariennes disparaissaient en moins d’une
ostéo-médullaire normales, sérologie de borréliose néga- heure sous dexchlorphéniramine par voie intraveineuse et
tive). Le diagnostic de LBC ZM était retenu. Devant la dermocorticoïdes, alors que persistaient les lésions initiales
régression quasi complète des lésions après la réalisation de lymphome.
des biopsies, le patient était traité par des dermocorticoïdes Une exploration allergologique (prick-tests, intradermo-
(clobétasol). réactions diluées à 1/1000, 1/100, 1/10 et pure) était
Sept ans après le diagnostic initial réapparaissaient de réalisée au décours de l’épisode aigu et se révélait négative.
multiples papules érythémateuses des membres supérieurs Le rituximab était réintroduit deux mois après la pre-
(Fig. 1A), avec un aspect histologique en faveur d’une réci- mière perfusion. Quarante-cinq minutes après le début de
dive du LBC ZM. Un cycle de traitement par rituximab la perfusion, les lésions urticariennes prurigineuses réci-
intraveineux était débuté, comprenant quatre perfusions de divaient, toujours strictement localisées aux plaques du
375 mg/m2 espacées entre elles d’une semaine. Cinquante LBC ZM et sans aucun symptôme systémique associé. Elles
minutes après le début de la première perfusion, malgré un régressaient rapidement sous levocétirizine per os. Le bilan
protocole de prémédication, apparaissait un œdème cutané biologique était normal, sans hyperéosinophilie. Une biop-
rosé très prurigineux, strictement localisé aux lésions de sie des lésions d’aspect urticarien montrait un infiltrat
Lettres à la rédaction 51

évidence quelques cellules CD117+ et CD8+ (Fig. 2C). Les


immunomarquages du CD56 et du granzyme B étaient néga-
tifs.
Lors des deux perfusions de rituximab suivantes, aucune
réaction sur les lésions de lymphome cutané n’était consta-
tée. Le patient étant en rémission complète du LBC ZM à la
fin du cycle de rituximab et jusqu’à un an de suivi, avant
d’être perdu de vue.

Discussion

Les réactions aiguës induites par le rituximab peuvent être


en rapport avec un phénomène allergique de type anaphy-
lactique, une hypersensibilité immédiate non spécifique,
une lyse tumorale ou un syndrome de relargage des cyto-
kines. La fréquence de ces réactions lors de la première
perfusion est supérieure à 70 % [3], ce qui nécessite une
prémédication ainsi qu’un débit de perfusion ralenti.
La réaction urticarienne observée chez notre patient
n’évoquait pas une allergie à type d’hypersensibilité immé-
diate, de par sa localisation exclusive en regard des lésions
de lymphome cutané, la négativité des tests allergologiques
au rituximab ainsi que l’absence de récidive lors des troi-
sième et quatrième perfusions. Par ailleurs, l’histologie
des lésions pseudo-urticariennes n’était pas en faveur
d’une urticaire vraie (présence d’un infiltrat lymphocytaire
périvasculaire, et de polynucléaires neutrophiles et éosino-
philes), et il persistait histologiquement le LBC ZM connu.
Huit cas similaires de réactions cutanées urticariennes
siégeant exclusivement sur les zones de lymphomes B cuta-
nés primitifs, sans signes généraux associés, ont été décrits
dans la littérature [4—10]. Il s’agissait majoritairement de
lymphomes cutanés primitifs de type centro- folliculaire,
d’un lymphome B à grandes cellules de type membre infé-
rieur et d’un LBC ZM. Cet effet secondaire survenait dans
tous les cas lors de la première perfusion de rituximab, et
dans deux cas pendant la première perfusion d’un nouveau
cycle [4,9]. Dans les huit cas, le rituximab était poursuivi
sans nouvelle symptomatologie urticarienne lors des injec-
tions suivantes. Aucun test allergologique n’avait été réalisé
dans ce contexte. À notre connaissance, il n’existe aucun cas
décrit de deux réactions cutanées consécutives (première et
deuxième perfusions d’un même cycle de rituximab) comme
chez notre patient. Le délai de deux mois entre ces deux per-
fusions, du fait de la réalisation des tests allergologiques,
pourrait expliquer cette récidive.
L’analyse anatomopathologique des lésions a été réa-
lisée dans trois des huit cas publiés. Elle montrait
Figure 2. Biopsie cutanée des lésions urticariennes. A. Présence
l’infiltrat lymphocytaire B néoplasique, sans signes spéci-
d’un infiltrat lymphocytaire nodulaire du derme moyen, coloration
Hématéine-Eosine- Safran, ×20. B. Lymphocytes CD20+ se regrou- fiques d’urticaire, comme chez notre patient. Dans le cas
pant en îlots dans le derme (flèche noire), immunomarquage de rapporté par Ingen-Housz-Oro et al. [9], des immunomar-
CD20 révélé par la diaminobenzidine, ×2. C. Présence de quelques quages complémentaires montraient également la présence
cellules T CD8+ au sein de l’infiltrat néoplasique du LBCZM (flèche de débris nucléaires, de polynucléaires neutrophiles, de
noire), coloration Hématéine-Eosine-Safran, ×4. mastocytes, de lymphocytes NK et CD8+, et quelques cel-
lules exprimant le granzyme B au sein du derme. La présence
de ces éléments pourrait suggérer l’implication d’une cyto-
nodulaire lymphocytaire B CD3+ et CD20+ regroupé en îlots, toxicité précoce du rituximab dépendant des anticorps et
avec en périphérie une différenciation plasmocytaire sans médiée par le complément [11], comme pour notre patient.
monotypie et la présence d’un clone B. Un discret œdème De plus, comme cela a été évoqué par d’autres auteurs
dermique superficiel était noté, sans infiltrat périvascu- [5,9], un relargage cytokinique localisé, avec complexes
laire ni polynucléaires neutrophiles ou éosinophiles visibles CD20/anti-CD20 au sein des lésions du LBC ZM pourrait expli-
(Fig. 2A et B). D’autres immunomarquages mettaient en quer la réaction urticarienne. Dans notre observation, les
52 Lettres à la rédaction

données histologiques sont peu significatives, avec la pré- Type after Successive Rituximab Treatment. Case Rep Dermatol
sence uniquement de quelques mastocytes et lymphocytes 2014;6:218—21.
CD8+. L’analyse anatomopathologique de cas similaires [11] Weiner GJ. Rituximab: Mechanism of Action. Semin Hematol
devra être réalisée afin de mieux comprendre la physiopa- 2010;47:115—23.
thologie de cette réaction.
La survenue d’une réaction cutanée urticarienne pourrait E. Joly a,∗,d , O. Rimond a , V. Salaun b ,
être associée à un bon pronostic de réponse au rituximab F. Comoz c , C. Morice a , A. Dompmartin a,d ,
avec un effet antitumoral précoce, comme l’ont suggéré L. Verneuil a
a Service de dermatologie, CHU de Caen, avenue
Rey et al., avec dans les neuf cas de lymphomes cutanés
de la Côte-de-Nacre, 14033 Caen, France
décrits, un taux de rémission complète important pour un b Service d’hématologie biologique, CHU de Caen,
suivi moyen de 17,8 mois (de 5 à 60 mois). Néanmoins, aucun
14033 Caen, France
cas de réaction urticarienne similaire permettant d’étayer c Service d’anatomie pathologie, CHU de Caen,
cette hypothèse n’a été rapporté avec d’autres pathologies 14033 Caen, France
dermatologiques tumorales. d Université de Caen Normandie, Medical School,

En pratique, l’aspect de cette réaction urticarienne peut 14000 Caen, France


être trompeur et orienter faussement vers une allergie au ∗ Auteur correspondant.
rituximab. Les tests allergologiques réalisés peuvent alors
Adresse e-mail : elisa-joly@hotmail.fr (E. Joly)
être utiles pour infirmer cette hypothèse. Cette réaction
locale bien tolérée et spontanément résolutive ne consti- Reçu le 8 août 2018 ;
tue pas une contre-indication au rituximab, qui peut être accepté le 4 septembre 2019
poursuivi. Disponible sur Internet le 18 octobre 2019

Déclaration de liens d’intérêts


https://doi.org/10.1016/j.annder.2019.09.002
0151-9638/© 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

Références
Varicelle débutant par des lésions
périnéales : 3 cas
[1] Willemze R. WHO-EORTC classification for cutaneous lympho-
mas. Blood 2005;105:3768—85. Chicken pox presenting initially as perineal lesions: 3
[2] Fernández-Guarino M, Ortiz-Romero PL, Fernández-Misa R, cases
Montalbán C. Rituximab in the treatment of primary cuta-
neous B-cell lymphoma: a review. Actas Dermo-Sifiliográficas
2014;105:438—45. La varicelle est une infection virale très contagieuse en règle
[3] Genentech Inc. Rituxan. South San Francisco, CA: Genen- bénigne chez l’enfant, due au virus zona-varicelle [1]. Elle
tech Inc; 2008 https://www.gene.com/download/pdf/rituxan se manifeste par un exanthème vésiculeux et prurigineux.
prescribing.pdf. Le siège initial sur le cuir chevelu, l’extension au tronc et
[4] Perez-Gala S, Delgado-Jimenez Y, Goiriz R, Fraga J, Garcia-Diez aux membres puis au visage avec respect des paumes et des
A, Fernandez-Herrera J. Cytokine-release syndrome related to plantes caractérisent habituellement cette éruption [2].
rituximab limited to lesions and excision scars of lesions of pri-
Nous rapportons 3 cas de varicelle atteignant des enfants
mary cutaneous lymphoma. Arch Dermatol 2006;142:1516—7.
[5] Rey J, Wickenhauser S, Ivanov V, Coso D, Gastaut J, Bouab-
habitant dans le Loiret vus au printemps 2018 et dont le
dallah R. A case of rituximab- related urticarial reaction in mode de début était une éruption papulo-vésiculeuse péri-
cutaneous B-cell lymphoma. J Eur Acad Dermatol Venereol néale.
2009;23 [210-210].
[6] Errante D, Bernardi D, Bianco A, De Nardi S, Salvagno Observation
L. Rituximab-related urticarial reaction in a patient trea-
La première patiente était un nourrisson de 8 mois dont
ted for primary cutaneous B-cell lymphoma. Ann Oncol
2006;17:1720—1.
la varicelle avait été diagnostiquée devant des papulo-
[7] Heinzerling LM, Urbanek M, Funk JO, Peker S, Bleck O, Neu- vésicules ombiliquées entourées d’un liseré érythémateux
ber K, et al. Reduction of tumor burden and stabilization of siégeant sur la vulve et les fesses et évoluant depuis
disease by systemic therapy with anti-CD20 antibody (rituxi- 24 heures sans fièvre associée (Fig. 1). Après quarante-huit
mab) in patients with primary cutaneous B-cell lymphoma. heures, un exanthème vésiculeux de distribution classique
Cancer 2000;89:1835—44. d’une varicelle apparaissait. L’évolution était favorable en
[8] Brunet-Possenti F, Franck N, Tamburini J, Jacobelli S, Avril quinze jours.
M-F, Dupin N. Focal Rituximab- Induced Edematous Reaction Le second cas est celui d’un enfant de 4 ans, cousin de
at Primary Cutaneous Follicle Center Lymphoma Lesions: Case l’enfant précédant, et qui présentait des papulo-vésicules
Report and Literature Review. Dermatology 2011;223:200—2.
ombiliquées d’apparition aiguë, sur les fesses et le scrotum,
[9] Ingen-Housz-Oro S, Ortonne N, Chosidow O. Rituximab-related
urticarial reaction overlying primary cutaneous follicle centre
sans signes généraux (Fig. 2). Une PCR réalisée sur le liquide
lymphoma: histological appearance and pathophysiological d’une vésicule était positive pour le virus zona-varicelle ; le
hypotheses. J Eur Acad Dermatol Venereol 2014;28:976—8. génome des coxsackies et herpès simplex virus n’était pas
[10] Itoi S, Tanemura A, Hayashi M, Nagata N, Tani M, Katayama détecté. Après deux jours d’évolution des vésicules ombili-
I. Transient Wheal Attack Corresponding to the Tumor Lesions quées sont apparues avec une topographie et une extension
of Primary Cutaneous Diffuse Large B Cell Lymphoma, Leg caractéristiques de varicelle.
52 Lettres à la rédaction

données histologiques sont peu significatives, avec la pré- Type after Successive Rituximab Treatment. Case Rep Dermatol
sence uniquement de quelques mastocytes et lymphocytes 2014;6:218—21.
CD8+. L’analyse anatomopathologique de cas similaires [11] Weiner GJ. Rituximab: Mechanism of Action. Semin Hematol
devra être réalisée afin de mieux comprendre la physiopa- 2010;47:115—23.
thologie de cette réaction.
La survenue d’une réaction cutanée urticarienne pourrait E. Joly a,∗,d , O. Rimond a , V. Salaun b ,
être associée à un bon pronostic de réponse au rituximab F. Comoz c , C. Morice a , A. Dompmartin a,d ,
avec un effet antitumoral précoce, comme l’ont suggéré L. Verneuil a
a Service de dermatologie, CHU de Caen, avenue
Rey et al., avec dans les neuf cas de lymphomes cutanés
de la Côte-de-Nacre, 14033 Caen, France
décrits, un taux de rémission complète important pour un b Service d’hématologie biologique, CHU de Caen,
suivi moyen de 17,8 mois (de 5 à 60 mois). Néanmoins, aucun
14033 Caen, France
cas de réaction urticarienne similaire permettant d’étayer c Service d’anatomie pathologie, CHU de Caen,
cette hypothèse n’a été rapporté avec d’autres pathologies 14033 Caen, France
dermatologiques tumorales. d Université de Caen Normandie, Medical School,

En pratique, l’aspect de cette réaction urticarienne peut 14000 Caen, France


être trompeur et orienter faussement vers une allergie au ∗ Auteur correspondant.
rituximab. Les tests allergologiques réalisés peuvent alors
Adresse e-mail : elisa-joly@hotmail.fr (E. Joly)
être utiles pour infirmer cette hypothèse. Cette réaction
locale bien tolérée et spontanément résolutive ne consti- Reçu le 8 août 2018 ;
tue pas une contre-indication au rituximab, qui peut être accepté le 4 septembre 2019
poursuivi. Disponible sur Internet le 18 octobre 2019

Déclaration de liens d’intérêts


https://doi.org/10.1016/j.annder.2019.09.002
0151-9638/© 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

Références
Varicelle débutant par des lésions
périnéales : 3 cas
[1] Willemze R. WHO-EORTC classification for cutaneous lympho-
mas. Blood 2005;105:3768—85. Chicken pox presenting initially as perineal lesions: 3
[2] Fernández-Guarino M, Ortiz-Romero PL, Fernández-Misa R, cases
Montalbán C. Rituximab in the treatment of primary cuta-
neous B-cell lymphoma: a review. Actas Dermo-Sifiliográficas
2014;105:438—45. La varicelle est une infection virale très contagieuse en règle
[3] Genentech Inc. Rituxan. South San Francisco, CA: Genen- bénigne chez l’enfant, due au virus zona-varicelle [1]. Elle
tech Inc; 2008 https://www.gene.com/download/pdf/rituxan se manifeste par un exanthème vésiculeux et prurigineux.
prescribing.pdf. Le siège initial sur le cuir chevelu, l’extension au tronc et
[4] Perez-Gala S, Delgado-Jimenez Y, Goiriz R, Fraga J, Garcia-Diez aux membres puis au visage avec respect des paumes et des
A, Fernandez-Herrera J. Cytokine-release syndrome related to plantes caractérisent habituellement cette éruption [2].
rituximab limited to lesions and excision scars of lesions of pri-
Nous rapportons 3 cas de varicelle atteignant des enfants
mary cutaneous lymphoma. Arch Dermatol 2006;142:1516—7.
[5] Rey J, Wickenhauser S, Ivanov V, Coso D, Gastaut J, Bouab-
habitant dans le Loiret vus au printemps 2018 et dont le
dallah R. A case of rituximab- related urticarial reaction in mode de début était une éruption papulo-vésiculeuse péri-
cutaneous B-cell lymphoma. J Eur Acad Dermatol Venereol néale.
2009;23 [210-210].
[6] Errante D, Bernardi D, Bianco A, De Nardi S, Salvagno Observation
L. Rituximab-related urticarial reaction in a patient trea-
La première patiente était un nourrisson de 8 mois dont
ted for primary cutaneous B-cell lymphoma. Ann Oncol
2006;17:1720—1.
la varicelle avait été diagnostiquée devant des papulo-
[7] Heinzerling LM, Urbanek M, Funk JO, Peker S, Bleck O, Neu- vésicules ombiliquées entourées d’un liseré érythémateux
ber K, et al. Reduction of tumor burden and stabilization of siégeant sur la vulve et les fesses et évoluant depuis
disease by systemic therapy with anti-CD20 antibody (rituxi- 24 heures sans fièvre associée (Fig. 1). Après quarante-huit
mab) in patients with primary cutaneous B-cell lymphoma. heures, un exanthème vésiculeux de distribution classique
Cancer 2000;89:1835—44. d’une varicelle apparaissait. L’évolution était favorable en
[8] Brunet-Possenti F, Franck N, Tamburini J, Jacobelli S, Avril quinze jours.
M-F, Dupin N. Focal Rituximab- Induced Edematous Reaction Le second cas est celui d’un enfant de 4 ans, cousin de
at Primary Cutaneous Follicle Center Lymphoma Lesions: Case l’enfant précédant, et qui présentait des papulo-vésicules
Report and Literature Review. Dermatology 2011;223:200—2.
ombiliquées d’apparition aiguë, sur les fesses et le scrotum,
[9] Ingen-Housz-Oro S, Ortonne N, Chosidow O. Rituximab-related
urticarial reaction overlying primary cutaneous follicle centre
sans signes généraux (Fig. 2). Une PCR réalisée sur le liquide
lymphoma: histological appearance and pathophysiological d’une vésicule était positive pour le virus zona-varicelle ; le
hypotheses. J Eur Acad Dermatol Venereol 2014;28:976—8. génome des coxsackies et herpès simplex virus n’était pas
[10] Itoi S, Tanemura A, Hayashi M, Nagata N, Tani M, Katayama détecté. Après deux jours d’évolution des vésicules ombili-
I. Transient Wheal Attack Corresponding to the Tumor Lesions quées sont apparues avec une topographie et une extension
of Primary Cutaneous Diffuse Large B Cell Lymphoma, Leg caractéristiques de varicelle.
Lettres à la rédaction 53

