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Classiques & Contemporains

Mary Higgins Clark


Le Billet gagnant
et deux autres nouvelles

LIVRET DU PROFESSEUR
établi par
N ATHALIE G ONNARD
professeur de Lettres
SOMMAIRE
DOCUMENTATION COMPLÉMENTAIRE
Aux racines du genre policier :
complément au groupement de textes ............................................. 3

Écrire une nouvelle policière .................................................................... 6

POUR COMPRENDRE :
quelques réponses, quelques commentaires
Étape 1 Le Billet gagnant : fâcheuses confidences ................... 7
Étape 2 Meurtre à Cape Cod : les démons du passé ................ 9
Étape 3 Meurtre à Cape Cod :
la comédie du bien contre le mal ...................................... 11
Étape 4 Le Cadavre dans le placard :
les dangers de l’infidélité ...................................................... 13
Étape 5 Le système des personnages .............................................. 14
Étape 6 L’intrigue : enquête… et révélation ? .............................. 16
Étape 7 Piéger le lecteur (1) : chronologies ................................. 17
Étape 8 Piéger le lecteur (2) : la séduction de la parole .... 18

Conception : PAO Magnard, Barbara Tamadonpour


Réalisation : Nord Compo, Villeneuve-d’Ascq
3

DOCUMENTATION COMPLÉMENTAIRE

Aux racines du genre policier :


complément au groupement de textes
Bien d’autres textes, d’époques variées, pourraient étoffer le groupement
proposé à la fin du livre de l’élève (p. 160).

• Un extrait de La Bible (Ancien Testament, « Daniel », XIV, 2-21)


Précisons, pour les élèves, que l’Ancien Testament est la première partie
de la Bible chrétienne, qui regroupe notamment dix-huit livres prophé-
tiques, dont celui de Daniel – composé de récits et de visions. Le héros en
est le personnage éponyme, éduqué avec ses compagnons à la cour du roi
de Babylone ; à travers l’énigme précédente est révélée la transcendance
absolue de Dieu.

« Les Babyloniens avaient alors une idole1 nommée Bel, pour laquelle on
sacrifiait tous les jours douze mesures de farine du plus pur froment, qua-
rante brebis et six grands vases de vin. Le roi honorait aussi cette idole, et
il allait tous les jours l’adorer. Mais Daniel adorait son Dieu, et le roi lui
dit : Pourquoi n’adorez-vous point Bel ?
Daniel répondit au roi : Parce que je n’adore point les idoles qui sont
faites de la main des hommes, mais le Dieu vivant qui a créé le ciel et la
terre, et qui tient en sa puissance tout ce qui a vie.
Le roi dit à Daniel : Croyez-vous que Bel ne soit pas un dieu vivant ? Ne
voyez-vous pas combien il mange et combien il boit chaque jour ?
Daniel lui répondit en souriant : Ô roi, ne vous y trompez pas, ce Bel est
de boue au-dedans et d’airain2 au-dehors, et il ne mangera jamais.

