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Sous le thème :
La sécurité fiscale du
contribuable au Maroc
Sous la direction de : Pr. Abdelaziz El Hila
Soutenue publiquement le :
Devant le jury :
ii
Sommaire
Introduction générale
La première partie : La précarité de la situation du contribuable devant
l’administration fiscale
Chapitre I- Les manifestations de l’insécurité dans la norme fiscale et son
application
Section I- L’abus de rétroactivité en matière fiscale
Section II- La sécurité juridique du contribuable face aux défis de la
dégradation de la qualité de la loi fiscale
Section III- La mauvaise application de la loi par les agents de
l’administration fiscale
Section IV- La problématique de la procédure de notification fiscale
Chapitre II- Déficience du contentieux fiscal à garantir la sécurité fiscale au
contribuable
Section I- Une faible position du contribuable face au fisc devant
les instances d’arbitrage
Section II- La réclamation contentieuse : le premier affrontement
déséquilibré entre le fisc et le contribuable
Section III- Insuffisance de la sécurité judiciaire du contribuable
pour l’établissement de sa sécurité juridique
Deuxième partie : Les moyens de renforcement de la sécurité fiscale du
contribuable
Chapitre I: Le renforcement de la sécurité fiscale du contribuable à travers
le réaménagement de la norme fiscale
Section I – L’aspect temporel de la sécurité fiscale : L’impératif de
prévisibilité et de stabilité de la norme fiscale
Section II- L'aspect formel de la sécurité fiscale : l'amélioration de
la qualité de la norme fiscale
Chapitre II- La préservation de la sécurité fiscale du contribuable comme
fondement de l'Etat de droit
Section I- La sécurité fiscale à travers le renforcement des droits et
libertés fondamentales du contribuable
Section II- La sécurité fiscale à travers la bonne administration de
la justice fiscale
Conclusion générale
iii
Introduction générale
1
La question sécuritaire est devenue de nos jours une obsession
préoccupante dans n'importe quel domaine. Le terme sécurité est désormais
associé à une panoplie d'adjectifs. On parle ainsi de sécurité publique, sécurité
sanitaire, sécurité alimentaire, sécurité routière, sécurité sociale, sécurité
énergétique, etc.
Cet aspect sécuritaire qui imprègne les politiques publiques, gagne aussi du
terrain dans le domaine juridique dont la matière fiscale constitue la discipline
favorite de l'insécurité.
La sécurité fiscale est une notion fascinante de par sa portée et son étendue.
C'est dans ce sens qu'une série de travaux académiques1 de journées d'études2
et de rapports publics3 a été dédiée à l'analyse de cette notion (A), tout en
gardant à l'esprit ses implications sur le climat des affaires et sur l'attractivité
des nations (B). Le Maroc ne fait pas exception, surtout que les effets négatifs
de l'insécurité fiscale sont les mêmes dans n'importe quelle économie.
Néanmoins, face à la rareté des études juridiques se rapportant à cette notion
dans le contexte marocain, et vu les problématiques juridiques qu'elle suscite,
on peut affirmer que cette étude présente un intérêt académique certain, de
1
- Frédéric DOUET, Contribution à l'étude de la sécurité juridique en droit fiscal interne français, édition LGDJ,
paris 1997(à l'origine thèse soutenue 1997,à la faculté de droit à Rouen)
- Benoît ARAGOU, De l'insécurité fiscale : le risque lié à la production de la règle fiscale, thèse soutenu en
2007 à la faculté de Toulouse 1
2
- La sécurité juridique du contribuable, Journée d'études de droit fiscal, organisée par le centre de droit et de
politique comparés, le 25 Octobre 2013, à l'université de Toulon, faculté de droit
- Sécurité fiscale, Journée d’études du 9 octobre 2009 organisée par le Centre de recherche: Droit de la sécurité
et de la défense de l’Université Paris Descartes et l’Institut international des sciences fiscales
- la sécurité fiscale au Maroc et en France, Colloque organisé par l'Association pour la fondation internationale
de finances publiques (Fondafip) en collaboration avec la TJR, à Rabat, le 12 mars 2016
- Sécurité juridique et fiscalité, journée d’études organisée le 5 novembre 2002 conjointement par l’Institut
d’études sur la justice et la Fédération des entreprises de Belgique.
3
- Améliorer la sécurité juridique des relations entre l’administration fiscale et les contribuables - une nouvelle
approche, Rapport au ministre du Budget, des comptes publics et de la fonction publique en France, Présenté par
M. Olivier FOUQUET, président de Section au Conseil d’Etat, Juin 2008
- "Améliorer la sécurité du droit fiscal pour renforcer l’attractivité du territoire", Rapport au ministre d’Etat,
ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, établi par Bruno GIBERT, septembre 2004 (ci-après
rapport Gibert)
2
quoi nourrir de sérieuses motivations chez tout chercheur désireux de s'y
aventurer (C).
4
Ole WAEVER, Concepts of Security, Institute of Political Sciences, University of Copenhagen, 1997, p87.
Cité par Ayse CEYHAN, "Analyser la sécurité : Dillon, Waever, Williams et les autres", in Revue Cultures &
Conflits, n° 31-32 printemps-été 1998, p 42.
5
A. CEYHAN, Op. Cit. p 42.
3
Quel que soit le sens attribué à ce terme, l'être humain est naturellement
déterminé à chercher la sécurité dans tous les domaines où il opère. Il s'agit
d'ailleurs de l'une des fonctions du droit objectif, qui constitue le refuge de
tout individu contre les risques économiques, sociaux ou même physiques.
Sauf que le droit ne peut atteindre cet objectif sécuritaire que s'il est lui-même
sûr, d'où l'appellation "sécurité juridique".
La sécurité juridique est une notion très ancienne. Elle existait depuis
presque l'existence du droit lui-même, dans la mesure où il s'en sert pour
remplir ses fonctions. Il est communément admis que la sécurité juridique est
formellement liée à trois exigences : accessibilité, prévisibilité et stabilité du
droit objectif et des droits subjectifs. Plus précisément, les sujets de droit
doivent d'abord être avertis du contenu du droit applicable à leur situation et
de l'assimiler en conséquence afin qu'ils puissent agir en toute certitude.
Ensuite, le droit est supposé respecter leurs prévisions juridiques légalement
fondées. Et enfin, l'instabilité du droit peut générer un manque de confiance
envers les règles qui le composent.
6
Thomas PIAZZON, La sécurité juridique, éd Defrénois, Alpha, Paris 2010, p3
4
prévisibilité des sujets de droit. Et dans un sens inverse, la stabilité permet
d'élaborer des normes accessibles fiables et certaines, ce qui se répercute
également sur le respect de leurs prévisions déjà bâties.
7
Gérard CORNU, Vocabulaire Juridique - Association Henri Capitant éd. Presse Universitaire de France, 1990,
p.750
8
Dictionnaire du vocabulaire juridique, Sous la direction de Rémy CABRILLAC, éd. Litec, 2002, p. 345
5
l'adjectif "idéal", qui n'est qu'une simple aspiration à atteindre par le droit, car
aucun système juridique ne peut prétendre garantir une parfaite sécurité
juridique.
9
"L’index de la sécurité juridique", Bruno DEFFAINS et Catherine KESSEDIJAN (Mai 2015) publié par La
Fondation pour le droit continental en Mai 2015, p10, disponible en ligne : http://www.fondation-
droitcontinental.org/fr/wp-content/uploads/2015/04/Rapport-ISJ-Juin-2015.pdf Consulté le 19/09/2016 à 18:34
6
Ce caractère large de la notion de sécurité fiscale justifie aussi son influence
sur l'attractivité des territoires sur le plan économique.
10
" Sécurité juridique et initiative économique " Rapport élaboré par un groupe de travail présidé par Henri de
CASTRIES, Club des juristes. Mai 2015, p 16. Disponible en ligne : http://www.leclubdesjuristes.com/wp-
content/uploads/2015/05/S%C3%A9curit%C3%A9-juridique-WEB.pdf consulté le 26/09/2016
7
Cette influence du droit sur les comportements des investisseurs, se
confirme solidement en droit fiscal, à travers son caractère interventionniste
permettant à l'Etat soit d'encourager une activité économique donnée par des
incitations fiscales, soit simplement de l'enrayer par une sur-imposition. Le
taux d'imposition, ou plus généralement la pression fiscale, joue donc un rôle
important dans l'attractivité des territoires. Mais il n'est pas le seul. L'élément
"sécurité fiscale" joue également un rôle décisif dans le processus décisionnel
de l'homo-économicus, qui ne peut établir une stratégie claire et engager ses
capitaux pour un investissement durable, que si les normes fiscales sont
stables11. Il en ressort avec évidence que l'inflation normative crée de plus en
plus d'hésitation dans l'esprit du contribuable, quant au choix d'un régime
fiscal de faveur, ou à l'incertitude de la persistance d'un avantage fiscal. Cela
ne veut pas dire qu'il importe d'encourager le statisme des normes fiscales.
Bien au contraire, la mondialisation de l'économie et le développement sans
cesse des nouvelles pratiques commerciales appellent à une adaptation
constante de la législation de l'impôt par rapport au contexte économique
conjoncturel, à condition que celle-ci n'affecte pas la sécurité juridique du
contribuable.
11
Il faut cependant nuancer ce jugement de valeur, étant donné que le Singapour qui réforme fréquemment sa
législation des affaires, est classé parmi « les économies où il est le plus facile de faire des affaires». Thierry
LAMBERT, "Réflexions sur la concurrence fiscale", Recueil Dalloz, 22 juillet 2010, nº 27, p. 1734
8
entreprises étrangères, dans la mesure où la clarté de la législation fiscale leur
permet de bâtir des prévisions en toute certitude.
12
Rapport précité, dit rapport B. Gibert , p 65
9
C'est d'ailleurs ce qui confirme la thèse de la complémentarité de ces deux
notions en matière fiscale, qu'on a signalé précédemment.
10
partant du postulat que ce système fiscal ne présente pas assez de garanties en
sécurité pour le contribuable, une deuxième question surgit, à savoir :
Comment peut-on remédier à cette insécurité ? La réponse à cette question
nous pousse à explorer le droit comparé, en essayant d’étudier quelques
expériences étrangères ayant tenté de trouver des solutions aux différents
problèmes de l’insécurité fiscale du contribuable. L’engagement de cette étude
nous permettra en fin d’analyse, de dénouer notre problématique centrale, en
mettant l’accent sur les moyens à même d’assurer la sécurité fiscale du
contribuable marocain ?
Pour mener cette analyse, qui se veut critique et constructive, nous avons
opté pour un plan binaire, en suivant une méthodologie de recherche ajustée à
notre sujet. Ainsi, dans la première partie, on procédera à un travail de
diagnostic du système fiscal marocain sur le double plan : sécurité
juridique/sécurité judiciaire, en essayant d'une part de mesurer le degré de la
prévisibilité et de l'accessibilité de la norme fiscale, et d'autre part de citer les
normes lacunaires créant un effet d'incertitude dans l'esprit du contribuable et
ouvrant la voie aux abus des agents du fisc. Quant à la seconde partie, il y sera
question de proposer quelques solutions aux problèmes de l'insécurité fiscale
relevés au niveau de la première partie, en recourant notamment au droit
comparé, au moyen de la méthode comparative fonctionnelle, « qui consiste à
étudier les diverses solutions apportées par différents systèmes de droit à un
même problème13 ».
13
François DORION, Théorie du Droit Comparé, 2000, p20
11
Étant donné que le droit fiscal est une discipline large par ses branches14,
nous avons choisi d'éliminer du champ de notre étude portant sur la sécurité
fiscale du contribuable au Maroc, les règles de recouvrement, qui se
distinguent par leur autonomie de fait des autres règles du droit fiscal.
14
Il englobe ainsi les règles d'assiette et de liquidation de l'impôt, les procédures fiscales régissant
l'établissement, la contestation et le recouvrement de l'impôt, sans citer les différents chevauchements avec les
autres branches du droit et les sciences comptables
12
Première partie :
La précarité de la
situation du
contribuable devant
l’administration fiscale
13
Face à l’ampleur du fléau de l’insécurité fiscale, la situation du contribuable
est de plus en plus précaire devant l’administration fiscale, qui ne cesse de
gagner en puissance, profitant ainsi de la complexité, de l’instabilité et de
l’imprévisibilité des législations fiscales, mais aussi du déséquilibre frappant
entre les deux protagonistes lors du procès fiscal.
14
Chapitre I- Les manifestations de l’insécurité dans la
norme fiscale et son application
Pour ne pas trop se mêler dans un débat d’idées sans grande importance
pour notre problématique, on se contente de présenter la position du
professeur GROULIER, qui nous paraît plus proche du contexte juridique actuel,
dans la mesure où il ne limite pas la définition de la norme juridique à son seul
caractère impérativiste, se traduisant principalement par une capacité à
imposer et à s’imposer. Cette approche est de nature à réduire la norme
juridique en une simple règle de conduite sociale, destinée à encadrer les
comportements des citoyens15. Elle a aussi comme inconvénient d’écarter du
champ de la norme juridique une grande partie des « manifestations
contemporaines de la production juridique … qu’on appelle encore le droit
15
Ce qui lie intrinsèquement la norme juridique à une notion de puissance de commandement inhérente à l’Etat.
15
mou, ou soft law 16», d’où l’intérêt à opter pour la notion "d’obligatoriété", qui
présente l’avantage de la neutralité, en se plaçant dans une perspective
instrumentale de la normativité juridique17.
16
Cédric GROULIER, peut-on penser la norme juridique sans l’impératif ? in Revue Droits, éd Presses
Universitaires de France, 2009/2 (n° 50), p. 248
17
Selon le Pr. GOULIER « le droit ne peut pas être simplement tenu pour le fruit d’un imperium ; il est surtout
une technique nécessaire d’organisation d’un vivre-ensemble procédant d’une volonté de se lier. » Op. Cit.
p.259.
18
Jacques GHESTIN, Rapport de synthèse, in Le rôle de la pratique dans la formation du droit, Travaux de
l'association Henri Capitant, Journées suisses, 1983, t. 34, éd. Economica, 1985, p. 6, cité par, Xavier PRES, Les
sources complémentaires du droit d'auteur français, éd. Presses universitaires d’Aix-Marseille, 2004, Aix-en-
Provence , p225. n° 209
16
diagnostic général des différents types de norme fiscale quelle qu'en soit la
nature (loi, règlement ou doctrine administrative), à travers l'analyse de la
question de la rétroactivité qui affecte lourdement l'aptitude du contribuable à
prévoir les conséquences de ses actes (section 1), pour se pencher juste après
dans une analyse critique de la qualité de la norme fiscale (section 2) sous
l’angle de l’accessibilité et de l’intelligibilité de la norme fiscale.
Dans tous les actes qu’il produit dans sa vie, l’homme est déterminé à
prendre en considération le temps. Ce dernier « a toujours exercé une
fascination importante sur l’homme. Maîtriser le temps, … ce serait posséder le
pouvoir absolu d’influencer, de modifier le cours des événements 19». Mais cela
ne signifie pas qu’il peut faire reculer le temps, c’est ce qu’on appelle la
rétroactivité. Il est donc dans l’impossibilité de modifier ou d’effacer les
événements passés. Dès qu’ils produisent ses effets au présent, le retour en
arrière n’est plus possible. Toutefois, il existe un domaine où l’homme peut
19
Oliver DEBAT, La rétroactivité et le droit fiscal, ed Defrenois 2006, Paris. P5
17
réordonner le cours des événements afin qu’ils produisent leurs effets dans le
présent ou le futur. Il s’agit du domaine du droit. En effet, le temps dans la
sphère juridique a une place centrale, dans la mesure où il permet de
déterminer avec précision le commencement et l’extinction des effets d’un
acte ou fait juridique. C’est ainsi que par le biais du temps, on arrive à préciser
le commencement d’exécution d’un contrat en matière civile, comme il nous
sert aussi de moyen pour préciser le délai de prescription, compter le délai de
contestation d’une décision.
20
Jean KALINDERO, De la non rétroactivité des lois, éd Marescq Anié 1864, p4.
18
ancienne risque d’être source de désordre et d’anarchie 21», mais, selon ce
même professeur, cela n’exclus pas le caractère avantageux de la rétroactivité,
par exemple lorsque la règle de droit vient corriger rétroactivement une
situation d’insécurité, ou encore par la consécration d’une garantie
supplémentaire pour citoyen. Si on prend donc en considération « comme
critère les raisons mêmes qui ont fait admettre la non-rétraroactive, il semble
normal d'écarter le principe chaque fois que les considérions de justice, de
sécurité ou d'ordre social ne sont pas susceptibles d'être compromises, bien au
contraire 22».
21
Mohammed Jalal ESSAID, L’introduction à l’étude de droit, éd Collection Connaissances, Rabat, 3éme éd,
2000. P 254.
22
Ibidem p.260.
23
La sécurité juridique implique l’adjonction de deux éléments : d’une part, la règle de droit doit être bien
formulée, afin d’éviter au contribuable toute incertitude quant à ses effets juridiques ; d’autre part, il faut que les
conséquences juridiques de cette règle soient parfaitement connues à l’avance. Il en ressort que la sécurité
juridique est intimement liée à l’application de la règle de droit dans le temps. Ainsi dans son célèbre discours de
prononcé à l’occasion de la publication du code civil, Protalis avait considérait que « l'homme, qui n'occupe
qu'un point dans le temps comme dans l'espace, serait un être bien malheureux, s'il ne pouvait pas se croire en
sûreté, même pour sa vie passée : pour cette portion de son existence, n'a-t-il pas déjà porté tout le poids de sa
destinée? Le passé peut laisser des regrets ; mais il termine toutes les incertitudes dans l'ordre de la nature, il n'y
a d'incertain que l'avenir, et encore l'incertitude est alors adoucie par l'espérance, cette compagne fidèle de notre
faiblesse. Ce serait empirer la triste condition de l'humanité, que de vouloir changer, pour un temps qui n'est
plus, à faire revivre nos craintes, sans pouvoir nous rendre nos espérances ». (Jean-Étienne-Marie
PORTALIS, ̎exposé des motifs du titre préliminaire du code civil, de la publication, des effets et de l'application
des lois en général̎ in Motifs et discours prononcés lors de la publication du code civil, par les divers orateur du
conseil d'Etat et du Tribunal, Ed Chez Firmin Didot frères, Libraires, Paris 1838. p28)
19
l’instabilité de la législation fiscale. En effet, chaque loi de finances vient avec
une panoplie de modifications qui affecte des dispositions censées durer plus
longtemps, ce qui nuit incontestablement à la confiance du contribuable.
20
l’effet immédiat des lois, et la notion du fait générateur. Ce qui nous pousse à
poser des réserves sur son caractère absolu. C’est le cas des normes
rétrospectives que M. Fouquet dénomme « petite rétroactivité » dans son
célèbre rapport24 (A). Cependant, malgré l’atteinte qu’il porte à la sécurité
fiscale, ce type de rétroactivité reste tolérable par rapport au recours à la
rétroactivité pure et simple par le législateur, au mépris des termes de l’article
6 de la Constitution (B).
A- La rétroactivité des lois de finances
La question qui se pose à ce niveau, est de savoir si les lois de finances sont
par essence rétroactives, et par là elles tombent sous l’interdiction de l’article 6
de la Constitution.
En effet, le principe de l’effet immédiat des lois signifie que la loi nouvelle
s’applique dès son entrée en vigueur. De ce fait, ce principe est tourné vers
l’avenir et non pas vers le passé. Ce qui laisse entendre l’existence d’un lien
étroit entre l’effet immédiat et la non-rétroactivité des lois. Toutefois,
l’application immédiate d’une loi peut paraître comme une rétroactivité devant
un droit acquis.
A ce titre, une interrogation s’impose : est-ce que la théorie des droits acquis
constitue une exception au principe de l’application immédiate de la
nouvelle norme?
24
Amélioration de la sécurité juridique des relations entre l’administration fiscale et le contribuable : une
nouvelle approche", par Oliver FOUQUET, Rapport au ministre du Budget, des comptes publics et de la
fonction publique en France , 2008. Ed. La documentation française, p14
21
Il faut avant tout préciser qu’il n’a jamais été aisé de distinguer entre un
droit acquis et une simple expectative. D’où la difficulté pratique de prendre en
considération cette théorie pour écarter la rétroactivité des lois. Certains
auteurs ont essayé de tracer la ligne de démarcation entre un droit acquis et
une espérance de droit. Ainsi, selon les professeurs J.GHESTIN et G.
GOUBEAUX, « la notion de droit acquis exprime essentiellement un résultat.
Sont acquis les droits auxquels la loi nouvelle ne peut porter atteinte sans avoir
un effet rétroactif…25 »
22
- La loi d’impôt régit l’opération fiscale pour l’année
entière 29».
29
Op cit, R. FERRITTI, p 31
30
Laurent DAVID, "La rétroactivité en matière fiscale", in Revue française de comptabilité, n°286 Février 1997 p48
31
O.Debat op cit, p 69
23
finances votée en fin d’année qui régira l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les
sociétés pour les revenus ou bénéfices de la période en cours.
32
Plusieurs appellations sont attribuées aux lois de finances rétrospectives. Certains auteurs préfèrent parler de
"rétroactivité de fait ou de principe" (• Jean LAMARQUE, Ludovic AYRAULT et Olivier NEGRIN, Droit
fiscal général, Paris (2011), 2éme éd, Lexis Nexis/Litec p 463) d’autres parlent de "rétroactivité naturelle" ou
"petite rétroactivité" (Oliver FOUQUET, "La rétroactivité des lois fiscales", In la revue administrative, n° 278
avril 1994, p 140).
33
O.Debat op cit p 71
34
Frédéric DOUET, l'étude de la sécurité juridique en droit fiscal interne français, ed L.G.D.J., 1997, Paris, p112
24
Cette caractéristique des lois de finances met les contribuables dans une
situation d’ignorance totale de la règle fiscale applicable. Au moment où ils
accomplissent leurs actes, ils ne savent pas exactement "dans quelle sauce
fiscale ils seront mangés". « M. COZIAN a une formule explicite qui traduit
parfaitement ce malheureux état de fait : jouez d’abord, on vous donnera les
règles du jeu à la fin de la partie35».
