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INTRODUCTION GENERALE

Nécessite d’un code de déontologie pour les informaticiens


Nous assistons depuis quelques temps à une « déferlante éthique » mieux à une « valse
des éthiques »1, on débat sur la bioéthique, les professions (architectes, chirurgiens-
dentistes, médecins, pharmaciens, avocats, etc.) même les entreprises privées édictent des
chartes éthiques. Aujourd’hui, chaque secteur de la vie, chaque profession réclame une
moralisation. Les informaticiens ne sont pas en reste ; ils ne peuvent pas échapper à ce
besoin d’une éthique propre à eux. Voilà pourquoi un ordre des informaticiens du Congo
(OICO en sigle) se met timidement en place. Sous d’autres cieux tels qu’au Canada ou
encore en France, cet ordre s’est déjà doté de code déontologique.
La déontologie parait particulièrement précieuse dans tous les domaines techniques où les
professionnels ont un intérêt réel à définir des normes, des pratiques, des standards
adaptés aux évolutions les plus récentes.
L’informatique constitue un domaine où les métiers et les enjeux se développent à une
vitesse de croisière, dans un monde globalisé aux allures d’un grand village. Elle occupe
une place prépondérante dans notre société à telle enseigne qu’elle devenue
incontournable. Dorénavant, l’expertise de l’informaticien se présente comme une besoin
réel dans tous les domaines de notre vie et le déferlement d’internet un peu partout
l’oblige. Cependant, bien que l’informatique rend énormément de service à l’homme, elle
ouvre en même temps des voies terrifiantes d’asservissement et d’anéantissement.
Ainsi, notre cours a pour but avoué de montrer que l’informatique doit renouer avec la
conscience politique et éthique. Car « aujourd’hui, la science est devenue une puissante et
massive institution au centre de la société, subventionnée, nourrie, contrôlée par les
pouvoirs économiques et étatiques. Ainsi sommes-nous dans un processus inter rétroactif
(…) la technique produite par la science transforme la société, mais rétroactivement la
société technologisée transforme la science elle-même. Les intérêts économiques
capitalistes, l’intérêt de l’Etat, jouent leur rôle actif dans ce circuit de par leurs finalités,
leurs programmes, leurs subventions.2 » Le phénomène wikileak d’Edward Snowden en
est une meilleure illustration.
Pour les informaticiens, il se pose le problème de la possibilité technique et de la
faisabilité morale. D’où l’actualité de propos de Rabelais que voici « science sans
conscience n’est que ruine de l’âme » et la devise de l’université congolaise « scientia
splendet et conscientia » « la science luit avec la conscience).
L’informatique participe aux changements profonds du monde dans lequel nous vivons.
Mais qu’est-ce-que l’informatique ? Quels sont ses progrès ? Son impact (opportunités et

1 A. ECTHEGOYEN, la valses des éthiques, Paris, François Bourin, 1991. L’auteur montre avec pertinence et
hauteur de vue comment les éthiques sont, partout, affichées par les entreprises, revendiquées par les
scientifiques et invoquées par les politiques.
2
E. MORIN, Science avec conscience, p.119

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dangers) ? Questionnement ? Ses retombés éthiques ? Quelle identité professionnelle
d’informaticien faut-il promouvoir ?
Pour prendre en charge ces questions, notre cours porte sur les enjeux de la technologie
informatique et sur quelques problèmes éthiques liés à ses applications. Ensuite, dresser le
profil professionnel de l’informaticien dont le monde actuel a besoin. Il aura quatre
chapitres. Le premier sera consacrée à l’étude des concepts ″morale″ et ″éthique″, et à
quelques problèmes liés à l’application de la technologie informatique. Le deuxième se
penchera sur la question de la déontologie. Le troisième traitera la question des
fondements de l’éthique. Enfin, le quatrième abordera les questions liées au code de
déontologie avec une note au sujet du processus d’une déontologie des techniciens de
l’informatique.
Des objectifs de ce cours
Objectifs généraux
- Initier les étudiants(es) aux questions et débats que soulèvent l’éthique et la
déontologie professionnelle ;
- Donner aux étudiants(es) des points de repères sur le processus de
déontologisation.
Objectifs spécifiques
- Découvrir les spécificités de la déontologie des informaticiens ;
- Identifier les principaux courants éthiques et les problèmes éthiques liés à
l’application de la technologie de l’informatique ;
- Familiariser les étudiants(es) aux enjeux de la technologie informatique ;
- Préparer les étudiants(es) à affronter les questions morales et déontologiques qu’ils
rencontreront dans leur carrière professionnelle.
Résultats attendus
Au terme de cette instruction, les étudiants doivent être en mesure de :
- Comprendre et identifier les problèmes éthiques liés aux métiers de l’informatique
ou à l’application de la technologie informatique ;
- Déceler les fondamentaux de l’ethos professionnelle des ingénieurs
informaticiens ;
- Utiliser les connaissances acquises afin d’examiner d’une manière critique les
enjeux de leurs engagements professionnels.
Méthodologie
Leçons magistrales avec participation active des étudiants(es) sous forme d’interaction.

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CHAPITRE I. LA MORALE A L’EPREUVE DE L’INFORMATIQUE

Introduction
Ce chapitre se penchera sur les enjeux éthiques que soulève la technologie de
l’informatique. Pour être précis, premièrement nous allons examiner le rapport qui existe
entre morale et éthique. Deuxièmement, nous nous pencherons sur les différents courants
éthiques. Enfin, verront quelques problèmes éthiques liés à l’application de la technologie
informatique.
1.1. Morale et éthique : quel rapport ?
« On se trompe sur la morale. Elle n’est pas d’abord pour punir, pour réprimer, pour
condamner. Il y a des tribunaux pour ça, des policiers pour ça, des prisons pour ça, et nul
n’y verrait une morale3. » Ce propos d’André Comte-Sponville nous livre les conceptions
erronées qui sont véhiculées quand on parle de la morale. D’où les questions : qu’est-ce-
que la morale ? Y-a-t’ il une nuance entre morale et éthique ?
1.1.1. Morale et éthique : essai de définition
Le mot ″morale″ vient du latin mores « comportements, coutumes, mœurs ». Il renvoie à
« ensemble de règles de conduites et de valeurs au sein d’une société ou d’un groupe4. »
Exemple : la morale chrétienne.
L’éthique, quant à elle, tire son origine du mot grec ethos « mœurs ». L’éthique est une
« théorie ou doctrine ayant pour objet la détermination des fins de l’existence humaine ou
les conditions d’une vie heureuse5. »
1.1.2. Morale et éthique : divergence et convergence
De par leurs origines étymologiques, nous voyons bien que les deux concepts sont
proches. Cela explique l’éternelle difficulté à les distinguer ; il y a aucun consensus à ce
sujet. Certains rejettent la pertinence d’une telle entreprise ; pour eux, les deux sont
strictement équivalents6. D’autres séparent l’éthique de la morale, mais ne s’accordent pas
sur les critères de distinction. La différence éthique et morale varie d’un courant de
pensée, voire d’un auteur à l’autre.
Toutefois, les deux termes désignent ce qui a trait aux mœurs, au caractère, aux attitudes
humaines en général et, en particulier aux règles de conduite. On réserve parfois, mais
sans qu’il y ait accord sur ce point, le terme latin à l’analyse des phénomènes moraux
concrets, celui d’origine grecque au problème du fondement de toute morale et à l’étude
des concepts fondamentaux, tels que le bien et le mal, l’obligation, le devoir, etc. Pour
cela, l’éthique est « une discipline qui cherche à apprécier les conduites humaines par
rapport à un système de valeurs ou à des exigences de respect de la nature humaine. »7 En
effet, est qualifié d’éthique, toute réflexion qui intervient en amont de l’action et qui a
3
A. COMPTE-SPONVILLE, Présentations de la philosophie, Paris, Albin Michel, 2000, p. 19.
4
L. HANSEN-LOVE, La philosophie de A à Z, Paris, Hatier, 2011, p. 305.
5
Ib., p. 160.
6
E. MORIN, LA méthode, tome 6, Ethique, p. 9 Pour lui, les deux termes sont inséparables et parfois se
chevauchent. C’est pourquoi, Morin utilise indifféremment l’un ou l’autre terme.
7
Olivier MEIER, Dictionnaire du manager, Ed. Dunod, Paris, 2009, p.82.

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pour ambition de faire une distinction entre la bonne et la mauvaise façon d’agir8.
Autrement dit, « les deux mots signifient la même chose (les us et coutumes), mais ils ont
évolué dans des sens différents, de sorte que l’« éthique » désigne le plus souvent les
réflexions philosophiques fondamentales sur la vraie vie, tandis que le terme « morale »
est le plus souvent employé pour désigner les limites que nous nous imposons (à notre
gré) dans notre comportement les uns envers les autres9. »
L’éthique concerne pour certains, l’évaluation rationnelle de l’art de vivre, à partir des
aspirations fondamentales de l’homme. Les différentes formes d’éthique se distinguent
par leur degré de généralité (à titre d’exemple, l’éthique appliquée ne possède pas le
même degré de généralité que l’éthique générale). Elles se distinguent aussi par leur objet
(bioéthique, l’éthique de l’environnement, éthique des affaires10). Quelles sont alors les
sources de la morale ?
1.1.3. Sources de la morale
Il y’a deux manières d’envisager la source de la morale :
a. Théorie hétéronome de la morale : les partisans de cette théorie estiment que
l’homme reçoit la morale d’ailleurs. Il peut s’agir de Dieu, de la loi naturelle ou de
la société. C’est la position défendue par Saint Thomas d’Aquin, Emmanuel Kant,
Emile Durkheim.
b. Théorie autonome de la morale : les tenants de cette théorie stipulent que l’homme
est lui-même la source de la morale, car il crée, réinvente lui-même les principes
de son action. Nietzsche, Sartre et Camus en sont les farouches partisans.
Examinons à présent les différents courants éthiques.
1.2. Les différents courants éthiques
Nous avons généralement en philosophie morale, les courants (traditions) : axiologique,
déontologique, utilitariste et de responsabilité. C’est dans cet ordre de présentation que
nous nous proposons de les analyser.
1.2.1 Les morales axiologiques
Du grec axios, qui signifie valeur ou qualité, les morales axiologiques peuvent être
définies comme les sciences des valeurs morales, mieux les morales qui s’occupent de la
valeur et de la qualité de la vie.
Cette tradition remonte aux premiers philosophes grecs et demeure toujours vivante
aujourd’hui. Pour cette tradition, le fondement de la morale ne réside plus dans
l’affirmation de la loi, mais dans la connaissance d’un état jugé parfaitement bon auquel il
faut tendre. Le concept central des philosophies morales appartenant à cette tradition est le
« bien ».

8
Samuel MERCIER, La déontologie dans les entreprises, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 2002,
p.34.
9
P. KEMP, L’irremplaçable. Une éthique de la technologie, trad. De l’allemand, Paris, Push, 1997, p. 35.
10
A. ETCHEGOYEN en fait une excellente illustration. O.C

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Ces morales placent au centre de leur réflexion la question de la vie bonne. Elles jugent de
la valeur morale d’une action en fonction de sa conformité à un idéal d’une vie réussie11.
Elles se caractérisent par conséquent par le fait qu’elles considèrent que la fin vers
laquelle doit tendre l’action est un état de perfection subjective.
Le bien est ainsi un idéal que l’agent doit s’efforcer d’être ou d’atteindre. Ces morales
décrivent donc ce que l’agent doit être, les qualités qu’il doit posséder, les valeurs dont il
doit faire preuve. C’est pourquoi ces morales sont dites axiologiques. La morale
eudémoniste d’Aristote en est la figure emblématique. Que dire courant déontologique ?
1.2.2 Morales déontologiques
Cette tradition se consacre de manière privilégiée à la recherche des règles permettant aux
hommes de coexister en se respectant mutuellement. Elle s’interroge par conséquent sur
les normes que tout homme doit respecter lorsqu’il agit. C’est pourquoi les morales
appartenant à ce courant sont qualifiées de déontologiques (du grec deon, devoir).
Par ailleurs, ce qui est premier pour ce courant éthique est la loi et ce qui est moral est le
juste, l’action juste étant celle qui confirme à la loi. On peut par conséquent aisément
deviner l’importance que cette tradition va jouer en philosophie morale et en déontologie.
E. Kant est la référence incontournable de cette tradition.
1.2.3 Les morales conséquentialistes
Selon cette tradition, la moralité d’une action doit avant tout être évaluée en fonction de
ses conséquences. Plus formellement, le conséquentialisme est le point de vue moral qui
prend les conséquences pour seul critère normatif. Il s’agit ici d’être pragmatique et de
choisir son action en fonction des effets qu’elle produira dans la situation donnée. De ce
point de vu, une action moralement juste est celle dont les conséquences sont bonnes. Et
la philosophie morale la plus influente de la tradition conséquentialiste est l’utilitarisme
ayant pour représentant Jeremy Bentham et John Stuart Mill.
1.2.4 Morale de la responsabilité : une éthique pour la civilisation technologique
Nous voudrions clore ce point en présentant brièvement une philosophie morale qui se
laisse difficilement classer dans les trois traditions classiques, celle d’Hans Jonas12. S’il
est en ainsi, c’est parce que les développements scientifiques ont transformé les conditions
dans lesquelles nous agissons à tel point que toutes les morales traditionnelles sont
aujourd’hui dépassées.
En effet, de nos jours, l’homme possède un pouvoir d’action sans précédent. En agissant,
il peut aller jusqu’à supprimer toute forme d’existence présente ou future. C’est pourquoi,
le souci principal de l’agent moral doit être la responsabilité dont il lui faut faire preuve
afin de préserver la possibilité d’une future vie authentiquement humaine.