1
Image représentant une divinité et qu’on adore comme si elle était la divinité elle-même.
2
Bronze.
4
Alors le roi, entrant en colère, appela les prêtres de Bel et leur dit : Si
vous ne me dites qui est celui qui mange tout ce qui s’emploie pour Bel,
vous mourrez. Mais si vous me faites voir que c’est Bel qui mange toutes
ces viandes, Daniel mourra, parce qu’il a blasphémé contre Bel. Daniel dit
au roi : Qu’il soit fait selon votre parole.
Or, il y avait soixante-dix prêtres de Bel, sans leurs femmes, leurs enfants
et leurs petits-enfants. Le roi alla avec Daniel au temple de Bel ; et les
prêtres de Bel lui dirent : Nous allons sortir dehors ; et vous, ô roi, faites
mettre les viandes et servir le vin, fermez la porte du temple et la cachetez
de votre anneau. Et demain au matin, lorsque vous entrerez, si vous trou-
vez que Bel aura tout mangé, nous mourrons tous ; ou bien Daniel mourra
pour avoir rendu un faux témoignage contre nous.
Ils parlaient ainsi de lui avec mépris et se tenaient assurés, parce qu’ils
avaient fait sous la table de l’autel une entrée secrète par laquelle ils venaient
toujours et mangeaient ce qu’on avait servi pour Bel. Après donc que les
prêtres furent sortis, le roi mit les viandes devant Bel : Daniel commanda à
ses gens d’apporter de la cendre, et il la répandit par tout le temple devant
le roi, la faisant passer par un crible. Ils sortirent ensuite et fermèrent la
porte du temple, et l’ayant scellée du cachet du roi, ils s’en allèrent. Les
prêtres entrèrent durant la nuit, selon leur coutume, avec leurs femmes et
leurs enfants, et mangèrent et burent tout ce qui avait été servi.
Le roi se leva dès la pointe du jour, et Daniel vint au temple avec lui. Le roi
lui dit : Daniel, le sceau est-il en son entier? Daniel répondit : Ô roi, le sceau
est tout entier. Aussitôt le roi, ayant ouvert la porte, et voyant la table de l’au-
tel, jeta un grand cri en disant : Vous êtes grand, ô Bel, et il n’y a point en vous
de tromperie. Daniel commença à rire, et retenant le roi, afin qu’il n’avançât pas
plus avant, il lui dit : Voyez ce pavé; considérez de qui sont ces traces de pieds.
Je vois, dit le roi, des traces de pieds d’hommes, de femmes et de petits
enfants. Et il entra dans une grande colère. Il fit alors arrêter les prêtres,
leurs femmes et leurs enfants, et ils lui montrèrent les petites portes secrètes
par où ils entraient, et venaient manger tout ce qui était sur la table. Le roi
les fit donc mourir, et il livra l’idole de Bel en la puissance de Daniel, qui
la renversa et son temple. »
Traduction de Lemaître de Sacy (1613-1684).
5
• Un conte des Mille et une nuits : « L’histoire des fils du sultan
d’Yemen »
L’argument de ce conte sera repris dans Le Voyage et les aventures des trois
princes de Sarendip (traduit du persan au XVIIIe siècle par le chevalier de
Mailly) : un chamelier a perdu sa bête. Il croise le chemin de trois princes,
qui la lui décrivent de telle manière qu’il pense qu’ils sont coupables de vol.
Les princes expliquent alors qu’ils n’ont pas vu l’animal, mais qu’ils ont
déduit de ses traces minutieusement observées qu’il était borgne, qu’il lui
manquait une dent, qu’il était boiteux, qu’il était chargé d’un côté de beurre
et de l’autre de miel, et qu’il était monté par une femme enceinte.
On pourra mettre en parallèle cette histoire avec Zadig ou la Destinée de
Voltaire, lorsque le personnage éponyme décrit le cheval du roi et la
chienne de la reine qu’il n’a pourtant jamais vus, grâce, tel un enquêteur, à
l’analyse fine d’indices.

• Un extrait de Tristan et Iseut : l’épisode de la fleur de farine répan-


due au pied du lit d’Iseut afin de confondre les deux amants
Le but, si nécessaire, est de redonner ses lettres de noblesse à un genre
trop longtemps décrié : « Qu’on me montre quelqu’un qui ne peut pas souf-
frir le roman policier : ce sera un pauvre type, un pauvre type intelligent –
peut-être – mais un pauvre type tout de même. » (Raymond Chandler).
6
Écrire une nouvelle policière
L’article de Van Dine, proposé dans l’encadré « À savoir » de l’étape 6, est
paru en 1928 dans la revue American Magazine, vol.106 ; il a été traduit en
français en 1951 pour le n° 38 de Mystère-Magazine.
Voici la vingtième règle qu’édicte l’auteur. Elle peut être utile dans le
cadre de la rédaction, par les élèves, d’une nouvelle policière, pour éviter le
recours abusif aux clichés.

