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REPUBLIQUE DU CAMEROUN REPUBLIC OF CAMEROON

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PAIX- TRAVAIL – PATRIE PEACE – WORK – FATHERLAND
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UNIVERSITE DE DOUALA THE UNIVERSITY OF DOUALA
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FACULTE DES SCIENCES FACULTY OF LAW AND POLITICAL
JURIDIQUES ET POLITIQUES SCIENCES
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DÉPARTEMENT DE DROIT PUBLIC PUBLIC LAW DEPARTMENT

MÉMOIRE DE FIN D’ÉTUDE

LA SUBJECTIVITÉ DU CONTRÔLE FISCAL DES PRIX DE


TRANSFERT AU CAMEROUN : CONTRIBUTION À
L’ANALYSE CRITIQUE DU PRINCIPE DE PLEINE
CONCURRENCE AU CAMEROUN

En vue de l’obtention du Master II Fiscalité Appliquée

Rédigé et présenté Par :


MOUAYA NDANGALA Claude Chancel
Matricule 18D16704
Titulaire d’un DESS en CCA (Comptabilité, contrôle, audit)

Sous la Direction de :
Dr EFFA MESSI Pierre Désiré
Chargé de cours à l’Université de Douala

ANNÉE ACADÉMIQUE 2019-2020


AVERTISSEMENTS

L’Université de Douala n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions


émises dans ce mémoire. Celles-ci doivent être considérées comme propres à leur auteur

I
DÉDICACES

À
MA CHÈRE
PETITE SŒUR
Corinne MOUAYA

II
REMERCIEMENTS
Ce travail n’est rien d’autre, que le fruit du concours des efforts conjoints de plusieurs
personnes, sans lesquelles il n’aurait simplement pas pu être rédigé. Il ne serait pas raisonnable
de toutes les citer, néanmoins nous tenons à exprimer notre profonde gratitude envers quelques
personnes en particulier, qui ont d’une manière ou d’une autre apporté leurs contributions à la
réalisation de ce travail. Il s’agit de :

➢ Mon directeur de mémoire, Docteur EFFA MESSI Pierre Désiré, pour son encadrement,
son ouverture d’esprit favorable à la discussion sans barrière, sa disponibilité et ses
précieux conseils ;
➢ Mon cher frère ainé, Conseil fiscal agréé CEMAC, ILIMBI Rodez Aubin, qui m’a
permis d’avoir la tranquillité d’esprit nécessaire à la conduite de mes recherches, qui a
fait naitre en moi pour la première fois un intérêt pour la fiscalité en général et les prix
de transfert en particulier ; et qui a mis à ma disposition le matériel nécessaire à la
rédaction de ce travail ;
➢ Maitre GOUEMBE OKEMBA Lin Brice, un ainé au grand cœur, qui s’est littéralement
plié en quatre pour me mettre en contact avec des praticiens riche en expérience en
matière prix de transfert et ses critiques constructives ;
➢ Monsieur ZOUNA Olivier Philippe, conseil fiscal agréé CEMAC, un enseignant et un
ainé ouvert, pour sa grande disponibilité et sa passion de transmettre le savoir ;
➢ Monsieur NGNEBA WANDOP Claude Sylvain, juriste fiscaliste international, associé
Tax&Legal à EY, pour les nombreuses séances de travail riches en apprentissage et en
expérience sur les prix de transfert ;
➢ Monsieur MGBAMAN William, juriste fiscaliste international pour ses pertinentes
critiques, et les précieux documents mis à notre disposition ; et
➢ Mes proches et amis, en particulier MOUAYA Bénédicte, TCHICAYA Senssas,
EKOUDI Naghiss, BILOA Anne, pour leur soutien inconditionnel et le temps qu’ils ont
sacrifié à lire et relire ce travail.

III
SIGLES ET ABRÉVIATIONS
APP Accord préalable de prix

Art Article

BEPS Base Erosion and Shifting

CEMAC Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale

DGI Direction générale des impôts

DGE Direction des grandes entreprises

CGI Code général des impôts

G20 Groupe des 20

G7 Groupe des 7

OCDE Organisation de coopération et de développement économique

LF Loi de finance

LPF Livre des procédures fiscale

ONU Organisation des nations unies

IS Impôt sur les sociétés

TVA Taxe sur la valeur ajoutée

PME Petites et moyennes entreprises

IM Instrument multilatéral

IRCM Impôt sur les revenus des capitaux mobiliers

VG Vérification générale de la comptabilité

AUDCG Acte uniforme portant sur le droit commercial général

AUDSCGIE Acte uniforme portant sur le droit des sociétés commerciales et le groupement d’intérêts
économiques

IV
RÉSUMÉ
Le système fiscal camerounais est déclaratif, en ce sens où il est fondé sur la
présomption de sincérité et d’exactitude de la déclaration du contribuable. Un tel système peut
favoriser la fraude si aucun contrôle n’est institué en vue de la prévenir et de la réprimer. Le
contrôle fiscal a donc pour principal objectif de s’assurer, que les déclarations du contribuable
sont conformes à la règle fiscale applicable. À cet effet, il est indispensable que le contribuable
connaisse la règle applicable, et que l’administration ait tous les moyens nécessaires pour
vérifier la conformité à cette dernière, afin de ne pas redresser à tort le contribuable de bonne
foi. Cependant, en matière contrôle fiscal des prix de transfert au Cameroun, force est de
constater que plusieurs facteurs semblent indiquer, que les failles de conception et la complexité
de la règle fiscale applicable, combinées avec l’insuffisance des ressources à la disposition de
l’administration pour s’assurer de son respect ; conduisent le plus souvent à des redressements
non justifiés sur la base de simples suspicions. Dans ces conditions, le contrôle fiscal des prix
de transfert devient quasiment imprévisible, et peut à plusieurs égards être qualifié de subjectif,
compte tenu de ses aspects arbitraires indéniables.

Le présent travail s’est ainsi fixé pour objectif de démontrer, en quoi le contrôle fiscal
des prix de transfert au Cameroun est-il subjectif. Pour y parvenir, il recense dans un premier
temps tant bien que mal, les différentes manifestations de cette subjectivité avant de présenter
dans un second quelques palliatifs. Aux termes de ce travail, il est mis en exergue les avantages
d’envisager un renforcement des capacités de l’administration, ou une nouvelle règle fiscale
applicable en matière de prix de transfert, qui soit moins susceptible d’être entachée de
subjectivité. L’actualité de ce travail est surtout liée à la délicatesse de la situation sanitaire
actuelle dans le monde, qui a conduit le G7 à reconsidérer les modalités d’imposition des
multinationales, dont l’activité économique enregistre paradoxalement une hausse, alors que
ces derniers continuent à payer des impôts insignifiants comparés à leurs bénéfices.

V
ABSTRACT
The Cameroonian tax system is declarative, in the sense that it is based on the
presumption of sincerity and accuracy of the taxpayer's declaration. Such a system can
encourage fraud if no controls are in place to prevent and suppress it. The main objective of the
tax control is therefore to ensure that the taxpayer's declarations comply with the applicable tax
rule. To this end, it is essential that the taxpayer knows the applicable rule, and that the
administration has all the necessary means to verify compliance with it, in order to avoid to
wrongly tax redress the taxpayer in good faith. However, regarding to the tax control of transfer
pricing in Cameroon, it must be noted that several factors seem to indicate that the design flaws
and the complexity of the applicable tax rule, combined with the insufficient resources available
to the administration to ensure its compliance; most often lead to unjustified adjustments on the
basis of simple suspicions. Under these conditions, the tax control of transfer pricing becomes
almost unpredictable, and can in several aspects be qualified as subjective, given its undeniable
arbitrary aspects.

The present work has thus set itself the objective of demonstrating, in what way is the
tax audit of transfer pricing in Cameroon subjective. To achieve this, he first identifies somehow
the different manifestations of this subjectivity before presenting some palliatives. At the end
of this work, it is highlighted the advantages of considering a capacity enhancement of the
administration, or a new tax rule applicable to transfer pricing, which is less likely to be subject
to subjectivity. The topicality of this work is mainly linked to the delicacy of the current health
situation in the world, which led the G7 to reconsider the methods of taxation of multinationals,
whose economic activity is paradoxically increasing, while they continue to pay insignificant
taxes compared to their profits.

VI
SOMMAIRE
INTRODUCTION GÉNÉRALE.......................................................................................................... 1
PREMIÈRE PARTIE : LES MANIFESTATIONS DE LA SUBJECTIVITÉ DU CONTRÔLE
FISCAL DES PRIX DE TRANSFERT AU CAMEROUN : UN CONTROL INOPÉRANT ...... 15
Chapitre 1 : La subjectivité induite par la flexibilité du contrôle fiscal des prix de transfert au
Cameroun......................................................................................................................................... 17
Section 1 : Les généralités sur l’approche du principe de pleine concurrence et son
application au Cameroun ........................................................................................................... 17
Section 2 : La subjectivité induite par les limites de l’adoption du principe de pleine
concurrence et la complexité de son application au Cameroun .............................................. 24
Chapitre 2 : L’efficacité limitée du contrôle fiscal des prix de transfert au Cameroun :
conséquence de la subjectivité induite par la flexibilité du contrôle ........................................... 34
Section 1 : L’encadrement de la normalité subjective des prix de transfert au Cameroun . 34
Section 2 : L’efficacité limitée de la flexibilité du contrôle fiscal des prix de transfert au
Cameroun ..................................................................................................................................... 42
DEUXIÈME PARTIE : LES PALLIATIFS À LA SUBJECTIVITÉ DU CONTRÔLE
FISCAL DES PRIX DE TRANSFERT AU CAMEROUN : ESQUISSE D’UN CONTRÔLE
OPÉRANT .......................................................................................................................................... 51
Chapitre 1 : Analyses des éléments objectifs du contrôle fiscal des prix de transfert au
Cameroun ........................................................................................................................................ 53
Section 1 : Analyse de la réglementation interne encadrant le contrôle fiscal des prix de
transfert au Cameroun.............................................................................................................. 53
Section 2 : Analyse des recours aux moyens supranationaux et autres d’évitement et de
règlement des conflits engendrés par les prix de transfert au Cameroun ........................ 61
Chapitre 2 : Perspectives des éléments objectifs du contrôle fiscal des prix de transfert au
Cameroun ........................................................................................................................................ 69
Section 1 : Le renforcement des capacités de l’administration dans le contrôle fiscal des
prix de transfert au Cameroun ................................................................................................ 69
Section 2 : Limites et alternatives du contrôle fiscal des prix de transfert au Cameroun .... 78
CONCLUSION GÉNÉRALE ............................................................................................................ 86

VII
INTRODUCTION GÉNÉRALE

INTRODUCTION GÉNÉRALE

1
Au Cameroun la répartition des recettes fiscales en 2018 selon le rapport annuel de la
Direction générale des impôts faisait ressortir l’impôt sur les sociétés (IS) en deuxième position
(18,3% des recettes fiscales), après la TVA (40,2% des recettes fiscales) 1. Une part relative
aussi faible de l’IS, pourrait être liée soit aux mauvaises performances des sociétés, soit à un
phénomène grandissant de fuite de capitaux dans les pays en développement nommé « les flux
financiers illicites »2. Selon la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le
développement, l’évasion fiscale serait la première source de flux financiers illicites dans ces
pays en 20203. Ce dernier point, vient alimenter la suspicion selon laquelle, les prix de transfert
pratiqués par les multinationales formeraient l’une des techniques pouvant conduire à l’évasion
fiscale. En ce sens, la remise en cause quasi-systématique des politiques de prix de transfert des
multinationales par l’administration fiscale est devenue une source majeure de risque pour les
multinationales4 avec pour conséquence une insécurité fiscale accrue dans les affaires.

En effet, Depuis le dernier quart du XXe siècle, on assite à une nouvelle vague de
mondialisation bien plus intense que les précédentes5. Cette dernière, qui peut être perçue
comme un ensemble de processus qui conduisent à une diminution des obstacles aux échanges 6,
s’accompagne par une prolifération des entreprises multinationales7; et une intensification des
transactions entre les différentes entités les composant. Au Cameroun, le fichier de la direction
des grandes entreprises comptait 455 contribuables en 20188, dont près de 90% était des
multinationales9. De plus, les opérations intragroupes représenteraient jusqu’à 60% du
commerce mondial10. Ces estimations nous donnent une idée sur le volume des transactions
réalisées au sein des entreprises multinationales, on parle alors de l’existence de marchés captifs

1
Rapport annuel 2018 Direction Générale des Impôts
2
En conséquence, c’est le financement des services publics essentiels et des infrastructures qui s’en trouverait amputé, tandis que le fardeau
fiscal serait quant à lui transféré sur les épaules des petites et moyennes entreprises (PME) locales et des citoyens ordinaires, généralement
sous la forme de taxes régressives à la consommation, telles que la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). D'après l'OCDE, les multinationales paient
à peine 5 % d'impôt sur les sociétés, contre au moins 30 % pour les petites entreprises. OCDE (2013), OECD urges stronger international
cooperation on corporate tax, Communiqué de presse, http://www.oecd.org/newsroom/oecd-urges-stronger-international-co-operation-on-
corporate-tax.htm
3
Rapport 2020 des Nations unies sur le développement économique en Afrique, Les flux financiers illicites et le développement durable en
Afrique
4
Souvent pour des transactions exemptes de toute optimisation
5
Voir Jacques Le Cacheux, mondialisation économique et financière : de quelques poncifs, idées fausses et vérités., l’auteur retrace de manière
intéressante les différentes vagues de mondialisation au cours de l’histoire et apporte des précisions pertinentes aux idées reçues sur le
phénomène
6
Idem
7
L’organisation des Nations unies (ONU) estime à plus de 60 000 le nombre d’entreprises multinationales.
8
Rapport annuel 2018 Direction Générale des Impôts, et elles contribuent à 69.9% aux recettes fiscales
9
Nations Unie-Commission Économique pour l’Afrique, Érosion de la base d’imposition et transfert de bénéfices en Afrique : réformes de
l’imposition des entreprises multinationales
10
Pierre-Yves Carasco, Prix de transfert et stratégies d’optimisation fiscale de la firme multinationale, L’Harmattan 2017, Paris, page 146.
Toutefois, à défaut de statistiques officielles, il est difficile de donner une estimation du volume des transactions intragroupes au Cameroun

2
par opposition aux marchés libres11. Ce type de transactions se doit d’avoir un prix, qui est
connu sous la désignation de « prix de transfert »12.

Au Cameroun, les contribuables sont soumis à une obligation déclarative13, en respect


de laquelle, ils doivent produire des déclarations sur leur situation fiscale. Le contrôle fiscal
peut alors être perçu, comme le pouvoir reconnu à l'administration fiscale de réparer les
omissions, les insuffisances ou les erreurs d’imposition commises par les contribuables lors de
leur déclaration14. Il est le corollaire logique et indispensable de tout système déclaratif. En
effet, le fait pour une entreprise de ne pas se conformer à la règle fiscale l'expose à des sanctions
en cas de contrôle. En matière de prix de transfert, la règle fiscale applicable est celle
du principe de pleine concurrence.

La présente étude s’intéresse à une lecture critique du principe de pleine concurrence,


en matière de contrôle fiscal des prix de transfert au Cameroun. Pour y parvenir, il convient en
premier lieu de bien circonscrire le cadre de l’étude (I), et en second lieu de bien cerner l’objet
de l’étude et méthodologie (II).

I. Cadre de l’étude

Le cadre de la recherche se présente sous une triple dimension contextuelle, conceptuelle et


spatio-temporelle. Il s'agit de situer le thème de réflexion, afin d'éviter les débordements vers
lesquels il peut entraîner. C’est pour mieux circonscrire l’étude qu’il importe de présenter
d’abord le cadre contextuel (A), ensuite le cadre conceptuel (B), et enfin le cadre spatio-
temporel et scientifique(C).

A. Cadre contextuel

11
Pierre RASSAT et Gerad MONSELLATO, Les prix de transfert : « Sur le marché libre où interviennent des entreprises indépendantes les
unes des autres, le prix d'une transaction est le fruit d'une négociation entre deux personnes morales qui n'ont entre elles d'autre lien que cette
négociation. Ce prix est pleinement opposable à une administration fiscale c’est-à-dire que 1'administration ne peut le remettre en cause-du
fait de principe de non-immixtion du fisc dans la gestion des entreprises. C'est ce prix, s'il existe, qui sert de référence au prix de transfert. Les
entreprises associées sont présumées en revanche constituer un marché captif, c'est-à-dire un marché où la concurrence ne joue pas. Dans ce
cadre, le prix est présumé soumis à une volonté unique supérieure à celle de l’entreprise : la volonté du groupe. En tant que tel, ce prix n'est
pas opposable à une administration fiscale. Pour qu'il le soit, les entreprises associées doivent déterminer leurs prix de transfert de la même
façon que deux entreprises indépendantes l'auraient fait sur une transaction comparable. Ce prix est alors considéré comme un juste prix que
l'administration ne peut remettre en cause ». Cité par Najib GHARB, le contrôle fiscal des prix de transfert, L’harmattan 2005, Paris, 495
pages
12
Les prix de transfert génèrent en principe une charge déductible dans un État et un revenu dans l’autre État concerné, l’enjeu pour les
administrations fiscales est de s’assurer que ces transactions ont conduit à une détermination adéquate de ces charges et revenus, et donc de
l’assiette imposable dans chacun des États concernés. La nécessité d’un contrôle fiscal sur les prix de transfert est ainsi légitimée par
l’administration fiscale par les raisons suivantes : « En fixant leurs prix de transfert, les groupes opèrent des choix qui affectent de façon
immédiate et directe l’assiette fiscale des États concernés par les transactions. Par conséquent, les États vérifient que les entreprises implantées
sur leur territoire et qui commercent avec d’autres entreprises liées et implantées à l’étranger sont correctement rémunérées pour les
opérations réalisées et déclarent la juste part du résultat devant leur revenir eu égard aux activités déployées ». Direction générale des impôts
France, les prix de transfert-guide à l’usage des PME, Novembre 2006, page 15
13
Encadré par la section I du livre des procédures fiscale (LPF), voir CGI
14
L’Article L 9 du CGI dispose : « Les agents des impôts assermentés ayant au moins le grade d’Inspecteur ont le pouvoir d’assurer le contrôle
de l’assiette de tous les impôts et taxes dus par les contribuables qu’ils vérifient ».

3
Le Cameroun s’est fixé comme objectif, de devenir pays émergent à l’horizon 203515. À cet
effet, des politiques d’incitation à l’investissement privé ont été initiées, et la loi n°2013/004 du
18 avril 2013 fixant les incitations à l’investissement privé au Cameroun en est le corollaire.
Dans ce même prisme d’attractivité de l’espace économique et juridique camerounais,
d’importants régimes de faveur sont accordés à des entreprises dans le cadre des opérations
d’investissement relatives à la création, à l’extension, au renouvellement d’actifs, amplifiant
ainsi le volume de la dépense fiscale étatique16. Il est également à mentionner, que le Cameroun
est dans la délicate mouvance des accords de partenariat économique avec l’union européenne,
afin de réduire progressivement les barrières douanières et économiques. Toutes ces mesures
non exhaustives sont révélatrices d’une ambition, à savoir, émerger à travers une politique de
captation des investisseurs gage de l’élargissement de l’assiette des impôts. Or, au premier rang
des investisseurs ciblés et conquis figurent les entreprises multinationales17.

Toutefois, la coexistence d’une politique incitative en matière d’investissements étrangers


et d’une politique de lutte contre l’évasion et la fraude fiscales18internationales repose sur un
équilibre précaire. Car aucun État ne souhaite voir son assiette d’imposition se réduire ; à plus
forte raison, un pays en développement comme le Cameroun, qui s’est fixé des objectifs socio-
économiques cruciaux, nécessitant des dépenses publiques elles-mêmes financées
principalement par l’impôt. C’est ainsi, que le Cameroun à travers ses lois de finances de 2007,
2012, 2014, 2018 et 2020 a pris des mesures afin de renforcer son dispositif de lutte contre le
transfert indirect de bénéfice à l’étranger19.

Partant, il y a lieu de préciser, que ça serait limité d’admettre que la délocalisation d’un
investissement à l’étranger dépend exclusivement du facteur fiscal. Car il a été démontré que la
localisation d’un investissement obéit prioritairement à des considérations d’ordre non fiscal,
telles que l’état du marché, le coût et la qualification de la main-d’œuvre, la stabilité politique,

15
Lire Joseph AYANGMA AYANGMA, la pratique du contrôle fiscal des prix de transfert dans l’espace CEMAC, cas du Cameroun,
L’Harmattan 2015, Paris, page 18
16
Il a été récemment démontré que les pays en développement doivent également faire une croix sur environ 138 milliards de dollars chaque
année du fait des exonérations légales accordées sur l'impôt des sociétés. Christian Aid et Tax Justice Network Africa (2014), Africa Rising?
Inequalities and the essential role of fair taxation, www.christianaid.org.uk/images/Africa-tax-and-inequality-report-Feb2014.pdf
17
Lire Joseph AYANGMA AYANGMA, la pratique du contrôle fiscal des prix de transfert dans l’espace CEMAC, cas du Cameroun,
L’Harmattan 2015, Paris, page 17
18
Même s’il est parfois délicat de tracer la frontière entre la fraude et l’optimisation fiscale sur de pareils sujets, toutes les multinationales
n’utilisent pas les prix de transfert dans un objectif d’évasion fiscale. Seules les multinationales qui seraient tentées de pratiquer l’évasion
fiscale pourraient mettre ce système à profit afin de rapatrier les bénéfices sous une forme non imposable. À ce propos, Georges Pompidou
évoquait la fraude fiscale de la manière suivante :« la fraude est à l’impôt ce que l’ombre est à l’homme ».
19
On distingue généralement les transferts directs, des transferts indirects de bénéfices. D’une part, le bénéfice peut être directement transféré
par des procédés normaux admis par la loi fiscale. Il suffit que la société filiale distribue à la société mère sous forme de dividendes les bénéfices
qu’elle a réalisés. D’autre part, le bénéfice peut être indirectement transféré par voie de « manipulation des prix de transfert », par le biais
d’opérations commerciales, financières et autres, passées entre deux sociétés appartenant au même groupe. Ils peuvent ainsi être utilisés comme
un levier permettant le transfert de bénéfices afin de les soumettre à des taux d’imposition moindres, ou le transfert des dépenses là où les
possibilités de déduction sont les plus importantes.

4
la sécurité juridique, les infrastructures, le degré de liberté des mouvements de capitaux20. Il
importe donc de lutter contre l’idée selon laquelle les prix de transfert renvoient
systématiquement à un transfert indirect de bénéfices21.

B. Cadre conceptuel

Le choix est orienté vers les concepts qui constituent le squelette de l’étude. La démarche
ici s’articule autour de quatre (03) points essentiels. Le premier correspond à la définition du
concept « contrôle fiscal » (1), suivi de celui des « prix de transfert » (2), ensuite celui du
« principe de pleine concurrence » (3) et enfin « subjectivité » (4).

1. Contrôle fiscal

C’est la vérification a posteriori des déclarations du contribuable par l’Inspecteur des


impôts. Il compare la déclaration avec la comptabilité, les pièces justificatives, les informations
venant de tiers (Confirmation), l’observation directe du fonctionnement de l’entreprise. La
vérification peut être faite par l’inspecteur dans son bureau ou sur place, dans l’entreprise. La
comptabilité peut être rejetée quand elle est irrégulière, ou insincère, ce qui déclenche une
procédure de redressement contradictoire.22Il constitue la contrepartie normale de l’obligation
faite aux contribuables de produire des déclarations sincères et exactes de la matière imposable.
Et permet à l’administration de s’assurer du respect de cette obligation et de pouvoir procéder
le cas échéant aux rectifications des bases nécessaires.23

2. Prix de transfert

Au sens large, « les prix de transfert renvoient à l’ensemble des règles de fonctionnement
dont une organisation se dote pour coordonner ses échanges internes. Sur le plan purement
économique, il y a transfert et non transaction quand un bien, un service ou un droit est déplacé
entre deux entités juridiques appartenant à un même groupe ou propriétaire. Contrairement à
la transaction, le transfert ne résulte pas d’une confrontation de deux acteurs économiques
indépendants, ces derniers appartenant à la même organisation et étant tributaires d’une
logique unique qui les englobe et les dépasse à la fois »24. Ainsi, la notion de prix de transfert

20
Bernard CASTAGNEDE, Fiscalité internationale de l’entreprise, Paris, PUF, 1987, cité par M. El Hadji Dialigué BA, le droit fiscal à
l’épreuve de la mondialisation : la réglementation des prix de transfert au Sénégal, thèse en droit 2011, Université Paris-Est
21
Car leur existence est avant tout lié aux relations particulières entre entités de même groupes situées dans les pays différents.
22
Pierre Lassègue, Fréderic Déjean & Marie-Astrid Le Theule, Lexique de comptabilité , 8e édition, Paris, Dunod,2015, Page 311
23
Michel Bouvier, Introduction au droit fiscal général et à la théorie de l’impôt , LGDJ 2010, 10e édition, Paris, page 123
24
Paul DEMBINSKI, Enjeux éthiques des prix de transfert, cité par M. El Hadji Dialigué BA, le droit fiscal à l’épreuve de la mondialisation :
la réglementation des prix de transfert au Sénégal, thèse en droit 2011, Université Paris-Est

5
est ambiguë, parce qu’elle comporte une discontinuité entre d’un côté, l’aspect juridique qui
met face à face deux personnes distinctes et de l’autre, l’aspect économique en vertu duquel les
deux entités relèvent d’une logique unique. La situation devient encore plus complexe quand il
s’agit d’un transfert international, c’est-à-dire lorsque les deux entités sont localisées dans des
pays différents et par conséquent, relèvent de juridictions différentes25.

Selon l’OCDE, les prix de transfert sont les prix auxquels une entreprise transfère des biens
corporels, actifs incorporels, ou rend des services à des entreprises associées. Dans le cadre de
ces Principes, une « entreprise associée » est une entreprise qui remplit les conditions précisées
à l'article 9, paragraphes 1a) et 1b) du Modèle de Convention fiscale de l'OCDE26. Selon ces
conditions, deux entreprises sont associées si l'une d'elles participe directement ou
indirectement à la direction, au contrôle ou au capital de l'autre ou si « les mêmes personnes
participent directement ou indirectement à la direction, au contrôle ou au capital » des deux
entreprises (c'est-à-dire que les deux entreprises sont soumises à un contrôle commun).

3. Principe de pleine concurrence

Le principe de pleine concurrence qui fait autorité en matière de prix de transfert est énoncé
à l’article 9 paragraphe 1 du Modèle de Convention fiscale de l’OCDE, lequel est à la base des
conventions fiscales bilatérales liant des pays membres de l’OCDE et, de plus en plus, des pays
non membres. L’article 9 stipule : (Lorsque) ... les deux entreprises (associées) sont, dans leurs
relations commerciales ou financières, liées par des conditions convenues ou imposées, qui
diffèrent de celles qui seraient convenues entre des entreprises indépendantes, les bénéfices qui,
sans ces conditions, auraient été réalisés par l’une des entreprises, mais n’ont pu l’être en fait à
cause de ces conditions, peuvent être inclus dans les bénéfices de cette entreprise et imposés en
conséquence.27

En d’autres termes, le principe de pleine concurrence peut être défini comme une norme
fiscale selon laquelle, les prix pratiqués par les sociétés liées entre elles, devraient correspondre
aux justes prix, auxquels des entreprises indépendantes auraient convenu dans des conditions
similaires, pour un bien ou service similaire.

25
Une vision péjorative est souvent retenue au titre des prix de transfert. MARCHESSOU et GROSCLAUDE prônent que « l’expression prix
de transfert désigne la technique de localisation de la marge bénéficiaire vers un territoire non imposé à laquelle procède le groupe
multinational soit en obligeant une filiale de production à vendre à bas prix les produits, soit en interposant une filiale, imposée dans un
paradis fiscal, qui achètera bon marché à la filiale de production des produits et qui les revendra cher dans un autre État à la filiale de
commercialisation ». Cette vision péjorative ne doit pas occulter qu’au sein d’une firme multinationale les transactions effectuées se doivent
d’avoir un prix.
26
Voir le modèle de convention de l’OCDE, Articles du modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune, 2017
27
Modèle de convention fiscale de l’OCDE concernant le revenu et la fortune 2017

6
4. Subjectivité

Le dictionnaire Larousse 2010 défini ce terme de la manière suivante : Caractère de ce qui


est subjectif, par opposition à « objectivité ». État de quelqu’un qui considère la réalité à travers
ses seuls états de conscience.

C. Cadre spatio-temporel et scientifique

Ce travail fera l’objet d’une circonscription à la fois d’ordres géographique, temporel et


scientifique.

➢ Sur le plan géographique

Ce travail sera essentiellement accentué sur le traitement de la question centrale dans le cas
du Cameroun, qui est l’économie la plus importante de la Communauté économique et
monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC). Avec l’espoir, que les propositions qui en
découleront pourront également être valables pour les autres pays membre de la sous-région.

➢ Sur le plan temporel

Le temps est une donnée importante en matière de prix de transfert, aussi bien pour les
contribuables28que pour l’administration29. C’est pourquoi, il faut s’intéresser à son champ
d’application temporelle, car en matière de recouvrement comme le dispose l’article L89 du
livre de Procédures Fiscales, les sommes dues par les contribuables pour les impôts, droits et
taxes assis ou liquidés en vertu des dispositions du code Générale des Impôts sont prescrites à
leur profits après un délai de quatre (04) ans suivant la date d’exigibilité. Cela concerne aussi
bien les prix de transfert, d’où l’importance de prendre en compte le cadre temporel de l’étude.

➢ Sur le plan scientifique

Mener à bien ce travail va consister à mobiliser des concepts propres à différentes


branches du droit. Trois d’entre elles seront principalement mis en exergue dans le cadre de

28
C’est une donnée capitale de l’audit fiscal, surtout quand il s’agit de se préparer au mieux aux contrôles fiscaux. À cet effet l'audit fiscal
apporte une information sur l'existence ou l'absence du risque fiscal et, le cas échéant, sur l'ample d'un tel risque.
29
Conformément aux dispositions de l’article L34 du LPF du CGI « les omissions totales ou partielles constatées dans l’assiette de l’impôt,
les insuffisances et inexactitudes ou les erreurs d’imposition, peuvent être réparées par l’Administration jusqu’à la fin de la quatrième année
suivant celle au titre de laquelle l’impôt ou la taxe est exigible »

7
notre étude : le droit fiscal interne30, le droit fiscal international 31
et le droit des sociétés32.
Contrairement à la plupart des travaux parus sur le sujet, il ne sera pas question ici de suivre le
chemin classique qui consiste à dénoncer le comportement de certains groupes multinationaux
en matière fiscale, ni proposer un « manuel » en matière de détermination des prix de transfert.
Cela a déjà été fait par des auteurs, qui seront éventuellement cités dans les ressources
documentaires de ce travail.

II. Objet de l’étude et méthode

Afin de bien de bien fixer le contexte de l’étude, il est important de procéder à une revue de
l’état de la question (A), avant de présenter la méthode utilisée (B).

A) État de la question

Présenter l’objet du sujet revient à s’intéresser aux contours du problème qu’il soulève.
C’est dans cet optique qu’il convient d’abord de proposer une revue de la littérature (1), ensuite
de ressortir l’intérêt du sujet (2), et enfin de présenter la question centrale (3).

1. Revue de la littérature

La littérature existante sur le contrôle fiscal des prix de transfert regorge d’innombrables
travaux de recherches, qu’il ne serait pas raisonnable d’énumérer de façon exhaustive dans ce
travail. Toutefois, ces travaux peuvent être regroupés en deux grands groupes, dont les
recommandations bien que n’ayant aucune valeur juridique, inspirent les législateurs du monde
entier. D’un côté, les travaux de l’OCDE, promoteurs du principe de pleine concurrence, et de
l’autre, les opposants dudit principe.

De nos jours, la prédominance du principe de pleine concurrence en matière de contrôle


fiscal des prix de transfert a été fermement établie à l’échelle mondiale, mais cela n’a pas
toujours été le cas. En effet, comme le démontre Hirshleifer (1956) et Horst (1971) la question
des prix de transfert relève avant tout, d’une optique managériale et économique33. La naissance
de la problématique des prix de transfert coïncide avec les travaux de Capithorne (1976), et

30
Entendu comme l'ensemble des règles juridiques relatives à l'impôt (contenu principalement dans le CGI) Voir Martin Collet professeur
l’université de paris 2, Droit fiscal, Themis droit, 2007
31
Qui est l’ensemble des règles de droit interne et international régissant la perception de l’impôt en rapport avec des faits générateurs
comportant au moins un élément d’extranéité (contenu principalement dans les conventions fiscales ratifiées par le Cameroun). Voir Jacques
Malherbe, Droit fiscal international- impôts sur les revenus-Théorie générale droit belge éléments de droit comparé, Maison LARCIER,
Bruxelles, 1994, 869 pages
32
Qui est la branche du droit privé qui contient l’ensemble des lois et des règlements qui régissent la vie des sociétés (contenu principalement
dans l’AUDSC&GIE et l’AUDCG)
33
La littérature theorique sur les prix de transfert trouve ses fondements dans les travaux pionniers de Hirshleifer (1956) et Horst (1971). Bien
que Horst ait essayé de montrer que les entreprises multinationales pouvaient utiliser les prix de transfert entre filiales situées dans des pays
différents pour réduire leur charge fiscale globale, l’objectif principal de ces travaux était de trouver comment déterminer les prix de transfert,
de telle façon que le profit global de l’entreprise soit le plus élevé possible.

8
remonte à la période de mise en place de stratégies d’optimisation fiscales34. C’est dans ce
courant d’idées, qu’un rapport de l’OCDE paru en 197935, évoquant pour la première fois le «
principe de pleine concurrence » dans le contrôle fiscal des prix de transfert. Très vite, ce dernier
a suscité une vague de réactions indexant les limites de ce principe 36, ce qui a conduit aux
soulèvements de plusieurs organisations professionnelles indépendantes et internationales,
militant pour son remplacement.