Les exemples des dispositions rétrospectives ayant secoué les prévisions des
contribuables sont multiples. On en trouve au moins une dans chaque loi de
finances. On peut ainsi citer celle de l’année budgétaire 2008 qui avait révisé à
la hausse le taux de la TVA sur la location avec option d’achat (LOA) qui
s’applique aux loyers dus à compter du 1er janvier 2008. Cette mesure avait
pour effet de toucher l’économie des contrats conclus avant l’entrée en
vigueur de cette hausse, ce qui a généré une grande vague d’indignation chez
les consommateurs qui avaient conclu leurs contrats avec les établissements
financiers avant la publication de cette loi au Bulletin Officiel36.
35
Maximilien MESSI, Nul n’est censé ignorer la loi fiscale, tome1, la recherche de la règle applicable, ed
L’Harmattan 2007, Paris, p 51
36
"TVA sur LOA: Les consommateurs crient à l’arnaque ", In L’économiste Édition N° 2702 du 29/01/2008.
25
impôt repose sur l’activité des entreprises au moment où le seul impôt à
acquitter était un IS de 30% »37.
A vrai dire, il s’agit d’une jurisprudence courageuse qui privilégie l’équité sur
l’application du droit, en adoptant la théorie du droit acquis et écartant celle de
l’effet immédiat. Sauf que cette position semble être unique, puisque la cour
de cassation a eu l’occasion de s’exprimer sur la question à maintes reprises où
elle avait opté pour la théorie de l’effet immédiat des lois. Ainsi, pour ne citer
37
Fadel Agoumi, "Inconstitutionnel, le Fonds de cohésion sociale ? ", In La vie éco, ed du 25/06/2012
"لكن حيث ينص الفصل الرابع من الدستور على أنه ليس للقانون أثر رجعي وعليه فإن القانون الذي كان ساري المفعول سنة تحقيق الدخل وهو38
القانون القابل للتطبيق على الضريبة العامة على الدخل وليس القانون الذي أصبح ساري المفعول في تاريخ التصريح بالدخل ألن من غايات القانون
توفير االطمئنان بضمان التعامل على أساس قواعد قانونية معلومة مسبقا فال يمكن أن يكون قصد المشرع مفاجأة المتعاملين بضريبة لم يدخلوها في
.حسابهم االقتصادي ألنها لم تكن مفروضة أصال قبل السنة التي تحقق فيها دخلهم
يكون غير خاضع لضريبة المساهمة المفروضة على المعفيين من الضريبة العامة على1991 وحيث إن الدخل الذي ال نزاع في أنه تحقق سنة
الدخل ألن ضريبة المساهمة المفروضة على المعفيين من الضريبة العامة على الدخل ألن ضريبة المساهمة المذكورة هي ضريبة جديدة لم يقع
فكان قرار فرض ضريبة المساهمة المنازع فيها قرار غير1992 الذي لم ينشر بالجريدة الرسمية إال في يناير1992 إحداثها إال بقانون المالية لسنة
المؤرخ في1066 : " المجلس األعلى القرار عدد.مشروع لخرقه قاعدة عدم رجعية القانون ويكون ما قضى به الحكم المستأنف في محله
قضاء الغرفة اإلدارية في مجال الضرائب و: منشور في مجلة دفاتر المجلي األعلى484/5/1/1995 : عدد: ملف إداري03/07/1997
13 ص2005/9 عدد2004 و1997 التحصيل الفترة ما بين
26
que quelques exemples, la cour de cassation a considéré dans l'un de ses
récents arrêts, que l'administration fiscale doit tenir compte d'une nouvelle
mesure prescrite par la loi de finances de 2001, limitant le délai de réponse à
60 jours à compter de la date de la réception de la réponse du contribuable à la
première lettre. En appui à cette position, la cour avait considéré « que les lois
de nature procédurale s'appliquent immédiatement dès leur entrée en vigueur,
et que le principe de l'effet immédiat des lois consiste à appliquer les mesures
citées par la nouvelle loi sur les actes accomplis sous son égide, même s’ils
portent sur des faits dont la date est antérieure, ou si une partie des actes était
soumise à une loi antérieure39 ». La cour de cassation avait suivi ce même
raisonnement dans une autre affaire, en jugeant que les dispositions de l’article
242 al. 5 qui interdisent à l’expert nommé par le juge de fonder ses conclusions
sur des moyens ou documents qui n’ont pas été soumis à l’administration
durant la procédure contradictoire, sont des dispositions procédurales ayant un
effet immédiat40.
39
Arrêt de la cour de cassation n° 622 en date du 20/12/2012, dossier administratif n° 80/4/1/2011 (non
publié).
40
Arrêt de la cour de cassation n° 136/2 en date du 13/02/2014 dossier administratif n° 1926/4/2/2012.
Sur cette même question, voir également les arrêts suivants :
L’arrêt de la cour de cassation n° 38 en date du 17/01/2007, dossier adm n° 2102/2/4/2004 (non publié)
L’arrêt de la cour de cassation n° 164 en date 27/02/2008 dossier adm n° 2857/4/2/2006 (non publié)
L’arrêt de la cour de cassation n° 177 en date du 27/02/2009 dossier adm n° 2207/4/2/2006 (non publié)
L’arrêt de la cour de cassation n° 5 en date du 05/01/2012 dossier adm n° 801/4/2/2011 (non publié)
41
V. infra Deuxième partie - chapitre 1- section 1- §2- B- 2-Les mesures législatives d'accompagnement pour les
normes fiscales nouvelles. P174
27
dangereuse sur le plan de la sécurité juridique, que les lois fiscales
expressément rétroactives lorsqu’elles sont défavorables au contribuable.
28
1- La rétroactivité des lois fiscales en France
42
L. DAVID. Op.Cit. p 49
29
contribuables pour des agissements antérieurs à la publication des nouvelles
dispositions43.
43
L’évolution du droit pénal vers la notion de droit répressif a influencé le droit fiscal : les dispositions
répressives qu’il prévoit, c’est-à-dire les sanctions fiscales, se trouvent ainsi admises au sein des dispositions à
‘’coloration pénale‘’, ce qui a permis l’application par la suite du principe constitutionnel de non-rétroactivité en
matière fiscale.
44
O. DEBAT op cit p .303
30
rétroactif, en affirmant qu’aucun principe à valeur constitutionnelle ne s’y
opposait45. Ce n’est qu’en 1986 qu’il a commencé à nuancer sa position en
énonçant que « par exception aux dispositions de valeur législative de l'article 2
du code civil, le législateur peut, pour des raisons "d'intérêt général", modifier
rétroactivement les règles que l'administration fiscale et le juge de l'impôt ont
pour mission d'appliquer 46». Toutefois, cette solution n’a pas pu clôturer le
débat. En effet, les discussions s’acharnent encore sur la portée de la notion
d’intérêt général. Ainsi, certains auteurs considèrent que « l’intérêt général
peut être entendu comme correspondant à l’intérêt de finances publiques.
Sous cet angle, les lois de finances rétroactives tendent à augmenter les
ressources fiscales de l’Etat47 ». C’est d’ailleurs cette interprétation qui se
trouve à la base de l’adoption des lois de validation. D’autres auteurs ont fait
valoir que l’intérêt général ne doit pas se confondre avec l’intérêt financier et
budgétaire du trésor public. Selon eux, il doit aussi correspondre à l’intérêt du
contribuable48, dans la mesure où il mérite une ample protection, vu sa faible
position par rapport à l’administration. Le critère d’intérêt général doit donc
être évalué sur la base de l’utilité de la rétroactivité au regard d’une double
considération : celle des droits du contribuable et celle de la société49.
45
C. Const. français décision n° 84184 rendue le 29 décembre 1984, publiée au http://www.conseil-
constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis-1959/1984/84-
184-dc/decision-n-84-184-dc-du-29-decembre-1984.8137.html consulté le 05/08/2015 à 19 :35
46
C. const. français décision n° 86-232 rendue le 29 décembre 1986, publiée au http://www.conseil-
constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis-1959/1986/86-
223-dc/decision-n-86-223-dc-du-29-decembre-1986.8297.html consulté le 05/08/2015 à 14 :30
47
F. DOUET op cit p 130
48
L. DAVID op. cit. p.49
49
O. DEBAT op. cit. p 336
31
Quelle qu’en soit la portée, le Conseil Constitutionnel se réfère aux travaux
préparatoires du parlement pour juger de la constitutionnalité de la loi vis-à-vis
de l’exigence de l’intérêt général50.
50
O. DEBAT op. cit 336
51
Dahir n° 1-81-207 publié au Bulletin Officiel n° : 3572 du 15/04/1981 - Page : 218
32
Au regard de cet avantage, il n’est pas souhaitable de priver le législateur
d’un outil aussi important comme la rétroactivité. Mais cela nous conduit à
nous interroger sur l’utilité d’incorporer dans la constitution une interdiction
expresse de la rétroactivité des lois, tout en permettant au législateur de la
transgresser à sa guise. Devant ce paradoxe, le Conseil constitutionnel
marocain s’est inspiré de son homologue français, en se basant sur la notion de
l’intérêt général. Sauf que le contexte juridique est bien différent : le conseil
constitutionnel a usé de cette notion non pas pour encadrer le recours à la
rétroactivité des lois par le législateur comme c’est le cas en France, mais pour
ouvrir la porte à notre parlement pour enfreindre l’interdiction posée par la
constitution. Inutile de revenir sur le sens de cette notion précédemment
exposé, puisque le raisonnement du conseil constitutionnel marocain a été
identique à celui de la France. Ainsi, au moyen d’une lettre déposée au Conseil
le 27 décembre 2001, certains parlementaires ont invoqué
l’inconstitutionnalité d’une disposition de la loi de finances pour l’année
budgétaire 2002 qui accorde rétroactivement une exonération des droits et
taxes applicables à l’importation des viandes de volailles, d’ovins et de bovins
au profit des Forces Armées Royales, à compter du 1er janvier 1996. En réponse
à ce recours, le conseil avait considéré que « le principe de non-rétroactivité
des lois, posé par l’article 4 de la Constitution, ne constitue pas une règle
absolue, du fait des exceptions qui y sont apportées dans le cadre de la loi de
finances, justifiées par des critères sur lesquels se base le législateur pour
régulariser des situations exceptionnelles, définies par l’administration dans un
but d’intérêt général …52 ».
52
C. const. marocain, décision n° 467 rendue le 31 décembre 2001dossier n° 2001/557
Voir à ce titre note de Amine BENADBALLAH "Le Conseil Constitutionnel et le principe de non-rétroactivité
(note de jurisprudence) " In REMALD, n°43 mars-avril 2002 p. 99 à 108
33
Cette solution donnée par le conseil constitutionnel semble être efficace sur
le plan pratique, permettant ainsi de tolérer l’adoption de lois rétroactives, qui
peuvent être avantageuses pour le contribuable, tout en gardant un droit de
contrôle sur ce type de lois, au moyen du critère de l’intérêt général. Toutefois,
sur le plan juridique, le raisonnement du conseil suscite de vives critiques.
Selon le professeur BENABDALLAH : « le constituant avait eu tort d’être si
catégorique, mais est-ce que le juge constitutionnel peut le corriger aussi
simplement en admettant des exceptions au principe, justifiées par des critères
sur lesquels se base le législateur pour régulariser des situations
exceptionnelles, définies par l’administration dans un but d’intérêt
général ? 53». De plus, ce critère d’intérêt général a comme inconvénient d’être
vague et imprécis, dans la mesure où la loi, expression de la volonté générale,
n’a vocation en principe que de conquérir un but d’intérêt général. Or nous
savons que toutes les lois en général et les lois de finances en particulier, sont
élaborées sous-forme de projet de loi par le gouvernement et soumises au vote
du Parlement, alors que « les propositions de lois fiscales sont quasi
inexistantes54». Il appartient donc à l’administration de déterminer « l’intérêt
général et c’est [au] législateur [de] doit lui offrir la base légale55», le tout, sous
la bénédiction du Conseil Constitutionnel.
Outre le caractère flou et imprécis de cette notion, elle pourra avoir comme
effet d’ouvrir la porte à la prolifération des lois rétroactives, sans même
craindre la censure du Conseil Constitutionnel par la suite56.
53
Op cit M. A. BENABDALLAH
54
Noureddine BENSOUDA, Analyse de la décision fiscale au Maroc, ed La Croisée des chemins, 2009, p 41
55
Op cit M. A. BENABDALLAH
56
Une tentative récente de recours devant le conseil constitutionnel en vue d’annuler une disposition rétroactive
dans la loi de finances. Mais les juges n’ont pas discuté le fond du recours, ils ont déclaré la demande
irrecevable, car intentée hors délai (le conseil constitutionnel, décision n° 912/13 rendue le 01 janvier 2013
dossier n° 1368/12.
34
Au total, si la rétroactivité des lois fiscales portent inéluctablement atteinte à
la prévisibilité du contribuable, le revirement de l’administration sur une
interprétation donnée n’est pas moins préjudiciable à ses prévisions,
notamment lorsque le fisc entend l’appliquer rétroactivement.
57
Laurence VAPAILLE, La Doctrine Administrative Fiscale, éd L’Harmattan 1999 Paris. p 132 et s,
35
connaître par avance la position de l’administration58». Cela ne veut pas dire
qu’elle est contraignante pour le contribuable. Ce dernier peut parfaitement
ignorer son existence et procéder lui-même à l’interprétation des textes
fiscaux. Dans ce cas, on serait devant ‘’un conflit d’interprétations’’.
58
O. DEBAT, Op. Cit p 264
59
« Le système fiscal marocain: levier du développement économique et de cohésion sociale ». Avis sur auto-
saisine du Conseil Economique et Social et Environnemental vol. 9. rendu publique le 29 novembre 2012, p 8.
36
De ce qui précède, on remarque que la doctrine administrative se dote
implicitement d’une force juridique obligatoire, alors même qu’elle est
dépourvue de toute valeur juridique. En effet, « la prolifération de ces textes
ainsi que la position inférieure du contribuable par rapport à l’administration
incite à les considérer comme partie intégrante du droit fiscal60 ». Que seraient
donc les conséquences de cette force probante acquise par la doctrine
administrative sur la sécurité juridique du contribuable ?
60
Patrick SERLOOTEN, Droit fiscal des affaires, ed Dalloz 2009, Paris, p11
37
la sécurité fiscale ; le contribuable peut ainsi se voir subir des rehaussements
de ses impositions suite à un changement brusque de la doctrine
administrative.
Le recours à ces abus par le fisc est une certitude prouvée par l’histoire de
l’impôt au Maroc. On peut ainsi citer deux exemples :
61
V. infra, partie2- chapitre 1- Section I- §1- B- 1- Limitation du pouvoir d’appréciation de l’administration
fiscale p.151
38
Maroc. La problématique qui s’est posée à l’époque était de savoir dans quelle
catégorie fallait-il ranger la profession de pharmacien tenant une officine
pharmaceutique ? S’agit-il d’une profession libérale ou bien purement
commerciale ?
Cette question n’était pas sans intérêt sur le plan fiscal. S’il s’agit d’une
profession libérale, il ne faudrait donc les assujettir à la TVA qu’après l’adoption
d’une loi spéciale, en tenant compte du principe « pas d’impôt sans loi ». Si en
revanche, il s’agit d’une activité commerciale, la soumission des pharmaciens à
la TVA serait donc tranchée.
62
Omar Azziman, La profession libérale au Maroc, édition de la faculté des sciences juridiques économiques, et
sociales de Rabat, 1980, p165.
63
O. Azziman, Op. Cit. p167.
64
Ce débat n’est plus d’actualité aujourd’hui, puisque le législateur a tranché cette question par l’adoption de la
loi n° 17-04 portant code du médicament (B.O. n° 5480 du 7 décembre 2006) dont l’article 81 dispose que « les
39
mais dans le silence de l’administration fiscale qui n’a jamais posé cette
question auparavant ; elle « aurait dû surgir depuis le 1er janvier 1992, date
d'entrée en vigueur de la disposition (art. 4-3ème alinéa de la loi relative à la
TVA) étendant le champ d'application de la taxe aux commerçants détaillants
ayant réalisé un chiffre d’affaire supérieur ou égal à 3.000.000 de DH. Par
conséquent, comment se fait-il que l'administration fiscale ne se soit rendu
compte de la situation des pharmaciens qu'au cours de l'année 199765? »
Un autre exemple plus récent marque plus nettement ce type d’abus. Ainsi,
toujours en matière de TVA, ce sont les professionnels de la messagerie qui ont
vu leur prévisibilité troublée, en leur appliquant soudainement un taux de 20 %
au lieu de 14% auquel sont soumises les sociétés de transport. Selon le fisc,
l’activité de messagerie constitue un service à part entière, tout à fait distinct
de l’activité de transport, et devrait donc être soumise au taux normal de la
TVA. Comme dans le cas précédent, le problème ne réside pas dans cette
interprétation, mais dans le revirement du fisc après avoir longtemps taxé les
dispositions de la loi n° 15-95 formant code du commerce, …s’appliquent aux établissements pharmaceutiques
définis à l’article 74 ci-dessus dans la mesure où elles ne sont pas contraires à celle de la présente loi ».
65
"Une protection du contribuable contre les changements de doctrine administrative", InAuteur inconnu,
L’économiste Edition N°:391 Le 02/12/1998.
40
sociétés de messagerie par le taux réduit de 14% en les assimilant à des
sociétés de transport, ce qui a coûté cher à ces contribuables à cause des
majorations sur les 4 dernières années66.
Par cette jurisprudence, on peut admettre que la cour de cassation est bien
en avance par rapport à la loi en matière de protection de la prévisibilité du
contribuable, dans la mesure où elle fait appel au principe communautaire de
la confiance légitime pour faire obstacle à un revirement d’interprétation par
l’administration fiscale.
66
"La fatwa du fisc aux sociétés de messagerie", In L’économiste, Edition N°:4357 Le 12/09/2014.
"ما ورد من تفسير بالدورية المذكورة ملزما لإلدارة في مواجهة الملزمين إعماال لمبدأ الثقة المشروعة الذي يجعل من اطمئنان الملزم لتفسير67
اإلدارة للقانون بواسطة الدوريات الصادرة عنها لمعرفة حقوقه ضرورة مردها ثقته في التفسير المذكور والتي على أساسها قام بالتصرف على نحو
) (غير منشور2014/2/4/1394 : ملف إداري (الثاني) عدد2015/07/09 : المؤرخ فـي2/601 : محكمة النقض القرار عدد."معين
68
Arrêt de la cour de cassation n°464 en date du 04/06/2008 dossier adm n° 470/4/1/2005 (non publié)
41
précédemment, car c’est en référence à ce critère que s’apprécie l’existence
ou non d’une atteinte à un droit acquis, que ce soit par un changement de
doctrine administrative ou par l’effet de la rétroactivité économique des lois
fiscales.
69
Rapport B. Gibert, Op. Cit. 66.
70
Améliorer la sécurité juridique des relations entre l’administration fiscale et les contribuables - une nouvelle
approche - Rapport FOUQUET p7 disponible au : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-
publics/084000360/ consulté le 02/05/2016 à 19 :17.
71
Cette charte a pour objet de refléter le degré d’attractivité du pays pour les investisseurs, puisqu’il englobe la
plupart des dispositions incitatives à l’investissement, afin de capter le plus grand nombre de capitaux,
notamment étrangers. Sauf que la nature fondamentale de cette charte oblige de la modifier par une loi cadre, le
cas échéant.
42
En principe, rien n’interdit au législateur de modifier une loi fiscale. Il s’agit
au contraire de l’un de ses pouvoirs régaliens. De plus, il ne faut pas nier que
ces modifications peuvent être bénéfiques pour le contribuable, surtout
lorsqu’elles sont stipulées pour l’avenir, et quand elles prennent en
considération sa sécurité juridique. Dans ce sens, le conseil de l'impôt français
considère que « la sécurité juridique d'un contribuable est assurée lorsque ses
droits et obligations résultant d'une norme juridique ne peuvent être modifiés
que pour l'avenir et par une norme de niveau égal ou supérieur72». En outre, la
modification de la loi n’est généralement contestée que lorsqu’elle devient
fréquente. D’ailleurs, le terme même "d’instabilité" renvoie forcément à une
idée de répétition. Il ne s’agit pas du changement en tant que tel, mais de la
multiplication des changements.
72
"Fiscalité et vie des entreprises", 13éme rapport du conseil des impôts 1994, tome 1 Imprimerie des journaux
officiels, p 341
73
Maximilien MESSI, Nul n’est censé ignorer la loi fiscale, tome 1 : La recherche de la loi applicable, ed
L’Harmattan, p 39
43
A- Les causes de l’instabilité des lois fiscales
74
F. Douet Op. Cit., P 36
75
M. MESSI , Op. Cit, p40
44
En définitive, on remarque que « cette maladie endémique s'aggrave en
période d'alternance politique. Le changement de majorité est, logiquement,
facteur d'instabilité normative : des règles nouvelles vont incarner le
changement76 ». En fin de compte, on se trouve devant des lois chargées par
des dispositions inutiles, rapidement désuètes et non intelligibles.
B- Les manifestations de la rétroactivité économique
76
Nicolas MOLFESSIS, "Le changement ne justifie pas l'insécurité juridique", In Les Echos Business (édition
électronique) du 08/11/2012, http://business.lesechos.fr/directions-financieres/fiscalite/0202355262071-le-
changement-ne-justifie-pas-l-insecurite-juridique-2404.php consulté le 02/05/2016 à 19:41
45
des revenus provenant de la location de cités, résidences et campus
universitaires réalisés en conformité avec leur destination. Cette réduction de
l’I.S. concernait la construction de cités, de résidences et de campus
universitaires dont la capacité est au moins de mille (1000) lits. La loi de
finances 2007 a ramené cette condition à cinq cent (500) chambres dont la
capacité d’hébergement est au maximum de deux (2) lits par chambre. En
2008, la loi de finances a modifié une autre fois l’article 6 (II-C-2°) en réduisant
le nombre de chambres requis, de cinq cents (500) à deux cent cinquante (250).
De même la réduction de 50% d’impôt a été remplacée par un taux
proportionnel de 17,50%. Puis, en 2009, le nombre de chambres obligatoires
pour bénéficier de l’exonération a été réduit à cent cinquante. La loi de
finances pour l’année budgétaire 2010 a abrogé de cette mesure à compter du
1er janvier 2011. Il fallait attendre l’adoption de la loi de finances n° 43-10 pour
l’année budgétaire 2011 pour rétablir cet avantage accordé aux promoteurs
immobiliers qui construisent des campus, cités et résidences universitaires.
Actuellement, l’article 6-II-C-2° du code général des impôts en vigueur, n’exige
que 50 chambres dont la capacité d’hébergement est au maximum de deux lits
par chambre.
46
dans l’esprit des investisseurs, surtout lorsque le législateur a décidé d’abroger
cet avantage fiscal en 201177.