Figure 1. Éruption papulo-vésiculeuse de la vulve et des fesses


chez un nourrisson de 8 mois.
Figure 3. Éruption du périnée chez une fille de 3 ans.

dans la littérature par Fischer et al. dans une série de


130 cas de pathologies vulvaire chez des filles prépubères
[3].
Dans les cas numéros 1 et 3, le principal diagnostic dif-
férentiel était le syndrome pied-main-bouche qui peut se
manifester par une éruption diffuse dans les formes aty-
piques, avec atteinte des fesses, des membres, du visage
et du tronc [4,5]. Ces cas atypiques ont surtout été rappor-
tés au cours des épidémies de syndromes pied-main-bouche
associés au virus coxsackie A6 [4,6]. Dans notre contexte
aucune épidémie de ce type n’a été signalée. Par ailleurs,
dans les cas publiés d’infections à coxsackie, il n’est pas
observé de vésicules à ombilication centrale ni d’atteinte du
cuir chevelu. Dans notre série, chaque enfant a développé
Figure 2. Vésicules ombiliquées du scrotum et des plis inguinaux
des vésicules ombiliquées très évocatrices de l’infection par
chez un enfant de 4 ans.
le virus zona-varicelle, et une atteinte du cuir chevelu a été
observée dans tous les cas.
Le troisième cas est celui d’une enfant de 3 ans, qui
Ce mode méconnu de début périnéal peut éventuelle-
a développé une vulvite et une anite d’apparition aiguë,
ment s’expliquer par un phénomène de Koebner induit par
avec des douleurs mictionnelles et à la défécation, asso-
les couches. Les exanthèmes viraux sont en effet exacer-
ciées à des papulo-vésicules sur le périnée dont certaines
bés par des facteurs physiques ou chimiques tels que la
sont ombiliquées (Fig. 3). Une éruption vésiculeuse classique
pression, les traumatismes, la macération et l’exposition au
de varicelle est apparue deux jours plus tard.
soleil et au froid [7,8]. La formation de lésions similaires
Ces 3 enfants ont tous eu une atteinte du cuir chevelu.
sur les zones exposées aux traumatismes dans les infections
Discussion virales telles que les verrues ou les molluscum contagiosum
est connue dans la littérature anglaise sous le nom de peudo-
Nous rapportons 3 cas d’une éruption papulo-vésiculeuse phénomène de Koebner [9]. H. Bucak et al. rapportent chez
prurigineuse périnéale d’apparition aiguë correspondant au un garçon de 6 ½ ans une prédominance des lésions de vari-
mode de début d’une varicelle infantile. À notre connais- celle sur la face dorsale de la main gauche où une voie
sance un seul cas de varicelle à début périnéal a été cité d’abord vasculaire, maintenue par un pansement adhésif,
54 Lettres à la rédaction

∗ Auteur correspondant.
avait été posée 5 jours auparavant pour une diarrhée avec
vomissements [10]. Belhorn et al. rapportent des lésions plus Adresse e-mail : nihal.bekkali@chr-orleans.fr
nombreuses sur une zone piquée par une abeille, exposée de (N. Bekkali)
façon prolongée au soleil ou sous un pansement post chirur- Reçu le 1er avril 2019 ;
gical [11]. Dans notre cas, seul un enfant portait encore des accepté le 23 septembre 2019
couches. Disponible sur Internet le 28 octobre 2019
Ce mode de début peut être aussi expliqué par le fait
que ces patients sont rarement vus à un stade très précoce
https://doi.org/10.1016/j.annder.2019.09.596
ou par l’absence d’examen systématique du siège et des
0151-9638/© 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
organes génitaux.
Une autre explication pourrait être une mutation du Lésions ulcéro-croûteuses multiples
génome viral du virus zona-varicelle qui modifie son expres- révélant une sarcoïdose systémique
sion clinique d’où ces cas regroupés.
En conclusion, des lésions papulo-vésiculeuses périnéales
d’apparition aiguë doivent faire évoquer une varicelle à un Multiple crusty ulcerative lesions revealing systemic
stade précoce. sarcoidosis

Déclaration de liens d’intérêts Mots clés Sarcoïdose cutanée ulcérée ; Atteinte


unguéale ; Ostéolyse
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. Keywords Ulcerative cutaneous sarcoidosis; Nail
dystrophy; Osteolysis
Références
La sarcoïdose est une maladie systémique, d’expression cli-
nique et radiologique variée, caractérisée histologiquement
[1] Na SY, Son YM, Lee HY, Baek JO, Roh JY, Lee JR. A case of par la présence de granulomes épithélioïdes et giganto-
varicella combined with hand-foot-mouth disease in a healthy cellulaires sans nécrose caséeuse. Nous rapportons une
child. Ann Dermatol 2009;21:98—101.
observation originale par sa présentation clinique, révélant
[2] CEDEF. Infections à herpès virus de l’enfant et de l’adulte
immunocompétents : varicelle et zona. Ann Dermatol Venereol
une sarcoïdose systémique de localisation inhabituelle et
2012;139:A22—8. posant le problème du diagnostic différentiel avec d’autres
[3] Fischer G, Rogers M. Vulvar disease in children: a cli- pathologies infectieuses et inflammatoires.
nical audit of 130 cases. Pediatr Dermatol 2000;17:
1—6. Observation
[4] Mirand A, Peigue-Lafeuille H. Clinical characteristics and Une femme de 57 ans, sans antécédents pathologiques
course of hand, foot, and mouth disease. Arch Pediatr notables, consultait pour des lésions ulcéro-croûteuses
2017;24:1036—46.
du nez, des doigts et des orteils, évoluant depuis 4 ans,
[5] Hubiche T, Schuffenecker I, Boralevi F, Léauté-Labrèze C,
Bornebusch L, Chiaverini C, et al. Dermatological spec-
associées à une dactylite bilatérale et invalidante depuis
trum of hand, foot and mouth disease from classical 2 ans. L’examen dermatologique trouvait une plaque
to generalized exanthema. Pediatr Infect Dis J 2014;33: érythémateuse ulcéro-croûteuse sur le nez avec quelques
92—8. lésions érythémateuses sur les joues (Fig. 1), une dactylite
[6] Yan X, Zhang ZZ, Yang ZH, Zhu CM, Hu YG, Liu QB. Clinical and douloureuse surmontée de plaques ulcéro-croûteuses
etiological characteristics of atypical hand-foot-and-mouth sur les 4e doigts droit et gauche et 2e orteils droit et
disease in children from Chongqing, China: a retrospective gauche, un aspect boudiné des doigts ou déformation en
study. Biomed Res Int 2015;2015:802046.
[7] Nagore E, Sanchez-Motilla JM, Julve N, Lecuona C, Oliver V.
Atypical involvement of the palms and soles in a varicella infec-
tion. Acta Derm Venereol 1999;79:322.
[8] Serrano G, Aliaga A, Bonillo J, Pelufo C, Otero D. Photodis-
tribution of varicella exanthem: report of two cases. Pediatr
Dermatol 1986;3:215—8.
[9] Hosoya R, Miwa M, Nishimura K, Yamamoto T. Erythema mul-
tiforme syndrome associated with varicella. N Engl J Med
1981;305:582.
[10] Bucak IH, Almis H, Turgut M. Varicella pseudo-Koebner phe-
nomenon associated with vascular access opening. Clin Exp
Dermatol 2018;43:203—5.
[11] Belhorn TH1, Lucky AW. Atypical varicella exanthems
associated with skin injury. Pediatr Dermatol 1994;11:
129—32.

N. Bekkali a,∗ , A. Finon a , A. Guigon b ,


E. Esteve a
a Service de dermatologie, CHR d’Orléans, France Figure 1. Plaque érythémateuse infiltrée, de 3 cm de grand axe,
b Laboratoire de microbiologie, CHR d’Orléans,
à centre ulcéro-croûteux, localisée sur le nez, associée à deux
France plaques érythémateuses à centre atrophique sur la joue droite.
54 Lettres à la rédaction

∗ Auteur correspondant.
avait été posée 5 jours auparavant pour une diarrhée avec
vomissements [10]. Belhorn et al. rapportent des lésions plus Adresse e-mail : nihal.bekkali@chr-orleans.fr
nombreuses sur une zone piquée par une abeille, exposée de (N. Bekkali)
façon prolongée au soleil ou sous un pansement post chirur- Reçu le 1er avril 2019 ;
gical [11]. Dans notre cas, seul un enfant portait encore des accepté le 23 septembre 2019
couches. Disponible sur Internet le 28 octobre 2019
Ce mode de début peut être aussi expliqué par le fait
que ces patients sont rarement vus à un stade très précoce
https://doi.org/10.1016/j.annder.2019.09.596
ou par l’absence d’examen systématique du siège et des
0151-9638/© 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
organes génitaux.
Une autre explication pourrait être une mutation du Lésions ulcéro-croûteuses multiples
génome viral du virus zona-varicelle qui modifie son expres- révélant une sarcoïdose systémique
sion clinique d’où ces cas regroupés.
En conclusion, des lésions papulo-vésiculeuses périnéales
d’apparition aiguë doivent faire évoquer une varicelle à un Multiple crusty ulcerative lesions revealing systemic
stade précoce. sarcoidosis

Déclaration de liens d’intérêts Mots clés Sarcoïdose cutanée ulcérée ; Atteinte


unguéale ; Ostéolyse
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. Keywords Ulcerative cutaneous sarcoidosis; Nail
dystrophy; Osteolysis
Références
La sarcoïdose est une maladie systémique, d’expression cli-
nique et radiologique variée, caractérisée histologiquement
[1] Na SY, Son YM, Lee HY, Baek JO, Roh JY, Lee JR. A case of par la présence de granulomes épithélioïdes et giganto-
varicella combined with hand-foot-mouth disease in a healthy cellulaires sans nécrose caséeuse. Nous rapportons une
child. Ann Dermatol 2009;21:98—101.
observation originale par sa présentation clinique, révélant
[2] CEDEF. Infections à herpès virus de l’enfant et de l’adulte
immunocompétents : varicelle et zona. Ann Dermatol Venereol
une sarcoïdose systémique de localisation inhabituelle et
2012;139:A22—8. posant le problème du diagnostic différentiel avec d’autres
[3] Fischer G, Rogers M. Vulvar disease in children: a cli- pathologies infectieuses et inflammatoires.
nical audit of 130 cases. Pediatr Dermatol 2000;17:
1—6. Observation
[4] Mirand A, Peigue-Lafeuille H. Clinical characteristics and Une femme de 57 ans, sans antécédents pathologiques
course of hand, foot, and mouth disease. Arch Pediatr notables, consultait pour des lésions ulcéro-croûteuses
2017;24:1036—46.
du nez, des doigts et des orteils, évoluant depuis 4 ans,
[5] Hubiche T, Schuffenecker I, Boralevi F, Léauté-Labrèze C,
Bornebusch L, Chiaverini C, et al. Dermatological spec-
associées à une dactylite bilatérale et invalidante depuis
trum of hand, foot and mouth disease from classical 2 ans. L’examen dermatologique trouvait une plaque
to generalized exanthema. Pediatr Infect Dis J 2014;33: érythémateuse ulcéro-croûteuse sur le nez avec quelques
92—8. lésions érythémateuses sur les joues (Fig. 1), une dactylite
[6] Yan X, Zhang ZZ, Yang ZH, Zhu CM, Hu YG, Liu QB. Clinical and douloureuse surmontée de plaques ulcéro-croûteuses
etiological characteristics of atypical hand-foot-and-mouth sur les 4e doigts droit et gauche et 2e orteils droit et
disease in children from Chongqing, China: a retrospective gauche, un aspect boudiné des doigts ou déformation en
study. Biomed Res Int 2015;2015:802046.
[7] Nagore E, Sanchez-Motilla JM, Julve N, Lecuona C, Oliver V.
Atypical involvement of the palms and soles in a varicella infec-
tion. Acta Derm Venereol 1999;79:322.
[8] Serrano G, Aliaga A, Bonillo J, Pelufo C, Otero D. Photodis-
tribution of varicella exanthem: report of two cases. Pediatr
Dermatol 1986;3:215—8.
[9] Hosoya R, Miwa M, Nishimura K, Yamamoto T. Erythema mul-
tiforme syndrome associated with varicella. N Engl J Med
1981;305:582.
[10] Bucak IH, Almis H, Turgut M. Varicella pseudo-Koebner phe-
nomenon associated with vascular access opening. Clin Exp
Dermatol 2018;43:203—5.
[11] Belhorn TH1, Lucky AW. Atypical varicella exanthems
associated with skin injury. Pediatr Dermatol 1994;11:
129—32.