L’alternative proposée au principe de pleine concurrence est la répartition globale de


bénéfice selon une formule préétablie37, dont les travaux les plus anciens ont été publiés bien
avant le rapport de 1979 de l’OCDE38. Cependant, compte tenu des nombreux inconvénients
que présente cette méthode39, elle a été rejetée par l’OCDE depuis son rapport de 1995 pour
plusieurs raisons40. Toutefois, aujourd’hui encore le principe de pleine concurrence ne fait
toujours pas l’unanimité et les discussions sur l’adoption de son alternative sont plus vive que
jamais41. À cet égard, Joe Biden, le président récemment élu des États Unis a récemment rappelé
la nécessité impérative, de trouver un moyen d’imposer les multinationales de façon globale42.
Ce sujet a été activement débattu lors de la dernière réunion du G7, et a abouti à un consensus

34
Certains auteurs ont abordé ce thème durant cette même période. C’est le cas d’un article paru en 1976, dans la revue l’Actualité Économique.
L’auteur canadien, Lawrence Copithorne, propose une analyse mathématique qui défend l’idée selon laquelle une entreprise multinationale
pourrait suivre des modèles macroéconomiques afin de placer toutes les sociétés dépendantes dans un système de « concurrence parfaite ». Il
précise que cette analyse est aussi valable pour une entreprise nationale qui a créé plusieurs divisions. Cette phrase, extraite de son article
résume parfaitement l’objectif recherché : « À l'encontre de la plupart des professeurs de commerce et de comptabilité, les économistes
préoccupés des affaires internationales considèrent les prix de transfert non pas tellement comme un instrument permettant de réaliser une
certaine efficacité économique à l'intérieur de la grande firme décentralisée, mais plutôt comme un mécanisme influençant les taux et revenus
de taxation des entreprises et affectant la redistribution internationale des revenus. En fait, dans mon article, je conclus que les prix de transfert
sont généralement arbitraires ».
35
Prix de transfert et entreprises multinationales, Rapport du Comité des Affaires Fiscales de l’OCDE- janvier 1979
36
Vouloir reconstituer à l'occasion d'une transaction entre deux sociétés d'un groupe multinational les relations qui eussent été celles
de deux entités indépendantes relève de la fiction. C'est ignorer délibérément la spécificité économique du groupe et isoler une transaction
donnée de l'enchevêtrement des prestations -les unes visibles, les autres invisibles, les unes mesurables, les autres non quantifiables -qui
caractérise les relations entre les sociétés appartenant à un groupe. C'est également faire abstraction des motivations économiques ou
commerciales qui peuvent guider le groupe dans la recherche ou l'extension d'un marché étranger, la promotion d'un produit ou la lutte
contre la concurrence. Najib GHARB, le contrôle fiscal des prix de transfert, harmattan 2005, Paris, page 167
37
La méthode de la répartition fractionnaire est une méthode de ventilation des bénéfices des entreprises multinationales entre des souverainetés
fiscales concurrentes et a pour effet d'imposer le groupe multinational sur une base consolidée. Cette méthode qui suppose l'utilisation d'une
formule de répartition « considère l'entreprise comme un tout », c'est-à-dire « qu'elle écarte l'approche par entité distincte ». Najib GHARB,
le contrôle fiscal des prix de transfert, harmattan 2005, Paris, page 99
38
À cet égard, le département des affaires économiques et sociales de l'ONU publiait, en 1973, un rapport
Consacré aux problèmes fiscaux internationaux, et en particulier aux transferts indirects de bénéfice s. Parmi les mesures proposées dans ce
rapport, il était suggéré qu’une harmonisation des politiques nationale s soit recherchée. Cette harmonisation devait être réalisée, précisait le
rapport, par 1'adoption de la méthode de la répartition fractionnaire. Mais, à notre connaissance, cette suggestion n 'a pas, à ce jour, été suivie
en raison des objections soulevées qui seront examinées ultérieurement. ONU, Multinational corporations in world development , ONU, 1973.
39
Lire Najib GHARB, le contrôle fiscal des prix de transfert, harmattan 2005, Paris, page 101 et svt
40
Selon l e s termes mêmes de l'OCDE, « n'est pas une alternative réaliste au principe de pleine concurrence » Rapport OCDE de 1995,
ii) Comparaison avec le principe de pleine concurrence, n° 3.63, p. III-23. Il est vrai, qu'à défaut d'une coordination multilatérale étroite, dont
nous ne pouvons nier l'évidente nécessité, l'application de la méthode de la répartition globale selon une formule préétablie peut exposer
le contribuable à un risque de double imposition et d'arbitraire.
41
L’Independent Commission for the Reform of International Corporate Taxation, ICRICT dans son rapport de 2015 « Déclaration » souligne
« NOTRE SYSTÈME FISCAL MONDIAL Le principe d’entités distinctes constitue le principal moteur des abus fiscaux perpétrés par les
multinationales. Cette fiction juridique permet de dissocier d’importants bénéfices imposables des opérations commerciales associées. Selon
nous, la seule méthode efficace permettant de mettre un terme à ces abus consisterait à considérer les multinationales comme des entreprises
uniques et unifiées, et à répartir les bénéfices imposables entre les pays où les activités génératrices de ces revenus sont basées »
42
Lire la note d’information du journal américain « IFRI », rédigé par Laurence NARDON & Siméon RUST le 15 Avril 2012, « De la taxe
numérique à l’imposition des multinationales La révolution fiscale de Joe Biden »

9
sur un taux minimum d’imposition mondiale sur les multinationales, dont les modalités
d’application restent à fixer43.

Dans le cadre de ce travail, deux grands travaux sur le contrôle fiscal des prix de transfert
ont marqué les recherches menées. Najib GHARB (2005)44, qui met en exergue les difficultés
rencontrées par la fiscalité dans l'appréhension de la question des prix de transfert, en grande
partie à cause de la dimension hautement économique des problématiques y afférentes ainsi que
des limites du principe de pleine concurrence45, mais se limite à l’étude de la question en France.
Au Cameroun, l’un des travaux les plus notoires parus sur le sujet est celui de Joseph
AYANGMA AYANGMA (2015)46, qui fait un brillant exposé sur les problématiques soulevés
par le contrôle fiscal des prix de transfert au Cameroun en général, et les difficultés de
l’administration à saisir la complexité de la question, sans toutefois évoquer la « subjectivité »
susceptible d’en découler.

2. Intérêt du sujet

La présente étude fait ressortir deux niveaux d’intérêts aux enjeux considérables : un intérêt
d’ordre théorique (a) et un intérêt d’ordre pratique (b).

a) L’intérêt d’ordre théorique

Ce travail se distingue de la plupart des travaux parus sur le sujet, en ce sens qu’il n’envisage
guère de condamner trop vite l’administration fiscale et de considérer comme seules victimes
les entreprises concernées ; ou inversement suivre le chemin classique qui consiste à dénoncer
le comportement abusif des groupes multinationaux en matière fiscale. Il envisage plutôt de
mettre en exergue l’équilibre qu’il convient de respecter entre protection des recettes fiscales,
et protection des investissements, pour éviter un contrôle fiscal des prix de transfert aux allures
de « chasse aux sorcières ». Afin de ne pas porter atteinte à l’image du Cameroun alors même
que les autorités tentent d’améliorer le climat des affaires et attirer les investisseurs étrangers.

De ce fait, c’est avec beaucoup de recul et de neutralité que ce travail propose une lecture
critique du contrôle fiscal des prix de transfert tel qu’il est effectué au Cameroun aujourd’hui,

43
Le G7 réuni du vendredi 4 juin au samedi 5 juin 2021 à Londres est tombé d’accord sur l’application d’un taux d’IS minimum au niveau
mondial 15%, mais également sur les règles de répartition de l’impôt entre pays pour les bénéfices réalisés par les multinationales du numérique.
L’accord est néanmoins encore loin d’être applicable. Une réunion du G20 doit se tenir à l mi-juillet à Venise afin de préciser et d’élargir
l’accord. Il faudra ensuite convaincre les 140 états qui participent à ce projet dans le cadre des travaux de l’OCDE.
44
Najib GHARB, le contrôle fiscal des prix de transfert, L’harmattan 2005, Paris, 495 pages
45
Voir aussi DOUMBI NDEMBI Christ Jordana, Les limites du principe de pleine concurrence, Master en administration fiscale, Université
de Douala 2019
46
Joseph AYANGMA AYANGMA, la pratique du contrôle fiscal des prix de transfert dans l’espace CEMAC, cas du Cameroun, L’Harmattan
2015, Paris, 358 pages

10
et tel qu’il pourrait être effectué à l’avenir. Il apporte ainsi sa contribution dans la littérature
existante, en présentant le contrôle fiscal des prix de transfert au Cameroun sous un autre angle.

b) Intérêt d’ordre pratique

Les problématiques sur les prix de transfert, autrefois réservées aux experts hautement
spécialisés sont aujourd’hui sous le feu des projecteurs des grands débats médiatisés. Leur
importance pratique, devenue incontournable au fil du temps aussi bien en matière de fiscalité
des entreprises, que de finance publique, résulte de plusieurs éléments47.

Afin de bien percevoir l’intérêt pratique de cette étude, il est crucial de garder une
objectivité suffisante dans l’analyse de sa question centrale et ne pas tomber dans la facilité des
sentiers battus. Deux enjeux majeurs se trouvent au cœur de ce sujet, d’un côté offrir aux
entreprises concernées la protection juridique et la sécurité fiscale recherchées dans les
opérations transfrontalières qu’elles réalisent ; et de l’autre protéger les recettes fiscales de
l’État contre l’évasion fiscale48. De ce fait, il est essentiel de faire preuve de discernement face
au contrôle fiscal des prix de transfert, afin de permettre aux contribuables concernés d’opérer
dans la quiétude et la sérénité lorsque ces entreprises n’utilisent pas les prix de transfert dans
un objectif unique d’évasion fiscale, voire même de fraude. Cela reviendrait en quelque sorte à
« séparer le bon grain de l’ivraie ».

c) Question centrale

Au Cameroun, l’adoption du principe de pleine concurrence est l’expression de la volonté


du législateur d’aspirer à s’arrimer aux pratiques reconnues au plan international ; en matière
de lutte contre l’évasion fiscale. Cela ressort implicitement à la lecture de l’art 19 (1) du CGI,
qui dispose « (…) Les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de
majoration ou de diminution des prix d’achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont
incorporés aux résultats de ces entreprises. Les bénéfices indirectement transférés sont
déterminés par comparaison avec ceux qui auraient été réalisés en l’absence de liens de
dépendance ou de contrôle… ». Bien que la réalité économique qui est à la base de ce principe
ne tient pas forcément compte de celle existant au Cameroun49.

47
On peut par exemple souligner l’internationalisation toujours croissante des économies et des groupes multinationaux, le renforcement des
législations et des contrôles fiscaux sur ces sujets dans la plupart des pays, et l’attention particulière que les politiciens accordent à ces questions
qui touchent directement à la souveraineté de l’État.
48
Aucun d’entre eux, ne devrait occulter l’autre, car l’administration a besoin de mobiliser pleinement les ressources fiscales auprès de tous
les contribuables pour le financement des services publics ; tout autant que les investisseurs ont besoin de garanti face au risque fiscal auquel
ils s’exposent pour la pérennité de leur activité. Les deux étant étroitement liés
49
Voir la lettre adressée au secrétariat de l’ONU pour le financement du développement, par un collaborateur du ministère des finances indien,
« Lettre de Sanjay Kumar Mishra, 2 mars 2012 », dont voici un extrait « Dans le cas des prix de transfert, bien que les principes soient

11
La comparaison dont il est question ici, est le socle du principe de pleine concurrence et
fait référence à des transactions comparables effectuées par des entreprises indépendantes50. La
réalité ayant démontré que l’existence de transactions identiques en tout point étant une
utopie51 ; ledit principe prévoit, que lorsqu’il existe des différences importantes dans la situation
examinée ; entre les transactions potentiellement comparables et la transaction contrôlée, il
convient d’envisager si des ajustements raisonnablement fiables peuvent être opérés pour
éliminer l’incidence de telles différences52. En revanche, si l’OCDE admet qu’il serait
impossible d’éliminer complètement tout élément subjectif lors de la sélection des
comparables53, cette subjectivité se trouve accentuée par plusieurs facteurs dans le cas des pays
en développement tel que le Cameroun. C’est ainsi que certains pays se sont par exemple
demandé si un ajustement de comparabilité proposé améliore effectivement la fiabilité de la
comparaison ou bien si les ajustements augmentent la subjectivité d’une analyse54.

Dans ces conditions, le principe de pleine concurrence se trouve entaché d’un important
degré de subjectivité, susceptible de rendre le contrôle fiscal des prix de transfert arbitraire,
voire non efficace. En conséquence, le contrôle fiscal des prix de transfert peut imposer des
coûts de mise en conformité considérables aux multinationales, particulièrement lorsque le
déficit de capacités du fisc donne lieu à des différends qui se prolongent inutilement ou des
ajustements abusifs des prix de transfert. D’où l’intérêt de s’interroger, quelle analyse peut-on
faire, de la subjectivité du contrôle fiscal des prix de transfert au Cameroun ?

B) Méthode

Afin de pouvoir apporter des éléments de réponse à la question centrale, il convient de


dégager à partir de cette dernière une idée générale (1), et de présenter les considérations
méthodologiques (2), qui vont aboutir à l’annonce du plan (3).

déterminés en fonction de la législation fiscale domestique de chaque pays, les pays industrialisés se sont mis d’accord sur des règles
communes, les Principes directeurs pour les entreprises multinationales et les administrations fiscales. Ces principes ne reflètent que l’accord
passé entre ces pays membres de l’OCDE (les pays industrialisés) et, par conséquent, tendent à privilégier leurs intérêts, uniquement. Ces
principes ne donnent pas suffisamment le droit de prélever leurs contributions aux pays d’origine, et égratignent leurs droits fiscaux en
proportion. »
50
Entreprise indépendante : une entreprise indépendante est celle qui ne contrôle pas d’entreprise (en droit ou en fait) et qui n’est pas elle-
même contrôlée par une autre entreprise. Pierre-Yves Carasco, Prix de transfert et stratégies d’optimisation fiscale de la firme multinationale,
Harmattan 2017, Paris, page 130
51
L’expérience pratique m o n t r e q u ’ i l e x i s t e toujours d e s différences, deux transactions n'étant jamais parfaitement identiques l'une à
l'autre, encore moins quand il s'agit de comparer une transaction ayant lieu dans un groupe avec une (ou des) transaction(s) entre sociétés
indépendantes. Najib GHARB, « le contrôle fiscal des prix de transfert », harmattan 2005, Paris, page 150
52
FMI, OCDE, ONU, GBM, Plateforme de collaboration sur les questions fiscales, « Manuel pratique de résolution des difficultés d’accès à
des données comparables pour les analyses de prix de transfert », 2017
53
OCDE, Principes de l’OCDE applicables en matière de prix de transfert à l’intention des entreprises multinationales et des administrations
fiscales, 2010
54
FMI, OCDE, ONU, GBM, Plateforme de collaboration sur les questions fiscales, Manuel pratique de résolution des difficultés d’accès à des
données comparables pour les analyses de prix de transfert, 2017

12
1. Idée générale

Dans la suite de ce travail, il sera question d’apporter des éléments de réponse au problème
posé par la question centrale. La démarche choisie consistera à démontrer l’idée selon laquelle :
Le contrôle fiscal des prix de transfert au Cameroun, est sujet d’une subjectivité qui est une
source intarissable de désaccords entre l’administration et les contribuables.

2. Considérations méthodologiques

Afin de mener à bien cette étude, plusieurs approches seront simultanément mobilisées.
Une approche analytique, qui va permettre d’effectuer une analyse de la réglementation des
prix de transferts au Cameroun ; en prenant compte aussi bien du droit positif que du droit mou.
Une approche comparative, qui sera mobilisée à titre exceptionnel ; quand il conviendra de
présenter la réglementation en vigueur dans certains pays. Une approche par entretiens, dont le
but sera de récolter l’opinions des praticiens, qui ont de l’expérience dans le domaine. Et une
approche, permettant de faire une analyse économique de la question fiscale des prix de
transfert.

En ce qui concerne la dernière approche, compte tenu de son caractère inhabituel, il


convient de dire en quelques mots, en quoi elle consiste, afin de se s’assurer d’être sur la même
longueur d’onde que le lecteur. Au regard des dernières dispositions adoptées en matière de
contrôle fiscal des prix de transfert au Cameroun55, il semblerait que les rapports entre
l’administration et les multinationales soient en voie de passés de l’ère de la suspicion à l’ère
de la « compréhension », de l’ère de la sanction à l’ère de la « coopération ». Ce constat ressort
directement des évolutions majeures observées dans le contrôle fiscal des prix de transfert au
Cameroun, à mettre en parallèle avec la perception de la multinationale. Au fur et à mesure que
le phénomène des groupes de sociétés56 tend à devenir fondamental dans l’économie
camerounaise contemporaine, l’administration s’efforce à dépasser les cloisonnements
juridiques pour s’attacher aux réalités économiques. C’est pourquoi il est possible d’affirmer,
que l’engouement du Cameroun pour la fiscalité internationale a conduit à reconsidérer la
question des prix de transfert dans une perspective économique et non plus dans une
dogmatique exclusivement fiscale57.

55
à l’instar du régime mère-filiale prévu à l’art 13 du CGI
56
Défini à l’art 173 de AUDSCGIE comme l’ensemble forme par des sociétés unies entre elles par des liens divers qui permettent à l’une
d’elles de contrôler les autres.
57
Par exemple il n'y a pas lieu de se prévaloir systématiquement de l'article 19 du CGI lorsque les entreprises camerounaises sont précisément
en mesure d'établir que les cessions consenties à leurs filiales étrangères à des prix de vente voisins du prix de revient sont motivées par un
intérêt commercial et non par l'intention d'effectuer des transferts de bénéfices.

13
3. Annonce du plan

Démontrer que le contrôle fiscal des prix de transfert au Cameroun, est sujet d’une
subjectivité qui est une source intarissable de désaccords entre l’administration et les
contribuables peut se faire suivant deux phases distinctes et complémentaires. À cet effet, il
sera intéressant de présenter Les manifestations de la subjectivité du contrôle fiscal des prix de
transfert au Cameroun : un contrôle inopérant (une première partie), qui vont conduire sur Les
palliatifs à la subjectivité du contrôle fiscal des prix de transfert au Cameroun : esquisse d’un
contrôle opérant (partie 2).

14
PREMIÈRE PARTIE : LES MANIFESTATIONS DE LA SUBJECTIVITÉ DU
CONTRÔLE FISCAL DES PRIX DE TRANSFERT AU CAMEROUN : UN CONTROL
INOPÉRANT

PREMIÈRE PARTIE : LES MANIFESTATIONS DE LA


SUBJECTIVITÉ DU CONTRÔLE FISCAL DES PRIX DE
TRANSFERT AU CAMEROUN : UN CONTRÔLE INOPÉRANT

15
IX DE TRANSFERT AU CAMEROUN : UN CONTRÔLE INOPÉRANT
Au Cameroun, les prix de transfert pratiqués par les multinationales doivent être
conforme au prix de pleine concurrence. Toutefois, ledit principe admet que la fixation des prix
de transfert n’est pas une science exacte58, en conséquence leur contrôle fiscal doit faire preuve
d’une certaine souplesse. C’est ainsi, qu’à défaut de causer préjudices aux contribuables de
bonne foi, leur contrôle fiscal doit intégrer une véritable analyse économique de la question,
dont les modalités pratiques peuvent entrainer vers La subjectivité induite par la flexibilité du
contrôle fiscal des prix de transfert au Cameroun : incidence des failles de conception du
principe de pleine concurrence (chapitre 1). Dans ces conditions, il est tout à fait légitime de
s’intéresser à L’efficacité limitée du contrôle fiscal des prix de transfert au Cameroun :
conséquence de la subjectivité induite par la flexibilité du contrôle et de la normalité subjective
des prix de transfert (chapitre 2).

58
Selon l'OCDE : « Dans certains cas, il sera possible d'appliquer le principe de pleine concurrence en aboutissant à un seul chiffre (par
exemple un prix ou une marge) qui constituera la meilleure référence possible pour établir si une transaction s'est faite ou non dans des
conditions de pleine concurrence. Mais très souvent, comme la fixation de prix de transfert n'est pas une science exacte, l'application de la
méthode ou des méthodes les plus appropriées débouchera sur une fourchette de chiffres tous d'une fiabilité plus ou moins équivalente. Les
différences entre les chiffres constituant cette fourchette peuvent être dues aufait qu'en général/ 'application du principe de pleine concurrence
ne permet d'obtenir qu'une approximation des Conditions qui se seraient établies entre des entreprises indépendantes » Rapport OCDE de
1995 iv) Utilisation d'un intervalle de pleine concurrence 1.45, p. l-20.

16
Chapitre 1 : La subjectivité induite par la flexibilité du contrôle fiscal des prix de transfert
au Cameroun
Le fait que le principe de pleine concurrence ait été conçu pour un environnement qui
ne cadre pas parfaitement avec l’environnement économique du Cameroun n’est pas sans
influence sur son application. Ainsi, il importe de présenter Les généralités sur l’approche du
principe de pleine concurrence et son application au Cameroun (section 1), avant de faire un
exposé sur La subjectivité induite par les limites de l’adoption du principe de pleine
concurrence et la complexité de son application au Cameroun (section 2).

Section 1 : Les généralités sur l’approche du principe de pleine concurrence et son


application au Cameroun
Afin de pouvoir ressortir Les difficultés liées au contrôle de la conformité au principe
de pleine concurrence au Cameroun (paragraphe 2), il importe de présenter La formulation des
méthodes de détermination des prix de transfert se référant au marché libre : les méthodes de
l’OCDE (paragraphe 1). À ce titre, un accent particulier sera mis sur le contexte de l’étude, afin
de ressortir le décalage entre les recommandations de l’OCDE et leur application au Cameron.

Paragraphe 1 : La formulation des méthodes de détermination des prix de transfert se


référant au marché libre : les méthodes de l’OCDE
Les méthodes de prix de transfert les plus utilisées sont les cinq méthodes préconisées par
l’OCDE. Parmi les cinq méthodes Ocde, trois sont dites traditionnelles (A), il s’agit de la
méthode du prix comparable sur le marché libre, du prix de revente minoré, et du prix de revient
majoré. Deux méthodes sont dites transactionnelles (B), il s’agit de la méthode du partage des
bénéfices et de la méthode transactionnelle de la marge nette.

A) Présentation des méthodes de l’OCDE dites traditionnelles


1) La méthode du prix comparable sur le marché libre

Cette méthode consiste à opérer une comparaison directe du prix de transfert avec le
prix pratiquer par les entreprises indépendantes, dites entreprises référentes, pour des
transactions similaires situées dans des conditions économiques sensiblement analogues à
celles de l’entreprise dont les prix de transfert sont analysés 59. La nature et les caractéristiques
du bien vendu étant particulièrement significatives au regard de son prix, l’identité du bien
vendu par l’entreprise liée et par les entreprises référentes revêt une grande importance pour

59
xavier daluzeau, stéphane gelin, bruno gibert & arnaud le boulanger, dossier pratique- prix de transfert, francis lefebvre 2020, 4e édition,
paris, page 88

17
apprécier la pertinence de l’utilisation de cette méthode ; les éléments comparés doivent, dans
toute la mesure du possible, être identiques ou très similaires60.

2) La méthode du prix de revente

Cette méthode consiste à déterminer le prix de transfert d’une entreprise en procédant


par déduction d’une marge brute du prix de revente des biens à des tiers par l’entreprise qui
s’était procuré ces biens au moyen d’une transaction intragroupe61. En cas d’application d’une
méthode du prix de revente, la transaction en prix de transfert ne se situe pas au moment de la
revente, qui est faite à des tiers, mais a eu lieu en amont, au moment de l’acquisition intragroupe
des marchandises par le revendeur considéré62.

3) La méthode du coût de revient majoré

Cette méthode est proche de la méthode du prix de revente, mais elle s’applique à un
autre paramètre que le prix de revente : elle consiste à ajouter une marge brute de pleine
concurrence, laquelle ne tient compte que des seules charges d’exploitation directes, au prix de
revient du bien vendu ou du service rendu63. Concrètement, cette méthode permet de déterminer
le prix de transfert d’un bien ou d’un service produit ou conçu par l’entreprise venderesse64.

B) Présentation des méthodes de l’OCDE dites transactionnelles


1) La méthode transactionnelle de la marge nette (MTMN)

Comme pour les méthodes du prix de revente et du cout majoré, la MTMN consiste à
déterminer le prix de la ou des transactions effectuées en prix de transfert en appliquant une
marge, nette cette fois, à une base constituée par les couts de revient, les ventes, ou la valeur

60
Lorsqu’elle est applicable, cette méthode doit être préférée à toute autre. Il peut s’avérer difficile d’identifier une transaction suffisamment
comparable entre entreprises indépendantes. Les principes OCDE indiquent « une différence mineure (…) peut avoir une incidence sensible
sur le prix, même si la nature des activités industrielles ou commerciales entreprises est suffisamment similaire pour dégager la même marge
bénéficiaire globale. Lorsque c’est le cas, il faudra apporter des correctifs ». principes ocde, chapitre ii-partie-b 1, §2.16
61
xavier daluzeau, stéphane gelin, bruno gibert & arnaud le boulanger, dossier pratique- prix de transfert, francis lefebvre 2020, 4e édition,
paris, page 90
62
L’OCDE précise, que « le prix obtenu après défalcation de la marge brute peut être considéré, après correction des autres couts liés à
l’achat du produit (par exemple, les droits de douanes) comme un prix de pleine concurrence pour le transfert initial de propriété entre
entreprises associées ». principes OCDE, chapitre ii-partie-c 1, §2.7. L’objectif de cette méthode est de connaitre le prix auquel un produit
acheté à une entreprise liée est revendu à un client indépendant (le prix de revente), pour ensuite y soustraire une marge brute (la marge sur
prix de revente) permettant à la société de distribution liée de couvrir ses frais de vente et ses autres charges d’exploitation, et de se voir
attribuer un bénéfice tenant compte des fonctions réalisées et des risques assumés.
63
xavier daluzeau, stéphane gelin, bruno gibert & arnaud le boulanger, dossier pratique- prix de transfert, francis lefebvre 2020, 4e édition,
paris, page 92
64
L’OCDE précise qu’il importe, dans l’objectif d’une comparaison pertinente, de « veiller à appliquer des majorations comparables à une
base de couts comparables ». Et « il est particulièrement important d’étudier les différences de niveaux et de catégories de dépense- dépenses
d’exploitation et autres dépenses y compris frais de financement-liées aux fonctions assumées et aux risques encourus par les parties prenantes,
ou les différences entre les transactions comparées ». Si l’OCDE admet que la détermination précise des charges à prendre en compte est
source de difficultés, s’agissant des couts, elle relève que « des cous historiques doivent être attribués aux différentes unités de production,
même s’il faut reconnaitre que la méthode du cout majoré risque de donner une importance excessive aux couts d’acquisition ». Voir principes
OCDE, chapitre ii-partie-b 1, § 2.49,2.50,2.51

18
des actifs utilisés à l’occasion de l’activité ayant donné lieu aux prix de transfert 65. Cette
méthode a un champ d’application plus large que les méthodes dites transactionnelles dans la
mesure où elle peut également s’appliquer aux actifs utilisés66.

2) La méthode du partage des bénéfices

Cette méthode consiste à isoler le bénéfice d’ensemble afférent aux transactions


intragroupe étudiées puis à le repartir entre les différentes entités du groupe qui y ont contribué.
Selon l’OCDE, la méthode du partage de bénéfices, pour les entreprises associées, « consiste
tout d’abord à identifier le montant global des bénéfices provenant des transactions contrôlées
qu’elles effectuent67. (…) Ces bénéfices combinés sont ensuite partagés entre les entreprises
associées en fonction d’une base économiquement valable qui se rapproche du partage des
bénéfices qui aurait été anticipé et reflété dans un accord réalisé en pleine concurrence68 ».

Paragraphe 2 : Les difficultés liées au contrôle de la conformité au principe de pleine


concurrence au Cameroun
La controverse dont il est question ici se trouve à deux niveaux d’analyse, d’abord en
ce qui concerne « La subtilité propre au choix de la méthode appropriée » (A), ensuite face à la
« La subtilité propre à la sélection des comparables » (B).

A) La subtilité propre au choix de la méthode appropriée

L’enjeu du choix de l’une ou l’autre de ces méthodes tient au fait que l’application de deux
méthodes différentes aboutira dans la plupart des cas à un résultat différent. Il convient donc de
rassembler les éléments qui permettront de justifier que le choix qui a été opéré est pertinent.

1) Les préliminaires au choix de la méthode (l’analyse fonctionnelle)

L’analyse fonctionnelle a pour objectif d’identifier et d’évaluer la contribution apportée


au groupe par la société étudiée. Du point de vue du dirigeant, elle donne une vision globale de
la position de l’entreprise au sein du groupe et du groupe au sein de son marché. Du point de
vue de l’administration, elle met en exergue les centres économiques de la création la valeur
existant au sein du groupe et renseigne donc les états sur la juste part d’assiette de l’impôt

65
xavier daluzeau, stéphane gelin, bruno gibert & arnaud le boulanger, dossier pratique- prix de transfert, francis lefebvre 2020, 4e édition,
paris, page 93
66
Cette méthode consiste à déterminer à partir de données appropriées (ex : les charges, le chiffre d’affaires, la valeur des actifs…), la marge
bénéficiaire nette que réalise une entreprise dans le cadre d’une transaction intragroupe, et à la comparer à celle qu’une entreprise indépendante
réaliserait pour une transaction comparable. Aussi, cette méthode « suppose de raisonner en ratio de marge nette (par exemple, des ratios de
bénéfice d’exploitation par rapport au chiffre d’affaires, de rendement des actifs, ou d’autres indicateurs de bénéfices net) et non en prix ».
xavier et al, dossier pratique-prix de transfert, francis lefebvre, 4e édition, 2020, paris, page 93
67
xavier daluzeau, stéphane gelin, bruno gibert & arnaud le boulanger, dossier pratique- prix de transfert, francis lefebvre 2020, 4e édition,
paris, page 95
68
principes ocde 2017, chapitre ii-partie iii-ci, § 2.114

19
devant revenir dans le processus de création de richesse. L’analyse fonctionnelle
comprend trois parties (analyse du marché ; analyse du groupe et analyse des
fonctions/actifs/risques)69 et sans conclusion, elle ne serait qu’un exercice vain. L’analyse vise
à identifier l’entrepreneur au sein du groupe. Il s’agit de l’entité juridique, qui assume les
risques principaux, détient les actifs stratégiques et supporte le cout des fonctions principales.

2) Les déterminants du choix de la méthode (la notion d’entrepreneur principal)

La notion d’entrepreneur est très cruciale dans le cadre de l’analyse des prix de
transfert ; c’est l’entité qui devra conserver le profit résiduel, après rémunération des autres
entités du groupe (ou subir la perte résiduelle). Les autres entités du groupe seront quant à elles,
définies en fonction du service rendu à l’entrepreneur : elles seront sous-traitantes, agents,
distributeurs ou prestataires de service ; on les appellera plus généralement des « prestataires »,
même si elles sont rémunérées sous forme d’une marge brute, comme un distributeur. L’analyse
fonctionnelle permettra aussi d’affiner la typologie d’un prestataire70.

La qualité d’entrepreneur 71
commande la méthode de prix de transfert applicable aux
transactions réalisées avec ses prestataires au sein du groupe. Le niveau de rémunération de
ceux-ci est déterminé par l’analyse économique qui va nourrir sa recherche de comparables,
des éléments typologiques définis par l’analyse fonctionnelle.

3) Les difficultés liées au choix de la méthode (la simplicité des recommandations


de l’OCDE face à la complexité de la réalité)

69
•Une analyse du marché : cette analyse doit être dynamique et non seulement descriptive et servira à révéler la stratégie du groupe en matière
de création de la valeur ;
•Une analyse du groupe : elle vise à décrire les opérations du groupe et son organisation juridique et opérationnelle, mais aussi d’inscrire le
groupe dans son marché, et de montrer quels sont les atouts du groupe pour se positionner dans le marché et ;
•Une analyse des fonctions, des actifs et des risques : c’est la partie qui est généralement considérée comme « l’analyse fonctionnelle »
proprement dite. Cette analyse comprend habituellement trois parties : fonctions, actifs et risques. L’analyse fonctionnelle doit permettre
d’identifier clairement qui fait quoi, qui supporte quels risques et qui détient quels actifs. xavier daluzeau, stéphane gelin, bruno gibert &
arnaud le boulanger, dossier pratique- prix de transfert, francis lefebvre 2020, 4e édition, paris, page 78 et suiv
70
Dans l’activité de production : un prestataire pourrait être un producteur de plein exercice, qui supportera totalement ses risques industriels
et utilisera ses propres actifs incorporels (savoir-faire de fabrication) ; il pourrait être un sous-traitant, protégé par l’entrepreneur contre les
risque de volume, ou enfin un simple façonnier qui ne portera qu’une faible part des couts de production ; dans les trois cas, la méthode de prix
de transfert sera la même, le cout majoré qui permet à l’entrepreneur de conserver le profit résiduel. En plus d’avoir permis la détermination
de la méthode, l’analyse fonctionnelle donnera l’analyse économique les éléments de comparabilité, pour que le façonnier du groupe reçoive
une rémunération comparable à celle d’un façonnier indépendant, et non pas celle d’un producteur indépendant de plein exercice. Dans
l’activité de distribution, le prestataire pourrait être acheteur-revendeur prenant sa part de risque de marché, de stock ou de recouvrement ; un
distributeur à risque limité qui transmettra ces risques contractuellement à l’entrepreneur ; ou un simple agent, en vertu de son statut juridique,
n’en supportera aucun. Là encore, a méthode de prix de transfert, prix de revente sera la même pour les trois types de prestataires, mais le
niveau de rémunération différera en fonction de leur risques respectifs.
xavier daluzeau, stéphane gelin, bruno gibert & arnaud le boulanger, dossier pratique- prix de transfert, francis lefebvre 2020, 4e édition, paris,
page 85 et suiv
71
Dans un groupe, il peut exister plusieurs entrepreneurs, cela peut s’expliquer de plusieurs façons. Par exemple les fonctions importantes et
les actifs stratégiques peuvent être localisés dans plusieurs entités différentes : si un groupe vend un produit à haute valeur technologique avec
une forte marque dans le cadre d’un réseau particulièrement efficace, il est difficile de considérer que seule la marque, la technologie ou la
technique de distribution est responsable du succès. Si ces trois actifs sont détenus par trois entités différentes, on pourra considérer que les
trois sociétés sont coentrepreneurs.

20
L’OCDE assorti la description des méthodes qu’elle énumère de commentaires
généraux, sur leur cas d’emploi. Par exemple, dans sa discussion de la méthode du cout majoré,
elle indique que cette méthode convient sans doute le mieux lorsque des produits semi-finis
sont vendus entre sociétés liées, lorsque des entreprises associées ont conclu des accords de
mise en commun d’équipements ou d’approvisionnement à long terme, ou lorsque la transaction
contrôlée consiste en prestations de services72. De même, dans sa discussion de la méthode du
prix de revente, elle indique que c’est probablement lorsqu’elle est appliquée à des opérations
de commercialisation que cette méthode est la plus efficace73. Ces indications générales peuvent
orienter le choix d’une méthode mais ne permettent souvent pas, à elles seules, au fiscaliste
confronté à la nécessité de retenir plus particulièrement une méthode, de trancher entre les
différentes méthodes qui pourraient paraitre adaptées à la lumière des commentaires de
l’OCDE.

À titre d’illustration, soit « une société A qui fabrique des produits semi-finis qu’elle
vend à une société B qui les commercialise. Au vu des commentaires de l’OCDE évoqués ci-
dessous : la méthode du cout de revient majoré semble adaptée et ; la méthode du prix de
revente le semble aussi » 74. Il est difficile d’opérer à l’aide de ces seuls éléments le choix de
l’une de ces méthodes plutôt que l’autre dans un tel contexte. Alors que rien n’indique à priori
que l’une et l’autre de ces méthodes aboutiraient à un résultat (prix de transfert) identique.

B) La subtilité propre à la sélection des comparables

1) Les facteurs de la délimitation des comparables

Il n’existe pas en droit fiscal camerounais de définition de « transaction comparable »


ou de « comparable », dans le contexte des prix de transfert. Il convient donc de se référer à la
définition donnée par l’OCDE : « (…) Cela signifie qu’aucune des différences éventuelles entre
les situations comparées ne pourrait influer de manière significative sur l’élément examiné du
point de vue méthodologique, ou que des correctifs raisonnablement fiables peuvent être
pratiqués pour éliminer de telles différences »75. L’approche adopté par l’OCDE consiste à
déterminer cinq facteurs de délimitation de la transaction.