C’est un phénomène universel qui connaît de nos jours une ampleur sans
précédent aussi bien dans les Etats développés que dans ceux en voie de
développement. Il touche toutes les disciplines du droit notamment le droit
fiscal, où il engendre un sentiment général de rejet de l’impôt.
L’adage " nul n’est censé ignorer la loi" est devenu vide de tout sens en
matière fiscale. Ainsi, « face à une fiscalité complexe, une majorité importante
des contribuables [connaissent] mal, ou pas du tout, la réglementation fiscale
… notamment ceux qui ne bénéficient pas de l'aide du conseil fiscal souvent
77
Cette confusion peut être parfaitement illustrée par un autre exemple, portant sur la taxe des terrains non bâtis,
qui depuis son institution par la loi de finances de l’année 1978, a subi beaucoup de modifications, entre tantôt
l’exonération et tantôt la restauration. Cette confusion a généré plein de litige comme le montre les arrêts cités
ci-après :
Arrêt de la cour de cassation n° 1050 en date 20/12/2012 dossier n° 1490/4/1/2010 (non publié)
Arrêt de la cour de cassation n° 38 en date du 17/01/2007, dossier adm. N° 2102/4/2/2004 (non publié)
Arrêt de la cour de cassation n° 536 en date du 23/06/2011 dossier adm. N° 592/4/1/2010,
(57-56 ص،12/2014 عدد، الغرفة اإلدارية،(منشور في نشرة قرارات محكمة النقض
Arrêt de la cour d’appel administrative de Rabat n° 199 en date du 18/04/2007 dossier n° 9/06/57
78
Thomas PIAZZON, La sécurité juridique, ed. Defrénois, Alpha 2010. p.32
47
onéreux. Le devoir d'informer qui pèse sur le fisc doit se fonder sur un constat
inverse selon lequel "nul n'est censé connaître la loi" 79».
Dans ce sens, la Cour des Comptes française avait dénoncé ce nouveau mal
touchant le droit fiscal, en affirmant que « le Code Général des Impôts est
devenu, aux yeux même de l'administration, inintelligible, avec un vocabulaire
parfois désuet et une rédaction souvent obscure80 », à quoi il faut ajouter que,
« chaque année, environ 20 % des articles du Code sont remaniés81 ». Tout cela
nous conduit à nous interroger sur le degré d’accessibilité des normes fiscales
au contribuable, sachant que cette notion possède deux facettes dont l’une
dépend de l’autre : l’accessibilité matérielle ou physique (§1) et l’accessibilité
intellectuelle (§2).
§ 1- L’accessibilité matérielle :
79
ElHilali Cherif, Les rapports entre le fisc et les contribuables: les exigences de la bonne gouvernance fiscale.
Thèse soutenue publiquement à la faculté de droit de Rabat- Agdal, année universitaire 2010-2011. p.12
80
, "Les relations de l’administration fiscale avec les particuliers et les entreprises", Rapport public thématique,
Evaluation d’une politique publique. Cour des Comptes française, Février 2012. p29
81
N. MOLFESSIS, Article Précité.
48
opposable aux sujets de droit que s’ils en ont pris connaissance. D’où le
développement des systèmes de vulgarisation du droit.
A vrai dire, cette question ne se pose plus aujourd’hui avec intensité, du fait
notamment du développement des technologies de l’information qui
constituent de nos jours un support important de diffusion de droit. On peut
citer à cet égard l’exemple du site web du secrétariat général du
gouvernement82, qui constitue une grande avancée dans le sens de l’accès au
droit. On y trouve ainsi tous les Bulletins Officiels publiés depuis 1913, ainsi que
les projets de lois et de règlements, en permettant aux lecteurs de les
commenter à travers des forums publics. Un autre exemple est celui des
portails de chaque département ministériel qui contiennent une rubrique
dédiée aux textes juridiques (les lois, règlements et circulaires…) se rapportant
à leur domaine d’activité.
Sur le plan fiscal, deux sites web d’une importance capitale méritent d’être
cités : il s’agit en premier lieu de celui du ministère de finances83 et en second
lieu de celui de la direction générale des impôts84. Les deux sites web
constituent une source importante aussi bien pour les contribuables que pour
les professionnels et les chercheurs en droit fiscal. On y trouve ainsi toutes les
lois fiscales actualisées, en plus des règlements et des notes circulaires en
vigueur.
82
http://www.sgg.gov.ma
83
http://www.finances.gov.ma
84
http://www.tax.gov.ma
49
droit, l’utilisation de ces techniques reste limitée à cause de l’analphabétisme
persistant et du manque d’une culture informatique et juridique.
Les mêmes avantages peuvent être tirés de la publication des décisions des
commissions d’arbitrage (les commissions locales de taxation et la commission
nationale des recours fiscaux), dont l’importance est capitale pour tous les
praticiens du droit fiscal. C’est dans ce sens que cette exigence a été
recommandée par les assises nationales sur la fiscalité tenues les 26 et 27
novembre 199985, puis réitérée lors des dernières assises nationales tenues les
29 et 30 avril 201386.
§ 2- L’accessibilité intellectuelle
C’est une notion bien plus complexe que l’accessibilité matérielle. Elle
implique ainsi que « les règles prennent toute leur portée à la lumière du
corpus juridique dans lequel elles sont appelées à s’insérer, sans qu’il faille,
85
DGI, Assises nationales sur la fiscalité, 26 et 27 novembre 1999, p 101 http://ebookbrowse.com/assises-
nationales-sur-fiscalite-maroc-pdf-d178972247 consulté le 13/06/2015 à 16 :20
86
Recueil des travaux des assises nationales sur la fiscalité 29 et 30 avril 2013,publié par la direction générale
des impôts, p74.
50
pour y parvenir, faire appel à trop de dispositions extérieures au texte »87. La
notion de l’accessibilité intellectuelle renvoie donc à celle de l’intelligibilité du
droit, qui constitue l’un des piliers de la sécurité juridique du contribuable.
La lisibilité a trait à la forme de la règle, elle suppose donc qu’elle soit écrite.
Mme Koubi la définit « comme la qualité d’un texte qui peut être lu
promptement, assimilé facilement, dont les éléments essentiels sont identifiés
et simplement retenus 89». La présentation formelle des textes doit être
cohérente et doit aider au jaillissement de leur sens. Cela concerne aussi
l’esthétique linguistique à travers le bon usage de la langue de rédaction qui
87
"Etudes et documents du conseil d’Etat", Rapport du conseil d’Etat de France n°57, 2006, ed. la
documentation française, p 282
88
"De la sécurité juridique ", Rapport du Conseil d’État : études et documents du Conseil d’État, Rapport public
199, Volume 43/1992, ed la documentation française. P20
89
Genevieve Koubi, " Lire et comprendre : quelle intelligibilité de la loi ? ", In Le Titre préliminaire du Code
civil sous la direction de KOUBI Geneviève, FAURE Georges, Economica, coll. Etudes juridiques, 2003, p227.
51
octroie une bonne lisibilité au texte de droit. Ce dernier, une fois découvert et
lu, encore faut-il qu’il soit compris, d’où le principe de la clarté des lois.
Bien entendu, celui qui fait la loi doit être clair. C’est sous cet angle que le
Conseil Constitutionnel français a érigé la notion de la clarté en un principe à
valeur constitutionnelle, en se fondant sur la Déclaration des Droits de
l’Homme et des Citoyens90.
En somme, quel qu’en soit l’usage, la loi doit être simple et précise pour être
compréhensible et par conséquent, accessible. C’est dans cette optique que
notre législateur a entrepris des réformes pour la rendre plus simple et
intelligible.
90
« Il a en effet estimé que l’égalité devant la loi, énoncée par l’article 6 de la Déclaration, et la garantie des
droits, requise par son article 16, pourraient ne pas être effectives si les citoyens ne disposaient pas d’une
connaissance suffisante des normes qui leur sont applicables. Il a estimé qu’une telle connaissance était en outre
nécessaire à l’exercice des droits et libertés garantis tant par l’article 4 de la Déclaration, en vertu duquel cet
exercice n’a de bornes que celles déterminées par la loi, que par son article 5 aux termes duquel tout ce qui n’est
pas défendu par la loi ne peut être empêché et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas » O.
Dutheillet de Lamothe, "La sécurité juridique : le point de vue du juge constitutionnel", in Rapport public du
Conseil d'Etat 2006, Paris, La Documentation française, 2006.
91
T. PIAZZON, Op. Cit. p20
52
B- Quelques exemples des efforts déployés pour l’amélioration de l’intelligibilité du
droit fiscal
92
Cette réforme vient à la suite du rapport de la mission menée par Vito TANZI, Peter S. GRIFFITH et Luc DE
WULF le 22 mars 1979 par le Fond Monétaire International, Département des Finances Publiques, sous le titre
de « la réforme fiscale au Maroc ». Dans ce rapport, les chargés de cette mission ont constaté que « la
multiplicité des impôts est aussi considérée comme une grande faiblesse du système fiscal marocain. Elle
entraîne plus une perte de temps dans la gestion des impôts qu’elle ne procure de recettes. Le F.M.I. propose de
supprimer tous les impôts ayant pour seul objectif de fournir des recettes et dont le rendement est inférieur à
0,5% du total des recettes fiscales ». Noureddine BENSOUDA, Analyse de la décision fiscale au Maroc, 2009
Editions La croisée des chemins, p.68.
93
Mustapha El KTIRI, "Le système fiscal marocain actuel et les solutions de réforme", Acte du Colloque
national tenu à Rabat le 6-7 Mai 1983, sous le thème : La réforme fiscale au Maroc (1985) Les éditions
Maghrébine, p.130
94
Mohamed BEKKALI, "Le contrôle fiscal : objectifs et contraintes ". In Assises nationales sur la fiscalité au
Maroc, Ed Ministère de l’économie et des finances de la privatisation et du tourisme, 1999, p 84.
95
Tout au long des débats chaque intervenant n’a pas raté de rappeler que la législation fiscale marocaine
manque toujours de clarté et de simplicité, que ce soit au niveau des panels relatifs à la législation fiscale qu’au
niveau de ceux des procédures. V. Recueil des assises nationales sur la fiscalité, Op. Cit, p42.
53
« notamment concernant les référentiels appliqués et la définition des règles
de calcul des différents impôts 96».
Il ne faut pas tout de même nier les efforts déployés par le législateur
marocain dans le sens de la clarification et la simplification des dispositions
fiscales. On peut ainsi citer l’adoption de ″la charte du contribuable vérifié″, qui
a été introduite par l’article 7 de la loi de finances n° 43-10 pour l’année
budgétaire 2011, qui consiste en « un document qui synthétise les droits et
obligations des parties lors des opérations de vérification et au cours de la
procédure contradictoire de rectification99 », et qui devrait être annexée à
l’avis de vérification notifié, sous peine d’annulation de toute la procédure.
96
Ibidem, p 65
97
"Le système fiscal marocain : Développement économique et cohésion sociale", Rapport du Conseil
Economique, Social et Environnemental., novembre 2012. p10
98
Ibidem., p 51
99
DGI, note circulaire n°717 tome3, avril 2011, p 195.
54
l’adoption de la loi de finances de l’année 2013, par la contribution au profit du
Fonds d’Appui à la Cohésion Sociale. Le gouvernement a attribué ce
changement d’abord au faible rendement de la TVA sur la livraison à soi-même
de construction à usage d’habitation, puis aux mauvaises pratiques de fraude,
de falsification et de présentation de factures fictives ou de complaisances,
« qui portent atteinte au climat de confiance qui doit régner entre les
contribuables et l’administration fiscale100». En plus de ces avantages
budgétaires, cette nouvelle contribution a le mérite d’être simple et claire,
dans la mesure où elle instaure un barème progressif fixant le montant à payer
en fonction de la superficie couverte, malgré le fait qu’il soit inéquitable101.
Toujours dans le cadre des efforts des pouvoirs publics pour la clarification et
la simplification des normes régissant la matière fiscale, on ne peut pas passer
sous silence la grande réforme de la taxe sur la valeur ajoutée, qui figure parmi
les recommandations phares des assises nationales sur la fiscalité de Skhirate.
En effet, cette taxe constituait un exemple frappant de la technicité et de
l’incohérence de la législation fiscale. M. BENSOUDA, le Trésorier Général du
Royaume, avait souligné « que beaucoup de chemin reste à faire
particulièrement en matière de TVA, car cette taxe comporte toujours de
nombreux taux et que le taux zéro qui devait être réservé exclusivement aux
exportations, est appliqué à un grand nombre d’autres opérations. Cette taxe
comporte également un nombre important de dérogations fiscales qui la
compliquent, altèrent sa cohérence, compromettent sa neutralité et en
réduisent le rendement102. C’est pour cette raison qu’une réforme globale de
100
Note de présentation du projet de loi de finances pour l’année 2013. P 113.
101
L’iniquité de cette contribution se manifeste à travers l’application d’un même barème sur tous les types de
biens quelle qu’en soit la valeur vénale.
102
Noureddine BENSOUDA, Trésorier Général du Royaume, "Quels dispositifs de mobilisation des ressources
publiques ? Quelle politique fiscale ? " Contribution au Colloque International sur les Finances Publiques sous le
55
cette taxe a été engagée depuis la promulgation de la loi de finances pour
l’année 2014, en supprimant tous les taux d’exceptions pour se contenter de
deux taux seulement, à savoir les taux 10% et 20%103.
Pour illustrer cette situation, on peut citer l’impôt sur le revenu (I.R.) qui
reste caractérisé par une cédularité accrue malgré les efforts de simplification
thème : « Réforme des Finances Publiques et Nouvelle Gouvernance », tenu à Wuhan, Hubei Chine, les 15 et 16
janvier 2011.p38 www.fondafip.org/f1699_texte.pdf consulté le 10/05/2016 à 18:22.
103
Note de présentation du projet de loi de finances pour l’année budgétaire 2014. P142
104
Comme la publication d’un Référentiel des Prix des Transactions Immobilières opposable à l’administration
seule, ou encore l’adoption du Statut de l’Auto-entrepreneur…
105
. Frédéric Douet Op. Cit, p 2
56
initiés depuis la réforme de 1984106. C’est dans ce sens que Pr. N.AKESBI avait
déclaré qu’« on prétend que les taxes sur les profits immobiliers, les produits
des actions, ou les placements à revenu fixe ont été supprimées et intégrées à
l’IR, …alors qu’elles ont été en fait seulement chapeautées par ce dernier,
gardant quasiment toutes leurs caractéristiques originelles (taux, assiette,
mode de paiement…) ! De sorte que l’impôt sur le revenu (qui du reste n’a plus
la prétention d’être «général») ressemble plus à une addition d’impôts
cédulaires107, coexistant sous un même "chapiteau", qu’à un véritable impôt
synthétique108 ».
En outre, nul doute que l’inflation législative, que certains auteurs préfèrent
qualifier de «productivisme juridique109 », constitue un fléau contemporain
dont souffre notre corpus législatif, en accentuant ainsi l'insécurité et
l'instabilité juridique du contribuable, ce qui provoque chez lui un grand
désarroi, et un sentiment de marginalisation par la multiplication des
prélèvements fiscaux. Dans ce contexte, Pr AKESBI s’est interrogé sur l’utilité de
certaines contributions au regard du rendement budgétaire, puisque, selon lui,
« la densité du système reste excessive au regard du rendement de la grande
majorité de ses composantes. Ainsi, en se tenant au seul chapitre du "ministère
de l’Economie et des Finances" dans la loi de finances pour 2008, on compte
encore plus d’une quarantaine de lignes budgétaires "actives", correspondant à
des "prélèvements", "impôts", "droits" et "taxes", alors que nous savons bien
106
Cette réforme a été énoncée par la loi-cadre n° 3-83 relative à la réforme fiscale adoptée par la chambre des
représentants le 20 décembre 1982 et promulguée par le dahir n° 1-83-38 du 23 avril 1984.
107
Comme la Taxe sur le produit des actions et parts sociales (T.P.A), la Taxe sur les Produits de Placements à
Revenus Fixes (T.P.P.R.F.), la Contribution sur les Revenus Professionnels et Fonciers Exonérés (C.R.P.F.E.) et
la Taxe sur les Profits de Cession de Valeurs Mobilières (T.P.C.V.M.).
108
Najib AKESBI. "Evaluation du système fiscal, (Deuxième et dernière partie : Une fiscalité complexe,
incohérente et injuste", In La revue ECONOMIA n°3 / juin - septembre 2008 p.75
109
Appellation employée par Maximilien MESSI, Op. Cit. p 54. et aussi par Fréderic DOUET, Op. Cit. p.32.
57
que quatre impôts seulement (TVA, IS, IR et DD) rapportent plus de 80% des
recettes fiscales totales110 ».
Devant cet état de fait, même « l’expert fiscal le plus averti, pour ne pas
parler du simple contribuable, se trouve perdu dans cette jungle de textes
fiscaux et doit consulter des textes et des décisions disparates, pas toujours
disponibles et, surtout, pas toujours en harmonie les uns avec les autres111 ».
110
Op.Cit. N. AKESBI, p 75.
111
Rachid LAZRAK, "Le système fiscal marocain : Moteur ou frein au développement de l’entreprise (Seconde
partie) ", L'économiste, Date d'édition : 31/05/2007, N° 2538.
112
• Thierry LAMBRET, "Le contribuable face à l’administration fiscale." In psychologie et science
administrative. Presse Universitaire de France, collection CURAPP, 2, 1985, p113.
58
Mis à part ces considérations, la complexité et l’incohérence de notre
système fiscal est de nature à favoriser le non-respect des prescriptions légales
par les agents de l’administration fiscale.
Or, dans la pratique, l'action du fisc est souvent animée par des
considérations de rendement budgétaire et d’intérêt du trésor, ce qui mène
souvent à la négation d'un certain nombre de droits fondamentaux du
contribuable, notamment ceux liés au respect de la procédure contradictoire et
à la présomption de bonne foi.
Cette réalité peut être aisément vérifiée par l'analyse de quelques pratiques
contestables du fisc, en particulier en matière de contrôle et de redressement
fiscal, et qui mettent le contribuable dans une situation de précarité et
d’insécurité fiscale.
59
§ 1- La désorganisation de la procédure du contrôle fiscal
Néanmoins, étant donné que le contenu de cette charte n’a pas de valeur
législative, il paraît logique qu’elle n’ait pas d’effet obligatoire envers
l’administration, qui en constitue le principal concepteur. C’est pour cette
raison que « les rapports entre le contribuable et l'administration fiscale
restent marqués par une certaine suspicion, pour ne pas dire animosité113 », ce
113
R. LAZRAK, Op. Cit.
60
qui aura pour effet d’encourager l’évasion et la fraude fiscale du contribuable
et de faire propager la corruption auprès de certains agents de l’administration.
A vrai dire, le contrôle fiscal ne pose pas de problème en soi, car il s'agit d'un
droit de l'administration fiscale, mais cela n'empêche pas d’affirmer que cette
dernière peut en abuser, notamment lorsqu'il devient répétitif. Cette situation
met le contribuable dans un état d'ignorance totale de son résultat fiscal
jusqu'à la clôture des opérations de vérification, ce qui se répercute
certainement sur ses projections en termes d’investissements, voire même sur
la survie de son entreprise.
La Cour des Comptes avait signalé dans l’un de ses rapports que
l’administration fiscale ne dispose pas de stratégie suffisamment claire en
matière de contrôle fiscal. « L’approche adoptée se focalise essentiellement sur
des objectifs de recettes annuelles pour faire face aux exigences de la loi de
finances et beaucoup moins sur des aspects importants des missions dévolues
en principe à l’administration fiscale comme l’élargissement d’assiette,
l’établissement de l’équité fiscale, la promotion de l’investissement et de
114
l’activité économique,… ». Pour parvenir à ces objectifs, l’administration
avait adopté un certain nombre de critères lui permettant de sélectionner les
114
Rapport annuel de la Cour des Comptes, 2011, p35 -36
61
contribuables pouvant faire l’objet d’un contrôle fiscal, d’autant plus que celle-
ci souffre d’un déficit énorme en nombre d'inspecteurs vérificateurs115.
Parmi les critères les plus décriés, on trouve celui des antécédents fiscaux,
qui consiste à programmer un contrôle fiscal pour les entreprises ayant déjà un
passé fiscal, c’est-à-dire celles qui avaient fait l’objet d’un redressement fiscal
auparavant. C’est une pratique abusive, dans la mesure où elle stigmatise les
contribuables en tant que fraudeurs, sachant que la plupart d’entre eux
agissent de bonne foi, en se faisant redresser à cause de leur ignorance de la
législation fiscale, caractérisée par sa complexité et son changement fréquent.
Par ailleurs, il a été constaté que les entreprises les plus transparentes sont
celles qui se trouvent chaque fois contrôlées par le fisc, ce qui favorise le
basculement de ces derniers vers l’économie informelle116, dans la mesure où
« les entreprises contrôlées sont celles identifiées auprès de l'administration
fiscale, qui n'est pas en mesure de réaliser des contrôles auprès des entreprises
opérant dans le secteur de l'informel117 ».
115
L’effectif des vérificateurs, à l’instar de l’effectif global de la DGI, est resté stable avec une moyenne
d’environ 350 vérificateurs sur la période 2001 – 2010. Recueil des travaux des Assises Nationales sur la
Fiscalité 29 et 30 avril 2013, p 49.
116
Dans son allocution lors des assises nationales sur la fiscalité, la présidente de la CGEM avait signalé que ce
genre de pratique a tendance à développer « l'économie informelle qui nourrit le fléau de la concurrence
déloyale, plombe la compétitivité et crée un cannibalisme inter-entreprises ». V. Recueil des travaux des Assises
Nationales sur la Fiscalité Op. Cit., p30.
Le Conseil Economique, Social et Environnemental a critiqué ces pratiques du contrôle fiscal qui sont orientées
vers « les contribuables les plus apparents et transparents auprès desquels il serait plus facile d’opérer des
redressements et de réaliser des recettes supplémentaires. Le contrôle n’est pas en effet orienté vers les
contribuables les moins transparents et opérant dans l’informel ou l’opacité. Ce système n’incite pas à la
transparence et pousse les contribuables à se retrancher dans des activités non déclarées. Le contrôle n’est donc
pas efficace comme moyen de sanction contre les fraudeurs ». Le système fiscal marocain, développement
économique et cohésion sociale, avis sur auto-saisine du Conseil Economique, Social et Environnemental,
n°9/2012, p.8
117
Recueil des travaux des Assises Nationales sur la Fiscalité. Op. Cit. p.65
62
vertu duquel les grandes structures font l’objet de plus de contrôle que les
petites. Il en est de même pour les entreprises qui n'ont pas été contrôlées
depuis longtemps, en encourant un plus grand risque d'être à nouveau
contrôlées.