« Finalement, et aussi pour faire un compte rond de paragraphes à ce


credo, je voudrais énumérer ci-dessous quelques trucs auxquels n’aura
recours aucun auteur qui se respecte. Ce sont des trucs que l’on a trop sou-
vent vus et qui sont depuis longtemps familiers à tous les vrais amateurs du
crime dans la littérature. L’auteur qui les emploierait ferait l’aveu de son
incapacité et de son manque d’originalité.
a. La découverte de l’identité du coupable en comparant un bout de
cigarette trouvé à l’endroit du crime à celles que fume un suspect.
b. La séance spirite truquée au cours de laquelle le criminel, pris de
terreur, se dénonce.
c. Les fausses empreintes digitales.
d. L’alibi constitué au moyen d’un mannequin.
e. Le chien qui n’aboie pas, révélant ainsi que l’intrus est un familier
de l’endroit.
f. Le coupable frère jumeau du suspect ou un parent lui ressemblant
à s’y méprendre.
g. La seringue hypodermique et le sérum de la vérité.
h. Le meurtre commis dans une pièce fermée en présence des repré-
sentants de la police.
i. L’emploi des associations de mots pour découvrir le coupable.
j. Le déchiffrement d’un cryptogramme par le détective ou la décou-
verte d’un code chiffré. »
7

POUR COMPRENDRE : quelques réponses,


quelques commentaires

Étape 1 [Le Billet gagnant : fâcheuses confidences,


pp. 146-147]

1 Les trois premiers paragraphes amoindrissent considérablement le


suspense : on devine d’emblée qu’Ernie va perdre son billet de loterie (pre-
mier paragraphe), parce qu’il a trop bu (deuxième paragraphe), et qu’il sera
volé par Loretta (troisième paragraphe). Au lecteur donc de rétablir les
liens logiques qui unissent implicitement les trois alinéas de l’incipit.

2 La seule question qui reste en suspens est la suivante : Ernie et Wilma


réussiront-ils à reprendre possession de leur bien ? Si oui, comment ?

3 Loretta est un « sex-symbol », qui suscite l’admiration et, surtout,


la compassion du lecteur : admiration face à son naturel et à sa beauté ;
et compassion, car elle mène une vie médiocre, régentée par un mari
violent.

4 Cette violence se lit en filigrane dans cette réplique : on peut devi-


ner que si Loretta a été obligée de refaire ses dents, c’est parce qu’elle a
été frappée par son mari, éternel jaloux.

5 Loretta emploie un langage relâché, visible à travers :


– le vocabulaire familier, voire vulgaire (« fric », l. 117 ; « file-moi »,
l. 190 ; etc.) ;
– la syntaxe : apocopes (« t’es pas particulièrement léger », l. 199) ;
suppression de la double négation (« j’ai pas l’intention », l. 174) ; etc.
L’ensemble reflète la gouaille populaire du personnage.
8
7 Le recours au discours indirect libre permet de pénétrer dans la
conscience d’Ernie, et de le rendre immédiatement sympathique : ses
pensées, un peu simples mais généreuses, reflètent son bon fond.

8 Le vol n’est confirmé qu’à la ligne 373, lorsque les époux Bean se
rendent chez Loretta pour récupérer leur bien. Entre-temps, l’auteur a
renforcé la complicité qui la lie à son lecteur, flatté dans ce qu’il consi-
dère de sa part comme de la sagacité.

9 Mary Higgins Clark diffère longuement la découverte des bons


numéros, d’abord en relatant dans ses moindres détails le séjour de
Wilma chez sa sœur, puis en effectuant l’équivalent d’un ralenti ciné-
matographique lorsque l’épouse rentre chez elle – le tout en multi-
pliant, avec un certain sadisme, les allusions au billet gagnant.

15 Les époux Bean incarnent la classe populaire, avec ses goûts par-
fois douteux (les Pères Noël suspendus aux fenêtres et aux cheminées),
mais aussi son désir de paraître aux yeux de ses semblables (la suren-
chère d’illuminations sur les pavillons).

18 «On» a ici valeur de généralité. Il peut être remplacé par «les gens».