N. Bekkali a,∗ , A. Finon a , A. Guigon b ,


E. Esteve a
a Service de dermatologie, CHR d’Orléans, France Figure 1. Plaque érythémateuse infiltrée, de 3 cm de grand axe,
b Laboratoire de microbiologie, CHR d’Orléans,
à centre ulcéro-croûteux, localisée sur le nez, associée à deux
France plaques érythémateuses à centre atrophique sur la joue droite.
Lettre à la rédaction 55

Figure 3. a : paronychie du 1er et 2e orteil droit et 2e et 4e orteil


gauche avec hyperkératose unguéale et destruction longitudinale
verruqueuse de la tablette unguéale du gros orteil droit ; b : radio-
graphie des pieds montrant un aspect kystique et cloisonné des
Figure 2. a : dactylite surmontée de plaques ulcéro-croûteuses phalanges atteintes.
sur les 4e doigts droit et gauche avec aspect en spina-ventosa ; b :
radiographie des mains montrant des lésions lytiques diffuses sur
des sinus et thoracoabdominopelvien objectivait une
les phalanges, rompant la corticale avec envahissement des parties
molles. sinusite agressive, des adénopathies multiples sus- et sous-
diaphragmatique (jugulocarotidiennes,sous-mentonnières,
spina-ventosa (Fig. 2), une paronychie de tous les orteils cervicales postérieures, sous-claviculaires, axillaires,
atteints, une hyperkératose unguéale et une destruction médiastinales, hilaires hépatiques, rétropancréatiques,
longitudinale verruqueuse de la tablette unguéale du gastriques gauches, iliaques externes, inguinales et laté-
gros orteil droit (Fig. 3). Le reste de l’examen clinique roaortiques) et l’absence d’atteinte parenchymateuse
retrouvait une muqueuse nasale croûteuse et hémorra- pulmonaire. Le dosage de l’enzyme de conversion et le
gique avec un début de perforation de la cloison nasale, bilan phosphocalcique était normaux. Les biopsies cutanées,
sans autre anomalie sur le reste de l’examen. Des radio- unguéales, des glandes salivaires, nasales et ganglionnaires
graphies des pieds et des mains montraient des lésions trouvaient un infiltrat inflammatoire avec de multiples
lytiques diffuses rompant la corticale avec envahissement granulomes épithélioïdes et gigantocellulaires sans nécrose
des parties molles sur les phalanges des mains et un caséeuse (Fig. 4). Le diagnostic de sarcoïdose systémique
aspect kystique et cloisonné sur les pieds. Le scanner était retenu. Un traitement par prednisone à la posologie

Figure 4. a et b : biopsie cutanée montrant au niveau du derme des granulomes épithélioïdes et gigantocellulaires bien circonscrits,
entourés d’une fine couronne lymphocytaire, sans nécrose caséeuse (coloration à l’hématoxyline et l’éosine).
56 Lettres à la rédaction

de 1 mg/kg/j était débuté, avec un début de cicatrisation CH. Clinicopathologic features of ulcerative-atrophic sarcoido-
des lésions ulcérées dès la première semaine du traitement sis. Int J Dermatol 2004;43:108—12.
et une bonne évolution clinique à 1 an de suivi. [3] Emily Powell MD, Ted Rosen MD. Ulcerative sarcoidosis: a proto-
typical presentation and review. Cutis 2017;100:312—6.
Discussion [4] Albertini JG, Tyler W, Miller III OF. Ulcerative sarcoidosis. Arch
Dermatol 1997;133:215—9.
Les formes ulcéro-croûteuses sont peu fréquentes et repré- [5] Fernandez-Faith E, McDonnell J. Cutaneous sarcoidosis: diffe-
sentent 5 % seulement des sarcoïdoses cutanées [1]. Elles rential diagnosis. Clin Dermatol 2007;25:276—87.
s’associent souvent à une atteinte systémique et se voient [6] Noiles K, Beleznay K, Crawford RI, Au S. Sarcoidosis can present
plus fréquemment chez les femmes que chez les hommes with necrotizing granulomas histologically: two cases of ulcera-
[2]. Les localisations les plus fréquentes sont les jambes mais ted sarcoidosis and review of the literature. J Cutan Med Surg
des formes avec atteinte du visage, des doigts, des bras, du 2013;17:377—8.
tronc et de la région génitale sont décrites [3]. Les loca- [7] Veien NK, Stahl D, Brodthagen H. Cutaneous sarcoidosis in Cau-
lisations sur le nez, les doigts et les orteils, comme dans casians. J Am Acad Dermatol 1987;16:534—40.
[8] Santoro F, Sloan SB. Nail dystrophy and bony involvement in
notre observation, sont rarement rapportées. L’ulcération
chronic sarcoidosis. J Am Acad Dermatol 2009;60:1050—2.
peut survenir d’emblée sur les lésions spécifiques de sarcoï-
dose [4]. On distingue deux aspects cliniques : le premier
S. Maouni a,∗ , A. Sqalli a , O. El Anzi a ,
est une ulcération nécrotique sur des plaques jaunes télan-
F. El Hadadi a , L. Mezni a , I. Elmeknassi a ,
giectasiques et le deuxième est caractérisé par des nodules
K. Znati b , M. Meziane a , L. Benzekri a ,
violacés qui vont s’ulcérer secondairement avec issue d’un
N. Ismaili a , K. Senouci a , B. Hassam a
exsudat séro-sanguin [5,6]. Le diagnostic différentiel se pose a
Service de dermatologie et de vénérologie,
avec d’autres causes d’éruption ulcéro-croûteuses comme
université Mohammed V., centre hospitalier
la leishmaniose cutanée, la sporotrichose, la tuberculose universitaire Ibn Sina, Rabat, Maroc
cutanée, la syphilis tertiaire, la granulomatose avec polyan- b Service d’anatomo-pathologie, université
géite (anciennement maladie de Wegener) en cas d’atteinte Mohammed V., centre hospitalier universitaire Ibn
endonasale et les lymphomes cutanés. Sina, Rabat, Maroc
Notre patiente présentait également une atteinte ∗ Auteur correspondant.
unguéale atypique, confirmée à l’histologie. Cette locali-
Adresse e-mail : maouni.safae88@gmail.com
sation au cours de la sarcoïdose est beaucoup plus rare,
(S. Maouni)
touchant seulement 1,6 % des patients [7]. Elle est souvent
accompagnée d’une atteinte systémique osseuse, ganglion- Reçu le 16 avril 2019 ;
naire, pulmonaire, articulaire ou sinusale [8]. accepté le 30 août 2019
Disponible sur Internet le 30 octobre 2019
Déclaration de liens d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. https://doi.org/10.1016/j.annder.2019.08.017


0151-9638/© 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Références

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[2] Yoo SS, Mimouni D, Nikolskaia OV, Kouba DJ, Sauder DN, Nousari
Annales de dermatologie et de vénéréologie (2020) 147, 57—73

Disponible en ligne sur

ScienceDirect
www.sciencedirect.com

HISTOIRE DE LA DERMATOLOGIE

En finir avec la syphilis. L’ambition


inaboutie d’Arthur Vernes
Arthur Vernes’ unsuccessful bid to stamp out syphilis

G. Tilles

Bibliothèque Henri-Feulard, hôpital Saint-Louis, 1, avenue Claude-Vellefaux, 75475 Paris,


France

Reçu le 17 juin 2019 ; accepté le 7 novembre 2019


Disponible sur Internet le 18 décembre 2019

Dans un court ouvrage rédigé à la fin de sa vie, Arthur au 132e de ligne à Reims, Vernes choisit la médecine, parce
Vernes consacra quelques pages à ses ascendants familiaux que « dès l’enfance elle [lui] sembla la profession la plus
qui « obligés de fuir les persécutions religieuses lors de la utile et la plus indépendante. »
révocation de l’Édit de Nantes se retirèrent à Lausanne où
Jean-Georges Vernes, né le 10 juin 1696, vint s’établir. »
[1]. Son fils, Philippe Louis Vernes [1815—1906], grand- Débuts en syphiligraphie
père paternel d’Arthur Vernes, « ne s’était vu autorisé par
son père à devenir théologien qu’après une sérieuse mise Externe des hôpitaux de Paris [310e au concours 1901, dans
à l’épreuve de ses convictions. Il dut d’abord passer par les services de Brocq à Broca, Brissaud à l’Hôtel-Dieu, Merk-
l’Ecole Polytechnique puis faire un stage dans la banque len à Laënnec, Brocq à Saint-Louis], Vernes est atteint de
paternelle. » [2—4]. 1902 à 1904 d’une « maladie prolongée » qui « entraîna sa
Le père d’Arthur Vernes, Charles Félix Vernes réforme. »
[1844—1933] fut pasteur à Nègrepelisse, à Celle-sur- Nommé à l’internat des hôpitaux de Paris au concours
Belle, à Poissy et à Paris-Batignolles avant d’être élu 1907 [52e ], Vernes est interne dans les services de Bazy à
président du conservatoire des églises réformées de Paris Beaujon — du 1er mai au 26 septembre 1908 — de Brocq à
et de la Seine. La mère d’Arthur Vernes, Adrienne Camille Saint-Louis du 27 septembre 1908 au 30 avril 1909 (Fig. 1). De
Monod [1843—1910] était la fille d’Adolphe Louis Frédéric novembre 1908 à mars 1909, Vernes suit le cours de micro-
Théodore Monod [1802—1856], professeur à la faculté de biologie de l’Institut Pasteur, étape alors essentielle pour
théologie protestante de Montauban, pasteur à Naples, à tout médecin désireux de se former à la microbiologie [6].
Lyon, au temple de l’Oratoire à Paris [5]. Du 1er mai 1909 au 30 avril 1910, Vernes est interne dans
Arthur Théodore Vernes est né le 16 juillet 1879 à Paris le service de de Beurmann à Saint-Louis, de nouveau dans
XVIIe , sixième enfant d’une fratrie de sept frères et sœurs. le service de Bazy à Beaujon — du 1er mai 1910 au 30 avril
Élève du lycée Condorcet et du lycée Carnot, Arthur Vernes 1911 et dans le service de Jeanselme à Broca du 1er mai
fut, selon ses dires, « celui dont on lit sur le carnet scolaire, 1911 au 30 avril 1912. À Beaujon, Vernes se fait remar-
travailleur mais à sa manière. » Après un service militaire quer de l’administration par un comportement original :
« dans l’internat je n’avais guère, je crois, que deux réputa-
tions, celle de savoir marcher sur les mains et de ne dire de
Adresse e-mail : gerard.tilles@sfr.fr mal de personne. Ah, oui, aussi la particularité d’avoir été

https://doi.org/10.1016/j.annder.2019.11.003
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58 G. Tilles

Figure 1. Internes de l’hôpital Saint-Louis, 1909—1910. Vernes est au 1er rang, 2e en partant de la gauche. coll. Bibliothèque inter
universitaire de santé Paris Descartes.

propriétaire d’une ourse qui fit l’objet d’un différend 1re année : les 30 premiers jours, mercure [frictions mercu-
prolongé avec le directeur de l’hôpital Beaujon et rielles ou liqueur de van Swieten ou solution de bi-iodure de
l’administration de l’Assistance Publique. » [7]. mercure]. Ensuite 20 jours par mois du même traitement. 2e
Les appréciations des chefs de service sont dans année : A : premier mois : mercure comme précédemment
l’ensemble élogieuses : « excellent élève à tous égards [Bris- pendant 12 à 20 jours ; B : 2e mois, 2 g par jour d’iodure de
saud] ; bon externe, fait bien son service [Merklen] ; rempli potassium pendant 15 à 20 jours et ainsi de suite en alter-
de bonne volonté, fait tout ce qu’il peut et ne demande nant A et B. 3e année : chaque trimestre, 1er mois, mercure ;
qu’à bien faire [Brocq] ; bon interne, très intelligent, moins 2e mois, iodure ; 3e mois repos. 4e année : tous les trois mois,
irrégulier [de Beurmann] ; bon interne dont je n’ai eu qu’à 12 à 15 jours d’iodure [. . .]. Le concept fondamental d’une
me louer et qui a toujours été pour moi un précieux col- syphilis incurable et d’un traitement chronique et intermit-
laborateur [Jeanselme] » [8]. De ses Maîtres, Vernes parle tent à résultat limité devait prévaloir. » [11]. En résumé,
peu. Seules les personnalités de deux d’entre eux sont écrivait Vernes, « la position du syphilitique [était] aussi
commentées : Brocq [1856—1928], « la méthode même, démoralisante pour lui que menaçante pour les autres. »
l’observateur sévère, le clinicien, dermatologiste et syphi- [12].
ligraphe hors pair à qui on ferma la porte de l’agrégation en Dans ce climat anxiogène, des avancées issues de la
même temps que Babinski », Roux, « mon grand Patron » qui recherche en laboratoire faisaient espérer une meilleure
lui apporta « tout le poids de son autorité alors que les résul- prise en charge de la maladie. Deux équipes de chercheurs
tats de [ses] recherches devaient encore apparaître comme allemands venaient, l’une de découvrir la cause de la mala-
utopiques et en dehors de ce qui [était] médicalement per- die — Treponema pallidum, 1905 [13] — l’autre, un an plus
mis. » [9]. tard, de mettre au point un test sanguin qui promettait
À Saint-Louis, Vernes « tombe sur l’affreuse accumulation de faire le diagnostic de syphilis, même en l’absence de
hospitalière des dégâts de la syphilis, bien faits pour exciter signes cliniques. En 1906 Wassermann [1866—1925], Neis-
la colère contre son traitement aveugle. » [1]. La parole de ser [1855—1916] et Bruck [1879—1944] mettaient en effet
Fournier [1832—1914] est alors l’évangile syphiligraphique. au point un sérodiagnostic de la syphilis (Fig. 2) à par-
Pour lui comme pour ses élèves, la syphilis représente « un tir de la méthode dite de fixation ou de déviation du
danger social à quatre points de vue principaux : de par les complément décrite en 1901 par Bordet [1870—1961] et
dommages individuels qu’elle inflige au malade, de par les Gengou [1875—1957], dans le laboratoire de Metchnikoff
dommages collectifs qu’elle inflige à la famille, de par les [1845—1916] à l’Institut Pasteur [14]. Bien que n’ayant
conséquences héréditaires qu’elle comporte, notamment obtenu que 19 % de réactions positives sur les 257 malades
de par l’effroyable mortalité dont elle frappe les enfants, testés, les auteurs assuraient avoir mis en évidence des anti-
de par les dégénérescences, l’abâtardissement qu’elle peut corps dirigés contre le tréponème [15].
imprimer à l’espèce. » [10]. La communauté scientifique salua le test de Wasser-
En ce qui concerne le traitement, même si le mercure, mann qui « permet de poser avec certitude le diagnostic
utilisé depuis cinq siècles, était considéré comme le médi- de l’infection syphilitique » [16], de dépister des syphilis
cament antisyphilitique de référence, celui dont il n’était dites latentes, sans signe clinique et, plus généralement,
pas possible de se passer, aucun syphiligraphe ne prenait de rechercher la syphilis « dans toute affection à marche
le risque d’affirmer qu’il pouvait guérir la syphilis. À titre lente, dans tous les cas où un diagnostic étiologique ne peut
d’exemple, Vernes rappelait les principes enseignés par son être établi d’une manière positive. » [17]. Les sérologistes
Maître Brocq pour le traitement d’une « syphilis normale : insistaient cependant sur le fait que « le séro diagnostic de
En finir avec la syphilis. L’ambition inaboutie d’Arthur Vernes 59

Figure 2. Page de titre de l’article signé Wassermann, Neisser, Bruck décrivant le premier sérodiagnostic de la syphilis. coll. Bibliothèque
inter universitaire de santé Paris Descartes.
60 G. Tilles