11
L. FERRY, Qu’est-ce qu’une vie réussie ? Essai. Paris, Grasset, 2002.
12
HANS JONAS né en 1903 et mort 1993, a véritablement parcouru le 20e siècle et ses tensions. Son principal
ouvrage : le principe responsabilité, paru en 1979, a connu un grand succès.

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Ainsi « la transformation de l’agir humain rend (…) nécessaire une transformation de
l’éthique13. ». L’éthique est donc à repenser et le « principe de responsabilité » en
constituera le fondement ultime14 »
Hans Jonas envisage deux conceptions de la responsabilité :
a. La responsabilité d’imputation : elle est tournée vers le passé (rétroactive) car nous
imputons la responsabilité d’un événement passé à quelqu’un.
b. La responsabilité : c’est celle que Jonas place au centre de son éthique, elle renvoie
à la responsabilité qui est la nôtre vis-à-vis de générations futures, par rapports à
nos actions (agir) susceptibles d’affecter des êtres vulnérables. Cette responsabilité
n’est plus rétroactive, mais prospective, puisqu’il ne s’agit plus seulement de porter
la responsabilité de quelque chose qui a lieu, mais d’user de manière responsable
du pouvoir que nous avons sur des personnes vulnérables. La responsabilité
prospective est ainsi en quelque sorte, la dette que contracte celui qui a le pouvoir
envers ceux qui sont vulnérables. La responsabilité prospective est proportionnelle
au pouvoir que nous possédons.
Jonas exprime l’obligation de préserver l’humanité à travers l’impératif catégorique que
voici : « agis de façon que les effets de ton action soient compatibles avec la permanence
d’une vie authentiquement humaine sur terre15. » ou pour l’exprimer négativement : « agis
de façon que les effets de ton action ne soient pas destructeurs pour la possibilité future
d’une telle vie16. »
La morale jonassienne engage donc l’humanité à se soucier de sa propre préservation.
Selon elle, toutes nos actions devraient être subordonnées au respect de cette
responsabilité fondamentale que nous devons assumer. En effet, si l’homme possède le
pouvoir de détruire toute forme d’existence, il a également le pouvoir de la préserver. Il a
la capacité et les moyens d’agir de manière responsable.
Hans Jonas va jusqu’à préconiser, puis à soutenir l’avènement d’une « dictature
bienveillante », seule susceptible, à ses yeux, d’appliquer fermement une véritable
politique de responsabilité17.
Enfin, le principe de précaution, l’écologie, générations futures marquent l’actualité et la
pertinence de la morale jonassienne. Voyons à présent comment la morale met
l’informatique à l’épreuve ?
1.3 L’objet de l’éthique générale
Pour saisir l’objet de l’éthique générale, les scientifiques ont pour repère temporel la
seconde guerre mondiale, époque pendant laquelle les savoirs à propos de la vie ont subi
des bouleversements remarquables à tous les niveaux de la vie de l’homme (génétique,
embryologie, technologie…). En Allemagne, par exemple, l’arrivée au pouvoir du régime
nazi était accompagnée de l’adoption de toute une série des mesures discriminatoires en

13
H. JONAS, Principe responsabilité, p.17
14
L. HANS-LOVE, O.C., p.17
15
H. JONAS, O.C., p.243
16
Ib., p.31
17
L. HANSEN-LOVE, O.C., p.243

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défaveur des ressortissants Juifs. Plus tard, aux USA, Margaret Sanger et le pasteur
Malthus sont parvenus à véhiculer des idéologies similaires à celles des nazis. Toutefois,
cette période si féconde scientifiquement et technologiquement se caractérise aussi par la
rapidité avec laquelle les performances réalisées dans des laboratoires biomédicaux et
autres ont donné lieu à des théories visant à atteindre le plus grand public dans la vie
quotidienne.

Faut-il alors considérer ces progrès scientifiques et techniques et la période très brève qui
les vit apparaître comme le point de départ d’un « nouveau monde » dans lequel les
anciennes problématiques, telles les questions concernant les rapports de la déontologie et
de l’éthique avec les exigences morales, n’auraient plus cours ? Le développement
remarquable des connaissances scientifiques a-t-il fait éclater le cadre même des systèmes
des valeurs éthiques ? N’y a-t- il pas dans la culture philosophique bantu des
interprétations de l’intention éthique qui seraient capables de répondre aux nouvelles
préoccupations liées aux mutations scientifiques et techniques de l’informatique ? A une
époque où les bouleversements scientifiques et techniques entraînent d’importants
renversements des systèmes de valeurs18, il est plus que nécessaire de sauvegarder
quelques repères. Il s’agit donc de trouver une invariante éthique capable d’assurer la
conduite humaine dans ces périlleuses traversées.

La notion de respect éthique paraît être la plus adéquate si l’on entend par « respect » la
reconnaissance sensible, comme le dit Emmanuel Kant, de la majesté de la loi morale. Le
respect en tant qu’invariante éthique s’exprime ici par l’engagement affectif que chacun
peut éprouver pour l’éminente dignité de son propre corps et par la reconnaissance des
autres corps comme devant être investis de la même façon. Cet aspect sensible le soustrait
de l’abstraction, afin d’installer au cœur du sensible la forme même de l’antique loi
morale : « Agis de telle manière que la maxime de ton action puisse être érigée en loi
universelle de l’action. » L’invariante éthique réside dans le respect du corps humain qui
tend à s’étendre à des formes de plus en plus large de la vie de la société. Les nouveaux
rapports que doivent établir les hommes entre eux et avec leur environnement, la société
marquée par la technologie nouvelle seront déterminés par la volonté de maintenir à tout
prix une telle forme de respect. Ceci étant, notons que la question éthique va au-delà du
bien et du mal qui se rapportent à des lois, des normes ou des impératifs dans la vie de
l’individu ou du collectif sociétal.

En effet, l’objet de l’éthique générale est d’établir les critères pour agir librement dans une
situation pratique et faire le choix d’un comportement, dans le respect de soi même et
d’autrui19. La finalité de l’éthique fait donc d’elle-même une activité cognitive pratique. Il
ne s’agit donc pas d’acquérir un savoir pour soi-même, mais d’agir avec la conscience
d’une action sociétale responsable.

Ainsi, comme la question d’éthique intéresse aussi bien le destin individuel que le destin
collectif de l’humanité, il convenait alors de trouver son objet pour mieux saisir les
problèmes moraux ou éthiques ou de déontologie que soulève la science informatique
dans son évolution.

18
Paul VALADIER, L’anarchie des valeurs. Le relativisme est-il fatal ?, Paris, Albin Michel, 1997.
19
M. BLANC, L’État des sciences et des techniques, Paris, La Découverte, 1983, p. 61.

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1.4 Les domaines de l’éthique
L’éthique demeure une nécessité dans les différents domaines de notre vie quotidienne.
Elle est d’abord inséparable de la philosophie, à tel point qu’il est même courant de la
confondre avec la philosophie morale. En effet, on considère qu’elle en est une des
branches principales. Par ailleurs, il est de coutume de lier éthique et philosophie de
l’action dans la mesure où la théorie de l’action s’intéresse à certains problèmes
fondamentaux pour l’éthique, comme le problème de la responsabilité de l’agent, de
l’intentionnalité d’une action ou de la définition de ce qu’on appelle un agent. L’éthique
appliquée est un terme générique pour désigner l’ensemble des questions éthiques
relatives à un domaine de l’activité humaine comme le monde du travail, l’économie ou
les sciences.

Ces différentes formes d’éthiques se distinguent par leur objet (la bioéthique, l’éthique et
environnement, l’éthique des affaires, éthique des médias, éthique de l’armée ou l’éthique
de l’informatique). Elles se distinguent aussi par leur fondement culturel (qui peut être
l’habitat, la religion, la tradition propre à un pays, à un groupe social ou à un système
idéologique).

Dans tous les cas, l’éthique vise à répondre à la question : « Comment agir au mieux ? ».
Cette problématisation d’éthique entraîne de fait la connaissance de son objet et sa place
parmi les autres disciplines cognitives.

Un autre grand domaine inséparable de l’éthique est (au moins aux yeux de la tradition
philosophique occidentale) la politique ou plus précisément la philosophie politique. Il est
traditionnel en philosophie de considérer la gouvernance de la cité comme un cadre
naturel et comme un prolongement des commandements éthiques.

1.5 Ethique et numérique en question


1.5.1 Informatique : science et technique au cœur du numérique
1.5.1.1 Informatique : le mot et la chose
Le mot « informatique » est un néologisme créé par la contraction des mots information et
automatique, il semble avoir été créé en Allemagne par Karl Steinbuch qui utilisa le terme
informatique dans un article publié en 1957 intitulé « informatik : automasche
informations verar beitung » (informatique : traitement automatique de l’information)20
En mars 1962, Philippe Dreyfus, ancien directeur du centre national de calcul électronique
de Bull, introduit le mot informatique en France en nommant une entreprise qu’il crée
société d’informatique appliquée. Ce nom sert aujourd’hui à désigner toutes les activités
scientifiques et techniques touchant aux machines à calculer modernes, les ordinateurs, et
leur communication.
En outre, le dictionnaire de l’académie française en propose la définition
suivante : « informatique. Dérivé l’information sur le modèle de mathématique,

20
J.P. DELAYE, art. Cit.

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électronique. Non féminin, science du traitement rationnel et automatique de
l’information, l’ensemble des applications de cette science »21
Les anglais préfèrent utiliser le plus souvent l’une des deux expressions : data processing
ou computer science.
L’expression anglaise « computer est plus proche du latin « computare » : supputer
ensemble, com-parer, con-fronter, com-prendre »22 qui sont des grandes opérations des
machines informatiques. En effet, l’ordinateur est un complexe organisateur, producteur
de caractère cognitif comportant une instance, informationnelle, une instance symbolique,
une instance matérielle et une instance logicielle. Bref, « un général problems solver »
(GPS) pour reprendre l’impression de Simon.23
Voilà pourquoi, la computation est au centre des opérations informatiques. Elle suppose
un traitement sur les symboles, sur les données, c’est quelque chose qui qui traite, mais de
façon cognitive. La computation de type artificiel correspond à une logique d’opération
nécessitant l’intervention de l’homme, voilà pourquoi « les machines résolvent nos
problèmes, non les leurs disait Von Foerster. »24
Comprendre les origines de l’informatique demande de s’intéresser à quatre concepts
fondamentaux : machine, information, algorithme et langage.
En conséquence, l’informatique est la science et la technique de représentation de
l’information, d’origine artificielle ou naturelle, ainsi que des processus algorithmiques de
collecte, stockage, analyse, langages formels ou des langues naturelles effectués par des
machines ou des êtres humains, seuls ou collectivement.
Au cœur de la révolution numérique nous percevons la science et les technologies propres
à l’informatique. Il est indispensable de mieux comprendre pour saisir la puissance du
levier informatique et la variété de ses impacts, qui ne sont qu’à leurs débuts.
1.5.2 Enjeux de la technologie informatique et quelques problèmes éthique liés à ses
applications
1.5.2.1 Technophiles et technophobes face à la technologie informatique
Aujourd’hui, les avis sont partagés concernant les conséquences de l’informatisation des
activités sociales. Nous avons les technophiles (ceux qui aiment la technologie) et les
technophobes (ceux qui détestent la technologie). Les premiers voient dans la technologie
la route de la liberté, la fin du labeur pénible grâce à la robotisation, l’accès au savoir
encyclopédique que peuvent emmagasiner les grands ordinateurs et la diffusion qu’ils
autorisent un gage d’immoralité, car l’ordinateur promet la mémoire collective éternelle.
Les seconds (technophobes) associent aux technologies de l’information des horreurs
telles que l’esclavage et la dictature par le « Bing Brother », l’homme au service de la

21
J.P. DELAYE, art. Cit.
22
E. MORIN, La méthode, tome 3, la connaissance de la connaissance, Paris, seuil 1986, p. 38
23
Ib., p. 48
24
Ib., p. 42-43

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machine, l’inculture, la fin de l’écrit (cf. langage de SMS), la violation de la vie privée,
l’injustice suscitée par la fracture numérique, etc.
1.5.2.2 Quelques problèmes éthiques liés à l’application de la technologie de
l’information

a. Le fichage
La création de fichier de renseignements personnels est une des applications les plus
communes des outils informatiques, bien que cette technologie ait des avantages certains,
elle réduit l’individu à une sorte de double informatisé dont les données seront ensuite
manipulées par l’appareil bureautique. Le droit fondamental de la vie privée qui occupe
une place toujours importante dans la catégorie des droits fondamentaux de l’homme se
trouve ici en péril.25
b. L’internet
L’internet offre à l’homme d’innombrables services et applications à savoir : e-mails,
protocoles de transfert de fichiers (FTP), forums, lister vers (liste de diffusion) la toile,
world wide web, internet, relay chat (IRC).
Toutefois sur internet, il est difficile de faire respecter les normes sur la propriété
intellectuelle. Nous sommes face à un phénomène qui met en conflit plusieurs droits
fondamentaux à savoir : le droit à la vie privée, le doit à la liberté d’expression, le droit à
la sécurité et le droit à la propriété.
c. Délégation de processus intellectuel à des automatismes
Cette pratique peut restreindre l’exercice des libertés. Le cas de la voiture autonome
illustre mieux ce fait. Il est clair qu’avec l’augmentation de la puissance de calculateurs,
on se retrouve maintenant de plus en plus placé vers les décisions qui sont prises par des
systèmes autonomes.
Fort de ce fait, Anne Chartier estime avec raison que « l’informatique est devenu un
phénomène de profession ». D’où l’impératif éthique de contrôler le progrès
technologique pour préserver la dignité de l’être humain.
Examinons à présent les tenants et aboutissants du concept de déontologie.