19 La fable de La Fontaine, « La Laitière et le pot au lait », est la


dixième du livre VII. Sa morale s’étend sur 14 vers :
« Quel esprit ne bat la campagne ?
Qui ne fait châteaux en Espagne ?
Picrochole, Pyyrhus, la laitière, enfin tous,
Autant les sages que les fous ?
Chacun songe en veillant, il n’est rien de plus doux ;
Une flatteuse erreur emporte alors nos âmes :
Tout le bien du monde est à nous,
Tous les honneurs, toutes les femmes.
Quand je suis seul, je fais au plus brave un défi :
9
Je m’écarte, je vais détrôner le sophi ;3

On m’élit roi, mon peuple m’aime ;


Les diadèmes vont sur ma tête pleuvant.
Quelque accident fait-il que je rentre en moi-même,
Je suis Gros-Jean comme devant. »

20 L’adjectif « éponyme » est formé du grec epi « sur » et onoma


« nom ». À l’origine, le terme désigne le magistrat athénien – l’archonte
éponyme – qui donne son nom à l’année et en règle le calendrier ; c’était
à lui qu’incombaient certaines charges culturelles (désignation des cho-
règes) et religieuses (organisation des Grandes Dionysies, fêtes brillantes
qui servaient de cadre aux représentations dramatiques).

21 Vrai : qui présente un caractère de vérité ; synonymes : avéré,


incontestable, certain, sûr.
Vraisemblable : qui semble vrai. « Le vrai peut quelquefois n’être pas
vraisemblable » (Boileau).
Fictif : créé par l’imagination.
Irréel : qui est en dehors de la réalité.

Étape 2 [Meurtre à Cape Cod : les démons du passé,


pp. 148-149]

1 On attend des élèves qu’ils signalent que le titre est trompeur : il


renvoie à un meurtre commis douze ans auparavant, et, en tant que tel,
il ne reflète qu’imparfaitement le contenu de la nouvelle. Le nouveau
titre pourrait mettre l’accent sur l’idée de revanche, de quête person-
nelle, ou de danger – l’essentiel étant de parvenir à « appâter » le lecteur.

2 Alvirah est le double du lecteur : fouineuse indiscrète, elle est une


voyeuse qui s’immisce sans complexes dans la vie d’autrui. Le critique
J. Dubois affirme d’ailleurs que, « somme toute, [le roman policier] est un
genre qui fait de l’indiscrétion et du commérage son principe narratif ».
3
Le chah de Perse.
10
5 Il s’agit d’un meurtre avec préméditation ; en tant que tel, il est le
plus lourdement sanctionné.

6 Le doute éventuel est levé dès les lignes 440 à 506 : le monologue
intérieur du personnage met à jour l’odieuse machination dont elle a été
la victime. À ce stade du récit, le lecteur en sait donc plus qu’Alvirah
elle-même : même si elle ne s’y adonne pas, le doute est encore permis
de son côté (d’ailleurs, son mari évoque explicitement cette possibilité
aux lignes 419 à 425).
Le suspense réside donc dans la façon dont Cynthia et Alvirah vont
s’y prendre pour faire avouer les deux complices. « On pourrait ramener
ce type de roman à deux notions de bases : “voir” et “dire”. Quelqu’un,
le criminel, a tué sans être vu et ne veut pas le dire ; quelqu’un d’autre
va reconstituer par la parole ce qu’il n’a pu voir. Lorsque le dire coïnci-
dera avec le voir, l’énigme sera résolue » (Marc Lits).

7 Les phrases nominales disent la difficulté à mettre des mots sur le


cauchemar que fut le procès ; elles miment la suffocation qui envahit le
personnage.

10 Ces italiques mêlent deux niveaux temporels, dissous au sein de


phrases au discours direct : un futur immédiat, avec des propos pronon-
cés par Jeff Knight ; un futur plus lointain, avec ceux prononcés par des
enfants qui s’adresseraient au fils/à la fille né(e) de ce mariage postulé.
Dans les deux cas, il s’agit de montrer que Cynthia est torturée à la fois
par son passé et, de façon plus surprenante, par son avenir ; l’innocenter
apparaît dès lors comme la seule manière de la réconcilier avec elle-même.

13 La nouvelle condamne la grande bourgeoisie : sous des dehors


policés, elle manie avec dextérité la cruauté, qu’il s’agisse de Stuart
Richard qui prenait plaisir à torturer ses épouses, ou de Lillian, assassin
sans scrupule. Seule Cynthia est à part dans cette sphère de violence ;
comme telle, elle en a payé le prix fort. En filigrane se dessine aussi une
condamnation d’une justice inique et aveugle.
11
14 Le texte livre les informations sur cet épisode aux lignes 371 à
390, 490 à 495 et 748 à 801.