la syphilis [. . .] ne nous fournit des renseignements précis nouveau-née que nous introduisions dans leurs services puis
que lorsqu’il donne des résultats nettement positifs et nous trop souvent désabusés par des réponses qui ne cadraient
laisse dans le doute toutes les fois que ces résultats sont pas avec leurs conclusions cliniques hochaient la tête quand
négatifs. » [18]. ils nous trouvaient penchés sur de petits tubes aux savants
Par ailleurs, des interrogations apparurent sur la nature mélanges en pensant sans doute : il faut bien que jeunesse
du test de Wassermann, une réaction positive pouvant être se passe ou s’écriaient lorsque la moutarde leur montait
obtenue en utilisant comme « antigène » un extrait de tissu au nez : vous voyez bien que vous errez dans un domaine
sain [19]. Les médecins durent alors admettre que si la si obscur qu’il faudra au moins 50 ans pour y comprendre
réaction de Wassermann est « due, peut-être, dans une cer- quelque chose. » Dans ce climat, alors que la plupart des
taine mesure, à la présence (. . .) d’anticorps contenus dans médecins considéraient que « la sérologie mérite tout au
le sérum humain, [elle est due] certainement et principa- plus qu’on en confie la pratique à un quelconque garçon
lement, sinon d’une manière exclusive, à des substances de laboratoire » [22], Vernes commença les recherches qui
non spécifiques qu’on peut rencontrer dans des organes le firent connaître. Le principe général qui guida ses tra-
d’individus ou d’animaux non syphilitiques. » [16]. Le test vaux était la mesure de la syphilis qu’il désignait comme la
de Wassermann dut donc être considéré comme une réac- « syphilimétrie » qui devait permettre de traiter la maladie
tion à part, mettant en évidence une propriété particulière, au meilleur moment sur des critères chiffrés, d’évaluer de
« précipitante » ou « floculante », du sérum syphilitique que manière objective les résultats des traitements et de fixer
ne possédait pas le sérum des sujets non syphilitiques [20]. le moment de la guérison.
L’essentiel des travaux de Vernes consista en la mesure de La première étape des travaux de Vernes fut la mise au
cette « propriété floculante. » (cf. infra). point d’une méthode permettant de quantifier les résultats
Pour les cliniciens, ces incertitudes et imprécisions ne du test de Wassermann, en comparant le degré d’hémolyse
remettaient cependant pas en cause « l’avenir pratique du sérum testé à une échelle colorimétrique, graduée de 0
de la réaction de Wassermann » qui devint indisso- [teinte incolore : test positif, sujet syphilitique] à 8 [teinte
ciable de l’activité quotidienne des dermato-syphiligraphes. « rouge groseille fort » : test négatif, sujet non syphilitique]
Rétrospectivement Vernes suggéra que, si les médecins [26] (Fig. 3). Cette méthode de mesure chiffrée semblait
accueillirent avec tant d’empressement le test de Wasser- ouvrir un monde nouveau qui reléguait au passé les critères
mann et se montrèrent si peu regardants sur son exactitude, cliniques : « avant la découverte de ces procédés, le clinicien
c’est « que cette réaction avait pour eux l’immense avan- traitait à l’aveugle, aujourd’hui il traite comme un homme
tage de les tirer du plus grand embarras que l’on puisse avoir qui voit. » [27]. Un élève de Vernes écrivait même : « on
dans la profession médicale, en leur fournissant une réponse découvre dans les nuances de rouge les nuances de santé
ferme — en quelque sorte officielle — dans les cas si nom- du syphilitique. » [28]. L’espoir de guérison de la syphilis
breux et si scabreux où il est cliniquement impossible de se semblait d’autant plus se rapprocher qu’une innovation thé-
prononcer sur l’existence de la syphilis. » [21]. rapeutique venue d’Allemagne éclairait le traitement de la
En 1908, interne à Saint-Louis, Vernes introduit le test syphilis d’un jour nouveau.
de Wassermann dans l’activité des services de dermatologie Le 19 avril 1910, Ehrlich [1854—1915] annonçait qu’avec
[22]. Insatisfait des conditions matérielles dans les labo- son assistant Hata [1873—1938] ils venaient de découvrir
ratoires des services de l’Assistance Publique, il demande un médicament capable de réaliser la « therapia sterili-
l’hospitalité à Sabouraud [1864—1938], directeur du labo- sans magna » tant espérée de la syphilis (Fig. 4). D’abord
ratoire municipal des teignes à Saint-Louis [23,24]. Outre désigné comme le « 606 d’Ehrlich » — 606e préparation
de bonnes conditions de travail, Vernes trouve dans le d’arsénobenzol — ce médicament devint le Salvarsan [arse-
statut municipal du laboratoire de Sabouraud un modèle nic that saves]. En France, les syphiligraphes accueillirent
de réflexion pour la création d’une structure consacrée à dans leur ensemble très favorablement cette découverte.
la lutte contre la syphilis, indépendante de l’Assistance Certains d’entre eux se rendirent en Allemagne pour voir
Publique. de plus près la méthode d’Ehrlich, à l’exemple d’Emery qui
Quoi qu’il en soit, Sabouraud et Vernes conjuguent leurs assurait avoir « vu la disparition du spirochète se faire au
intérêts, l’un pour le cuir chevelu, l’autre pour la syphilis, bout de vingt-quatre à trente-six heures. » [29]. Jeanselme
pour tester la valeur de la réaction de Wassermann dans une [1858—1935] faisait lui-aussi l’éloge du « merveilleux agent
étude sur la possible origine syphilitique de la pelade. Prati- thérapeutique [. . .] grâce auquel, il est permis d’entrevoir
quée chez 100 peladiques et sur 83 syphilitiques, la sérologie la possibilité de guérir cette infection. » [30]. À Saint-Louis,
syphilitique ne se révélait positive que dans 10 % des cas Brocq mêlait intérêt et prudence : « nous sommes portés à
de pelade, ce qui faisait écrire aux auteurs que, dans la croire que le Hata-606 est un excellent médicament antisy-
genèse de la pelade, la syphilis n’apparaît finalement que philitique (. . .) mais qui a besoin, pour devenir d’un usage
« comme une cause accidentelle [. . .] d’importance secon- courant, d’être encore un peu perfectionné comme tech-
daire. » [25]. nique d’injection. » [31]. Seul Gaucher [1854—1918], au
nom d’une forme de nationalisme thérapeutique, condam-
nait le 606 « médicament traître qui peut tuer sans que
La syphilimétrie d’Arthur Vernes : un l’on sache ni comment ni pourquoi. Combien faudra-t-il de
concept controversé morts, combien faudra-t-il d’ataxiques, combien faudra-t-il
de paralytiques pour démontrer à tous la nocivité du poison
Rétrospectivement, Vernes parla de son internat à Saint- allemand ? » [32].
Louis comme d’une « période héroïque où nos vieux Malgré les espoirs suscités par le 606, la syphilis res-
maîtres d’abord alléchés par les promesses de la sérologie tait préoccupante au point que Vernes alerte le Conseil
En finir avec la syphilis. L’ambition inaboutie d’Arthur Vernes 61

Figure 3. Échelle colorimétrique permettant de quantifier les résultats de test de Wassermann. In Vernes A. Les signes humoraux de la
syphilis. Introduction à l’étude des conditions expérimentales du traitement de la syphilis. Thèse pour le doctorat en médecine. Paris, 1913.

réaction de Wassermann », poursuit son programme de


recherche visant à montrer ce qui différencie le sérum syphi-
litique du sérum d’un sujet sain. Son objectif est d’isoler
« une suspension fine d’une stabilité déterminée qui flo-
culera avec une certaine dose de sérum syphilitique et
ne floculera pas avec une même dose de sérum normal. »
[35,36]. Au terme de nombreux essais, il obtient un « gra-
nulifère » résultant « du mélange d’eau salée à 9/◦◦ et d’un
produit appelé péréthynol obtenu par épuisements succes-
sifs dans le vide d’une poudre de cœur de cheval par le
perchlorure d’éthylène et par l’alcool [37]. Comme Bordet
et Gengou avant lui, Vernes rend le phénomène de flocula-
tion visible en introduisant des hématies de mouton dans la
réaction. La lecture du test s’effectue là encore par compa-
raison avec l’échelle colorimétrique graduée de 0 à 8.
La mesure colorimétrique ayant l’inconvénient de néces-
siter des manipulations longues et difficiles à standardiser,
Vernes et son collaborateur Bricq mettent au point après
guerre un appareil de mesure photométrique qui permet une
mesure pondérale du précipité par lecture directe [38]. Le
photomètre (Fig. 5) donne des indices de 0 à 150 qui se
substituent à l’échelle de 0 à 8. Dans 98 % des cas, écrit
Vernes, un sérum non syphilitique donne des valeurs de 0 à
2 ; dans moins de 2 % il peut donner 4. Pratiquement de 0 à
3, le sérum est considéré comme normal ; de 3 à 6, il est
suspect, au-dessus de 6 il est syphilitique.
Quelle que soit la méthode, colorimétrique ou pho-
tométrique, les résultats, reportés sur une bande de
papier millimétré, dessinent un graphique, un « tréponé-
Figure 4. Paul Ehrlich et Sahachiro Hata, coll. Bibliothèque inter
universitaire de santé Paris Descartes. mogramme » dont le tracé permet d’opposer à celui de
l’homme sain celui du syphilitique : « le premier en pla-
teau, le second avec des oscillations très marquées comme
municipal de Paris, tutelle de l’Assistance Publique, « sur la en présente la feuille de température d’un grand infecté. »
pénurie des moyens de laboratoire mis dans les hôpitaux à la [39]. Quelques années plus tard, dans un ouvrage de syn-
disposition des syphiligraphes, sur la répulsion des malades thèse résumant ses travaux, Vernes insista sur la valeur de
pour les anciennes méthodes qui leur font abandonner le la mesure et des graphiques, « à la base du progrès des
traitement par lassitude ou par dégoût, alors qu’ils sont connaissances qui sont d’une pauvre espèce et bien peu
contagieux et vont faire de nouvelles victimes. » [11]. satisfaisante quand on ne peut pas mesurer ce dont on
Quittant le laboratoire de Sabouraud, Vernes poursuit, à parle et l’exprimer par des nombres. » [40]. En matière de
partir de mai 1911, ses travaux à Broca dans le service de syphilis, Vernes l’assure, « l’amplitude d’une oscillation qui
Jeanselme [1858—1935] avec qui il cosigne quelques publi- peut monter ou descendre les 8 échelons colorimétriques,
cations consacrées au Salvarsan [33,34]. Reçu docteur en ‘‘légalise la signature de la syphilis’’ [sic]. » [21]. « Jamais
médecine en 1913, Vernes, persuadé qu’il « n’y a jamais je n’ai vu un syphilitique cliniquement avéré, ne pas donner
eu d’autre phénomène qu’une floculation à la base de la lieu à cette oscillation d’amplitude particulière [. . .] je ne
62 G. Tilles

peut appeler le JALON [sic] arsenical. » Le « jalon arsenical »


repose sur le fait que « les arsénicaux ont à doses faibles
une action provocatrice sur le tréponème. La provocation
se manifeste par l’augmentation du pouvoir floculant soit du
sérum soit du liquide céphalo rachidien. S’il n’y a pas provo-
cation, c’est qu’il n’y a pas ou qu’il n’y a plus de tréponème
en jeu. » Avec la lecture photométrique (cf. supra), la règle
des trois huit s’énonça de la manière suivante : « à partir
d’un jalon constitué par trois injections au moins d’arsenic
du type 606, le sang d’un sujet dont le degré photométrique
est 0, doit, s’il ne s’agit pas ou s’il ne s’agit plus de syphi-
lis, rester constamment à ce chiffre durant huit mois, les
examens de sang étant faits régulièrement chaque mois. De
plus le liquide de ponction lombaire, le 8e mois, doit être
normal en tous éléments. » [46]. Vernes affirme qu’il ne lui
a pas été possible de « mettre en défaut cette loi des trois 8,
malgré un contrôle sévère auquel les malades ont été soumis
et restent soumis régulièrement et systématiquement, sans
limitation de durée. » [47]. En conclusion, assure Vernes,
« la loi des trois 8 apporte au syphilitique, comme à celui
Figure 5. Mesure de l’infection syphilitique au photomètre de qui le traite, une telle sécurité expérimentale qu’il n’est pas
Vernes et Bricq Vernes A. Atlas de syphilimétrie. Les conditions exagéré de dire qu’elle ramène le traitement de la syphilis
expérimentales de l’extinction de la syphilis. Paris, A. Pradier, 1920. aux conditions d’une science exacte. » [48].
Pour la plupart des syphiligraphes, « les conséquences
de la loi des 3 huit telles que les a formulées M. Vernes.
l’ai jamais rencontrée en dehors de la syphilis. » [41]. Les [. . .] sont un danger pour l’individu et pour la société. »
oscillations correspondent « aux variations de « la sensibili- [49]. Affirmer la guérison de la syphilis revenait notam-
satrice syphilitique » qu’il nomme d’abord « substance pâle » ment à autoriser le malade à se marier et à avoir des
puis « pallidine », en référence au Treponema pallidum. enfants alors que le mariage n’était alors autorisé qu’après
Grâce au tréponémogramme, il devient possible de mesurer « quatre ans révolus de maladie, trois ans au moins de
les variations de la pallidine autrement dit d’évaluer « ce traitement hydrargyrique, une année pleine écoulée sans
qu’il reste de syphilis active chez un syphilitique apparem- aucune manifestation, cure mercurielle d’un mois avant le
ment sain », donc de déterminer, de manière objective le mariage. » [42]. La « Commission pour l’étude de la ques-
moment où on peut parler de guérison de la syphilis, idée tion du mariage des syphilitiques » rappelait d’ailleurs qu’il
alors fortement contestée [42]. « n’existe actuellement aucun moyen scientifique de prou-
Pour la plupart des syphiligraphes en effet, la syphilis ver la guérison chez un sujet donné. » [50].
était la maladie de toute une vie. Même après traitement Les certitudes énoncées par Vernes incitèrent la Société
et disparition des signes cliniques, des récidives étaient française de dermatologie et de syphiligraphie, garante des
toujours à craindre, des formes graves pouvaient tou- bonnes pratiques, à mettre la question de la syphilimé-
jours survenir et la hantise de la transmission héréditaire trie à l’ordre du jour de ses séances. Pinard fit d’abord
était toujours présente. Il ne pouvait donc être question remarquer l’étrangeté de la « situation actuelle [. . .] Ces
d’abandonner tout traitement et encore moins de relâcher méthodes de syphilimétrie ont donc l’approbation unanime
la surveillance. La négativation de la sérologie ne pouvait des hommes politiques et des ingénieurs et nous sommes
en aucun cas apporter une garantie suffisante [43]. Seul un obligés, d’y attacher une importance qu’elles pourraient
Wassermann négatif pendant 15 mois consécutifs, permet- autrement ne pas avoir car ces conférences sont prési-
tait, à la rigueur, de penser que l’on « a de grandes chances dées par M. le Ministre de l’hygiène ou son représentant. »
d’être guéri. » [44]. Dans tous les cas, une « surveillance [51]. Les sérologistes faisaient observer que « la mesure de
périodique indéfinie » était nécessaire ainsi que « des trai- la floculation, (. . .) malgré son apparence mathématique,
tements de consolidation », poursuivis pendant au moins ‘‘ne constitue nullement une méthode syphilimétrique.’’ »
deux à quatre ans associant mercure, arsenic, bismuth à [52]. Flandin, insistait sur le fait que « nous n’avons aucun
intervalles réguliers [45]. test de laboratoire, aucun critérium clinique permettant
Hostile à cette attitude qui revenait à considérer la syphi- de mesurer l’intensité de l’infection syphilitique encore
lis comme une maladie incurable, Vernes assure que la moins de prévoir son évolution. En un mot, contraire-
syphilimétrie permet de définir un critère objectif de guéri- ment aux illusions de Vernes, la syphilimétrie n’existe pas
son : la loi des trois 8 qui s’énonce de la manière suivante : encore. » [53]. Plus accommodants, Gastou et Béthoux
« teinte 8 pendant 8 mois dans le sérum sanguin à partir de concédaient que « la méthode de Vernes [. . .] a l’avantage
la dernière injection arsenicale et teinte 8 dans le liquide de permettre [. . .] de suivre plus facilement l’action du
cérébro spinal à l’expiration de cette période [. . .]. Ce n’est traitement. » [54].
pas d’être resté 8 mois à 8, à une période quelconque de sa En résumé, un collectif de syphiligraphes de l’Assistance
maladie qui constitue chez le syphilitique le fait significatif, Publique alertait les médecins sur le fait que :
mais c’est, après une ou plusieurs injections arsenicales, de • « la méthode diagnostique dite de floculation [. . .] n’est
compter les 8 mois à partir de la dernière injection que l’on pas supérieure aux autres méthodes de séro diagnostic de
En finir avec la syphilis. L’ambition inaboutie d’Arthur Vernes 63