72
principes OCDE, chapitre ii-d.1, §2.45
73
principes OCDE, chapitre ii-c.1, §2.27
74
-xavier daluzeau, stéphane gelin, bruno gibert & arnaud le boulanger, dossier pratique- prix de transfert, Francis Lefebvre 2020, 4e édition,
paris, page 102
75
principes OCDE 2010, 1-d-1-1, § 1.33

21
• Les dispositions contractuelles : on retrouve dans cette catégorie de critères les
questions d’exclusivité, d’obligations respectives des partis (et donc de risques, en
liaison avec l’analyse fonctionnelle), etc ;
• Les fonctions exercées : l’OCDE intitule ce critère « analyse fonctionnelle ». Tel qu’il
a été démontré plus haut, cette terminologie revêt un sens nettement plus large ;
• Les caractéristiques des biens et services : lorsqu’elles existent, les différences peuvent
porter, outre sur leur nature elle-même, sur la qualité de ces biens ou services, sur le fait
qu’ils soient ou non commercialisés sous des marques ayant une certaine valeur, etc ;
• Les circonstances économiques : Il s’agit des critères pouvant porter sur les marchés
(segments spécifiques, types de canaux de commercialisation, zones géographiques),
sur les positionnements concurrentiels, sur les volumes de transactions, etc ;
• Les stratégies d’entreprises : Il s’agit des situations de pénétration de marché, de
recherches de gains de parts de marché, de maintien ou au contraire de reconversion ou
de sortie, etc ;
2) La recherche des comparables

La première source qui puisse venir à l’esprit pour obtenir des informations permettant
d’établir une base de comparaison est le groupe lui-même. Il ne s’agit bien sûr pas des
transactions qui ont cours entre les entités liées du groupe, qui par définition pourront poser la
question de leur conformité avec le principe de pleine concurrence, mais des transactions entre
entité du groupe et des sociétés tierces. Ces sources de comparaison sont appelées
« comparables internes », par opposition aux sources de comparaison dans lesquelles nulle
société du groupe lui-même n’est prenante « les comparables externes ».

a) Les comparables internes

Le comparable interne est souvent le plus adéquat. On peut en effet supposer que ces
transactions comparables sont celles pour lesquelles le contribuable peut disposer de
l’information la plus complète. Pour autant, il n’en va pas toujours ainsi. En effet :

• Pour les transactions qu’il opère avec des tiers, le groupe ne dispose que rarement d’une
information, même succincte ou partielle, sur les marges réalisées par ces tiers dans le
cadre des transactions concernées ;
• De même, le groupe ne dispose dans certains cas que d’une information relativement
partielle sur l’organisation interne de ces tiers, ce qui peut parfois rendre difficile

22
l’analyse de comparabilité en ce qui concerne les fonctions exercées et les risques
assumés.
b) Les comparables externe

L’emploi de comparables internes ne peut que rarement être mis en œuvre avec succès76,
faute de comparabilité suffisante entre les transactions ayant cours au sein du groupe et celles
que le groupe entretien avec les tiers. Souvent même, des candidats potentiels à ce type
d’analyse n’existent simplement pas (les distributeurs achètent l’intégralité de leurs produits au
sein du groupe, les fabricants vendent l’intégralité de leurs produits au sein du groupe, etc.).

C’est pourquoi dans une très large majorité des cas, les analyses économiques qui
viennent étayer, vérifier ou valider une politique de prix de transfert se fondent sur des
comparables externes.

3) Les difficultés liées à l’insuffisance des comparables au Cameroun

En règle générale, l’analyse de la pleine concurrence est de préférence basée sur des
données nationales ou régionales. Il est donc normal, que l’administration fiscale camerounaise
préfère généralement, que les contribuables utilisent des comparables nationaux. Cela semble
légitime et parfaitement compréhensible. Cependant, dans les pays d’Afrique centrale en
général, en particulier le Cameroun, il est souvent impossible de récupérer ces données en raison
de l’absence ou de la rareté d’informations financières (fiables) de sociétés indépendantes y
opérant77. Pourtant, malgré l’absence ou la rareté de comparables nationaux, l’administration
fiscale hésite souvent à accepter des comparables étrangers, en particulier si ces comparables
opèrent dans des pays où les différences économiques sont perçues comme substantielles (par
exemple, les comparables des pays développés utilisés pour benchmarker une entreprise située
dans un pays en développement).

Cela a un certain nombre de conséquences négatives pour les administrations fiscales et


les contribuables. D'une part, les contribuables ne savent pas si les comparables étrangers
peuvent être utilisés de manière fiable et si des ajustements au titre du risque pays sont juste

76
Au-delà de ces difficultés d’accès à l’information, il convient de conserver à l’esprit que rien ne prouve a priori que les transactions pratiquées
par les sociétés du groupe avec les tiers soient, par essence, plus comparables avec celles effectuées au sein du groupe que des transactions
entre sociétés indépendantes. Les produits peuvent ne pas être les mêmes ; les volumes sont assez rarement comparables, or ils peuvent
influencer assez fortement sur les prix ou marges (notamment sur les marges brutes) ; les marchés ne sont pas forcément comparables ; les
contextes économiques ne sont pas forcément les mêmes ; les fonctions ne sont pas forcément les mêmes. Tous les éléments ci-dessus
conduisent en général à une grande prudence dans l’emploi des comparables internes.
77
Au Cameroun, le tissu économique est marqué d’une part par la prédominance des multinationales dans les industries extractives/minières
et dans le secteur tertiaire ; et d’autre part par l’importance socio-économique du secteur informel. Il en découle qu’aucun lien ne peut être
établi entre ces secteurs en termes de comparabilité, pour évaluer les prix de transfert. En effet, les comparables nationaux font défaut, même
pour l'un des plus grands secteurs d'exportation d'une économie africaine dynamique, la transformation du cacao au Cameroun : il n'existe
aucune société camerounaise comparable indépendante dont les informations financières sont disponibles.

23
économiquement et attendus par les administrations fiscales. De leur côté, les administrations
fiscales, rencontrent de grandes difficultés pour contrôler les accords et prix intra-groupe, en
l'absence de données comparables. En pratique, lorsque l’administration n’est pas satisfaite des
comparables qui lui sont présentés, elle rejette purement et simplement les comparables et en
suggèrent d'autres, remet en question certains paramètres de leur application, tels que la base
de coûts ou même choisissent une autre méthode. Il est toutefois à noter qu’à ce jour,
l’administration fiscale camerounaise ne possède pas encore un accès à une base de données
fiable, pouvant lui permettre de justifier un refus total ou partiel de comparables, il a alors lieu
de s’interroger sur quels fondements elle considère, que ces comparables ne sont pas pertinents.
Pourtant il existe peu de recommandations officielles sur le processus de sélection des
comparables au Cameroun, et l’administration ne montre à priori aucune préférence pour les
comparables nationaux ou étranger.

Aussi, la plupart des secteurs d’activité peuvent être qualifié d’oligopole78, il n’y a donc
pas assez d’entreprises à comparer. Ce qui justifie, que la tentation est parfois grande de
comparer la société du groupe visée par l’étude avec ses concurrents directs, notamment pour
les administrations fiscales si elles constatent un écart notable de rentabilité entre la société
vérifiée et ses concurrents. Les contribuables peuvent eux aussi être incités à suivre une même
approche, confortés par la confiance accrue qu’ils peuvent parfois accorder à un panel qui sert
de base de comparaison s’ils « reconnaissent » les sociétés qui les composent. Si cette tendance
est compréhensible, il convient de noter toutefois qu’elle déroge de façon très significative au
principe de pleine concurrence79.

Section 2 : La subjectivité induite par les limites de l’adoption du principe de pleine


concurrence et la complexité de son application au Cameroun
À cette étape, il importe d’identifier à quel niveau du contrôle fiscal des prix de transfert,
se manifeste la subjectivité dont qui le caractérise. Dans un premier temps, il s’agira de porter
une réflexion sur La subjectivité induite par les limites de l’application du principe de pleine
concurrence (paragraphe 1), ensuite l’attention sera portée sur La subjectivité induite par la
complexité de l’application du principe de pleine concurrence au Cameroun (paragraphe 2).

78
défini par le dictionnaire Larousse comme : « un marché dans lequel il n’y a qu’un petit nombre de vendeurs, en principe de grande
dimension, en face d’une multitude d’acheteurs. ex : le marché d’automobiles, des ordinateurs »
79
En effet, dans la plupart des cas, les concurrents d’une société liée sont eux aussi membres d’un groupe. Rien ne permet alors de déterminer
si les marges qu’ils affichent reflètent le jeu du marché libre, ou si, au contraire, elles sont elles-mêmes entachées de distorsions contraires au
principe de pleine concurrence. De ce fait, des panels de comparaison formées de sociétés concurrentes de celle sur laquelle porte l’analyse, si
ces sociétés font elles-mêmes partie de groupes, ne peuvent pas à eux seuls constituer un fondement fiable à une étude économique dans le
domaine des prix de transfert. Certes, la comparabilité des fonctions et des produits put parfois être excellente, mais le principe de pleine
concurrence lui-même n’étant pas vérifié, ce type de comparaison n’a guère de valeur probable en soi.

24
Paragraphe 1 : La subjectivité induite par les limites de l’application du principe de pleine
concurrence
Ces limites peuvent être retrouvés dans les deux éléments servant de base de
comparaison dans l’application du principe de pleine concurrence. D’où l’intérêt de s’intéresser
aussi bien à La subjectivité induite par les limites tenant à la référence aux transactions
comparables libres (A), que sur La subjectivité induite par les limites tenant à la référence aux
entreprises comparables libres (B).

A) La subjectivité induite par les limites tenant à la référence aux transactions


comparables libres

Le marché libre permet, à lui seul, de fournir des éléments d'information en nombre
suffisant, en raison de la multitude de références. Cependant, l'expérience pratique montre qu'il
existe toujours des différences, deux transactions n'étant jamais parfaitement identiques l'une à
l'autre, encore moins quand il s'agit de comparer une transaction ayant lieu dans un groupe avec
une (ou des) transaction(s) entre sociétés indépendantes. Aussi, il est essentiel de déterminer
avec suffisamment de rigueur et une fiabilité satisfaisante, si ces différences ont un impact
sensible sur la marge ou sur le prix de revente sur le marché libre80.

Déjà délicate en matière de biens corporels, la question se révèle encore plus difficile, en
raison de la nature desdits biens, en matière de transfert de biens immatériels. Une série de
remarques peut être faite à ce sujet. En premier lieu, de constater que, si le rapport de l’OCDE
consacre un chapitre spécifique concernant les biens incorporels et leurs caractéristiques en
termes de forme de la transaction, le raisonnement suivi suppose une somme d'informations
susceptibles d'établir un prix de marché81. Or, « à la différence des transferts de biens et de
services qui opposent plusieurs offreurs à de nombreux demandeurs, les opérations relatives
aux droits de propriété industrielle mettent en présence un offreur et des demandeurs en nombre
limité. Un seul offreur car le propriétaire de l'invention ou du signe distinctif détient un bien

80
on ne voit souvent discutées que des différences portant sur des points facilement quantifiables. Un exemple classique porte sur le délai de
règlement des créances : si dans une transaction ce délai est plus long que dans une autre, dans le premier cas le vendeur a rendu à l'acheteur,
outre la prestation de la transaction, un service financier matérialisé par le portage de cette créance pendant un temps plus long, d'où pour le
vendeur un coût financier qu'il est facile de modéliser et par la suite d'ajuster. Mais, on pressent intuitivement que cet ajustement ne peut être
que partiel, car il ne tient compte que des aspects financiers, en négligeant les questions relatives au surcroît de risque qu'a pris le vendeur en
accordant un délai de paiement plus long, pour ne citer que celui-ci. C'est pourquoi, on comprend, sinon on conçoit aisément, que lorsqu'il
existe d'autres différences, plus difficiles à quantifier, les administrations fiscales s'en tiennent souvent soit à les ignorer complètement, soit à
rejeter purement et simplement les transactions en cause comme n'étant pas comparables.
81
principes OCDE, chapitre vi

25
en quelque sorte unique »82. Dans ces conditions, on peut alors légitimement se demander s'il
est encore possible de parler de prix de marché 83?

Cependant, s'il est difficile d'établir un prix de marché, il n'en reste pas moins que les
transferts de droits de propriété industrielle, envisagés globalement, peuvent fournir des
informations utiles84. Mais une question récurrente demeure : en l'absence de prix de marché,
peut-on encore appliquer le principe de pleine concurrence ? Dans le sens d'une réponse
positive, il y a lieu de faire application du concept de l'intervalle de pleine concurrence
combiné avec un certain nombre de méthodes OCDE pour fixer une fourchette de prix dans
laquelle le prix des transactions relatives aux droits de propriété industrielle pourrait «
raisonnablement » se situer en fonction des caractéristiques des biens incorporels.

B) La subjectivité induite par les limites tenant à la référence aux entreprises


comparables libres

Par opposition à des transactions comparables, la pratique s’est tournée vers la recherche de
comparables, qui se limite le plus souvent à une identification d’entreprises comparables. Cette
approche consiste à rechercher dans des bases de données des informations sur des sociétés
indépendantes dont l'activité est comparable à celle de l'une des parties à la transaction
intragroupe85. Par ailleurs, l'activité des sociétés indépendantes, entendue le plus souvent au
sens de fonctions réalisées ou encore de risques assumés, doit être suffisamment comparable à
l'activité de la société du groupe retenue pour l'étude afin de garantir le respect du principe de
pleine concurrence. Conduit avec suffisamment de rigueur, ce type de recherche de
comparables peut produire des résultats satisfaisants.

82
Najib GHARB, le contrôle fiscal des prix de transfert, L’harmattan 2005, Paris, page 151
83
Question qui semble légitime, dans la mesure où le prix de marché suppose, par définition, une évaluation en fonction de la concurrence.
Mais, peut-on considérer que l'établissement du prix d'un transfert de droit de propriété industrielle s'établisse en fonction d'une concurrence
? eu égard à l'unicité attachée généralement au bien incorporel et quand, comme le souligne avec force un auteur, « la valeur d'un brevet, d'un
droit d'auteur, d'un nom commercial, d'un know-how dépend tellement d'éléments subjectifs propres à chaque cas en particulier- et surtout
des espoirs encore plus subjectifs que les parties intéressées fondent sur l'avenir - que la recherche d'une comparaison avec d'autres
transactions analogues n'aboutit pour ainsi dire jamais à une appréciation valable et n'engendre la plupart du temps que la confusion ».
Contrôle pt page 155
84
ainsi, dans le domaine des transferts de connaissances techniques - brevets et know-how - des règles permanentes de redevances se sont
établies. il ne s'agit, en fait, que de « fourchettes » dégagées par une pratique constante pour chaque catégorie d'invention et parfaitement
connues des industriels. il suffit à l'administration fiscale de comparer la redevance qu'elle suspecte avec ces fourchettes pour en déduire le
caractère normal ou anormal. il est évident que la comparaison entre une redevance déterminée et les « fourchettes » de prix, ne peut être qu'une
approximation. au demeurant, cette comparaison est fragilisée par le caractère particulier de chaque convention de transfert de droits de
propriété industrielle. en effet, i1 faut distinguer entre cession et licence, voire entre licence simple, exclusive, totale ou partielle. de même, les
clauses relatives à l'assistance technique promise parallèlement au transfert principal, à 1a communication des perfectionnements éventuels de
l'objet du droit transmis, ont une grande importance et une influence certaine sur le prix. dès lors, une quelconque stipulation particulière va,
en partie, fausser la comparaison, déjà toute relative, avec les « fourchettes » de redevances : voir NAJIB GHARB, le contrôle fiscal des prix
de transfert , harmattan 2005, paris, page 152
85
De sorte que, si l'activité des sociétés indépendantes est suffisamment unique et bien identifiée («pure» dans le jargon économique), et si elle
est suffisamment comparable à celle de la société du groupe étudiée, le raisonnement économique appliqué consiste à considérer que les marges
observables chez ces sociétés indépendantes forment une base de comparaison fiable pour construire ou justifier la politique de prix de transfert,
qui devra viser in fine à accorder une marge similaire à la société du groupe étudiée.

26
En effet, certaines bases de données sont publiques, donc facilement disponibles et
relativement fiables. Aussi, il est possible de construire un argumentaire justifiant que les
données retenues portent bien sur des sociétés tout à la fois indépendantes et suffisamment
comparables avec la société du groupe étudiée. Reste, cependant, une question fondamentale
en filigrane : comment définir le concept d'entreprises comparables qui commande l'application
86
de l'article 19 du CGI ? Même la doctrine administrative ne propose pas une approche
méthodologique aussi affirmée que l'administration fiscale américaine notamment87. Or,
l'approche du droit camerounais est beaucoup moins normative et plus conceptuelle. Ainsi, les
textes les plus récents, qui sont logiquement les plus spécifiques, comme l'article L 19 du LPF,
indiquent seulement que la documentation présentée par l'entreprise doit être appuyée de
justificatifs, qui incluent une analyse de l'entité88.

Aussi, en ce qui concerne les caractéristiques des entreprises comparées, il convient


d'examiner la comparabilité des entreprises au niveau de l'organisation économique. En effet,
l'analyse de comparabilité requiert que l'entreprise associée ait des caractéristiques assez
similaires avec une entreprise indépendante, ce qui suppose que la dimension des entreprises
doive être voisine. Or, l’entreprise associée, présumée participée au transfert de bénéfices, «
fait partie dans tous les cas d'une organisation industrielle interterritoriale qui lui fait bénéficier
des avantages de la « grande taille » et de 1'interterritorialité 89 ». À ce titre, l'entreprise
bénéficie des économies d'échelle tenant à la structure même du groupe auquel elle appartient
en termes de recherche et d'innovation, de volume de production ou encore de coûts directs
décroissants. Ces différents avantages donnent au groupe multinational l'opportunité « de
pratiquer une politique de prix adaptée aux conditions du marché et il trouve dans sa structure
financière des possibilités qui ne sont pas toujours celles d'entreprises isolées ou de dimension
moindre »90. Cet ensemble d'éléments fait que la filiale d'un groupe multinational est
difficilement comparable à des entreprises nationales isolées 91.

86
Question d'autant plus délicate que l’article précité, de même que l'article L 19 du LPF (livre des procédures fiscales), qui vise les obligations
documentaires du contribuable en matière de prix de transfert, ne contiennent que de rares indications susceptibles de conduire la comparaison
des entreprises.
87
En effet, « les praticiens américains disposent des « regulations » qui décrivent l’approche de l'administration sur ces questions. Il est à
souligner que la législation américaine en matière de prix de transfert a cela de particulier que la loi proprement dite n’édicte aucune règle
précise et confie tout pouvoir à l'administration fiscale pour déterminer les règles applicables. Dans ce contexte, les « regulations » sont
essentielles puisqu'elles ont force de loi ». Ces normes administratives, qui ne sont pas très éloignées des principes de l'OCDE, décrivent sur
plusieurs dizaines de pages les étapes à respecter pour obtenir un comparable « optimal ». NAJIB GHARB, le contrôle fiscal des prix de
transfert, harmattan 2005, paris, page 152
88
On remarquera, que cet article cite scrupuleusement les principes de l'OCDE, ce qui autorise à penser que la méthodologie issue de ces
principes serait applicable en l'espèce.
89
JEAN-LOUIS BILON , transferts indirects de bénéfices à l'étranger (régime fiscal),litec, 1981, page 99. Cité par M. El Hadji Dialigué BA,
le droit fiscal à l’épreuve de la mondialisation : la réglementation des prix de transfert au Sénégal, thèse en droit 2011, Université Paris-Est
90
idem
91
« les bénéfices dégagés d'une entreprise à l'autre, alors même que toutes deux exerceraient leur activité sur des marchés parfaitement
comparables, pouvant être fondamentalement différents, et ce, pour des raisons qui n'ont aucun lien avec une volonté quelconque d'éluder

27
Par ailleurs, on conçoit aisément ainsi, « combien est dans son principe absurde la
comparaison des pratiques de prix d'entreprises indépendantes et d'entreprises liées.
L'existence d'un groupe implique, par définition, des politiques différentes y compris en matière
de prix. Comment s'attendre à ce qu'un groupe entreprenne de pénétrer un marché de la même
manière qu'un producteur le ferait avec des distributeurs indépendants ? Les sacrifices
consentis dans le premier cas trouveront leur contrepartie dans les dividendes que pourra
distribuer ultérieurement la filiale de distribution, alors que les profits de distributeurs
indépendants ne profiteront pas par hypothèse au producteur lui-même indépendant » 92.

Paragraphe 2 : La subjectivité induite par la complexité de l’application du principe de


pleine concurrence au Cameroun
L’administration fiscale éprouve beaucoup de difficultés à appréhender la conformité
au principe de pleine concurrence. En pratique, lorsque l'importance de certaines dépenses
engagées ou supportées à l'étranger par les entreprises étrangères ayant une activité permanente
au Cameroun n'apparaît suspect, l'administration a tendance à conclure rapidement à un
transfert indirect de bénéfices, cela peut est partie dû au manque de ressources (A) La
subjectivité induite par les limites tenant à l’insuffisance des ressources, cette situation semble
s’empirer lorsque l’administration doit procéder aux contrôle de certaines transaction (B) La
subjectivité induite par les limites tenant à la complexité de l’analyse des transactions
spécifiques.

A) La subjectivité induite par les limites tenant à l’insuffisance des ressources

Le Cameroun, comme les autres pays de l’espace CEMAC a longtemps attendu avant
de considérer les incidences liées à l’évasion fiscale comme étant un risque majeur l’affectant.
Cela se traduit par l’insuffisance de ressources allouées aux problématiques de prix de transfert
dans l’administration fiscale. La priorité a pendant longtemps été accordé à la mobilisation des
ressources fiscales internes, à l’instar de la lutte contre le secteur informel. De ce fait, bon
nombre des agents de l’administration fiscale camerounaise méconnaissent la fiscalité
internationale93.

l'impôt. La situation financière, la stratégie de développement, la qualité des dirigeants sont autant de facteurs qui s'opposent à des
comparaisons globales». a waal de, « un nouveau régime de contrôle des prix de transfert. new legislation dealing with transfer pricing »,
revue de droit des affaires internationale s, 1996, no 5, p. 670. cité par NAJIB GHARB, « le contrôle fiscal des prix de transfert », harmattan
2005, paris, 156
92
NAJIB GHARB, le contrôle fiscal des prix de transfert, harmattan 2005, paris, page 160
93
Leurs capacités s’en trouvent affectées car ce n’est que très récemment qu’une formation sur la matière n’a été intégré dans leur programme
à l’École Nationale d’Administration et de Magistrature. Il a fallu que, les différents scandales d’évasion fiscales à travers le monde serve
d’éveil de conscience, afin qu’une attention particulière soit accordée aux problématiques de prix de transfert.

28
Toutefois, depuis quelques années, on observe de la part des autorités fiscales un
véritable engagement à vouloir renforcer la réglementation des prix de transfert, mais ce n’est
qu’en 2017, qu’une décision a été pour mettre en place une unité spéciale relevant de la
Direction des Grandes Entreprises (DGE) entièrement dédiée à cet effet, qui est devenue
opérationnelle en 2018. Les principes de l’OCDE utilisé au Cameroun en matière de contrôle
fiscal des prix de transfert peuvent aider à déterminer si des transactions internationales ne
dissimule pas de transfert indirect de bénéfice. Cependant à défaut d’être qualifiée d’arbitraire,
leur application doit se faire sur la base d’éléments objectifs et vérifiables afin de garantir une
sécurité juridique et financière aux contribuables multinationales qui n’usent pas des prix de
transfert dans une optique d’évasion fiscale.

En effet, les couts de conformité liés à la justification des prix de transfert par les
multinationales dans le contexte de l’étude sont particulièrement élevés à cause du manque de
comparables, surtout quand il s’agit des actifs incorporels. Les multinationales sont dès lors
contraintes de supporter des couts de conformité importants afin de justifier la normalité des
prix de transfert pratiqués, en accédant à des bases de données commerciales dont l’accès coute
très cher. Parfois, elles sont les seules à pouvoir y accéder, l’administration se retrouverait ainsi
dans l’incapacité de vérifier la véracité de ces informations94. L’administration fiscale
Camerounaise souffre ainsi de plusieurs limites pour mener à bien sa politique de lutte contre
l’évasion fiscale, qu’il convient de remédier pour réduire les contrôles arbitraires. On peut citer
entre autres les limites :

• D’ordre humain et technique : les autorités fiscales camerounaises manquent de capital


humain maitrisant la matière, il a fallu que le personnel de l’unité spéciale des prix de
transfert suive une formation à l’OCDE en 2015 pour rendre lancer l’unité spéciale en
charge des prix de transfert ;
• D’ordre juridique : il résulte de l’étroitesse du réseau conventionnel, des lacunes des
textes en matière d’échanges de renseignements, l’absence dans le CGI de définition de
l’établissement stable, de l’insuffisance de la réglementation sur les transactions entre
parties associées, sur la répartition des coûts et des dépenses (accords sur le partage des
coûts, etc.) dans les transactions financières, etc. ; et

94
Cependant, cela n’empêche que très souvent des suspicions sans fondements objectifs, conduisent à la vérification des comptes des
établissements stables des groupes multinationaux établis au Cameroun en privilégiant la comparaison de leurs résultats avec ceux d’entreprises
similaires « selon des données dont elles disposent ». Un tel contrôle des prix de transfert comporte un grand risque d’arbitraire non seulement
au Cameroun, mais aussi pour le reste des pays en développement de l’espace CEMAC, qui peut porter atteinte à l’attractivité des
investissements.

29
• D’ordre financier : la mise en place de toute politique fiscale demande une somme à
allouer pour sa mise en œuvre et son suivi ; des moyens financiers pour l’assistance
technique et les réformes. En effet, il est fréquent que les administrations fiscales des
pays en développement se fassent assister par des experts internationaux. Néanmoins,
cela représente un coût notamment financier et humain que l’administration fiscale doit
disposer.
B) La subjectivité induite par les limites tenant à la complexité de l’analyse des transactions
spécifiques
1) La complexité liée à l’analyse des services intragroupes
a) La complexité liée aux contraintes juridiques des services intragroupes

En matière de prix de transfert, les contraintes juridiques du service intragroupe


s’entendent, d’une part, des conditions de validité de ce service, sans lesquelles le service en
cause n’a pas d’existence au regard des prix de transfert, et d’autre part, des conditions relatives
au paiement de ce service.

• Les conditions de validité du service intragroupe


Un service intragroupe n’existe qu’à condition qu’il soit précisément utile à son
bénéficiaire, qu’il réponde clairement à un besoin exprimé95, et corresponde à une bonne
gestion. Les principes directeurs de l’OCDE affirment clairement l’exigence que l’activité
présente, pour un membre du groupe, un intérêt économique ou commercial renforçant sa
position commerciale96. L’OCDE ajoute que l’activité doit être celle pour laquelle une
entreprise indépendante aurait été disposé à payer ou qu’elle aurait exécuter elle-même.
Autrement dit, pour être facturable et ne pas constituer un acte anormal de gestion, le service
rendu doit répondre à un besoin réel de la société bénéficiaire. Les conditions d’utilité et de
bonne gestion excluent les services faisant double emploi avec une prestation déjà réalisée, soit
en interne, soit par une autre entité du groupe, soit encore par une entreprises tierce
indépendante.
• Les conditions relatives au paiement du service intragroupe
➢ Le contrôle de la condition de fond : le respect du principe de pleine concurrence

Le respect du principe de pleine concurrence suppose que le prix du service soit influencé
par les seuls conditions du marché, pour éviter que le prix ne soit dicté par l’intérêt du groupe

95
principes OCDE, chapitre vii-b1, § 7.8
96
principes OCDE, chapitre vii-b1, § 7.6

30
au détriment de l’une des entités et, par ricochet, de son état de résidence97. À cet égard, « les
facteurs à prendre en compte sont notamment la valeur du service pour le bénéficiaire et le
montant qu’une entreprise indépendante comparable aurait été disposé à payer en
rémunération de ce service dans des circonstances comparables, ainsi que les couts pour le
prestataire du service »98. Le respect de ce principe n’exclut pas un paiement à prix coutant
dans la stricte mesure où des entreprises indépendantes auraient, dans les mêmes conditions de
marché, accepté un tel paiement99.

➢ Le contrôle des conditions de forme du paiement du services intragroupe

L’OCDE estime qu’il y a lieu de rechercher la forme qu’aurait prise le paiement si la


transaction avait eu lieu entre entreprises indépendantes opérant dans des conditions de pleine
concurrence100. Dans un objectif de transparence, le paiement opéré en contrepartie de la
prestation doit s’efforcer d’être lisible et individualisé101.

Pour l’OCDE « en général, la méthode de la facturation directe offre un grand intérêt


pratique pour les administrations fiscales, parce qu’elle permet d’identifier précisément la
prestation fournie et la base de calcul du paiement »102. L’OCDE reconnait qu’il existe des cas
dans lesquels la facturation directe est impraticable ou inappropriée, en particulier lorsque les
services fournis aux tiers ne sont qu’occasionnels ou marginaux, ou lorsque la facturation
directe est trop complexe d’utilisation, en présence notamment de services intragroupes
centralisés ou d’un service inclus dans le prix d’un autre prix de transfert103. Dans cette dernière
hypothèse, il est possible d’opérer selon d’autres modes de facturation, comme la mise en place
d’accords reposant sur une facturation directe ou indirecte, le prix du service étant dans ce
dernier cas incorporé dans la facturation d’autres transfert104.

b) La complexité liée aux contraintes économiques des services intragroupes

Les couts inhérents à des services intragroupes centralisés peuvent relever soit d’une
imputation directe lorsqu’il est aisé de déterminer quel cout provient de quel service fourni à

97
Pour vérifier l’adéquation du prix du service rendu avec le prix de pleine concurrence, il convient de vérifier que le prix correspond, plus ou
moins, à ceux pratiqués entre entreprises indépendantes pour des services similaires rendus dans des conditions commerciales similaires. Dans
ce contexte, il convient de se placer du double point de vue du prestataire et du bénéficiaire du service.
98
principes OCDE, chapitre vii-b.2.3 § 7.29
99
Cela suppose que la renonciation au bénéfice immédiat est susceptible de procurer un avantage indirect ou à terme, tel qu’une augmentation
de part de marché sur d’autres biens ou services ou une introduction sur un nouveau marché.
100
principes OCDE, chapitre vuu-b1, § 7.15
101
Dans ce contexte, la préférence doit être donnée à une facturation directe et détaillée du service en cause, permettant de déterminer plus
aisément si le montant exigé est conforme au principe de pleine concurrence.
102
principes OCDE, chapitre vii-b.2.2, § 7.21
103
idem, § 7.27
104
Toutefois, en rendant difficile, voire impossible, la justification que le prix payé correspond à tel ou tel autre service reçu en contrepartie,
la facturation indirecte risque d’aboutir à des redressements fiscaux opérés par l’un ou l’autre des administrations concernées par ledit service.

31
quelle entreprise, soit d’une imputation indirecte La méthode d’imputation indirecte est utilisée
lorsqu’il n’apparait pas possible d’allouer les couts à des utilisateurs clairement identifiés et
permet de repartir ces couts, moyennant une clef adéquate, entre tous les bénéficiaires d’un
service105. Dès lors que l’imputation indirecte ne permet pas de faire de façon certaines le lien
entre le service fourni et les couts qui lui sont inhérents, il devient difficile pour le contribuable
de justifier la pertinence de la déduction des couts.

La rémunération peut être fondée sur le chiffre d’affaires, les effectifs employés ou sur
toute autre base. Par exemple, le recours à des services de rémunération des salariés peut
dépendre davantage des effectifs que du chiffre d’affaires, alors que la répartition des frais
d’assistance pour dépannage d’urgence d’ordinateurs pourra se faire en proportion de dépenses
d’équipement informatique des divers membres du groupe106.

2) La complexité liée à l’analyse des actifs incorporels

Comme il a été démontré précédemment (Partie 1, chap.1, section 2.A), l’utilisation du


principe de pleine concurrence n’est pas une chose aisée à mettre en œuvre lorsqu’il s’agit des
actifs incorporels. Leur unicité fait qu’il peut s’avérer extrêmement difficile sinon impossible,
d’identifier des transactions comparables. Par exemple, la société Google accorde le droit
d’utiliser ses brevets uniquement à ses propres filiales. Le marché n’existe donc pas, et le
principe de pleine concurrence serait à priori ineffectif. Leur importance, qui relève de plusieurs
éléments ne pourrait être reniée : dans une économie fondée sur l’innovation, une grande part
de la valeur des entreprises est attribuées aux actifs incorporels ; ils offrent souvent des
avantages compétitifs et certains types permettent une croissance rapide des entreprises et une
forte profitabilité.

Du fait que ces actifs sont faciles à déplacer au sein d’un groupe, ils peuvent créer des
opportunités de planification fiscale et des défis en matière de prix de transfert. Par conséquent,
les pays en développement comme le Cameroun peuvent faire face à de sérieuses difficultés,
confrontés à cette catégorie d’actifs : la non-reconnaissance des contributions locales à la valeur
incorporelle ; l’attribution de valeurs excessives (autrement appelées bénéfices résiduelles) aux
incorporelles tenues par les groupes multinationaux hors du pays en développement ; la

105
idem, § 7.23
106
xavier daluzeau, stéphane gelin, bruno gibert & arnaud le boulanger, dossier pratique- prix de transfert, Francis Lefebvre 2020, 4e édition,
paris, pag 118 120

32
confusion analytique des incorporels avec les synergies ou caractéristiques des nouveaux
marchés auxquels les entreprises associées locales participent.

Conclusion du chapitre 1

Au terme de ce chapitre, il a été proposé une esquisse des bases de l’analyse économique
qu’il convient de garder à l’esprit lors du contrôle fiscal des prix de transfert, de crainte
d’aboutir à un control arbitraire. Le phénomène relevant avant tout de faits économiques, l’en
détacher reviendrait à faire une analyse fiscale abstraite d’une question à forte connotation
économique. Ce changement de perception n’est pas sans influence sur ledit contrôle, car il est
en soi source de problème, dans la mesure où les outils indispensables pour saisir cette
dimension sans « subjectivité » ne sont pas toujours à la portée de l’administration fiscale
camerounaise. La flexibilité du contrôle fiscal des prix de transfert au Cameroun ayant été
démontré, il convient à présent de d’évaluer l’efficacité de cette dernière dans le (chapitre 2).

33
Chapitre 2 : L’efficacité limitée du contrôle fiscal des prix de transfert au Cameroun :
conséquence de la subjectivité induite par la flexibilité du contrôle
À ce niveau, il sera essentiellement question de démontrer en quoi la normalité des prix
de transfert peut être qualifiée de subjective à travers la (section 1) L’encadrement de la
normalité subjective des prix de transfert, avant d’examiner de près à L’efficacité limitée de la
flexibilité du contrôle fiscal des prix de transfert au Cameroun (section 2).

Section 1 : L’encadrement de la normalité subjective des prix de transfert au Cameroun


L’appréciation de la normalité des prix de transfert n’est pas une chose facile, car même
si le principe de pleine concurrence est admis dans plusieurs législations, son application est
bien loin d’être homogène. À ce titre, la normalité des prix de transfert peut faire l’objet
d’appréciation divergente d’un individu à un autre. Si la normalité subjective des prix de
transfert peut être assumée (paragraphe1) « La normalité subjective des prix de transfert :
l’équilibre entre intérêt social et intérêt du groupe », tout autre est la question de leur validation
(paragraphe 2) « La validation de la normalité subjective des prix de transfert : la justification
de la politique des prix de transfert au Cameroun ».

Paragraphe 1 : La normalité subjective des prix de transfert : l’équilibre entre intérêt


social et intérêt du groupe
Le caractère normal des prix de transfert repose sur un équilibre précaire, entre (A) « La
complémentarité entre intérêt du groupe et intérêt social au cœur de la fixation des prix de
transfert », et (B) « Le caractère impératif de l’existence d’une contrepartie dans les prix de
transfert face à la présomption d’anormalité ».

A) La complémentarité entre intérêt du groupe et intérêt social au cœur de la fixation


des prix de transfert

En général, est contraire à l'intérêt social, tout acte qui fait courir au patrimoine de la société
un risque auquel il ne devait pas être exposé. Une position aussi rigide, si elle assure une
protection indéniable des biens sociaux, est susceptible, néanmoins, de nuire au développement
harmonieux de 1'entreprise107. Aussi, « il convient d’adapter la notion d'intérêt social pour en
donner, une vision dynamique, préface à l'expansion des groupes de sociétés, qui permet de
faire coexister harmonieusement des intérêts individuels - 1'intérêt social de chaque société
composant le groupe, avec un intérêt général - l 'intérêt du groupe »108.

107
Il en résulterait, notamment, une impossibilité de mettre en œuvre une solidarité économique entre les sociétés du groupe.
108
NAJIB GHARB, le contrôle fiscal des prix de transfert, harmattan 2005, paris, page 70

34
Étant en général perçu comme deux faces d’une même réalité, de nombreux auteurs
considèrent qu'intérêt social et intérêt du groupe, loin d'être des concepts conflictuels ou
antinomiques, sont complémentaires. Ainsi que le fait remarquer M. le Professeur Chartier, si
« le raisonnement en la matière part toujours de l'idée qu'une filiale sacrifie ses intérêts et ceux
des personnes qui lui sont liées à ceux de la société mère, il s'agit là d'une vue partielle des
choses qui n'est sans doute pas conforme à la pratique la plus courante »109. Aussi, l'intérêt
social, dans l'acception d'une définition novatrice, tend à prendre en considération la réalité et
les buts du groupe, sans pour autant « oublier » la société, personne juridique de base, qui ne
doit pas disparaître. En effet, celle-ci attend de son intégration au groupe une meilleure
réalisation de ses objectifs. Dès lors, « l’objet social » du groupe ne peut que provisoirement se
substituer à l'objet social des diverses sociétés qui le composent110.