25
O. DESCHUTTER et Cie, Code international des droits de l’homme

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CHAPITRE II. LA DEONTOLOGIE

Introduction
Qu’est-ce qu’une déontologie ? Quelles fonctions remplit-elle dans un champ
professionnel ? Ce sont ces questions qui constituent le fil conducteur de ce chapitre.
2.1 Analyse conceptuelle
La déontologie (du grec deontos, devoirs-règles-obligations, science du devoir) semble
plus simple à appréhender et renvoie à un ensemble de règles dont se dote une profession
ou une partie de la profession26 au travers d’une organisation professionnelle qui devient
l’instance d’élaboration, de mise en œuvre, de surveillance et d’application de ces règles.
Elle a toujours un caractère obligatoire ; tout manquement peut faire l’objet d’une
sanction.

Étant l’ensemble des règles et des devoirs régissant la conduite à tenir pour les membres
d’une profession ou pour les individus chargés d’une fonction dans la société. Elle
constitue la morale d’une profession, qu’elle soit imposée ou non par la loi. Ce code
professionnel est ce qui régit l’exercice d’une profession ; il décrit l’éthique ainsi que les
droits et les devoirs de ceux qui exercent cette profession, mais aussi les rapports entre
ceux-ci et leurs clients ou le public. C’est le cas par exemple pour les professions
médicales (serment d’Hippocrate, serment de Florence Nightingale), les journalistes,
(charte de Munich).
Ce mot, précise le Dictionnaire philosophie Lalande « ne s’applique pas à la science du
devoir en général, au sens kantien, il porte au contraire avec lui l’idée d’une étude
empirique des différents devoirs, relative à telle ou telle situation »27. L’objet de la
déontologie n’est donc pas philosophiquement la notion d’obligation, de comprendre en
quoi un devoir est un devoir, mais d’inventorier très concrètement les obligations qui
incombent à un professionnel dans l’exercice de sa tâche. C’est ce sens que retrouvent,
aujourd’hui aussi bien les dictionnaires spécialisés que les dictionnaires généralistes.
La déontologie se situe comme un triangle équilatéral, à égale distance de la morale et de
l’éthique. Les trois concepts ne sont pas identiques, c’est leur mise en rapport qui peut
permettre leur clarification et leur régulation.

Pour Aristote, il existe assurément une déontologie, il y a des choses qu’il faut faire, il ne
faut pas les faire que parce qu’elles sont requises pour atteindre une certaine fin.
On doit le terme de déontologie au philosophe anglais Jeremy Bentham (déontologie or
the science of morality, 1834). Pour lui, le terme de déontologie est tout simplement un
nom expressif pour désigner l’éthique28.

26
Dans le domaine médical, nous avons le serment de Florence Nightingale pour les infirmiers et le serment
d’Hippocrate pour les médecins.
27
E. PRAIRAT, Art. Cit.
28
E. PRAIRAT, « vers une déontologie de l’enseignement » dans Education et didactique vol 3 n° juin 2009,
(version électronique) Cf, Https://Journals.Open édition éducation didactique 485 (consultée le 18/05/2018

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De manière générale, une déontologie est un ensemble de règles, de recommandations et
de devoirs qui régit l’activité d’un professionnel dans l’exercice de sa tâche.
2.2 Ethique ou déontologie professionnelle
A la différence d’une déontologie, ce que l’on appelle une morale professionnelle est un
ensemble de règles et de principes qui reste souvent implicite et se transmettent dans
l’exercice de la pratique de manière diffuse (par imprégnation au mimétisme).
2.2.1 Profession
Du latin profession (déclaration, action de se donner comme) est le métier exercé par une
personne. Une profession n’est ni une association (un rassemblement volontaire de
personnes) ni une communauté (groupe dont les membres ont une même conception du
bien). Ce qui relie les membres au sein d’une profession, n’est ni ce qu’ils sont, ni ce
qu’ils entendent devenir mais ce qu’ils ont à faire ensemble, ici et maintenant.
« L’élément fédérateur est ici une tâche commune structurée par des règles et le centre de
gravité d’une profession est son utilité publique qui représente comme l’a bien vu Hegel,
« l’honneur » de la profession29».
Pour mener à bien cette tâche, il est nécessaire que le professionnel agisse de manière
responsable, conformément aux exigences que la loi en vigueur fixe pour le
développement de cette activité. C’est pourquoi, il n’est pas de profession qui ne cherche
pas à veiller au respect, par certaines règles considérées comme essentielles, du bon
exercice du métier commun. A défaut des textes codifiés, ces règles prennent l’aspect
d’une coutume (ainsi on entend souvent : c’est la tradition ici ; c’est comme ça que ça se
passe ici ; ce n’est pas ce que l’on fait d’habitude). Celle-ci complète la lettre des textes et
des contrats exprès qui, en droit civil, commercial ou administratif, imposent des devoirs à
la profession.

En ce qui concerne la déontologie, elle n’a pas une vocation spéculative mais une visée
pratique, car elle entend définir une pratique professionnelle donnée, à partir de son
axiologie, un socle commun de règles, de recommandations et de procédures.
Les règles déontologiques émanent de groupes professionnels déterminés qui les
établissent généralement par l’intermédiaire de leurs propres instances, ordres
professionnels, associations aux syndicats. Elles correspondent à un phénomène
d’autorégulation. Une déontologie émane toujours des professionnels eux-mêmes, elle se
manifeste ainsi le désir qu’a une profession de s’autogouverner.
Mais nous comprenons vraiment ce qu’est une déontologie professionnelle que si, nous
complétons cette définition essentialiste par une réflexion sur les fonctions. A quoi sert
une déontologie ? Quelles grandes fonctions remplit une déontologie au sein d’une
profession ?

29
E. PRAIRAT, Art. Cit.

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2.3 Fonctions d’une déontologie
2.3.1 Aider et responsabiliser
Une déontologie a pour but avoué d’« organiser une corporation, un groupe de
professionnels, en leur donnant des points de repères pour décider et s’orienter dans des
contextes de travail brouillés et difficiles30 ».
En conséquence, la déontologie éclaire les praticiens dans leur décision et les guide dans
l’action. A ce titre, « elle est un guide pour assumer une responsabilité en acte, pour
trouver des réponses à ce qui ne va plus de soi ou à ce qui n’est jamais allé vraiment de
soi. »31
Toutefois, la déontologie peut avoir deux sens très différents selon qu’elle est associée à la
discipline ou orientée par l’éthique. Dans le premier cas, ce qui domine est la volonté d’en
faire un instrument de contrôle à posteriori des comportements individuels (instrument de
disciplinarisation). Rapprochées de l’éthique, les normes déontologiques deviennent dans
le deuxième cas, une aide pour un décideur exposé à des risques. C’est d’ailleurs toute la
portée paradoxale de la déontologie.
2.3.2 Définir une profession
En outre, la déontologie essaie de répondre à la question « quid ? ». Qu’est-ce bâtir pour
l’architecture ? Qu’est-ce qu’informer pour un journaliste ? Qu’est-ce que prodiguer des
soins pour un médecin ? Qu’est-ce que computer pour un informaticien ? In fine « une
déontologie précise une identité professionnelle »32.
2.3.3 Moraliser les pratiques
Enfin, une déontologie précise. En effet, elle identifie les pratiques douteuses, ambigües
ou illégitimes, pour ne retenir que celles qui méritent d’être retenues. Dans toutes
professions, il y a des choses à faire et à ne pas faire. En ce sens, la déontologie est une
sorte de sagesse collective issue des débats qui traversent et travaillent une profession.
2.4 Utilité d’une déontologie
2.4.1 L’habitus et la règle
Déontologie est utile dans la mesure où ce sont les règles qui fédèrent les professionnels
d’une même branche d’activité et les rendent socialement visibles comme tels vis-à-vis de
l’extérieur. En d’autres termes dans une profession, nous avons besoin des règles
explicites.
L’instauration d’un code de déontologie par explication des règles du jeu, réactive le
sentiment d’appartenance à un corps lorsque celui-ci tend à s’étioler.
2.4.2 Le domaine d’intervention
Si un code de déontologie peut-être un rempart contre la désignation d’un corps
professionnel et peut apparaitre, du point de vue de ce corps, comme un principe

30
E. PRAIRAT, « l’orientation déontologie » dans les sciences de l’éducation- pour l’ère nouvelle 2007/2 (vol 40)
p. 95-113 CF. URL : http// www.Cairn.Info.Revue-les sciences -de- l’éducation- pour- ere nouvelle 2007-2-pages
html (page consultée le 18/05/2018)
31
Ib.
32
E. PRAIRAT, Art. Cit.

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fédérateur, il peut aussi revendiquer cette vertu fédératrice, du point de vue de la pratique
des acteurs, en fonctionnant comme un principe de limitation. En tout cas, un code de
déontologie permet de fixer ou de réaffirmer les contours d’une pratique professionnelle.
Il précise et, par là même, stabilise les tâches assignables, en droit, à un professionnel.
Même si, entre le droit et le fait, entre le travail prescrit et le travail réel, il y a toujours un
écart, une différence, l’argument n’en garde pas moins sa pertinence. Un code de
déontologie permet, pour reprendre l’expression de Gilbert Vincent, une « orthopraxies »
c’est-à-dire une sorte d’orthodoxie professionnelle entendue en termes d’interventions
prévisibles. Pour dire bref, le professionnel confronté à plusieurs défis ressent le besoin
que soit précisé son domaine propre d’activité.
L’éthique professionnelle dans son statut de déontologie ; c’est-à-dire de règles de
conduite à vivre par le professionnel dans l’entreprise recherche non pas l’idéal utopique
de l’humanité ou de l’entreprise mais ce qui permet dans telle société donnée de construire
la paix, le souci du travail bien fait, le respect des engagements, l’épanouissement,
l’amour en vue de la rentabilité. Autrement dit, l’éthique professionnelle cherche à donner
chair aux préceptes premiers de l’amour en construisant des normes concrètes.

Un code de déontologie définit donc, in fine, le domaine de compétence du professionnel,


l’espace de l’agir qualifié. Il délimite un domaine d’intervention légitime et ce faisant
offre la possibilité de collaboration plus facile avec d’autres professionnels.
2.4.3 Une assurance psychologique et juridique
La déontologie donne une assurance psychologique mais aussi une sécurité juridique. En
effet, face à des situations professionnelles de plus en plus complexes, le professionnel
peut se sentir désorienté, paralysé ; dans ce cas on mesure l’intérêt d’un ensemble de
règles et de principes partagés pouvant servir de repères et de guides pour l’action.
Vu sous cet angle, un code de déontologie est un dispositif éthico-juridique qui tend à
réduire les risques de cours juridiques en rendant visible ce qui devait être fait
normalement, et de manière minimale, dans telle ou telle situation précise.
En outre, le code de déontologie s’avère être un trait d’union qui rapproche
statut et compétence. C’est une arme anti-soupçon qui repose sur l’attestation, la
mise en acte dans une extériorité visible d’un ensemble de compétences.
Un code de déontologie est pertinent lorsqu’il fournit au professionnel des
repères et des points d’appui pour orienter son action dans les situations
difficiles qu’il peut rencontrer.

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CHAPITRE III. LES FONDEMENTS DE L’ETHIQUE
La question des fondements de l’éthique ne se pose pas indépendamment de tout contexte,
mais dans le prolongement de l’évaluation des relations entre la raison et la foi. Cette
évaluation trouve ici en quelque sorte son application pratique à la question du devoir :
est-ce par la foi ou rationnellement que nous sommes moraux, ou nous nous efforçons de
l’être ? Si ces deux pôles sont ainsi désignés implicitement comme deux fondements
potentiels de l’éthique, s’accorderont-ils nécessairement ? Dans le cas contraire, la
religion peut-elle imposer des devoirs concurrents de ceux de la morale, et qui
l’emporteraient sur les devoirs civils et laïcs ?

Aussi, on ne peut cependant pas tenir pour acquis que tout le monde, que tous les
fonctionnaires, partagent un même niveau de compréhension et de jugement éthique.
D’où, bien sûr, la nécessité d’accompagner notre démarche d’un volet visant à solidifier le
niveau de jugement éthique de nos étudiants, futurs professionnels de l’informatique et
fonctionnaires. Cela passe par une prise de conscience double, à la fois des valeurs
chrétiennes, des valeurs véhiculées par la société, le gouvernement et plus largement par
la tradition démocratique.

3.1 Loi civile et loi religieuse


Dans un premier temps, il s’agit de se placer dans le contexte d’une différenciation de la
loi religieuse et de la loi civile, pour déterminer laquelle de ces deux sources éthiques,
normalement complémentaires mais présentées parfois comme rivales, doit être suivie.

3.1.1 La transcendance de la loi religieuse


Dans le contexte religieux des siècles passés, l’analyse de saint Thomas livre à cette
question une réponse sans surprise : « toute science est contenue dans la révélation qui
vient contredire les données sensibles pour révéler le vrai sens des phénomènes […] Il
s’ensuit que la révélation est un commandement qui, en raison de son origine
transcendante, est détaché du monde33. » Ainsi, la parole divine s’est-elle substituée au
logos, à la raison, à qui elle impose sa transcendance en matière de vérité comme de
morale. La transcendance de la règle religieuse s’étend donc sur toute autre règle34.

Il s’agit à chaque fois d’une supériorité de la loi divine, qui transcende toute règle
humaine, qu’il s’agisse d’une règle écrite ou non, d’une loi ou d’un principe moral ; la
règle religieuse a ceci de transcendant qu’elle endosse pour elle-même la moralité. Ainsi,
l’ascétisme relègue la position humaine à une position de stricte ignorance : aucune règle
n’est en position de rivaliser avec les commandements divins.

33
BASTIT, Naissance de la loi moderne, Paris, PUF, 1990, p. 27.
34
Cf. Lc 6, 1-5 ; Jn 8, 2-11.

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Dans la situation du coureur écossais des Chariots de Feu, il faut choisir entre défendre
ses chances en finale olympique et offenser le Seigneur en prenant part à cette course qui
a lieu un dimanche.