la syphilis et paraît même, dans nombre de cas, moins redoutable que l’Allemagne : « vous plaignez ces héroïques
sensible et moins fidèle ; mutilés, amputés, paralysés, aveugles de la guerre ; vous
• Il est classique de suivre l’évolution de la syphilis par verrez que la syphilis [. . .] fait pis encore. » [62]. Dans ces
l’étude des réactions sérologiques et d’apprécier, par circonstances, il n’était pas exagéré de considérer la lutte
là, les effets du traitement mais croire que l’on peut contre la syphilis comme un véritable devoir patriotique
mesurer numériquement l’infection syphilitique [syphili- [63,64]. Des centres de dermato vénéréologie furent créés
métrie] est illusoire et dangereux ; dans chaque région militaire, où le 606, traitement ambu-
• Il est imprudent d’affirmer la guérison de la syphilis parce latoire, « excellent moyen pour dégrossir un malade très
que pendant 8 mois la méthode de floculation et d’autres infecté » permettait aux médecins de « rendre apte le plus
contrôles de laboratoire sont restés négatifs. L’institut tôt possible au service armé un soldat syphilitique. » [65,66].
Prophylactique n’applique ni un procédé nouveau de diag- À Paris, le conseil municipal accordait en 1915 une sub-
nostic ni des modes de traitements supérieurs à ceux vention exceptionnelle de 6000 francs « à M. le docteur
employés par les autres médecins. » [55]. Vernes pour recherches et continuation des études qu’il
a personnellement entreprises pour le traitement de la
Seul Brocq, à notre connaissance, apporta un soutien aux
syphilis dans son laboratoire de l’hôpital Broca. » [67]. Le
travaux de son élève en faisant observer « que la très vio-
27 décembre 1915, Rousselle [1866—1925], président de
lente et presque unanime opposition que les syphiligraphes
la commission d’hygiène au conseil municipal et Dausset
font à la loi des trois 8 résulte surtout du terme employé par
[1866—1940], rapporteur général du budget de la Ville pro-
M. Vernes : le mot de « loi » a été mal accueilli. Qu’y a-t-il,
posaient, non pas de renouveler la subvention au laboratoire
en réalité, sous cette dénomination ? Il y a l’institution d’une
de Vernes pour l’année suivante, mais d’accorder un sou-
enquête des plus utiles et des plus hardies pour essayer de
tien à l’œuvre de « Monsieur le docteur Vernes, créateur de
préciser par des documents nombreux [. . .] les conditions qui
la syphilimétrie [. . .]. Comme une des caractéristiques du
permettent d’affirmer [. . .] qu’un individu atteint de syphilis
fonctionnement est de supprimer l’hospitalisation, le labo-
semble être devenu pratiquement non contagieux, semble
ratoire de syphilimétrie et son dispensaire sont éminemment
être à l’abri d’accidents graves tenant à cette maladie et
transportables. Le docteur Vernes en verrait volontiers la
semble enfin pouvoir se marier sans danger pour sa femme
municipalisation. » [68].
et avec l’espoir d’avoir des enfants parfaitement sains. »
Au soutien du conseil municipal, s’ajouta celui, décisif,
[56].
de Chautemps qui réunit « les concours administra-
tifs, secondé par ses collègues du conseil supérieur
d’hygiène publique et par M. Mesureur, directeur de
Mise en œuvre sociale de la syphilimétrie : l’Assistance Publique, ancien président du conseil municipal
l’institut Prophylactique de Paris. »12 Quelques années plus tard, Vernes rappela à
quel point le rôle de Chautemps fut déterminant : « l’institut
Le samedi 1er août 1914, la France décrétait la mobilisation Prophylactique naissant fut, de par lui, comme la résultante
générale. Le 3 août, l’Allemagne déclarait la guerre à la directe de tous les appuis qu’il lui avait assurés dans la Haute
France. Réformé, Vernes est affecté à l’ambulance 35 et à Assemblée. » [9].
l’hôpital militaire du Panthéon, 18, rue Lhomond, créé par Fort de ces soutiens, Rousselle pouvait annoncer en
Emile Chautemps [1850—1918] [57]. Médecin, Chautemps avril 1916 au Conseil municipal, la tenue, le 9 mars pré-
qui avait derrière lui une riche carrière politique — ministre cédent, dans la salle de la IIIe commission de l’hôtel de
des colonies en 1895, éphémère ministre de la Marine en juin Ville de Paris, de l’assemblée générale fondatrice d’une
1914, sénateur de Haute-Savoie [1905—1918] — joua un rôle association dont le but était [article 1] « d’appliquer les
déterminant en apportant à Vernes les soutiens politiques découvertes de M. Vernes en vue de poursuivre, tant par
indispensables à la création de l’institut Prophylactique (cf. le traitement direct des malades que par des recherches
infra). Quelques mois plus tard, Vernes fut nommé à la direc- scientifiques et par une action continue sur le public et
tion du service de vénéréologie de 210 lits créé à la maison auprès des autorités administratives, l’extinction progres-
départementale de Nanterre. sive de la syphilis et des maladies infectieuses connexes. »
Depuis le début du conflit, les syphiligraphes affirmaient, L’assemblée constitutive réunissait des personnalités venues
unanimes, que le nombre de cas de syphilis était en progres- d’horizons divers, littéraires, politiques, militaires, scien-
sion. Gaucher faisait observer que « la syphilis a augmenté tifiques, médicaux hospitaliers et universitaires, directeurs
de plus d’un tiers depuis la mobilisation. » [58]. Thibierge d’administration centrale, commerçants. Emile Chautemps
[1856—1926] retenait le chiffre de cent cinquante à deux fut élu président tandis qu’Emile Roux [1853—1933], direc-
cents mille contaminations syphilitiques dans les armées teur de l’Institut Pasteur depuis 1904, porteur d’un crédit
pendant les trois premières années de guerre [59]. Touraine moral et scientifique de premier plan, acceptait la prési-
[1883—1961] estimait que cinq cents mille était plus proche dence d’honneur. Arthur Vernes fut nommé à l’unanimité,
de la réalité [60]. Pautrier [1876—1959], mobilisé comme directeur à vie de l’institut Prophylactique. L’institut fut
médecin chef du centre dermato-vénéréologique de la 8e placé sous le haut patronage de Gaston Doumergue, pré-
région à Bourges, estimait à 200 000 le nombre de cas syphi- sident de la République et d’Alexandre Millerand, ancien
lis contemporains de la guerre, chiffre qui lui permettait de président de la République. Parmi les membres fonda-
prédire que « l’infection tréponèmique nous coûtera quatre teurs on reconnaissait notamment Brieux [1858—1932],
cents mille naissances soit l’équivalent de deux classes. Le de l’Académie Française, auteur des « Avariés », pièce
mot de péril national n’est donc pas trop fort. » [61]. Gouge- de théâtre créée en 1901 d’après les écrits de Four-
rot [1881—1955] voyait même la syphilis comme un péril plus nier, mettant en scène les dommages de la syphilis dans
64 G. Tilles

une famille, Calmette [1863—1933], codécouvreur avec Mais d’une impression à une certitude de la marge est
Guérin d’un vaccin contre la tuberculose, Chantemesse grande. » [73].
[1851—1919], professeur d’hygiène à la faculté de méde- Quelles que furent les divergences d’appréciation, cha-
cine de Paris, Dervillé [1848—1925], Régent de la Banque cun reconnaissait la nécessité de définir et de mettre en
de France, Gley [1857—1930], président de l’Académie œuvre une véritable politique nationale de lutte contre la
de Médecine, Gosset [1872—1944], professeur de la cli- syphilis. Un ministère de l’Hygiène, de l’Assistance et de la
nique chirurgicale à la faculté de médecine de Paris, Prévoyance était créé le 20 janvier 1920 et confié à Jules-
Landouzy [1841—1917], Doyen de la faculté de méde- Louis Breton [1872—1940]. Un service central de prophylaxie
cine de Paris, Letulle [1853—1929], professeur d’anatomie des maladies vénériennes était chargé d’animer et de coor-
pathologique à la faculté de médecine de Paris, Mesureur donner les moyens de la lutte. Complétant l’organisation de
[1847—1925], directeur de l’Assistance Publique, Painlevé conférences, la distribution de livrets éducatifs, des affiches
[1863—1933], ministre de la Guerre, Pinard [1844—1934], diffusaient des messages sans ambiguïté : la syphilis assas-
professeur à la faculté de médecine de Paris, Félix Vernes sine la race ; elle tue les enfants dans le sein de leurs mères ;
[1872—1934], Régent de la Banque de France. Aucun elle détruit les familles ; elle rend aveugles, paralytiques ou
dermato-syphiligraphe français n’était présent. fous ceux qui en sont atteints ; « calamité permanente », la
Le 12 mars 1916, l’institut Prophylactique ouvrait ses syphilis fait plus de victimes que la guerre de 14-18, plus
portes, 60, boulevard Arago et offrait gratuitement des soins de morts que la diphtérie, la typhoïde, la scarlatine, la
aux malades de la syphilis. Deux dispensaires relayant la coqueluche et la rougeole [74] (Fig. 6—11). Des dispensaires
méthode de Vernes étaient installés, un au nord de Paris [rue anti vénériens, considérés comme « l’armature essentielle »
Ordener], l’autre au sud [rue de la Glacière], première étape [75] de la lutte contre la syphilis, étaient créés dans toutes
vers la création d’un réseau de dispensaires anti-vénériens les agglomérations d’au moins 10 000 habitants. La Société
installés à Paris, en France métropolitaine et dans les colo- française de dermatologie et syphiligraphie [SFD] émettait
nies françaises d’Outre-Mer (cf. infra). La déclaration de « le vœu que la création de dispensaires soit réalisée le
création de l’association dénommée « institut Prophylac- plus tôt possible. » [76]. La Ligue nationale française contre
tique » effectuée le 13 mars, fut publiée au Journal Officiel le péril vénérien [LNFPV], fondée en 1919 par des méde-
le 18 mars 1916 [69]. L’institut Prophylactique fut reconnu cins des hôpitaux de Paris, créait l’institut Alfred-Fournier,
d’utilité publique par décret du 14 novembre 1916 [70,71]. inauguré en 1932, « temple de la syphilis et de la vénéréolo-
Quelques mois plus tard, l’Etat allouait une subvention de gie », supposé concurrencer l’institut Prophylactique [77].
100 000 francs à laquelle venaient s’ajouter les contribu- À Saint-Louis, le dispensaire antivénérien de la clinique des
tions de membres -bienfaiteurs institutionnels [Comité de maladies cutanées et syphilitiques, créé sous l’impulsion de
répartition des souscriptions coloniales, Union nationale des Jeanselme, en 1927 ouvrit le 15 mai 1933 [78,79].
cheminots, compagnie d’assurances l’Union] et particuliers En 1919, Paul Painlevé [1863—1933], futur président
[Franck Jay-Gould, Rothschild frères, Louis Dreyfus et Cie, du Conseil des ministres, succédait à Emile Chautemps,
Félix Vernes, Emile Deutsch de la Meurthe]. décédé, à la présidence de l’institut Prophylactique. Le
nombre de nouveaux malades progressait passant de 1244 en
1916 à 7000 cinq ans plus tard. Le nombre de consultations
suivait la même progression : 22 700 en 1916, 88 000 en 1921.
L’institut Prophylactique, au centre d’un Dans ces circonstances, le conseil municipal ne pouvait
réseau de lutte contre la syphilis que « se montrer fier d’un pareil résultat [. . .] Nous avons
atteint notre but de démonstration [. . .] : l’extinction de
La fin des hostilités ne mit pas fin aux inquiétudes liées à la syphilis. » Les conseillers municipaux voyaient la propor-
la syphilis. En 1920, Louis Mourier [1873—1960], Rapporteur tion des malades anciens — 19,6 anciens pour un nouveau —
du budget à l’Assemblée nationale, dressait un tableau suf- et « l’afflux sans cesse grandissant des malades » comme
fisamment effrayant pour alerter ses collègues sur la gravité autant de preuves du succès de la méthode. « Tenus au cou-
de la situation : « la syphilis a tué plus de 1 500 000 Français rant de l’étiage du poison syphilitique dans leur sang, ils [les
en dix ans, autant que la guerre en quatre ans [. . .]. Un cin- malades] deviennent, par leur empressement à revenir se
quième au moins des adultes sont syphilitiques et chaque faire soigner, les collaborateurs du médecin traitant. Et c’est
année les maladies vénériennes coûtent plus d’un demi- la collaboration entre l’effort médical et la persévérance du
milliard à la France. [. . .] Que de déchets humains : enfants malade qui donne le résultat, c’est-à-dire le passage d’un
tarés, épileptiques, infirmes de corps et d’esprits ! [. . .] La état de danger effroyable à un état de sécurité absolue. »
polymortalité infantile est de 80 % [. . .] les hérédosyphili- [80]. En 1921, l’État, le département de la Seine et la Ville
tiques meurent dans la proportion de 72 % avant six mois. » de Paris augmentaient leur soutien, portant le montant total
[72]. des subventions à plus de 500 000 francs. Dans la perspective
Plus nuancés, les syphiligraphes appréciaient diverse- d’une activité régulièrement croissante, Dausset et Rous-
ment la situation. Alors qu’Hudelo [Broca] voyait une selle, soutiens de la première heure de Vernes, plaidaient
augmentation du nombre de cas traités à la policlinique pour « une impulsion vigoureuse [qui] exige l’édification
de son service, Louis Fournier, à Cochin, observait plutôt d’un établissement central parfaitement aménagé. » [81].
une diminution tandis que les chefs de service de Saint- Vernes trouva dans des réseaux politiques, économiques
Louis estimaient — sans chiffre pour l’argumenter — qu’il et médiatique les soutiens nécessaires à la diffusion de
n’y avait pas de diminution des nouveaux cas de syphilis. ses travaux. La Société des ingénieurs civils et la Société
À Strasbourg, Pautrier s’interrogeait : « la syphilis est- d’encouragement pour l’industrie nationale fondaient le
elle en régression ? [. . .] Oui, la syphilis diminue. [. . .] 10 juillet 1922, un comité pour l’abolition de la syphilis
En finir avec la syphilis. L’ambition inaboutie d’Arthur Vernes 65

Figures 6—11. In Viborel L. La technique moderne de la propagande d’hygiène sociale. Paris, éditions de la Vie Saine, 1930.

[CAS] dans le but de créer dans les grands centres industriels générale le 25 janvier 1923 au siège de l’Union des indus-
des dispensaires anti-syphilitiques délivrant gratuitement tries métallurgiques et minières. Millerand, président de
les soins [82]. Le Chatelier, président honoraire de la Société la République était président d’honneur, Foch et Lyautey,
française de constructions mécaniques, était élu président Maréchaux de France, membres d’honneur. Élu président
du CAS, Vernes nommé conseiller technique [83]. Vantant du Comité de propagande, Bergson [1859—1941], Prix Nobel
la méthode de Vernes « merveille de rigueur » et le fonc- de littérature [1927], vantait la méthode de Vernes « qui
tionnement de l’institut Prophylactique, véritable « usine à assure la guérison et qui permet d’en mesurer le progrès,
guérir », Le Chatelier insistait sur les conséquences écono- une méthode enfin dont l’emploi est susceptible de se géné-
miques de la syphilis. Les accidents de travail seraient plus raliser et de s’étendre au pays tout entier. » [86]. Le Comité
fréquents, plus graves, d’une guérison plus longue et plus de propagande jouait le rôle de lobbyiste sollicitant des
coûteuse chez les ouvriers syphilitiques. Dans ces conditions dons auprès de compagnies industrielles et bancaires. En
guérir la syphilis devait être considérée comme une priorité dépit de ces soutiens, Le Chatelier faisait observer que pour
nationale, d’autant que « la guérison complète de tous les adapter l’institut Prophylactique à son activité croissante, il
Français syphilitiques et non pas des seuls ouvriers coûterait fallait édifier un immeuble d’un coût prévisible de 3 millions
moins de 1 milliard de francs, une fois pour toutes. » [84]. de francs. D’autres soutiens financiers étaient indispen-
Dans cette perspective, une sérologie syphilitique selon la sables. Pour les obtenir, Le Chatelier proposait « d’agir sur
méthode de Vernes devenait obligatoire chez tous les can- l’opinion en créant une ambiance faite d’angoisse touchant
didats à l’embauche par la compagnie des mines de potasse l’avenir du pays si rien n’y est changé et d’espoir dans
d’Alsace, la compagnie des chemins de fer du midi, l’Union les résultats d’un effort. » Il proposait aux « financiers et
parisienne d’électricité [85]. aux commerçants » de participer au financement d’un nou-
Sur l’initiative de Le Chatelier, un Comité de propagande vel institut Prophylactique, considérant que l’abolition de
de l’institut Prophylactique tenait sa première assemblée la syphilis « leur vaudra un surcroît de bénéfices sans leur
66 G. Tilles

Figures 12—16. L’institut Prophylactique, 36, rue d’Assas, Paris. Vue d’ensemble et vues intérieures in Vernes A. Atlas de syphilimétrie.
Les conditions expérimentales de l’extinction de la syphilis. Paris, A. Pradier, 1920.

imposer de charges annuelles quand l’organisation prévue et le Caire, nous comptons 113 laboratoires à l’image de
sera réalisée. » ceux de la rue d’Assas. » [88].
Dans la perspective de construction d’un nouvel institut Plusieurs hôpitaux de l’Assistance Publique [Saint-Louis,
Prophylactique adoptée par l’assemblée générale du 25 mars Broca, Boucicault, Cochin, Hérold, Enfants-Malades], des
1922, un terrain situé avenue Pasteur était acquis. Le trans- établissements de province [Rouen, Caen, Angers, Rennes,
fert n’eut finalement pas lieu et l’institut Prophylactique Tours, Versailles, Fontainebleau, Nancy, Metz, Strasbourg,
s’installait, 36, rue d’Assas, dans un immeuble existant, Valenciennes, Dijon, Bayonne, Nîmes] et de capitales
acquis et aménagé grâce aux subventions et à un don de étrangères [Bruxelles, Londres, Constantine, Copenhague,
1 million de francs — soit environ 2,5 millions d’euros — de Lausanne, Milan, Rome, Le Caire, New York, Porto-Rico,
Franck Jay Gould [1877—1956] (Fig. 12—16). Caracas, Sao Paulo, Montevideo, Buenos Aires, Shanghai]
Le 27 novembre 1926, Gaston Doumergue, président de étaient équipés de photomètres de Vernes. Un institut Pro-
la République, (Fig. 17 et 18) inaugurait l’institut Pro- phylactique ouvrait ses portes à Saïgon le 1er mai 1926 [89].
phylactique en présence de ministres, anciens ministres, À partir de 1926, Vernes élargit ses recherches à la
parlementaires, du directeur de l’Assistance Publique, de tuberculose. À l’image de la syphilimétrie, Vernes mit au
Brocq, seul médecin des hôpitaux de Paris, de Clément point la tuberculométrie en pensant avoir mis en évidence
Simon, médecin de Saint-Lazare. [87] Dausset, sénateur, dans le sérum des tuberculeux « une substance témoin de
citait quelques chiffres témoins de l’activité de l’institut et l’existence et de l’activité de leur tuberculose, substance
de son rayonnement international : « en 1926, 8000 malades que nous avons dénommée résorcidine. » [40]. Il deve-
nouveaux, 140 000 consultations ; un million de consulta- nait alors possible de faire, à l’aide d’une unique prise
tions en 10 ans et plus de 60 000 malades [. . .] 17 dispensaires de sang, le diagnostic de deux maladies à forte connota-
dont 5 sont installés dans des prisons de l’État [. . .]. Dans le tion sociale, la syphilis et la tuberculose. Quelques années
monde entier de Paris à Tien-Tsin, en passant par Barcelone plus tard, Vernes, emporté par son intérêt pour les mesures
En finir avec la syphilis. L’ambition inaboutie d’Arthur Vernes 67