B- La notification à l’approche de l’échéance de la prescription
Il s'agit là aussi d'une pratique qui résulte à la fois du déficit des inspecteurs
vérificateurs dans l'administration fiscale et de la défection des systèmes de
gestion des processus liés à la collecte des ressources fiscales par la Direction
Générale des Impôts (DGI). Dans ce cadre, la Cour des Comptes avait relevé
quelques carences au niveau des systèmes d'information mis à la disposition de
la DGI. Ainsi dans son rapport annuel de 2011, la Cour avait mis l'accent sur les
insuffisances de la gestion, qui sont à l'origine de la fuite de beaucoup de
ressources fiscales à l'Etat. En effet, « la Cour des comptes a constaté que
l’essentiel des activités réalisées par les services d’assiette sont d’ordre
administratif… Peu d’attention est accordée aux travaux d’analyse et de
contrôle des déclarations fiscales reçues qui sont en principe le métier de base
des services d’assiette118 ». Cette situation génère beaucoup de retard dans la
relance des contribuables défaillants, qui, le plus souvent, ne se fait qu’à
l’approche de l’échéance de la prescription. Du point de vue juridique, ce fait
n'a rien d'illégal, au contraire, ce comportement des inspecteurs se justifie par
le fait qu’ils ne veulent faire échapper aucune recette à l'Etat. Or, dans la
pratique, les contrôleurs rejettent parfois la comptabilité établie par le
contribuable de manière systématique notamment lorsqu’ils « n’arrivent pas à
trouver des motifs solides de redressement ou lorsqu’il y a risque de
prescription119 ». À cela, il faut ajouter les perturbations des prévisions du
118
Rapport annuel de la Cour des Comptes 2011 Vol.1, p. 20
119
Ibidem, p38.
63
contribuable de bonne foi, en particulier lorsqu'il ne s'attend pas à un contrôle
assorti d'un complément d'impôt.
64
redressements systématiques et non motivés des agents du fisc, et le recours
massif aux transactions et leur impact sur la sécurité fiscale du contribuable.
A- Les redressements systématiques et non motivés
123
Rapport du CESE Op. Cit. p.70
124
Mohamed CHAOUI, "Fiscalité/contribuables Le rétablissement de la confiance, selon le CES, " L'Economiste
éd. n° 3924 du 07/12/2012
Dans le même ordre d'idée, le Conseil Economique, Social et Environnemental a également affirmé que « l’un
des secteurs qui génère le plus de frustration est celui de l’immobilier. Ainsi, pour des biens similaires ou dans la
même zone, les citoyens ont l’impression qu’il y a des traitements différenciés pour ce qui touche à la taxe sur
les profits immobiliers, pour les redressements concernant les droits d’enregistrement ou pour les montants des
taxes d’habitation à payer. Le manque de transparence des barèmes utilisés par l’administration fiscale nourrit
très largement le sentiment d’inégalité et d’injustice. Ainsi, les taxes d’habitation dont les montants diffèrent très
largement d’une maison à une autre, lorsque certains ne la payent même pas sans jamais être inquiétés,
nourrissant très largement le sentiment du deux poids, deux mesures. » Rapport du CESE Op. Cit. p 115.
65
En partant du principe de la présomption d'exactitude des déclarations des
contribuables, la charge de la preuve incombe à l'administration fiscale, à
l’exception de certains cas particuliers où la loi renverse ce fardeau sur le
contribuable. Ainsi l'article 213 du CGI dispose que « lorsque les écritures d’un
exercice comptable ou d’une période d’imposition présentent des irrégularités
graves de nature à mettre en cause la valeur probante de la comptabilité,
l’administration peut déterminer la base d’imposition d’après les éléments
dont elle dispose ». Ce même article enchaîne par citer à titre limitatif la liste
"des irrégularités graves", que l’administration doit relever. A
défaut, « l’administration ne peut remettre en cause ladite comptabilité et
reconstituer le chiffre d’affaires que si elle apporte la preuve de l’insuffisance
des chiffres déclarés ».
Les juges ont adopté une position ferme sur ce sujet, en censurant toute
décision de redressement non-motivée. Ainsi, on lit dans l’un des arrêts de la
Cour de cassation : « attendu que l'administration était incapable d’apporter la
preuve de la minoration du prix de vente déclaré des apparentements vendus,
en se contentant juste de dire qu'il était inférieur aux prix communément
appliqués dans le quartier, ce qui ne peut être retenu comme preuve de
minoration du chiffre d'affaire déclaré surtout que l'administration n'a pas
écarté la comptabilité de la société125».
2004/2/4/1455 : القسم الثاني عدد: ملف إداري2006/10/04 : المؤرخ في806 : محكمة النقض (المجلس األعلى سابقا) القرار عدد125
(غير منشور) » حيث صح ما نعته المستأنفة أصليا على المستأنف ذلك أن اإلدارة الضريبية لم تقم دليال على وجود نقصان في أثمان بيع الشقق
المصرح بها واكتفت بالقول بأنها تقل عن األثمان المتداولة في الحي التي توجد به تلك الشقق الشيء الذي ال يشكل حجة على نقصان رقم
من قانون الضريبة على الشركات تفرض على إدارة38 المعامالت المصرح بها خصوصا وأن اإلدارة لم تستبعد محاسبة الشركة ولما كانت المادة
الضرائب إقامة الدليل على وجود نقصان في المبالغ التي وقع اإلقرار بها إذا كانت تعتزم مراجعة رقم المعامالت في حالة عدم وجود مبرر
« 1994 و1993 فقد جانب الحكم المستأنف الصواب فيما قضى به من إعادة تقدير رقم المعامالت المتعلقة بالسنتين،الستبعاد محاسبة الملزم
Les arrêts de ce type sont multiples, on peut citer quelques-uns à titre d’exemples :
Arrêt de la cour de cassation n° 876 en date du 18/10/2006, dossier n° 1394/4/1/2001 (non publié)
Arrêt de la cour de cassation n°818 en date 04/10/2006 dossier n° 2561/4/2/2005 (non publié)
Arrêt de la cour de cassation n° 876 en date du 18/10/2006 dossier n° 1394/4/1/2001(non publié)
66
En réaction à ces mauvaises pratiques des inspecteurs des impôts, la
Direction Générale des Impôts avait pris l’initiative de publier un référentiel des
prix, affichant la valeur estimative retenue par le fisc, qu’il pourra
éventuellement appliquer aux profits fonciers ou aux droits d’enregistrement.
Ainsi, il faut signaler que cet argus immobilier ne couvre que certaines
grandes villes du Royaume, où il est encore question de limiter le bénéfice aux
seuls immeubles résidentiels. De plus, sont exclus du champ d’application de ce
référentiel : « les appartements à usage professionnel, les villas et maisons à
vocation professionnelle ou commerciale, les logements sociaux, dont les prix
sont encadrés par la réglementation, les logements destinés au recasement des
126
Synthèse des recommandations issues des assises nationales sur la fiscalité 29 et 30 avril 2013 à Skhirate, p8.
127
"Immobilier : La révolution de Zaghnoun", in Aujourd’hui le Maroc, de la 28/01/2001 n°2837 p. 4,5.
67
bidonvilles, le terrain urbain non loti, le terrain à usage industriel et le terrain à
usage agricole128 ».
D’un autre côté, il faut signaler que le directeur général des impôts n’a pas
manqué de préciser que ce référentiel n’est opposable qu’à l’administration
fiscale. A cet effet, le contribuable conserve toujours ses voies de recours
contre la valeur retenue par le fisc. Cela nous prête à déduire que
l’administration se trouve déchargée de prouver la valeur d’un bien immobilier
vendu à travers le recours à des contrats à titre de comparaison au cas par cas.
La charge de la preuve est désormais renversée par un simple instrument
administratif interne, en obligeant ainsi le contribuable mécontent à prouver
l’exactitude de ses déclarations par la voie du contentieux, sachant que les prix
indiqués dans ce barème ne reflètent en rien la valeur vénale des immeubles
concernés. C’est ce qui conduit certains contribuables à s’acharner contre cet
écart de prix129.
De ce qui précède, on peut conclure que ce barème n’a pas pu remplir les
objectifs de sécurité juridique auxquels il était assigné au départ,
principalement au niveau de l’encadrement du pouvoir d’appréciation de
l’administration.
128
"La DGI actualise le référentiel des prix", In Challenge l’hebdo marocain des décideurs, n°550 du 18/03/2016
129
Réda HARMAK "Référentiel des prix de l’immobilier : les réserves des notaires et des agents immobiliers ",
In La vie éco. Posté le 05/06/2015
http://lavieeco.com/news/economie/referentiel-des-prix-de-limmobilier-les-reserves-des-notaires-et-des-agents-
immobiliers-32827.html , consulté le 14/05/2016 à 20:00.
68
B- Les effets du pouvoir transactionnel de l'administration fiscale sur la sécurité du
contribuable
Il est vrai que ce type de règlement des litiges fiscaux présente un avantage
certain pour le contribuable dans la mesure où il lui permet d'éviter la voie
contentieuse devant les instances arbitrales et judicaires souvent lente et
coûteuse. Mais ce choix n'est pas sans dangers pour lui, puisqu'il est dans une
position de faiblesse devant l'administration dans le processus de négociation,
ce qui le pousse à accepter les impositions même si elles ont été émises à tort.
Dans ce sens, le Conseil Economique, Social et Environnemental, dans son
rapport sur le système fiscal marocain, avait relevé qu’il y a « un retard dans la
mise en œuvre effective, à tous les niveaux, du principe d’application mesurée
de la loi fiscale, et qui se reflète principalement dans la lente diffusion des
"bonnes pratiques" de contrôle, et se traduit par des redressements souvent
jugés disproportionnés par rapport aux performances du contribuable, et dont
plus de la moitié est souvent abandonnée finalement par voie transactionnelle
131
».
130
Les chiffres officiels le confirment, ainsi le nombre de dossiers réglés à l'amiable en 2005 n'était que de
2089 ; en 2006 le chiffre s'est élevé à 1 760 018 dossiers, également en 2007 avec un chiffre de 2 446 910 soit
une variation de +39%. En 2008 le nombre de dossier réglés à l'amiable a atteint 3 133 816 soit une hausse de
+29.9% par rapport à 2007. Source : Rapport d'activité publié par la DGI relative aux années 2005-2008-2009
131
Le rapport du CESE (précité) p.63
69
De même, les auditeurs de la Cour des Comptes n'ont pas manqué de
fustiger le recours massif à l'accord à l'amiable, ainsi que l’insécurité juridique
du contribuable pouvant en résulter. Ainsi, après avoir examiné un échantillon
d’accords à l’amiable conclus entre la Direction Générale des Impôts et les
contribuables, les auditeurs de la Cour ont relevé « que ces accords ne
contiennent pas les détails de l’imposition établie ni les bases de conclusion des
accords. Cette situation met en évidence le large pouvoir d’appréciation des
services de vérification et les risques afférents à l’adoption de bases imposables
insuffisamment détaillées au niveau des accords conclus ainsi que le risque
d’iniquité dans le traitement des contribuables132 ».
132
Il arrive parfois même que les services de l’administration fiscale concluent "des accords transactionnels sans
que les redressements ne soient notifiés aux contribuables. Dans certains cas, la vérification peut n’être faite
qu’en partie et même ne pas être réalisée. Cette situation concerne de manière particulière le secteur de la
promotion immobilière, pour lequel la procédure de vérification se limite souvent au seul envoi de l’avis de
vérification au contribuable.
Cette pratique a pour conséquence d’engendrer une iniquité de traitement entre les contribuables puisqu’aucun
élément objectif et mesurable n’est pris en compte pour arrêter le montant de l’accord. Rapport annuel de la Cour
des Comptes de l'année 2011 p.38.
133
C’est pour cette raison que les experts de l’OCDE considèrent « les systèmes laissant aux agents un pouvoir
administratif discrétionnaire excessif sur les allègements fiscaux ont tendance à inviter la corruption et à ébranler
les objectifs de bonne gouvernance, essentiels à un environnement fiable et attirant l’investissement. » Rapport
de l'OCDE sur "Compétitivité et développement du secteur privé : Maroc 2010 : la stratégie de développement
du climat des affaires ", 2011, p.7.
134
Sur ce sujet, la Cour de Cassation a été amenée à examiner un litige où le contribuable avait dénié la
conclusion d’une transaction avec le fisc, en invoquant son ignorance de la procédure fiscale qu’il juge complexe
ainsi que son analphabétisme. Ce qui a amené cette cour à ordonner le renvoi du dossier à nouveau à la Cour
d’Appel administrative afin d’approfondir ses instructions sur les allégations du contribuable.
Arrêt n° 400 en date du 06/09/2012, dossa adm, n° 851/4/2/2011 (non publié)
70
Par ailleurs, ces effets néfastes de la transaction ne se limitent pas au seul
contribuable qui l'a conclue, elles peuvent s'étendre aussi à des tiers qui ne
faisaient pas partie de l'accord conclu avec le fisc. C’est le cas notamment d'un
acquéreur d’un bien immobilier qui avait déclaré dans le contrat de vente le
prix réel convenu, mais étant donné que l'administration notifie des
redressements de manière systématique, il s'est trouvé contraint d'accepter un
compromis avec le fisc pour éviter le recours au contentieux dont le résultat est
incertain. En pratique, cet accord conclu par l'acquéreur est souvent utilisé par
l'administration comme moyen de preuve contre le vendeur pour le paiement
d'un complément d'impôt en application du dernier alinéa de l'article 224 du
CGI, selon lequel « les dissimulations reconnues par les parties au contrat
donnent lieu à une imposition supplémentaire dans le délai de reprise… ».
135
Arrêt de la Cour de Cassation n°835/2 en date du 24/04/2014 dossier n° 3810/4/2/2013 (non publié)
71
En conclusion, si le comportement de l’administration ne vise que la
préservation des intérêts du trésor, il ne doit pas pourtant être au détriment de
la sécurité fiscale du contribuable. Dans ce sens, M. FONGUE, avait considéré
que « l’orientation du contrôle fiscal est … liée à sa nature intrinsèque. Dans la
mesure où ce dernier ne crée pas de matière imposable, il est
conceptuellement et pratiquement difficile de lui assigner des objectifs de
rentabilité financière et contraignante. L’assignation des objectifs de cette
nature au contrôle fiscal est révélatrice d’un état d’esprit de soupçon et de
stigmatisation du contribuable 136».
136
Roland ANTAGA FONGUE, Le contrôle fiscal et la protection du contribuable dans un contexte
d’ajustement structurel, Ed Le Harmattan, p.14
72
faut signaler que la mise en œuvre de cette garantie a été le terrain de
beaucoup de litiges entre le fisc et le contribuable, ce qui était à l’origine de
multiples modifications de cette procédure (§1), en aboutissant en fin de
compte à une régression de la garantie du débat contradictoire pour le
contribuable (§2).
73
retour du pli avec la mention non réclamé… ne peut constituer une remise ou
un refus de réception valant comme réception légale137 »..
المرجع العلمي الجتهاد القضاء اإلداري ابراهيم54963 قرار عدد67701 في ملف رقم1978/12/27 بتاريخ1 قرار محكمة النقض عدد137
13 ص.2009 الطبعة الثانية، المنازعات الجبائية المتعلقة بربط و تحصيل الضريبة بي رقراق، أورده محمد القصري.249 زعيم ص
" وحيث إن في حرص المشرع على التنصيص على الرسالة الموصى بها مع اإلشعار:كما جاء في أحد قرارت محكمة النقض في نفس السياق
ملف.2006/10/18: المؤرخ في874 بالتسليم داللة على أن العبرة بتاريخ توصل الملزم بالرسالة ال بتاريخ إرسالها" قرار المجلس األعلى عدد
2005/2/4/320 : إداري عدد
60 ص، العمل القضائي والمنازعات الضريبية، منشور بدفاتر المجلس األعلى، مسطرة التبليغ في القانون الضريبي المغربي،عب د الغني خالد138
139
A ce propos, il importe de signaler que notre administration fiscale souffre depuis toujours d’un grand déficit
au niveau du personnel, c’est pour cette raison que les agents de l’administration n’adressent, dans la plupart des
cas, les lettre de notification qu’à l’approche des délais de prescription (v. supra, p. 63).
74
qui lui semble convenable. La seconde mesure quant à elle concerne
l’institution d’une présomption de réception du pli de la notification par le
contribuable, et ce après l’écoulement d’un délai de 10 jours suivant la date du
refus d'acceptation par ce dernier. Il faut signaler à ce titre, que cette solution a
été initialement adoptée par la jurisprudence marocaine140, pour faire face aux
contribuables de mauvaise foi. Dans ce même objectif, la jurisprudence est
allée plus loin, en considérant la notification comme valable, lorsque le pli ne
parvient pas au contribuable pour une raison liée à sa faute. C’est le cas
notamment, lorsqu’il n’a pas communiqué la bonne adresse de son domicile
fiscal141.
.17 ص، مرجع سابق، أورده القصري، قضية بناني ضد إدارة الضرئب2000 /197 حكم إدارية فاس بالملف عدد140
.18 ص، مرجع سابق، أورده القصري، قضية ورثة كشوط ضد إدارة الضرائب2000/186 حكم إدارية وجدة بالملف141
142
Ces dispositions ont été incorporées dans le livre des procédures fiscales puis dans le code général des impôts
dans son article 219.
75
§ 2- La fin du principe du contradictoire et l’avènement de
l’insécurité du contribuable
143
Dans ce sens, l’article 118 de la constitution de 2011 dispose : « l'accès à la justice est garanti à toute
personne pour la défense de ses droits et de ses intérêts protégés par la loi.
Tout acte de nature réglementaire ou individuelle, pris en matière administrative, peut faire l'objet de recours
devant la juridiction administrative compétente. »
Dans le même ordre d’idées, l’article 120 ajoute : « toute personne a droit à un procès équitable et à un jugement
rendu dans un délai raisonnable.
Les droits de la défense sont garantis devant toutes les juridictions. »
144
Jamel AJROUD, Le principe du contradictoire dans la procédure d’imposition, Ed Centre de publication
universitaire 2008, Tunis,. p4
145
Ce principe profite donc aussi bien au demandeur qu’au défendeur. Ainsi, dans un conflit fiscal, aussi bien le
contribuable que le service des impôts défend des intérêts. Intérêt privé pour l’un et intérêt du trésor pour l’autre.
146
La déclaration fiscale constitue un acte de déclenchement de la procédure contradictoire. Mais ceci ne veut
pas dire que le contribuable qui n’accomplit pas cette formalité sera privé d’un débat contradictoire.
76
consiste en l’information du contribuable de la mesure envisagée contre lui, ce
qui suppose en second lieu, la connaissance des raisons qui motivent cette
mesure. Troisièmement, après être suffisamment informé, il importe qu’il soit
entendu s’il présente des observations dans un délai raisonnable. Pour
résumer, deux droits fondamentaux doivent être observés, à savoir : le droit
d’être informé et le droit d’être entendu.
L’administration fiscale est obligée d’inviter le contribuable à déposer sa déclaration, avant de procéder à la
taxation d’office.
147
J. AJROUD, Op. Cit. p31.
"لكن حيث إنه إذا كان من حق إدارة الضرائب فحص محاسبة الملزم فيما يتعلق بالسنوات التي لم يمض عليها أمر التقادم فذلك رهين بتمتيعه148
.بالضمانات المقررة في القوانين المنظمة للضرائب
105 وحيث انه ال فائدة من توجيه اإلشعار بفحص المحاسبة إذا لم يبلغ إلى الملزم خمسة عشر يوما قبل الشروع فيه مادامت غاية المشرع في المادة
.من القانون المتعلق بالضريبة العامة على الدخل هي عدم مباغتة الملزم بعملية الفحص وتمكينه من فترة كافية إلعداد وثائق المحاسبة
وحيث لم تتقيد إدارة الضرائب بتلك المقتضيات بدليل عدم إدالئها بما يفيد تبليغ الشركة المستأنف عليها باإلشعار بالفحص واكتفت بالقول بأنها
من القانون المتعلق بالضريبة على39 مما تكون معه مسطرة التصحيح الضريبي باطلة تطبيقا للفقرة السابعة المادة،وجهته إليها في األجل
)(غير منشور2004/2/4/308 : القسم الثاني عدد: ملف إداري2006/06/28 : المؤرخ في557 : " قرارمحكمة النقض عدد.الشركات
77
cette loi, le contribuable vit dans une crainte continue contre les éventuels
abus pouvant émaner des agents de l’administration fiscale. Il n’est pas
question ici de remettre en cause l’honnêteté du personnel du service des
impôts, mais rien ne garantit que certains agents du fisc, de mauvaise foi,
n’usent de ces dispositions afin de priver le contribuable de son droit à la
défense149.
Par ailleurs, il faut rappeler que le législateur avait pensé à renforcer le droit
à l’information du contribuable, par l’introduction d’une nouvelle garantie
obligeant l’agent du fisc de joindre à l’avis de vérification une « charte de
contribuable vérifié» exposant ses droits et obligations. Mais dans l’état actuel
des choses, on s’interroge légitimement sur l’utilité de cette garantie, en
présence d’une loi aussi indulgente face à sa transgression.
149
On peut citer à ce titre un arrêt de la Cour de Cassation ayant confirmé l’arrêt de la Cour d’Appel
Administrative de Rabat, qui avait annulé une décision de taxation d’office sur la base d’une notification jugée
invalide suite à l’inscription aux faux contre les signatures d’un cohéritier, qui s’est révélé positive. Selon la
Cour de Cassation, la démarche de la cour est tout à fait correcte « puisqu’il concerne une des garanties accordée
/par la loi dans le cadre de la procédure contradictoire ». Arrêt n° 565/2 en date du 02/07/2015 dossier n°
2324/4/2/2014 (non publié).