3.1.2 La transcendance de la loi humaine


Qu’elle s’entende en loi civile ou en loi morale, une loi humaine peut-elle renverser le
rapport qui semble permettre à la loi divine de la transcender ? Montesquieu coupe court à
toute transcendance en introduisant entre loi religieuse et loi humaine (ici comprise
comme loi civile) un critère d’ordre de choix qui relève de la convenance pratique et du
bon sens. Ainsi vaut-il mieux suivre la loi civile qui permet que la loi religieuse qui
défend lorsqu’il est possible d’en tirer quelque avantage. La différence essentielle réside
alors en ceci que « les lois religieuses ont plus de sublimité, les lois civiles ont plus
d’étendue35. » Comment comprendre cette formule ? Les lois religieuses concernent
l’homme à titre individuel, là où les lois civiles tendent vers l’universalité : la situation de
confrontation entre les deux ordres de règles prend alors un tour dérogatoire et
exceptionnel.

Lorsqu’il s’agit non plus de loi civile, mais de loi morale, la règle n’a précisément de sens
que par son universalité. La théorie kantienne de la morale formule précisément
l’impératif catégorique par son caractère universalisable. Le devoir est formel,
indépendant de toute matière ; il est donc inconditionnel, et acquiert par là une
transcendance qui nous rappelle ce qui vient d’être dit sur la loi divine. Est-il surprenant,
dans ces conditions, que le vocabulaire religieux apparaisse pour le ceindre de sa
majesté ? Kant formule ainsi cette articulation nouvelle, dans La religion dans les limites
de la simple raison : « La religion (considérée subjectivement) est la connaissance de tous
nos devoirs comme commandements divins ».

Ainsi, le devoir est divin du fait qu’il est transcendant bien plus qu’il n’est transcendant
parce qu’il est divin. La notion de religion voit dans cette affaire son sens se déplacer pour
venir conférer à la morale humaine son sens transcendant sans plus rien enveloppé de son
contenu divin. En effet, la théorie kantienne ne suppose l’existence de Dieu que comme
réquisit ultime du système, vidant entre-temps cette foi de son objet religieux pour lui
conférer un objet proprement moral. C’est au point qu’on peut à présent opposer à la foi
« simplement doctrinale qui a toujours en soi quelque chose de chancelant, une foi morale
dont le but est indispensablement fixé36. » La loi morale est transcendante au point de
mériter d’être dite commandement divin.

3.1.3 La convergence
S’il en est ainsi, c’est que peut-être le devoir divin et le devoir humain ne sont que deux
noms qui ne peuvent nécessairement renvoyer qu’à deux degrés ou deux formulations de

35
MONTESQUIEU, L’Esprit des lois, XXVI, 9, Paris, Garnier-Flammarion, 1979, p. 185.
36
KANT, Critique de la Raison pure, PUF, « Quadrige », 1984, p. 555.

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la même exigence. Hegel note, dans le cadre d’une analyse qui fait du christianisme un
moment de la conscience de soi pour parvenir à l’apogée philosophique, que « la
philosophie des temps modernes est en soi déjà unie à la religion, car elle a pris son
origine dans le monde chrétien37. » De même, ajoute-t-il, la religion doit déjà contenir
quelque chose de rationnel. Hobbes entend aussi articuler la raison humaine et la raison
divine, la dernière demeurant supérieure à la première sans plus lui être transcendante au
point de ne pas pouvoir converger. En effet, « bien qu’il y ait beaucoup de choses, dans la
parole de Dieu qui soient au-dessus de la raison naturelle, il ne s’y trouve néanmoins rien
de contraire à celle-ci38. » Ainsi, même si la parole de Dieu est le principe essentiel de la
politique chrétienne, « nous n’avons pas à renoncer à nos sens et à notre expérience, et pas
davantage à ce qui est indubitablement la parole de Dieu, à savoir notre raison
naturelle39. »

La convergence de la formulation humaine et de la formulation divine du devoir donne au


devoir humain une garantie divine. Cette garantie peut en premier sens s’interpréter
comme expression métaphorique de la transcendance de tout devoir, mais en un second
sens, on peut aussi y voir la recherche d’une légitimation divine de son contenu.
« Pouvons-nous espérer poser les fondations d’un code normatif rationnel sans en appeler
ni à un sens moral inné ni à une autorité divine40 ? » Un mot fameux de Dostoïevski disait
ainsi que « si Dieu n’existe pas, tout est permis. » Mais Dieu n’est-il pas ici la métaphore
d’un référent moral qui n’est pas en propre une exclusivité religieuse ? Ne s’agit-il pas de
s’armer du réconfort divin devant la contingence et l’infini de notre liberté ? Si tout est
permis, alors « l’homme est délaissé parce qu’il ne trouve ni en lui ni en dehors de lui une
possibilité de s’accrocher […] nous ne trouvons pas en face de nous des valeurs ou des
ordres qui légitimeront notre conduite.41 »

Ce que Nietzsche appelle la mort de Dieu n’est autre que la disparition de ce référent
moral : « que l’idée du dieu disparaisse, le sentiment de péché disparaît aussi, de
manquement aux préceptes divins, de souillure infligée à une créature vouée à Dieu42. »
Ainsi semble-t-il que la caution divine recherchée par le devoir moral puisse être assez
suspecte. Bataille cite ainsi sainte Thérèse d’Avila dans l’expression d’une foi qui n’a
besoin d’aucun référent moral : « ce qui me fait tressaillir d’amour n’est pas le ciel que tu
m’as promis, l’horrible enfer ne me fait pas tressaillir…s’il n’y avait pas le ciel je
t’aimerais et s’il n’y avait pas d’enfer je te craindrais43. »

37
HEGEL, Leçons sur l’Histoire de la philosophie, Idées-Gallimard, 1954, p. 221.
38
HOBBES, Leviathan, III, 32, Sirey, 1971, p. 396.
39
Id, p. 395.
40
KOLAKOWSKI, Philosophie de la religion, 10/18, 1985, p. 239.
41
SARTRE, L’existentialisme est un humanisme, Folio, essais, 1996, p. 39.
42
NIETZSCHE, Humain trop humain, § 133, Folio, 1988, p. 121.
43
BASTILLE, L’expérience intérieure, Gallimard, « Tel », 1954, p. 32.

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Freud a formulé de façon plus sévère les risques d’une appropriation du mal par le
religieux. « Si on ne doit pas tuer son prochain pour la seule raison que le Bon Dieu a
interdit cet acte et le sanctionnera durement dans cette vie ou dans l’autre, mais si l’on
apprend qu’il n’y a pas de Bon Dieu et qu’il n’y a pas lieu de craindre sa punition, alors
on n’aura sûrement aucun scrupule à abattre ce prochain et l’on ne pourra en être empêché
que par un pouvoir terrestre44. » Freud dénonce l’appropriation du moral par le religieux ;
il doit pouvoir être interdit de tuer pour une autre raison qu’une raison religieuse, faute de
quoi la crise de la foi sera la crise de la morale.

3.2 Autres fondements de l’éthique


3.2.1 La conviction
Quel pourra être le fondement de l’éthique si celle-ci doit avoir à prescrire tout en se
passant d’une caution extérieure, fut-elle divine ? Weber a thématisé ce fondement
possible par la notion de la conviction. L’éthique de conviction met au centre de la
recherche éthique un principe conçu comme universellement bon et qui doit pouvoir
s’appliquer inconditionnellement. L’impératif catégorique kantien relève par exemple de
cette éthique de conviction. Mais Weber ne prend pas cet exemple, choisissant plutôt les
siens dans le champ religieux, de même que la plupart des exemples illustrant l’autre
modèle éthique, l’éthique de responsabilité, sont issus du domaine politique. Ainsi,
l’éthique de conviction et l’éthique de l’évangile deviennent-elles, le temps d’une salve
d’exemples, des expressions synonymes. De nouveau, l’éthique religieuse donne à
l’éthique en général ce qui paraît être son prototype. Ainsi, le commandement d’éthique
qui ordonne de présenter l’autre joue est le modèle de la conviction en ce qu’elle reste
indifférente à l’effet et au résultat.

La religion reste donc consubstantiellement attachée à l’idée éthique, même lorsque la


référence divine a été chassée de l’élaboration des impératifs moraux. C’est que le visage
religieux de la règle semble avoir le don de susciter plus d’enthousiasme et d’élan moral
qu’une règle laïque froidement rationnelle. Ainsi, Jean-Jacques Rousseau entend-il
promouvoir l’idée d’une religion civile, car « il importe bien à l’État que chaque citoyen
ait une religion qui lui fasse aimer ses devoirs45. » Au-delà de la question de la confession
privée de chacun, « il y a donc une profession de foi purement civile dont il appartient au
souverain de fixer les articles, non pas précisément comme dogme de religion, mais
comme sentiment de sociabilité46 », dit Jean-Jacques Rousseau.

3.2.2 La responsabilité
Le second fondement possible de l’éthique doit être recherché du côté de la responsabilité.
Cette éthique de la responsabilité est fondée sur la prise en compte des incidences de
l’acte qu’on se propose, la garantie d’une fin bonne à long terme pouvant dépasser la

44
FREUD, L’Avenir d’une illusion, PUF, « Quadrige », 1995, p. 40.
45
ROUSSEAU, Du contrat social, 4, 8, Garnier-Flammarion, 2001, p. 178.
46
Ibidem.

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considération de la qualité morale de l’acte en question. Les faits y sont pensés
séparément des valeurs, et cela suppose donc une disjonction du spirituel et du temporel.
L’église catholique a pu donner elle-même l’exemple de cette disjonction : outre le
ministère de la foi et le contrôle de la moralité, qui sont d’ordre spirituel, elle s’est
caractérisée aussi par un pouvoir temporel. C’est-à-dire par un statut politique au double
sens du terme : d’un côté l’exercice d’un pouvoir politique (un Pape est aussi un chef
d’État), et un appareil administratif, cette Eglise ayant constituée la première bureaucratie
occidentale.

Se retrouve donc au sein même de cette Eglise cette tension entre l’exigence politique de
responsabilité et l’exigence religieuse de conviction : « le génie ou le démon de la
politique vit dans un état de tension extrême avec le Dieu de l’amour et aussi avec le Dieu
des chrétiens tel qu’il se manifeste dans les institutions de l’Église. Cette tension peut en
tout temps éclater en un conflit insoluble47. » La façon dont Machiavel instruit le prince ne
peut qu’induire une critique du christianisme qui n’a pas pris conscience de l’importance
fondamentale du politique. La légitimité de la fin (maintenir l’État) y justifie en effet bien
souvent des moyens (la ruse, le mensonge, la violence) que l’éthique de conviction
réprouverait. Ainsi, le prince doit-il préférer la grandeur de sa cité au salut de son âme :
« s’il est chrétien et s’il veut être bon Prince, il devra trouver son inspiration à partir des
réquisits du politique, plus qu’à partir de ses convictions personnelles. Ces exigences
s’inscrivent dans une éthique rigoureuse du politique que l’on a souvent confondue avec
l’absence de toute éthique48. »

3.2.3 Le paradoxe éthique


La confrontation entre la source religieuse et la source civile de l’éthique permet donc de
faire apparaître une tension fondamentale de l’éthique elle-même. Cette tension s’exerce
au-delà de la distinction du divin et de l’humain, entre la conviction et la responsabilité.
C’est dans ces conditions qu’on peut parler de paradoxe éthique, chacune des sources
faisant valoir une exigence nécessaire et en même temps à peu près incompatible avec son
homologue, au point qu’il y aurait en toute rigueur de quoi parler d’une tragédie. Entre
autres exemples, Weber illustre ce paradoxe par la question de la paix et du moyen d’y
parvenir. Le paradoxe consiste en ceci que celui qui adopte la paix comme principe est
conduit à favoriser objectivement la guerre et que celui qui adopte la paix pour objectif est
conduit à guerroyer. « Le pacifiste qui agit selon les préceptes de l’évangile déposera les
armes ou les jettera au loin par respect pour le devoir éthique49 », favorisant ainsi
objectivement les risques d’invasion. « L’homme politique au contraire dira : le seul
moyen sûr qui aurait permis de discréditer la guerre pour tout le futur prévisible aurait été
une paix immédiate fondée sur le statu quo », dit Weber, se défendant et se défiant ainsi
de celui avec qui il veut faire la paix.

47
WEBER, Le savant et la politique, 10/18, 1963, p. 216.
48
VALADIER, Machiavel et la fragilité du politique, Point Seuil, 1996, p. 85.
49
WEBER, op. Cit., p. 205.

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L’alternative entre la prise en compte du principe et la prise en compte des effets peut être
reformulée comme alternative de l’immédiat et du terme, du proche et du lointain. C’est
en ces termes que Hume formule le problème de la morale : « L’unique difficulté est donc
de trouver cet expédient grâce auquel les hommes guériraient de leur faiblesse naturelle et
s’imposeraient la nécessité d’observer les lois de la justice et de l’équité, en dépit de leur
tendance violente à préférer le proche au lointain50. » La formulation de Hume prend ici
effet et cause pour cette forme d’éthique de responsabilité qu’est l’utilitarisme, qui définit
le juste comme maximisation du bien.