1929 les Archives de l’Institut Prophylactique, périodique


bimestriel dont la parution cessa en 1940.
Au début des années 1930, 30 dispensaires annexés à
l’institut Prophylactique étaient en service dans Paris et la
banlieue parisienne, à Madagascar, en Martinique, Guade-
loupe, à Tahiti, Pondichéry, Saigon, Dakar, au Cameroun, aux
Comores, à Alger. La méthode de Vernes est adoptée par la
Marine Nationale à partir de 1930. Le montant global de sub-
ventions passait de 200 000 francs en 1916 à 435 000 francs
en 1935. Le nombre de malades nouveaux suivait la même
évolution passant de 1200 en 1916 à 19 000 en 1931. Près
de 4,5 millions de consultations avaient été données entre
1916 et 1940.
En 1932, 44 dispensaires étaient gérés par l’institut Pro-
phylactique. Les jours et des heures de consultation et de
traitement différaient selon la population à laquelle chaque
dispensaire s’adressait. Ainsi par exemple, une consultation
Figure 17. Gaston Doumergue, président de la République, à avait été créée spécialement pour le personnel de mai-
l’institut Prophylactique le 27 novembre 1926. Derrière lui, Arthur son, valets de chambre et maîtres d’hôtel au dispensaire
Vernes. de l’hôpital Bellan, de 14 h à 17 h. Pour accueillir employés
et ouvriers, le dispensaire de la rue d’Assas était ouvert à
chiffrées en médecine, étendait sa méthode et s’égarait partir de 8 h30 et le soir à partir de 17 h30 sauf le samedi où
en prétendant guérir le cancer grâce à la cancérométrie il est ouvert à partir de 12 h. Deux dortoirs d’une dizaine
(1929). de lits chacun avaient été installés pour les malades qui
Une école de syphilimétrie installée rue d’Assas assure devaient subir une ponction lombaire. La réduction des sou-
l’enseignement et la diffusion de la méthode de Vernes tiens financiers apportés par la Ville de Paris et le Conseil
en France et hors de France à partir de février 1927. général obligea l’institut Prophylactique à diversifier ses
Présentant le rapport d’activité de l’année 1929, Vernes activités. Des services d’ORL, de radiologie, de cardiolo-
montre l’évolution spectaculaire de l’activité de son institut gie, de neurologie, de phtisiologie, de gastro-entérologie
depuis sa fondation : 10 000 consultations en 1916, près de adjoints au dispensaire furent ouverts, d’abord uniquement
240 000 en 1929 [90]. Près de cent installations de photo- aux malades de la syphilis traités à l’institut. En 1933, trois
métrie étaient en fonctionnement en France, dans 41 pays nouveaux centres photométriques étaient entrés en fonc-
étrangers et dans des colonies françaises d’outre-mer tionnement à Madagascar [92].
[Cochinchine, Annam, Sénégal, Indes françaises, Madagas- En 1936, Sellier, Ministre de la Santé publique, rendait
car, Guyane, Algérie, Tunisie, Maroc] [91]. Vernes fondait en hommage aux travaux de Vernes qui ont montré que « la

Figure 18. Article consacré à l’inauguration de l’institut Prophylactique par Gaston Doumergue. Le Matin, 26 novembre 1926.
68 G. Tilles

syphilis est curable et peut être guérie. » [93]. L’année


suivante, l’Assemblée générale annuelle de l’institut pro-
phylactique avait lieu à Matignon sous la présidence de
Camille Chautemps, président du Conseil. Acteurs de la vie
politique, députés, sénateurs, ministres, anciens ministres,
industriels, médecins, membres fondateurs de l’institut
Prophylactique y assistaient. Dans les années 1950, 201 dis-
pensaires dépendant de l’Institut Prophylactique sont en
fonctionnement. Des dons de groupes industriels et de par-
ticuliers permettaient de maintenir le fonctionnement des
dispensaires et de l’institut dans un contexte de baisse des
subventions [94].

L’institut Prophylactique vu par la presse


grand public : une « usine à guérir » Figure 19. Arthur Vernes dans son laboratoire, coll Bibliothèque
inter universitaire de santé, Paris-Descartes.
De même qu’il bénéficia d’importants appuis politiques et
économiques, Vernes put compter sur un fort soutien de la imitateurs. » [98]. Sous le titre La syphilis est vaincue Rehm,
presse grand public qui témoigne de la place occupée par médecin, rend compte pour Le Matin du 4 janvier 1923 de sa
la syphilis dans la société de l’entre-deux guerres. Armand visite à l’institut Prophylactique où il pense avoir assisté à
Salacrou, auteur dramatique dépêché à l’institut Prophylac- la naissance d’un monde nouveau : « je viens de voir la plus
tique par L’Humanité, rendait compte de son admiration : étonnante réalisation médicale qui ait jamais été conçue.
« il est absolument démontré que la suppression mondiale J’ai vu, je suis convaincu. Sommes-nous à la veille d’une
de la syphilis n’est plus qu’une question d’organisation tech- transformation radicale de la médecine ? C’est fort pro-
nique suivant des règles sérologiques précises [. . .]. Avec le bable car la méthode que le docteur Vernes a inaugurée
phénomène de la floculation des sérums, le docteur Vernes a pour la syphilis a inauguré une voie nouvelle pour les autres
réalisé cette réaction qui permet au médecin de ne plus aller maladies sociales : cancer, tuberculose. . .[. . .] On ne sait ce
à l’aveuglette ; le progrès est considérable. [. . .] Les malades qu’il faut le plus admirer de la patience et de l’ingéniosité
qui furent ainsi traités se sont mariés. Ils n’ont connu aucun qu’il fallut à cet homme de génie pour mettre au point un
trouble, aucun malaise douteux, ils ont eu des enfants et de procédé de diagnostic d’une précision rigoureusement scien-
beaux enfants [. . .]. Il faut qu’un tel traitement soit généra- tifique ou de l’esprit méthodique qui a présidé à la création
lisé dans de telles cliniques et gratuitement à travers tout de véritables usines à guérir. Le docteur Vernes [. . .] est
le pays. La race doit être sauvée puisqu’elle peut l’être. » un homme grand d’une maigreur ascétique. Dans une face
[95]. glabre, osseuse et pâlie par les veilles, brillent deux yeux
Les résultats obtenus par Vernes amenaient même le noirs, extraordinaires d’intensité. [. . .] Le Wassermann fut
quotidien communiste à se demander s’il fallait « sacrifier un immense progrès mais la réaction de Vernes est autre-
aux légitimes rancunes de classe l’intérêt immédiat de nos ment précise. Il y a autant de différences entre ces deux
malades et de ceux qui seront contagionnés demain. Je ne méthodes que par exemple, l’appréciation de la tempéra-
le pense pas [. . .]. Dès qu’un individu est malade, il faut ture d’un liquide en y plongeant le doigt ou en se servant
le soigner [. . .]. L’œuvre prophylactique du Dr Vernes est d’un thermomètre. [. . .] Quand on pense aux effroyables
incontestablement l’expression de la société dans laquelle ravages de la syphilis tueuse d’enfants, pourvoyeuse des
nous vivons et dont nous connaissons les tares. Mais si nous salles d’incurables et d’aliénés, ce n’est pas sans une sensa-
devons lutter avec énergie et nous refuser à toute capitu- tion d’immense joie que l’on revient d’une visite aux usines
lation dans le domaine économique, nous ne pouvons pas à guérir du docteur Vernes, les yeux éblouis de l’aube scien-
en faire autant en face de la maladie. Contre elle nous tifique entrevue où se lisent les mots si doux à notre pauvre
devons utiliser tous les concours en attendant que nous puis- humanité : espérance, salut, bonheur. » [99] (Fig. 19).
sions organiser la défense nous-mêmes car, s’il n’y a pas Le Populaire, journal socialiste, participe lui-aussi au
une médecine communiste [. . .] nous savons que nous devons concert de louanges : « aux procédés approximatifs qui
tendre pour le plus grand bien des peuples à une organisation laissent échapper une partie des syphilitiques et qui ne
communiste de la médecine. » [96]. traitent les autres qu’avec une incertitude planant sur tout
La Presse du 19 mars 1923 n’hésitait pas à écrire que leur avenir, pendant toute leur vie, l’institut Prophylactique
« le laboratoire du Dr Vernes constitue une véritable usine substitue une méthode claire et précise qui permet de voir
à guérir [. . .]. La manière de soigner est parfaite et inédite l’infection là et partout où elle se trouve. » [100].
[. . .]. À l’usine à guérir, la syphilis est considérée comme La Presse profite de l’inauguration officielle par le Pré-
une maladie curable. » [97]. Quelques jours plus tard, Le sident de la République pour vanter les vertus d’Arthur
Figaro soulignait « l’impression de confiance et de sécu- Vernes et la qualité des soins offerts par l’institut : « j’ai
rité éprouvée par les innombrables malades qui fréquentent visité l’institut de la rue d’Assas. Il est simple, logique, har-
l’institut Prophylactique — plus de 40 000 dossiers tenus monieux et confortable [. . .]. Et cette technique s’étend
à jour — (qui) fait que non seulement ils ne montrent ni aujourd’hui aux Facultés et Laboratoires de France et des
répugnance ni lassitude mais s’empressent à recruter des colonies et à plus de trente nationalités étrangères [. . .]. Il
En finir avec la syphilis. L’ambition inaboutie d’Arthur Vernes 69

n’y a plus de mal honteux. Il n’y a qu’un ennemi à abattre donnera la mesure : l’institut Prophylactique a presque
et il le sera. » [101]. autant pour ses frais de bibliothèque [14 905 francs] qu’il
En 1929, Even, médecin, député des Côtes-du-Nord, signe est accordé à l’hôpital Cochin pour ses consultations du soir
en première page du quotidien Le Matin, un article consa- [16 256 francs]. Je fais donc appel à une meilleure justice
cré à l’institut Prophylactique, établissement « unique au distributive et je demande que dans notre République le
monde [. . .] dû à l’initiative d’un seul homme, le docteur droit de prince n’existe pas [sic] » [77].
Arthur Vernes [. . .] Le docteur Vernes réunit en lui les dons Noir, Secrétaire général de l’Union des Syndicats médi-
rares et précieux [. . .] ceux du savant, ceux de l’apôtre, caux de France, reprochait à Vernes d’avoir « de dangereux
ceux de l’administrateur. [. . .] La grandeur de l’œuvre du amis qui ont employé pour lancer sa méthode des procédés
docteur Vernes est telle qu’il mérite d’être classé parmi les inusités dans les milieux médicaux et les milieux savants.
bienfaiteurs de l’humanité. » [102]. [. . .] Les hommes politiques les plus éminents, les jour-
Bodros, journaliste au Front Socialiste, Républicain, nalistes les plus talentueux et même le grand philosophe
Français publiait en juillet 1936 un article dans la même M. Bergson, qui préside le comité de propagande de l’institut
veine : « Écoutez ! Un homme est venu, le docteur Arthur Prophylactique ne sont pas des autorités suffisantes en syphi-
Vernes, directeur de l’institut Prophylactique [. . .]. Je vous ligraphie et en sérologie pour mettre à l’abri de toute
apporte une certitude et si vous en doutiez, venez à discussion les procédés du Dr A. Vernes. » [105].
l’institut Prophylactique. Ses archives renferment des mil- Rétrospectivement, Sabouraud gardait le souvenir de
liers de graphiques attestant que la syphilis a été vaincue. cette période difficile pour Vernes qui « a inauguré le type
Et puisqu’elle a été vaincue, que le dogme qui en faisait de traitement d’avenir de la syphilis [. . .]. Tout cela ne s’est
quelque chose de redoutable et de permanent a été rejeté pas fait sans soulever contre lui un monde d’animosités et
dans l’oubli, nous allons oublier jusqu’à son nom détesté et de jalousies [. . .]. Lui-aussi fut taxé de réclamiste. Lorsque
nous l’appellerons d’un nom qui a le mérite de la clarté et Queyrat fut président de la Société de dermatologie, on vou-
de l’exactitude [. . .] ce sera la tréponémie, la tréponémie lut le faire comparaître et j’eus bien du mal à le défendre. »
curable ! Ce ne sera plus la syphilis éternelle ! » [103]. [24]. Vernes conserva de ces commentaires un souvenir
En 1937, en première page du même journal, un autre amer, déplorant que « certains milieux médicaux se trou-
article vantait l’œuvre et la personnalité de Vernes qui fait vant dérangés dans leurs habitudes ou considérant qu’on
« invinciblement penser à Lindbergh [. . .] La même clarté ne tenait pas suffisamment compte de leurs intérêts par-
dans le regard. La même hardiesse obstinée dans une entre- ticuliers, au lieu de se rallier à la cause de la défense des
prise inouïe. La même jeunesse répandue dans les traits intérêts du pays déployèrent au contraire leur activité non
burinés pourtant par les veilles. La même timidité dans le contre le tréponème mais contre l’armement scientifique
succès acquis [. . .]. En quelques années, son labeur forcené que nous avions édifié pour le combattre. Ce fut sans portée
allait établir une méthode curative décisive du mal invisible sur le plan scientifique mais désastreux sur le plan social. »
qui conduit chaque année au tombeau de 150 000 Français. » [11].
[7].
Le 20 juillet 1938, Rousseau, journaliste à Marianne, heb-
domadaire littéraire, publiait un reportage enthousiasmé du
fonctionnement de l’institut Prophylactique : « Mais au fait Lutter contre la syphilis pour « préserver
que fait-on dans cet institut Prophylactique ? On y récu- la race »
père des hommes. Ici on combat la tuberculose, le cancer
et surtout la syphilis ou plutôt la tréponémie car la syphi- Dans les années 1930, la syphilis continuait d’être une ques-
lis n’existe plus [. . .]. La maladie tant redoutée qui, en tion de santé publique malgré les promesses de guérison
s’attaquant aux individus, démolit la race, a fait place à que laissaient entrevoir les arsénobenzols, le bismuth. Car-
une affection au nom bénin : la tréponémie. » Rousseau rel [1873—1944], prix Nobel de Médecine [1912], auteur
est émerveillé devant les démonstrations faites pour lui par à succès en 1935 de « L’homme cet inconnu », eugéniste
les techniciens de l’institut et surtout par les graphiques convaincu, insistait sur la nécessité de lutter contre la syphi-
dont le bureau de Vernes est tapissé : « le clou est un gra- lis dont « la suppression même partielle serait une étape
phique qui se déploie sur trois murs du cabinet : il mesure importante dans la voie de l’amélioration physique, intellec-
huit mètres de long et concerne une femme qui est dans sa tuelle et morale de la nation. [. . .] Pour que notre civilisation
vingt-sixième année d’observation ! [. . .] L’institut possède soit capable de se développer au milieu de la révolution
250 000 des graphiques. Si on les mettait bout à bout, leur mondiale qui a déjà commencé, il faut, par tous les moyens
longueur totale dépasserait 100 km ! » [104]. possibles, augmenter l’intelligence et la force de la race. »
Cette médiatisation et des propos journalistiques sans [106,107]. Vernes, que Carrel considérait « comme un des
nuance ne pouvaient qu’attirer des réactions irritées de grands bienfaiteurs de l‘humanité », s’inscrivait lui-aussi
la part des syphiligraphes hospitaliers et des représen- dans ce courant de pensée, mettant la qualité des individus
tants de syndicats de médecins. Queyrat ne manqua pas au-dessus de leur quantité et en profitait pour stigmatiser
de déplorer les soutiens, selon lui injustifiés, apportés à « l’inanité de certaines dotations en faveur des familles
l’institut Prophylactique « objet de campagnes dithyram- nombreuses. Celles-ci, à n’envisager que le nombre et non
biques de la part de la grande presse dont le moins qu’on la qualité, peuvent n’accroître la population que de déchets
puisse dire est qu’elles ont été singulièrement déplacées et et représenter, non pas une amélioration, mais une cala-
erronées ; il a été, d’autre part, l’objet des faveurs exu- mité sociale. » [108]. Dans le même veine, Vernes publiait
bérantes des hommes politiques [. . .]. Je ne saurai assez en 1935 un court ouvrage, résumé de ses travaux, pré-
souligner cette inégalité de traitement dont le détail suivant facé par Carrel, dont le titre « SOS pour la défense de la
70 G. Tilles