"حيث أنه إذا كان من حق اإلدارة الجبائية القيام بمراجعة الضريبة على األرباح العقارية في مواجهة الملزم بها متى توفرت لها عناصر ذلك-150
.فإن عملية التصحيح هذه رهينة بإشعار الملزم وفقا للمسطرة المنصوص عليها في القانون الشيء الذي لم تثبته
78
Conclusion du premier chapitre :
Dans ce sens, le Professeur F. EL BACHA avait dénoncé avec des termes forts
l’état actuel de la législation fiscale, comme le montre ainsi le passage suivant :
« la loi de Finances contre les lois ! Lorsqu’on connaît l’environnement
juridique et politique dans lequel les lois de Finances sont adoptées, il y a
beaucoup à craindre pour la défense des contribuables, les droits des citoyens
et le respect de l’Etat de droit. Lorsque les réclamations se comptent par
milliers, lorsque la bonne foi des contribuables n’est plus présumée, lorsque,
sous prétexte d’autonomie ou d’indépendance du droit fiscal, les règles
élémentaires de preuve et de notification sont bafouées ôtant aux
contribuables toute possibilité réelle de défense… Le législateur a, fort
heureusement, muni les contribuables de garanties soit sous la forme de
procédures préalables à l’acte d’imposition soit par le recours au juge chargé
de contrôler la légalité de l’action administrative. Mais ce n’est pas du côté de
l’administration fiscale, soucieuse de consolider chaque jour davantage ses
pouvoirs d’investigation, de contrôle et de sanctions qu’il faut espérer une
quelconque protection151 » .
علما أن طي التبليغ أرجع بعبارة،وحيث أنه ال شيء في الملف يفيد تبليغ المدعى باألسس الجديدة المعتمدة لمراجعة الضريبة على األرباح العقارية
غير مطلوب وأن التبليغ بواسطة عون اإلدارة لم ينجز خاصة وأن الملزم أثبت انه مازال يقطن بنفس العنوان المصرح به لإلدارة الشيء الذي يجعل
"الحكم المستأنف مجانبا للصواب ويتعين إلغاؤه
.) (غير منشور2002/2/4/1365 : ملف إداري القسم الثاني عدد2006/1/25 : المؤرخ في54 : قرار المجلس األعلى عدد
151
Farid EL BACHA, "Le contribuable face à l’administration fiscale", In L’Economiste, n° 2323 du 20/07/2006
79
Chapitre II- Incapacité du contentieux fiscal à
garantir la sécurité fiscale au contribuable
Le contribuable en bon citoyen qu’il est présumé être, est censé faire ses
déclarations à temps et payer ses impôts dont il est redevable, ce qui reflète un
véritable consentement à l’impôt de sa part. Mais cela suppose que l’impôt soit
légalement établi par l’administration fiscale et dénué de tout excès de
pouvoir, notamment en matière d’évaluation de la base imposable. Or, la
décision de l’impôt n’est pas toujours une décision agréable pour le
contribuable. En effet, la relation contribuable-fisc se traduit tantôt par une
relation de collaboration tantôt par un rapport de conflit, où l’un des deux
protagonistes recourt au contentieux fiscal afin de trouver une solution à leur
différend. Ceci dit, reste à savoir si les règles du contentieux fiscal assurent
suffisamment de sécurité pour le contribuable au Maroc.
80
Quant au terme "fiscal", il a pour origine le mot "fisc", qui signifie
« l’ensemble des administrations chargées de percevoir, de fixer et de répartir
les impôts152 ». On parle aussi de fiscalité qui désigne l’ensemble des règles qui
régissent la matière fiscale.
Étant de nature hybride, le contentieux fiscal est régi à la fois par le droit
judiciaire privé et le droit fiscal. L’article 8 de la loi n° 41-90 instituant les
tribunaux administratifs attribue la compétence matérielle aux juridictions
administratives154, après, bien entendu, l’épuisement des autres voies de
recours à savoir : le recours obligatoire par voie de réclamation devant
l’administration155, et le recours facultatif devant les instances d’arbitrage156.
152
Lexique des termes juridiques, ed Dalloz, 13e édition, 2001, p.263
153
Med MARZAK et A. ABELILA « Le contentieux fiscal au Maroc entre la théorie et la pratique » Edition AL
Oumnia 1998, 2ème édition, cité par, SABAH CHERKAOUI, Le contentieux fiscal au Maroc : voies de recours
et rôle de l’expert-comptable, Mémoire soutenue à l’Institut Supérieur du Commerce et d’Administration des
Entreprises (ISCAE), p 29
154
Le Dahir n° 1-91-225 du 22 rebia I 1414 (10 septembre 1993)
155
A ce titre on distingue entre la réclamation contentieuse et la réclamation gracieuse, mais puisqu’on est en
train d’étudier le contentieux fiscal on se limitera à examiner seulement la réclamation contentieuse.
156
A ce titre il faut signaler que le législateur a traité le recours devant les instances arbitrales hors du titre relatif
au « contentieux de l’impôt » au sein du code général des impôts, mais cela n’exclut pas que la procédure devant
ces entités arbitrales est belle et bien contentieuse, dans la mesure où l’article 225 du CGI dispose que les
commissions locales « statuent sur les litiges qui leur sont soumis…». De plus, l’article 220-IVdu CGI permet au
contribuable ou à l’administration de faire recours contre les décisions de la commission locale de taxation
devant la Commission Nationale du Recours Fiscal.
81
sur le plan de la protection du contribuable contre l’éventuel abus de
l’administration fiscale (section I). Quant à la seconde section, il serait question
d’examiner la réclamation contentieuse et ses effets sur la sécurité fiscale du
contribuable (section II). Enfin, on se bornera dans une troisième section à
étudier la sécurité fiscale du contribuable lors du contentieux judiciaire (section
III).
157
Jacques JOUANNET, L’évolution de la fiscalité marocaine depuis l’instauration du protectorat, L.G.D.J Paris
1953 tome 1, p142.
158
Bulletin Officiel n° : 2472 du 11/03/1960 - Page : 535
159
Bulletin Officiel n° : 2347 du 18/10/1957 - Page : 2256
83
En dépit du progrès que les commissions arbitrales ont connu, notamment
en termes de simplification et d’indépendance, il semble que leur capacité pour
préserver la sécurité du contribuable est loin d’être satisfaisante. Ainsi, c’est à
travers l’analyse de la nature juridique de ces instances (§1) qu’on a pu élucider
leur degré de préservation de la sécurité fiscale du contribuable (§2).
La question qu’on devrait se poser ici, est de savoir si l'Etat peut faire partie
d'un contentieux soumis à l'arbitrage d'un arbitre.
الدار،49 عدد، منشورات المجلة المغربية لإلدارة المحلية والتنمية، دراسة تحليلية ونقدية، القانون الضريبي المغربي، محمد الشكيري160
546 ص،2004 طبعة،البيضاء
161
Lexique des termes juridiques, Dalloz, 13 éd 2001, p. 43
162
L’article 306 du code de la procédure civile
84
Cette question a été tranchée par l'article 310 du code de la procédure civile
(CPC) aux termes duquel : « les litiges relatifs aux actes unilatéraux de l'Etat,
des collectivités locales ou autres organismes dotés de prérogatives de
puissance publique ne peuvent faire l'objet d'arbitrage.
Toutefois, les contestations pécuniaires qui en résultent peuvent faire l'objet
d'un compromis d'arbitrage à l'exception de celles concernant l'application
d'une loi fiscale ».
En partant de ces deux articles, on peut affirmer avec certitude que les litiges
fiscaux ne peuvent être tranchés par un arbitre, reste donc à savoir si les
commissions fiscales sont elles-mêmes de nature arbitrale au sens de l'article
306 du CPC.
163
Dahir n° 1-89-228 du 30 décembre 1989, publié au B.O. n° 4027 en date 03/01/1990
85
fiscales se fait à l'initiative d'une seule volonté, à savoir celle du contribuable
ou du fisc164.
Troisièmement, la sentence arbitrale n'est exécutoire qu'après
l'accomplissement d’une procédure d'exequatur, contrairement aux décisions
des commissions qui deviennent exécutoires juste après l'écoulement du délai
de 60 jours suivant la notification aux deux parties.
S'il est désormais acquis que les commissions ne sont pas de nature
arbitrale, leur mode de fonctionnement laisse entendre qu’elles sont plutôt de
nature judiciaire.
164
A ce titre, il faut signaler que la jurisprudence a toujours confirmé le caractère facultatif du recours devant les
commissions d’arbitrage, on peut citer ainsi l’arrêt de la Cour Suprême, (l’actuelle Cour de Cassation), n° 872 en
date du 18/10/2006, chambre administrative, dossier n° 235-4-2-2005.
حيث ان اللجوء إلى مسطرة اللجان، "لكن2005-2-4-235 : عدد- ملف إداري –القسم الثاني2006-10-18 : المؤرخ في872 : القرار عدد
مسالة اختيارية ويجوز للملزم رفع النزاع مباشرة إلى القضاء من غير ان يطلب إحالة ملفه على اللجنة االستشارية المكلفة برسوم التسجيل فان ما
". أثير بهذا الصدد غير مقبول
86
contradictoire lors des débats, puis procéder à des enquêtes si elles sont
nécessaires, et enfin motiver leurs décisions165.
165
Abdallah BOUDAHRAIN, Le contentieux fiscal au Maroc, EDEMAR, Casablanca, 1984, p.59.
87
Par ailleurs, dans la pratique, c’est l'administration qui se charge de
l'établissement des CLT, en fixant le siège et le ressort de leurs compétences.
C'est elle aussi qui s'occupe de tous les besoins en moyens humains et
matériels.
88
procède dans un délai de 2 mois au transfert du dossier à la CNRF (article 225
du C.G.I.).
Cette position a été affirmée bien longtemps par une jurisprudence de haute
juridiction du Royaume ayant confirmé le caractère administratif des
commissions arbitrales, pour écarter ensuite tout recours pour excès de
pouvoir contre leurs décisions. Il en résulte ainsi que, « 1° les commissions tant
locales que centrales de taxation de l'impôt sur les bénéfices professionnels
n'ont pas le caractère de juridictions et prennent des décisions de caractère
administratif. En les instituant, le législateur a entendu non pas organiser un
336 ص2002 الدار البيضاء، مطبعة دار النشر المغربية، المسطرة في القانون الضريبي المغربي،خالد عبد الغني168
169
Michel ROUSSET et Olivier ROUSSET, Droit administratif – Tome 1 - L'action administrative. 2e édition
Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble, 2004, p141
170
Dans ce sens, le dernier alinéa de l'article 23 de la loi n° 41-90 instituant les tribunaux administratifs
considère le recours en annulation comme irrecevable « contre les décisions administratives lorsque les
intéressés disposent pour faire valoir leurs droits du recours ordinaire de pleine juridiction. »
89
contentieux juridictionnel, mais offrir aux redevables des garanties
supplémentaires d'examen par des organismes administratifs.
171
Cour Suprême, Chambre administrative, arrêt n°246 en date du 12 Juillet 1962 Dossiers n°7233-7234, publié
dans Revue de Jurisprudence de la Cour Suprême, Chambre Administrative 1961-1965 -édition numérique,
décembre 2000 p 61
90
§ 2- L’évaluation de l’efficacité des commissions arbitrales
dans le cadre de la protection de la sécurité fiscale du
contribuable à la lumière de sa nature juridique
Personne ne peut nier le rôle joué par les commissions de recours fiscal dans
la protection des droits du contribuable. En effet, le seul fait d'instaurer ce
recours constitue une avancée considérable en termes de garanties légales
accordées aux contribuables, puisqu’il permet une continuation du dialogue
entre l'administration et le contribuable, même s’il se fait de manière indirecte,
c’est-à-dire par l'intermédiaire des membres des commissions.
91
procédures, telles que les notifications et les règles de la présence et de la prise
des décisions.
172
S. CHERKAOUI, Op Cit. ,p 36
173
"Le système fiscal marocain : développement économique et cohésion sociale", Rapport du conseil
économique et social et environnemental, novembre 2012, p. 65
174
Azzeddine BENMOUSSA, "Les voies de recours du contribuable devant les commissions locales de taxation
et devant la CNRF", In les Actes des Assises Nationales sur la Fiscalité au Maroc 1999, p75.
92
s’est poursuivie lors de l’adoption de la loi de finances pour l’année 2016, dont
l’article 8 a modifié et complété quelques dispositions du code général des
impôts, notamment ceux portant sur le fonctionnement de la CLT, où le
législateur a bien fait de réduire le délai de réponse de cette dernière à 12 mois
au lieu de 24 mois, à compter de la date de la réception de la requête et des
documents transmis par l’administration.
175
Ainsi que celle de la CLT après la promulgation de la loi de finances 2016
176
A signaler que cette nouveauté vient confirmer la position bien établie de la Cour de Cassation, ayant
confirmé à plusieurs égards les décisions des juges de fond prononçant la nullité de la procédure de
redressement, lorsque l’administration omet de transmettre le dossier à la CLT, suite à la demande du
contribuable. On lit ainsi dans l’un des attendus de ses arrêts : « attendu que l’administration n’a pas pu prouver
93
En définitif, malgré les efforts déployés par le législateur en vue de renforcer
la sécurité du contribuable par le biais des commissions de recours, beaucoup
de pas restent à franchir, notamment en termes de promotion de leur
indépendance et d'allègement des délais, afin de rendre leurs décisions plus
crédibles et plus sécurisantes.
L'analyse des textes légaux qui régissent ces instances dévoile leur
impuissance pour préserver la sécurité fiscale du contribuable, et ce pour
plusieurs raisons.
l’envoi du dossier à la CLT, elle est donc considérée comme responsable de la privation du contribuable de l’une
des garanties prévues par la loi, d’où la nullité de toute la procédure d’imposition… »
في الملف اإلداري عدد2007/6/27 بتاريخ654 وكذلك قرارها عدد2006/2/4/140 في الملف اإلداري عدد294 قرار محكمة النقض عدد
دراسة في بعض جوانب مسطرة التصحيح الضريبي على ضوء مستجدات قانون المالية لسنة،رضى التايدي. أوردهما ذ2005/2/15584
2011/16 عدد، دفاتر المجلس األعلى، اإلشكاالت القانونية والعملية في المجال الضربي: مدا خلة في الندوة الوطنية حول موضوع،2011
.174ص
Cette même position a été confirmée dans d’autres cas :
Arrêt n° 23/2 en date du 15/01/2015, dossier n° 2586/4/2/2013 (non publié)
Arrêt n° 26/2 en date du 15/01/2015, dossier n° 2680/4/2/2013 (non publié)
94
à cause des délais longs et non contraignants qui caractérisent la procédure,
sachant que le recours à ces instances n'est pas obligatoire.
)535 مرجع سابق ص، (أورده محمد شكيري1996 دجنبر2 بتاريخ4435 نشر بالجريدة الرسمية عدد177
178
A. NARHACH Op. Cit., p 252
95
dépendance au fisc. A cet effet, on reprochait à l’ancienne loi le fait de priver le
contribuable d’une garantie considérable à cause d’un événement ne relevant
pas de sa volonté. Ainsi, dans le cas de l’épuisement du mandat d’un
représentant du contribuable au sein de la CLT, sans plus possibilité de le
proroger, la loi donnait au contribuable le choix entre deux options
désavantageuses : soit qu’il accepte par écrit de comparaître devant la CLT
dans sa composition restreinte, ne comprenant que le président, le
représentant du gouverneur de la préfecture ou de la province et le chef du
service local des impôts, et ce dans un délai de 30 jours à compter de la date de
réception de la lettre notifiée par l'inspecteur dans ce sens ; soit qu’il ne
réponde pas à cette notification, et dans ce cas, à l'expiration du délai imparti,
l'administration doit soumettre le litige à la CNRF, le contribuable se trouve à
cet effet contraint de se désister d’un degré de recours.
D’autres points faibles ont été soulevés par le Conseil Economique, Social et
Environnemental concernant le fonctionnement desdites commissions
notamment la CLT. Le Conseil les a résumés en cinq remarques :
« - La lenteur dans la prise de ses décisions ;
- Les réunions de la CLT se caractérisent par des discussions superficielles
des différents points objets du litige. Ce qui ne permet pas à la CLT de prendre
des décisions fondées ;
- Les décisions des CLT ne sont pas souvent motivées ;
96
- L’insuffisance de la formation technique de ses membres notamment
dans les domaines de la fiscalité, la comptabilité et l’économie ne permet pas
l’appréciation rapide des arguments de chacune des parties ;
179
Le Rapport du CESE précité, p. 65
180
- En ce qui concerne la CLT :
Rectifications en matière de revenus professionnels déterminés selon le régime du bénéfice forfaitaire,
de revenus et profits fonciers, de revenus et profits de capitaux mobiliers et des droits d’enregistrement
et de timbre ;
vérification de comptabilité des contribuables dont le chiffre d’affaires déclaré au compte de produits et
charges, au titre de chaque exercice de la période non prescrite vérifiée, est inférieur à dix (10) millions
de dirhams
- S’agissant de la CNRF :
à l’examen de l’ensemble de la situation fiscale des contribuables prévu à l’article 216 ci-dessus, quel
que soit le chiffre d’affaires déclaré;
aux vérifications de comptabilité des contribuables lorsque le chiffre d’affaires déclaré au compte de
produits et charges, au titre de l’un des exercices vérifiés, est égal ou supérieur à dix (10) millions de
dirhams.
les recours pour lesquels les commissions locales de taxation n’ont pas pris de décision dans le délai de
(12) douze mois.
97
Les commissions ont également été décriées par les panelistes lors des
assises nationales sur la fiscalité de 2013, sur le plan de la formation technique
de leurs membres. Ils ont ainsi proposé « de former leurs membres et de
mettre à leur disposition une jurisprudence fiscale qui pourrait guider leurs
décisions. En parallèle, il serait bénéfique de systématiser la présence d'un
expert-comptable dans la commission 181 ».
98
pour les contribuables, qui joue le rôle du filtre des litiges fiscaux avant de
passer à la phase judiciaire (§1), sachant qu’elle est entièrement dominée par
l’administration en raison de l’absence de toute procédure contradictoire (§2).
182
Aurélie GARCIA, Le recours administratif préalable et obligatoire, mémoire master (2007), Université de
Pau et des pays de l’Aldour.p24, disponible en ligne http://paudroitpublic.univ-
pau.fr/live/digitalAssets/128/128137_memoire_a_garcia.pdf consulté le 23/05/2016 à 17:17
99
A- Le caractère non suspensif d’exécution de la réclamation contentieuse
« Payer d’abord et réclamer après ». C’est par cette indication qu’on peut
illustrer le caractère non suspensif de recouvrement du recours administratif
préalable. À vrai dire, c’est une solution qui paraît tout à fait logique,
puisqu’elle fait obstacle aux fraudeurs qui recourent à ce procédé juste pour
retarder l’exécution de la dette fiscale. Mais d’un autre côté, elle constitue un
fardeau pour le contribuable de bonne foi, qui désire contester une partie ou la
totalité de ses impositions, en le déterminant dans la plupart des cas à
transiger avec l’administration, au lieu de s’aventurer dans une voie de recours
aux conséquences incertaines.
100
De ce qui précède, il paraît clairement que le recours administratif préalable
et obligatoire menace la sécurité fiscale du contribuable, surtout lorsqu’il se
voit refuser un sursis de paiement de l’impôt, sachant que le contribuable est
obligé d’attendre l’expiration d’un délai de 3 mois après l’introduction de la
réclamation, afin de considérer le silence de l’administration comme un refus
implicite lui ouvrant le droit de passer à l’étape judiciaire du contentieux de
l’impôt.
B- Délai excessivement long pour une réponse facultative
Malgré le long délai accordé par la loi, l’administration n’est pas tenue de
répondre aux doléances du contribuable en l’absence d’une disposition
spécifique l’obligeant à le faire. Ce droit d’option accordé au fisc, confirme ainsi
le caractère déséquilibré qui marque cette procédure dans la mesure où elle
n’est contraignante que pour le contribuable.
101
développement des moyens de communication permettant au fisc de traiter et
de répondre rapidement aux doléances des contribuables.
183
Selon M. Abdellatif ZAGHNOUN, l’ex-directeur général de la direction générale des impôts « Nous recevons
près de 80.000 doléances par an, et nous avons réussi à traiter près de 82% de ces dossiers en 2013 ». "Contrôle
fiscal, neuf milliards de DH générés en 2013", In l’Economiste, N° 4196 du 22/01/2014
184
V. supra, Partie I- chapitre I- section III- B- 2-Les effets du pouvoir transactionnel de l'administration fiscale
sur la sécurité du contribuable. P69
185
S.CHERKAOUI, Op. Cit., p.94
102
avec ‘’el makhzen’’ et évite souvent d’intenter une action judiciaire contre elle.
D’autant plus que la procédure judiciaire reste complexe et lente186».
186
Ibidem p.94
187
Rapport du CESE précité, p. 73
103
A- La liberté de l’administration de garder le silence en matière de réclamation
Par ailleurs, sur le plan de délai d’instruction, il faut signaler que beaucoup
de réclamations se soldent par un défaut de réponse. L’administration fiscale
justifie cette situation par le manque d’inspecteurs, même si la DGI s’est
104
efforcée ce dernier temps pour surmonter cette difficulté, en tentant de
résorber le flux de doléances des contribuables qui s’élève à plus de 80 000
chaque année, et en liquidant en même temps le stock déjà existant afin
d’éviter de reconstituer un autre. Dans ce sens, la DGI avait établi un contrat
programme avec ses inspecteurs, par lesquels ils s’engagent « de traiter au
moins cinq dossiers chacun par semaine 189».
189
« La réforme fiscale ne peut se faire en une année ! », La vie éco, le 7 février 2014, p 26
105
information ou document supplémentaire qu’il estime nécessaire pour
accomplir sa mission, en se faisant assister par l’inspecteur chargé de l’assiette,
qui donne son avis sur l’affaire, et parfois même, participe dans la prise de
décision.
106
En définitive, malgré l’utilité pratique du recours administratif préalable, son
caractère obligatoire, associé aux prérogatives exorbitantes de l’administration
en la matière, l’a réduit en une simple formalité pour le contribuable qui doit
nécessairement être remplie, afin de pouvoir passer à des phases judiciaires du
contentieux fiscal.
193
Avant l'institution de ces tribunaux c'étaient les tribunaux de première instance qui étaient compétents pour
trancher les litiges fiscaux. V. à ce sujet, A. Boudahrain, ouvrage précité, p.41
107
les impôts directs, les taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées, ainsi que les
sanctions fiscales s'y rattachant194. Cette dualité de compétence juridictionnelle
dans le système judiciaire français en matière fiscale est de nature à nourrir
davantage la complexité des procédures et de créer une confusion dans l’esprit
du contribuable.
194
Thierry LAMBERT, Contentieux fiscal, éd Hachette supérieur, 2011,Paris, p54
195
Cette voie de recours n'a été introduite que récemment en vertu de la loi n° 80-03 publiée le 23 février 2006.