17 Knight signifie « chevalier ». L’onomastique fonctionne ici puisque


le fiancé de Cynthia apparaît bel et bien comme un chevalier
servant : amoureux, dévoué, il sauve in extremis sa belle d’un échec
annoncé.

18 Ad hoc « pour cela » ; hic et nunc « ici et maintenant » ; sine die


« sans [fixer] de jour » ; ecce homo « voici l’homme » (Ponce Pilate mon-
trant aux Juifs Jésus-Christ, un roseau en guise de sceptre et une cou-
ronne d’épines sur la tête) ; urbi et orbi « à la ville [Rome] et au monde » ;
ipso facto « par le fait même », sui generis « unique en son genre ».

Étape 3 [Meurtre à Cape Cod : la comédie du bien contre


le mal, pp. 150-151]

1 Alvirah fonde son raisonnement sur la question canonique : « À qui


profite le crime ? »

3 Le champ lexical du théâtre abonde, en particulier dans l’affronte-


ment entre les deux sœurs : « « farce » (l. 1065), « tu as bien joué »
(l. 1108), « elle était douée pour la comédie » (l. 1137), « j’aime jouer
avec les gens » (l. 1232), « le reste fut un jeu d’enfant » (l. 1236) – sans
tenir compte de tout le lexique du regard. Il apparaît alors que le lexique
du théâtre est exclusivement associé aux figures féminines ; seul Ned
Creighton ne convainc guère ; Alvirah, en revanche, joue très bien son
rôle : il manque de lui coûter la vie.

5 Lillian et Ned sont unis par le sceau du secret : aussi corrompus


l’un que l’autre, ils apparaissent comme deux figures antipathiques.
Mais Lillian est en fait plus dangereuse : sa fine silhouette, ses propos
acérés, montrent qu’elle ne se laisse pas atteindre par le confort facile,
12
et que derrière elle gît toujours l’impitoyable calculatrice. La figure
molle et empâtée de Ned traduit au contraire un tempérament plus
laxiste, une intelligence moins vive ; il est tout juste bon à servir
d’homme de main.

7 Jeff Knight est la seule figure masculine active de la nouvelle : il


intervient à point nommé pour sauver Alvirah, tandis que Willy est
proprement ridicule, recroquevillé dans la voiture, métaphore de son
incapacité à agir. Mais tous deux sont mus par la même spontanéité, le
même amour impérieux pour une femme, le même naturel (bien loin
des canons esthétiques et moraux en vogue dans la haute bourgeoisie de
la nouvelle).

9 Alvirah réchappe à la tentative de meurtre grâce au secours apporté


par Jeff Knight… et tout simplement parce qu’elle est l’héroïne de la
nouvelle !

11 Le temps vire à l’orage, métaphore limpide de l’angoisse qui


étreint Cynthia et du dénouement à venir. Une fois les coupables
démasqués, le ciel redevient bleu et pur, métaphore cette fois-ci du bon-
heur (re)trouvé.

15 La nouvelle joue sur deux types de récits policiers : le roman à


énigme (qui a tué Stuart Richards ?) et le roman à suspense (Alvirah est
en situation de danger ; sa mort rendrait plus que jamais Cynthia vic-
time d’une cruelle injustice). Cela dit, dans la mesure où l’énigme ini-
tiale n’en est pas vraiment une – tout bon lecteur perce très vite l’iden-
tité du meurtrier et de son complice –, le texte s’apparente plus volon-
tiers à la deuxième catégorie de récits. D’ailleurs, ce n’est pas pour rien
que l’éditeur de Mary Higgins Clark, Albin Michel, a barré la couver-
ture du recueil d’un tonitruant « Spécial suspense » !

16 Il s’agit du passé antérieur (de l’indicatif ). Rappelons que la locu-


tion conjonctive « après que » est toujours suivie de l’indicatif.
13
Étape 4 [Le Cadavre dans le placard : les dangers
de l’infidélité, pp. 152-153]

1 L’article défini dramatise la présence du cadavre : « un » eût été plus


anodin ; « le » focalise davantage l’attention du lecteur sur cette présence
suspecte, autour de laquelle toute la nouvelle ne manquera pas de s’or-
ganiser.