race » montre les objectifs qu’il assignait à la lutte contre la les syphilitiques récents [. . .] il consacre généreusement,
syphilis [109]. toujours par an et par tête d’habitant, la somme royale de
En octobre 1938, Vernes signait en première page du 37 centimes. » [115].
Matin — quotidien proche de l’extrême droite avant de
devenir ouvertement collaborationniste — une tribune inti-
tulée « La vie de la Nation ou sa déchéance », en filigrane Épilogue
consacrée aux conséquences de l’hérédité syphilitique, dans
laquelle l’eugénisme affleure à chaque ligne : « le danger se En 1943, Mahoney, Arnold et Harris publiaient les pre-
mesure à la quantité des faibles d’esprit, des estropiés de miers résultats du traitement de la syphilis récente par
naissance, infirmes, paralytiques, sourds-muets, dévoyés ou la pénicilline, médicament enfin efficace et sans danger
autres loques humaines et procréateurs atroces qui démo- [116]. Les syphiligraphes accueillirent avec prudence cette
ralisent, contaminent et encombrent la société à moins que innovation thérapeutique, la pénicilline restant, dans un
se ferment sur eux les portes de l’asile [. . .]. Quelle figure premier temps, un traitement d’appoint complément des
la France finira-t-elle par faire dans le monde si elle est méthodes anciennes, mercure, arsenic, bismuth [117]. La
une des dernières nations à comprendre que la santé de son même année, contrastant avec les déclarations des années
peuple, magnifique réservoir de ses grandeurs passées et à 20 qui faisaient passer pour acquise la guérison de la syphi-
venir, doit être sauvegardée ? » [110]. lis, Vernes déclarait à Paris-Soir que « la syphilis a tué en
Après avoir participé à la création en 1938 d’un « Comité dix ans 2 millions de Français et la proportion a triplé au
de l’avenir de la race », Vernes publie l’année suivante cours des trois dernières années. » « La tréponémie s’est
« Ordre et progrès », texte dans lequel il appelle à soutenir tellement répandue [. . .] qu’un être humain peut s’estimer
l’institut Prophylactique dans son combat « non seule- heureux quand il achève sa vie sans l’avoir contractée. »
ment contre le tréponème mais contre tous les facteurs de [118].
déchéance de la race. » [111]. Il récidive la même année En 1946, Vernes persistait dans la syphilophobie,
en déplorant « la fortune de la France de plus en plus n’hésitant pas à voir la syphilis comme une arme plus des-
absorbée par des dépenses improductives pour l’entretien tructrice que la bombe atomique utilisée un an auparavant :
d’incurables [. . .]. Pourquoi ne pas poursuivre d’abord la « il n’est pas besoin de bombe atomique pour anéan-
guérison de tous les syphilitiques alors que l’aliénation men- tir le genre humain. Après l‘avoir détérioré physiquement
tale relève de la syphilis pour plus de 50 %. » [112]. et mentalement, fibre par fibre, l’invisible syphilis est en
N’hésitant pas à considérer la lutte contre la syphi- train de s’en charger. » [119]. L’année suivante, quatre ans
lis comme un facteur de stabilité internationale, Vernes après la publication de Mahoney dont de nombreux travaux
publiait le 28 juin 1939 une lettre ouverte à Edouard confirmaient la valeur, Vernes affirmait que « même la péni-
Daladier, président du Conseil. Plaidant pour la générali- cilline n’empêche pas la syphilis de progresser de manière
sation de la syphilimétrie sous contrôle gouvernemental, effrayante [. . .]. Nous constatons déjà chez les malades qui
il mettait en avant la perspective d’une guerre pour ren- se présentent, dix fois plus de nouveaux syphilitiques qu’il
forcer l’importance de la lutte contre la syphilis : « nous y a dix ans. » [120].
savons déjà, en temps de paix que tout mouvement de Présentant le rapport d’activité de son institut en 1952,
troupes, manœuvres ou mobilisation, se marque par une Vernes insistait sur le fait que « face à la syphilis, la situa-
recrudescence des maladies vénériennes par hyperactivité tion de fond n’a pas énormément changé depuis l’époque
des prostituées clandestines et difficulté de surveillance. » où j’introduisais la syphilimétrie. » Faisant référence aux
Dans ces circonstances, concluait Vernes, « c’est donc travaux de Fournier rédigés un demi siècle auparavant,
une mesure de pré-guerre aussi nécessaire que la cons- Vernes persistait à voir la syphilis « répandue, invisible
truction des canons ou des avions que de réduire le plus (comme) la maladie, la plus sombre, la plus menaçante qui
possible le nombre de porteurs de germes en temps de soit. » Cette situation imposait selon lui d’étendre « aussi
paix. » [113]. loin qu’il est possible, la pratique d’un contrôle sérolo-
Le 1er août 1941, Vernes récidivait en cosignant un gique probant », d’autant plus que la diminution du taux
appel à Pétain, avec Millerand, membre de l’Académie de contamination « faisait croire bien à tort que la syphilis
des sciences morales et politiques, Lacroix, secrétaire per- est en voie de disparition. » [121]. En 1953, 28 000 nou-
pétuel de l’académie des Sciences, Bertrand, membre veaux malades de syphilis ou de blennorragie consultaient
de l’Académie des sciences et de l’Académie de méde- à l’institut Prophylactique et dans les 18 services annexes
cine, Gosset, membre de l’Académie des sciences et de de Paris et de la banlieue. Vernes saluait les résultats de
l’Académie de médecine, Tiffeneau, membre de l’Académie la pénicilline qui après une semaine de traitement assure
des sciences et de l’Académie de médecine, Trefouel, direc- la guérison dans une proportion voisine de 100 % des syphi-
teur de l’Institut Pasteur. Après un long plaidoyer sur la lis récentes. Ce progrès thérapeutique ne remettait pas en
nécessité d’augmenter les moyens donnés à la lutte contre question la nécessité de mesurer la syphilis pour assurer
la syphilis, les signataires concluaient sur la nécessité de la guérison des formes plus tardives moins sensibles à la
« sauver la race. Nous nous devons donc, pour y parvenir, de pénicilline [122].
mettre ceux qui ont entre leurs mains l’avenir de la Patrie Expert à la Société des nations, lauréat de la faculté de
en face de leurs responsabilités. » [114]. Quelques mois plus médecine de Paris, lauréat de l’Académie des sciences, lau-
tard, Vernes insistait à nouveau sur « ce paradoxe invrai- réat de la médaille des épidémies en 1909, Grande Médaille
semblable que l’État français dépense 23 francs par an et d’Or de la Société d’encouragement pour l’Industrie natio-
par tête d’habitant pour entretenir les aliénés, les infirmes, nale [1931], chevalier de la Légion d’Honneur en 1920,
les incurables victimes de la syphilis mais pour soigner officier de la Légion d’Honneur en 1925, commandeur de
En finir avec la syphilis. L’ambition inaboutie d’Arthur Vernes 71

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[86] Procès verbal de la réunion constitutive du 23 janvier 1923. [108] Vernes A. La syphilis, maladie universelle, invisible et
37 rue des Mathurins, Paris: Siège du Comité; 1923, p 5, 8. curable. Arch Instit Prophyl 1935;tVII2:89—100.
[87] Visite de M. le Président de la République à l’Institut prophy- [109] Vernes A. SOS pour la défense de la race. Paris: Maloine; 1935.
lactique. Bull Muni Off; 1926. p. 5593—6. [110] Vernes A. La vie de la Nation ou sa déchéance. Le Matin; 1938.
[88] Discours de M. Visite de Monsieur le Président de la Répu- p. 1—2.
blique. Inauguration des nouveaux bâtiments de la rue [111] Vernes A. Ordre et progrès. Arch Instit Prophyl 1938;11:11—4.
d’Assas. Bibliothèque Nationale de France; 1926 [pièce [112] Vernes A. L’avenir de la race ou la ruine, 20114. Le Matin;
16◦ R732]. 1939. p. 1—2.
[89] NGuyen Van T. Fonctionnement de l’Institut Prophylactique de [113] Vernes A. Exposé soumis par le Dr Arthur Vernes, le
Saïgon en 1926, 1927, 1928. Arch Instit Prophyl 1930;2:15—22. 28 juin 1939, à Mr Daladier, Président du Conseil et à
[90] Vernes A. Statistique médicale annuelle, année 1929. Dispen- ses collègues, MM Camille Chautemps, Paul Reynaud, Ana-
saire de la rue d’Assas. Arch Instit Prophyl 1930;3:507—9. tole de Monzie et Marc Rucart. Arch Instit Prophyl 1939;XI:
[91] Vernes A. Rapport à l’Assemblée générale de l’Institut Prophy- 171—5.
lactique [20 décembre 1929]. Arch Instit Prophyl 1930;2:5—8. [114] Pour la France. Une œuvre de salut public. Adresse à
[92] Léger M. La vie de l’Institut Prophylactique en 1932. Arch M. le Maréchal Pétain. Note du Conseil d’administration de
Instit Prophyl 1933;1:289—301. l’Institut Prophylactique. Bibliothèque nationale de France,
[93] Allocution de M. Henri Sellier, Ministre de la Santé publique. 8-T-pièce-15391.
Arch Instit Prophyl 1936;t VIII4:344—6. [115] Vernes A. SOS. L’avenir de notre race est en péril. Le Matin;
[94] Vernes A. Qu’apporte l’Institut Prophylactique. Paris: Institut 1942. p. 1.
Prophylactique; 1971. p. 74—85. [116] Mahoney JF, Arnold RC. Penicillin treatment of early syphi-
[95] Salacrou A. La thérapeutique moderne. Comment on vainc la lis. A preliminary report. Am J Public Health Nation Health
syphilis Une visite à l’Institut prophylactique. PN L’Humanité; 1943;33:1387—91.
1921. p. 2 [18, 6342]. [117] Litoux P. James Marshall : le traitement de la syphilis par la
[96] Paoli F. La lutte contre la syphilis. L’Humanité; 1923. p. 2. pénicilline. Ann Dermatol Venereol 2000;127:999—1006.
[97] Le laboratoire du Dr Vernes constitue une véritable usine à [118] Vernes A. L’organisation de la lutte anti-vénérienne. Paris
guérir. La Presse; 1923. p. 1 [80,2965]. Soir; 1943.
[98] Gautier E. Un mal qui répand la terreur. Le Figaro; 1923. p. [119] Vernes A. Il n’est pas besoin de bombe atomique. Comité pour
6. l’abolition de la syphilis. Paris; 1946. p. 1.
[99] Rehm PL. La syphilis est vaincue. Le Matin; 1923. p. 7. [120] Vernes A. Mesure et médecine. Conférence faite le 25 juin
[100] L’œuvre de l’Institut prophylactique de la Seine. Le Populaire 1947 à l’Institut catholique de Paris, 4. Paris: Institut prophy-
de Paris, 9, 1925; 1924. p. 2. lactique; 1947. p. 13.
[101] Merlet JFL. Pour la France demain. L’Institut prophylactique. [121] Assemblée générale de l’Institut Prophylactique du 15 mai
L’œuvre du docteur Arthur Vernes. Pour combattre la syphilis, 1952. Rapport du docteur Arthur Vernes. Bibliothèque natio-
84. La Presse; 1927. p. 2. nale de France, 4-T-3422; 1952.
[102] Even P. Une grande œuvre humaine. Le Matin; 1929. p. 1. [122] Assemblée générale de l’Institut Prophylactique du 18 juin
[103] Bodros P. L’œuvre de l’Institut Prophylactique. Front Socia- 1953. Rapport du docteur Arthur Vernes. Bibliothèque natio-
liste Republicain Français 1936;2:4. nale de France, 4-T-3422; 1953.
[104] Rousseau P. À L’Institut Prophylactique. En faisant la guerre [123] Titres et travaux scientifiques du docteur Arthur Vernes. Paris;
au tréponème. Marianne; 1938. p. 13. 1950.
Annales de dermatologie et de vénéréologie (2020) 147, 74—75

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HISTOIRE DE LA DERMATOLOGIE

Galilée avait-il un nævus dermique ou un


kératocanthome ?
Did Galileo have a dermal nevus or a keratoacanthoma?

N. Kluger a,∗,b

a
Department of dermatology, allergology and venereology, Helsinki University Central
Hospital, Helsinki, Finlande
b
Société française des sciences humaines sur la peau (SFSHP), maison de la dermatologie, 10,
cité Malesherbes, 75009 Paris, France

Reçu le 30 mars 2019 ; accepté le 11 septembre 2019


Disponible sur Internet le 13 décembre 2019

Cette question autour du célèbre mathématicien et astro- côté droit. On note effectivement une papule ou un nodule
nome italien du XVIIe siècle, né en 1564 et mort en 1642 à de couleur chair avec une discrète dépression centrale.
l’âge de 77 ans, peut sembler incongrue. Cependant, en On remarque aussi une deuxième papule rose au-dessus du
1986, Walter Roth, médecin allemand, publiait une lettre sourcil gauche de Galilée. Le terrain (un sujet âgé), la loca-
dans Der Hautarzt formulant l’hypothèse que Galilée aurait lisation photoexposée et l’aspect clinique de la lésion sont
eu un kératoacanthome [1]. En effet, lors d’une visite au évocateurs de kératoacanthome [2].
palais Pitti à Florence, ce dermatologue a remarqué sur un L’évolution du kératoacanthome est habituellement
portrait de Galilée tenant un télescope, une lésion de la joue triphasique avec une phase de croissance rapide, une sta-
gauche. Roth ne date pas précisément le tableau, mention- bilisation et la possibilité de régression spontanée [2].
nant seulement le début du XVIIe siècle. Sur la reproduction Ainsi, pour confirmer ou non l’hypothèse de Roth, il suf-
en noir et blanc du tableau dans le journal allemand, on note fit d’analyser d’autres portraits plus anciens afin de voir si
effectivement une lésion papulo-nodulaire de la pommette cette lésion était présente ou absente. Un portrait datant
gauche, avec une dépression centrale, évocatrice d’un kéra- de 1602—1607 par Francesco Apollodoro (ca 1531—1612) du
toacanthome. D’après nos propres recherches auprès de la National Maritime Museum de Londres dépeint un Galilée
Gallerie degli Uffizi, il s’agit d’un tableau de Justus Sus- aux alentours de la quarantaine. Une lésion papuleuse de
termans (Ritratto di Galileo Galiei) datant des environs couleur chair est nettement visible, alors que la barbe de
de 1640. Galilée avait 75 ans à l’époque. Sur une repro- Galilée est moins fournie et encore brune (Fig. 2) [3]. Par
duction couleur haute résolution qui nous a été adressée ailleurs, Sustermans a peint plusieurs portraits de Galilée
par le cabinet photographique du Musée (Fig. 1), la source assez similaires : un portrait réalisé en 1636 se trouve à Flo-
de lumière qui éclaire le visage de Galilée provient de la rence et un autre légèrement différent en 1640 est à Londres
gauche du tableau comme l’indique les ombres placées sur le [4]. Dans ces deux versions, la lésion est toujours papuleuse,
de couleur chair sans dépression notable. Francesco Villa-
mena (ca 1565—1624) a reproduit un Galilée jeune toujours
avec une lésion clairement papuleuse non cratériforme [5].
∗ Correspondance. Une estampe par le graveur Galgano Cipriani, d’après le
Adresse e-mail : nicolas.kluger@hus.fi

https://doi.org/10.1016/j.annder.2019.09.599
0151-9638/© 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Galilée avait-il un nævus dermique ou un kératocanthome ? 75

Figure 1. Portrait de Galilée par Justus Suttermans. Galilée


présente une lésion couleur chair avec une discrète dépression
centrale. Suttermans Justus, Ritratto di Galileo Galiei, 1640 ca., Figure 2. Portrait de Galilée par Francesco Apollodoro (ca
Gallerie degli Uffizi, Galleria Palatina e Appartamenti Reali. 1602—1607).
Crédit photographique : Gabinetto Fotografico delle Gallerie degli Source : http://www.fr.m.wikipedia.org/wiki/Fichier:Galileo
Uffizi. Galilei 2.jpg. Photographie de l’œuvre dans le domaine public.

