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LIVRET DU PROFESSEUR
établi par
N ATHALIE G ONNARD
professeur de Lettres
SOMMAIRE
DOCUMENTATION COMPLÉMENTAIRE
Aux racines du genre policier :
complément au groupement de textes ............................................. 3
POUR COMPRENDRE :
quelques réponses, quelques commentaires
Étape 1 Le Billet gagnant : fâcheuses confidences ................... 7
Étape 2 Meurtre à Cape Cod : les démons du passé ................ 9
Étape 3 Meurtre à Cape Cod :
la comédie du bien contre le mal ...................................... 11
Étape 4 Le Cadavre dans le placard :
les dangers de l’infidélité ...................................................... 13
Étape 5 Le système des personnages .............................................. 14
Étape 6 L’intrigue : enquête… et révélation ? .............................. 16
Étape 7 Piéger le lecteur (1) : chronologies ................................. 17
Étape 8 Piéger le lecteur (2) : la séduction de la parole .... 18
DOCUMENTATION COMPLÉMENTAIRE
« Les Babyloniens avaient alors une idole1 nommée Bel, pour laquelle on
sacrifiait tous les jours douze mesures de farine du plus pur froment, qua-
rante brebis et six grands vases de vin. Le roi honorait aussi cette idole, et
il allait tous les jours l’adorer. Mais Daniel adorait son Dieu, et le roi lui
dit : Pourquoi n’adorez-vous point Bel ?
Daniel répondit au roi : Parce que je n’adore point les idoles qui sont
faites de la main des hommes, mais le Dieu vivant qui a créé le ciel et la
terre, et qui tient en sa puissance tout ce qui a vie.
Le roi dit à Daniel : Croyez-vous que Bel ne soit pas un dieu vivant ? Ne
voyez-vous pas combien il mange et combien il boit chaque jour ?
Daniel lui répondit en souriant : Ô roi, ne vous y trompez pas, ce Bel est
de boue au-dedans et d’airain2 au-dehors, et il ne mangera jamais.
1
Image représentant une divinité et qu’on adore comme si elle était la divinité elle-même.
2
Bronze.
4
Alors le roi, entrant en colère, appela les prêtres de Bel et leur dit : Si
vous ne me dites qui est celui qui mange tout ce qui s’emploie pour Bel,
vous mourrez. Mais si vous me faites voir que c’est Bel qui mange toutes
ces viandes, Daniel mourra, parce qu’il a blasphémé contre Bel. Daniel dit
au roi : Qu’il soit fait selon votre parole.
Or, il y avait soixante-dix prêtres de Bel, sans leurs femmes, leurs enfants
et leurs petits-enfants. Le roi alla avec Daniel au temple de Bel ; et les
prêtres de Bel lui dirent : Nous allons sortir dehors ; et vous, ô roi, faites
mettre les viandes et servir le vin, fermez la porte du temple et la cachetez
de votre anneau. Et demain au matin, lorsque vous entrerez, si vous trou-
vez que Bel aura tout mangé, nous mourrons tous ; ou bien Daniel mourra
pour avoir rendu un faux témoignage contre nous.
Ils parlaient ainsi de lui avec mépris et se tenaient assurés, parce qu’ils
avaient fait sous la table de l’autel une entrée secrète par laquelle ils venaient
toujours et mangeaient ce qu’on avait servi pour Bel. Après donc que les
prêtres furent sortis, le roi mit les viandes devant Bel : Daniel commanda à
ses gens d’apporter de la cendre, et il la répandit par tout le temple devant
le roi, la faisant passer par un crible. Ils sortirent ensuite et fermèrent la
porte du temple, et l’ayant scellée du cachet du roi, ils s’en allèrent. Les
prêtres entrèrent durant la nuit, selon leur coutume, avec leurs femmes et
leurs enfants, et mangèrent et burent tout ce qui avait été servi.
Le roi se leva dès la pointe du jour, et Daniel vint au temple avec lui. Le roi
lui dit : Daniel, le sceau est-il en son entier? Daniel répondit : Ô roi, le sceau
est tout entier. Aussitôt le roi, ayant ouvert la porte, et voyant la table de l’au-
tel, jeta un grand cri en disant : Vous êtes grand, ô Bel, et il n’y a point en vous
de tromperie. Daniel commença à rire, et retenant le roi, afin qu’il n’avançât pas
plus avant, il lui dit : Voyez ce pavé; considérez de qui sont ces traces de pieds.