On peut légitimement penser que, c'est sur cette idée de dissociation temporelle qu’au fil du
temps s’est élaboré, ce que l'on a dénommé, la théorie de la contrepartie économique et, à ce
titre, révélatrice d'une référence implicite à l'intérêt du groupe. Ainsi, comme a pu le souligner
M. Le Professeur Roujou de Boubée, dans les rapports internes du groupement, « il n 'y a pas
deux volontés qui se croisent, mais deux ou plusieurs volontés qui suivent la même voie et dans
le même sens » si bien que ces volontés individuelles n'en subsisteront pas moins de manière
autonome. À l'inverse, dans les rapports externes entre le groupement et les tiers, l'effacement
des volontés individuelles devant l'autorité d'un pouvoir « centralisé » au niveau du
groupe, parait une évidence, sous peine de nier la finalité « collective » du groupement de
sociétés111.

B) Le caractère impératif de l’existence d’une contrepartie dans les prix de transfert


face à la présomption d’anormalité

L’application des règles de prix de transfert peut conduire à constater un acte de gestion
anormal. Mais les agissements anormaux des entreprises affiliées ne sont pas systématiquement

109
idem
110
C'est ce à quoi conclut, en d'autres termes, M. Hannoun lorsqu'il écrit que « la dissociation de la notion d'intérêt en deux autres notions,
l'intérêt immédiat et l 'intérêt futur, permet de dissoudre l'antinomie et d'affirmer : si la société commet un acte contraire à son intérêt social
dans l'intérêt du groupe, elle poursuit néanmoins un intérêt propre dans la mesure où elle peut raisonnablement attendre une contrepartie
future en sa qualité de société apparentée. La contradiction de l'autonomie formelle des sociétés et de leur unité économique est en définitive
levée grâce à une dissociation temporelle de la notion d'intérêt social » NAJIB GHARB, « le contrôle fiscal des prix de transfert », harmattan
2005, paris, pag 80.
111
Résumant parfaitement cette, « ambiguïté », Michel Vanhaecke écrit : « Le groupe de sociétés est analogue en fait, à une entreprise unique,
à 1 'égard de la direction tout au moins. L 'entreprise unique comporte une union de droit et de fait de tous les services qu’elle comprend. Les
sociétés groupées par une participation de contrôle forment également, en fait un organisme unifié sous l'autorité d'une seule direction, mais
ce lien, quelle que soit sa force, laisse subsister une division de droit puisqu'il consacre 1'existence de deux ou plusieurs sociétés juridiquement
distinctes. La différence existant dans l'ordre économique entre l'entreprise unique et les entreprises groupées par une société de contrôle,
correspond assez exactement à celle qui sépare dans l'ordre politique l'État unitaire de l'État fédéral » idem, pag 83.

35
sanctionnés112. Il arrive en effet que la société qui a effectué une transaction dans l’intérêt du
groupe soit en mesure de prouver qu’elle aussi a retiré de l’opération une contrepartie directe
ou y avait un intérêt indirect.

1) La contrepartie directe

Le sacrifice consenti par une entité à l’avantage du groupe peut se justifier valablement par
une contrepartie économique directement tirée de la transaction ; auquel cas, la libéralité
supposée ne serait qu’apparente. En effet, dès lors que l’entreprise qui a consenti un avantage
a retiré de la transaction une contrepartie directe et suffisante, l’opération est donc regardée
comme normale113. L’intérêt direct qu’une société apparentée peut retirer à l’occasion d’une
transaction transfrontière, en contrepartie de l’avantage consenti au profit d’une autre entité du
groupe peut consister en des recettes engrangées114.

En matière d’aides également, l’entreprise apparentée ayant consenti un avantage pour le


compte du groupe peut justifier qu’elle n’a pas procédé à un transfert indirect de bénéfices. Il
arrive souvent, lorsqu’une filiale bat de l’aile, que dans certains milieux on presse la société
mère d’accomplir son « devoir d’actionnaire ». En réalité, « il s’agit là d’un précepte moral. Il
est fréquent qu’une société laisse sa filiale déposer le bilan et invoque au passage la limitation
de la responsabilité dont elle bénéficie. À l’inverse, il lui est permis malgré le principe
d’indépendance des sociétés composant le groupe d’aider sa filiale qui est dans le besoin si tel
est son intérêt bien compris »115.

2) La contrepartie indirecte

112
La poursuite de l’intérêt supérieur du groupe ne signifie pas une renonciation à l’intérêt individuel. Il arrive en effet que la société qui a
effectué une transaction dans l’intérêt du groupe soit en mesure de prouver qu’elle aussi a retiré de l’opération une contrepartie directe ou y
avait un intérêt indirect.
113
La normalité des avantages consentis est fonction de la qualification de la transaction et de son utilité respective pour chaque partie. « Une
systématisation doctrinale a permis de dégager deux faisceaux d’indices pour apprécier l’existence ou l’absence de contrepartie. Le premier
se rapporte à la matérialité des liens existant entre la société créancière et la société débitrice. Ces liens concernent la nature des relations
commerciales, le maintien de débouchés et la préservation des sources d’approvisionnement ou la situation financière. Le second s’attache à
la recherche du but poursuivi par les parties, par exemple : la morale des affaires, les nécessités du commerce international, la motivation
particulière des parties ou le degré de parenté inter-sociétés » m. EL HADJI dialigué ba, le droit fiscal à l’épre uve de la mondialisation : la
réglementation des prix de transfert au Sénégal, thèse de doctorat, université paris-est, 2011, page 122.
114
Ainsi en a-t-il été jugé par le Conseil d’État français : « considérant que, pour combattre la présomption de transfert de bénéfices résultant
de l’article 57 du CGI, la société requérante fait, notamment valoir que les pertes de recettes qu’elle a subies du fait de l’avantage consenti à
sa filiale britannique sont à rapprocher des avantages retirés de l’action de la filiale, qui s’est traduite par un accroissement important des
recettes à l’exportation vers la Grande-Bretagne…, qu’eu égard à ces circonstances… la société X doit être regardée comme apportant ainsi
la preuve que la libéralité apparente consentie par elle entre dans le cadre de la gestion normale d’une entreprise qui, pour développer ses
exportations sur un marché, s’appuie sur les services d’une filiale à laquelle elle accorde, à titre temporaire et remboursable, une aide
financière lui permettant de commencer à fonctionner » idem page123.
115
idem

36
L’entreprise du groupe qui a consenti un sacrifice sous le couvert des prix de transfert
peut également justifier que les opérations suspectées sont valablement effectuées en avançant
non pas une contrepartie directe mais un simple intérêt indirect.

En effet, comme il a été démontré plus haut, l’intérêt de l’entreprise liée dans une
transaction peut être un intérêt immédiat ou un intérêt futur. Si l’une des composantes du groupe
commet un acte contraire à son intérêt social dans l’intérêt du groupe, on considère qu’elle
poursuit néanmoins un intérêt propre dans la mesure où elle peut raisonnablement attendre une
contrepartie future en sa qualité de société apparentée116. Toutefois, les relations de filiation ne
sont acceptées comme pouvant justifier certaines solidarités qu’à sens unique. Une société mère
sauvegarde en effet ses intérêts quand elle vient au secours d’une filiale en difficulté ; si la
situation financière de celle-ci se redresse, la première en retirera des avantages à la fois
financiers, stratégiques et moraux.

Par contre, les aides des sociétés filiales en direction de la maison mère ne sont pas acceptées
comme pouvant légitimer la violation de ses propres intérêts. En effet, « les sacrifices qu’une
filiale consent au profit de sa mère ou d’une sœur, s’ils peuvent être conformes à une certaine
idée de l’intérêt du groupe, sont par principe considérés comme anormaux sur le plan fiscal.
Ils ne seront jamais compensés par des retombées directes sur le plan financier, faute de
participation dans le capital et faute de vocation aux dividendes ; sauf lorsqu’il s’agit de
relations commerciales unissant les sociétés du groupe »117. Dans ce cas, les aides consenties
par la filiale peuvent être justifiées si elles tendent à sauvegarder ses propres intérêts
commerciaux. Quant à la sauvegarde du renom et de la politique de diversification, il s’agit là
de responsabilités qui pèsent à titre principal sur la société mère.

Paragraphe 2 : La validation de la normalité subjective des prix de transfert : la


justification de la politique des prix de transfert au Cameroun
Les multinationales doivent soumettre leur politique de prix de transfert à l’appréciation
de l’administration fiscale (B) « Les obligations documentaires au regard des prix de transfert
au Cameroun », toutefois leur fixation juridique n’est pas à l’abris de toute subjectivité, (A) «
Les enjeux subjectifs de la fixation du « juste » prix ».

A) Les enjeux subjectifs de la fixation du « juste » prix

116
C’est ainsi « qu’il a été jugé qu’une société apporte la preuve qu’elle n’a pas procédé à un transfert de bénéfices à l’étranger en établissant
que l’avantage qu’elle consentait sur un point à une société située à l’étranger était compensé par un avantage qui lui était consenti sur un
autre point par la société étrangère, alors même que les deux opérations appelées à se compenser n’avaient entre elles aucun lien de causalité
» idem page 127.
117
idem 140

37
La notion de prix semble d’emblée une notion bien connue des juristes. D'une apparente
familiarité, voire simplicité, le prix reste cependant une notion difficile à appréhender qui selon
Jean-Baptiste Racine « ne se laisse pas enfermer dans une définition claire et précise,
incontestée et incontestable ». Il est pourtant essentiel de s'accorder sur une définition du prix
tant cette notion est au cœur des problématiques des prix de transfert. La notion de prix est une
notion complexe parce qu'elle renvoie, en réalité à la notion de valeur, elle-même aussi
essentielle que difficile à appréhender118. Cette référence à la notion de valeur, à l'évidence
source de difficultés, est fondamentale comme le suggère un auteur en écrivant que « si l'étalon
est la monnaie, le prix est l 'expression monétaire de la valeur d'échange d'une unité de bien
ou de service »119. Or, il est possible qu'un prix ne corresponde pas exactement à la valeur de la
marchandise ou du bien qui fait l'objet de la transaction. Mais comment déterminer de manière
très précise le prix d'un bien ou d'un service, dans la mesure où sa valeur réelle peut être
matériellement très difficile à fixer ? Cette question est récurrente dans le domaine des prix de
transfert120.

La question fondamentale est alors de savoir comment les prix doivent être fixés. Le droit
Camerounais retient le principe de la libre fixation 121des prix où chaque vendeur demeure libre
de fixer ses prix au niveau qui lui semble le meilleur. Le principe de liberté des prix doit être
relié avec la conception dominante, de l'économie de marché. L'économie de marché fait
référence au système dans lequel les prix dépendent essentiellement d'une confrontation des
offres et des demandes. Ainsi, il existe un principe tiré de la combinaison de la liberté
contractuelle et de la liberté des prix : le prix est librement déterminé par les parties au contrat.
Autrement dit, le prix est la représentation subjective de la valeur, c'est-à-dire un fait
abandonné à la volonté des parties122. Par extension, le prix est « juste » parce qu'il a fait l'objet
d'un accord de volonté, ou comme l'écrivent des auteurs « chacun étant le meilleur juge de ses
intérêts, le juste prix est celui sur lequel les parties parviennent à s'accorder dès lors que leur
123
consentement a été libre et éclairé ». Il convient cependant de souligner que la notion de «

118
En effet, alors que le prix est une notion juridique, la valeur relève du fait, plus précisément du fait économique
119
NAJIB GHARB, « le contrôle fiscal des prix de transfert », harmattan 2005, paris, page 122
120
En effet, les sociétés liées d'un groupe multinational peuvent s'accorder sur un prix alors que la valeur effective du bien ou du service est
considérée comme tout autre par l'administration fiscale, soit moins élevée ou inversement soit plus élevée. Mais, à défaut de pouvoir se
substituer aux parties pour fixer le prix d'une transaction, l'administration, tout comme le juge de l'impôt, s'intéresse davantage à la manière
dont il est fixé.
121
Ce principe de liberté signifie que lorsque l'acheteur a accepté l'offre de prix qui lui est destinée, le contrat de vente est formé (article 1650
du Code civil)
122
En effet, le prix est l'équivalent voulu par les parties. Selon l'article 1104 du Code civil, un contrat est « cumulatif lorsque chacune des
parties s 'engage à donner ou à faire une chose qui est regardée comme l'équivalent de ce qu'on lui donne, ou de ce qu'on fait pour elle ». La
chose, objet du contrat est « regardée » comme l'équivalent ou est conçue comme tel par les parties.
123
NAJIB GHARB, « le contrôle fiscal des prix de transfert », harmattan 2005, paris, page 122

38
juste » prix n'a aucune existence juridique positive, le prix étant en principe librement fixé par
l'accord du vendeur et de l'acheteur.

Cependant, en matière de prix de transfert, on peut avancer que le droit fiscal s'intéresse à
découvrir un « juste » prix, entendu comme représentant la contrepartie équitable d'un bien ou
d'une prestation correspondant à sa valeur normale, raisonnable124. Cette contrepartie s'entend
d'une équivalence objective entre le bien ou le service et le prix, caractérisée nécessairement
par la valeur réelle de ce bien ou de ce service. Aussi, c'est une valeur « objectivisée » puisque
son contenu est indépendant de l'estimation des parties et mesuré par une nécessaire référence
au marché125. « Le juge de l'impôt serait alors autorisé à sanctionner l'écart manifeste entre le
prix contractuellement fixé et le prix du marché. Pour ce faire, il lui suffit de constater que le
prix s'écarte de manière sensible, évidente du prix de pleine concurrence, prix
fondamentalement objectif tenu pour un prix juste » 126.

Toutefois, refusant de nier systématiquement la spécificité de l'état de groupe,


l’administration fiscale camerounaise est amenée à admettre, voire même à intégrer des
décisions fondées sur la stratégie de groupe dans la fixation des prix de transfert. Cette «
subjectivisation » progressive du prix de pleine concurrence, qui, sans condamner l’efficience
même du marché, suppose que par identité, le juste prix puisse procéder de la seule volonté des
parties. Dès lors, on perçoit que l’attention se déplace, subtilement, de l 'identité du prix à
la normalité du prix, c 'est-à-dire d'une analyse quantitative, objective- le prix fixé est-il celui
de concurrents indépendants ? à une analyse qualitative, subjective - le prix fixé est-il normal
compte tenu des circonstances propres à 1'entreprise et à sa politique ? 127

B) Les obligations documentaires au regard des prix de transfert au Cameroun

En matière de droit, la charge de la preuve doit revenir naturellement à l’administration


fiscale (de manière générale au demandeur). Cependant, sans informations suffisantes,
l’administration ne pourra pas instruire correctement un dossier, il revient donc au contribuable
de justifier ses pratiques en rédigeant une documentation de prix de transfert.

1) Champ d’application

124
Thierry DEBART, sous la direction de Serge GUICHARD, « Lexiques des termes juridiques », Dalloz 2017, 25e édition, Paris
125
Dès lors, on comprend que cette valeur objectivement déterminée doit résulter du jeu de l'offre et de la demande, c'est-à-dire sur la base
d'éléments objectifs échappant à la volonté des parties. Autrement dit, il s'agit du prix du marché, dans la mesure où le marché est concurrentiel.
126
NAJIB GHARB, « le contrôle fiscal des prix de transfert », harmattan 2005, paris, page 124
127
On se retrouve ainsi à apprécier une conduite, mais d'une autre nature que celle à laquelle le principe de pleine concurrence faisait
initialement référence ; il ne s'agit plus de rechercher si les parties à l'opération considérée ont négocié comme des tiers indépendants, mais
plutôt si l'entreprise, qui ne se conforme pas aux prix comparables du marché, a des raisons commerciales ou financières légitimes à faire valoir
pour fonder une politique de prix à première vue anormale ?

39
La production documentaire en matière de prix de transfert répond à trois objectifs
fondamentaux128 :

• Elle permet de s’assurer que les contribuables prennent dûment en considération les
prescriptions relatives aux prix de transfert lorsqu’ils établissent leurs politiques et
définissent les conditions d’application des transactions entre entreprises associées ;
• Elle doit permettre aux administrations fiscales d’obtenir des informations utiles pour
l’évaluation des risques globaux associés à ces opérations ; et
• Elle doit fournir aux administrations fiscales les informations nécessaires à la réalisation
d’une vérification suffisamment approfondie des pratiques en matière de prix de
transfert des entités imposables dans leurs juridictions.

Au Cameroun, on distingue deux types de production documentaire : La production à la


demande et la production spontanée. La question en filigrane ici est de savoir, qui sont les
contribuables qui sont assujettis à chacune des deux.

• La production spontanée (voir articles 18 ter, 19 bis)

Il s’agit ici des contribuables qui sont soumis à l’obligation de soumettre d’office une
justification de leur politique de prix de transfert à l’administration, indépendamment d’une
éventuelle demande d’informations au titre de chaque exercice fiscal. Plus précisément, sont
concernés les contribuables relevant de la DGE, et qui sont sous la dépendance ou qui contrôlent
d’autres entreprises au sens de l’article 19 bis129.

• La production à la demande (voir article L 19 bis)

Il s’agit ici des contribuables, qui ne sont soumis à l’obligation de soumettre une
justification de leur politique de prix de transfert, que sous certaines conditions bien définies.
Plus précisément, sont concernés les contribuables dont le chiffre d’affaires (CA) annuel hors
taxe est égal ou supérieur à un milliard FCFA, et qui sont sous la dépendance ou qui contrôlent
d’autres entreprises au sens de l’article 19 bis.

128
PIERRE-YVES CARASCO, prix de transfert et stratégies d’optimisation fiscale de la firme multinationale, harmattan 2017, paris, page 66
129
l’article 19 bis du cgi stipule : « les liens de dépendance ou de contrôle sont réputés exister entre deux entreprises a) lorsque l'une détient
directement ou par personne interposée 25 %du capital social de l'autre ou y exerce en fait le pouvoir de décision ; ou b) lorsqu'elles sont
placées l'une et l'autre, dans les conditions définies au point a. ci-dessus, sous le contrôle d'une même entreprise ou d’une même personne. »

40
Tableau 1 : Comparaison des types de production documentaire

Production à la demande Production spontanée

Unité de gestion Pas de précision DGE


Délai de production Au début de la vérification générale de Au plus tard le 15 mars
la comptabilité
Seuil du CA 1 000 000 000 FCFA Pas de précision
Lien de dépendance Oui Oui
Langue de production Anglais/Français Anglais/Français
Source : l’auteur, sur la base du CGI

2) Contenu de la documentation

Le contenu de la documentation doit être conforme aux prescriptions de l’article 18 ter


(2), qui prévoit deux niveaux d’information : a) Des informations générales sur le groupe
d'entreprises associées ; et b) Des informations spécifiques concernant l'entreprise déclarante.

L’article L 19 bis (3) du CGI dispose que : « Si la documentation requise n’est pas
remise aux agents de l’administration fiscale ou ne l’est que partiellement à la date du début
de la vérification de comptabilité, l’administration fiscale adresse à l’entreprise concernée une
mise en demeure (…) ». Il en résulte, que cette disposition qui rappelle le contenu visé à l'article
L 18 ter (2), est certainement l’une des dispositions les plus susceptibles de litige. En effet, il
est fort probable qu'un contentieux voit le jour autour de la question de l'appréciation du
caractère suffisant ou non de la documentation produite, sans mentionner les lourdes
conséquences qui pourraient s’en suivre, le cas échéant pour le contribuable. Ainsi, une
documentation pourrait être tenue pour insuffisante lorsque :

• Elle n'apporte pas de réponse à un ou plusieurs des éléments mentionné(s) par l’article
18 ter (2) ;
• Elle n’apporte pas de réponse complète à une partie des éléments mentionnés ;
• Elle fait référence à des principes généraux, dont notamment le respect du principe de
pleine concurrence ou encore le recours aux méthodes de l'OCDE, sans que ces
affirmations ne soient étayées d'aucune justification concrète relative au cas d’espèce.
3) Modalités de remise de la documentation et sanction

Qu’il s’agisse de la production documentaire spontanée ou à la demande, l’article 18 ter


(1), précise qu’elle doit être mise à la disposition de l’administration dans les délais prévus pour
chacun des cas, par voie électronique. À défaut, conformément aux prescriptions de l’article 19
bis (3), lorsque le contribuable ne produit pas la documentation requise, ou que cette dernière
n’est que partielle ; l’administration lui adresse une mise en demeure de la produire ou de la

41
compléter dans un délai de 15 jours, mention faite des documents à compléter attendus ainsi
que des sanctions applicables en cas de défaut de réponse ou de réponse partielle.

En cas de non-respect de cette obligation après mise en demeure, le contribuable encourt


pour chaque exercice vérifié, une amende de 5 % du montant des transactions concernées par
les documents ou compléments qui n'ont pas été mis à disposition de l'administration après mise
en demeure. Le montant de l'amende, qui s’applique par transaction, ne peut être inférieur à
cinquante millions FCFA.

Section 2 : L’efficacité limitée de la flexibilité du contrôle fiscal des prix de transfert au


Cameroun
Une analyse de l’efficacité de la flexibilité du contrôle fiscal des prix de transfert au
Cameroun, renvoi pour ainsi dire directement vers (paragraphe 1) L’efficacité limitée tenant à
la normalité subjective des prix de transfert au Cameroun, et (paragraphe 2) L’efficacité limitée
tenant à la subjectivité liée à l’application du principe de pleine concurrence.

Paragraphe 1 : L’efficacité limitée tenant à la normalité subjective des prix de transfert


au Cameroun
S’intéresser aux effets de la normalité subjective des prix de transfert au Cameroun,
revient à se pencher sur (A) La réduction du risque fiscal lié à la normalité subjective des prix
de transfert par les rescrits fiscaux, ainsi que leur efficacité L’efficacité limitée des rescrits
fiscaux au Cameroun (B).

A) La réduction du risque fiscal lié à la normalité subjective des prix de transfert par les
rescrits fiscaux

Dans un souci de clarification juridique, les administrations fiscales peuvent concéder aux
entreprises ou aux particuliers des rescrits fiscaux, qui comprennent des accords préalables en
matière de prix de transfert (APP), ceci afin de clarifier leur situation fiscale et leur garantir que
les pratiques ayant fait l’objet d’un accord préalable ne seront pas remises en cause
ultérieurement, sous le respect de certaines conditions130. Étant donné que chaque accord est
unique (en partie à cause de leur normalité « subjective »), les exigences concernant les termes
de l'accord sont traitées au cas par cas. Ainsi que l’indique la circulaire
N°0002/MINFI/DGI/LC/L du 11 janvier 2008 « (…) le rescrit a pour vocation à solliciter de

130
Cette procédure constitue un véritable pacte de sécurité proposé par l’administration fiscale aux filiales de multinationales opérant au
Cameroun, sachant que la fixation des prix de transfert est l'objet de fréquentes divergences d'interprétation avec l'administration fiscale, et
donc de redressements, parfois très lourds.

42
l’administration une position formelle qui engage cette dernière à l’égard du seul demandeur
(…) ».

L'un des objectifs essentiels visé par ces accords est de réduire le risque fiscal de double
imposition économique, qui résulterait d'un redressement fiscal opéré dans un État en matière
de prix de transfert. En effet, la sécurité juridique réside notamment dans la possibilité de
connaître de façon certaine le régime fiscal applicable à une opération avant de la réaliser131.
La circulaire précitée, qui a en partie été consacrée à la précision de l’article L 33 bis du LPF
portant sur les rescrits fiscaux vient corroborer cette réalité en ces termes « les investisseurs ont
pour principale récrimination à notre encontre, l’incertitude du régime fiscal qui leur est
applicable. De fait, en dépit de l’existence du CGI et du LPF, l’instabilité des interprétations
que nous avons souvent faites des dispositions fiscales, notamment dans le cadre des contrôles,
n’était pas de nature à rassurer (...) ».

Les administrations fiscales, au Cameroun et à l'étranger, cherchent donc de plus en plus à


régler en amont les difficultés des contribuables à ce niveau. En pratique, l'objectif de l'accord
préalable sur les prix est de réduire ou de résoudre préventivement les difficultés rencontrées
par les entreprises multinationales pour la détermination de leurs prix de transfert. En effet,
source de sécurité juridique et économique, l'accord préalable sur les prix doit permettre
également une meilleure concertation entre l'administration fiscale et le contribuable, dans la
mesure où il ouvre la possibilité de dialoguer dans un contexte plus serein que celui du contrôle
fiscal, et sur des données contemporaines plutôt que des données historiques souvent difficiles
à appréhender. Cela explique, en partie la popularité cette procédure initié par l’OCDE, qui a
été adoptée aujourd'hui par la plupart des États membres et non membre de l’OCDE132. Aussi,
lorsqu'une entreprise a pris la décision d'entamer une procédure d'accord préalable,
l'administration fiscale entend mener à bien des investigations identiques à celles déployées
généralement par les vérificateurs dans le cadre d'un contrôle fiscal classique, c'est-à-dire selon
la procédure contradictoire.

B) L’efficacité limitée des rescrits fiscaux au Cameroun

131
La complexité des opérations, quand il s’agit des prix de transfert, rend ce besoin plus aigu pour les entreprises et notamment les entreprises
étrangères qui viennent exercer leur activité dans un environnement juridique qui n’est pas le leur.
132
Plus précisément, le rescrit fiscal est une procédure non obligatoire, entamée par une multinationale, et qui a pour finalité de permettre à
cette dernière, par la détermination concertée d'une méthode de prix de transfert, de s'assurer auprès de l'Administration fiscale camerounaise
que les prix pratiqués dans ses relations industrielles, commerciales et financières intragroupe n'entrent pas dans les prévisions de transfert
indirect de bénéfices au sens de 1'article 19 (1) du CGI

43
Théoriquement, l'accord préalable sur les prix doit permettre d'éliminer l'incertitude
entourant les prix de transfert en rendant prévisible le régime des transactions
internationales et en évitant, ainsi, le risque de double imposition. Cependant, on ne
manquera pas de noter la prudence de certains auteurs, qui considèrent que les accords
préalables sur les prix de transfert ne constituent « que très rarement des solutions
satisfaisantes pour 1'entreprise et partant, dénoncent l’espoir illusoire d'obtenir une
sécurité fiscale »133. En effet, malgré les avantages escomptés d’une telle procédure pour
les deux parties, plusieurs éléments sont susceptibles d’appuyer cette idée.

Tout d’abord, la coopération des administrations fiscales est nécessaire pour lutter
contre les contribuables de mauvaise foi tirant abusivement parti de la diversité des
systèmes juridiques nationaux. Au contraire, l’absence d’une telle coopération peut rendre
un moyen de lutte contre l’évasion fiscale tel que le rescrit inopérant, si ce n’est susceptible
de contribuer à celle-ci. La circulaire la circulaire N°0002/MINFI/DGI/LC/L du 11 janvier
2008 précédemment citée, n’envisage pas l’intervention d’une autre administration dans la
procédure du rescrit fiscal, mais seulement celle du contribuable concerné. Dans ces
conditions, à moins qu’une attention particulière ne soit accordée à ce problème à travers
l’article 25 (3) des conventions fiscales de l’OCDE, ratifiées par le Cameroun, on doit bien
reconnaître, qu'en théorie, la seule protection efficace contre les risques de double
imposition est l'obtention d'un accord bilatéral. C'est-à-dire faisant intervenir les
administrations fiscales de deux États, voire la conclusion d'un accord multilatéral, c'est-à-
dire impliquant plus de deux autorités compétentes pour les transactions réalisées sur plus
de deux États. Au demeurant, dans la mesure où les accords unilatéraux n'engagent que
l'administration fiscale qui les a octroyés, ils ne protègent donc pas des risques de remise
en cause ultérieure par une administration fiscale étrangère de la ou des méthodes de
détermination des prix de transfert choisies par l'entreprise.

Ensuite, pour les raisons évoquées ils peuvent ainsi être mal utilisés et légitimer de
larges pratiques d’évasion fiscale. C’est la raison pour laquelle leur utilisation doit être
transparente et responsable. Le monde secret du rescrit fiscal accordé aux multinationales
a été révélé au grand public à la suite des révélations Luxleaks en novembre 2014134. Au
Cameroun, il est difficile de se prononcer sur l’opportunité que représente l’utilisation des

133
NAJIB GHARB, le contrôle fiscal des prix de transfert, harmattan 2005, paris, page 368
134
Un professeur de droit a décrit ces rescrits fiscaux de la manière suivante : « c’est comme si vous présentiez votre planification fiscale au
gouvernement, et que vous obteniez sa bénédiction à l’avance », rapport OXFAM, « cinquante nuances d’évasion fiscale au sein de l’union
européenne », rapport global, novembre 2015, page 25.

44
rescrits fiscaux, toutefois certains indicateurs peuvent laisser penser, qu’il reste encore
beaucoup à faire, pour faire de cette procédure une arme efficace contre l’évasion fiscale.
Le secret fiscal qui entoure cette procédure est telle, qu’à ce jour, il n’existe que très peu
d’informations rendues publiques à ce sujet par l’administration. Il a fallu attendre 2016
pour que la DGI commence à publier des informations en ce sens dans ses rapports annuels,
certes minimes, mais assez révélatrice. Le dernier publié par la DGI date de 2018, il ressort
de l’analyse de ces rapports, qu’au cours de ces années (2016,2017 et 2018), la DGI a reçu
et traité respectivement 30, 28 et 20 demandes de rescrits fiscaux de la part des
contribuables. La brièveté de ces chiffres témoigne à elle seul le niveau de secret de cette
procédure, aucune information sur nombre d’APP refusé, le type d’APP (unilatéral /
bilatéral / multilatérale) accordé, les délais moyens de traitement, les nouvelles demandes
d’APP reçues, nombre total de dossier suivis depuis l’adoption en 2008, etc. Le constat est
sans appel : le nombre très faible des rescrits fiscaux au Cameroun, démontre que le rescrit
fiscal n’a pas suscité auprès des multinationale la réaction escomptée par le législateur. Cet
échec du rescrit fiscal peut être expliqué par la crainte de « réveiller l'instinct de
contrôle »135 de l'administration136.

En effet, au titre de la procédure d'accord préalable, l'entreprise doit mettre à la


disposition de l’administration fiscale des documents sans avoir la certitude de finaliser les
négociations par la conclusion d'un accord. Aussi, les entreprises s'inquiètent légitimement
de l’utilisation qui peut éventuellement être faite des informations fournies dans
l'hypothèse, inhérente à toute négociation, de l'absence d'accord. En effet, l'administration
aura alors tous les éléments détaillés pour asseoir son redressement sans avoir à supporter
la charge de la preuve qui lui incombe. Dès lors, le risque est grand que l'administration
fiscale utilise ces informations pour notifier un rehaussement des bases imposables tant il
est vrai que les informations communiquées par l'entreprise, de par leur nature, rendent la
procédure d'accord préalable comparable à un « cheval de Troie »137 fiscal.

135
lire GUILHEM ISSARTEL, « Le Rôle Controversé Des Administrations Fiscales Dans La Lutte Contre L’évasion Fiscale », mémoire
master 2 – business, tax and financial market law, université paris sud, 2016
136
En effet, le contribuable, en soumettant une demande de rescrit fiscal à l’approbation de l’administration, s’expose à un contrôle de
l’administration sur les autres éléments de l’opération. En tout état de cause, il semblerait qu’au Cameroun, le contribuable préfère s’exposer
à un éventuel risque de double imposition plutôt qu’à « l’instinct de contrôle » de l’administration.
137
un cheval de troie est un virus très connu en informatique, qui se présente sous une apparence inoffensive comme un logiciel légitime et
anodin. mais une fois introduit dans le système, se comporte en réalité de façon malveillante et peut engendrer de graves dégâts sur un ordinateur
ou un réseau.

45
Paragraphe 2 : L’efficacité limitée tenant à la subjectivité liée à l’application du
principe de pleine concurrence
S’intéresser aux effets de la normalité subjective liée à l’application du principe de
pleine concurrence au Cameroun, revient à se pencher sur (A) « La fiabilité subjective de la
correction des comparables par les ajustements primaires », ainsi que leur efficacité
« L’efficacité limitée des ajustements de comparables ».

A) La fiabilité subjective de la correction des comparables par les ajustements


primaires

Lorsqu’il existe des différences importantes dans la situation examinée entre les
transactions potentiellement comparables et la transaction contrôlée, il convient
d’envisager si des ajustements raisonnablement fiables peuvent être opérés pour éliminer
l’incidence de telles différences. Ces ajustements sont appelés « ajustements de
comparabilité ». Toutefois, les ajustements de comparabilité peuvent par eux-mêmes,
introduire une complexité supplémentaire et une subjectivité potentielle, par conséquent,
ils ne doivent être pratiqués que s’ils peuvent améliorer la fiabilité des résultats ; « ils ne
doivent donc pas être appliqués automatiquement sans tenir compte des faits et
circonstances » 138. Il convient donc d’examiner si un ajustement de comparabilité est
susceptible d’améliorer la fiabilité de la comparaison ou si les résultats non ajustés (même
imparfaits) offrent une fiabilité supérieure.

Il n’existe pas de méthode universellement admise pour pratiquer des ajustements de


comparabilité ni de consensus entre les administrations fiscales à propos de la fiabilité des
différents ajustements de comparabilité. Toutefois, les ajustements de comparabilité les
plus courants sont cependant les suivants :

- Ajustements du fonds de roulement139

Les ajustements de comparabilité les plus courants sont les ajustements du fonds de
roulement. Les ajustements du fonds de roulement sont généralement pratiqués lorsque la
méthode transactionnelle de la marge nette (MTMN) est appliquée, même s’ils peuvent
être également pertinents avec les méthodes du coût majoré ou du prix de revente. Ils
tiennent compte du fait qu’il existe un coût d’opportunité et un coût financier notionnel liés

138
principes OCDE, chapitre iii a.6.2, § 3.49
plateforme de collaboration sur les question fiscale, document de consultation « manuel pratique de résolution des difficultés d’accès à des
139

données comparables pour les analyses de prix de transfert », avril 2016 page 113

46
à la détention du fonds de roulement, représentés par le montant net de trois postes du bilan
(comptes clients, comptes fournisseurs et stocks), dont il ne serait pas tenu compte par
ailleurs dans une évaluation de la rentabilité à partir du compte de résultat. L’ajustement
du fonds de roulement adapte l’indicateur de bénéfice en conséquence.

- Ajustements au titre de différences comptables140

Malgré l’utilisation par les pays de normes comptables qui tendent vers les normes
internationales, telles que les normes IFRS, il existe encore des différences comptables
entre les pays et les différents secteurs ou même entre diverses entités du même secteur. Il
est donc important d’examiner si ces différences peuvent avoir un impact important sur la
fiabilité des comparables. Dans la pratique, des normes et approches comptables différentes
peuvent être adoptées par les entités, ce qui peut avoir une incidence sur les informations
financières déclarées. De manière générale, il existe trois types de différences :

➢ Différences temporelles 141


: par exemple, radiations de stocks, méthodes
différentes de dépréciation ou d’amortissement, amortissement des survaleurs.
➢ Différences permanentes : différences de comptabilisation des revenus et des
charges.
➢ Différences de classification : manière de mesurer et de présenter les coûts (tels
que l’amortissement), les intérêts, les taxes, les risques de change, les éléments
non récurrents et extraordinaires, les charges liées aux options sur actions, les
différences de traitement comptable de postes comme les remises, la
capitalisation de certaines dépenses, la comptabilisation des biens vendus dans
le coût. Classification de certains éléments dans les éléments opérationnels/non
opérationnels lorsque l’indicateur de bénéfice testé est appliqué au niveau du
bénéfice d’exploitation.

Toutefois, Il convient de préciser qu’il existe d’autres types d’ajustement de


comparabilité. Sans prétendre à une liste exhaustive des ajustements de comparabilité, on
peut citer entre autres : Ajustements au titre des caractéristiques physiques, du risque pays,
conditions contractuelles et de paiement, l’ajustement fonctionnel (pour corriger les
différences de fonctions, d’actifs et de risques) etc.