2 Ainsi que le précise la première phrase, l’action se déroule en août,


mois le plus lourd à New York. Le champ lexical de la chaleur parcourt
d’ailleurs les premières pages : « chaude » (l. 1), « chaud, poisseux et suf-
focant » (l. 78), « mourir de chaleur » (l. 88), « l’air suffocant » (l. 183),
« comme une vague brûlante » (l. 184), « l’air était saturé d’humidité »
(l. 573). Avant même que le cadavre ait été découvert, Mary Higgins
Clark parvient donc à établir un climat de pesanteur, annonciateur du
drame à venir.

5 Ce présent laisse croire au lecteur que Brian est toujours amoureux de


Fiona, et que, en tant que tel, il aurait pu commettre un crime passionnel.

7 Le passage au discours indirect libre des lignes 864-866 (notam-


ment « Que soupçonnait-elle réellement ? ») plonge le lecteur dans les
affres de la conscience de Carlton Rumson, et contribue à lui faire
accroire qu’il est coupable du meurtre de la jeune actrice – ou tout au
moins qu’il a partie liée.

11 Il s’agit d’un crime passionnel.

12 Le meurtre par dépit amoureux alimente régulièrement la chro-


nique « fait divers » de certains journaux : la passion y apparaît à l’état
pur, avec son déchaînement de violence ; comme le remarque Simone
de Beauvoir (cf. encadré « À savoir »), la dualité de l’homme apparaît de
façon saisissante dans ce type de relation. Mais bien sûr, Mary Higgins
14
Clark fait œuvre littéraire en construisant son texte de façon à mainte-
nir le lecteur en haleine, en donnant une épaisseur psychologique à ses
personnages et en travaillant le style (contrastes dans le langage des per-
sonnages notamment).

13 Ce travail d’écriture pourrait être l’occasion de travailler sur l’éloge


et le blâme : le portrait fait par Victoria Rumson devra être un mélange
des deux (mépris pour cette femme du peuple que reste Alvirah, mais
aussi admiration agacée face à sa perspicacité) ; celui de l’inspecteur sera
un blâme, moins nuancé, à l’image des convictions immuables du per-
sonnage ; celui d’Emmy Laker sera forcément laudatif.

16 Il s’agit d’une antonomase. La figure de Don Juan a été créée par


Tirso de Molina au XVIIe siècle (1625), et reprise par Villiers (1659),
Dorimond (1661), et bien sûr Molière (1665). Mozart, quant à lui, a
composé son Don Giovanni en 1787.

17 Dans les noms composés, seuls le nom et l’adjectif peuvent se


mettre au pluriel si le sens le permet. Signalons aussi que lorsque le nom
composé est formé de deux noms unis par une préposition, en général
seul le premier s’accorde.
D’où : des gratte-ciel ; des haut-parleurs ; des après-midi ; des tragi-
comédies ; des porte-monnaie ; des grille-pain.

18 « Second » implique que la liste est close, alors que « deuxième »


offre la possibilité d’une suite dans le décompte (par exemple, on monte
sur la deuxième marche du podium).

Étape 5 [Le système des personnages, pp. 154-155]

3 Victoria Rumson est le clone de Lillian Stuart : toutes deux appar-


tiennent au même milieu social ; toutes deux sont des assassins camou-
flés derrière le masque lisse de leur blondeur, de leur sveltesse et de leurs
prétendues bonnes manières.
15
4 Indépendamment des différences sociales, toutes les femmes qui
apparaissent dans les nouvelles sont volontaires et indépendantes,
dotées d’une forte personnalité.

5 Mary Higgins Clark s’amuse à glisser régulièrement des remarques


qui montrent qu’Alvirah et son mari ne parviennent pas à s’extraire de
leur milieu d’origine – ni ne cherchent à le faire, d’ailleurs : ils ne
renient jamais leur passé populaire, qu’ils évoquent bien volontiers.
Cela se voit dans leurs mauvais goûts vestimentaires (le tailleur « orange
et rose », la « veste canari »), dans leur alimentation (leur prédilection
affichée pour les hamburgers et les muffins), dans leur langage (parfois
relâché), et dans leur attitude (Willy affalé dans une chaise longue, etc.)
– le tout narré par l’auteur avec une évidente tendresse pour ce couple
fidèle à ses origines.