3. 3 La question de la tolérance
3. 3.1 Tradition et autorité
Qu’il s’agisse de formuler le devoir par la religion ou en dehors de celle-ci, la question du
fondement de l’éthique est aussi celle de son origine et de sa transmission, question que
ses deux sources permettent l’une et l’autre d’éclairer. Montaigne voit à l’origine du
devoir comme de la religion le même mécanisme d’autorité qui ne repose que sur la
coutume et la convention : « nous sommes chrétiens au même titre que nous sommes ou
Périgourdin ou Allemand51. » De même que Descartes adopte au titre de sa morale par
provision (et l’on sait qu’à la fin il n’y en eut point d’autre) la règle de vivre selon les lois
et coutumes de son pays, de même Montaigne fait de la religion et du devoir le simple
résultat de la contagion d’un usage. « Nous ne recevons notre religion qu’à notre façon et
par nos mains, et non autrement que comme les autres religions se reçoivent. Nous nous
sommes rencontrés au pays où elle était en usage ; ou nous regardons son ancienneté ou
l’autorité des hommes qui l’ont maintenue52. »

Pour être éventuellement contingente, cette autorité n’en est pas moins nécessaire. La
tradition est certes d’un côté menacée par le zèle du traditionaliste, mais elle l’est tout
autant par la volonté de comprendre et de démystifier. Montaigne s’indigne ainsi « de voir
tracassé par une salle et par une cuisine le Saint livre des sacrés mystères de notre
créance », réduit au statut d’objet de débat par la mauvaise manie analytique des
théologiens. Ce qui est dit ici de la religion vaut aussi bien pour le devoir, dont Montaigne
pourfend tout autant les analyses, qui voudraient le suivre pour la justesse de son contenu
et non parce qu’il est un devoir. Tout se passe donc comme si, y compris dans sa forme
religieuse, le devoir n’avait de sens et d’utilité qu’à condition d’être observé avant toute
enquête.

3. 3.2 Tradition et autonomie


Le risque auquel l’éthique religieuse est alors particulièrement confrontée est celui du
fanatisme. L’autorité de l’Écriture n’aurait en effet aucun sens s’il s’agissait d’y ajouter la
foi aveuglément, au détriment de la liberté et de la tolérance. « Si la Raison, en dépit de

50
HUME, Essais, 2, 12, Folio, 1965, p. 146.
51
MONTAIGNE, Essais, 2, 12, Folio, 1965, p. 146.
52
Ibidem.

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ses réclamations contre l’Écriture, doit cependant lui être entièrement soumise, je le
demande, devons-nous faire cette soumission parce que nous avons une raison ou sans
raison et en aveugle53. » En appeler à la liberté de l’examen rationnel du devoir religieux
pour que celui-ci ne soit pas adopté par superstition, c’est du même coup poser que
l’autorité qui accompagne ce devoir en même temps s’arme de tolérance. La tolérance est
précisément ce qui sépare le caractère inconditionnel d’une conviction du risque de
fanatisme.

La formulation religieuse du devoir a la réputation d’être intolérante. Levinas veut


montrer que les religions, et en particulier la religion juive qui fait plus spécialement
l’objet de son analyse, ont fort à faire pour échapper à ce préjugé qu’elles n’ont que trop
souvent alimenté. Partant de l’idée que la paix est distincte de l’unanimité doctrinale,
Levinas plaide pour un judaïsme dans lequel « la certitude de l’emprise de l’absolu sur
l’homme, ou religion, ne se mue pas en expansion impérialiste qui dévore tous ceux qui
les refusent », et donc pour une religion qui n’irradie pas vers l’extérieur mais vers
l’intérieur, comme une exigence infinie à l’égard de soi, comme une infinie
responsabilité54 ».

3.3.3 Devoir public et devoir privé


La notion de conviction s’entend comme laïque autant que comme religieuse, puisque
c’est au même risque d’intolérance qu’elle s’expose sous ces deux visages. L’esprit de
laïcité, qui doit de la même manière se comprendre ici autant envers la conviction
religieuse qu’envers toute conviction, conduit à poser une distinction entre le public et le
privé. Les notions de conscience (comme chez l’objecteur de conscience) et de confession
(au sens du confessionnel) relèvent ainsi du privé, de ce que la liberté de chacun le
conduit à approuver. Tout l’enjeu de la tolérance est de faire respecter ce caractère privé,
sans pour autant laisser compromettre la possibilité qu’il existe quelque chose de public et
de commun.

3.4 Les valeurs et l’éthique


Une valeur se définit comme bravoure, qualité ou encore mérite ; elle est ce en quoi une
personne est digne d’estime (quant aux qualités que l’on souhaite à l’homme dans le
domaine moral, intellectuel ou professionnel). Il s’agit, en effet, du caractère de ce qui
répond aux normes idéales de son type, de ce qui a de la qualité. Les valeurs et l’éthique
représentent ce que la plupart d’entre nous mettons déjà en pratique quotidiennement par
le biais de nos actions. Elles décrivent la manière dont nous nous efforçons de travailler
avec nos collègues de travail, nos partenaires et nos clients. Elles expliquent l’esprit qui
nous anime et qui nous permet d’effectuer notre travail. Nos valeurs, ce qui nous apparaît
souhaitable, ce qui a de l’importance pour nous, ce que l’on estime et cherche à atteindre,
se reflètent donc dans nos activités de tous les jours.

53
SPINOZA, Traité théologico- politique, XV, Garnier-Flammarion, 1965, p. 251.
54
LEVINAS, Difficile liberté, Biblio-Essais, 1976, p. 244.

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 A titre d’individus, nos valeurs sont issues de notre culture au sens large. Par
exemple, les valeurs que nous tenons de notre famille, de notre éducation ou
encore de nos expériences culturelles.
 A titre de fonctionnaires, nos valeurs sont modelées par les traditions de notre
système démocratique gouvernemental.

C’est pourquoi il est important de comprendre que les valeurs et l’éthique fournissent un
cadre pour la prise de décision et le leadership. Cette compréhension est d’autant plus
importante dans la mesure où nous pensons, à la suite du rapport, que la déontologie et les
règles qui l’accompagnent ne sont pas les seuls éléments susceptibles de promouvoir les
valeurs et l’éthique au sein de la fonction publique. « Un régime déontologie, tel que nous
le définissons, est plus qu’une seule initiative. C’est un ensemble d’initiatives, qui
s’appuient l’une sur l’autre et se complètent.» Cette règle ne peut seule encourager le
citoyen ou le fonctionnaire à développer l’esprit conciliant qui, en toute conscience, lui
permet d’agir de manière responsable, de façon honnête et avec justesse. Un code seul ne
suffit pas à la promotion des valeurs et des normes de l’éthique de la fonction publique,
par exemple. Il faut mettre en place un dialogue constant afin qu’il soit possible d’intégrer
les valeurs et l’éthique dans toutes nos décisions, dans tous nos gestes au sein de notre
milieu de travail.

3. 4.1 Les valeurs comme système de référence


En éthique, il est communément question de valeurs qui sont de l’ordre de l’Être et du
Bien qui indiquent des idéaux à poursuivre (autonomie, vie et santé, justice) ; des
principes qui donnent des grandes orientations à l’action qui fixent des attitudes
(autodétermination, respect de la vie, rendre à chacun son dû), de normes et de règles qui
déterminent l’action, qui encadrent la décision (consentement libre et éclairé, prendre les
moyens proportionnés, respect des contrats). Le mot principe désigne une orientation
fondamentale, inspiratrice d’action. Le mot Règle évoque quelque chose de plus concret,
plus proche de l’action. Le principe est souvent indéterminé et admet des applications
diverses. La Règle a un contenu précis. Les grands principes sont relativement peu
nombreux et stables, les Règles peuvent être nombreuses et variables. Ainsi Durand
(1994) souligne la difficulté de présenter l’éthique (ou la morale) selon trois points : selon
Durand, pourquoi il est difficile de présenter l’éthique ?

1. Elle vient du fait qu’elle n’est pas un secteur séparé de la vie, mais une dimension
permanente de tout comportement. Des valeurs, en effet, sont mises en œuvre plus
ou moins explicitement dans tous les comportements et toutes les décisions. Ainsi,
la pratique de la médecine, des sciences infirmières, du travail social, du droit, par
exemple, implique inévitablement des choix éthiques, des choix de valeurs
morales ;
2. Elle tient au vocabulaire qui varie selon les auteurs. Le mot comporte, d’un milieu
à un autre, des connotations ou de sens divers ;
3. Elle tient au fait que celle-ci renvoie finalement à une réflexion philosophique,
laquelle a donné naissance à une multitude de théories éthiques plus ou moins
contradictoires.

Selon Durand, trois mots reviennent fréquemment dans le discours sur l’action humaine :
éthique, déontologie et morale. Ceux-ci sont parfois pris comme synonymes. Les trois

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mots renvoient au comportement, à l’action humaine, à la prise de décision. Ils concernent
ce qu’il faut faire, ce qui doit être fait (le devoir, les valeurs), par opposition à ce qui se
fait (les mœurs).

DROZ (2006) définit l’éthique comme un ensemble rationnel structuré des valeurs
explicites qui définissent le bien, le juste et le beau, par lequel quelqu’un rend compte de
lui-même, de ce qui le fait exister et agir. Elle est la manière de dire comment l’individu
se doit de vivre et à partir de quoi il doit juger et décider. Il s’agit en conséquence, d’un
système explicite et argumenté de valeurs qui induisent des comportements ou des
pratiques sociales. Il y a donc des éthiques universelles (droit de l’homme) ou des
éthiques propres à une culture. Bob Jickling (1996) propose deux façons de concevoir
l’éthique : l’éthique comme un code qui tend à reproduire des rôles dans la vie sociale.
Les prescriptions et les valeurs qui les informent ont tendance à être pris pour acquis,
faisant ainsi autorité, et applicables dans un large éventail de contextes. Alors dans ce
sens, éthique implique de chercher des principes pour guider le comportement moral et les
évaluer. Il faut tout d’abord identifier les valeurs qui peuvent être contestées, existant au
sein d’une communauté.

L’organisation des valeurs entre elles, sous forme de système, correspond à une éthique ;
celle-ci donne sens et cohérence aux valeurs qui s’y rattachent (sauvé, Villemagne, 2006).
Une valeur (come la démocratie ou le développement durable) ne prend son sens qu’en
fonction du champ éthique dans lequel elle s’inscrit. Parmi les valeurs sont retrouvées les
valeurs d’ordre fondamental, correspondant à des buts, à atteindre (par exemple,
l’équilibre écologique), et des valeurs d’ordre instrumental destinées à l’atteinte de ces
buts (comme la responsabilité). Il y a également les valeurs abstraites (la solidarité) et les
valeurs correspondant à des objets et également des valeurs qui sont intrinsèques (la
nature ou le patrimoine architectural). Une valeur est une croyance durable (Rokach,
1979), un mode spécifique de conduite ou d’état final d’existence qui est personnellement
ou socialement préférable à un autre mode de comportement ou but de l’existence opposé
ou convergent. Un système de valeur est une organisation durable de croyances
concernant les modes souhaitables de conduite et les conceptions de l’existence.

Traditionnellement, le concept de valeur est utilisé de deux manières distinctes, soit il est
question de valeur que possèdent les objets, soit ce sont celles que possèdent les
personnes. Se rapportant aux propos d’Audigier (1999), il est inutile de s’attacher à
déterminer une liste bien établie et cohérente de valeurs, puisque dans toute situation, dès
qu’il faut prendre une décision, l’individu est aux prises avec des valeurs en contradictions
les unes avec les autres. Mais elles se définissent comme un point de vue à partir duquel
l’individu évalue, au sens fort du terme évaluer (porter un jugement sur la valeur ou
estimer, priser) les actions sociales ; les comportements, voire les opinions.

Ainsi, elles sont à la base de toute activité, de tout désir de disposer d’un moyen capable
de prévenir ou de faire cesser une sensation pénible, de provoquer, de conserver ou
d’accroître une sensation agréable. Si l’on admet cela, le constat peut être fait de
l’existence d’un certain nombre de principes cardinaux encadrant l’action du
fonctionnaire. Chaque fonctionnaire est ainsi amené à se référer à des orientations
d’ensemble, à des principes directeurs qui donnent sens aux règles et aux prescriptions.
Ceci étant, ils sont alors l’instrument de la cohésion d’ensemble de l’action publique.

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3.4.2 Les valeurs, ensemble à bâtir
Outre les valeurs proclamées par la devise nationale, il en existe d’autres qui guident la
production des normes et l’action publique. Ils sont parmi les bases de l’orientation
d’ensemble du service public. Ce sont des « valeurs » en ce sens qu’elles ne sont que le
renouvellement et le redéploiement des principes classiques du service public.

3.4.2.1. L’égalité
Parmi les premiers principes généraux du droit, l’égalité est, avec la liberté, l’un des
principes à valeur constitutionnelle, dans certains pays. En droit, le principe signifiera que
l’on doit mettre en œuvre un droit favorisant un égal accès au service public et respectant
un traitement égal devant le service public, et d’autre part, le principe implique que le
service public doit aller à la rencontre de certains usagers et prendre en considération leurs
différences, et dans la pratique, le principe signifiera contribuer à l’égalité des chances.
Dans les deux cas, les obligations des agents de l’administration seront différentes.

On sait désormais que selon la jurisprudence, le droit d’accès n’implique pas que les
conditions d’utilisation du service soient identiques pour l’ensemble des candidats
usagers.
Par exemple, un responsable d’établissement scolaire doit certainement toujours se
demander si les élèves sont traités selon leurs besoins55. Le principe d’égalité doit aussi
guider cette mission. Il est une valeur, dans le sens utilisé par Taine, un principe d’action
partagée, une référence commune. Les actes administratifs ne peuvent être motivés par
des considérations partiales, et dans l’exercice de leur profession les fonctionnaires ne
peuvent être partiaux. Selon Littré, l’impartialité désigne la qualité ou le comportement de
celui qui s’abstient de prendre parti pour l’un plutôt que pour l’autre. Elle se caractérise
donc à la fois par un souci d’objectivité et par l’idée de neutralité. Le fonctionnaire a
souvent intérêt à se demander s’il a un intérêt personnel à l’affaire qu’il traite. Lorsqu’il
exprime une animosité personnelle à l’égard du destinataire de l’acte, il est partial. Le
principe de neutralité protège efficacement les agents publics. Dès l’instant où il implique
la non-discrimination (races, convictions politiques, religieuses), il se fond dans celui
d’égalité. Il exerce avant tout à l’égard des usagers qui sont en droit d’attendre d’un agent
public qu’il fasse preuve de neutralité politique, religieuse et commerciale.