140
idem, page 115
141
par exemple, le prince « dernier entré, premier sorti », par rapport au « premier entré, premier sorti »

47
B) L’efficacité limitée des ajustements de comparables

La nécessité d’ajuster les comparables et l’exigence d’exactitude et de fiabilité sont


soulignées à plusieurs reprises dans les Principes de l’OCDE, tant pour l’application
générale du principe de pleine concurrence que plus spécifiquement dans le cadre de
chaque méthode. Pourtant, la position de l’OCDE ne montre aucune assurance quant au
recours à des ajustements de comparabilité, bien au contraire, pour l’OCDE « l’opportunité
d’effectuer des ajustements de comparabilité (et, dans ce cas, les types d’ajustements à
effectuer) dans chaque cas particulier sont une question de jugement » et « ne sont
nécessaires que s’ils visent à corriger des différences qui ont un effet significatif sur la
comparaison ». En effet, le paragraphe 1.33 des principes de l’OCDE stipule que « être
comparable signifie qu’aucune des différences éventuelles entre les situations comparées
ne pourrait influer de manière significative sur l'élément examiné du point de vue
méthodologique, ou que des ajustements de comparabilité raisonnablement fiables peuvent
être pratiqués pour éliminer l'incidence de telles différences », partant, le paragraphe 3.53
quant à lui dispose que « les seuls ajustements qui devraient être pratiqués sont ceux dont
on attend qu’ils améliorent la comparabilité ». Ainsi, le guide ultime pour juger de
l’opportunité de procéder ou non à des ajustements de comparabilité est marqué par une
combinaison de critères qualitatifs et d’une hésitation palpable, qui se révèle être un
véritable « cauchemar » dans la pratique, aussi bien pour les multinationales que pour les
administrations fiscales142.

En effet, de nombreux pays adoptent une approche très prudente de l’application des
ajustements de comparabilité. Plusieurs pays ont par ailleurs fait état du « paradoxe de
l’ajustement de comparabilité » 143, selon lequel des ajustements minimes ne modifient pas
sensiblement l’intervalle de résultats de pleine concurrence et des ajustements importants
peuvent en réalité masquer des différences fondamentales de comparabilité avec la
transaction contrôlée. Certains pays se sont également demandé « si un ajustement de
comparabilité proposé améliore effectivement la fiabilité de la comparaison ou bien si les
ajustements augmentent la subjectivité d’une analyse » 144. En outre, plusieurs pays se
montrent réticents à pratiquer des ajustements de comparabilité car ils estiment ne pas avoir

142
Par ailleurs, l’OCDE précise que « il convient au préalable de démontrer que l’ajustement proposé améliore la comparabilité (comme pour
tout type d’ajustement) », soit un travail supplémentaire qui met dans une position délicate, ceux qui sont tentés de mettre en œuvre ces
prescriptions de lutte contre le transfert indirect de bénéfice, sans toutefois disposer des moyens adéquats pour mener à bien cette tâche aux
enjeux majeurs.
143
plateforme de collaboration sur les questions fiscales, boîte à outils pour faire face aux difficultés liées au manque de comparables dans les
analyses de prix de transfert, partie ii, 5.2, page 53
144
idem

48
l’expérience ni les connaissances pour les appliquer et comprendre parfaitement leurs
implications145.

Ainsi, au Cameroun, face à l’insuffisance de comparable évoqué plus haut, les


multinationales sont généralement contraintes de faire appel à des comparables étrangers,
afin de justifier leur politique de prix de transfert. Les ajustements du risque pays peuvent
donc revêtir une importance particulière dans ce contexte. Toutefois, les circonstances
propres à ces comparables ainsi sélectionnés, ne sont pas toujours les mêmes que celles des
multinationales implantées au Cameroun, d’où le besoin de recourir à des ajustements de
comparabilité parfois complexe. Cependant, il convient de prendre en considération que la
nécessité d’apporter des ajustements nombreux ou très importants aux principaux facteurs
de comparabilité pourrait indiquer que les transactions des tiers ne sont en fait pas
suffisamment comparables. Procéder à des ajustements du risque pays est affaire de
jugement. Certains pays, comme « l’Australie par exemple, préfèrent renoncer à pratiquer
ces ajustements. La Colombie considère qu’elle n’a pas suffisamment de connaissances
pour déterminer quand et comment appliquer un ajustement du risque pays (et à quels
types de transactions) »146.

Conclusion du chapitre 2

Dans l’ensemble, il ressort de ce chapitre que le contrôle fiscal des prix de transfert
au Cameroun, n’est pas exempte de toute « subjectivité », ce qui est de nature susceptible
de le rendre arbitraire, et de porter atteinte à sa fiabilité. Ceci est en partie dû à la libre
fixation des prix de transfert dans le contexte de l’étude, qui bien qu’encadré par quelques
dispositions légales constitue tout de même une véritable porte d’entrée de la souplesse
dans le système. Dans la seconde partie, il sera question de démontrer, que malgré cette
subjectivité visible, il existe certains éléments de contrôle, moins susceptible d’être qualifié
de « subjectif ».

145
À titre d’illustration, L’Afrique du Sud et l’Australie, mettent davantage l’accent sur l’analyse qualitative que sur l’application d’ajustements
de comparabilité mécaniques.
146
plateforme de collaboration sur les questions fiscales, boîte à outils pour faire face aux difficultés liées au manque de comparables dans les
analyses de prix de transfert, partie ii, 5.5.4, page 64

49
Conclusion première partie
Au terme de cette première partie, il a été mis en exergue les différentes manifestations de la
subjectivité du contrôle fiscal des prix de transfert au Cameroun, leurs sources et leurs conséquences.
Si leur principale conséquence est l’efficacité limité dudit contrôle, leurs sources peut être attribuées
tout aussi bien aux failles de conception du principe de pleine concurrence ainsi que sa complexité, et
qu’aux difficultés liées à son application. Dans la seconde partie de ce travail, il sera question de
démontrer que ces éléments subjectifs coexistent avec certains éléments objectifs.

50
DEUXIÈME PARTIE : LES PALLIATIFS À LA SUBJECTIVITÉ DU CONTRÔLE
FISCAL DES PRIX DE TRANSFERT AU CAMEROUN : ESQUISSE D’UN
CONTRÔLE OPÉRANT

DEUXIÈME PARTIE : LES PALLIATIFS À LA SUBJECTIVITÉ


DU CONTRÔLE FISCAL DES PRIX DE TRANSFERT AU
CAMEROUN : ESQUISSE D’UN CONTRÔLE OPÉRANT

51
Tout compte fait, le contrôle fiscal des prix de transfert au Cameroun présente tout
de même un certain nombre d’éléments objectifs, qu’il serait regrettable de ne pas
mentionner dans ce travail. Il est ainsi proposé une Analyses des éléments objectifs du
contrôle fiscal des prix de transfert au Cameroun (chapitre 1), au bout de laquelle il
importe de mettre en exergue Les perspectives des éléments objectifs du contrôle fiscal des
prix de transfert au Cameroun (chapitre 2).

52
Chapitre 1 : Analyses des éléments objectifs du contrôle fiscal des prix de transfert
au Cameroun
À première vue, la tentation est grande de se limiter à rechercher les éléments
objectifs du contrôle fiscal des prix de transfert dans les dispositions interne encadré par le
CGI, (section 1) Analyse de la réglementation interne encadrant le contrôle fiscal des prix
de transfert au Cameroun. Cependant, à bien regarder les choses, les problématiques
soulevées par les prix de transfert sont de nature à susciter l’intérêt d’au moins deux
souverainetés fiscales, d’où l’intérêt de faire une (section 2) Analyse des recours aux
moyens supranationaux et autres d’évitement et de règlement des conflits engendrés par
les prix de transfert au Cameroun.

Section 1 : Analyse de la réglementation interne encadrant le contrôle fiscal des prix


de transfert au Cameroun
Parler de la réglementation interne des prix de transfert au Cameroun, revient à faire
un exposé sur les différents mécanismes dont dispose l’administration fiscal au plan
national pour appréhender les problématiques soulevées par les prix de transfert
(paragraphe 2) Le dispositif de contrôle fiscal des prix de transfert au Cameroun, mais
avant d’y arriver, il serait opportun de bien assimiler les critères d’identification de
l’anormalité des prix de transfert à travers au Cameroun (paragraphe 1) Le préalable à
l’accusation de l’anormalité des prix de transfert au Cameroun.

Paragraphe 1 : Le préalable à l’accusation de l’anormalité des prix de transfert au


Cameroun
Le débat sur les prix de transfert ne peut être entamé que lorsqu’on a affaire à des
entités liées, il importe donc d’en apporter la preuve (A) La preuve de l’existence de lien,
et de savoir dans chaque cas, à qui incombe cette tache (B) La charge de la preuve.

A) La preuve de l’existence de lien


1) La dépendance juridique
Par dépendance juridique, « il faut entendre une entreprise placée sous le contrôle
d’une autre, lorsque cette dernière possède une part prépondérante du capital de la
première ou la majorité absolue des suffrages susceptibles de s’exprimer dans ses

53
assemblées » 147. Le législateur OHADA subordonne le contrôle d’une société à la
détention effective du pouvoir de décision au sein de celle-ci148. Ainsi, une personne
physique ou morale est présumée détenir le contrôle d’une société lorsqu’elle détient,
directement ou indirectement ou par personne interposée, plus de la moitié des droits de
vote d’une société ou alors lorsqu’elle dispose de plus de la moitié des droits de vote en
vertu d’un accord ou d’accords conclus avec d’autres associés de cette société149.

La dépendance juridique ainsi définie par la seule référence au critère du contrôle


et de la détention de la majorité du capital semble inappropriée dans le cadre de la lutte
contre les transferts indirects de revenus et de bénéfices. « Il paraît convenable de retenir
le critère du lien entre sociétés indépendamment de la question de savoir s’il y a contrôle
ou détention majoritaire du capital, parce que par définition, les prix de transfert sont les
prix des transactions intragroupes qui dérogent aux prix pratiqués sur le marché libre » 150.
En retenant le critère du lien, il y a extension du domaine de définition des prix de transfert
et par conséquent protection plus efficace de la matière imposable. Le législateur
camerounais semble avoir toutefois cerné la nuance, en tenant compte du critère du lien
juridique pour sanctionner les transferts indirects de bénéfices. Ceci est perceptible à
travers l’article 19 bis151. En l’absence de dépendance de droit, il peut y avoir dépendance
de fait dont la preuve doit être rapportée.

2) La dépendance de fait

La dépendance n’est pas qu’une simple relation de droit. Elle est surtout une
situation économique. « La notion de dépendance exprime, non pas seulement une liaison
juridique, mais une relation principalement économique entre des entreprises
juridiquement distinctes mais liées par une certaine subordination dans leur politique
commerciale ou industrielle »152. Le lien de dépendance de fait peut-être contractuel ou
découler des conditions dans lesquelles s'établissent les relations entre deux entreprises. En
général, on considère qu’il y a dépendance de fait si l’entreprise étrangère exerce dans
l’entreprise camerounaise directement ou indirectement un véritable pouvoir de décision,

147
JOSEPH AYANGMA AYANGMA, la pratique du contrôle fiscal des prix de transfert dans l’espace CEMAC, cas du Cameroun, harmattan
2015, paris, page 95
148
art. 174 de l’acte uniforme OHADA relatif au droit des société
149
art. 175 de l’acte uniforme OHADA relatif au droit des société
150
JOSEPH AYANGMA AYANGMA, la pratique du contrôle fiscal des prix de transfert dans l’espace CEMAC, cas du Cameroun,
harmattan 2015, paris, page 95
151
, qui dispose que : « les liens de dépendance ou de contrôle sont réputés exister entre deux entreprises : a. lorsque l'une détient directement
ou par personne interposée 25 %du capital social de l'autre ou y exerce en fait le pouvoir de décision ; ou lorsqu’elles sont placées l'une et
l'autre, dans les conditions définies au point a. ci-dessus, sous le contrôle d'une même entreprise ou d’une même personne ».
152
m. el hadji dialigué ba, « le droit fiscal à l’épre uve de la mondialisation : la réglementation des p rix de transfert au sénégal », thèse de
doctorat, 2011, université paris-est, page 80

54
ou inversement. En tout état de cause, il appartient aux services fiscaux de déterminer dans
chaque cas les éléments constitutifs du lien de fait. « Le lien de dépendance ou de contrôle
de fait peut résulter des clauses du contrat qui unit deux sociétés, de la similitude de raison
sociale et de l’objet social, ou encore du caractère inhabituel de certaines prestations » 153.
Le tout est de savoir si les liens de dépendance de fait sont suffisamment forts pour
permettre à une entreprise de dicter les décisions d’une autre, étant toutefois précisé que
« ni une étroite communauté d’intérêts » ni une « interdépendance économique » ne
suffisent à caractériser l’existence d’un lien de dépendance154 ».

L’administration des impôts peut utiliser plusieurs critères pour démontrer le lien
de fait. Il peut être fait recours à la méthode dite du « faisceau d’indices » 155. Mais il faut
reconnaître que la preuve de la dépendance de fait qui est essentiellement un lien
économique n’est pas évidente à rapporter, tellement les montages sont opaques.

B) La charge de la preuve
1) Le principe

Pour opérer des redressements relatifs aux prix de transfert sur la base de l’article 19
du CGI, l’administration fiscale doit établir l’existence d’un lien de dépendance juridique,
ou de fait entre l’entreprise camerounaise et l’entreprise étrangère, ainsi que le montant de
l’avantage consenti, y compris pour des transferts effectués en direction de pays à fiscalité
privilégié ou considéré comme paradis fiscal au sens de l’article 8 ter du CGI 156. En effet,
outre le lien de dépendance, il appartient à l’administration d’établir l’existence d’un
avantage au profit de l’entreprise étrangère.

Lorsque cette preuve est apportée par l’administration fiscale, il pèse alors sur le
contribuable une présomption de transfert indirect de bénéfices. L’article 19 du CGI permet
de faire peser sur le contribuable une présomption simple d’évasion fiscale à partir du
moment où l’administration a établi le lien de dépendance et le transfert indirect de

153
JOSEPH AYANGMA AYANGMA, la pratique du contrôle fiscal des prix de transfert dans l’espace CEMAC, cas du Cameroun, harmattan
2015, paris, page 98
154
idem
155
par laquelle des indices tels que l’appartenance à un même groupe, l’usage de locaux, de personnels ou de moyens matériels communs
indiquent sur une communauté d’intérêts JOSEPH AYANGMA AYANGMA, « la pratique du contrôle fiscal des prix de transfert dans
l’espace CEMAC, cas du Cameroun », harmattan 2015, paris, page 98
156
au Cameroun, la condition de la dépendance pour établir la présomption de transfert indirect de bénéfices a été a été abrogée par les lois de
finances 2018 et 2020 (codifié à l’article 19, 1er alinéa du cgi), lorsque le transfert s’effectue avec des entreprises situées dans un état étranger
ou dans un territoire situé hors du cameroun à régime fiscal privilégié ou considéré comme paradis fiscal. il suffit alors de prouver l’avantage
anormal.

55
bénéfices157. Une fois que l’administration fiscale a prouvé l’existence d’un lien de
dépendance avec une entreprise étrangère et un transfert injustifié d’un profit, il pèse sur
l’entreprise camerounaise une présomption d’avoir pratiqué des prix de transfert
contrairement au principe de pleine concurrence. En fait, la reconnaissance de l’imposition
est subordonnée à la preuve de sa réalité par l’administration158.

Néanmoins, la preuve par présomption, « qui est assise sur des indices demeure,
toutefois, le moyen le plus usité par l’administration fiscale. Il pèse donc de façon officielle
une présomption de « manipulation frauduleuse » des prix de transfert sur les entreprises
associées au Cameroun. Il ne serait pas exagéré d’admettre que, face au recours
systématique à la présomption, il revient aux entreprises associées de prouver la
conformité de leurs transactions au principe de pleine concurrence »159.

2) L’exception

Il serait inapproprié de penser que le fardeau de la preuve repose essentiellement


sur l’administration fiscale et que le contribuable est un sujet passif. En effet, l’article 1315
du Code civil dispose « Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le payement ou le fait qui a produit
l’exécution de son obligation ». « Rapporter objectivement la preuve de la régularité des
prix de transfert s’inscrit dans la logique du « contradictoire » notamment lorsque la
présomption qui pèse sur l’entreprise associée est simple. Il revient alors à l’entreprise
associée de rapporter le supplément d’informations sollicitées par l’administration fiscale
en vue de démontrer la conformité de ses prix au principe de pleine concurrence »160.

De même, dans le cadre d’une procédure de redressement contradictoire,


l’entreprise associée doit, à la suite des griefs retenus par l’administration, faire parvenir
ses observations161 afin d’éviter des sanctions. La participation active de l’entreprise
associée dans l’administration des preuves lui évite des redressements162, étant entendu

157
La notion de transfert de bénéfices n’est pas définie par la loi mais la liste que donne l’article 19 permet d’en retenir une conception assez
large s’étendant à « tout moyen » qui a pour résultat de diminuer artificiellement le bénéfice imposable au Cameroun et de majorer celui de
l’entreprise étrangère.
158
Mais dans les circonstances de prix de transfert, la preuve est souvent difficile, parfois impossible à établir par l’administration, en
raison du manque d’information dont elle dispose au Cameroun.
159
JOSEPH AYANGMA AYANGMA, la pratique du contrôle fiscal des prix de transfert dans l’espace CEMAC, cas du Cameroun, harmattan
2015, paris, page 101
160
idem, page 103
161
art. l 24 lpf : 1. « à l’issue du contrôle, l’administration adresse au contribuable, une notification de redressement motivée et chiffrée, ou
un avis d’absence de redressement. (…). 3. le contribuable doit faire parvenir ses observations ou faire connaître son acceptation dans un
délai de trente (30) jours à compter de la réception de la notification de redressements, sauf circonstances exceptionnelles dûment motivées »
162
art. l32 LPF « il est fait mention dans la notification de redressement que le contribuable qui fait l’objet d’une taxation d’office conserve le
droit de présenter une réclamation contentieuse devant l’administration conformément aux dispositions des articles l 116 et suivants du présent

56
qu’il lui est généralement demandé de fournir un supplément d’informations et documents
établissant la sincérité des actes posés. La présomption se convertit en mauvaise foi lorsque
le contribuable s’abstient de répondre aux sollicitations de l’administration justifiant ainsi
la taxation d’office, conformément à l’article L 30 du LPF.

Paragraphe 2 : Le dispositif de contrôle fiscal des prix de transfert au Cameroun


La préoccupation essentielle à ce niveau est de savoir, quels sont les particularités
du dispositif, dont dispose l’administration pour procéder au contrôle fiscal des prix de
transfert au Cameroun (B) Le contrôle fiscal des prix de transfert au Cameroun, mais au
préalable, il serait intéressant de savoir comment ce dernier a évolué dans le temps (A)
L’évolution temporelle du contrôle fiscal des prix de transfert au Cameroun.

A) L’évolution temporelle du contrôle fiscal des prix de transfert au Cameroun

La réglementation du contrôle fiscal des prix de transfert au Cameroun a fait l’objet de


plusieurs révisions au cours des deux dernières décennies, et d’autres révisions sont à
prévoir dans un avenir proche. En tout état de cause, cela ne fait pas l’ombre d’un doute,
qu’à l’heure actuelle le législateur camerounais considère le transfert indirect de bénéfices
à l’étranger comme un fléau réel, auquel il convient de faire face avec des moyens
appropriés. Le point tournant dans la lutte contre le transfert indirect de bénéfice à
l’étranger a sans équivoque été l’exercice fiscal 2007163.

Avant la loi de finance 2007, les flux transfrontaliers entre sociétés liées au Cameroun
étaient appréhendés principalement via le système des retenues à la source et la limitation
de leur déductibilité. Il est à préciser que l’article 19 du CGI, faisait déjà mention d’un
dispositif pour lutter contre « les transferts illicites de bénéfices à l’étranger ». Ce dernier
était toutefois inopérant en raison du manque d’organisation du livre des procédures
fiscales sur le sujet. À cet effet, la loi de finance (LF) 2007 est considérée comme le point
tournant en la matière en ce sens où elle matérialise à travers son article L 19 bis, l’adoption
des recommandations de l’OCDE et implicitement du principe de pleine concurrence, afin
de renforcer le dispositif jusqu’à lors inopérant du contrôle fiscal des prix de transfert164.

livre (nouveau, loi de finances depuis la loi de finances pour l’exercice 2014). la charge de la preuve incombe au contribuable qui doit justifier
par tous les moyens que les impositions mises à sa charge sont exagérées ou non fondées ».
163
cette prise de conscience ressort explicitement de la loi de finance 2007 dans les termes suivants : « la fixation du prix de transfert dans les
transactions conclues au sein des entreprises multinationales ne résulte pas nécessairement, comme pour les entreprises indépendantes, des
règles du marché. d’autres considérations internes au groupe peuvent intervenir et influer sur la répartition des résultats imposables entre
pays concernés par les transactions ».
164
Toutefois, la circulaire de la LF 2007 précise : « Ce n’est qu’en l’absence d’explications suffisantes de la part de l’entreprise, notamment
sur les structures, les activités, les choix économiques et fiscaux opérées en la matière, tout ceci au cours d’un débat oral et contradictoire,
que l’application des dispositions de l’article L 19 bis du LPF pourrait être envisagée ». Par conséquent, l’approche de l’administration consiste

57
Cependant, malgré les innovations de la LF 2007 en matière de prix de transfert, les
imprécisions de son article L 19 bis laisse une panoplie de questions susceptibles de porter
atteinte à la sécurité fiscale des entreprises visées par ces dispositions, sans réponse165.
Certaines de ces questions ont trouvé des réponses dans les LF 2012, 2014, 2018 et 2020 166.

B) Le contrôle fiscal des prix de transfert au Cameroun


1) Le contrôle préventif
a) Le contrôle de la « normalité » des rémunérations et de l’identité de leur
bénéficiaire

Bien qu’elles ne soient pas spécifiques au contrôle fiscal des prix de transfert, il est
incontestable, que certaines dispositions du CGI concourent d’une façon préventive à faire
face au transfert indirect de bénéfices, et par ricochet à l’évasion fiscale.

En effet, dans le cadre des transferts indirect de bénéfices, que certaines


multinationales pourraient être tentée de procéder, il est généralement question de vérifier
si les prix des transactions intragroupes n’ont fait l’objet d’aucune « manipulation » à la
hausse ou à la baisse, et de vérifier la véritable identité des ultimes bénéficiaires des
sommes versées. Une analyse de l’article 36 du CGI montre qu’il est question de
déterminer les critères de définition de la notion des revenus considérés comme distribués.
Il ressort de sa lecture, que toute somme transférée indirectement à travers la
« manipulation » des prix seront considérés comme distribution de bénéfices. Et à ce titre,
seront passibles à l’IRCM sans préjudices d’autres sanctions fiscales. Les dispositions
prévues par les articles 45 et suivants du CGI traitent des rémunérations occultes, ainsi que
des sanctions y relatives167. Là encore, le lien avec la problématique du transfert indirect
de bénéfice est évident, car l’une des plus grandes batailles de l’administration à ce sujet
est très souvent de déterminer l’identité réelle des bénéficiaires. Dans le même prisme, les

à retenir à titre principal la méthode d’évaluation directes à partir des éléments de la comptabilité et à titre subsidiaire la méthode d’évaluation
par comparaison avec des entreprises similaires exploitées « normalement ».
165
par exemple, ladite lf ne précise pas clairement et sans ambigüité, quelles sont les entreprises concernées par ces dispositions ? quel
est le contenu de la documentation, que ces derniers doivent produire ? à quelle fréquence faut-il la soumettre ? quelles sont les
conséquences en cas de non-respect des obligations ? quelles entreprises peut être considérée comme comparable ? sous quelle forme
la documentation doit-elle être transmise à l’entreprise ? le délai de réponse de l’entreprise peut-il être prorogé ? etc.
166
Par exemple, la LF 2012 a apporté plus de précisions sur les entreprises concernées à travers son l’article L 19 bis (2) ; la LF 2014 a rendu
annuel, l’obligation de produire une documentation justifiant la politique des prix de transfert par les entreprises précédemment visée à travers
son article 18. La LF 2018 a fait des liens de dépendance une condition non obligatoire pour les transactions impliquant des entreprises situées
dans des paradis fiscaux à travers son article 19. Enfin, la LF 2020 à travers son article 18 ter a apporté des précisions sur le contenu de la
documentation à fournir, a exclu les liens de dépendance comme condition obligatoire pour les entreprises soumises à un régime privilégié à
travers son article 19 (2), a élargi le champ d’application du contrôle fiscal des prix de transfert en fixant un seuil minimum de chiffre d’affaires
à travers son article L 19 bis, et a prévu des sanctions en cas de non-respect des obligations fiscales liées au prix de transfert.
167
les sociétés et autres personnes morales passibles de l’impôt sur les sociétés sont assujetties à l’impôt sur le revenu des personnes physiques
à raison du montant global des sommes que, directement ou par l’entremise d’un tiers, ces sociétés ou personnes morales ont versées au cours
de la période retenue pour l’établissement de l’impôt sur les sociétés à des personnes dont elles ne révèlent pas l’identité

58
dispositions de l’article 101 viennent augmenter les obligations déclaratives des
contribuables168.

b) Le contrôle des rémunérations transfrontalières par la TSR

À première vue, le but poursuivi par le législateur à travers les articles 225 à 228 du
CGI se limiterait à imposer toutes les rémunérations servies aux personnes domiciliées hors
du Cameroun, par des entreprises situées au Cameroun, l’État ou les collectivités
territoriales décentralisées au titre d’opérations de toute nature ou utilisées au Cameroun.

Cependant, à bien considérer les choses, il ressort clairement des dispositions de


l’article 225 du CGI169, que les opérations visées sont de nature susceptible de faire l’objet
d’une « manipulation », lorsqu’elles interviennent entre des entités liées. Somme toute, cet
article vise « (…) d’une manière générale, des sommes versées à l’étranger, en
rémunération des prestations de toute nature fournies ou utilisées au Cameroun » 170.
Ainsi, l’administration veille continuellement à la régularité et la sincérité des
rémunérations versées à l’étranger, qui pourrait être des transferts indirects de bénéfices.
L’une des principales difficultés de l’administration fiscale, réside dans le fait qu’il leur
revient d’analyser la sincérité du rapport entre la prestation et la rémunération, sachant que
la fixation du prix est abandonnée au libre arbitre des parties 171. Il peut arriver que
l’administration fiscale n’admette pas comme déductible tout ou partie des rémunérations
servies à l’étranger et les qualifie de distributions de bénéfices 172.

c) Le contrôle du caractère « exagéré » des rémunérations par les seuils de


déductibilité

En raison de leur simplicité, l’appréhension des transactions intragroupes par des


seuils de déductibilité reste l’un des moyens les plus effectifs au Cameroun. En effet, sa
mise en application ne nécessite pas au préalable une analyse du caractère normal ou
anormal de la transaction. Il consiste simplement, pour un type de transaction donné, de

168
plus précisément, il est question pour l’administration fiscale a ainsi l’opportunité de s’assurer d’une part que les rémunérations versées de
façon générale sont normales, proportionnelles et justifiées et d’autre part que la présence de ce personnel au Cameroun n’était pas motivée
par des besoins de transfert indirect de bénéfices .
169
sans être exhaustif, cet article vise :
- des rémunérations versées pour l’usage ou la concession de l’usage des logiciels, entendus comme applications et programmes informatiques
relatifs à l’exploitation ou au fonctionnement de l’entreprise ;
- de la vente ou de la location de licence d’exploitation de brevets, marques de fabrique, procédés et formules secrètes ;
- des rémunérations pour études, consultations, assistance technique, financière ou comptable ; etc.
170
idem
171
Principes OCDE partie i, chapitre 2, section 1, §2 a
172
l‘article 226 dispose : « le législateur le précise en ces termes « (…) au cas où leur déduction comme charge n’est pas admise, ils sont
considérés comme distributions de bénéfice et suivent le sort de celles-ci sur le plan fiscal ».

59
fixer un pourcentage de déductibilité sur la base de critères objectifs. Ainsi, la partie
excédentaire de la rémunération, est systématiquement considéré comme une distribution
de bénéfices au sens de l’article 36, et est traité comme tel sur le plan fiscal. Au fil du
temps, le législateur camerounais a amélioré ce type de contrôle, afin de tenir compte, des
enjeux majeurs des transactions intragroupes. Concrètement, il encadre les principales
méthodes de transfert indirect de bénéfices, il est généralement admis, que « les
multinationales utilisent quatre méthodes pour manipuler les prix de transferts entre leurs
différentes filiales »173. Ces différents seuils sont prévus par les dispositions de l’article 7,
qui sans porter atteinte au principe de liberté de gestion174, analyse le caractère « normal »
des actes de gestion 175posé par les dirigeants.

2) Le contrôle curatif

Les chefs de redressements relatifs aux prix de transfert sont en plein essor au
Cameroun depuis quelques années176. Il est traditionnellement admis que l'article L19 bis
du CGI fait référence au principe de pleine concurrence et partant, érige le prix de pleine
concurrence comme une norme de juste évaluation des prix de transfert. Mais, jusqu'à une
période récente, cette référence revêtait nécessairement un caractère implicite car la
formulation de la disposition précitée remonte à une époque où le principe de pleine
concurrence, et donc les méthodes subséquentes de détermination du prix de pleine
concurrence de l'OCDE n’avait pas encore été adopté par le Cameroun. Or, à l'origine,
l'article L19 du CGI prévoyait déjà deux procédés de rectification des résultats177. Aussi,
la doctrine semble instituer un ordre de priorité où la procédure de droit commun est celle

173
lire rapport CEPAG 2016, l’optimisation fiscale : arme légale aux mains de multinationales. il ressort de ce rapport, que les principales
méthodes de « manipulation » des prix de transfert sont les suivantes :
- la capitalisation légère : une filiale a (située dans un pays taxant les bénéfices) s’endette lourdement auprès d’une filiale b (située dans un
paradis fiscal). la filiale b réclame alors le paiement d’intérêts à la filiale a, ce qui fait diminuer les bénéfices de celle-ci (avec moins d’impôts
à payer à la clé) ;
- la sur ou sous facturation des ventes de biens et de marchandises : selon les filiales que la maison-mère veut enrichir ou appauvrir de façon
artificielle, les prix d’échange de marchandises ou de services sont gonflés ou, au contraire, diminués. ainsi, des douaniers sont déjà tombé sur
des containers où les voitures transportées coûtaient 1 dollar/pièce, tandis que de simples bics étaient facturés 100 dollars/pièce ;
- la vente de services imaginaires : c’est exactement la même pratique qui vient d’être expliquée à un bémol près : les factures portent sur des
échanges de services (consultance, management) qui sont totalement imaginaires… ; et
- la propriété intellectuelle : si une filiale (située dans un paradis fiscal) détient l’ensemble des droits de propriété intellectuelle (brevets, droits
d’auteur, usage des noms, intitulé de la marque) nécessaires aux activités d’autres filiales, celles-ci devront payer des royalties qui vont les
appauvrir.
174
Principe selon lequel, l’administration n’à pas à s’immiscer dans la gestion interne des entreprises
175
pour une étude exhaustive, voir notamment CHRISTIAN.BUR, l’acte anormal de gestion ou premier risque fiscal de l’entreprise, efe,
1999, paris, pages 486
176
il ressort de nos différents entretiens avec des professionnels avérés ayant de l’expérience en la matière, que certaines pratiques sont
fréquemment remises en cause dans le cadre des procédures de vérification de comptabilité, à savoir :le rejet de l’analyse fonctionnelle ;
la majoration des prix d'achat de biens et services importés ou acquis localement ; la minoration des prix de vente des biens et services
exportés ou vendus localement ; la pratique de taux d'intérêts réduits ou majorés ; la pratique des prix excessifs pour les redevances et
autres rémunérations ; la prise en charge des frais de gestion (management fees) excessifs ou fictifs ; les services intragroupes non
nécessaire à l’exploitation ; et le rejet des comparables choisis.
177
soit à titre principal, directement, par incorporation des bénéfices transférés abusivement hors du Cameroun aux résultats accusés par les
comptabilités, soit à titre subsidiaire et à défaut d'éléments précis pour opérer les redressements, par comparaison avec les produits imposables
des entreprise similaires exploitées normalement

60
d'un redressement calculé sur la base d'éléments précis, méthode d'évaluation directe, et où
la méthode des comparaisons doit être comprise comme une méthode subsidiaire178.

Cependant, dans la pratique cette dissociation parait inopportune notamment à la


lecture de l'article L 19 bis du CGI. En effet, l'évaluation de l'avantage anormal a
nécessairement une incidence sur la rectification du résultat dans la mesure où cette
évaluation revient à déterminer le prix d'une ou de plusieurs transactions et partant, vient
corriger le résultat négativement ou positivement. D'ailleurs, l'article L 19 bis du CGI ne
semble pas lui-même introduire une telle distinction.

Section 2 : Analyse des recours aux moyens supranationaux et autres d’évitement et


de règlement des conflits engendrés par les prix de transfert au Cameroun
Le caractère international propre aux prix de transfert a conduit l’administration à
envisager le recours à des traités/conventions entre nations pour donner plus de garanties
aux investisseurs étrangers implantés au Cameroun(paragraphe 1) Le recours aux
conventions fiscales ratifiées par le Cameroun dans le contrôle fiscal des prix de transfert,
mais cette tâche ne peut que difficilement être accomplie de manière satisfaisante
(paragraphe 2) Le recours aux moyens permettant d’éviter et de régler les conflits
engendrés par les prix de transfert.

Paragraphe 1 : Le recours aux conventions fiscales ratifiées par le Cameroun dans le


contrôle fiscal des prix de transfert
Après avoir réalisé les limites de son dispositif interne, le Cameroun s’est lancé dans
une politique de densification de son réseau de conventions fiscales, à cet effet, il semble
intéressant de s’interroger aussi bien sur (A) La place des conventions fiscales bilatérales
dans le contrôle fiscal des prix de transfert au Cameroun, que sur (B) La place des
conventions fiscales multilatérales dans le contrôle fiscal des prix de transfert au
Cameroun.

A) La place des conventions fiscales bilatérales dans le contrôle fiscal des prix de
transfert au Cameroun

La complexité des prix de transfert place les autorités fiscales dans une situation assez
délicate179. Compte tenu de cette complexité, à côté des dispositions légales internes qui

178
À cet égard, il convient de souligner, que la loi de finance pour l’exercice 2018 précise : « À défaut d’éléments précis pour déterminer les
bénéfices de ces sortes d’entreprises ou pour opérer les redressements prévus par le présent article, les profits imposables sont déterminés par
comparaison avec ceux des entreprises similaires exploitées normalement ». Cela semble dissocié l'évaluation de l'avantage anormal selon les
méthodes issues du principe de pleine concurrence et les méthodes de rectification des résultats.
179
En effet, chacune d’entre elles ne dispose que d’une vue partielle, limitée à l’entreprise qui relève de sa juridiction, pour appréhender
un phénomène aux dimensions planétaires

61
réglementent les prix de transfert, il existe d’autres dispositions, essentiellement dans les
conventions bilatérales liant le Cameroun à d’autres États, visant essentiellement à éliminer
la double imposition. Raison pour laquelle, en matière de prix de transfert, l’examen ne
s’arrête pas aux dispositions du CGI180. En tout état de cause, une convention internationale
contre la double imposition est « un pont entre deux système fiscaux »181, concrètement la
convention se trouve à la fois superposée à une partie du droit interne et juxtaposée à l’autre
partie182.

En droit Camerounais, les traités ou conventions ont une autorité supérieure à celle des
lois à partir de leur ratification et sous réserve de « réciprocité »183, c’est-à-dire de son
application par l’autre état184. Toutefois, bien que leur nature de traité confère aux normes
conventionnelles fiscales une valeur juridique généralement supérieur à celles des lois
fiscales internes ; leur objet opérationnel principal limité à l’élimination de la double
imposition, les maintient dans un rôle secondaire par rapport à celui des dispositifs fiscaux
internes. Il est à noter, que ces stipulations conventionnelles ne sont guère différentes des
dispositions de l’article L 19 bis du CGI. Elles doivent ainsi recevoir la même
interprétation185.