7 Dans « Le Cadavre dans le placard », Willy a une fâcheuse tendance


à s’évanouir dès que la vie de sa femme est en jeu (l.1256-1257) ou à
n’être pas au bon endroit (roulé en boule dans la voiture). Cette inca-
pacité involontaire à aider apporte une touche de légèreté dans des
scènes lourdes de tension. Et, en personnage comique digne de ce nom,
sa présence est appréciée du lecteur, voire recherchée.

8 Seul Jeff Knight est une figure pleinement positive.

9 De manière générale, Mary Higgins Clark reconnaît préférer les


héroïnes aux héros. Dans ses romans, plusieurs d’entre elles ont la tren-
taine, plutôt célibataires avec un emploi. Elle s’en explique dans une
interview : « J’aime cette idée de jeune femme responsable de sa vie, qui
travaille, prend des décisions. Mais j’ai aussi une femme de 60 ans que
j’utilise de temps en temps. Mes héroïnes sont capables d’affronter des
situations difficiles et même si elles ont de l’argent, elles le gagnent
seules. Elles ne sont pas nées dans la soie. »
À toutes fins utiles, signalons l’importance des auteurs femmes dans
la production actuelle de récits policiers, en particulier dans le domaine
16
anglo-saxon : outre Mary Higgins Clark, citons Dorothy Sayers, Agatha
Christie, Patricia Wentworth, Ellis Peters, Patricia Highsmith, Phyllis
Dorothy James, Ruth Rendell, ou encore Patricia Cornwell.

11 Balzac, dans La Comédie humaine, a le premier eu l’idée de faire


réapparaître certains personnages d’un roman à l’autre. Si l’on en croit
sa sœur, Laure de Surville, il aurait d’ailleurs déclaré en la circonstance :
« Saluez-moi, car je suis tout simplement en train de devenir un
génie ! ».

Étape 6 [L’intrigue : enquête… et révélation ?, pp. 156-157]

1 « Le Billet gagnant » est la nouvelle la moins surprenante (cf. ques-


tion 1, étape 1) ; à l’inverse, le dénouement du « Cadavre dans le pla-
card » est le plus inattendu.

2 Outre le lecteur, c’est toujours une femme qui revêt le costume de


l’enquêteur : soit Wilma, soit Alvirah sont confrontées à la difficulté de
faire avouer à la personne criminelle (au sens juridique du terme) le
délit pour laquelle elle est suspectée. L’unique « révélation » du recueil a
lieu dans la dernière nouvelle, dans la mesure où la culpabilité de
Victoria Rumson éclate tardivement ; longtemps resté dans l’ombre, en
retrait de son mari, ce personnage n’éveillait guère les soupçons, du fait
justement de sa fallacieuse fadeur.

3 L’argent est la motivation première de tous les délits commis dans


les nouvelles – encore que dans le cas du « Cadavre dans le placard »,
cela soit plus discret (mais il est possible de lire dans le geste passionnel
de Victoria Rumson la crainte de ne plus être entretenue par son mari ;
cf. l. 873-875). Source de convoitise, il suscite soit une passion impul-
sive (Loretta, Victoria), soit une passion plus calculée, avec, en ligne de
mire, le pouvoir qu’il dispense (Ned Creighton).
17
4 Mary Higgins Clark use parfois de véritables clichés dans ses nou-
velles. Ainsi les héroïnes machiavéliques qu’elle met en scène sont-elles
nécessairement blondes, grandes, élancées et hautaines (Victoria
Rumson, Lillian Stuart, et, dans une certaine mesure, Fiona Winters) ;
par ailleurs, les mobiles des crimes sont tous liés à l’argent. Si cela
manque d’originalité, cela peut aussi parfois satisfaire un lecteur ravi de
trouver là des repères rassurants, à même de l’aider dans son enquête, et
avide d’établir une relation de complicité avec l’auteur.