108
§ 1- L'acception du principe de la sécurité judiciaire
Il faut signaler avant tout que ce concept a été adopté pour la première fois
par les rédacteurs de la Constitution de 2011 en vertu de l'article 117 qui
dispose que « le juge est en charge de la protection des droits et libertés et de
la sécurité judiciaire des personnes et des groupes, ainsi que de l'application de
la loi. »
A partir de ces deux définitions, on conclut que ces deux concepts sont
interdépendants. C’est-à-dire que l'existence de l'un est conditionnée par
l'effectivité de l'autre. Il ne peut donc y avoir de justice sécurisante si elle n'est
pas sécurisée. Et inversement, une justice sécurisée serait sans utilité si elle
n'est pas assez sécurisante.
109
A- L'accès à la justice
196
Karim SID AHMED, Droits fondamentaux du contribuable et procédures fiscales, Etude comparative- les
droits d'origine procédurale du contribuable. Tome 2, Ed L'HARMATTAN 2007, Paris. p 63
110
1- Le droit d’être entendu par un juge impartial
197
On peut ajouter aussi l'article 37 de la Convention internationale sur les droits de l'enfant dont le troisième
alinéa dispose que : « Les enfants privés de liberté [ont] le droit d'avoir rapidement accès à l'assistance juridique
ou à toute autre assistance appropriée, ainsi que le droit de contester la légalité de leur privation de liberté devant
un tribunal ou une autre autorité compétente, indépendante et impartiale, et à ce qu'une décision rapide soit prise
en la matière. »
111
critères objectifs, comme par exemple, lorsque le juge est un parent ou un allié
de l’une des parties au procès, ou quand il a un intérêt personnel à l’affaire…
112
tournant positif important. Il ne s'agit plus d'accorder « des faveurs (…) à une
partie structurellement en position de faiblesse », mais « d'arracher la
personne de cet état d'infériorité pour la mettre à force égale avec l'autre201 ».
De ce fait, on conclut que le droit à un procès contradictoire est au centre de
tous les droits de la défense, car « le principe contradictoire est l'âme du
procès au point qu'il est dit de droit processuel. Il est par essence commun à
toutes les procédures202 », que ce soit de type accusatoire ou inquisitoire.
201
Marie-Anne Frison-Roche, Bruno GENEVOIS, Serge GUINCHARD, ̎Evaluation critique̎, in Variations
autour d'un droit commun, sous la direction Mireille Delmas-Marty, Horatia Muir Watt, Hélène Ruiz Fabri éd.
société de législation comparée, 2002 Pari, p. 159
202
Loïc CADIET, Jacques NORMAND, Soraya AMRANI MEKKI, Théorie générale du procès, éd PUF Coll.
Thémis droit, 2010, p. 628
203
Dictionnaire de la justice, sous la direction de Loïc Cadiet, Ed PUF, p. 1111
204
Théorie générale du procès Op. Cit., p. 660
205
Natalie FRICERO, Procédure civile Mémentos LMD, Ed Gualino lextenso, 2013-2014
113
question, en considérant que la demande de publication d’un jugement
s’insère dans le cadre du droit à l’information tel que le garantit l’article 27 de
la Constitution en faisant partie des droits fondamentaux, et ne dépend pas, de
ce fait, de la production d’une ordonnance du juge des référés, puisqu’il
constitue un mécanisme de contrôle de la justice par le peuple, et une source
de confiance en l’action des magistrats qui peut être redressée afin de garantir
la sécurité juridique et judiciaire206. Cependant, en dépit des garanties offertes
par la publicité judiciaire, sa coexistence avec le secret dans le procès est non
moins négligeable. En effet, en analysant les textes procéduraux, on constate
que le secret constitue aussi une garantie pour le justiciable, notamment sur le
terrain de la présomption d'innocence ou le secret des correspondances avec
l'avocat.
وجهة نظر بخصوص: الملف الشهري، محمد الهيني. أورده د، عن المحكمة اإلدارية بالرباط2013/07/25 الصادر بتاريخ2769 حكم عدد206
وال يتوقف على أمر، من الدستور27 "إن طلب نشر الحكم يندرج في إطار الحق في المعلومة المكرس في الفصل: نشر األحكام الجيدة والمعيبة
قضائي ألنه من الحقوق العامة باعتباره آلية للرقابة الشعبية على العمل القضائي ومصدر للثقة في عمل القضاة وتقويمه لضمان األمن القانوني
."والقضائي
http://www.marocdroit.com/بقلم-والمعيبة-الجيدة-األحكام-نشر-بخصوص-نظر-وجهة-الشهري-_الملفa4757.html
consulté le 01/06/2016 à 18 :05
207
Jurisclasseur Procédure Fascicule 208 n°3, citation du conseiller Faye 1903, pièce 25a
114
cite à titre d'exemple l'article 50 du code de la procédure civile aux termes
duquel « les jugements sont rendus en audience publique….Ils doivent toujours
être motivés… ». De même, le législateur a considéré le « défaut de motifs »
dans les arrêts de la Cour d’Appel comme une cause légitime pour se pourvoir
en cassation208.
208
Article 359 du code de la procédure civile
209
. L. CADIET Op. Cit p702
210
David BAILLEUL, L'efficacité comparée des recours pour excès de pouvoir et de plein contentieux objectif
en droit public français, L.G.D.J. 2002, p. 148
115
dans un délai raisonnable, sans qu’il fasse l’objet d’une définition juridique,
« c'est pour cette raison qu'il faut rechercher d'après le sens élémentaire des
termes le contenu de la jurisprudence des cours et tribunaux211 ».
Manifestement, l'expression de délai raisonnable se compose de deux mots, le
terme délai désigne littéralement le temps qui sépare deux instants et
corresponds au temps accordé pour accomplir une action. Quant au terme
raisonnable il désigne « tout ce qui est conforme à la sagesse, l’équité ou ce qui
est suffisant, convenable sans excès212».
En somme, l’accès à la justice suppose donc que les jugements soient rendus
par un juge impartial, dans un temps raisonnable, et garantissant tous les droits
211
Elise Espérance NANA, Droits de l'homme et justice : Le délai de procédure pénale au Cameroun, Ed
L'Harmattan 2010, Paris, p. 31
212
Ibidem. p. 30
213
D. BAILLEUL Op. Cit., p. 151
116
de la défense. Toutefois, ce jugement ne vaut rien au sens de la sécurité
judiciaire s’il n'a pas été exécuté.
214
François Vinckel, Droit de l'exécution forcée, Paris, 2008, éd Gualino, p. 16
117
Ce problème se pose avec acuité lorsque l'une des parties au procès est une
personne de droit public qui « détient le monopole de la contrainte étatique et
jouit de certains privilèges tels que l’insaisissabilité de ses biens ou
l’inapplicabilité à son encontre des voies d’exécution du droit commun215 ». En
effet, les statistiques officielles affirment que la majorité des jugements des
tribunaux administratifs sont restés en suspens d'exécution pendant les années
de 2007 à 2012. Le chiffre officiel s’élève à 54.87 % des jugements non
exécutés216. Cet énorme chiffre, nous pousse à nous interroger sur la situation
du justiciable qui a fait confiance à la justice ainsi que sur le sort du principe de
la sécurité juridique. Que peut donc faire l'usager d'un service public qui n'a pas
pu contraindre une administration à se plier devant le dispositif d'une décision
définitive ? Devant cette impasse, les magistrats du tribunal administratif ont
mis en place de nouvelles méthodes afin d'obliger l'autorité administrative
récalcitrante à exécuter les décisions de justice, en se basant sur l'article 7 de la
loi 41-90 qui dispose que les règles du code de procédure civile sont applicables
devant les tribunaux administratifs, sauf disposition contraire prévue par la loi.
215
Mourad AIT SAKEL, "L'exécution des décisions de la justice administrative", p. 5
www.tarabat.ma/ar/recherches/02-2-Recherche.pdf consulté le 29/03/2015 à 14 :58
216
118
des injonctions à l’administration, « en se basant sur une interprétation
littérale et restrictive de son texte constitutif qui ne prévoit pas expressément
cette compétence 217». Quant aux juridictions de fond, elles se contentaient
d’avancer l’article 25 du code de procédure civile, qui leur interdit d’entraver
l’action de l’administration. Ce n’est qu’après la création des tribunaux
administratifs, que la haute instance juridictionnelle du Royaume a opéré un
revirement jurisprudentiel « en procédant à une interprétation plus extensive
de l’article 25 lorsqu’elle a commencé à considérer que l’action administrative
que le juge n’a pas le pouvoir d’entraver est l’action administrative légale 218».
Cette avancée historique que notre justice a accomplie n’a pas pu freiner la
propagation du phénomène de l'inexécution des décisions judiciaire par
l'administration, d’où l'intérêt de recours à des méthodes empruntées du code
de la procédure civile afin de stopper la résistance abusive de qu-elques
autorités administratives. À ce titre, on peut citer une procédure de l’exécution
forcée des jugements qui a jusqu’à présent prouvé une certaine efficacité. Il
s'agit de l'astreinte contre la personne physique responsable de l'inexécution.
C’est un mécanisme qui a le mérite d'être dissuasif à l'encontre des
responsables administratifs, dans la mesure où c’est sa responsabilité
personnelle qui est menacée d'être engagée. Afin d’illustrer le but du recours à
ce procédé, le professeur M. A. BENABDELLAH a considéré que si « une
condamnation doit être prononcée pour inexécution, elle ne doit pas l’être
contre l’administration car ce serait alors le contribuable qui la paierait, mais
contre le responsable à son origine qui doit savoir à l’avance que, en vertu de la
loi, s’il veut se permettre de s’opposer d’une manière ou d’une autre à
l’exécution d’une décision de justice revêtue de l’autorité de la chose jugée, il
217
M. AIT SAKEL, Op. Cit. p10
218
Ibidem,
119
devra payer ce luxe sur ses deniers propres et non sur le compte du Trésor
public, c'est-à-dire des administrés et des justiciables219 ».
Toutefois, ce procédé doit être utilisé avec prudence, car il se peut que le
responsable administratif soit dans une situation d'impasse, ne lui permettant
pas d'exécuter la décision. C’est le cas notamment lorsqu'une décision a pour
effet de secouer un ordonnancement juridique selon lequel des droits acquis se
sont constitués car l'annulation d'une décision administrative pourra donc
porter atteinte à la sécurité juridique des tiers220.
219
Mohamed Amine Benabdellah, "Note sous le jugement du tribunal administratif de Rabat, héritiers El achiri",
REMALD, n° 20-21, 1997, p. 248.
220
Comme le soutient ainsi M. AIT SAKEL « Ainsi, l’annulation ab initio d’une décision administrative ne peut
imposer à l’administration de revenir sur d’autres décisions qu’à la condition que ces dernières ne [soient] pas
devenues définitives et que cette révision ne porte pas atteinte aux droits acquis que les bénéficiaires ont pu en
tirer » M. Ait SAKEL Op. Cit,, p. 13
120
d'un système judiciaire parfaitement accessible et dont les décisions judiciaires
sont exécutées sans délai.
121
A- Une accessibilité limitée du contribuable à la justice fiscale
221
Documentation pratique- FISCAL- éd. Francis Lefebvre- 1989, Feuillet 3. p. 282
1997/1/5/573 ملف إداري عدد1997/07/24 المؤرخ في1188 قرار محكمة النقض عدد222
المنازعات الضريبية. 41/90 اختصاص المحكمة اإلدارية قائم للبث في كل من دعوى اإللغاء ودعوى القضاء الشامل في نطاق قانون- )1- "
.تدخل في نطاق الطائفة الثانية من الدعاوي
". المحكمة اإلدارية مختصة ولو أن الطاعنة استعملت مصطلح اإللغاء الخاص بالطائفة األولى من الدعاوي-)2 -
122
Sa sentence ne peut qu’annuler l'imposition déjà établie, et avec un effet
rétroactif, de sorte que l'acte administratif annulé est réputé n'avoir jamais
existé. « Le juge a donc un rôle de défenseur du contribuable contre l’excès de
pouvoir de l’administration fiscale. Mais le juge de cet excès de pouvoir ne peut
qu’annuler l’acte irrégulier sans lui substituer une décision régulière223 ». Quant
au recours de pleine juridiction, le juge dispose en plus du pouvoir
d’annulation, d’un pouvoir de changement (à la hausse ou à la baisse) et même
d’une demande d’indemnisation. Le juge a donc le pouvoir d’établir l’impôt au
lieu et place de l’administration fiscale. Mais l'effet du jugement ne dépasse
pas les parties au procès. Par ailleurs, l'article 23 de la loi 41-90 instituant les
tribunaux administratifs considère le recours en annulation comme non
recevable si les intéressés disposent d'un recours ordinaire de pleine
juridiction224 pour faire valoir leurs droits. Le contribuable doit donc intenter le
recours de pleine juridiction sauf lorsqu'il conteste sa soumission même à
l'imposition225, autrement dit, lorsqu’il réfute même sa qualité de contribuable.
Sur cette base, il est aisé de conclure que le contribuable désirant contester
le montant d'un impôt est tenu de payer la taxe judiciaire, dont le taux peut
s'élever jusqu'à 4% de la totalité du montant de l'impôt ou complément
d'impôt objet de la demande226. Ce qui constitue une véritable entrave à l'accès
223
S. CHERKAOUI. Op. Cit., p. 68
224
Communément appelé par recours parallèle.
.1999/1/5/887 ملف إداري عدد1999/12/09 المؤرخ في1583 القرار محكمة النقض عدد225
"إذا كانت المنازعة الضريبية تندرج مبدئيا ضمن القضاء الشامل إال أنه يمكن استثناء رفعها في إطار دعوى اإللغاء المعفاة من الرسوم القضائية
"كلما انتفت الصلة بين الملزم والضريبة المنازع فيها
226
Ainsi, en vertu de l'article 24 de l'annexe 1 du Dahir du 27 avril 1984 " Si la demande est d'un montant
déterminé, il est perçu :
1. de 1.000 dirhams jusqu'à 5.000 dirhams : 4% sur le total de la demande avec un minimum de perception de,
50 dirhams.
- si la demande excède 5.000 dirhams jusqu'à 20 000, dirhams : 2,5% sur le total de la demande avec un
minimum de perception de 200 dirhams.
- si la demande excède 20.000 dirhams : 1% sur le total de la demande et, en sus de 300 dirhams.
2- Cette taxe est due sur toute demande tendant à l'exécution ou à l'affranchissement d'une obligation dérivant
d'un titre ou de la loi…".
123
du contribuable à la justice, même si les frais de justice sont en principe
supportés par la partie déboutée. Néanmoins, le contribuable affronte, en
pratique, beaucoup d’obstacles de la part de l'administration fiscale lors de la
restitution des impôts et frais de justice227. Ajoutons à cela le problème de
l'obligation d'être assisté par un avocat inscrit au tableau de l’un des barreaux
du Royaume. « Les honoraires de celui-ci viennent s'ajouter aux frais judiciaires
que nécessite chaque requête. Alors que la justice marocaine considère que le
droit à la défense est l'un des droits généraux 228».
- À ce titre il importe de rappeler que le tribunal administratif de Casablanca n'exigeait pas le paiement de cette
taxe en considérant le contentieux fiscal relève des juridictions d'annulation exonérées par la loi de cette taxe.
571 ص،محمد شكيري مرجع سابق
227
On aura l'occasion de revoir ce sujet plus loin, lors du traitement du problème de l'inexécution des décisions
de justice par le fisc.
228
C. ELHILALI, Op. Cit., p.172
229
À titre d'information, dans un précédent jurisprudentiel unique, la responsabilité civile de l'administration
fiscale a été engagée à cause des dégâts qu'elle a dû causer à un contribuable par l'émission d'un rôle d'imposition
malgré sa connaissance préalable de l'annulation de l'imposition objet du présent rôle.
الذي تزامن مع إخضاعه1999 » وحيث انه الجدال بين الطرفين على تحقق توقف المدعي عن مزاولة نشاطه المهني بصفة نهائية منذ سنة
116 كما أكد عليه قرار الغرفة اإلدارية بمحكمة النقض عدد2001/12/31 لمسطرة الفرض التلقائي للضريبة التي كانت موضوع تنفيذ منذ تاريخ
مما يشكل بوضوح ضررا جليا بالمركز القانوني للمدعي حتى، رغم صيرورتها ملغاة بمقتضى هذا السند القضائي النهائي2009/2/11 وتاريخ
مع تسجيله لعجز برسم السنة السابقة للفرض المذكور حسبما تمسكت به اإلدارة الجبائية طالما ان الضوابط الضريبية المعمول بها
تحفظ لمن وجد في مثل هذا المركز القانوني الحق في إمكانية خصم العجز من أرباح السنوات المحاسبية الموالية لغاية السنة الرابعة التي تلي
من نفس144 من المدونة العامة للضرائب المحال عليها بمقتضى المادة112 السنة المحاسبية التي حصل فيها العجز عمال بمقتضيات المادة
المدونة وهو ما تعذر تحققه بسبب التوجيب الضريبي غير المشروع الذي طال المدعي وحال دون استفادته من العجز القابل للترحيل برسم
« . السنوات الثالث الالحقة
.09/7/310 : ملف رقم2012/2/7 : الصادر بتاريخ441 : حكم المحكمة اإلدارية بالرباط رقم
124
dans la procédure contentieuse. Celle-ci se trouvant de nouveau en position de
juge et de partie 230».
Enfin, comme nous l’avons étalé plus haut232, l'accessibilité à la justice fiscale
est également entravée par le recours administratif préalable obligatoire, et ce
aussi bien par son effet non suspensif de recouvrement, que par sa longue
durée de traitement.
230
K. SID AHMED, Op. Cit. p. 93.
231
Une accessibilité relative car il existe des régions territorialement larges, ce qui élimine ce droit à une large
tranche de la population.
232
V. supra, Chapitre 2, Section 2, A- La réclamation contentieuse : le filtre des litiges fiscaux avant l’étape
judiciaire. P.99
125
Ainsi, la complexité du procès de l'impôt est principalement tributaire du
particularisme du droit fiscal et son autonomie par rapport aux autres branches
de droit. Elle est aussi due à la diversité des textes applicables en matière de
contentieux judiciaire. Ainsi, on trouve que les règles qui régissent le recours
judiciaire dans le code général des impôts ne sont pas regroupées dans une
seule rubrique afin de faciliter la procédure233. De plus, les règles du code de la
procédure civile sont aussi applicables dans le procès fiscal, et ce en vertu de
l'article 7 de la loi 41-90 instituant les tribunaux administratifs qui renvoie aux
règles de ce code.
D'un autre côté, le procès de l'impôt est par nature déséquilibré, dans la
mesure où le contribuable affronte une administration toute puissante par ses
prérogatives et par ses cadres, qui maîtrisent parfaitement les législations
fiscales, ainsi que les règles du jeu devant les tribunaux. Pour marquer ce
déséquilibre ″naturel″, le rapport de la commission AICARDI n'a pas manqué de
signaler dès 1986 que « le contribuable est placé par l'effet soit de la loi soit de
la jurisprudence dans une situation d'infériorité que rien ne justifie234 ».
233
En se référant au CGI, on trouve que le législateur a réservé le second chapitre du titre II au contentieux
judiciaire, en édictant seulement deux articles : l'un régit le contentieux suite à une contestation de la décision de
l'une des commissions, et l'autre concerne le contentieux suite à une réclamation. Cependant, l'intitulé de ce
chapitre laisse entendre que toutes les règles du contentieux judiciaire sont regroupées en son sein. Or, en réalité,
il existe beaucoup de dispositions du code qui régissent la procédure devant le juge de l'impôt citées dans
d’autres articles, dont notamment : les articles 220, 221, 225, 226...
234
"L'amélioration des rapports entre les citoyens et les administrations fiscales et douanières", Par Maurice
Aicardi, Rapport au ministre d'Etat de l'Economie, des Finances et de la privatisation, Paris, La Documentation
française, 1986, p. 44
126
de l'impôt au profit de l'expert désigné soit d'office soit à la demande de l'une
des parties.
Il est évident que juridiquement parlant, le juge n'est pas tenu par les
conclusions de l'expert, et reste par conséquent libre de les adopter totalement
ou partiellement, comme il peut même demander une expertise
complémentaire ou une contre-expertise. L’expertise a donc un simple
caractère consultatif.
373 ص، الدار البيضاء، مطبعة دار النشر المغربية،2002 عبد الغني خالد " المسطرة في القانون الضريبي المغربي" طبعة235
في المئة من "القضايا التي95 فإن ما يزيد عن، رئيس مصلحة الشؤون القضائية بالمديرية العامة للضرائب،حسب السيد عبد الرحمان أبيال236
" أفضت إلى مسطرة اللجان،يتم اللجوء فيها إلى خبرة تتعلق بالقضايا المتعلقة بالمنازعة في ضرائب تكميلية مبنية على مراقبة جبائية
111 ص،16 عدد، دفاتر المجلس األعلى، ندوة حولة اإلشكاالت القانونية و العملية في المجال الضريبي،خصوصيات الخبرة في المادة الضريبة
(غير2005/2/4/11 : القسم الثاني عدد: ملف إداري2006/09/13 : المؤرخ في714 : المجلس األعلى (محكمة النقض حاليا) القرار عدد237
)منشور
المتعلق1/61/442 "وحيث إنه إذا كان من حق اإلدارة أن تحدد القيمة الكرائية للمحل الذي يزاول فيه الملزم نشاطه تطبيقا لمقتضيات القانون رقم
بالضريبة المهنية في فصله السادس فإنه في غياب أي عنصر لتحديد القيمة الكرائية تكون المحكمة لما أمرت بإجراء خبرة لتحديد القيمة الكرائية
." ومن المتعين تأييده.للمحل المستأنف عليه والنشاط الممارس فيه كان حكمها مصادفا للصواب
238
M. ZAHIRI a écrit dans ce sens que « comptabilité et fiscalité sont deux disciplines confrontées à la nécessité
de mesurer les faits aboutissant notamment à la détermination des situations patrimoniales et des résultats de
l'entreprise. Ainsi, elles ont un domaine commun important et s'interpénètrent largement. La fiscalité se fonde
sur les règles élaborées par la comptabilité, qui à son tour est influencée par les considérations de contraintes
fiscales »
127
fournies par le contribuable, ce qui le détermine à recourir systématiquement
au service de l'expert-comptable.