Le Cameroun a entrepris de densifier son réseau de conventions fiscales afin de


renforcer l’attractivité de son territoire pour les investisseurs étrangers. À ce jour, le
Cameroun compte sept conventions fiscales bilatérales applicables. Il s’agit des

180
Car si une convention fiscale a été conclue, il convient de vérifier si ce texte est en vigueur.
181
g. gest, l’imposition des bénéfices des sociétés françaises aux états unis. les rapports entre droit fiscal internet et convention fiscale
internationale, op. cit., p. 19, cité par m. el hadji dialigué ba, « le droit fiscal à l’épreuve de la mondialisation : la réglementation des prix de
transfert au Sénégal », thèse de doctorat, 2011, université paris-est
182
en général, les conventions fiscales n’imposent pas d’impôts. l’impôt relève du droit interne. par conséquent, les conventions fiscales limitent
les impôts imposés par un état. de fait, les conventions fiscales ont surtout tendance à alléger le fardeau fiscal. de même, elles n’octroient aucun
droit d’imposition, contrairement à ce qu’on entend souvent. compte tenu de ce principe fondamental, il est généralement utile, avant
d’appliquer les dispositions d’une convention fiscale, de déterminer si la somme concernée est assujettie à l’impôt national. dans la négative,
il n’est pas utile d’examiner la convention. par exemple, si une convention signée entre le pays a et le pays b prévoit que les intérêts versés par
un résident de l’un des états à un résident de l’autre état sont soumis à une retenue à la source de 15% maximum et si, selon le droit interne du
pays a, les intérêts versés par une société résidante à un créancier indépendant résidant dans le pays b sont non imposables dans le pays a, la
convention ne donne pas au pays a le droit d’imposer une retenue à la source de 15%. lire « introduction aux conventions fiscales » de BRIAN
ARNOLD.
183
la réciprocité est un principe fondamental des conventions fiscales, sans toutefois que le sens de cette notion soit clairement défini. les
dispositions de la quasi-totalité des conventions fiscales bilatérales sont réciproques. par exemple, si l’article 10 (dividendes) prévoit un taux
maximum d’imposition des dividendes versés par une société résidente de l’état de la source à des actionnaires résidant dans l’autre état
contractant, ce taux s’appliquera également aux deux états contractants. cette obligation réciproque s’applique aux deux états, quel que soit
l’importance des flux de dividendes entre ces états; en d’autres termes, l’article 10 (et les autres dispositions distributives du traité) s’applique
de la même manière aux deux états, même lorsque la convention est conclue entre un pays développé et un pays en développement et que les
sociétés résidant dans le pays en développement payent beaucoup plus de dividendes aux actionnaires résidant dans le pays développé que
l’inverse. de même, les dispositions administratives des conventions fiscales (celles qui concernent, par exemple, l’échange de renseignements
et l’assistance en matière de recouvrement des impôts), sont-elles aussi censées être d’application réciproque. lire BRIAN ARNOLD
« introduction aux conventions fiscales »
184
article 45 de la constitution de la république du Cameroun
185
Ainsi, L’insertion des principes de l’OCDE en matière de prix de transfert ou alors la référence à ces principes dans les dispositions
nationales présente des avantages. Elle fait correspondre le dispositif interne aux principes qui figurent dans les traités et le risque fiscal s’en
trouve considérablement réduit. Ce qui offre aux contribuables une plus grande certitude quant aux modalités d’application de ces dispositions.

62
conventions conclues avec la France186, le Canada187, la Suisse188, le Maroc189,
l’Allemagne190, la Tunisie191 et l’Afrique du sud192. Par ailleurs, il est à noter l’existence
d’autres conventions bilatérales, se trouvant actuellement à différent niveau d’évolution.
Parmi lesquels, on peut sans être exhaustif par exemple citer la convention avec les
Emirates Arabes Unis, signée le 13 juillet 2017 à Abu-Dhabi193, une seconde convention
avec la Suisse en négociation depuis le 7 juillet 2018194, la convention avec la République
fédérale du Nigeria (la deuxième phase de négociation s’est tenue le 3 aout 2018 à
Yaoundé)195. En outre, l’un des objectifs subsidiaires reconnus aux conventions fiscales,
est de faciliter la coopération administrative entre les États contractants196.

B) La place des conventions fiscales multilatérales dans le contrôle fiscal des prix de
transfert au Cameroun

Pendant longtemps la convention fiscale CEMAC197 signée par les pays membres de
l’UDEAC (devenue CEMAC)198, a été la seule convention multilatérale à laquelle le
Cameroun était partie. Ceci étant la preuve, que le droit camerounais est fortement marqué
par le droit communautaire, d’autant plus que cette convention vise à créer un cadre fiscal
communautaire harmonisé qui soit favorable à la convergence macro-économique. Tout
comme dans les conventions bilatérales liant le Cameroun à d’autres États, il existe
également dans cette dernière, des stipulations visant à lutter contre la double imposition.
Ainsi que des stipulations visant à faciliter la coopération administrative.

En outre, ladite convention reprend en son article 11199le principe de pleine


concurrence, mais uniquement entre entreprises apparentées établies dans l’Union200. Elle

186
signée le 21 octobre 1976 et entrée en vigueur le 19 juillet 1978. elle a été modifiée par les avenants du 31 mars 1994 et du 28 octobre 1999,
ce dernier étant entré en vigueur le 1er janvier 2003.
187
signée le 26 mai 1982 et entrée en vigueur le 1er janvier 1988
188
signée le 13 janvier 2009 et entrée en vigueur le 23 novembre 2010
189
signée le 7 septembre 2012 et entrée en vigueur le 31 décembre 2014
190
signée le 24 aout 2017 et entrée en vigueur le 6 avril 2018
191
signée le 26 mars 1999 et entrée en vigueur le 1er janvier 2008
192
signée le 15 février 2015 et entrée en vigueur le 13 juillet 2017
193
rapport annuel dgi 2017, page 100
194
rapport annuel dgi 2018, page 94
195
idem page 93
196
Cette coopération administrative a trois principales dimensions, à savoir l’échange de renseignements, l’assistance en matière de
recouvrement des impôts et le règlement des différends.
197
acte n°5/66 udeac-49 du 13 décembre 1966
198
à savoir le Cameroun, le Congo, le Gabon, la Guinée Équatoriale, la République Centrafricaine et le Tchad
199
L’utilité pratique de l’article 11 de la Convention fiscale de CEMAC est cependant incertaine. Dans la réalité, la plupart des entreprises qui
sont au Cameroun, comme dans les autres pays de l’Union sont des filiales non pas d’entreprises de la sous-région, mais d’entreprises
occidentales ou orientales. Il aurait été plus pertinent de viser la relation de dépendance entre une entreprise de l’Union avec une autre entreprise
étrangère, quel que pût être le lieu de son établissement. Limiter la Convention aux entreprises établies dans l’Union contribue fortement à
réduire sa portée juridique et pratique.
200
l’article 11 dispose : 1) lorsqu’une entreprise de l’un des états contractants du fait de sa participation à la gestion ou au capital d’une
entreprise d’un autre état contractant fait ou imposé à cette dernière, dans leurs relations commerciales ou financières, des conditions différentes
de celles qui seraient faites à une tierce entreprise, tous bénéfices qui auraient dû normalement apparaître dans les comptes de l’une des
entreprises, mais qui ont été de la sorte transférés à l’autre entreprise, peuvent être incorporés aux bénéfices imposables de la première

63
est obligatoire dans ses éléments et est directement applicable au Cameroun et dans tous
les États membres201. De même, que les contribuables peuvent s’en prévaloir afin de se
protéger, quand ils estiment être victime d’une double imposition202. La mise en œuvre
pratique de la convention est facilitée par l’acte n°17/65-UDEAC-38 du 14 décembre 1965
adoptant la convention d’assistance mutuelle administrative en matière fiscale et l’acte
n°5/83-UDEAC-108 du 19 décembre 1983 approuvant la liste des renseignements ou
informations à communiquer d’office dans le cadre de l’assistance mutuelle administrative
en matière fiscale entre les États-membres de l’UDEAC.

Par ailleurs, en 2015 les Nations unies ont reconnu que si les conventions fiscales
bilatérales étaient « conçues pour éviter ou pour atténuer les effets de la double imposition
», elles ont finalement « mené, dans de nombreuses circonstances, à une double non-
imposition »203. Afin d’éviter que les entreprises créent des filiales dans certaines
juridictions avec pour unique but de pouvoir profiter d’une convention (phénomène appelé
« treaty shopping »), il était vital que les conventions bilatérales contiennent des
dispositions, qui sanctionne ce genre de comportement. La prise en compte de cette
nouvelle menace par l’OCDE, a conduit à l’élaboration de « la convention multilatérale
pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir
l’érosion de la base d’imposition et le transfert indirect de bénéfices »204 (autrement dit
instrument multilatérale abrégé IM), adopté le 24 novembre 2016 à paris. Elle devient ainsi
la troisième convention multilatérale qui lie le Cameroun à d’autres états205, après la
convention multilatérale de l’OCDE concernant l’assistance administrative mutuelle en
matière fiscale206.

entreprise. 2) une entreprise est considérée comme participant à la gestion ou au capital d’une autre entreprise notamment lorsque les mêmes
personnes participent directement ou indirectement à la gestion ou au capital de chacune de ces deux entreprises.
201
L’administration fiscale camerounaise peut, de ce fait, se baser sur cette disposition pour faire des ajustements en matière de prix de
transfert, indépendamment du Code général des impôts, bien que l’article L 19 bis du CGI ait une portée plus large.
202
l’article 37 dispose : art.37.- 1) tout contribuable qui prouve que les mesures prises par les autorités fiscales des états contractants ont
entraîné pour lui une double imposition en ce qui concerne les impôts visés par la présente convention peut adresser une demande, soit aux
autorités compétentes de l’état sur le territoire duquel il a son domicile fiscal, soit à celles de celui ou des autres états contractants qu’intéresse
la question. si le bien-fondé de cette demande est reconnu, les autorités compétentes desdits états s’entendent pour éviter de façon équitable la
double imposition
203
CNUCED (2015). world investment report reforming international investment governance, p.212:
http://unctad.org/en/publicationslibrary/wir2015_en.pdf
204
l’im est une convention fiscale qui offre des solutions concrètes aux gouvernements pour fermer les brèches dans les règles internationales
actuelles en transposant les mesures développées dans le cadre du projet beps de l’ocde et du g20 dans les conventions fiscales bilatérales. l’im
modifie ainsi l’application de milliers de conventions fiscales bilatérales conclues afin d’éliminer les situations de double imposition. l’im met
également en œuvre les standards minimums adoptés afin prévenir l’utilisation abusive des conventions fiscales et d’améliorer le règlement
des différends tout en garantissant un degré suffisant de souplesse pour ainsi prendre en compte les politiques fiscales spécifiques relatives aux
conventions fiscales.
205
signée le 11 juillet 2017 et entrée en vigueur le 17 décembre 2020
206
signée le 25 juin 2014 et entée en vigueur le 1 octobre 2015

64
Paragraphe 2 : Le recours aux moyens permettant d’éviter et de régler les conflits
engendrés par les prix de transfert
Compte tenu de leur complexité, le nombre de conflits en matière de prix de
transfert au Cameroun est de plus en plus élevé, d’où l’intérêt de l’intervention des
méthodes permettant de faire face à cette situation. Il s’agit principalement de (A) « Le
paradoxe des ajustements de comparabilité secondaires (ou corrélatifs) », et de (B)
« L’émergence des procédures de règlement à l’amiable », qui sont des méthodes reconnus
à l’échelle international dans le domaine. Certains étant plus ou moins efficaces que
d’autres.

A) Le paradoxe des ajustements de comparabilité secondaires (ou corrélatifs)

La procédure d’ajustement secondaire ou corrélatif permet la prise en compte, par l’état


de l’autre entreprise associée concernée par la transaction, d’un redressement sur les prix
de transfert opéré par l’état de la société contrôlée ; c’est un moyen original de suppression
de la double imposition résultant d’une rectification des prix de transfert de l’une des
sociétés du groupe concernée par la transaction207. Il est fondé sur l’article 9.2 du modèle
de convention de l’OCDE, repris par l’article 17, paragraphe 1 de l’IM. Cet article stipule :
« lorsqu’un état contractant inclut dans les bénéfices d’une entreprise de cet état- et impose
en conséquence- des bénéfices sur lesquels une entreprise de l’autre état contractant a été
imposée dans cet état, et que les bénéfices ainsi inclus sont des bénéfices qui auraient été
réalisés par l’entreprise du premier état si les conditions convenues entre des entreprises
indépendantes, l’autre état procède à un ajustement approprié du montant de l’impôt qui y
a été perçu sur ces bénéfices (…) ».

Toutefois, si l'OCDE envisage la procédure d'ajustement corrélatif comme une


technique d’élimination préventive du risque de double imposition au même titre que le
rescrit fiscal, le paragraphe 6 des commentaires de l’OCDE sur l’article 9.2 indique que
« l’état B n’est tenu d’opérer un ajustement des bénéfices de l’entreprise associée que s’il
considère que le redressement opéré dans l’état A est justifié dans son principe et dans son
montant ». En d’autres termes, les états, qui ne sont pas tenus d’accepter l’ajustement
primaire, peuvent accepter ou non unilatéralement un ajustement secondaire compensant
tout ou partie de l’ajustement primaire. Plus précisément, l'ajustement corrélatif n'est pas

207
Les principes directeurs de l’OCDE applicables en matière de prix de transfert définissent l’ajustement corrélatif comme étant « un
ajustement en baisse, effectué par l’administration fiscales de l’autre pays, de l’impôt dû par cette entreprise associée, de sorte que la
réparation des bénéfices entre les deux autorités fiscales est conforme à l’ajustement primaire et qu’il n’y a pas double imposition ».

65
obligatoire, d’ailleurs la plupart « des pays membres de l'OCDE n'admettent pas
l’ajustement compensatoire 208
». Ainsi, en raison des nombreux problèmes posés par la
procédure d’ajustement corrélatif, l'élimination du risque de double imposition reste
souvent théorique et rarement réalisée en pratique.

En effet, au-delà de la question liée au délai de la procédure, non précisé par ailleurs,
ou encore de la question liée aux « énigmatiques » ajustements secondaires rendus
nécessaires par le fait que la plupart des États imposent le bénéfice réintégré selon leur
propre législation ; la principale condition mise à l'application de la procédure rend celle-
ci toute théorique. Cette condition prévoit que l'ajustement corrélatif n'aura lieu que si le
redressement est fondé sur un « prix normal », c'est-à-dire de pleine concurrence, or la
fixation des prix de transfert n’est pas une science exacte. Certes, l'OCDE recommande
plusieurs méthodes pour la détermination du prix de pleine concurrence. Mais, il a été
souligné lors de nos analyses, que dès lors qu'il existe une appréciation différente du
caractère « normal » du prix en raison de l'application de règles méthodologiques propres
à chacun des États en cause et des réalités économiques différentes, il ne peut être procédé
à un ajustement corrélatif et partant, le problème de la double imposition reste entier. Ce
qui explique, du reste, « qu'en pratique, le redressement des prix de transfert fait très
rarement l’objet, ou à tout le moins le nombre de cas est relativement peu élevé
d'ajustement corrélatif »209.

B) L’émergence des procédures de règlement à l’amiable

La procédure amiable est prévue par l’article 25 des conventions conclues par le
Cameroun suivant le modèle de l’OCDE. Cet article s’applique lorsqu’un contribuable
estime qu’une mesure prise par un état est susceptible d’entrainer une imposition non
conforme aux dispositions de la convention210. D'une manière générale, l'objectif de cette
procédure est d'éliminer, par voie d'accord amiable211, les difficultés d'application et
d'interprétation des conventions. En effet, les « conventions prévoient, en principe, le
recours à la procédure amiable dans trois séries de cas : le règlement de la situation de

208
NAJIB GHARB, le contrôle fiscal des prix de transfert, harmattan 2005, paris, p.368
209
idem
210
en pratique, l'ouverture de la procédure est subordonnée à l'intervention préalable d'une mesure administrative qui peut impliquer soit une
imposition immédiate, soit une imposition future suffisamment précise dans son principe pour permettre aux autorités compétentes d'apprécier
le risque d'imposition non conforme à la convention. il peut par exemple s’agir de la notification de redressement en cas de procédure
contradictoire ; de la notification des bases ou éléments d'imposition en cas de procédure d'office ; d'un avis de mise en recouvrement. par
ailleurs, si un contribuable a supporté une retenue à la source, il peut également recourir à la procédure amiable à compter de la date à laquelle
il a eu connaissance que cette retenue a été opérée.
211
Il convient de rappeler, que la procédure amiable n'est pas une procédure juridictionnelle et qu'elle revêt nécessairement un caractère
bilatéral puisqu'elle implique généralement deux administrations fiscales.

66
contribuables faisant l'objet d'une imposition non conforme aux dispositions de la
convention ; la recherche d'une solution aux problèmes relatifs à l'interprétation ou à
l'application de la convention ; la concertation en vue d'éliminer la double imposition dans
les cas non prévues par la convention »212. Son succès en matière de prix de transfert au
Cameroun explique en partie l’inexistence d’une jurisprudence camerounaise en matière
de prix de transfert. Le juge camerounais ne s’est pas prononcé, pour l’heure, sur une
question relative aux prix de transfert, faute de ne pas avoir été saisi. En tout état de cause,
l'initiative de la saisine de l'autorité compétente revient au contribuable. En effet, c'est à
l'intéressé de présenter une demande devant l'autorité compétente 213, en pratique celle de
l'État de résidence ou de nationalité du contribuable, dans le délai de saisine (généralement
précisé dans la convention).

Les différentes conventions fiscales ratifiées par le Cameroun mettent en exergue la


procédure amiable. Ces conventions mettent en évidence le recours à la procédure amiable
comme moyen de résolution des différends fiscaux. L’article 45 de la constitution de la
république du Cameroun précédemment cité, consacre la primauté des traités ratifié par le
Cameroun sur le droit interne sous réserve de réciprocité. Par conséquent, bien que le droit
fiscal interne ne prévoie pas expressément des dispositions y afférentes, les entreprises
associées sont fondées en vertu des conventions fiscales, à initier la procédure amiable.
Toutefois, il faudra que l’entreprise qui demande agisse en vertu d’une convention fiscale
ratifiée par le Cameroun et incluant le recours à la procédure amiable. Aussi, la procédure
amiable peut donc être déclenchée par un contribuable avant que 1'imposition contestée
n'ait été établie. En conséquence, il est permis de considérer que « l'ouverture de la
procédure peut être demandée au cours de la procédure de redressement »214.

L’inconvénient essentiel de la mise en œuvre d’une procédure amiable par le


contribuable résulte du fait, que les états contractants n’ont pas l’obligation d’aboutir à un
accord en vue d’éliminer la double imposition, ils n’ont que l’obligation de s’efforcer de
parvenir à un tel accord : il s’agit d’une obligation de moyen et non de résultat.

212
BERNARD PLAGNET , « la procédure amiable », cité par NAJIB GHARB, le contrôle fiscal des prix de transfert, L’harmattan 2005,
paris, p.418
213
le premier paragraphe de l’article 25 du modèle de convention de l’ocde stipule : lorsqu’une personne estime que les mesures prises par un
état contractant ou par les deux états contractants entraînent ou entraîneront pour elle une imposition non conforme aux dispositions de la
présente convention, elle peut, indépendamment des recours prévus par le droit interne de ces états, soumettre son cas à l’autorité compétente
de l’un ou l’autre état contractant. le cas doit être soumis dans les trois ans qui suivent la première notification de la mesure qui entraîne une
imposition non conforme aux dispositions de la convention
214
NAJIB GHARB, le contrôle fiscal des prix de transfert, harmattan 2005, paris, p.420

67
Conclusion du chapitre 1

En récapitulatif, il importe de tirer de ce chapitre, qu’un contrôle fiscal des prix de


transfert complet ne saurait se limiter aux dispositions du droit fiscal interne. Il convient
de se ressourcer également dans le droit fiscal international, pour mieux appréhender
l’ampleur de la réalité des prix de transfert. Il ressort également de ce chapitre, qu’au
Cameroun, le contrôle fiscal des prix de transfert poursuit une trajectoire dynamique dans
le temps, qui ne cesse l’enrichir. Toutefois, malgré ces éléments objectifs, le contrôle fiscal
des prix de transfert au Cameroun est encore loin d’être optimal, d’où l’intérêt de
s’intéresser, en quoi ce dernier peut-il faire l’objet d’amélioration (le chapitre 3).

68
Chapitre 2 : Perspectives des éléments objectifs du contrôle fiscal des prix de
transfert au Cameroun
Au vu de la présentation des éléments objectifs du contrôle fiscal des prix de
transfert qui a été proposé, il convient à présent d’extrapoler, pour déduire les perspectives
avenirs desdits éléments, afin de voir dans quelles mesures, ce contrôle peut être rendu
davantage plus objectif. À ce titre, deux pistes sont envisageables, faire un examen sur (la
section 1) Le renforcement des capacités de l’administration dans le contrôle fiscal des
prix de transfert, et un autre sur les (section 2) Limites et alternatives du contrôle fiscal des
prix de transfert au Cameroun.

Section 1 : Le renforcement des capacités de l’administration dans le contrôle fiscal


des prix de transfert au Cameroun
À ce niveau, il est essentiellement question de mettre la lumière sur les efforts déjà
entrepris par l’administration, ou qui sont envisageables afin d’améliorer le contrôle fiscal
des prix de transfert au Cameroun. À cet effet, il sera accordé une attention sure (section1)
L’influence international sur le renforcement des capacités de l’administration dans le
contrôle fiscal des prix de transfert, ainsi que sur (section2) La prise en compte du contexte
de l’étude dans le renforcement des capacités de l’administration en matière de contrôle
fiscal des prix de transfert.

Paragraphe 1 : L’influence international sur le renforcement des capacités de


l’administration dans le contrôle fiscal des prix de transfert au Cameroun
En pratique, cette influence peut être perçu dans (A) Les enjeux liés à
l’appropriation des actions du projet BEPS, qu’à cela ne tienne, il importe de souligner
(B) Les limites des réformes du projet BEPS pour le contrôle fiscal des prix de transfert
au Cameroun.

A) Les enjeux liés à l’appropriation des actions du projet BEPS

Le mot BEPS qui signifie en français « Erosion de la base fiscale et transfert de


bénéfices » (en anglais Base Erosion and Profit Shifiting) désigne les pratiques
parfaitement légales que certaines multinationales utilisent afin d’échapper à leurs
responsabilités fiscales. Lancé en 2013, le projet BEPS est une initiative des états du G20,
qui ont mandaté l’OCDE, dans le but de proposer des mesures pour lutter contre les
transferts indirects de bénéfices et autres tours de « passe-passe » de certaines

69
multinationales qui érodent la base d’imposition. Cette initiative concrétisée en 2015 avec
la publication par l’OCDE de son rapport sur les travaux finaux du projet215, est la réponse
à la colère de l’opinion public face aux innombrables scandales fiscaux révélés au grand
jour, impliquant certaines entreprises de renommé mondial. Au terme du projet, ce dernier
a conduit à l’élaboration de 15 plans d’actions conçus pour prévenir certains comportement
non éthique (non illégaux non plus) qu’affichent certaines multinationales ; qui consiste à
adopter les stratégies de planification fiscale agressive pour exploiter les inadéquations et
les lacunes qui existent entre les règles fiscales de différentes juridictions.

Cependant, malgré leur portée mondiale, les résultats finaux du projet BEPS n’ont été
décidé que par les pays membre de l’OCDE, alors que les pays hors OCDE/G20 ont
simplement été consulté à travers le cadre inclusif aux côtés d’autres parties prenantes. Le
Cameroun est l’un des pays africains qui fait partie du cadre inclusif attaché à l’application
des standards minimums de l’OCDE en matière de l’érosion de la base d’imposition et du
transfert de bénéfices. À ce titre, les autorités fiscales suivent et étudient les mesures
proposées par le projet BEPS de l’OCDE et déterminent dans quelles mesures elles peuvent
être implémentées au Cameroun. À ce jour, les plans d’actions du projet BEPS intègrent
progressivement la réglementation camerounaise sur les prix de transfert de la manière
suivante :

Plan d’action BEPS Implémentation au Cameroun


Action 1 : relever les défis fiscaux posés La loi de finance 2020 a apporté des changements majeurs dans l’imposition du e-commerce. En effet le cas de ces entreprises
par l’économie numérique est très particulier car leur activité n’est pas toujours facile à contrôler et la règlementation en vigueur peine à s’adapter au
caractère immatériel des opérations qu’elles réalisent. Le fait que le principe de territorialité qui attribue à un État le droit
d’imposer, selon son droit interne et/ou le droit conventionnel, est ici très difficile à élaborer rend la tâche encore plus complexe.
Action 2 : Neutraliser les effets des Compte tenu de la disponibilité des ressources, Il ne s’agit pas d’une préoccupation prioritaire. Le service des prix de transfert
dispositifs hybrides déjà opérationnel, est chargé d’analyser ce risque.
Action 3 : Concevoir des règles efficaces Il n’y a pas au Cameroun de règles s’appliquant expressément aux sociétés étrangères contrôlées. Les sociétés camerounaises
concernant les sociétés étrangères sont imposées selon le principe de la territorialité. De ce fait, les entreprises qui font du commerce ou des affaires en dehors du
contrôlées territoire national ne sont pas imposées au Cameroun sur leurs profits d’origine étrangère.
Action 4 : Limiter l’érosion de la base Il existe des dispositions relatives à la sous-capitalisation des entreprises, qui est définie comme le cas où l’endettement est
d’imposition due à des déductions supérieur une fois et demie aux fonds propres et quand le financement par l’endettement provient d’actionnaires dont les droits
d’intérêts et autres frais financiers de vote sont supérieurs à 25 % de la société sous-capitalisée. La loi de finances de 2012 interdit de déduire les paiements faits
à des pays considérés comme des paradis fiscaux aux fins de l’impôt sur les sociétés et sur le revenu 216.
Action 5 : Lutter plus efficacement contre La compétition pour l’obtention d’investissements étrangers directs parmi les pays membres de la CEMAC a entraîné un «
les pratiques fiscales dommageables, en nivellement par le bas », les différents gouvernements se faisant concurrence par les incitations fiscales les plus attrayantes aux
prenant en compte la transparence et la yeux des investisseurs étrangers. Pour assurer la coordination fiscale dans la région, il faudra renoncer à ces pratiques
substance dommageables et empêcher les effets externes qui conduisent à ce « nivellement par le bas », et donc à une perte de recettes
pour les pays de la région.

215
Projet OCDE/G20 sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices, Résumés Rapports finaux 2015
216
il existe également au Cameroun un contrôle des changes, qui s’applique aux transferts financiers en dehors de la zone franche (zone
monétaire comprenant la France et certaines de ses anciennes colonies). À ce sujet, la règle 0200/CEMAC/ UMAC/CM de la CEMAC
en date du 29 avril 2000 s’applique à tous les pays membres de la CEMAC.

70
Plan d’action BEPS Implémentation au Cameroun
Action 6 : Empêcher l’utilisation abusive C’est là une préoccupation prioritaire au Cameroun. La principale disposition relative à la lutte contre le chalandage fiscal dans
217
des conventions fiscales les conventions fiscales est celle relative à la « propriété effective ».
Action 7 : Empêcher les mesures visant à Au niveau intérieur, les autorités perçoivent une taxe sur les transferts des filiales dont le taux est fixé à 16,5 %. Toutes les
éviter artificiellement le statut conventions de double imposition signées par le Cameroun utilisent la définition de l’établissement stable qui figure dans le
d’établissement stable Modèle de convention des Nations Unies concernant les doubles impositions.
Actions 8 à 10 : Aligner les prix de Auparavant, ces questions étaient traitées dans la réglementation réprimant l’évasion fiscale, dans la loi de finances de 2007,
transfert calculés sur la création de valeur qui a ensuite été révisé à plusieurs reprises avec les lois de finances 2012, 2014, 2018 et 2020. L’un des problèmes dans la lutte
contre la falsification des prix de transfert est le manque de données comparables, d’après nos entretiens le service de prix de
transfert n’a pas encore un accès à une base de données fiables sur les comparables, faute de moyens. Un examen attentif des
prix de transfert au Cameroun vise en particulier à éliminer les lacunes qui, dans le Code des impôts, résultent de l’insuffisance
de la réglementation sur les transactions entre parties associées218.
Action 11 : Mesurer et suivre les données Les autorités devraient se demander s’il y a là une préoccupation prioritaire. Il leur est recommandé de constituer un comité de
relatives à l’érosion de la base réflexion fiscale chargé d’examiner les mesures nécessaires pour remédier à l’érosion de la base d’imposition et au transfert de
d’imposition et du transfert de bénéfices et bénéfices.
adopter des mesures pour y remédier
Action 12 : Obliger les contribuables à Les dispositions en matière de divulgation devraient être renforcées dans l’esprit des recommandations données au titre de
divulguer leurs activités de planification l’action 12.
fiscale agressive
Action 13 : Réexamen de la Le Cameroun a signé le 25 juin 2014 la Convention de l’OCDE relative à l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale
documentation des prix de transfert et l’a ratifiée le 1er octobre 2015. Cette convention permettra l’échange automatique de rapports pays par pays dans le cadre du
projet BEPS. Le Cameroun devrait adopter une loi autorisant l’établissement de rapports pays par pays s’inspirant des
recommandations données au titre de l’action 13.
Action 14 : Accroître l’efficacité des Le règlement des différends devrait être amélioré dans les conventions de double imposition signées par le Cameroun
mécanismes de règlement des différends
Action 15 : Élaboration d’un instrument Le Cameroun est membre du groupe spécial qui a pris part à l’élaboration de l’instrument multilatéral à travers le cadre inclusif.
multilatéral Il est par la suite signé l’IM, qui est entré en vigueur au Cameroun en 2020.

B) Les limites des réformes du projet BEPS pour le contrôle fiscal des prix de
transfert au Cameroun

L’une des failles majeures du projet BEPS est son caractère trop étroit, voire
discriminatoire. Il semblerait en effet, qu'il se « concentre davantage sur les intérêts des
pays développés, que sur ceux des pays en développement »219. Par exemple, les membres
de l'OCDE s'intéressent de près aux solutions à l'érosion de la base d'imposition et au
transfert de bénéfices dans les secteurs de la haute technologie et les marchés numériques
des biens de consommation, mettant ainsi en lumière les priorités du projet dans son
ensemble220. Alors que les secteurs problématiques essentiels pour le Cameroun incluent
le secteur des services, les télécommunications, les services financiers, les brasseries, agro-
industriel et les industries extractives221, auxquels le plan d’action BEPS prête à peine

217
déclarant l’identité de la personne physique bénéficiant au final des revenus ou de la richesse d'une entreprise, comptes bancaires, fiducies
ou fondations
218
sur le paiement des redevances et sur la répartition des coûts et des dépenses (dépenses de siège social, accords sur le partage des
coûts, versements effectifs, etc.) dans les transactions financières.
219
lire le rapport OXFAM 2014, petit arrangement entre amis, pourquoi la reforme fiscale internationale n’inquiète pas encore les grandes
entreprises ; il présente une vue globale du contexte qui a conduit a la reforme à travers le projet BEPS, et des enjeux majeurs de ce projet
ainsi que le rôle déterminant des pays développés de l’OCDE.
220
À titre d’exemple, il existe un point d'action spécifique (Action 1) entièrement dédié à l’économie numérique.
221
rapport annuel 2018 de la dgi, page 44

71
attention. Le projet BEPS ne comprend aucun groupe de travail pour trouver des solutions
destinées à améliorer la perception des impôts des industries minières et extractives, alors
même que le Cameroun, comme de nombreux pays en développement dépendent fortement
de ces secteurs pour leurs recettes publiques. Ce secteur est souvent considérablement sous-
imposé du fait d'exemptions fiscales ou de pratiques de transfert de bénéfices222.

Aussi, nombre des solutions proposées jusqu'à présent par le projet BEPS sont très
techniques et exigent des administrations législatives pointues et dotées des ressources
appropriées, plaçant les États ayant moins de ressources comme le Cameroun en situation
de désavantage. Par exemple, l’action 6 « empêcher l’utilisation abusive des conventions
fiscales » est presque exclusivement axé sur les clauses anti-abus complexes dans les
conventions fiscales. Celles-ci sont souvent difficiles à faire respecter par les
multinationales, y compris pour les autorités des pays riches223, à plus forte raison pour les
pays en développement tel que le Cameroun. Dans le même prisme, Le reporting pays par
pays (country by country reporting ou CBCR en anglais) visé par l’action 13, longtemps
attendus par les pays en développement, qui est une mesure qui consiste à obliger les
multinationales à déclarer des informations concernant leurs activités (bénéfices, chiffre
d’affaires, nombre d’employés) et les impôts qu’elles payent dans chacun des pays ou
territoires dans lesquels elles sont présentes ; risque de ne pas être bénéfique pour le
Cameroun224.

222
lire PIETRO GUJ, STÉPHANIE MARTIN, BRYAN MAYBEE, FREDERICK CAWOOD, BOUBACAR BOCOUM, NISHANA GOSAIS
ET HUIBREGTSE, guide de référenc pour les fiscalistes « les prix de transfert dans l’industrie minière, avec focalisation sur l’afrique »,
janvier 2017 sous la supervision du groupe de la banque mondiale. ce constat ressort clairement dès l’avant-propos de ce manuel, qui met en
exergue l’ampleur du phénomène ainsi que les enjeux des prix de transfert en afrique dans le secteur minier en particulier
223
lire le rapport oxfam 2014, petit arrangement entre amis, pourquoi la réforme fiscale internationale n’inquiète pas encore les grandes
entreprises ; il présente une vue globale du contexte qui a conduit a la reforme à travers le projet beps, et des enjeux majeurs de ce projet ainsi
que le rôle déterminant des pays développés de l’ocde, page 15
224
En effet le reporting de l’OCDE pose deux problèmes majeurs dans le contexte camerounais :
1)Taille des entreprises : le projet BEPS recommande que seules les entreprises générant un chiffre d’affaires de plus de 750 millions
d’euros (soit plus de 490 milliards) soient soumises à l’obligation de reporting pays par pays. Selon les estimations de l’OCDE elle -
même, cela exclurait 85 à 90% des multinationales. Ce seuil très élevé est particulièrement problématique pour un pays en
développement comme le Cameroun, dans lequel interviennent de nombreuses petites multinationales, qui malgré leur petite taille, ont
souvent d’énormes impacts sur l’économie nationale. projet ocde/g20 sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices,
« documentation des prix de transfert et déclaration pays par pays », action 13 : rapport final 2015, page 10
2) Partage des informations : selon la proposition de l’OCDE, les informations pays par pays doivent être transmises au pays dans lequel
la multinationale a son siège, lequel doit ensuite partager ces informations avec d’autres pays. Mais, comme la plupart des pays en
développement ne sont pas aujourd’hui en capacités de participer aux initiatives d’échange automatique d’information et qu’ils ont
beaucoup de difficultés à se mettre en conformité avec les exigences de confidentialité requises, il est peu probable qu’ils parviennent
un jour à recevoir les reporting pays par pays de cette manière. lire rapport EURODAD, « 50nuances d’évasions fiscales dans l’union
européenne », novembre 2015, page 15 et svt : au milieu de l’année 2014, l’ocde a élaboré une feuille de route dont l’objectif est de
permettre, à terme, d’inclure les pays en développement dans ce système d’échange automatique d’informations bancaires. mais la
question de savoir si les pays en développement pourront faire partie intégrante de ce système d’échange n’est pas réglée car le g20
insiste sur le principe de « réciprocité » : c’est-à-dire que les pays n’échangent des informations avec d’autres pays, que si ces derniers
sont en mesure de leur transmettre également des informations. tout d’abord, il n’est tout simplement pas possible pour les pays en
développement qui ont des capacités limitées de répondre à cette exigence. ensuite, les échanges qui en résulteraient ne seraient pas d’un
grand intérêt pour les pays développés, étant donné que les montants détenus par des individus étrangers dans les comptes bancaires des
pays en développement sont probablement insignifiants.

72
Paragraphe 2 : La prise en compte du contexte de l’étude dans le renforcement des
capacités de l’administration en matière de contrôle fiscal des prix de transfert
Sous cet angle, le renforcement des capacités administratives peut couvrir deux
aspects, ayant une importance primordiale dans le contrôle fiscal des prix de transfert au
Cameroun, à savoir (A) Le renforcement des capacités de l’administration face à
l’insuffisance des comparables locaux, et (B) Le renforcement des normes en matière de
contrôle fiscal des prix de transfert.