7 Mary Higgins Clark prend bien des libertés par rapport aux règles
édictées par S.S. Van Dine : les deux dernières nouvelles présentent une
intrigue amoureuse (règle n° 3) ; la première est exempte de cadavre
(règle n° 7) ; enfin, « Meurtre à Cape Cod » présente deux coupables
(règle n° 12). N’oublions pas pour autant que ces règles ont été, à juste
titre, largement critiquées.

8 Sherlock Holmes et Conan Doyle ; Philip Marlowe et Raymond


Chandler ; Hercule Poirot et Agatha Christie ; Jules Maigret et Georges
Simenon ; Rouletabille et Gaston Leroux ; le chevalier Dupin et E.A.
Poe.

Étape 7 [Piéger le lecteur (1) : chronologies, p. 158]

1 Mary Higgins Clark ne suit pas toujours un ordre chronologique


linéaire : si elle relate très vite la confession imprudente d’Ernie et en
laisse deviner les conséquences immédiates, elle opère une analepse en
racontant, avec force détails, la journée de Wilma. Il s’agit pour elle de
créer un effet d’attente, une dramatisation propre à maintenir éveillée
l’attention du lecteur.

4 Les élèves noteront que le rythme s’accélère, ce qui est rendu sen-
sible par la multiplication des indices temporels : comme une bande-
son qui deviendrait endiablée, il s’agit d’accroître la tension et de souli-
gner l’importance décisive des événements en train de se dérouler.
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6 Le lecteur est tenu en haleine par ce procédé, emprunté au cinéma
ou à la télévision (technique du cut).

8 Ces deux niveaux temporels doivent être distingués :


– le temps de l’histoire est l’époque à laquelle se déroulent les événe-
ments et l’ordre dans lequel ils ont eu lieu (cet ordre est nécessairement
chronologique).
– le temps de la narration désigne l’ordre et le rythme choisis par le
narrateur pour raconter ces événements.

Étape 8 [Piéger le lecteur (2) : la séduction de la parole,


p. 159]

1 Ernie Bean reste passif tout au long de la nouvelle : après sa bévue


initiale, sa seule réaction consiste à rester allongé sur son lit, dans l’at-
tente de l’orage que sa femme ne manquera pas, elle, de déclencher.
Inerte, il est aux antipodes du héros tragique, qui se révolte contre son
sort.

2 Ces passages provoquent un comique de répétition. Ils servent à


détendre une atmosphère rendue pesante depuis l’imprudente confes-
sion d’Ernie.

3 En tant que victime innocente, Cynthia fait naître la compassion


du lecteur (douleur qu’elle ressent à se remémorer son passé, attendris-
sement du lecteur face à ses désirs simples) ; elle est aussi une héroïne
tragique, dans sa capacité à se révolter contre le sort qui lui a été jusqu’à
présent réservé.

6 Mary Higgins Clark ne s’embarrasse guère de détails superflus et


de descriptions inutiles : elle vise à l’efficacité, quitte à sombrer parfois
dans la sécheresse stylistique. Notons toutefois une exception : les lignes
145 à 173 de « Meurtre à Cape Cod » (pages 41-42) ne font pas avan-
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cer l’action ; tout au plus énoncent-elles brièvement ce qui pourrait
apparaître comme la morale de la nouvelle : « On gagne rarement à mal
se conduire » (l. 169-170).

8 Genre né au XIIIe siècle et vivace jusqu’au milieu du XVIe siècle, la


farce est une pièce de théâtre comique, qui présente des personnages et
des situations souvent ridicules, où tromperies, ruses, coups de bâton et
mystifications vont bon train et provoquent un rire franc, parfois gras.
Souvent assez courtes, comme Le Garçon et l’aveugle ou Courtois d’Arras
(milieu du XIIIe siècle), certaines atteignent la longueur et la qualité
d’une véritable comédie : La Farce du cuvier (milieu du XVe siècle) et,
surtout, La Farce de Maître Pathelin (vers 1465) en sont les archétypes.
Molière empruntera à ces pièces anonymes françaises de nombreux
thèmes.

© Éditions Magnard, 2006


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