Yahia ZAHIRI, La fiscalité et la comptabilité de l'entreprise au Maroc, thèse soutenue publiquement, à la faculté
des sciences juridiques, économiques et sociales de Oujda, Université Mohamed Premier, 2003-2004, p1
239
Actuellement, un stage au sein de la direction générale des impôts a été programmé dans le cursus des futurs
magistrats. C’est une initiative louable mais qui reste insuffisante, à cause de la complexité de la matière fiscale.
C’est pour cela qu’il est recommandé d’établir une véritable spécialisation des magistrats dès l’intégration de
l’institut supérieur de la magistrature, en mettant à leur disposition une formation théorique appuyée par des
stages pratiques auprès des inspecteurs du fisc et des experts comptables ainsi qu’au sein des tribunaux
administratifs.
240
Op.Cit. C. Hilali, p. 174
128
l’irrecevabilité pour vice de forme, soit par l’approbation des conclusions de
l’expert241.
De manière générale, cette pathologie n'est pas sans effet sur la sécurité
judiciaire du contribuable. C'est ainsi qu'on assiste de nos jours à une
excessivité exagérée dans les délais de prise des décisions judiciaires, dont
l’une des causes est le recours à l’expertise judiciaire. C’est du reste un
phénomène qui n’est pas spécifique au contentieux de l'impôt, tout le système
judiciaire marocain en souffre, sauf qu’en matière fiscale le préjudice paraît
particulièrement plus important, dans la mesure où le recours au juge de
l'impôt n'est pas en principe suspensif de poursuites pour le recouvrement des
rôles émis242, « ce qui peut soulever un problème de sécurité juridique pour le
plaideur. La longueur des recours affectera également les finances du
contribuable, qui n'aura pas obtenu le sursis du paiement243 ». De surcroît, il
existe également un risque d’insécurité judiciaire pour le contribuable par
l’effet de l’élargissement du pouvoir discrétionnaire des experts comptables,
qui peuvent exiger du contribuable des contreparties en plus des honoraires
versés par le tribunal, en vue d’adopter une position qui lui serait favorable244,
241
En effet, la plupart des décisions rendues sont soit rejetées pour vice de forme, soit motivées ainsi : "attendu
que les conclusions de l'expert ont été conformes à la loi, il importe donc de les approuver…
تبين لها أنه جاء مستوفيا لكل الشروط الشكلية والموضوعية إذ قام..."وحيث أنه بعد تفحص المحكمة لتقرير الخبرة المنجزة من طرف الخبير
أما اإلدارة، كما برر تقديراته على حجج ثابتة،بتقديم رقم المعامالت في غياب محاسبة مضبوطة بشكل دقيق معتمدا على كل المعطيات المتطلبة
" الجبائية فلم تدل بما يخالف ذلك لذا ارتأت المصادقة على هذا التقرير والحكم ببطالن الضريبة المتنازع بشأنها في ما زاد على تقرير الخبير
نقال عن العربي الكزداح " الطعون الجبائية في ظل.2002 مارس أبريل43 منشور ب م م إ د ت عدد2001/11/15 بتاريخ893 حكم عدد
274 ص،2004/2003 الموسم الجامعي، جامعة محمد الخامس أكدال، المحاكم اإلدارية بالمغرب " أطروحة لنيل الدكتورة في الحقوق
(العمل القضائي في المنازعات الضريبية بين مواقف محاكم2005/09/29 بتاريخ1330 كما ورد في حكم المحكمة اإلدارية بارباط عدد
في حالة-1 " ) و ما بعد104 ص،2010، منشورات مجلة الحقوق المغربية، الجزء الثاني، حياة البجدايني،الموضوع و توجيهات ال مجلس األعلى
يمكن االستعانة بخبير مختص قصد،الخالف بين الملزم و مديرية الضرائب حول القيمة الحقيقية للعقار موضوع الضريبة على األرباح العقارية
تقرير الخبرة المستجمع للشروط الشكلية المتضمن لتقديرات مبنية على أسس واضحة يصلح العتماده في الفصل بين-2 .نعم...االسترشاد برأيه
".نعم... الخالف القائم حول قيمة العقار
242
Le contribuable est tenu de payer l'impôt indépendamment de son recours en justice, sauf s'il obtient le sursis
de recouvrement par une ordonnance du juge des référés, dans l’attente d’un jugement dans le fond, à condition
de constituer des garanties suffisantes pour couvrir les rôles émis.
243
K. SID AHMED. Op. Cit.. P68 du
244
Cela n'empêche pas de dire qu'il y a aussi des contribuables malhonnêtes qui corrompent l'expert
volontairement pour les mêmes fins.
129
tout en étant persuadé que ses conclusions seront probablement adoptées par
le tribunal. Ils se substituent donc aux juges même s’ils ne présentent aucune
garantie d'indépendance et d'impartialité245.
Dans tous les cas, ces décisions même souvent favorables au contribuable,
resteront lettres mortes si elles ne sont pas exécutées par le fisc.
Comme nous l’avons signalé auparavant, une décision de justice ne vaut que
si elle est exécutée. La production d’une décision exécutoire est l’essence
même du recours judiciaire, sinon à quoi sert de porter un litige devant un
tribunal si on sait à l’avance que ses décisions seront dépourvues de la force
exécutoire.
اإلشكاالت القانونية والعلمية في المجال: مداخلة في الندوة الوطنية حول موضوع، خصوصيات الخبرة في المادة الضريبية،عبد الرحمان أبيال
110 ص،2011/16 دفاتر المجلس االعلى العدد،الضريبي
245
Selon Abderrahman ABILLA, (Chef de service des affaires judiciaires au sein de la DGI) le juge recours à
l’expertise dans plus de 95 % des affaires contentieux et qui portent sur des différends qui surgissent à l’occasion
d’un contrôle fiscal.
مقال سابق،عبد الرحمان أبيال
130
Ce phénomène a créé une situation désastreuse auprès d’un grand nombre
de contribuables246, qui sont allés jusqu’à la liquidation judiciaire de certaines
entreprises en difficultés247. Cette situation a pour effet d’encourager les
contribuables à basculer vers l’économie informelle, avec l’expansion de la
fraude et de l’évasion fiscale.
م2008/2007 : رسالة لنيل دبلوم الدراسات العليا المعمقة السنة الدراسية، منازعات الوعاء الضريبي أمام القضاء اإلداري،نجيب البقالي246
80-79 ص،المحمدية
247
Le tribunal administratif a eu l’occasion d’établir la responsabilité de l’administration fiscale pour faute
grave, en causant l’arrêt définitif de l’activité professionnelle du contribuable, à cause de « son obstination pour
recourir à la taxation d’office et entamer les procédures du recouvrement forcé …malgré l’annulation de ladite
procédure en vertu d’un jugement définitif »
.09/7/310 : ملف رقم2012/2/7 : الصادر بتاريخ441 : حكم المحكمة اإلدارية بالرباط رقم
قيام مسؤولية المصالح الجبائية الموجبة للتعويض رهين بتوافر شروط قانونية من جملتها ارتكابها لخطأ جسيم غير مقترن بصعوبات-1"
. استثنائية تحول دون تقدير وضعية الملزم على وجه سليم
إصرار مصلحة الوعاء الضريبي على سلوك مسطرة الفرض التلقائي في مواجهة المدعي ومباشرة إجراءات التحصيل الجبري من حجز و-2
رهن رسمي بمناسبة هذا الفرض الضريبي رغم انتفاء موجبات تطبيقه في ظل العجز المسجل بمحاسبة المدعي و المستخلص من تقرير مفتشها
فضال عن إلغاء المسطرة المذكورة بموجب حكم قضائي،المحقق الذي كان محل تأييد من لدن اللجنة الوطنية للنظر في الطعون المتعلقة بالضريبة
يشكل خطأ جسيما ما دام أنه لم يقترن بصعوبات تحول دون تحديد الوضعية الجبائية للمدعي بشكل سليم و يرتب مسؤوليتها اإلدارية عن:نهائي
نعم: كافة األضرار المادية و المعنوية المترتبة عن هــــــــذا الخطأ
التوقف النهائي عن النشاط المهني من جراء الخطأ الجسيم المنسوب لمصلحة الوعاء الضريبي والحرمان من فرص الربح واالمتيازات-3
عناصر كافية لتقييم... من المدونة العامة للضرائب والمساس بالسمعة داخل سوق االستثمارات العقارية144 المخولة قانونا بمقتضى المادة
. نعم: الضرر على ضوء المراكز القانونية لألطراف في إطار السلطة التقديرية للمحكمة
248
Dans ce sens, la Cour de Cassation a souvent annulé la décision de l’administration qui a refusé de délivrer
une attestation de régularité fiscale au contribuable sans juste motif, (arrêt n° 922 en date du 24/10/2007 dossier
administratif n° 2675/4/2/2005 Publié sur Site de Jurisprudence du Cabinet Bassamat & Associée
http://www.jurisprudence.ma, consulté le 14/02/2016 à 10 :30
131
forme d’un retard dans l’exécution, à ce titre on peut citer un jugement du
tribunal administratif de rabat en date 03/11/1998249, qui a condamné
l’administration fiscale au versement d’une indemnité de 2000 dirhams au
contribuable, pour retard de restitution des sommes indûment payées.
132
tel qu’il a été constaté par le procès-verbal de refus d’exécution dressé le
06/01/2005.
133
Conclusion du deuxième chapitre
134
Conclusion de la première partie
251
Voir introduction générale- B- Impact de la sécurité fiscale sur l'attractivité économique des territoires
252
Selon un communiqué publié dans le portail de la DGI, le travail sera mené par 6 groupes de travail qui
traiteront chacun un volet du CGI, et dont l’action sera coordonnée par un comité restreint qui centralisera les
contributions des différents groupes de travail et veillera sur la cohérence d’ensemble. Le projet sera par la suite
soumis à un comité de pilotage pour validation.
135
Deuxième partie : Les
moyens de
renforcement de la
sécurité fiscale du
contribuable
136
Au niveau de la première partie de cette thèse, nous nous sommes
évertués à dresser un bilan de la situation précaire du contribuable au Maroc,
marquée principalement par la dégradation de sa sécurité, d’une part par
l’effet de l’intelligibilité, l’instabilité et l’imprévisibilité de la norme fiscale, et
d’autre part, par l’incapacité de tous les systèmes de recours en vigueur à le
protéger. Devant cette constatation, notre étude s’est acheminée vers la
recherche de tous les remèdes possibles aux différents cas d’insécurité
recensés, à l’aide bien entendu, des expériences étrangères. Dans cet objectif,
nous allons nous contenter au départ à rechercher les moyens de
renforcement de la sécurité fiscale du contribuable à travers le
réaménagement de la norme fiscale sur le double aspect : temporel et formel
(chapitre I). Nous nous intéresserons par la suite à la notion de l’Etat de droit
qui offre au contribuable une panoplie de garanties, notamment sur le plan de
la protection de ses droits fondamentaux et d’un droit de recours lui
garantissant une sécurité judiciaire suffisante (chapitre II).
137
phénomène du renvoi, et celui de la cédularité des impositions, au détriment
de la lisibilité et de la clarté des textes fiscaux.
Cependant, cette quête de stabilité ne doit pas être exagérée, créant ainsi
un statisme dans les normes juridiques, M. DEBAT rapporte à ce propos qu’une
« limite à la sécurité juridique trouve sa traduction dans un principe de
mutabilité des règles et situations juridiques, qui, par souci de justice ou
d'équité, amène à améliorer de manière constante l'ordonnancement juridique
et l'adapter à une société changeante254». Cette nuance apportée à la notion
de la sécurité juridique, se confirme surtout en matière fiscale, qualifiée de
discipline mouvante par nature, puisque la règle fiscale est devenue un
instrument de politique économique et sociale permettant d’agir sur le
comportement des contribuables par des phénomènes d’incitation ou de
dissuasion.
253
Sur cette question, voir les développements de M. Thomas PIAZZON, La sécurité juridique, éd Lextenso
défrénois, Alpha, 2010, p. 44
254
Oliver DEBAT, La rétroactivité et le droit fiscal, éd Defrénois 2006, p. 342
139
À travers les différentes expériences étrangères en la matière, nous allons
commencer par exposer des solutions subjectives ayant un effet global sur
l'ensemble du problème de l'imprévisibilité (§1), en mesurant ainsi leur degré
de compatibilité par rapport à notre ordre juridique, notamment sur le plan du
respect de la hiérarchie des normes. On étudiera par la suite les moyens
objectifs qui correspondent à des principes et mécanismes tirés du principe
général de la sécurité juridique, en plus de quelques techniques ayant prouvé
leur efficacité sur le plan du droit comparé (§2).
140
la teneur varie d'une personne à une autre. BATIFFOL considère dans ce
sens que « la sécurité ne se confond pas avec la simple protection de l'individu
et de sa liberté. Elle exprime plus précisément l'aspiration à un système de
règles certaines, parce qu'une telle certitude répond au besoin décisif de
prévisibilité : il faut qu'un chacun puisse prévoir les conséquences de ses actes,
et déterminer par suite ce qu'il peut ou doit faire ou ne pas faire ; il faut qu'un
chacun puisse aussi prévoir ce qu'autrui a le droit de faire ou ne pas faire pour
régler ses attitudes en conséquences 255».
255
Henri Batiffol, la philosophie du droit, Presse Universitaire de France, coll. Que sais-je?, 1997, p. 103
141
certaine256 ». De plus, par ce moyen, le droit à la sécurité juridique n'aura
qu'une portée limité sur le droit fiscal. Il serait donc préférable d'opter pour
une autre méthode qui serait plus générale et d'une efficacité suffisante, on
pense à ce titre à l'introduction de ce droit subjectif dans le corps même de la
constitution ou au moins dans son préambule.
L’efficacité de cette solution est indiscutable, mais elle reste tout de même
difficilement réalisable, en raison du caractère rigide des réformes
constitutionnels dans notre pays, d’où l’intérêt de penser à une autre méthode
plus simple et efficace pour l'incorporation de ce droit dans notre système
juridique. On pense ainsi aux instruments internationaux, que la constitution
classe au-dessus des lois, sachant qu’ils constituent même les origines de la
notion de la sécurité juridique. En effet, à l'instar du concept d'Etat de droit,
celui de la sécurité juridique a évolué progressivement sous l'influence des
idéologies individualistes et des notions des droits de l'Homme et des libertés
fondamentales257. On peut citer à cet égard la convention européenne des
droits de l'Homme où le droit à la sécurité juridique a été déduit par la Cour
européenne des droits de l'Homme à maintes reprises à l'occasion de son
interprétation de cette convention. Ce concept de "sécurité juridique" a été
évoqué pour la première fois par cette Cour le 13 juin 1979 à travers l’arrêt
Marckx c/ Belgique258, où on lit dans l'un de ses énoncés que « le principe de
sécurité juridique, nécessairement inhérent au droit de la Convention comme
au droit communautaire, dispense l’État belge de remettre en cause des actes
256
O.DEBAT, Op. Cit. p. 348
257
Nicolas MOLFESSIS, "Les ‘’avancées ‘’ de la sécurité juridique", Revue trimestrielle de droit civil (RTD
civ), 2000, p. 662
258
Elodie BORDES, "Radioscopie jurisprudentielle du principe de sécurité juridique : analyses de évolutions
possibles à la lumière de la QPC ", atelier n°7 du 8e Congrès national français du droit constitutionnel, tenu à
Nancy le 16, 17 et 18 juin 2011, p. 6. Publié en ligne
http://www.droitconstitutionnel.org/congresNancy/comN7/bordesTD7.pdf consulté le 15/08/2016
142
ou situations juridiques antérieurs au prononcé du présent arrêt ». C'est donc
l'attachement à la protection des droits de l'Homme qui explique le succès
actuel du principe de la sécurité juridique.
259
Benoît DELAUNAY, "Faut-il reconnaître un principe de confiance légitime en droit fiscal ? " In Sécurité
fiscale, sous la direction de Jacques Buisson, éd L'HARMATTAN, Paris, 2011, p. 42
260
Benoît DELAUNAY, Article précité p. 45.
261
Le droit administratif français et le principe de confiance légitime, Séminaire de droit administratif, M. le
Prof. Bertrand Seiller Séance du 8 novembre 2010, Exposé présenté par Arnaud Bordenave, publié au
http://dpa.u-paris2.fr/wp-content/uploads/2013/11/Administratif_-_expose_Bordenave.pdf consulté le
12/09/2014 à 19:45
143
sécurité juridique, pour devenir par la suite l'un des piliers du droit
communautaire262.
262
À ce titre on remarque que ces deux principes "sont invoqués ou mentionnées dans 10% des arrêts de la Cour
de justice" même s'ils sont rejetés dans la majeure partie des cas, à cause des lourdes conditions posées par cette
Cour (T. PIAZZON Op. Cit. p. 370)
263
On verra plus loin les répercussions de ce concept sur les principes juridiques français.
264
Jean-Yves CHABANNE, «De la méfiance légitime des redevables de l'impôt», Les petites Affiches 1999
n°192, p. 11
265
Cour de Cassation, arrêt n° 601/2 en date du 09/07/2015, dossier administratif n° 1394/4/2/2014 (non publié).
144
la précipitation dans l'élaboration de nouvelles politiques ainsi que l'application
brutale de ces dernières266 ».
266
Propos de Mme HEERS, membre de la justice administrative, cités dans l'exposé de Norine Zaoui : Le droit
administratif français et le principe de confiance légitime, Séminaire de droit administratif général, M. le
Professeur Jacques Petit, p. 9. http://dpa.u-paris2.fr/wp-content/uploads/2013/11/Administratif_-
_expose_Zaoui.pdf consulté le 13/09/2014 à 15:35
267
Marie-Hélène VIEU-PLANCHON, "Le principe de confiance légitime devant la Cour de Justice des
Communautés ",In Revue de la recherche juridique R.R.J, 1994, p. 449
268
M-H PLANCHON, Article précité, p. 471
269
Cette limite à la mise en œuvre du principe de confiance légitime est appréciée avec une particulière sévérité
par le juge communautaire. Le droit communautaire étant un droit essentiellement économique et par conséquent
145
Cependant, même si la sécurité juridique et la confiance légitime sont deux
principes à égale valeur en droit communautaire, une dissemblance notable
existe entre les deux principes. Ainsi, comme l'énonce M. DEBAT : « alors que
la sécurité juridique stricto sensu serait d'une logique abstraite, la confiance
légitime serait axée sur la situation concrète des intéressés. Autrement dit, le
premier principe exige la conformité des actes des autorités à une règle
objective, celle de la sécurité; quant au second, il est d'avantage de nature
subjective en ce qu'il se place du point de vue du destinataire270 ». Ce caractère
subjectif du principe de la confiance légitime présente un avantage certain par
rapport à celui de la sécurité juridique, permettant ainsi au juge de procéder à
un examen casuistique, mettant en avant la situation concrète du contribuable,
à la différence du principe de la sécurité juridique qui est de caractère objectif
et abstrait, où le juge doit déclarer la disposition pointue de doigt comme étant
soit accessible et prévisible pour tous, soit elle ne l'est pour personne.
mouvant, les sujets de droit doivent s'attendre à des évolutions qu'ils doivent anticiper voir, et dans certains cas,
deviner. (M-H PLANHCON, article précité, p. 446 et s.). Voir aussi Michel FROMONT, "Le principe de
sécurité juridique " In, Revue Actualité juridique du droit administratif (AJDA), 1996, n° spécial, p. 178.
270
O. DEBAT, Op. Cit. p. 343
271
Thomas PIAZZON, La sécurité Juridique, éd Défrénois lextenso éditions, 2010, p. 419.
146
B- L'incidence de la subjectivation de la sécurité juridique sur le droit objectif
marocain
La consécration du droit à la sécurité juridique subjective présente
incontestablement des avantages innombrables pour le contribuable. Ainsi, en
vertu de ce droit, le contribuable peut réclamer l'éviction d'une règle
rétroactive ou simplement rétrospective chaque fois que ses espérances
fondées n'ont pas été respectées272. Il en est aussi lorsqu'une doctrine
administrative remet en cause une situation stable du contribuable, en
permettant ainsi, à ce dernier d’opposer à l'administration sa position initiale,
qui lui était favorable.
272
Il importe de rappeler à ce titre que l’article 133 de la constitution de 2011, permet à la Cour Constitutionnelle
de statuer sur « une exception d'inconstitutionnalité soulevée au cours d'un procès, lorsqu'il est soutenu par l'une
des parties que la loi dont dépend l'issue du litige, porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution
», sauf que cet article ne peut être appliqué qu’après l’adoption d’une loi organique fixant « les conditions et
modalités d'application ».
147
pouvoirs « systématiquement renforcés, au détriment de l'ordre de la loi
pourtant source de sécurité objective273 ». On serait donc devant un "droit
optatif" laissant au juge le pouvoir de trancher comme il l'entend.
273
T. PIAZZON, Op. Cit., p. 422
274
Sylvia CALMES, Du principe de protection de la confiance légitime en droit allemand, communautaire et
français, éd Dalloz, Coll. Nouvelle bibliothèque de thèse, vol 1, 2001, Paris, p. 36
275
Conseil Constitutionnel français 9 avril 1992, Décision n°92-308 DC : recueil DC, p.55,
v. aussi le lien suivant :
148
en considérant qu'aucune « …norme de valeur constitutionnelle ne garantit un
principe dit de confiance légitime276 ». Devant cette position controversée du
Conseil Constitutionnel français, le juge judiciaire a adopté une double attitude
qui paraît plus adaptée au contexte juridique français. Ainsi, le Conseil d'État
avait considéré dans un arrêt du 30 novembre 1994 « que le champ
d'application du principe de confiance légitime ne recouvrait pas les
impositions exclusivement régies par le droit interne277 », mais à l’opposé, ce
principe peut « jouer en matière de taxe sur la valeur ajoutée, puisqu'elle fait
l'objet d'une réglementation communautaire278 ».
http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-con..c/decision-n-92-308-dc-du-09-avril-1992.8798.html consulté
le 01/12/2013 à 15:35
276
Conseil Constitutionnel français 30 décembre 1996, décision n° 96-385 DC : JO du 31 décembre 1996 pages
19490 et suivant.
v. aussi le lien suivant :
http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-
depuis-1959/1996/96-385-dc/decision-n-96-385-dc-du-30-decembre-1996.10826.html consulté le 01/12/2013 à
18:37
277
Conseil d'État 30 novembre 1994 8e et 9e sous-sections, cité par O. DEBAT, Op. Cit. n° 474, p. 346. L'auteur
explicite davantage en citant une décision de la Cour Administrative d'Appel de Bordeaux rendue le 22 février
1994, en vertu de laquelle "la Cour ayant conclu qu'en tout état de cause, le non-respect éventuel par les
dispositions nationales des principes de sécurité juridique et de confiance légitime ne saurait avoir pour effet de
faire obstacle à l'application de la loi fiscale"
278
Conseil d'État 16 novembre 2005, 9e et 10e sous-sections, n°265 179, cité par O. DEBAT, Op. Cit. n°474 p.