A) Le renforcement des capacités de l’administration face à l’insuffisance des


comparables locaux

Le dilemme de l’insuffisance de comparables locaux est un problème qui concerne


aussi bien les multinationales que l’administration fiscale. La dernière, a du mal à contrôler
de manière « objective » la conformité des prix intragroupes au principe de pleine
concurrence, faute de moyen pour avoir accès aux bases de données225. Ce qui augmente
le risque pour une multinationale, d’être victime d’un contrôle subjectif ou arbitraire, sur
la base de simples suspicions de transfert indirect de bénéfices sans fondement objectif. La
prédominance du secteur informel226au Cameroun joue un rôle décisif dans cette
situation227.

Toutefois, l’utilisation des comparables étrangers, bien que non illégale pose
généralement un problème d’ordre factuel. En effet, bien que l’insuffisance des
comparables locaux contraint très souvent au recours des comparables étrangers, la
réticence de l’administration envers ces derniers peut trouver une explication logique. Ils
ne prennent pas toujours en compte les différences entre les circonstances économiques228
locales (par exemple d’un pays en développement) dans lesquelles une entreprise locale,
faisant partie d’un groupe opère, et les circonstances économiques (par exemple, d'un pays
développé) dans lesquelles opèrent des sociétés indépendantes, lorsque ces sociétés
indépendantes sont utilisées comme comparables pour fixer ou tester le prix ou la marge

225
le coût d’une recherche de comparables pouvant varier entre 1 500 euros et 15 000 euros pour chaque type de transaction contrôlée et chaque
année vérifiée. PIERRE-YVES CARASCO, Prix de transfert et stratégies d’optimisation fiscale de la firme multinationale, Harmattan 2017,
Paris, page 58
226
Pour plus de détails sur ce sujet, lire le rapport 2017 de l’institut national de la statistique au Cameroun, portant sur « Recensement général
des entreprises »
227
Les entreprises locales ne pouvant servir de comparables pertinents, car soit appartenant à un groupe, soit à cause de leur petite taille ;
la recherche de comparables conduit donc généralement à la recherche de comparables étrangers.
228
les différences de circonstances économiques peuvent inclure le degré de concurrence, l'exposition au risque politique, les conditions du
marché du crédit (en particulier, le risque de défaillance), l'accès à l'emprunt, le pouvoir d'achat des consommateurs, les différences de
réglementation, les conditions économiques du secteur, le niveau d'inflation, les taux de change, les fluctuations des taux, les différences dans
les conditions de paiement et les autres risques liés aux activités et aux marchés. voir DAMARON, « risque pays : déterminants, mesures et
implication », 2016

73
intragroupe d'une société multinationale locale. En pratique, on note qu’à chaque fois que
des comparables étrangers sont utilisés, l’administration fiscale manifeste une préférence
pour l’utilisation des comparables des pays voisins proches. Cependant, la proximité
géographique à elle seule, ne semble pas être suffisante, pour garantir que les circonstances
économiques dans les deux pays sont identiques229et pour juger de la pertinence des
comparables.

En tout état de cause, le risque pays semble plus pertinent que la proximité
géographique. Après s’être penché sur la question, l’organisation TPED (Transfer Princing
Economists for Devlopment) a commencé à mettre sur pied en 2019 une approche en quatre
étapes230, pouvant permettre de surmonter l’insuffisance des comparables locaux au
Cameroun231. Elle préconise le recours à des comparables étrangers, mais en mettant
davantage l’accent sur le risque pays, que sur la proximité géographique, et en ayant
recours aux ajustements du risques par pays qu’en dernier lieu. Il en ressort la
représentation suivante :

Figure 1 – Cadre proposé par TPED pour la sélection des comparables étrangers

Source : TPED 2019, Prix de Transfert dans les Pays Émergents et en Développement « Un Cadre d'Analyse Économique pour les
Administrations Fiscales et les Multinationales », page 14

En outre, il convient de saluer les nombreux efforts déployés par le Cameroun afin de
créer des synergies avec d’autres pays africains dans le domaine de la fiscalité, il est membre
de plusieurs organismes relatifs à la fiscalité232 et il s’emploie activement à repérer et combler

229
la littérature suggère que les sociétés situées dans des pays plus risqués sont plus rentables que leurs homologues de pays moins risqués, le
facteur de risque (représenté par la note souveraine) peut être utilisé comme critère de comparabilité et facteur de segmentation dans le contexte
de recherches de comparables étrangers. autrement dit, un pays géographiquement proche avec une notation du risque souverain très différente
ne peut être utilisé qu'en « dernier recours », de préférence après des ajustements. pour une revue, voir DAMODARAN, le risque pays :
déterminants, mesures et implications - l'édition 2019 (23 juillet 2019). disponible sur ssrn : https://ssrn.com/abstract=3427863.
230
voir TPED 2019, prix de transfert dans les pays émergents et en développement « un cadre d'analyse économique pour les administrations
fiscales et les multinationales »
231
Cette approche qui a déjà suscitée l’attention des administrations fiscales de certains pays africain comme le Sénégal, le Burkina Faso
et l’Afrique du Sud, pourrait également contribuer à faire évoluer les pratiques au Cameroun.
232232
Le Cameroun est pourtant soucieux d’assurer la transparence fiscale et l’échange de renseignements en matière fiscale. Il a adhéré au
Forum mondial de l’OCDE sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales en 2012 et accédé à la Convention concernant

74
les lacunes, notamment en établissant un manuel de l’échange d’informations qui permet de
fournir une assistance consultative sur les prix de transfert à ceux qui la demandent233. Aussi,
dans le cadre du projet des inspecteurs des impôts sans frontière initié par l’OCDE, la Direction
générale des impôts du Maroc a récemment participé à un programme de soutien à la Direction
générale des impôts du Cameroun en mars 2019234.

B) Le renforcement des normes en matière de contrôle fiscal des prix de transfert


1) Renforcement de l’organisation du service des prix de transfert

La mise en place d’une unité spécialisée exige un ensemble de compétences dans différents
domaines235. Ces compétences sont sans doute nécessaires pour appliquer de manière effective
les règles sur les prix de transfert, cependant l’administration fiscale camerounaise ne peut
prétendre toutes les réunir au sein de sa DGE, encore moins de son service spécialisé sur les
prix de transfert. L’administration devrait renforcer son personnel avec des experts dans ces
différents domaines. Et les soumettre à des formations sur les différents aspects des prix de
transfert. À titre d’illustration, la composition minimum de l’unité spéciale des prix de transfert
pourrait être renforcée afin de se présenter sensiblement de la manière suivante.

l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale en juin 2014. Le Cameroun est membre de la CEMAC, organisme de coopération
économique régionale, et du Forum sur l’administration fiscale en Afrique (ATAF). Il est également membre de l’Initiative fiscale d’Addis,
qui réunit un grand nombre de partenaires de développement qui cherchent à apporter une impulsion importante à la formation des recettes
publiques intérieures et à améliorer la transparence, l’équité, l’efficacité et l’efficience de la fiscalité dans les pays partenaires, initiative prise
lors de la troisième Conférence internationale sur le financement du développement en 2015.
233
par exemple, dans le cadre de sa relation d’er avec un partenaire conventionnel, le pays x en Europe, le Cameroun a reçu en 2016 une
demande de renseignements de ce pays concernant la relation commerciale d’une société mère camerounaise et de ses deux filiales dans le
pays x. après avoir répondu à la demande, le Cameroun a également adressé une demande au pays x pour obtenir des renseignements
complémentaires sur les filiales du pays x de la société camerounaise. la réponse reçue du pays x a révélé qu’au cours de la période 2013, 2014
et 2015, la société camerounaise avait importé diverses matières premières du pays x d’une valeur de plus de 5 millions usd. ces renseignements
ont été transmis au centre des impôts concerné au Cameroun, pour être comparés aux déclarations fiscales de la société camerounaise pour les
années en question. en conséquence, une vérification complète de comptabilité a été effectuée dans la société camerounaise en 2017. le contrôle
s’est traduit par une obligation fiscale initiale pour la société camerounaise d’environ 1,3 million USD en capital et de plus de 40 000 USD en
pénalités. Après un long contentieux, le montant définitif d’impôts dus s’est élevé à près de 1 million usd au total (droits et pénalités) et a été
effectivement collecté par l’administration fiscale. voir rapport de progrès de L’INITIATIVE AFRIQUE pour 2019, page 36
234
dans le cadre duquel l’expert diligenté sur place prête son concours aux vérificateurs des services locaux pour l’évaluation des risques
fiscaux et les procédures de vérification relevant de la fiscalité internationale. rapport annuel 2018/2019, inspecteurs des impôts sans frontière,
page 21
235
Comptabilité. Interprétation de comptes financiers et réalisation d’une analyse financière ; Contrôles. Réalisation d’un examen de la
documentation relative aux prix de transfert et aux fins de contrôle ; Communication. Rédaction de notes d’information et examen de questions
de fiscalité complexes avec les contribuables et leurs représentants ou avec d’autres administrations fiscales ; Politique économique. Réalisation
d’analyses de cadrage et de comparabilité, détermination de la propriété économique d’actifs incorporels et calcul des indicateurs économiques
de rentabilité ou émission d’avis à ce sujet ; Spécialistes du secteur et des milieux d’affaires. Implication de spécialistes, par exemple de la
banque, du secteur des hydrocarbures, de l’industrie pharmaceutique, des services financiers et des télécommunications. Ce type de spécialistes
est capital lors de la préparation d’analyses commerciales, sectorielles et, dans certains cas, fonctionnelles. Les contribuables ont l’avantage
particulier de maîtriser le fonctionnement de leur entreprise et leur secteur d’activité. Des spécialistes externes sont parfois utiles à
l’administration fiscale, notamment lorsque le secteur ou la transaction est complexe par nature ; Technologies de l’information. Pour concevoir
une évaluation des prix de transfert fondée sur le risque et mettre en place un système de gestion des dossiers de prix de transfert et une
plateforme de partage de connaissances dans ce domaine ; Fiscalité internationale. Pour présenter des rapports sur les implications des
conventions fiscales, en particulier les articles 5, 7, 9, 25, 26 du Modèle de Convention fiscale de l’OCDE. Analyse des structures de
planification fiscale et de leur impact potentiel sur des transactions entre parties liées ; Droit. Examen des accords entre parties liées et tierces
parties, ainsi que leur interprétation du point de vue des prix de transfert ; établir la propriété en droit des actifs, particulièrement incorporels ;
et plaider des dossiers, autrement dit défendre la position de l’administration fiscale en cas de controverse ; Négociations et règlement des
conflits. La capacité à négocier et à résoudre des conflits sera requise pour la plupart des dossiers de prix de transfert. Pour certains dossiers
complexes, une procédure de négociation formelle sera nécessaire pour régler un différend ou un désaccord avec le contribuable ou une autre
administration fiscale ; Détermination de la valeur. L’avis d’un spécialiste sera requis pour des questions liées à la réorganisa-tion d’une
entreprise et au transfert d’actifs incorporels. Voir Joel Cooper, Randall Fox, Jan Loeprick et Komal Mohindra, Un manuel à l’intention des
décideurs et des professionnels, « Prix de transfert dans les économies en développement » 2016

75
Source : l’auteur, en s’inspirant des travaux de recherches

En outre, l’un des plus grands problèmes auxquels l’administration est exposée est le
détournement du personnel affecté aux prix de transfert par les grands cabinets d’expertise
comptable et de conseils, qui offrent généralement de meilleures rémunérations pour ces rares
compétences, mais il est possible d’y remédier par l’embauche d’effectifs supplémentaires
disposant de l’expertise requise, au niveau national comme international. Aussi, les principaux
fournisseurs d’aide au renforcement des capacités en matière de prix de transfert au Cameroun
sont l’OCDE, le FMI236.

2) Renforcement des normes de contrôles

Réduire le risque de contrôle arbitraire, auquel les multinationales s’exposent, revient à


s’intéresser aux sources de conflits en matière de prix de transfert. Deux axes d’étude nous
237
semblent pertinent à ce niveau : une véritable protection des entreprises en amont à travers
une révision de la procédure de rescrit fiscal, et un support technique en aval, permettant de
contrôler de façon objective, la fixation des prix de transfert.

En effet, la procédure de rescrit fiscal instituée par la LF 2008 n’a pas réussi de manière
efficace à offrir aux entreprises concernées la protection juridique et la sécurité fiscale
recherchées dans les opérations transfrontalières qu’elles réalisent238. Il est vrai que l’article L
33 bis239mentionne un avantage. Néanmoins, les contribuables espéraient sans doute de
meilleures garanties et une réelle protection durant les échanges liés à la procédure et après le
rescrit. De telles garanties pouvaient être institutionnalisées comme le prouvent des procédures
déjà en vigueur dans d’autres domaines240. Or le seul moyen de garantir les droits de

236
Les formations sont principalement axées sur les principes généraux des prix de transfert, tandis qu’une assistance technique spécialisée sur
l’application des règles sur les prix de transfert à l’industrie minière et extractive par exemple est plus rare, de même que les formations sur
l’utilisation des bases de données. Un fonctionnaire nous à par exemple avoué qu’en dépit du nombre important de sessions de formation
organisées de plus en plus, les spécialistes des prix de transfert semblent réticents à s’attaquer à toute autre question trop complexe (en
particulier les frais de gestion et les intérêts déductibles). Toutefois le partage de connaissances avec les experts internationaux, nous semble
être le moyen le plus efficaces pour réduire la subjectivité des contrôles fiscaux.
237
sans toutefois empiéter sur la sécurité des recettes fiscales
238
La circulaire de la loi de finance 2008 précitée n’apporte que des détails sur le formalisme qui entoure la demande de rescrit fiscal, sans
pourtant donner de précisions concernant les garanties offertes.
239
Article L 33 bis « Lorsque le contribuable a fourni à l’Administration l’ensemble des éléments nécessaires à l’appréciation de la portée
véritable de l’opération en cause, la position énoncée par celle-ci garantit le contribuable contre tout changement d’interprétation ultérieur
»
240
Par exemple, en matière de dédouanement des marchandises lors de l’importation, la Direction Générale des Douanes a mis en place un
système de gestion des risques, afin de faciliter le commerce et de concentrer ses efforts sur le contrôle des opérations à risque. À cet effet, une
déclaration peut être orientée vers l’un des quatre circuits suivants, en fonction du degré de suspicion qui pèse sur elle. Circuit rouge : il

76
l’administration est la vérification fiscale, ceci peut être perçu comme une carence en matière
de confiance, et cela explique en partie la réticence des multinationales à l’égard de cette
procédure241. À la place, il serait préférable de promouvoir un système placé sous une «
présomption de bonne foi »242.

En outre, afin de réduire le risque de double imposition, la procédure de rescrit fiscal


n’impliquant que l’administration fiscale camerounaise avec le contribuable devait donner
place à une procédure bilatérale243. Afin d’encourager les entités liées à demander des rescrits,
la DGI dans son rapport annuel devrait donner plus de détails sur le rapport de confiance qu’elle
entreprend avec ces entreprises à travers les rescrit fiscaux244. Aussi, pour mieux protéger le
contribuable tout en garantissant les droits de l’administration fiscale, les opérations de
demande de rescrits fiscaux pourraient être accompagnées par une commissions indépendantes
formés d’experts comptables et des conseils fiscaux spécialisés en prix de transfert. À cet effet,
il conviendra également de prendre des mesures afin de renforcer l’intégrité et la responsabilité
des commissaires aux comptes 245qui interviennent dans ces entreprises.

Par ailleurs, le contrôle fiscal des prix de transfert en aval semble plus complexe et délicat.
L’une des raisons des désaccords permanents sur la fixation des prix de transfert est que la tenue
d’une comptabilité analytique, qui est destinée aux calculs de coûts de revient de biens et
services n’est pas toujours obligatoire. Il existe cependant des exceptions à cette règle, comme
le cas de l’Algérie246. Au Cameroun, l’administration fiscale ne demande pas de documents de
la comptabilité analytique, pourtant ils sont indispensables pour comprendre les conditions dans
lesquelles les prix de transferts ont été déterminés, à partir des coûts de revient correspondants.

implique que la marchandise fasse l’objet de la visite physique ; Circuit jaune : lorsque la déclaration est orientée vers ce circuit, l’inspecteur
se décide sur la base de la vérification documentaire, sans possibilité de visite ; Circuit bleu : c’est une facilité offerte aux entreprises sous
contrat de performance. Il permet aux importateurs concernés d’enlever leurs marchandises sans contrôle dans le port. Dans ce cas, s’il y a
nécessité de visite physique, elle se fait au domicile de l’importateur ; Circuit vert : il implique que les marchandises ne fassent ni l’objet de
contrôle immédiat, ni de contrôle différé.
241
En prenant l’exemple sur l’administration douanière, il serait inapproprié de soumettre le contribuable ayant obtenu un accord préalable à
une vérification fiscale en vue de s’assurer qu’il en respecte les conditions.
242
Dans la mesure où il serait plus efficient, compte tenu des ressources limitées de l’administration, d’accorder une attention particulière aux
contribuables à risque élevé, plutôt qu’à un plus grand nombre
243
De façon à garantir le contribuable que l’interprétation donnée à ces transactions, est la même dans les deux pays concernés, une procédure
unilatérale ne devrait être envisagée qu’en cas d’échec d’un rescrit bilatéral
244
Par exemple, le nombre de rescrits fiscaux demandés depuis l’initiation du projet, le nombre de rescrits fiscaux valides, ceux qui sont arrivés
à échéances, ceux qui ont été refusé, ceux qui ont été annulé, le type de rescrits fiscaux, leur suivi, leur durée, etc.
245
L’article 694 de l’AUDSCGIE fait mention de l’obligation légale d’avoir au moins un commissaire aux comptes dans les sociétés anonymes.
246
La Direction Générale des Impôts du gouvernement algérien a diffusé une note de service, en application de la loi de finances pour l’année
budgétaire 2017 dans laquelle elle rend obligatoire la tenue d’une comptabilité analytique. L’objet de cette note de service adressée aux
administrations est : « Dispositions contenues dans la loi de finances pour 20L7 relatives au contrôle des prix de transfert ». Voici un extrait
de cette note de service « Il est rappelé que la comptabilité analytique est un outil de gestion qui éclaire l’entreprise sur les prises de décision
à travers le calcul et l'analyse des coûts, les informations sur la fixation des prix de vente, la rentabilité de certaines activités ainsi que la part
de chaque produit ou activité dans le résultat global. Pour ce faire, l'entreprise peut utiliser plusieurs méthodes de calcul de coûts la
comptabilité analytique. A cet égard, il est précisé que les dispositions des articles 8 et 44 suscités, prévoient la possibilité d'accéder aux
éléments de la comptabilité analytique et ce, indépendamment de la méthode de comptabilité analytique adoptée par l’entreprise ».

77
Section 2 : Limites et alternatives du contrôle fiscal des prix de transfert au Cameroun
Proposer une analyse des perspectives du contrôle fiscal des prix de transfert au
Cameroun risquerait de paraitre hasardeux sans présenter comment ce dernier pourrait être
envisagé autrement. À cet effet, il est proposé un exposé sur les (paragraphe 1) Limites du
contrôle fiscal des prix de transfert, et avant de proposer une réflexion sure (paragraphe 2) Les
pistes alternatives éventuelles au principe de pleine concurrence au Cameroun.

Paragraphe 1 : Limites du contrôle fiscal des prix de transfert au Cameroun


Les limites dont il est question ici ont trait aux deux fils conducteurs du contrôle fiscal
des prix de transfert au Cameroun, d’un côté les (A) Limites tenant au principe de pleine
concurrence, et de l’autre les (B) Limites tenant aux principes juridiques traditionnels en
matière de contrôle fiscal des prix de transfert au Cameroun.

A) Limites tenant au principe de pleine concurrence

Le principe de pleine concurrence révèle certaines limites intrinsèques dans les cas de
groupes multinationaux produisant des bien spécialisés, traitant des incorporels uniques ou
fournissant des services très spécifiques. Également, il peut arriver que des entreprises associées
se livrent à des transactions dans lesquelles des entreprises indépendantes ne s’engageraient
pas. L’application du principe de pleine concurrence est alors impossible ou fournira des
résultats peu fiables. Le principe de pleine concurrence s’apprécie au cas par cas 247, or
généralement le volume des transactions intragroupes est très important. L’organisation
Alliance Sud, dans une note d’information 248
datant de 2009, rapporte 4 limites associées à
l’application du principe de pleine concurrence :

➢ Les prix de marché existent pour les produits courants et standardisés. Qu’en est-il du
prix d’une pièce de précision d’une machine fournie par un seul fabricant ?
➢ Il est pratiquement impossible de déterminer le prix de marché réel de biens immatériels
comme les brevets, les droits de marques ou les services de gestion.
➢ Lorsque deux filiales d’une même société signent un contrat, les actionnaires et les
décideurs sont les mêmes de part et d’autre. La plupart des contrats régissant les
transactions entre sociétés indépendantes n’ont rien de semblable à ceux qui sont
conclus lorsque les parties contractantes sont liées entre elles.

247
les versifications doivent s’opérées transaction, par transaction
248
Alliance Sud et la Déclaration de Berne, Le principe de pleine concurrence – une arme émoussée contre l’évasion fiscale, 2012.

78
➢ L’optimisation fiscale pour les multinationales n’est possible que parce que chaque
filiale est considérée du point de vue juridique comme une entité indépendante, imposée
séparément. Cette indépendance fictionnelle omet le fait que la plupart de ces montages
ne servent qu’à diminuer la charge fiscale des holdings. Le principe de pleine
concurrence renforce encore cette fiction, en faisant comme si les filiales pouvaient se
comporter en entreprises indépendantes.
B) Limites tenant aux principes juridiques traditionnels en matière de contrôle fiscal des
prix de transfert au Cameroun
1) Limite du principe de territorialité de l’entreprise indépendante

Aux termes de l'article 60 de l’acte uniforme OHADA portant sur le droit commercial
général « (…) Toute personne morale assujettie à l’immatriculation au Registre du Commerce
et du Crédit Mobilier qui n’a pas demandé celle-ci dans les délais prévus, ne peut se prévaloir
de la personnalité juridique jusqu’à son immatriculation ». La personnalité juridique permet à
la société d'avoir un patrimoine propre, une identité propre, un domicile et une pleine capacité
juridique. En droit fiscal, la reconnaissance de la personnalité juridique rend la société
personnellement redevable de l'impôt249. En effet, « une dichotomie parfaite est effectuée entre
la société et les autres entités membres du groupe qu'il s'agisse d'une filiale comme d'un
établissement stable »250.

L’une des limites majeures du principe de l’entreprise indépendante dans le contrôle


fiscal des prix de transfert tient au fait que les entreprises associées sont susceptibles de se livrer
à des transactions dans lesquelles des entreprises indépendantes ne s'engageraient pas. Ces
transactions ne sont pas nécessairement effectuées dans le but d'éluder l'impôt, mais parce que,
lorsqu'elles traitent entre elles, les entreprises d'un même groupe évoluent dans un contexte
commercial différent de celui d'entreprises indépendantes. Par exemple, « une entreprise
indépendante peut ne pas souhaiter vendre un bien incorporel - comme le droit d'exploiter les
résultats de recherches futures- à un prix déterminé si les bénéfices qu'est susceptible de
procurer ce bien incorporel ne peuvent être correctement estimés et s'il existe d'autres moyens
de l'exploiter »251. En pareil cas, une entreprise indépendante ne voudra peut-être pas risquer
une vente à un prix forfaitaire, parce que le prix pourrait ne pas refléter le fait que l'élément

249
Sujet de droit fiscal à part entière, la société est l'unique redevable de l'impôt de sorte qu'en principe, les bénéfices qu'elle réalise ou les
pertes qu'elle accumule, n'influent en rien sur la situation du groupe
250
Certes, l'appréhension du résultat fiscal ne se fait pas entièrement de la même façon pour une filiale et pour un établissement stable. Mais,
le principe de 1'entreprise indépendante se retrouve dans les deux cas dans la mesure où l'établissement doit être traité comme s'il était une
entreprise distincte du siège. -Najib GHARB, le contrôle fiscal des prix de transfert, harmattan 2005, Paris, 39
251
Najib GHARB, le contrôle fiscal des prix de transfert, harmattan 2005, Paris, 49

79
incorporel peut se révéler extrêmement rentable à l'avenir. De même, un groupe multinational,
détenteur d'un bien incorporel peut hésiter à autoriser une entreprise indépendante à exploiter
ce bien sous licence de crainte de le dévaloriser252. En revanche, il peut être disposé à accorder
à des entreprises associées des conditions d'exploitation moins restrictives car il pourra
surveiller plus étroitement l'usage qui est fait du bien incorporel en question253.

Par ailleurs, alors qu'une entreprise associée fixe généralement les conditions d'une
transaction au moment où celle-ci intervient, il pourra lui être demandé à un autre moment de
démontrer que ces conditions étaient conformes au principe de pleine concurrence.
L'administration fiscale devra souvent procéder à cette vérification plusieurs années après
l'opération254. Aussi, les informations accessibles peuvent être incomplètes et compliquées à
interpréter. Sans oublier qu’il est parfois impossible d'obtenir des informations auprès des
entreprises indépendantes pour des raisons de confidentialité.

2) Limite du principe de la territorialité de l’impôt

Aux termes de l’article 5 du CGI « Les bénéfices passibles de l’IS sont déterminés en
tenant compte uniquement des bénéfices obtenus dans les entreprises exploitées ou sur les
opérations réalisées au Cameroun (…) ». Il a fallu attendre jusqu’en 2015 pour que la loi
apporte des précisions sur ce que c’est qu’une entreprise exploitée en Cameroun255. En raison
de la territorialité de l'impôt, les pertes et déficits se rattachant à une exploitation étrangère,
dont les profits échappent à l'impôt camerounais, ne peuvent en principe affecter les résultats
de l'entreprise imposable au Cameroun256. La succursale étrangère est ainsi regardée, pour
l'établissement de l'impôt sur les sociétés, comme une entreprise indépendante du siège, comme
l'est une filiale étrangère. Tel qu'il est défini, le principe de territorialité de l'impôt conduit à
considérer chaque entreprise d'un groupe comme étant une entité juridique autonome257. Or, si
ce critère de l'assimilation à une entreprise indépendante est pratique pour l'application de la loi

252
Dans les mêmes circonstances, une entreprise indépendante exploitera probablement elle-même l'élément incorporel ou accordera une
licence à une autre entreprise indépendante pour une durée limitée (ou, le cas échéant, selon des modalités permettant d'ajuster la redevance).
Cependant, « il y a toujours un risque que le bien incorporel ne soit pas aussi précieux qu'il y paraît. Par conséquent, une entreprise
indépendante doit choisir entre vendre le bien en diminuant le risque et en sauvegardant un bénéfice ou exploiter le bien en courant le risque
que le bénéfice ne soit pas à la hauteur de ce qu'il aurait été en cas de vente ». Idem page 47
253
Une telle transaction entre membres d'une multinationale ne compromet pas les bénéfices globaux du groupe
254
Elle tentera alors de rassembler des informations sur les opérations similaires, sur les conditions du marché au moment où l’opération
a eu lieu et ce, pour des transactions diverses, multiples voire connexes. En conséquence, l'administration fiscale et les contribuables éprouvent
fréquemment des difficultés à obtenir les informations nécessaires pour appliquer le principe de pleine concurrence.
255
La circulaire N°004/MINFI/DGI/LRI/L du 28 janvier 2015 de la loi de finance 2015, dans son article 5 Bis apportant des précisions à cette
dernière vient combler ce vide juridique en clarifiant ce que c’est qu’une entreprise exploitée au Cameroun.
256
la conception camerounaise de la territorialité de l'impôt consiste à exclure de la base imposable au Cameroun les bénéfices de succursales
étrangères, et à refuser, en principe, en contrepartie la déduction des charges liées à ces exploitations étrangères, y compris lorsque ces charges
sont exposées par le siège
257
Effectivement, la règle est que lorsqu'une société exerce ses activités dans un ou plusieurs États par l'intermédiaire d'établissements stables,
il y a lieu de répartir les bénéfices réalisés comme si ces établissements étaient indépendants

80
fiscale, beaucoup plus contestable est la fiction économique à laquelle il conduit. En effet, la
principale conséquence de son utilisation est qu'il nie toutes relations spécifiques 258 qui existent
nécessairement entre les différentes unités du groupe. Il semble donc, que la réglementation
fiscale camerounaise tend à considérer comme étant a priori suspectes toutes opérations
commerciales ou financières effectuées par une société avec l'étranger259.

Cependant, l'ambiguïté du contenu du principe de territorialité apparaît dans les termes


mêmes de l'article 19 du CGI. En effet, de par sa formulation, l'article précité reconnaît
implicitement l'existence d'une certaine unité juridique du groupe. Paradoxalement, la loi
fiscale et singulièrement l'article 19 du CGI méconnait volontairement, dans certains cas, cette
réalité au nom de la territorialité de l'impôt260. « Il y a là incontestablement une contradiction
inacceptable sur le plan juridique et du point de vue de l'équité. En effet, un système fiscal, qui
ne se veut pas arbitraire, ne saurait à la fois admettre et nier une réalité en fonction des
circonstances »261. Par ailleurs, l'application du principe de territorialité conduit également à
méconnaître les solutions adoptées en d'autres matières et notamment en droit des sociétés262.
On le sait cependant, le droit fiscal est un droit autonome 263et il ne fait pas sienne les théories
propres aux autres droits264.

Paragraphe 2 : Les pistes alternatives éventuelles au principe de pleine concurrence au


Cameroun
Ce travail se termine donc par une réflexion sur une (B) Analyse des alternatives au
principe de pleine concurrence au Cameroun, mais au préalable, cette réflexion risquerait d’être

258
Aussi, qu'il s'agisse d'une succursale, simple prolongement du siège, ou d'une filiale, entité juridique distincte de la société mère, il faut bien
constater que les frontières fiscales ne font pas disparaître pour autant les liens existants avec le siège ou la société mère.
259
Dès lors que l'activité dépasse le cadre du territoire, les services fiscaux procéderont, dans la mesure du possible, à un examen approfondi
des transactions sur le fondement de la protection de la souveraineté fiscale À ce titre, on peut dire que la territorialité de l'impôt, en faisant
peser une présomption d'anormalité des transactions commerciales entre sociétés membres d'un groupe, peut se révéler dans la pratique comme
une mesure « antiéconomique ».
260
Paradoxe, car il y a affirmation de l'unité du groupe lorsqu'il s'agit de sanctionner, alors que celui-ci était ignoré jusque-là.
261
NAJIB GHARB, le contrôle fiscal des prix de transfert, harmattan 2005, Paris, page 55
262
Ainsi, le fait que filiales et succursales soient traitées de façon identique, dès lors qu'elles sont situées hors du territoire camerounais, est
contraire aux principes du droit des sociétés qui, d'une part, ne les amalgame pas en les qualifiant d'établissement stable et d'autre part, considère
qu'une société et sa succursale quel que soit le lieu d'implantation de cette dernière, constituent une même entité, une même personne morale,
la filiale seule demeurant un être distinct.
263
D’un point de vue purement technique, discuter de l’hétéronomie ou de l’autonomie du droit fiscal consiste à se demander si ce droit
constitue une branche du droit public ou, inversement du droit privé, ou encore s’il s’agit d’un droit totalement autonome, original, bien qu’au
carrefour du public et du privé. Cette dernière hypothèse qui conduit à conclure à une spécificité du droit fiscal implique qu’il est en mesure
de traiter à sa manière et en dehors des principes juridiques communs, les situations qui s’offrent à lui. Un tel point de vue a notamment pour
conséquence que l’administration fiscale ne pourrait refuser de se voir opposer telle ou telle qualification civiliste ou commercialiste d’un acte
pour se prétendre en droit de taxer une opération. Le droit fiscal serait ainsi un droit réaliste, qui ne doit se préoccuper que des faits auxquels
il a affaire sans prendre en compte la manière dont tel ou tel autre droit a pu qualifier la situation, pas plus que les intentions du contribuable.
MICHEL BOUVIER, Introduction au droit fiscal général et à la théorie de l’impôt, LGDJ 2010, 10e édition, Paris, pge 229
264
Cependant, réaliser une dichotomie fiscale sur une entité considérée comme unitaire par le droit commercial n'est pas sans emporter certaines
difficultés. En effet, le problème est de déterminer ou de ventiler les bénéfices de l'entreprise soumis à l'impôt camerounais. Comme du point
de vue juridique et comptable les deux « êtres » fiscaux, la société ou le siège et sa succursale, ne font qu'un, il va falloir départager les
patrimoines des deux établissements- entendu au sens du droit commercial et reconstituer les résultats propres du siège ou de la succursale, les
seuls à intéresser l'administration fiscale camerounaise. Il faut pour cela isoler les bénéfices et pertes imputables à l'activité exercée au
Cameroun et, pour cela il convient de ventiler les produits, les charges et les pertes , imputables à l'activité exercée hors du Cameroun.

81
vide de sens sans évoquer les enjeux cruciaux qu’impliquerait un tel changement, (A) Les
enjeux de l’abandon du principe de pleine concurrence.

A) Les enjeux de l’abandon du principe de pleine concurrence

Afin de ressortir les enjeux de l’abandon du principe de pleine concurrence, il est essentiel
de bien assimiler le contexte dans lequel ce dernier a vu le jour. Les travaux les plus anciens
sur les aspects fiscaux de l’expansion de groupes multinationaux remontent à la fin de la
deuxième guerre mondiale. À l’époque, la priorité était accordée à la reconstruction des
économies et aucune attention particulière n’était accordée aux entreprises, qui menaient des
activités dans plusieurs États. Ces dernières, exposées aux obligations fiscales parfois
contradictoires des législations juxtaposées des États dans lesquelles elles étaient implantées
ont peu à peu mis sur pieds des stratégies d’optimisation de leur charge fiscale, pour garantir la
rentabilité de leurs activités. Ces stratégies, qui ne visait aucunement la violation d’une
quelconque disposition légale avaient pour principale objectif de transférer la matière
imposable vers les juridictions les plus clémentes. Toutefois, les effets de ces stratégies ont fini
par devenir au fil du temps alarmants pour les administrations fiscales, dû à la chute de leurs
recettes fiscales. Ainsi, il n’était plus éthiquement acceptable de permettre à des groupes
internationaux d’optimiser leurs couts fiscaux sur la base de choix qui entrainent la baisse des
recettes fiscales des pays d’accueil de leurs établissements stables.

C’est dans ce contexte particulier qu’est paru pour la première fois le « principe de pleine
concurrence » dans un rapport de l’OCDE datant de 1979. Mais bien que la référence au
principe de pleine concurrence, concept fondamental en la matière, serve généralement aux
administrations fiscales dans la vérification des prix de transfert, son interprétation et son
application tant par les multinationales que par les autorités nationales sont loin d'être
homogènes265. Cependant, au cours des trente dernières années, la réglementation des prix de
transfert a encore gagné en complexité, dans la mesure où la prédominance des actifs
incorporels, par rapport aux actifs corporels266, en tant que composante de la valeur d’une
société, a été fermement établie. Dans la mesure où ce capital du savoir est hautement volatil et
difficile à évaluer, le principe de pleine concurrence a été considéré comme ne permettant pas

265
Et si ledit principe était pertinent à l’époque de la révolution industrielle, où les produits étaient fortement standardisés, en raison des
différences de qualité même entre les produits similaires de nos jours, il est difficile de garantir que les prix de transfert soient bien conformes
au principe de pleine concurrence ; et ce même lorsque les transactions impliquent des marchandises.
266
Les actifs incorporels couvrent notamment les dénominations commerciales, la bonne volonté, et la reconnaissance de la marque, ainsi que
la propriété intellectuelle – qui englobe les brevets, les droits d’auteur, les marques et marques déposées, les méthodes commerciales et le
contrôle des réseaux d’affaires

82
d’évaluer les transferts de ces actifs entre parties associées, et ce, en théorie comme dans la
pratique.