tableau de Sustermans, du XVIIIe siècle reproduit une papule


non croûteuse ni cratériforme de la joue [6]. Enfin, dans un
portrait attribué à Francesco Boschi du XVIIe siècle mon-
Déclaration de liens d’intérêts
trant un Galilée vieillissant, des rides sont visibles mais on
L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.
ne retrouve cette fois aucune lésion de la pommette [7].
Pour conclure, Galilée présentait depuis au moins l’âge
de 40 ans une lésion papuleuse bien visible de la pommette
gauche. Il est improbable qu’un kératoacanthome ait évo-
Références
lué de façon indolente pendant plus de 30 ans sur la joue. [1] Roth W. Keratoacanthoma on the left cheek of Galileo Galilei.
L’aspect avec dépression centrale pourrait également évo- Hautarzt 1986;37:513—5.
quer un carcinome basocellulaire, mais la comparaison avec [2] Kwiek B, Schwartz RA. Keratoacanthoma (KA): an update and
le portrait plus jeune n’est pas très en faveur. Il est diffi- review. J Am Acad Dermatol 2016;74:1220—33.
cile d’affirmer sur deux portraits réalisés par des peintres [3] Royal Museums Greenwich. Francesco Apollodoro. Galileo
différents que la lésion ait grandie avec le temps. Galilée Galilei, 1564—1642 (ca 1602—1607); 1564—1642 http://www.
présentait plus probablement un « banal » nævus dermique collections.rmg.co.uk/collections/objects/14173.html.
du visage qui s’est modifié avec le temps. L’aspect déprimé [4] Royal Museums Greenwich. Justus Sustermans. Galileo
ou ombiliqué central, suspecté comme « cratériforme » Galilei, 1564—1642 (ca 1640); 1564—1642 http://www.
collections.rmg.co.uk/collections/objects/14174.html.
par Roth dans le portrait de 1640 de Florence, reste éton-
[5] The MET. Portait of Galileo Galilei. Francesco Vil-
nant. Galilée ne cachait à l’évidence pas cette lésion et les lamena. Gravure; 1613 https://www.metmuseum.
peintres contemporains n’ont pas essayé de la faire dispa- org/art/collection/search/358902.
raître ou de peindre Galilée sur son profil droit. Cette lésion [6] Le Château de Versailles. Les collections. Galgano
faciale était probablement considérée comme une caracté- Cipriani. Estampe (XVIIIe siècle). http://www.collections.
ristique physique importante de Galilée qu’il convenait au chateauversailles.fr/ [Accéder le 18 octobre 2019].
contraire de signaler sur les peintures. On peut se demander [7] Le Château de Versailles. Les collections. Attribué à Francesco
si Sustermans n’aurait pas cherché simplement à accentuer Boschi. Galileo Galilei, dit Galilée. Peinture (XVIIe siècle).
ce nævus en plus de l’ombre portée, lui conférant un aspect http://www.collections.chateauversailles.fr/ [Accéder le
trompeur pour l’œil des dermatologues. 18 octobre 2019].
Annales de dermatologie et de vénéréologie (2020) 147, 76—77

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DOCUMENT ICONOGRAPHIQUE

Aplasia cutis congenita suite à une


exposition in utero au carbimazole
A case of aplasia cutis congenita following in utero exposure to carbimazole

W. Kojmane ∗, S. Atmani

Université sidi Mohamed Ben Abdellah, CHU Hassan II Fès, Fès, Maroc

Reçu le 24 mai 2019 ; accepté le 6 septembre 2019


Disponible sur Internet le 6 décembre 2019

Observation
Il s’agissait d’un nouveau-né de sexe féminin, né de parents
non consanguins et d’une mère primigeste primipare. La
mère âgée de 32 ans était suivie pour une hyperthyroï-
die sous traitement depuis trois ans. Le bébé était né à
terme d’un accouchement par voie basse non dystocique
avec une bonne adaptation à la vie extra-utérine. Le poids
de naissance était à 3kg200 (P67), la taille à 48 cm (P42)
et le périmètre crânien était à 34 cm (P58). La grossesse
était marquée par la prise du carbimazole au cours du pre-
mier trimestre à la dose de 40 mg/jour. L’examen clinique
à la naissance avait révélé six lésions isolées au niveau du
cuir chevelu ulcérées, érythémateuses, non hémorragiques,
situées sur la ligne médiane, mesurant 1 cm/1 cm pour la
plus petite et 4 cm/3,5 cm pour la plus grande, sans défect
osseux à la palpation (Fig. 1). Le reste de l’examen clinique
et le bilan malformatif étaient sans anomalies. La radiogra-
phie du crâne n’avait pas objectivé de défect osseux. La
TSH était normale. La prise en charge thérapeutique avait
consisté à un traitement conservateur basé sur des soins Figure 1. Aplasia cutis congenita du vertex : lésions multiples
sans aplasie osseuse associée.
locaux.

Commentaires
∗ Auteur correspondant. L’aplasia cutis congenita (ACC) tératogène d’origine médica-
Adresse e-mail : kojmane2005@yahoo.fr (W. Kojmane).
menteuse est classée dans la forme VIIIa de la classification
https://doi.org/10.1016/j.annder.2019.09.604
0151-9638/© 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Aplasia Cutis Congenita suite à une exposition in utero au carbimazole 77

de Frieden. La classe de médicaments la plus incriminée sans agénésie osseuse sous-jacente. Selon une série de cas
dans les ACC est celle des antithyroïdiens de synthèse (ATS). et une revue de la littérature publiée par Sachs et al. l’ACC
Les ATS les plus utilisés sont le propylthiouracile (PTU), le tératogène à la suite de prise du carbimazole est généra-
carbimazole et le méthimazole. Il est indispensable de trai- lement unique, membraneuse ou pseudo-membraneuse, de
ter une hyperthyroïdie au cours de la grossesse car elle petite taille et localisée au cuir chevelu notamment sur la
peut être responsable de complications maternelles (fausse ligne médiane [5].
couche spontanée, prématurité, hypertension artérielle gra-
vidique, insuffisance cardiaque, crise aiguë thyréotoxique,
pré-éclampsie) et fœtales (malformations congénitales, Déclaration de liens d’intérêts
prématurité, retard de croissance intra-utérin, petit poids
de naissance, hyperthyroïdie néonatale). L’objectif du trai- Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.
tement est de maintenir des taux de T4L circulants chez la
mère dans les valeurs supérieures de la normale afin d’éviter
une hypothyroïdie et un goitre fœtaux chez le fœtus secon-
Références
daires au passage transplacentaire des ATS [1]. Cependant,
[1] Bricaire L, Groussin L. Pathologies thyroïdiennes et grossesse.
plusieurs publications rapportent des effets indésirables des Rev Med Interne 2015;36:203—10.
ATS utilisés au cours du premier trimestre de la grossesse [2] Karg E, Bereg E, Gaspar L, Katona M, Turi S. Aplasia cutis conge-
durant la période d’organogenèse, entre la sixième et la nital after methimazole exposure in utero. Pediatr Dermatol
dixième semaine d’aménorrhée, essentiellement pour le 2004;21:491—4.
carbimazole et son métabolite actif le méthimazole [2,3]. [3] Laurberg P, Andersen SL. Antithyroid drug use in early pregnancy
En effet, le PTU ne semble pas à l’origine de malformations and birth defects: time windows of relative safety and high risk?
fœtales [4] ; de ce fait les deux sociétés savantes l’American Eur J Endocrinol 2014;171:R13—20.
Thyroid Association et l’Endocrine Sociéty recommandent [4] Yoshihara A, Noh J, Yamaguchi T, et al. Treatment of Graves’
disease with antithyroid drugs in the first trimester of pregnancy
l’utilisation du PTU en première intention au cours du pre-
and the prevalence of congenital malformation. J Clin Endocri-
mier trimestre puis relais par le carbimazole au deuxième
nol Metab 2012;97:2396—403.
trimestre [1]. Cependant, dans de nombreux pays le PTU est [5] Sachs C, Tebacher-Alt M, Mark M, Cribier B, Lipsker D. Apla-
indisponible. Au Maroc, seul le carbimazole est disponible. sie cutanée congénitale et antithyroïdiens de synthèse au cours
Dans notre cas, l’ACC est multiple comportant six lésions iso- de la grossesse: série de cas et revue de la littérature. Ann
lées au niveau du cuir chevelu ulcérées sur la ligne médiane Dermatol Venereol 2016;143:423—35.
Annales de dermatologie et de vénéréologie (2020) 147, 78—79

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DOCUMENT ICONOGRAPHIQUE

Pemphigus végétant
Pemphigus vegetans

M. Lakhmiri a,∗, S. Maouni a, K. Znati b, M. Meziane a,


N. Ismaïli a, L. Benzekri a, K. Senouci a

a
Service de dermatologie, hôpital Ibn Sina, Rabat, Maroc
b
Service d’anatomie pathologie, hôpital Ibn Sina, Rabat, Maroc

Reçu le 15 septembre 2019 ; accepté le 7 novembre 2019


Disponible sur Internet le 13 décembre 2019

Observation
Une patiente âgée de 39 ans, sans antécédents, consul-
tait pour des lésions ombilicales et inguinales prurigineuses
évoluant depuis 8 mois. Initialement pustuleuses ; les
lésions confluaient en plaques et prenaient un aspect ver-
ruqueux violacé (Fig. 1 et 2). À l’examen clinique, elles
s’étendaient aux grandes lèvres génitales et à l’anus. Le
signe de Nikolsky était négatif. La langue était papil-
lomateuse. Le reste de l’examen trouvait des ganglions
inguinaux centimétriques d’allure inflammatoire. La biop-
sie vulvaire montrait une acantholyse avec des bulles intra
épidermiques supra-basales. La recherche de papilloma-
virus humain (HPV) était négative. Des dépôts en résille
d’IgG et de C3 étaient observés en immunofluorescence
directe (IFD). Le taux d’anticorps anti-substance intercel-
lulaire était élevé à 320 UI/mL. Le diagnostic de pemphigus
Figure 1. Plaque verruqueuse violacée de l’ombilic.
végétant de type Hallopeau était retenu. La patiente était
traitée par corticothérapie orale à 2 mg/kg/j en associa-
tion avec des bains de bouche de corticoïdes et du sérum après 17 mois. Aucune rechute n’était rapportée au cours
bicarbonaté. L’affaissement des lésions était noté après des 24 mois de suivi.
10 semaines de traitement et le blanchiment était obtenu

Commentaires
∗ Auteur correspondant. Dermatologie, hôpital Ibn Sina, rue Mfa- Le pemphigus végétant est une forme exceptionnelle de
del Cherkaoui, Souissi, Rabat, Maroc. dermatose bulleuse. Il représente 1 à 2 % de l’ensemble
Adresse e-mail : myriam.lakhmiri@gmail.com (M. Lakhmiri). des pemphigus. Sa physiopathologie reste mal élucidée.

https://doi.org/10.1016/j.annder.2019.11.001
0151-9638/© 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Pemphigus végétant 79

Figure 2. Pustules et plaques verruqueuses sur les plis inguinaux et les lèvres génitales.

Elle impliquerait des facteurs locaux à type d’occlusion, très forte en première intention. La forme de Hallopeau
de macération, de colonisation microbienne et des facteurs est de meilleur pronostic. Des traitements immunosuppres-
immunologiques dirigés contre la jonction interkératino- seurs ou immunomodulateurs peuvent être associés dans les
cytaire [1]. Deux formes cliniques ont été rapportées : formes résistantes [3].
la forme de Hallopeau où les lésions végétantes appa-
raissent sur des placards pustuleux d’évolution centrifuge
comme chez notre patiente et la forme de Neumann où Déclaration de liens d’intérêts
les bulles et les vésicules laissent place à des érosions puis
à des lésions végétantes. Les lésions siègent électivement Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.
au niveau des grands plis. L’atteinte muqueuse peut être
inaugurale, isolée ou non et plus fréquente au cours de la
forme de Hallopeau [2]. La langue prend un aspect scro- Références
tal, cérébriforme ou bourgeonnant [3]. Des localisations au
niveau du cuir chevelu, des ongles et des doigts ont éga- [1] Ruocco V, Ruocco E, Caccavale S, Gambardella A, Lo Schiavo
lement été rapportées [4]. Le diagnostic est retenu sur un A. Pemphigus vegetans of the folds (intertriginous areas). Clin
Dermatol 2015;33:471—6.
faisceau d’arguments cliniques, histologiques et immunolo-
[2] Cozzani E, Christana K, Mastrogiacomo A, Rampini P, Drosera
giques. La biopsie montre une hyperplasie de l’épiderme,
M, Casu M, et al. Pemphigus vegetans Neumann type with
une acantholyse supra-basale, des abcès intraépidermiques anti-desmoglein and periplakin autoantibodies. Eur J Dermatol
et des infiltrats inflammatoires à polynucléaires neutro- 2007;17:530—3.
philes et éosinophiles. L’IFD révèle des dépôts d’IgG et [3] Dahbi N, Hocar O, Akhdari N, Amal S, Fakhri A, Rais H, et al.
de C3 en « mailles de filet » au niveau de l’épiderme et Pemphigus végétant : une forme rare de pemphigus. Presse Med
l’immunofluorescence indirecte (IFI) met en évidence des 2014;43:619—21.
anticorps anti-substance interkératinocytaire [4]. Le traite- [4] Kluger N, Mandelin J, Lappalainen K. Pemphigus végétant péria-
ment repose sur la corticothérapie orale ou locale de classe nal. Presse Med 2016;45:945—6.
Annales de dermatologie et de vénéréologie (2020) 147(1), 80–81

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Remerciements aux experts

Nos remerciements vont aux experts que nous avons sollicités pour l’analyse et la critique des articles qui nous ont
été soumis en 2019. Merci pour leur extrême disponibilité et pour le sérieux avec lequel ils se sont constamment
acquittés de leur mission.

Henri Adamski Michel d’Incan Céline Girard Stéphanie Mallet


Florent Amatore Stéphane Dalle Jean-Yves Gourhant Ludovic Martin
Jean-Michel Amici Jean-Noël Dauendorffer Florent Grange Laurent Meunier
Emmanuelle Amsler Adèle de Masson Xavier Grimaux Brigitte Milpied
Josette André Pascal Del Giudice Romain Guery Laurent Misery
Philippe Assouly Emmanuel Delaporte Fabien Guibal Philippe Modiano
Hélène Aubert Pascal Delaunay Bernard Guillot Mourad Mokni
Francois Aubin Juliette Delaunay Laurence Gusdorf Jean-Benoît Monfort
Martine Audran Julie Delyon Florian Herms Gentiane Monsel
Claude Bachmeyer Olivier Dereure Camille Hua Jean-Jacques Morand
Robert Baran Vincent Descamps Pascale Huet Fanny Morice-Picard
Sébastien Barbarot Michel Develoux Marie Jachiet Laurent Mortier
Stéphane Barete Frédéric Dezoteux Jean Kanitakis Isabelle Moulonguet
Barouyr Baroudjian Anne Dompmartin Alice Kieny Micheline Moyal-Barracco
Nicole Basset-Séguin Marie-Sylvie Doutre Nicolas Kluger Michael Muhlstadt
Mathieu Bataille Tu-Anh Duong Flore Kurihara Philippe Musette
Maxime Battistella Nicolas Dupin Jean-Philippe Lacour Audrey Nosbaum
Philippe Berbis Alain Dupuy Emmanuel Laffitte Saskia Oro
Charlotte Bernigaud Sophie Duvert-Lehembre Sylvie Lagrange Muriel Ouedraogo
Claire Beylot Eric Estève Audrey Lasek-Duriez Dominique Penso-
Véronique Blatière Khaled Ezzedine Damien Lebas Assathiany
Olivia Boccara Anaïs Farcet Bénédicte Lebrun-Vignes Antoine Petit
Emmanuelle Bourrat Laurence Fardet Marie-Thérèse Leccia Anne Pham-Ledard
Emilie Brenaut Ousmane Faye Stéphanie Leclerc-Mercier Alice Phan
Anne-Claire Bursztejn Sébastien Fouéré Cédric Lenormand Patrice Plantin
Francis Carsuzaa Françoise Foulet Dan Lipsker Jean-Luc Plaquet
Marie Caucanas Sylvie Fraitag Catherine Lok François Prigent
Bénédicte Cavelier-Balloy Camille Francès Christine Longvert Catherine Prost-Squarcioni
Johan Chanal Guillemette Fremont- Gérard Lorette Nadia Raison-Peyron
François Chasset Goudot Sandra Ly Caroline Ram-Wolff
Olivier Cogrel Eric Frouin Nicolas Macagno Jean Revuz
Florence Cordoliani Laure Frumholtz Laurent Machet Pascal Reygagne
Bernard Cribier Caroline Gaudy-Marqueste Emmanuel Mahé Marie-Aleth Richard

doi: 10.1016/j.annder.2019.12.009
Remerciements aux experts 81

Bertrand Richert Pierre-Henri Savoie Vincent Sibaud François Truchetet


Florence Robert- Jean-Luc Schmutz Angele Soria Hamida Turki
Gangneux Jean Nicolas Scrivener Delphine Staumont-Sallé Charles Velter
Franco Rongioletti Jean-François Sei Farid Stephan Béatrice Vergier
Laurie Rousset Julien Seneschal Dominique Tennstedt Marie-Dominique Vignon-
Bruno Sassolas Patricia Senet Gérard Tilles Pennamen

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