Je vois, dit le roi, des traces de pieds d’hommes, de femmes et de petits
enfants. Et il entra dans une grande colère. Il fit alors arrêter les prêtres,
leurs femmes et leurs enfants, et ils lui montrèrent les petites portes secrètes
par où ils entraient, et venaient manger tout ce qui était sur la table. Le roi
les fit donc mourir, et il livra l’idole de Bel en la puissance de Daniel, qui
la renversa et son temple. »
Traduction de Lemaître de Sacy (1613-1684).
5
• Un conte des Mille et une nuits : « L’histoire des fils du sultan
d’Yemen »
L’argument de ce conte sera repris dans Le Voyage et les aventures des trois
princes de Sarendip (traduit du persan au XVIIIe siècle par le chevalier de
Mailly) : un chamelier a perdu sa bête. Il croise le chemin de trois princes,
qui la lui décrivent de telle manière qu’il pense qu’ils sont coupables de vol.
Les princes expliquent alors qu’ils n’ont pas vu l’animal, mais qu’ils ont
déduit de ses traces minutieusement observées qu’il était borgne, qu’il lui
manquait une dent, qu’il était boiteux, qu’il était chargé d’un côté de beurre
et de l’autre de miel, et qu’il était monté par une femme enceinte.
On pourra mettre en parallèle cette histoire avec Zadig ou la Destinée de
Voltaire, lorsque le personnage éponyme décrit le cheval du roi et la
chienne de la reine qu’il n’a pourtant jamais vus, grâce, tel un enquêteur, à
l’analyse fine d’indices.
8 Le vol n’est confirmé qu’à la ligne 373, lorsque les époux Bean se
rendent chez Loretta pour récupérer leur bien. Entre-temps, l’auteur a
renforcé la complicité qui la lie à son lecteur, flatté dans ce qu’il consi-
dère de sa part comme de la sagacité.
15 Les époux Bean incarnent la classe populaire, avec ses goûts par-
fois douteux (les Pères Noël suspendus aux fenêtres et aux cheminées),
mais aussi son désir de paraître aux yeux de ses semblables (la suren-
chère d’illuminations sur les pavillons).
18 «On» a ici valeur de généralité. Il peut être remplacé par «les gens».
6 Le doute éventuel est levé dès les lignes 440 à 506 : le monologue
intérieur du personnage met à jour l’odieuse machination dont elle a été
la victime. À ce stade du récit, le lecteur en sait donc plus qu’Alvirah
elle-même : même si elle ne s’y adonne pas, le doute est encore permis
de son côté (d’ailleurs, son mari évoque explicitement cette possibilité
aux lignes 419 à 425).
Le suspense réside donc dans la façon dont Cynthia et Alvirah vont
s’y prendre pour faire avouer les deux complices. « On pourrait ramener
ce type de roman à deux notions de bases : “voir” et “dire”. Quelqu’un,
le criminel, a tué sans être vu et ne veut pas le dire ; quelqu’un d’autre
va reconstituer par la parole ce qu’il n’a pu voir. Lorsque le dire coïnci-
dera avec le voir, l’énigme sera résolue » (Marc Lits).
7 Mary Higgins Clark prend bien des libertés par rapport aux règles
édictées par S.S. Van Dine : les deux dernières nouvelles présentent une
intrigue amoureuse (règle n° 3) ; la première est exempte de cadavre
(règle n° 7) ; enfin, « Meurtre à Cape Cod » présente deux coupables
(règle n° 12). N’oublions pas pour autant que ces règles ont été, à juste
titre, largement critiquées.
4 Les élèves noteront que le rythme s’accélère, ce qui est rendu sen-
sible par la multiplication des indices temporels : comme une bande-
son qui deviendrait endiablée, il s’agit d’accroître la tension et de souli-
gner l’importance décisive des événements en train de se dérouler.
18
6 Le lecteur est tenu en haleine par ce procédé, emprunté au cinéma
ou à la télévision (technique du cut).