Ainsi, l'abandon du principe de pleine concurrence reviendrait à renoncer aux solides


fondements théoriques acquis depuis lors et compromettrait le consensus international,
augmentant par la même la menace d'une double imposition. En définitive, il est possible
d’avancer, que les États membres et non membres de l'OCDE restent fermement attachés au
principe de pleine concurrence notamment du fait, qu'à ce jour, on ne lui a pas trouvé de solution
de remplacement légitime ou réaliste. Il permet d’uniformiser les législations fiscales en matière
de contrôle fiscal d’un point du globe à l’autre, ce qui présente l’avantage de garantir aux
investisseurs une certaine stabilité juridique en réduisant les contradictions entre les obligations
fiscales différentes. En outre, bien que les recommandations de l’OCDE forment un droit mou,
dans la mesure où elles n’ont aucune valeur juridique contraignante, s’en écarter peut exposer
à des sanctions indirectes sous la forme de la perte en investissements étrangers.

B) Analyse des alternatives au principe de pleine concurrence au Cameroun

La problématique des prix de transfert n’est qu’un aspect d’un problème plus
vaste : « l’imposition des multinationales ». À ce jour, on compte plusieurs travaux de
recherche, qui se sont intéressés aux alternatives du principe de pleine concurrence. En tout état
de cause, la principale alternative évoquée jusqu’à là, est celle qui consiste à considérer les
multinationales comme une entité unique à des fins fiscales.

En effet, pour les opposants du principe de pleine concurrence, le principe de d’entités


distinctes constitue le principal moteur des abus fiscaux perpétré par certaines
multinationales267. Partant, l’IRCT affirme 268« (…) Si les multinationales étaient taxées comme
des entreprises uniques et unifiées, les prix de transfert ne seraient plus d’actualité, dans la
mesure où les bénéfices de ces entreprises à l’échelle mondiale seraient consolidés. Dès lors,
plus aucuns bénéfices ne pourraient être gagnés ou perdus par le biais de transactions inter-
entreprises ». Ainsi, la répartition fractionnaire du bénéfice global permettrait de déterminer
l'importance relative des filiales et/ou établissements stables au sein du groupe multinational et
permettrait d'effectuer une globalisation des résultats de ce dernier considéré alors comme une

267
L’exemple le plus spectaculaire est la décision des juges français en faveur de la société Google France concernant sa situation vis-à-vis de
la société irlandaise du même nom. Ces magistrats ont précisé dans un arrêt très récent qu’il n’existait aucun lien de dépendance entre Google
France et Google Irlande. La grande firme de l’économie numérique membre du fameux club « GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon
& Microsfot) » obtient l’annulation, grâce à cette jurisprudence favorable, de plusieurs milliards d’euros de redressements opérés par
l’administration fiscale française en matière de prix de transfert.
268
Commission Independante Pour la Reforme de L’impot International sur les Societes, « Déclaration », 2015, page 11

83
entité fiscale unique en procédant in fine à la ventilation des bénéfices, d'après une clef de
répartition, entre les souverainetés fiscales concernées. Cette méthode comporte donc trois
composantes 269essentielles : la détermination de l'unité à imposer270, la détermination précise
des bénéfices globaux et la détermination de la formule à appliquer pour répartir les bénéfices
de l'unité considérée. Cependant, en raison de plusieurs inconvénients que pose sa mise en
œuvre pratique, elle n’a jamais été acceptée par l’OCDE, essentiellement à cause de sa
complexité tant sur le plan politique, qu’administratif271.

En outre, le cas du Brésil nous semble particulièrement intéressant et constitue l’une des
uniques alternatives au principe de pleine concurrence appliquée à une très grande échelle, qui
pourrait être adoptée sans difficultés majeures au Cameroun. L’approche utilisée actuellement
au Brésil 272consiste à spécifier différents ensembles de règles pour les filiales et établissement
stables locaux afin de déterminer les montants maximums de dépenses déductibles et les
montants minimum de bénéfice imposable, basés sur des marges brutes fixes selon les types
d'entreprises ou de transactions273. Ces règles minimisent le besoin de jugement subjectif et
d’arbitraire, de sorte qu'elles se sont révélées faciles à administrer et ont entraîné un nombre
limité de conflits entre les multinationales et l'administration fiscale. Ce sont essentiellement
des méthodes de répartition des bénéfices, optant pour la simplicité d'une marge fixe par rapport
à la souplesse des prix de pleine concurrence. Elles fourniraient une approche plus efficace, en
particulier pour les pays en développement comme le Cameroun, où ce pourrait parfois être
assimilé à un gaspillage de moyens déjà limités que d’essayer de développer les compétences
nécessaires pour appliquer d'autres méthodes.

Par ailleurs, l’analyse approfondie des dispositions contractuelles pourrait également venir
renforcer l’efficacité du principe de pleine concurrence. En effet, très souvent la vérification
générale de la comptabilité qui vise le contrôle fiscal des prix de transfert se résume à une quête

269
NAJIB GHARB, le contrôle fiscal des prix de transfert, harmattan 2005, Paris, page 100
270
c'est-à-dire des filiales et établissements stables du groupe multinational devant constituer l'entité globale imposable
271
Complexe sur le plan politique, puisqu'elle exigerait un degré de coordination multilatérale qu'il n'est pas réaliste d'escompter dans le
domaine de la fiscalité internationale dans la mesure où chaque État aura intérêt à ce que la formule ou les pondérations adoptées maximisent
ses propres recettes. Complexe sur le plan administratif, tant pour les administrations fiscales que pour les entreprises multinationales qui
verraient l'alourdissement de leurs charges en matière de documentation et d'exécution des obligations fiscales
272
Lire Xavier DALUZEAU, Stéphane GELIN, Bruno GIBERT & Arnaud LE BOULANGER, Dossier Pratique- Prix de transfert, FRANCIS
LEFEBVRE 2020, 4e édition, Paris, page 361-364
273
La réglementation brésilienne est fondée sur la notion de seuils limites : elle impose un plafond de déductibilité sur les importations et une
marge brute minimum standard pour les exportations. À titre d’illustration, les textes brésiliens imposent que les entreprises appartenant aux
secteurs suivants soient dans l’obligation de générer une marge minimum de 40 pour cent : pharmaceutique et chimie, tabac, optique,
photographie et cinéma, équipements hospitaliers, pétrole, gaz et dérivés. Les secteurs suivants doivent générer une marge plancher de 30 pour
cent : production de produits chimiques, production de verre, production de papier, production de pulpe de papier et produits intermédiaires,
production de métallurgie. Et ainsi de suite pour tous les secteurs de l’industrie, du commerce et des services. Ici, les seuils se substituent
partiellement à l’analyse de comparabilité et à l’application formelle du principe de pleine concurrence. Dans le cadre d’un contrôle,
l’administration fiscale brésilienne s’attendra en priorité à ce que les prix pratiqués respectent ces seuils, cela facilite grandement le travail de
conformité de l’administration fiscale et de l’entreprise. Voir Pierre-Yves Carasco, Prix de transfert et stratégies d’optimisation fiscale de la
firme multinationale, Harmattan 2017, Paris, page 58

84
figée de la conformité audit principe, sans prendre en compte le fait que le prix figurant dans la
convention qui lie les entités associées n’est qu’une clause parmi tant d’autres. Ce rappel en
vaut la peine, car à ce titre il convient de vérifier si une clause n’en cache pas une autre. En
matière de prix de transfert, chaque clause de la convention qui lie les entreprises associées doit
faire l’objet d’une analyse minutieuse, et non seulement celles qui contiennent un prix. Dans la
mesure où le traitement fiscal qui en découle dépend étroitement de la nature de la transaction
décrite par la convention, qui peut être différente de la réalité économique observée. À titre
d’illustration, l’article 7 d274 du CGI prévoit un seuil de déductibilité pour les redevances
versées à une entité associée, tandis que l’acquisition des marchandises et des matières
premières275est en principe totalement déductible. Il est donc tout à fait possible d’opérer des
choix arbitraires en vue de se soustraire des obligations fiscales, en noyant la clause de
redevance pour brevet, de tel sorte qu’elle soit indirectement inclue dans le prix d’achat des
marchandises/matières premières. De cette manière, la redevance pour brevet ou marque, à
priori inexistante dans la convention, ne serait pas soumise à un quelconque plafond de
déductibilité. Pour cela, il convient d’avoir une connaissance assez claire du secteur d’activité,
ainsi que des atouts indispensables d’un groupe en activité sur ce marché. Un tel contrôle nous
parait moins arbitraire et subjectif, et pourrait permettre de requalifier les dispositions
contractuelles, de façon à ce qu’elle soit cohérente avec la réalité économique, et partant de
procéder au retraitement fiscal adéquat.

Conclusion du chapitre 2

Aux termes de ce dernier chapitre, il ressort de sa lecture, que plusieurs limites peuvent
être attribuées au contrôle fiscal des prix de transfert au Cameroun. Il apparait ainsi clairement,
que le principe de de pleine concurrence n’est pas exempte de toute critique, tant dans sa
conception, que dans sa mise en œuvre, surtout dans le contexte de l’étude. Il ne serait donc pas
utopique, d’envisager son remplacement par un outil qui cadre mieux avec le contexte
camerounais. En outre, il est également à noter, que le renforcement des capacités de
l’administration tel qui a été présenté dans ce chapitre, représente un véritable pilier, qui peut
servir de levier dans la lutte contre le transfert indirect de bénéfices.

274
Article 7 d dispose « (…) Les sommes versées pour l’utilisation des brevets, marques, dessins et modèles en cours de validité dans la limite
globale de 2,5 % du bénéfice imposable avant déduction des frais en cause. Cette limitation ne s’applique pas aux sommes versées aux
entreprises ne participant pas directement ou indirectement à la gestion ou au capital d’une entreprise camerounaise. »
275
Sous réserve que cela corresponde à l’exploitation normale de l’entreprise et que les montants ne sont pas exagérés

85
Conclusion seconde partie

Au terme de cette partie, il a mis en exergue les éléments objectifs du control fiscal des
prix de transfert au Cameroun ainsi que leurs principales sources. Une analyse de ces derniers,
a permis de relever qu’il était essentiel, compte tenu de leurs insuffisances notables d’envisager
dans quelles mesures ces derniers pouvaient être renforcé, voire remplacé par un autre
dispositif.

86
CONCLUSION GÉNÉRALE

CONCLUSION GÉNÉRALE

86
En récapitulatif, l’idée générale de ce travail visait à démontrer, que le contrôle fiscal
des prix de transfert au Cameroun est sujet d’une subjectivité, qui est une source intarissable de
désaccords entre l’administration fiscale et les multinationales. La démarche adoptée dans le
cadre de ce travail, consistait à analyser les différents aspects du problème soulevé par la
problématique de l’étude, à savoir : quelle analyse peut-on faire, de la subjectivité du
contrôle fiscal des prix de transfert au Cameroun?. Cette démarche a conduit à mettre en
exergue deux aspects du problème étudié. D’abord souligner, les manifestations de la
subjectivité du contrôle fiscal des prix de transfert au Cameroun : un contrôle inopérant (Partie
I), à travers cet aspect, il a été question de démontrer l’importance de déployer les moyens
humains, financiers et matériels nécessaires pour passer d’une analyse fiscale d’un problème à
forte connotation économique, à une analyse économique d’une question fiscale ; au risque de
détériorer davantage les relations déjà fragiles, entre l’administration fiscale et les contribuables
de bonne foi. Ensuite relever, les palliatifs à la subjectivité du contrôle fiscal des prix de
transfert au Cameroun : esquisse d’un contrôle opérant (Partie II), à travers cet aspect, il a été
question de prendre du recul et de proposer un regard critique sur l’évolution des mécanismes
en œuvre lors du contrôle fiscal des prix de transfert au Cameroun, ainsi que de l’influence
prononcée des tendances des pratiques internationales sur ces derniers et les potentielles pistes
de leurs évolutions à l’avenir. Au bout de cette démarche, l’idée générale de ce travail, appuyée
par le commentaire d’un ancien inspecteur des impôts en charge des prix de transfert (« s’il faut
attendre d’avoir les moyens suffisants pour intervenir, ça sera trop, les moyens dont on dispose
sont limités, mais on a des objectifs à atteindre, et certaines pratiques d’évasion fiscale sont
évidente mais difficile à démontrer, n’empêche qu’on ne peut pas fermer les yeux » ), apporte
des éclaircissements sur l’une des raisons pour lesquelles, la plupart des contrôles fiscaux
portant sur les prix de transfert au Cameroun276, s’achève de façon quasi certaine par une
notification de redressement même en absence de preuve irréfutable, pourvu que les dépenses
engagées ou supportées à l'étranger par les entreprises étrangères ayant une activité permanente
au Cameroun apparaissent suspectes. Dans l’ensemble, au terme des travaux de recherche qui
ont été menés, cinq principales conclusions peuvent être tirées de ce travail.

Tout d’abord, les ressources limités (compétences, finances, juridiques, matériels,


effectifs) dont dispose l’administration fiscale pour faire face aux défis inhabituels imposés par

276
Le même constat peut être fait en ce qui concerne la République du Congo, compte tenu de nombreux cas pratiques dont nous avons
connaissance

87
les différentes problématiques des prix de transfert, entravent les efforts consentis dans le
déploiement d’un contrôle fiscal des prix de transfert moins arbitraire. Un contrôle qui soit de
nature à protéger les contribuables de bonne-foi, faisant parti d’un groupe et visant simplement
à tirer profit des avantages commerciaux et financiers de cette situation, sans intention de
vouloir se livrer à des opérations intragroupes pour profiter d’un taux de taxation moins élevé
qu’au Cameroun. Ensuite, le détournement du personnel spécialiste en problématiques des prix
de transfert par les grands cabinets de conseils est de plus en plus fréquent. Les enjeux suscités
par les prix de transfert se chiffrent généralement en milliards, et ceux qui possèdent des
compétences pointues en la matière sont rare, ce qui justifie qu’entre administration et cabinets
de conseil se livre une rude bataille pour avoir les meilleurs professionnels à leur côté. L’un des
principaux risques de cette situation, est que les personnes qui participent à la législation des
prix de transfert, et qui maitrisent les failles de cette dernière sont susceptibles de changer de
côté pour en tirer profit du jour au lendemain.

En outre, l’administration n’a pas encore montré la démarche à suivre pour obtenir un
comparable optimal pouvant servir à justifier la politique de prix de transfert au sens de l’article
18 ter, pourtant malgré l’absence quasi-total des comparables locaux, elle semble toujours
réticente à l’emploi des comparables étrangers. Ce qui a pour conséquence d’augmenter les
couts de conformités au principe de pleine concurrence des contribuables. Ce problème peut
être résolu en adoptant l’approche proposé par le TPED présenté dans ce travail, en absence de
comparables locaux. De plus, l’opacité qui caractérise la fixation des prix de transfert, demeure
une des sources majeures des conflits sur les prix de transfert. Comme il est de matière au
Cameroun, la fixation des prix de transfert au Cameroun est soumise au principe de la libre
fixation, qui sous-entend qu’un prix est juste dès lors y a une confrontation entre l’offre et la
demande, chacun étant le meilleur juge de ses intérêts. À défaut de se substituer aux parties
pour leur imposer un prix « objectif » de marché, l’administration ne peut qu’essayer de
comprendre les circonstances propres à la situation étudiée, qui ont conduit à la fixation d’un
tel prix « subjectif ». Cette tâche, pourrait être rendu moins pénible, si la tenue d’une
comptabilité analytique était une obligation légale au même titre, que la comptabilité générale
sous certaines conditions.

Et enfin, étant la principale cause des multiples interprétations possibles de l’application


du principe de pleine concurrence, la souplesse de ce principe a poussé plusieurs législations

88
étrangères à y renoncer totalement ou partiellement277. Dans le cas du Cameroun, dû aux
résultats peu fiables du l’application du principe de pleine concurrence, et à l’importance des
coûts de conformité qu’il engendre il pourrait être intéressant de migrer vers un système de
marge fixe, avec pour chaque secteur un montant minimum à imposer et un montant maximum
à déduire tel qu’exposé dans le cadre de ce travail, en s’inspirant du cas du Brazil. Cependant,
opérer des changements aussi drastiques n’est jamais chose facile en fiscalité. La fiscalité est
avant tout un choix de politique publique. Ainsi, choisir entre l’adoption du principe de pleine
concurrence, les marges fixes, la taxation unitaire ou d’autres méthodes relève prioritairement
du politique. Ce choix est souvent impacté par la pression du lobbying. L’OCDE, club de pays
riches et conjointement lieu de résidence des apporteurs de capitaux, milite pour l’adoption du
principe de pleine concurrence à grande échelle. Pourtant, même ces pays riches ne sont pas à
l’abris des pratiques agressives de certaines multinationales. Ainsi, sous pression américaine,
l’OCDE envisage sérieusement de fixer un taux d’imposition minimal global à appliquer aux
bénéfices des multinationales278.

Somme toute, ce travail se veut d’avoir le mérite de se placer à équidistance, entre les
intérêts des multinationales (qui sont de s’assurer de la sécurité juridique et financière de leurs
investissements) et de ceux de l’administration fiscale (qui sont de s’assurer de la sécurisation
des recettes fiscales, indispensables à la couverture des charges publiques). Raison pour
laquelle, aucun accent particulier n’a été accordé aux montages fiscaux agressifs mis en place
par certaines multinationales, qui prive l’État d’importantes recettes279. L’idée étant de rappeler,
que toutes les multinationales ne sont pas des fraudeurs, et qu’il est important de garantir aux
contribuables de bonne foi, la possibilité d’opérer en toute quiétude et sérénité, lorsque ces
derniers n’utilisent pas les prix de transfert, dans un objectif d’évasion, voire de fraude fiscale.
Toutefois, une analyse critique de ce travail dénote un certain nombre de limites. Parmi elles,
voici quelques-unes au nombre de quatre : l’étude de ressort pas les secteurs d’activités les plus
touchés par les problématiques de prix de transfert ; aucune analyse comparative n’a été faite
avec les législations voisines de la sous-région CEMAC en matière de prix de transfert ; la non

277
certaines juridictions choisissent de faire référence dans leurs textes à des pratiques alternatives ou n’appliquent pas de manière exclusive
ce principe. On relève ainsi quatre formes de juridictions ayant chacune leur propre conception du principe de pleine concurrence : 1) Les
juridictions faisant référence au principe de pleine concurrence dans leurs textes. C’est le cas de l’Australie ou du Royaume-Uni - « the price
which it might have been expected to fetch if the parties to the transaction had been independent persons dealing at arm’s length». 2) Les
juridictions pour lesquelles ce principe est systématiquement appliqué et paraît dans la majorité des jurisprudences sans pour autant être
mentionné dans la loi, c’est le cas de la France et des Etats-Unis. 3) Les juridictions qui utilisent des méthodes alternatives, notamment des
seuils fixes par secteur pour la déductibilité des produits importés et des règles convenues pour la reconnaissance des revenus provenant
d’exportations. 4) Les juridictions avec un statut large, sans référence directe, mais qui se plient généralement à ce principe – c’est le cas de la
Suisse et des Pays-Bas. PIERRE-YVES CARASCO, Prix de transfert et stratégies d’optimisation fiscale de la firme multinationale, Harmattan
2017, Paris, 60
278
Note d’information du cabinet de conseil PWC du 7 Avril 20121, « l’impôt sur les bénéfices vers le haut »
279
Pour se faire une idée du type de montages juridiques et fiscaux utilisés par certaines multinationales au Cameroun, lire Joseph AYANGMA
AYANGMA, la pratique du contrôle fiscal des prix de transfert dans l’espace CEMAC, cas du Cameroun, Harmattan 2015, Paris

89
prise en compte de l’impact de la reforme sur l’imposition minimum globale des
multinationales sur le système Camerounais ; et l’absence de précisions sur le rôle de
l’administration douanière en matière prix de transfert. Compte tenu de toutes ces limites, il
serait intéressant de compléter ce travail en s’interrogeant : Quels sont les enjeux pour les pays
de la zone CEMAC en général et du Cameroun en particulier, de la réforme mondiale des
multinationales ?

90
ANNEXE

ANNEXES

91
LISTE DES ANNEXES

Annexe 1 Étapes guidant la vérification de la conformité au principe de pleine


concurrence
Annexe 2 Comparaison du modèle de convention fiscale de l’OCDE avec celui des
Nations Unies

92
Annexe 1

Étapes guidant la vérification de la conformité au principe de pleine concurrence

Source : P. Y. CARASCO, Prix de transfert et stratégies d’optimisation fiscale de la firme multinationale, L’Harmattan 2017,
Paris, page 66

93
Annexe 2
La différence entre les taux de retenue à la source dans le modèle de conventions fiscales de l’OCDE et
dans celui des Nations unies

Source: ActionAid. (2015). Levelling Up Ensuring a fairer share of corporate tax for developing countries, p,13:
http://actionaid.org/sites/files/actionaid/levelling_up_final.pdf

94
RESSOURCES DOCUMENTAIRES
Ouvrages généraux

- O. SAMBE & M. DIALLO, Le praticien- le guide pratique des sociétés commerciales


et du groupement d’intérêt économique (GIE) OHADA, éditions comptables et
juridiques 2015, Dakar, 1144 pages
- T. DEBART, Lexiques des termes juridiques, Dalloz 2017, 25e édition, Paris, 2158
pages
- P. LASSÈGUE, F. DÉJEAN, Lexique de comptabilité, 8e édition, Paris, Dunod, 2015,
1217 pages
- M. COLLET, Droit fiscal, Thémis droit, 1ere édition, paris, 453 pages
- J. MALHERBE, Droit fiscal international- impôts sur les revenus-Théorie générale
droit belge éléments de droit comparé, Maison LARCIER, Bruxelles, 1994, 869 pages
- P. SERLOOTEN & O. DEBAT, Droit fiscal des affaires, Dalloz, 2018/ 2019 17e
édition, Paris, 874 pages
- M. BOUVIER, Introduction au droit fiscal général et à la théorie de l’impôt, LGDJ
2010, 10e édition, Paris, 316 pages
- J. M. TCHAKOUA, Introduction générale au droit camerounais, presse de l’UCAC
Yaoundé, Octobre 201, 335 pages
- A. BENABENT, Droit civil- les obligations, Montchrestien 2010, paris, 12e édition,
718 pages
- Code civil du Cameroun
- Code général des impôts du Cameroun 2021
- Acte uniforme portant sur le droit commercial général
- Acte uniforme portant sur le droit des sociétés commerciales et groupement d’intérêts
économiques

Ouvrages spécifiques

- N. GHARB, le contrôle fiscal des prix de transfert, L’harmattan 2005, Paris, 495 pages
- J. AYANGMA AYANGMA, la pratique du contrôle fiscal des prix de transfert dans
l’espace CEMAC, cas du Cameroun, Harmattan 2015, Paris, 358 pages
- P. Y. CARASCO, Prix de transfert et stratégies d’optimisation fiscale de la firme
multinationale, Harmattan 2017, Paris, 146 pages
- X. DALUZEAU & al, Dossier Pratique- Prix de transfert, FRANCIS LEFEBVRE
2020, 4e édition, Paris, 409 pages

95
Articles

- T. RANDRIAMANALINA. Les prix de transfert dans les pays en développement. Cas


de Madagascar. Faut-il renoncer au principe de pleine concurrence dans les pays en
développement ? 2019. Hal- 02090977
- D. FEIST. L’incidence des politiques de prix de transfert sur le développement des
groupes. Gestion et management 2014. Dumas-01120151
- R. JAUNE. Le droit et la régulation des prix de transfert. Droit. Université Panthéon-
Sorbonne - Paris I, 2018. Français. NNT : 2018PA01D076.
- D. BOLDUC et A. A. GREEN — Université Laval Québec, Canada, « La
mondialisation et ses effets : revue de la littérature », hal –25471957
- J. LE CACHEUX, Mondialisation économique et financière : de quelques poncifs, idées
fausses et vérités, Hors-série Mars 2002

Thèses et mémoires

- M. E. H. DIALIGUÉ, le droit fiscal à l’épreuve de la mondialisation : la réglementation


des prix de transfert au Sénégal, thèse en droit 2011, Université Paris-Est
- B. MILÈNE, Le management de la performance en sein des PME par la quete des prix
de transfert optimaux, une convergence au service de la performance, Master 2 en
comptabilité, contrôle et audit, école universitaire de Rouen 2019
- DOUMBI NDEMBI C. J., Les limites du principe de pleine concurrence, Master en
administration fiscale, Université de Douala 2019
- KAKMENI TCHAMKAM Y. B., Les prix de transfert dans le système fiscal
camerounais, Master en Droit des Affaires Internationales et Fiscalité, UNIVERSITE
DE YAOUNDE II, 2013

Rapports et autres

- Rapport annuel Direction Général des Impôts Cameroun 2014, 2015, 2016, 2017 &
2018
- Commission Indépendante Pour la Réforme de L’impôt International sur les Sociétés,
Déclaration, 2015
- Commission Indépendante Pour la Réforme de L’impôt International sur les
Sociétés, une feuille de route pour améliorer les règles d'imposition des
multinationales- un avenir plus équitable pour la fiscalité mondiale, 2018

96
- Rapport global Eurodad, 50 Nuances d’évasion fiscales au sein de l’union européenne,
Novembre 2015
- Pietro Guj & al, Guide de référence pour les fiscalistes- Les prix de transfert dans
l’industrie minière, avec focalisation sur l’Afrique, 2017
- J. Cooper & al, Groupe banque mondiale- Un manuel à l’intention des décideurs et des
professionnels- Prix de transfert dans les économies en développement, 2016
- Nation unies, commission économique pour l’Afrique, Érosion de la base d’imposition
et transfert de bénéfices en Afrique : réformes de l’imposition des entreprises
multinationales, 2018
- Rapport 2020 Conférence Des Nations Unies Sur Le Commerce Et Le
Développement, Les flux financiers illicites
- Transparence fiscale en Afrique 2020, Rapport de progrès de l’Initiative Afrique pour
2019
- OCDE 2017 Principes de l’OCDE applicables en matière de prix de transfert à
l’intention des entreprises multinationales et des administrations fiscales
- Plateforme de collaboration sur les questions fiscales 2017, Boîte à outils pour faire
face aux difficultés liées au manque de comparables dans les analyses de prix de
transfert
- Le club des juristes, Prix de transfert- analyse critique des pratiques actuelles, Avril
2012
- Direction Générale des Impôts France, Guide des prix de transfert à l’usage des PME,
Novembre 2006

97
-

TABLE DE MATIÈRE
INTRODUCTION GÉNÉRALE.......................................................................................................... 1
PREMIÈRE PARTIE : LES MANIFESTATIONS DE LA SUBJECTIVITÉ DU CONTRÔLE
FISCAL DES PRIX DE TRANSFERT AU CAMEROUN : UN CONTROL INOPÉRANT ...... 15
Chapitre 1 : La subjectivité induite par la flexibilité du contrôle fiscal des prix de transfert au
Cameroun......................................................................................................................................... 17
Section 1 : Les généralités sur l’approche du principe de pleine concurrence et son
application au Cameroun ........................................................................................................... 17
Paragraphe 1 : La formulation des méthodes de détermination des prix de transfert se
référant au marché libre : les méthodes de l’OCDE ............................................................ 17
A) Présentation des méthodes de l’OCDE dites traditionnelles ..................................... 17
1) La méthode du prix comparable sur le marché libre ................................................. 17
2) La méthode du prix de revente .................................................................................. 18
3) La méthode du coût de revient majoré ...................................................................... 18
B) Présentation des méthodes de l’OCDE dites transactionnelles ................................. 18
1) La méthode transactionnelle de la marge nette (MTMN) ......................................... 18
2) La méthode du partage des bénéfices ........................................................................ 19
Paragraphe 2 : Les difficultés liées au contrôle de la conformité au principe de pleine
concurrence au Cameroun ..................................................................................................... 19
A) La subtilité propre au choix de la méthode appropriée ............................................. 19
1) Les préliminaires au choix de la méthode (l’analyse fonctionnelle) ......................... 19
2) Les déterminants du choix de la méthode (la notion d’entrepreneur principal) ........ 20
3) Les difficultés liées au choix de la méthode (la simplicité des recommandations de
l’OCDE face à la complexité de la réalité) ........................................................................ 20
B) La subtilité propre à la sélection des comparables .................................................... 21
1) Les facteurs de la délimitation des comparables ....................................................... 21
2) La recherche des comparables ................................................................................... 22
a) Les comparables internes ...................................................................................... 22
b) Les comparables externe ....................................................................................... 23
3) Les difficultés liées à l’insuffisance des comparables au Cameroun ........................ 23
Section 2 : La subjectivité induite par les limites de l’adoption du principe de pleine
concurrence et la complexité de son application au Cameroun .............................................. 24
Paragraphe 1 : La subjectivité induite par les limites de l’application du principe de
pleine concurrence ................................................................................................................... 25
A) La subjectivité induite par les limites tenant à la référence aux transactions
comparables libres ................................................................................................................. 25

98
B) La subjectivité induite par les limites tenant à la référence aux entreprises
comparables libres ................................................................................................................. 26
Paragraphe 2 : La subjectivité induite par la complexité de l’application du principe de
pleine concurrence au Cameroun .......................................................................................... 28
A) La subjectivité induite par les limites tenant à l’insuffisance des ressources ............ 28
B) La subjectivité induite par les limites tenant à la complexité de l’analyse des
transactions spécifiques ......................................................................................................... 30
1) La complexité liée à l’analyse des services intragroupes .......................................... 30
a) La complexité liée aux contraintes juridiques des services intragroupes .............. 30
b) La complexité liée aux contraintes économiques des services intragroupes ......... 31
2) La complexité liée à l’analyse des actifs incorporels ................................................ 32
Chapitre 2 : L’efficacité limitée du contrôle fiscal des prix de transfert au Cameroun :
conséquence de la subjectivité induite par la flexibilité du contrôle ........................................... 34
Section 1 : L’encadrement de la normalité subjective des prix de transfert au Cameroun . 34
Paragraphe 1 : La normalité subjective des prix de transfert : l’équilibre entre intérêt
social et intérêt du groupe....................................................................................................... 34
A) La complémentarité entre intérêt du groupe et intérêt social au cœur de la fixation
des prix de transfert ............................................................................................................... 34
B) Le caractère impératif de l’existence d’une contrepartie dans les prix de transfert face
à la présomption d’anormalité ............................................................................................... 35
1) La contrepartie directe ............................................................................................... 36
2) La contrepartie indirecte ............................................................................................ 36
Paragraphe 2 : La validation de la normalité subjective des prix de transfert : la
justification de la politique des prix de transfert au Cameroun ......................................... 37
A) Les enjeux subjectifs de la fixation du « juste » prix ................................................ 37
B) Les obligations documentaires au regard des prix de transfert au Cameroun ........... 39
1) Champ d’application ................................................................................................. 39
2) Contenu de la documentation .................................................................................... 41
3) Modalités de remise de la documentation et sanction ............................................... 41
Section 2 : L’efficacité limitée de la flexibilité du contrôle fiscal des prix de transfert au
Cameroun ..................................................................................................................................... 42
Paragraphe 1 : L’efficacité limitée tenant à la normalité subjective des prix de transfert
au Cameroun............................................................................................................................ 42
A) La réduction du risque fiscal lié à la normalité subjective des prix de transfert par les
rescrits fiscaux ....................................................................................................................... 42
B) L’efficacité limitée des rescrits fiscaux au Cameroun............................................... 43
Paragraphe 2 : L’efficacité limitée tenant à la subjectivité liée à l’application du
principe de pleine concurrence ............................................................................................ 46
A) La fiabilité subjective de la correction des comparables par les ajustements
primaires ............................................................................................................................... 46

99
B) L’efficacité limitée des ajustements de comparables ............................................ 48
DEUXIÈME PARTIE : LES PALLIATIFS À LA SUBJECTIVITÉ DU CONTRÔLE
FISCAL DES PRIX DE TRANSFERT AU CAMEROUN : ESQUISSE D’UN CONTRÔLE
OPÉRANT .......................................................................................................................................... 51
Chapitre 1 : Analyses des éléments objectifs du contrôle fiscal des prix de transfert au
Cameroun ........................................................................................................................................ 53
Section 1 : Analyse de la réglementation interne encadrant le contrôle fiscal des prix de
transfert au Cameroun.............................................................................................................. 53
Paragraphe 1 : Le préalable à l’accusation de l’anormalité des prix de transfert au
Cameroun ................................................................................................................................ 53
A) La preuve de l’existence de lien .............................................................................. 53
1) La dépendance juridique .......................................................................................... 53
2) La dépendance de fait .............................................................................................. 54
B) La charge de la preuve ............................................................................................. 55
1) Le principe ................................................................................................................ 55
2) L’exception ............................................................................................................... 56
Paragraphe 2 : Le dispositif de contrôle fiscal des prix de transfert au Cameroun ... 57
A) L’évolution temporelle du contrôle fiscal des prix de transfert au Cameroun .... 57
B) Le contrôle fiscal des prix de transfert au Cameroun ............................................ 58
1) Le contrôle préventif ................................................................................................ 58
a) Le contrôle de la « normalité » des rémunérations et de l’identité de leur
bénéficiaire .................................................................................................................... 58
b) Le contrôle des rémunérations transfrontalières par la TSR ............................. 59
c) Le contrôle du caractère « exagéré » des rémunérations par les seuils de
déductibilité .................................................................................................................. 59
2) Le contrôle curatif .................................................................................................... 60
Section 2 : Analyse des recours aux moyens supranationaux et autres d’évitement et de
règlement des conflits engendrés par les prix de transfert au Cameroun ........................ 61
Paragraphe 1 : Le recours aux conventions fiscales ratifiées par le Cameroun dans le
contrôle fiscal des prix de transfert..................................................................................... 61
A) La place des conventions fiscales bilatérales dans le contrôle fiscal des prix de
transfert au Cameroun ......................................................................................................... 61
B) La place des conventions fiscales multilatérales dans le contrôle fiscal des prix
de transfert au Cameroun .................................................................................................... 63
Paragraphe 2 : Le recours aux moyens permettant d’éviter et de régler les conflits
engendrés par les prix de transfert ..................................................................................... 65
A) Le paradoxe des ajustements de comparabilité secondaires (ou corrélatifs) ....... 65
B) L’émergence des procédures de règlement à l’amiable ........................................ 66
Chapitre 2 : Perspectives des éléments objectifs du contrôle fiscal des prix de transfert au
Cameroun ........................................................................................................................................ 69

100
Section 1 : Le renforcement des capacités de l’administration dans le contrôle fiscal des
prix de transfert au Cameroun ................................................................................................ 69
Paragraphe 1 : L’influence international sur le renforcement des capacités de
l’administration dans le contrôle fiscal des prix de transfert au Cameroun ............... 69
A) Les enjeux liés à l’appropriation des actions du projet BEPS .............................. 69
B) Les limites des réformes du projet BEPS pour le contrôle fiscal des prix de
transfert au Cameroun ......................................................................................................... 71
Paragraphe 2 : La prise en compte du contexte de l’étude dans le renforcement des
capacités de l’administration en matière de contrôle fiscal des prix de transfert ....... 73
A) Le renforcement des capacités de l’administration face à l’insuffisance des
comparables locaux.............................................................................................................. 73
B) Le renforcement des normes en matière de contrôle fiscal des prix de transfert ....... 75
1) Renforcement de l’organisation du service des prix de transfert .............................. 75
2) Renforcement des normes de contrôles ..................................................................... 76
Section 2 : Limites et alternatives du contrôle fiscal des prix de transfert au Cameroun .... 78
Paragraphe 1 : Limites du contrôle fiscal des prix de transfert au Cameroun ................. 78
A) Limites tenant au principe de pleine concurrence ..................................................... 78
B) Limites tenant aux principes juridiques traditionnels en matière de contrôle fiscal des
prix de transfert au Cameroun ............................................................................................... 79
1) Limite du principe de territorialité de l’entreprise indépendante .............................. 79
2) Limite du principe de la territorialité de l’impôt ....................................................... 80
Paragraphe 2 : Les pistes alternatives éventuelles au principe de pleine concurrence au
Cameroun ................................................................................................................................. 81
A) Les enjeux de l’abandon du principe de pleine concurrence ..................................... 82
B) Analyse des alternatives au principe de pleine concurrence au Cameroun ............... 83
CONCLUSION GÉNÉRALE ............................................................................................................ 86
ANNEXE .............................................................................................................................................. 91
RESSOURCES DOCUMENTAIRES ............................................................................................... 95
TABLE DE MATIÈRE ....................................................................................................................... 98

101

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