II.4.2.2. La continuité
La continuité est aussi un principe à valeur professionnelle soutenu par l’idée selon
laquelle le service ne s’interrompt pas, sous réserve de l’exercice du droit de grève, lui-
même principe à valeur acquise. La continuité est le fonctionnement ponctuel et régulier
du service public, qui s’apprécie par rapport à l’objet du service. Elle sous-tend un
ensemble d’obligations professionnelles : obligation d’assurer à titre exclusif et personnel
sa fonction, obligation d’assurer le libre accès au service public, etc.
La déontologie du fonctionnaire consiste aussi à veiller à offrir aux usagers le meilleur
service possible. La gestion des attentes, le vouvoiement et l’amabilité, la lisibilité des
imprimés sont des indicateurs de la considération portée à l’usager et à son origine sociale
et culturelle. La qualité de l’accueil dépend très largement de la compétence des agents
préposés à cette fonction. Ceux-ci doivent être capables d’orienter les usagers, ce qui

55
CAA. Bordeaux, 10 juin 2003, M.C. Cl. Min. de l’Éducation nationale, req. N° 01BX02273. Ce qui
commence à être remis en cause : CAA Versailles, 17 févr. 2005, Parents de M. et J. req. N° 03VE02976

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suppose une connaissance de l’organisation des services et une bonne information sur le
processus de décision administrative.

3.4.2.3. « Justice, paix et travail »


Parmi les valeurs à défendre pour bâtir une nation saine, il y a bien la devise
nationale (justice, paix et travail pour nous congolais de Kinshasa). Car étant la valeur
républicaine, cette devise est par-dessus l’idéal à vivre et atteindre à jamais. Elle est une
cause à défendre, une référence ou une règle morale, sociale du peuple congolais. C’est la
représentation synthétique des convictions et des conduites qui sont considérées comme
très importantes dans ce pays. Ceci étant, la devise nationale se présente comme l’un des
caractères de ce qui remplit les conditions nécessaires pour être efficace, utile, valable et
valide dans un pays. Ainsi, doit-on la mettre en évidence, la faire valoir parce qu’elle
détermine l’identité d’un peuple juste, pacifique et travailleur, d’un peuple qui prouve sa
force d’âme, sa capacité, son aptitude, sa qualité ou sa disposition ferme et constante le
conduisant à agir en accord avec son idéal. Si cette devise se décline comme
véritablement cette valeur à vivre, à bâtir et à promouvoir, est-elle alors d’ordre éthique ou
moral? La devise nationale se vit comme une valeur incontournable qui rend fort,
vigoureux et puissant, parfois intrépides ce peuple et sa société. La démarche éthique
entreprise pour la mise en pratique de cette valeur noble n’est point une science, mais
contextuelle et non uniformisée car il s’agit d’une démarche s’appuyant sur des valeurs
dont l’hymne national et non sur la morale.

3.4.3. Les vertus


La vertu vient du latin virtus qui s’apparente plus à la virtuosité des artistes. La vertu est
une disposition habituelle et ferme à faire le bien. Elle permet à la personne non seulement
d’accomplir des actes bons, mais de donner le meilleur d’elle-même. De toutes ses forces
sensibles et spirituelles, la personne vertueuse tend vers le bien ; elle le poursuit et le
choisit en des actions concrètes. Le but d’une vie vertueuse est d’imiter Dieu. Ainsi, les
vertus humaines sont des attitudes fermes, des dispositions stables, des perfection
habituelles de l’intelligence et de la volonté qui règlent nos actes, ordonnent nos passions
et guident notre conduite selon la raison et la foi. Elles procurent facilité, maîtrise et joie
pour mener une vie moralement bonne.

Ceci étant, l’éthique des vertus est ancienne. Elle naît de la rencontre entre morale
antique, notamment aristotélicienne et stoïcienne et de la sagesse biblique. La théorie des
verts s’articule autour de 4 vertus cardinales : la prudence, la force ou le courage, la
justice et la tempérance. C’est au XIIIème siècle, sous l’influence des ordres chrétiens
(Dominicains et Franciscains) que cette formule définitive des vertus cardinales voit le
jour.

3.4.3.1 Les vertus cardinales


Les vertus cardinales sont dites aussi vertus morales parce qu’elles sont humainement
acquises. Elles sont les fruits et les germes des actes moralement bons ; elles disposent
toutes les puissances de l’être humain à communier à l’amour divin.

3.4.3.1.1La prudence
La vertu de la prudence a un sens différent en moral. Elle n’a pas le sens que le commun
des mortels lui donne. Elle est la vertu principale par le fait qu’elle est la mise en pratique

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de la sagesse et nécessite courage, patience et rapidité pour être mise en œuvre. Elle
dispose la raison pratique à discerner en toute circonstance notre véritable bien et à choisir
les justes moyens de l’accomplir. Elle n’est pas contraire au risque, contrairement à
l’image que l’homme peut s’en faire.

Autrement dit, la prudence est une attitude d’esprit de celui qui, réfléchissant à la portée et
aux conséquences de ses actes, prend ses dispositions pour éviter des erreurs, des
malheurs possibles, s’abstient de tout ce qu’il croit pouvoir être source de dommage.
Ainsi, la personne sait analyser une situation et prévoir les conséquences de ses actes. Elle
sait agir en tenant compte de la réalité du caractère des partenaires et elle peut opposer un
refus ou montrer un désaccord sans humilier, encouragé sans flatter, enseigner sans
pontifier. C’est pour cette raison que l’on dit, d’ailleurs, d’elle comme étant la vertu qui
sait faire progresser avec courage mais sans présomption, et choisit suivant les cas le pas à
pas ou l’intervention incisive.

3.3.1.2. La force ou le courage


Comme vertu cardinale ou morale, le courage ou la force est la capacité de tenir bon face
à l’adversité. Elle assure dans les difficultés la fermeté et la constance dans la poursuite du
bien. C’est aussi elle qui donne l’énergie pour se lancer dans des entreprises. Elle est la
constance, le cran, l’énergie, la détermination, la fermeté et la volonté en tant que capacité
de l’esprit ; possibilité intellectuelle et morale. Elle n’est pas toujours une vertu : elle est
aussi ensemble de causes capables de produire des effets contre la volonté des personnes.

La vertu de force rend capable de vaincre la peur, même de la mort, d’affronter l’épreuve
et les persécutions. Elle dispose à aller jusqu’au renoncement et au sacrifice de sa vie pour
défendre une juste cause. Il faut dans ce cas d’espèces, dire que la tradition chrétienne fait
une distinction. La foi est toujours un acte libre et ne doit jamais être imposée par une
quelconque force morale ou physique. Le concile Vatican II a largement insisté sur la
nécessité de respecter la liberté des consciences. La Bible et les chrétiens ne condamnent
pour autant la force qu’au service de l’injustice et du mensonge : ils condamnent aussi la
vengeance personnelle : « Ne vous faites pas justice vous-mêmes » (Rm 12, 19).

3.3.1.3 La tempérance
Ce mot d’origine latine temperatia, temperare n’est rien d’autre qu’une modération de
tous les plaisirs des sens : modération dans le boire et dans le manger, etc. Il s’agit
nettement d’une continence ou d’une frugalité ou encore d’une sobriété d’autant plus que
de par son origine, le concept veut déjà signifier garder la mesure, c’est-à-dire l’équilibre.
Elle est le fruit de la présence de l’Esprit Saint dans le cœur de l’homme, affirme St Paul
(Gal 5, 22-23). La vertu cardinale de la tempérance canalise les dérèglements. Elle assure
la maîtrise de la volonté sur les instincts et maintient les désirs dans les limites de
l’honnêteté. La personne tempérante oriente vers le bien ses appétits sensibles, garde une
saine discrétion et ne se laisse pas entraîner pour suivre les passions négatives de son
cœur.

L’intempérance peut revêtir bien des formes actuellement : trop d’alcool, trop de travail,
trop de voyages, trop de responsabilités, trop de plaisirs tuent la vie spirituelle et la vie
sociale. Très souvent il n’est parlé de la tempérance qu’à propos de l’alcool : les Anglo-
saxons ont lancé beaucoup de sociétés de tempérance qui, en leur temps, militaient pour la

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prohibition de l’alcool aux États-Unis, puis invitaient leurs membres à ne jamais boire
l’alcool. Sans doute, depuis le XIXème siècle, l’alcool comme la cigarette sont devenus de
grands fléaux. Il est normal et urgent que les chrétiens s’engagent à les combattre. Mais
l’usage de l’alcool et du vin, n’est pas interdit par le Nouveau Testament (cf. 1 Tm 5, 23).

3.3.1.4 La justice
La justice comme prise de conscience et de considération du comportement avec autrui.
Pour Socrate, autrui, philosophiquement, est à la fois « un autre moi » et « un autre que
moi ». Car l’autre est tout ce qui n’est pas moi (un objet, un animal, un homme, etc). Or
autrui désigne l’autre en tant que personne humaine, alter ego, c’est-à-dire un autre que
moi-même capable de recevoir ce qui lui revient, le respect de ses droits et avec lequel on
rétablit dans les relations humaines l’harmonie qui promeut l’équité à son égard et à
l’égard du bien commun. En terme platonicien, autrui entrelace le même et l’autre ; c’est-
à-dire tout à la fois autre que moi et identique à moi parce que homme parmi les hommes
dans leur ensemble et non une chose parmi les choses. Si l’on reconnait ainsi, point la
tentation de le dominer ou d’être injuste à son endroit. La justice comporte ainsi une
dimension économique (le sens du partage), une dimension sociale (respect du droit) et
une dimension politique (égalité de tous).

La justice est une exigence fondamentale, pour tout homme. Pour les chrétiens surtout, il
s’agit d’une obligation d’ordre de la foi puisque cette dernière reconnaît en Dieu le juste
juge qui ne condamne pas mais rend juste en pardonnant. Jamais, dans leur histoire, ils
n’ont autant réfléchi qu’aujourd’hui à la justice, puisque jamais les causes d’injustices
n’ont été aussi nombreuses. Les remèdes proposés à cette situation sont, bien entendu,
ceux du développement, le nouveau nom de la paix selon Paul VI. Il s’agit ici du
développement collectif et personnel comme lieu d’établissement et du respect des lois
qui protègent les pauvres ; mais c’est aussi la dénonciation, par les chrétiens, des
injustices : « Ce qui suppose que l’Église sache se remettre en cause elle-même : il faut
donc examiner avec soin les procédures, les possessions et le style de vie de l’Église »
(Synode des évêques, Rome, 1971). Ayant la responsabilité de protéger toute forme de vie
et la nature comme étant des créatures de Dieu, l’Église doit se refuser de se concentrer
uniquement sur la croissance économique en plaçant en priorité le profit et l’efficacité.
Elle doit se soucier d’abord de la justice pour retrouver le vrai visage du Dieu juste,
l’annoncer et le faire découvrir à tout homme.

Il est cependant indéniable que toute son action tende, en ce domaine, à promouvoir la
concertation et l’entraide internationales, mais faut-il encore que cette entraide appelle la
contribution à des fonds de développement et qu’elle soit fondée sur la reconnaissance des
droits de l’homme et du respect, de la volonté d’accueillir toutes cultures humaines. Lors
de la journée de la paix, le 1er janvier 1990, Jean Paul II s’adressait ainsi au monde : « Il
n’est pas juste qu’un petit nombre de privilégiés continuent à accumuler des biens
superflus en dilapidant les ressources disponibles (…) C’est maintenant l’ampleur
dramatique du désordre écologique qui nous enseigne à quel point la cupidité et
l’égoïsme, individuels et collectifs, sont contraires à l’ordre de la création dans lequel est
inscrite également l’interdépendance mutuelle. » Il s’agit ici de la question de justice aussi
bien entre les hommes que dans leur relation avec le cosmos qu’il doive sauvegarder. Car
l’injustice économique surtout, s’il n’est pas combattu et dépassé par l’action sociale,
favorise la concentration des richesses, de la puissance, du pouvoir de décision entre les

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mains d’une élite dirigeante, privée ou publique et crée le manque de participation sociale.
C’est à ce stade que cela frustre l’homme dans l’exercice de ses droits fondamentaux
humains et sociaux. Il convient de noter qu’en plus de ces 4 vertus cardinales, la tradition
chrétienne en a ajouté trois, appelées vertus théologales : la foi, la charité et l’espérance.

CHAPITRE III. POUR UN CODE DE DEONTOLOGIE DES


INFORMATICIENS

Introduction
L’éthique journalistique, par exemple, condamne tout journaliste recevant de l’argent pour
publier une information tendancieuse en faveur d’une certaine personne, organisation ou
société. Dans un monde qui va très vite, il faut que le journaliste ait le courage de vérifier
ses sources, de prendre du recul, le temps de s’assurer de ce qu’il dit ou écrit. Dans le
monde des affaires, par ailleurs, l’éthique établie qu’un vendeur ne peut pas réaliser des
transactions hors du contexte de la société pour laquelle il travaille en tant qu’employé.
Telle est la disposition de l’esprit, la recherche du bon, du juste, de l’équité que doit avoir
l’employé comme authenticité même de son éthique mais aussi comme déontologie
professionnelle se traduisant en règles obligatoires.

Ce chapitre porte sur l’identité professionnelle des informaticiens, leur domaine


d’intervention et leur responsabilité. C’est en fait un plaidoyer pour un code de
déontologie des informaticiens en RDC où l’ordre des informaticiens émerge à peine.
Voilà pourquoi, le premier point se penche sur l’urgence d’une éthique appliquée au
numérique. Le second est une réflexion sur l’opportunité de constituer les informaticiens
et informaticiennes en ordre professionnel. Nous partons de l’éthique de l’usage de l’outil
informatique à la déontologie de la profession.
3.1. Le numérique comme un champ d’action : vers une éthique de l’usage
Etant donné que l’informatique participe aux changements profonds du monde dans lequel
nous vivons, il se fait sentir un besoin pressant de réaffirmer certains principes éthiques.
Cela revient à faire une éthique appliquée au numérique.
En effet, l’éthique du numérique est un sujet qui renvoie spontanément à des nombreuses
questions et thématiques : big data et protection des données personnelles, brouillages des
frontières entre vie privée et vie professionnelle, facture numérique (géographique,
générationnelle), traçabilité, algorithmes prédicatifs, libre arbitre, etc. Bref tant de sujets
d’interrogation qui témoignent de l’ampleur des questions éthiques liées au numérique.
C’est pourquoi, lorsque l’on parle d’éthique du numérique, nous nous concentrons sur les
conséquences éthiques de l’usage du numérique.
Avec la démocratisation de l’internet par exemple dès le début des années 1990, nous
signalons l’apparition d’une éthique réalisée par les internautes « la netiquette ». Cette

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charte est relative aux règles de savoir vivre, de civilité en usage sur internet concerne
notamment les débats en ligne sur les forums et sur les blogs : ce sont des règles de bon
sens, de bienséance sur le net (respecter la parole de l’autre, pas d’insulte). On réaffirme
en fait des principes de civilité dans un nouvel espace d’action qu’est l’internet. Il
démultiplie les possibilités d’actions humaines et leur donne une certaine emphase.
Certaines pratiques frauduleuses sont considérablement amplifiées avec le numérique
comme la propagation des fake news, de faux commentaires destinés à améliorer la
visibilité d’une marque ou détruire l’image d’une autre personne.
Aux USA, par exemple, le terme « Computer ethics » a été forgé pour la première fois par
Walter Maner56, au milieu des années 1970, mais c’est seulement dans les années 1990
que ce terme commença à s’intégrer réellement dans les programmes de développement
professionnel des milieux académiques. En France, le CIGEF57 et le SYNTEC58 ont mis
au point une charte commune qui n’est pas vraiment un code déontologique.
Dans cette perspective certains instituts des professionnels ont élaboré des codes
d’éthiques. Nous avons par exemple : « les 10 commandements de l’éthique
informatique » rédigés par le computer ethic institute (1992) qui témoigne de l’urgence de
réaffirmer certains principes éthiques ou la loi sur le net :
- Tu n’utiliseras pas ton ordinateur pour voler ;
- Tu n’utiliseras pas ton ordinateur pour nuire à autrui ;
- Tu n’utiliseras pas ordinateur pour propager des fausses rumeurs ;
- Tu ne t’approprieras pas les acquis intellectuels d’autrui ;
- Tu utiliseras ton ordinateur avec respect et considération pour autrui.
En effet, depuis l’apparition des outils informatiques en entreprises et de l’internet dans la
sphère privée, pléthore de code et des chartes ont été rédigés ou adaptés pour montrer que
le numérique amplifient certaines problématiques : protection de l’information, faire des
commentaires, malversations, chantage, harcèlement, etc.
Plus récemment, la « charte de l’internet : règles et usages des acteurs de l’internet en
France est un outil d’autorégulation entre les acteurs de l’internet (fournisseurs des sites
web et commerce par exemple) promouvant le respect de principe comme la dignité
humaine, la liberté et les droits de propriété intellectuelle et des consommateurs.
Un autre exemple, nous est livré par l’université de Namur en Belgique. En effet, cette
université s’est dotée des principes déontologiques relatifs à l’utilisation de l’outil
informatique. Il s’agit entre autres de l’usage loyal des moyens informatiques (principe II)
et de l’existence d’une commission de déontologie (principe V)59

56
Cf. L’éthique est un des 11 facteurs d’intelligence économique selon le modèle de l’AFDIE.
57
Club Informatique des Grandes Entreprises Françaises, une association loi de 1901 fondée en 1970. Ses
membres partagent leurs expériences au sein de groupes de travail afin de faire émerger les meilleures
pratiques.
58
C’est l’un des syndicats professionnels français de l’industrie du numérique.
59
« Principes déontologiques relatifs à l’usage de l’outil informatique à l’université de nouer » Cf.
http//www.Unamur.be/organes/Cade/Principes (page web consultée le 22/05/2018)

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En tout cas de nombreuses entreprises possèdent aujourd’hui des chartes d’usages
d’internet, des chartes d’usages des réseaux sociaux. D’où l’urgence de l’émergence d’un
éthos et une déontologie professionnelles des ingénieurs informaticiens.
3.2 L’opportunité de constituer les informaticiens et informaticiennes en ordre
professionnel
De nos jours, l’informatique occupe une place tellement importante dans notre société
qu’on assiste à la gestation d’un « ordre des informaticiens du Congo60, en effet, « la salle
universitic de l’Ista a servi de cadre le samedi 01/11/2014, à la présentation de la
corporation dénommée ordres des informaticiens du Congo (OIC) en sigle »61. Depuis
cette sortie officielle, la corporation ne s’est pas encore dotée d’un code déontologique.
Voilà pourquoi, nous allons nous pencher sur les codes déontologiques des autres pays
afin d’esquisser l’identité et la mission des informaticiens congolais.
3.2.1 Organisation de la profession au Canada/Québec
Le Canada en général, le Québec en particulier, est en avance dans l’organisation de la
profession des informaticiens. En effet, l’association professionnelle des informaticiens et
informaticiennes du Québec a été créée en 1986, en vertu de la loi sur les compagnies.
L’association possède trois catégories de membres 1995, 1037 membres répartis sur tout
le territoire du Québec. L’association possède trois catégories de membres soit les
membres réguliers, les membres étudiants et les membres honoraires.
Pour être admis à l’association, le candidat doit détenir un diplôme universitaire de
premier, de deuxième ou de troisième cycle en informatique ou un diplôme de premier
cycle dans une discipline autre que l’informatique, obtenu avant janvier 1976, et dix ans
d’expérience comme informaticien. Aucune condition supplémentaire à celles-ci n’est
exigée des membres si ce n’est l’engagement de l’informaticien à respecter les membres
de l’association et à payer sa cotisation.62
L’association comprend un conseil d’administration de neuf membres, un comité exécutif
et huit comités permanents s’occupant, entre autres de la reconnaissance professionnelle
de l’admission du journal et des conférences. Elle possède des règlements dont un code de
déontologie.
3.1.1 Autres modèles
Nous avons d’autres pays occidentaux qui se sont dotés d’association d’informaticiens,
c’est le cas de la France et de la Belgique. En ce qui concerne l’Afrique nous avons le
Cameroun où les informaticiens ont élaboré leur code de déontologie.
3.2 Analyses de quelques codes déontologiques
La lecture attentive des différents codes nous met en présence de la définition du profil
d’informaticiens, son domaine d’intervention et sa praxis.

60
« Un ordre des informaticiens du Congo en gestation » dans le phare du 3 novembre 2014.
61
Art. cit
62
OFFICE DES PROFESSION DU QUEBEC, Avis sur l’opportunité de constituer les informaticiens et
informaticiennes en ordre professionnel, Québec, mars 1997, P.9

Père Romuld NLANDU


Assistant Manassé MASALA
Au Canada « les activités de l’informaticien comprennent une part spécifique à
l’informatique et très souvent une part relative au domaine d’application (gestion, génie,
graphisme, musique, aéronautique, chimie, architecture ou la géographie).
Quel que soit le secteur d’applications, on peut compter quatre grandes orientations quant
aux activités des informaticiens. Il s’agit de l’informatique pure, l’informatique
mathématique, l’informatique de gestion, l’informatique de génie63.
Précisons que l’informaticien avec une orientation en informatique pure analyse des
problèmes complexes et des situations dynamiques, en tenant compte des besoins du
client, de la nature des tâches que devra effectuer le système et des coûts de conception et
de réalisation. Il formule une solution informatique comprenant les technologies et les
produits informatiques requis et, au besoin, est le maître d’œuvre de son implantation. La
tâche de programmeur s’ajoute parfois à celle de l’informaticien. Il doit alors élaborer
concrètement le logiciel proposé ou son application. Il est souvent identifié comme
« analyste de l’informatique ou analyste programmeur ».
L’informaticien avec une orientation en informatique mathématique. A partir de ses
connaissances en mathématiques pures et appliquées, il peut comparer différents
algorithmes ou différents programmes d’ordinateur pour résoudre un même problème, il
peut aussi représenter un système ou un processus par un modèle mathématique et le
stimuler sur les ordinateurs. C’est l’information le plus près de la théorie et de la
recherche sur la haute technologie. Il s’intéresse par exemple à l’intelligence artificielle, à
la compréhension de la parole et aux systèmes de la télécommunication avancés.
L’informaticien avec une orientation en informatique de gestion est un spécialiste en
informatique appliquée à la gestion. Il élabore et met en œuvre des solutions
informatiques afin de répondre aux besoins de traitement de l’information des
organisations eu égard notamment de la comptabilité, des ressources humaines, de la
gestion des stocks ou des inventaires.
L’informaticien avec une orientation en informatique de génie peut aussi analyser des
situations et développer des solutions informatiques, mais il possède une expertise
particulière dans le domaine matériel. Pour lui, la conception et la réalisation du logiciel
de base sont étroitement liées au matériel. Il intègre les connaissances relatives à ces deux
aspects.
En France, dès 1970, le député Michel Poniatowski proposa à l’Assemblée nationale
française la création d’un comité de surveillance et d’un tribunal de l’informatique. Cette
suggestion, reprise plus tard par d’autres élus, sera rejetée. Nommé ministre au ministère
de l’Intérieur Poniatowski relança son projet et créa la Commission de l’Informatique et
des Libertés. Malgré sa démission en 1977, son initiative conduira à l’adoption de la
« Loi Informatique et Libertés » du 6 janvier 1978 et à la création de la CNIL
(Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés). Cette précocité place ainsi la
France dans le trio de tête européen dans ce domaine, aux côtés de l’Allemagne (1971) et
de la Suède (1973).

63
Ib.

Père Romuld NLANDU


Assistant Manassé MASALA
C’est la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés
(plus connue sous le nom de la loi informatique et libertés de 1978) promulguée à la suite
de l’affaire SAFARI, qui règlemente aujourd’hui notamment la pratique du fichage,
manuel ou informatique. En effet, la Loi Informatique et Libertés (LIL) est un ensemble
des lois destinées à garantir la protection de la vie privée des citoyens face aux moyens de
traitement automatisés des données numériques.

Subdivisée en treize parties, seules les trois premières (Principes et définitions, conditions
de licéité des traitements des données à caractère personnel, commission nationale de
l’informatique et des libertés) concernent directement les particuliers. La LIL inscrit, dès
l’article premier, l’informatique dans le cadre des droits de l’homme en ces termes :

Article 1. L’informatique doit être au service de chaque citoyen. Son développement doit
s’opérer dans le cadre de la coopération internationale. Elle ne doit porter atteinte à
l’identité humaine, ni aux droits de l’homme, ni à la vie privée, ni aux libertés
individuelles ou publiques.

Dès le second article, elle définit son cadre, s’adressant au plus grand nombre.
Article 2. […] Constitue une donnée à caractère personnel toute information relative à
une personne physique identifiée ou qui peut être identifiée, directement ou indirectement,
par référence à un numéro d’identification ou à un ou plusieurs éléments qui lui sont
propres.
Constitue un traitement de données à caractère personnel toute opération ou tout
ensemble d’opérations portant sur de telles données, quel que soit le procédé utilisé, et
notamment la collecte, l’enregistrement, l’organisation, la conservation, l’adaptation ou la
modification, l’extraction, la consultation, l’utilisation, la communication par
transmission, diffusion ou toute autre forme de mise à disposition, le rapprochement ou
l’interconnexion, ainsi que le verrouillage, l’effacement ou la destruction.

Constitue un fichier de données à caractère personnel tout ensemble structuré et stable


de données à caractère personnel accessible selon des critères déterminés. La personne
concernée par un traitement de données à caractère personnel est celle à laquelle se
rapportent les données qui font l’objet du traitement.
Par la suite, elle spécifie :
 Quelles sont les obligations d’un responsable de traitement
 Quelles peuvent être les destinataires de ce traitement (Art. 3) : toute personne
habilitée à recevoir communication de ces données.
 Quelles données peuvent être collectées : les origines raciales, éthiques, les
opinions politiques, philosophiques ou religieuses, l’appartenance syndicale. Celles
relatives à la santé et à la sexualité sont interdites, étant qualifiées des données
sensibles, sauf exception (Art 8 et 26).
 Et comment doivent-elles être récoltées et conservées (Art. 6 et 7). L’article 6
définit notamment le principe de finalité, le principe de proportionnalité et le
principe d’exactitude.

Article 6 : un traitement ne peut porter que sur des données à caractère personnel qui
satisfont aux conditions suivantes :
1. Les données sont collectées et traitées de manière loyale et licite ;

Père Romuld NLANDU


Assistant Manassé MASALA
2. Elles sont collectées pour des finalités déterminées, explicites et légitimes et ne
sont pas traitées ultérieurement de manière incompatible avec ces finalités.
Toutefois, un traitement ultérieur de données à des fins statistiques ou à des fins de
recherche scientifique ou historique est considéré comme compatible avec les
finalités initiales de la collecte des données, s’il est réalisé dans le respect des
principes et des procédures prévus au présent chapitre et s’il n’est pas utilisé pour
prendre des décisions à l’égard des personnes concernés ;
3. Elles sont adéquates, pertinentes et non excessives au regard des finalités pour
lesquelles elles sont collectées et de leurs traitements ultérieurs ;
4. Elles sont exactes, compétentes et, si nécessaire, mises à jour ; les mesures
appropriées doivent être prises pour que les données inexactes ou incomplètes au
regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées ou traitées soient effacées
ou rectifiées
5. Elles sont conservées sous une forme permettant l’identification des personnes
concernées pendant une durée qui n’excède pas la durée nécessaire aux finalités
pour lesquelles elles sont collectées et traitées.

Article 7 : un traitement de données à caractère personnel doit avoir reçu le


consentement de la personne concernée ou satisfaire à l’une des conditions suivantes :
 Le respect d’une obligation légale incombant au responsable du traitement ;
 La sauvegarde de la vie de la personne concernée ;
 L’exécution d’une mission de service public dont est investi le responsable ou le
destinataire du traitement ;
 L’exécution, soit d’un contrat auquel la personne concernée est partie, soit de
mesures précontractuelles prises à la demande de celle-ci ;
 La réalisation de l’intérêt légitime poursuivi par le responsable du traitement ou
par le destinataire, sous réservé de ne pas méconnaître l’intérêt ou les droits et
libertés fondamentaux de la personne concernée.

Cette démarche fut l’instigateur des législations européennes mises en place dans les dix
pays de la communauté en 1981, inspirant la Convention du Conseil de l’Europe sur la
protection des données (1981) et les Lignes directives pour la réglementation des fichiers
des données personnelles automatisées (1990). La France sera la dernière à transposer en
2004 une directive européenne de 1995, qui modifie profondément la loi, en remplaçant
notamment le terme d’ « informations nominatives » par « données à caractère
personnel », en donnant à l’article 2 une définition de ces dernières afin d’éviter les
interprétations douteuses de cette notion et d’englober le plus de situations possibles. En
outre, la Loi Informatique et Libertés s’est rapprochée des nouvelles technologies de
l’information en définissant les conditions exactes de licéité des traitements de données à
caractère personnel.

Il est très important de remarquer que les législateurs, qui n’avaient pour ambition que de
reconnaître de nouveaux droits aux citoyens à l’égard des grands systèmes centralisés
d’information, dont les administrations commençaient à se doter, ne pouvaient ne serait-ce
qu’imaginer le développement d’internet. Toutefois, ils ont réussi à créer une « loi
monument », pilier de la législation électronique.

Père Romuld NLANDU


Assistant Manassé MASALA
Cette loi du 6 janvier 1978 a été ultérieurement modifiée par le décret du 4 novembre
1991 qui organise les fichiers des renseignements généraux en autorisant « la collecte, la
conservation et le traitement des fichiers des services des renseignements généraux,
d’informations nominatives relatives aux personnes majeures qui font apparaître les
« signes physiques particuliers, objectifs et inaltérables » ainsi que les « activités
politiques, philosophiques, religieuses ou syndicales » (art 2). Les informations peuvent
être collectées si elles sont « relatives à des personnes physiques ou morales qui ont
sollicitées, exercées ou exercent un mandat politique, syndical ou économique ou qui
jouent un rôle politique, économique, social ou religieux significatif, sous condition que
ces informations soient nécessaires pour donner au Gouvernement ou à ses représentants
les moyens d’apprécier la situation politique, économique ou sociale et de prévoir son
évolution » (art 3). Mais dans ce cas, elles ne peuvent être communiquées à la police ni à
la gendarmerie (art 5).

La loi de 1978 a été aussi modifiée par la loi du 6 août 2004 afin de transposer en droit
français les dispositions de la directive 95/46/CE sur la protection des données
personnelles.

Toujours en France, la charte de déontologie du service informatique de l’université de


Toulouse précise le cadre technique et juridique de l’intervention des administrateurs. Ces
derniers interviennent sur plusieurs éléments d’un système informatique :
- Les postes de travail individuels ;
- Les bases de données ;
- Le système d’exploitation du domaine ;
- Le réseau ;
- Les applications ;
- La téléphonie.64
En outre, les administrateurs ont pour missions d’assurer un service de qualité aux
utilisateurs, assurer la transparence des préparations effectuées. Et comme moyens : les
sauvegardes automatiques, la métrologie (étude de la charge du réseau) en temps réel,
traçabilité des opérations informatiques. (Les traces se composent des données techniques
exécutées par chaque type d’opération (date et heure de l’opération, numéro
d’identification de la machine, identification de l’utilisateur, détail de l’opération
effectuée).
Les administrations s’engagent à n’utiliser les traces que si un motif légitime les y oblige,
conformément aux droits et devoirs que leur confèrent leurs missions.
Quand au cadre juridique de l’intervention, l’administrateur ne peut jamais oublier que
« l’informatique ne doit porter atteinte ni à l’identité humaine, ni aux droits de l’homme,
ni à la vie privée, ni aux libertés individuelles ou publiques » (article 1e de la loi 78-17 du
6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés).

64
Nous allons nous inspirer abondamment de la charte de déontologie du service informatique. CF. www.univ-
tlse2.fr (page web consultée le 05/06/2018)

Père Romuld NLANDU


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Par conséquent, l’administrateur s’engage à respecter les droits fondamentaux des
utilisateurs lors de l’exercice de ses missions et plus particulièrement :
- Le droit au secret des communications électroniques, lequel ne peut être levé
qu’avec accord : (application : données personnelles relatives à la consultation des
sites internet de l’utilisateur (historiques des navigations, signes) ;
- Le droit au secret des correspondances (application aux mails).
Cependant, les administrateurs ont besoins, pour bien réaliser leurs missions, d’utiliser
certains types de moyens. Ils doivent respecter la loi informatique et libertés et s’obliger à
la confidentialité pour toute information dont ils auraient pu avoir connaissance durant
l’exercice de leurs fonctions.
Par ailleurs, ils ont le devoir d’obéir à tout ordre, fut-il de sa hiérarchie, qui aurait pour
conséquences de leur faire commettre une infraction, que ce soit suite à la violation d’un
droit fondamental de l’utilisateur tel que décrit ci-dessus, ou à la loi du 6 juillet 1978
modifiée en août 2004.
Seules les autorités judiciaires, en tant que gardiennes des libertés individuelles, ont la
faculté de déroger à ces principes en cas de nécessité liée à la recherche de la vérité dans
le cadre de l’instruction d’une affaire ou d’une enquête.
Quant au code de déontologie des informaticiens du Cameroun, il ne nous apporte pas
suffisamment des lumières sur le profil de l’informaticien et sur sa praxis informatique.
En effet, ce code ne spécifie pas l’identité de l’informaticien et loge à la même enseigne
« des techniciens des secteurs de l’informatique, du génie électrique, de l’électronique, de
l’aéronautique, des télécommunications et des postes » et les désigne par « technicien »65.
Ce qui ne peut qu’entretenir la confusion. Examinons la responsabilité des informaticiens
à travers quelques cas.
3.3 Responsabilité des informaticiens : cas d’Edward Snowden et de Mark
Zuckerberg
La question du rapport entre numérique et libertés concerne l’ensemble de la société et
principalement les informaticiens. Le cas d’Edward Snowden et de Mark Zuckerberg en
dit long.
3.3.1 Edward Snowden ou la dénonciation du PRISM (programme de surveillance)
Edward Snowden est un administrateur système, fondateur de wikileak, ex-consultant de
la NSA (National Security Agence). Il s’est illustré par sa dénonciation du PRISM
également US-984xN, programme américain de surveillance électronique par la collection
de renseignement à partir d’internet et d’autres fournisseurs électroniques. Ce programme
classé relève de la NSA et prévoit le ciblage de personnes vivant hors des Etats-Unis66.
En juin 2013, Edward Snowden fait des fracassantes révélations sur PRISM au quotidien
britannique The Guardian. Il y affirme que « la NSA dispose d’un accès direct aux

65
Code de déontologie des techniciens des secteurs de l’informatique, du génie électrique. Cf.
www.workspace.unpam.org/sitesinternet/documents/UNPANO.33437.pdf (page web consultée le 25/05/2018)
66
« PRISM (programme de surveillance » Cf. http//fr.wikipedia.org/org/voiri/prism/

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données hébergées par les agents américains des nouvelles technologies parmi lesquels :
google, facebook, youtube, microsoft, yahoo, skype, Aol et apple »67 PRISM s’inscrit
ainsi dans la tradition des ententes que la NSA a établies dans les années 1970 avec plus
de 100 sociétés américaines jugées faibles.
En quittant la NSA, Snowden est parti avec des documents qui sont maintenant en cours
d’exploitation. Ce qui explique qu’en septembre 2013 les quotidiens The Guardian et The
New-York times aient révélé que depuis 2010, la NSA a développé de multiples méthodes
de contournement des algorithmes de chiffrement utilisés par les communications sur
internet (comme le http qui utilise SSL afin d’avoir accès aux contenus des messages)68.
En conséquence, les révélations de Snowden ont eu des répercussions économiques
énormes pour les grandes entreprises High tech américaines. En effet, « IBM est poursuivi
pour avoir collaboré avec la NSA et voit son chiffre d’affaires sérieusement affecté au
troisième trimestre 2013, 40% de baisse pour ses ventes de matériel en Chine, soit un
manque à gagner estimé à 12 milliards de dollars, Cisco est également touché.
L’entreprise a annoncé le 13 novembre 2013 une prévision de baisse du chiffre d’affaires
de 8 à 10% de son action ».69
Ce n’est pas tout. Signalons la levée de boucliers dans les milieux politique et non
gouvernemental. La sentence américaine ne se fait pas attendre. Snowden est inculpé par
la justice américaine pour espionnage, vol et utilisation illégale des documents
appartenant au gouvernement. Il a copié 1.7 million de documents classés top-secret70.
Celui qui avait élu domicile à Hong-Kong, s’exile alors à Moscou où il obtient des
autorités russes un droit d’asile temporaire prolongé jusqu’en 2020. Nombreux sont des
journalistes, citoyens ou même élus qui ont soutenu l’action du lanceur d’alerte.
Pour nous, Snowden n’est pas un lanceur d’alerte, c’est un dissident. « C’est quelqu’un
qui effectivement, face à un comportement systémique de l’Etat dans lequel il vivait a
décidé de s’élever contre ce comportement-là à la manière dont Soljenitsyne et autres, des
années 1970, ont critiqué le fonctionnement du bloc soviétique »71.
3.3.2 Mark ZUCKEBERG et les données personnelles : quinze années d’excuse72
Mark Zuckerberg, né le 14 mai 1984 à White Plains, est un informaticien et chef
d’entreprise américain. Il est le fondateur du site internet et réseau social Facebook dont il
est le président Directeur Général.
Le PDG de Facebook n’arrive pas à protéger les données de ses utilisateurs depuis 15 ans.
En effet, avant la création du réseau social notre PDG n’a pas su protéger les données

67
Art. Cit.
68
Art. Cit.
69
Art. Cit.
70
C. COSTIL, « Edward Snowden, traitre ou défenseur des droits de l’homme » dans économie-société du 7 juin
2017
71
E. PELLEGRENI : « Ethique et la révolution numérique » Cf. http/www.avril.org:ethique-et-revolution (page
web consultée le 25/05/2018)
72
Nous nous inspirons de l’article lumineux d’Evan LEBASTARS » Mark Zuckerberg et les données personnelles :
quinze années d’excuses » dans France culture. fr

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personnelles de ses condisciples à travers Facesmash, site internet qu’il avait développé
alors qu’il est étudiant en deuxième année à Harvard, en 2003. C’est fut une longue série
de rendez-vous manqué avec la sécurité des données personnelles. Notons le Newsfeed ou
fil d’actualité en 2006, beacan, publicité ciblée en 2001 et 2009, il prône la suppression
impossible de ses données. Cela crée un nouveau scandale et les excuses de Mark ont des
airs de déjà-vu.
Ce n’est qu’en mars 2018 avec le scandale Cambridge analytica que Facebook propose à
ses utilisateurs une option pour supprimer ses données. Cela vient d’une pression
incessante de la FTC ou commission fédérale américaine chargée de faire respecter les
droits des consommateurs.
Rappelons que le scandale Cambridge analytica est la conséquence d’utilisation des
données personnelles des utilisateurs de facebook sans leur consentement par cette société
En effet, Cambridge analytica est une entreprise de marketing politique, accusée d’avoir
siphonné les données de dizaines des millions d’utilisateurs de Facebook. Des données qui
auraient servi à influencer le Brexit et la campagne présidentielle américaine de 2016,
entre autres. C’est le plus grand scandale auquel est confronté le réseau social depuis
quinze ans.
Conscient des lacunes que présente son entreprise, Zuckerberg va encore une fois
présenter ses excuses aux parlementaires américains les 10 et 11 avril 2018 et européens
le 23 mai 2018 sur leur convocation.
Les eurodéputés ont rappelé au patron de facebook l’attachement de l’Union Européenne
à la protection des données personnelles notamment de RGPD, règlement qui doit entrer
en vigueur le 25 mai, deux jours après sa visite. Ce fait constitue une interpellation pour
les informaticiens congolais.
3.4 Interpellation pour les informaticiens congolais
Ce parcours nous a fait toucher du doigt les défis auxquels sont confrontés les
informaticiens d’une manière générale et congolais en particulier. Ils sont assis sur un tas
d’or, nos données et que ces données mal protégées ou mal utilisées peuvent servir à bien
des choses comme essayer d’influencer les électeurs.
Edward Snowden a révélé au grand public que toutes les données que nous donnons entre
autres à Facebook peuvent être utilisées à des fins de surveillance politique.
Dès lors se pose la question du code de déontologie pour informaticien c’est-à-dire la
question de la maitrise du patrimoine informationnel et donc de la liberté de gérer les
données dont on est responsable. Et l’on s’aperçoit, effectivement, que dans la collecte des
données, il faut considérer de façon équivalente la menace des Etats et la menace des
acteurs privés.
Voilà pourquoi, nous devons, en tant qu’informaticiens, en toutes circonstances « n’agir
de telle sorte que les effets de nos applications de la technologie informatique soient
compatibles avec la permanence d’une vie authentiquement humaine sur la terre » (Hans
Jonas).

Père Romuld NLANDU


Assistant Manassé MASALA

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