346
149
empoisonné : il participe d'abord du pullulement des droits subjectifs, au
détriment de la cohérence du droit objectif ; il renforce ensuite tellement les
pouvoirs du juge que celui-ci se montre très sévère pour en caractériser une
violation. Parfois, il se retourne enfin contre les sujets de droits en scrutant la
légitimité de leur prévision279 ». Il importe donc de savoir résister aux
demandes de subjectivation du droit à la sécurité juridique, car selon le Doyen
Carbonnier « le risque c’est que tout besoin demande à être reconnu comme
droit subjectif280 ».
279
T. PIAZZON, Op. Cit.p. 425
280
Jean Carbonnier, Droit et passion du droit, Flammarion, coll. « Forum », 1996, Paris, p. 125.
150
1- Limitation du pouvoir d’appréciation de l’administration fiscale
Comme nous l’avons démontré précédemment281, l’administration fiscale a
vu son pouvoir d’appréciation se développer au fil du temps, au point de
rompre toute égalité entre le fisc et le contribuable, et d’élargir la zone de
l’insécurité de ce dernier. Toutefois, ce développement n’a pas été
accompagné par des mesures législatives en mesure d’encadrer l’action
interprétative de l’administration fiscale. Ainsi, aucune disposition législative ne
permet de contrôler les répercussions des revirements des interprétations ou
des prises de position de l’administration fiscale sur la prévisibilité du
contribuable, notamment lorsqu’elle lui fait supporter de nouvelles charges
inattendues.
281
V. supra, Partie I - chapitre I - section I- paragraphe 2. p.35.
151
Ainsi, aux termes de l’article L80A du livre des procédures fiscales (LPF) : « il
ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du
rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur
l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré
que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à
l'époque, formellement admise par l'administration.
282
L’inverse n’est pas possible, c’est-à-dire que l’administration ne peut opposer son interprétation aux
contribuables.
152
Par ailleurs, à l’instar des lois fiscales, une doctrine administrative ne peut
être qualifiée de rétroactive qu’en se référant au critère du fait générateur de
l’impôt. Autrement dit, l’administration ne peut exiger une imposition
supplémentaire en se basant sur une nouvelle interprétation de la loi fiscale
intervenue après le fait générateur de l’impôt. Ainsi, le contribuable ayant fait
l’objet d’une taxation d’office à la suite d’une omission de déclaration, ne peut
invoquer le bénéfice de l’article L 80 A du LPF.
153
l’appréciation de l’administration fiscale doit être antérieure à la date de dépôt
de la déclaration ou en l’absence d’obligation déclarative, à celle du paiement.
Enfin, la décision doit concerner le contribuable lui-même, de sorte qu’il ne
peut s’inspirer des exemples similaires à sa situation283.
Mis à part la pertinence de ces critiques, l’adoption de ces deux articles par
le législateur français a octroyé « aux contribuables une sécurité juridique
indéniable, en leur garantissant pour le passé une certaine permanence des
solutions administratives285 ». Il serait donc plus critiquable de priver le
contribuable marocain de telles garanties, sachant que l’objectif principal
derrière leurs adoption n’était que d’« éviter la procédure longue du
contentieux de la responsabilité en offrant au contribuable par la décharge du
redressement auquel prétend l’administration, une indemnisation forfaitaire
du préjudice qu’il aurait subi s’il avait conservé son droit de reprise286 ».
283
Patrick SERLOOTEN : Droit fiscal des affaires, Précis Dalloz, 2013, n° 16, p. 16
284
P. SERLOOTEN, Op. Cit. n°14, p. 14.
285
O. DEBAT Op. Cit.. n° 357 p. 266
286
Benoît DELAUNAY, "Faut-il reconnaître un principe de confiance légitime en droit fiscal ? " In Sécurité
fiscale, sous la direction de Jacques Buisson, éd L'HARMATTAN, Paris, 2011, p. 73
154
b- La responsabilité de l'administration pour avoir induit le
contribuable en erreur
287
B. DELAUNAY, article précité, p. 72.
155
2- La responsabilité sans faute de l’Etat du fait des lois
Décidément, « nul n’a droit au maintien de la réglementation qui lui est
appliquée 288», il n’y a donc aucun droit acquis pour l’avenir au maintien d’une
législation ou d’une réglementation. Mais cela n’empêche pas qu’un
changement législatif peut être préjudiciable à un contribuable, c’est le cas
notamment de l’augmentation de la charge fiscale d’un contribuable à la suite
d’un changement imprévisible de l’impôt. C’est dans le but de permettre au
contribuable d’obtenir une réparation de ce préjudice que le juge français a
inventé un nouveau type de responsabilité de la puissance publique, engagée
sans faute, dans le cadre de l’exercice de son pouvoir législatif289. Il s’agit tout
simplement, de la réparation du préjudice causé par un acte juridique de l’État,
élaboré à l’occasion de l’accomplissement de son activité législative.
288
Le conseil d’Etat français, Rapport public de l’année 2006, p. 293.
289
C’est l’arrêt SA des produits laitiers « La Fleurette » qui marque le point de départ de la consécration du
principe de la responsabilité de l’Etat par le fait des lois, il retrace les traits et les aspects fondamentaux de ce
principe. (CE, Ass., 14 janvier 1938, SA des produits laitiers « La Fleurette », rec. p. 25, Grands arrêts de la
jurisprudence administrative, Dalloz, 15e édition, 2005, n° 52, p. 319)
290
• Marceau LONG, Prosper WEIL, Guy BRAIBANT, Pierre DELVOLVE, Bruno GENEVOIS,, Les
grands arrêts de la jurisprudence administrative, Dalloz, 18e édition 2011, Paris,variation p. 312.
156
français, d’où l’intérêt de recourir à des moyens objectifs pour le
rétablissement, et la sauvegarde de la prévisibilité du contribuable.
291
O. DEBAT Op. Cit., n°479, p349
292
Bertrand MATHIEU, "Liberté contractuelle et sécurité juridique : les oracles ambigus des sages de la rue de
Montpensier", Les Petites Affiches, 7 mars 1997, n° 29, p. 7. Voir aussi sur le même sujet, la thèse publiée de
Madame Anne-Laure VALEMBOIS, La constitutionnalisation de l'exigence de sécurité juridique en droit
français, Paris, L.G.D.J; Collection Thèses, 2005.
157
théories ni encadrées par les définitions293». C'est dans ce sens qu'il ressort des
propos de M. DOUET que « …la sécurité juridique est un concept polysémique.
Dès lors, en admettant que le Conseil Constitutionnel contrôle purement et
simplement la non-conformité de la loi fiscale au principe de la sécurité
juridique, cela l'obligerait à dépasser très largement le cadre qu'il s'est imparti.
De plus, il s'agit d'un terme générique englobant des acceptions susceptibles de
mettre en jeu des intérêts contradictoires294 ». À partir de ce constat, on peut
déduire les causes de l'absence d'un principe fondamental de la sécurité
juridique dans le droit positif marocain. Néanmoins, on ne peut pas nier
l'existence d'un impératif fondamental de sécurité juridique, autour duquel se
cristallise un ensemble d'applications ponctuelles du principe de la sécurité
juridique (A) sous forme de principes constitutionnels et mécanismes
juridiques. Toutefois, le recours à ces "sous-principes" demeure insuffisant
pour protéger le contribuable marocain contre l'imprévisibilité de la norme
fiscale, d'où l'intérêt de se référer aux expériences étrangères dans ce domaine
afin de lutter efficacement contre cette pathologie qui affecte les normes
fiscales au Maroc (B).
158
pays depuis son indépendance (1), sauf qu'en pratique, il paraît que ce principe
est impuissant devant les lois rétrospectives et les doctrines administratives à
effet rétroactif. Un autre principe fondamental de notre droit, aussi ancien que
le précédent, a pour but de protéger la sécurité juridique du contribuable à
travers l’encadrement du droit de reprise de l'administration fiscale. Il s'agit du
dispositif de la prescription (2) corollaire au droit du contribuable à l'oubli.
Toutefois ce principe est de moins en moins efficace, face à la l’envahissement
des dérogations légales. La troisième place sera réservée à un nouvel outil de
garantie de la prévisibilité du contribuable, caractérisé par la contractualisation
de la relation fisc/contribuable à travers l’introduction du mécanisme de
l’accord préalable sur les prix de transfert (3).
159
juridique trouble ou confuse, à annuler des situations juridiques caduques ou à
satisfaire des motifs impératifs d’intérêt général295».
295
Rapport B. Gibert, Op. Cit, p 72
296
Cette problématique juridique a été explicitement exposée plus haut, v. Supra : Première partie/chapitre 1/
section1/ Paragraphe 1/A- la rétroactivité des lois de finances. P.21
160
concerner que les lois, et ne peut pas par conséquent être étendue par
analogie à la doctrine administrative.
2- Le principe de la prescription
Il s'agit d'une règle fondamentale du droit qui permet au contribuable de
mettre fin à une situation d'incertitude. Il symbolise le droit à l'oubli, qui a pour
effet de contribuer à la paix sociale et à la stabilité des situations. Selon une
formule très ancienne qui remonte à l'époque de l'Empire romain, Cassiodore
avait considéré que « la prescription est la protectrice du genre humain
introduite pour l’utilité publique299». C'est donc une technique qui répond à
l’origine à un souci de sécurité juridique à travers l'encadrement du droit de
reprise de l'administration fiscale300 tout en ayant pour vocation générale de
rétablir une justice fiscale et d’asseoir l'égalité entre les citoyens.
297
On aura l’occasion de citer quelques techniques juridiques issue du droit comparé, dédié à la préservation de
la prévisibilité du contribuable, Cf. infra : Deuxième partie/ Chapitre 1/ Section 1 p.138
298
V. Supra : Première partie/chapitre 1/ section1/ Paragraphe 1/B-/1- La rétroactivité des lois fiscales en France.
P.29
299
"Le régime des prescriptions civiles et pénales", Rapport d'information du Sénat français, Par MM. Jean-
Jacques HYEST, Hugues PORTELLI et Richard YUNG, session ordinaire 2006-2007, p. 7
http://www.senat.fr/rap/r06-338/r06-3381.pdf , consulté le 16/10/2014 à 9:46
300
Régi par l'article 232 du C.G.I.
161
Le délai de reprise «correspond à une période de temps au-delà de laquelle
l’administration fiscale ne pourra plus rectifier les déclarations du contribuable
et procéder à un redressement fiscal301». En d’autres termes, il s'agit d'une
prescription extinctive qui fait éteindre le droit de regard rétrospectif de
l'administration, après l'écoulement d'un laps de temps. Sauf que ce dernier est
loin d'être homogène. En effet, on assiste de nos jours à une multiplication
d'exceptions au délai légal de prescription prévu par l'article 232 du C.G.I., qui
interviennent généralement à titre de sanction. Ainsi, la prescription ne fait pas
échec au droit de reprise dévolu à l'administration concernant les périodes
prescrites, en matière d’I.S., d’I.R ou de T.V.A., dans de nombreux cas, on cite à
titre d'exemple, en matière des droits d'enregistrement et de timbres,
l’administration peut réclamer dans un délai de dix (10) ans à compter de la
date des actes concernés, les droits, pénalités, amendes et majorations dus,
lorsque les actes et conventions objet de l'impôt n'ont pas été enregistrés.
301
Didier REINS, "Le droit de reprise ou la prescription fiscale", in le Site Web : Le Village de la
justice,http://www.village-justice.com/articles/droit-reprise-prescription-
fiscale,15858.html#syMMPhsRzwKsU60I.99, consulté le 16/10/2014 à 10:31
302
Publié au B.O. n° Nº 6423 Bis du 21-12-2015, p. 4844
162
En dernière analyse, on peut affirmer que malgré les effets pervers de cette
nouvelle tendance de multiplication des dérogations par le législateur
marocain, la règle de la prescription reste une bonne garantie objective de la
sécurité fiscale du contribuable, puisqu'elle permet toujours de promouvoir le
respect de ses prévisions légitimes, et par conséquent la protection de ses
droits acquis.
303
Propos de l’ex directeur de la DGI M. Abdellatif Zaghnoun, recueillis par Moussa Diop : "Fiscalité : Prix de
transfert, informel et relations contribuable-fisc au menu " in la nouvelle tribune, , https://lnt.ma/fiscalite-
chambre-de-commerce-belgo-luxembourgoise-et-de-laec-prix-de-transfert-informel-et-relations-contribuable-
fisc-au-menu/ consulté le 24/04/2017 à 17 :08
163
une sorte d’évasion fiscale pouvant générer une perte de ressource importante
pour l’Etat.
On en conclut que l’enjeu principal des pays est de « protéger leur base
d’imposition, sans pour autant créer des doubles impositions ou une insécurité
juridique susceptibles d’entraver l’investissement direct étranger et les
échanges internationaux 305».
304
Paradis fiscaux et opérations internationales : Mesures anti-évasion / Lutte contre le blanchiment / Pays et
zone à fiscalité privilégiée. 4e Ed. de Francis Lefebvre, 2005, p. 501
305
"Législation sur les prix de transfert – proposition d’approche". Document préparé par le Secrétariat de
l’OCDE, Juin 2011, p. 2, http://www.oecd.org/fr/ctp/prix-de-transfert/46667779.pdf , consulté le 15/02/2016 à
11:49.
164
changes et des impôts appliquent chacune leur propre référence306 », ce qui
crée une sorte d’insécurité lors de l’établissement d’une politique de prix de
transfert par les multinationales.
165
B- Quelques techniques juridiques de la préservation de la prévisibilité du
contribuable en droit comparé
L’analyse des systèmes fiscaux comparés nous a enseigné une multitude de
méthodes et de techniques, permettant de promouvoir la prévisibilité du
contribuable. Nous allons examiner quelques-uns en deux subdivisions, la
première concerne les moyens juridiques permettant au contribuable de
sécuriser ses transactions contre le volte-face du fisc à travers l’instauration
d’un système de consultation préalable (1). Quant au second, il sera réservé à
l'adoption de certaines mesures législatives d'accompagnement pour les
normes fiscales nouvelles pour limiter le mal de l'instabilité de la législation
fiscale (2).
166
Cet exemple illustre parfaitement les conflits d’interprétation pouvant
surgir entre le fisc et le contribuable, d'où l'intérêt d'adopter une procédure de
consultation préalable similaire à la procédure "de prise de position formelle"
en France appelée également "Rescrit fiscal", ou au "système des décisions
anticipées en matière fiscale" en Belgique communément désigné: "Ruling
fiscal".
308
V. le Rapport dit AICARDI, sur "L'amélioration des rapports entre les citoyens et les administrations fiscales
et douanières", Rapport au ministre d'Etat de l'Economie, des Finances et de la privatisation, Paris, La
Documentation française, 1986
309
Jean-Pierre LIEB et Richard HEURTIER, "Propos introductif à la sécurité juridique en matière fiscale ", in
Sécurité fiscale, sous la direction de Jacques BUISSON, Ed L'Harmattan Paris, 2011, p. 26
310
Thierry LAMBERT, "La sécurité fiscale du contribuable vis-à-vis de l'administration ", in Sécurité fiscale,
sous la direction de Jacques BUISSON, Ed L'Harmattan Paris, 2011, p.160
167
n'existe aucune sanction à son endroit inscrite dans la loi s'il ne s'y conforme
pas311 ».
311
J-Pi LIEB et R HEURTIER Op. Cit. p. 26
312
Le rescrit « amortissements exceptionnels», le rescrit « entreprise implantée en zones franches urbaines », le
rescrit « crédit d’impôt recherche », le rescrit « jeunes entreprises innovantes et jeunes entreprises universitaires
», le rescrit « pôle de compétitivité », le rescrit établissement stable, le rescrit « qualification de vos revenus », le
rescrit « mécénat », le rescrit valeur, le rescrit « abus de droit », les accords préalables en matière de prix de
transfert...
313
L’instruction administrative de la direction générale des finances publiques n°13 L-11-10 du 9 septembre
2010 (Bulletin officiel des impôts n°86 du 4 octobre 2010) concernant la procédure du Rescrit.
314
On ajoute le qualificatif de "fiscal" pour le distinguer du rescrit social
168
effet, à la différence de la France, le service des impôts belge est habilité à
contester un ruling pris en violation de la loi, en invoquant l'ordre public. Le
principe de la sécurité juridique ne peut servir de base pour obtenir
l'application d'un ruling contra legem.
Par ailleurs, il faut noter que l’adoption de cette loi n’est pas le point de
départ de ce type de garantie pour le contribuable, à vrai dire il existe depuis
longtemps en Belgique deux systèmes de consultation préalable : l'un porte sur
les décisions anticipées et l'autre sur un système d'accords fiscaux préalables.
Mais l'application de ces systèmes a dévoilé au fil du temps leurs défauts
pratiques, particulièrement dus à leur portée limitée et à leur incohérence.
Ainsi, on remarque que les décisions prises par les commissions des accords
fiscaux préalables « sont souvent prises dans des sens différents, alors même
315
Voir le site du service des décisions anticipées en matière fiscale, au sein du Service public fédéral Finances
http://www.ruling.be/Legislation.htm consulté le 09/06/2016 à 11:45
169
que les situations de fait exposées à la commission sont apparemment
identiques316». Il fallait donc penser à réformer ces deux systèmes par un autre
plus efficace, uniforme et cohérent, d’où l’adoption en 2002 du système de
décision anticipée en matière fiscale, dont la procédure ce présente en
pratique comme suit : « le demandeur et le Service public fédéral Finances
déterminent d'un commun accord et de manière préalable les opérations qui
doivent être effectuées pour que la décision anticipée produise ses effets et
celles qui ne peuvent être réalisées sous peine de rendre la décision anticipée
caduque. Une décision favorable peut donc être subordonnée à des conditions
et restrictions précises… Un tel accord ne forme pas pour autant un contrat
mais un cadre convenu d’exécution d’un engagement unilatéral conditionnel :
le respect des opérations décrites vaut engagement de la part de
l’administration de ne pas dénoncer la décision anticipée et garantit au
demandeur le droit au régime fiscal précisé dans l’accord, moyennant le
respect de toutes les conditions prévues à cet effet à l’occasion de la réalisation
de l’opération317 ».
En dernière analyse, mis-à-part le fait que cet accord n’engage pas le fisc s’il
enfreint la loi, il paraît que ce système présente plus d’avantages que le rescrit
fiscal en France318, dans la mesure où il donne plus de marge à la concertation
et au dialogue entre le contribuable et le fisc, ce qui a pour effet en premier
lieu de limiter la part d'incertitude du redevable et de promouvoir en second
lieu, le consentement à l'impôt. Ce même objectif est également derrière
316
Roland FORESTINI et Roland ROSOUX, "Les décisions anticipées en matière fiscale en Belgique : pourquoi
et comment changer le régime applicable ? " in Revue général du contentieux fiscal, éd LARCIER 2002/1, p. 34
317
R. FORESTINI et R. ROSOUX, Article précité, p. 35
318
A l’exception de la possibilité de remise en cause par l'administration fiscale belge de son interprétation
devant le tribunal, si elle s'est avérée contraire à la loi.
170
l’adoption de quelques mesures législatives d'accompagnement pour les
normes fiscales nouvelles.
Cette instabilité est causée le plus souvent par les modifications incessantes
introduites chaque année par les lois de finances, ajouté à cela leur caractère
rétrospectif qui peut remettre en cause des situations stables et répétitives.
319
Jean Baptiste GEFFROY, Grands Problèmes Fiscaux Contemporains, éd., Presses universitaires de France,
1993, Paris, p. 304
320
Rapport du conseil d'Etat, "Sécurité juridique et complexité du droit", Paris 2006, p. 282
171
finances, ainsi que l'imprévisibilité liée à la rétroactivité économique des lois
fiscales. À cet effet, nous allons nous efforcer d’exposer quelques techniques
de la science de la légistique, permettant d'accroître la prévisibilité du
contribuable lors de la remise en cause de sa situation réputée stable et
durable.
321
Améliorer la sécurité juridique des relations entre l’administration fiscale et les contribuables : une nouvelle
approche. Rapport au ministre du Budget, des comptes publics et de la fonction publique en France, Juin 2008,
p.16
322
Rapport précité, p. 16
172
disposition. Il a aussi comme avantage de faciliter la rédaction anticipée des
projets d’instruction de l’administration.
On peut citer dans ce sens l'arrêt du Conseil d'Etat français qui a stipulé
qu' « il incombe au pouvoir réglementaire d'édicter, pour des motifs de
sécurité juridique, les mesures transitoires qu'implique, le cas échéant, une
réglementation nouvelle323 ».
Une autre technique législative peut être utilisée par notre législateur pour
diminuer l'effet imprévisible d'une réforme. Il s'agit de retarder l'entrée en
vigueur d’une nouvelle disposition fiscale afin de donner suffisamment de
temps aux contribuables pour s’y adapter et s’y conformer. Il a aussi pour
avantage de permettre à l’administration de mettre en place les dispositifs
d’accompagnement sans retard.
323
CE, ass., 24 mars 2006, n°288460, KPMG et a JurisData n° 2006-069857, cité par Anne LEVADE, "Propos
introductifs : La sécurité juridique", in La semaine Juridique - Actes du colloque d’Alger 9-10 décembre 2012
Pour la 4ème édition de la Convention des Juristes de la Méditerranée, Édition Générale - supplément Au N° 27,
1er juillet 2013, p. 9
173
Toutefois, en dépit des avantages de cette technique, beaucoup de
difficultés pratiques font obstacle à sa mise en œuvre. Ainsi, selon le rapport
Gibert, l'application différée d'une règle d'imposition pour une année
« affaiblirait considérablement la réactivité de la politique fiscale …[et par
conséquent] la mise en œuvre des actions de politique économique se
trouverait décalée d’une année par rapport aux inflexions observées dans le
cycle, ce qui, compte tenu des délais de transmission des impulsions de
politique économique, reviendrait dans les faits à neutraliser en grande partie
la capacité d’anticipation et d’intervention contracyclique de l’Etat324 ».
324
Rapport B. Gibert, Op.Cit. p. 77
174
Mais avant d'entamer notre analyse, il paraît important de rappeler la
définition de l'accessibilité matérielle qui se distingue de l'accessibilité
intellectuelle. Ainsi on entend par accessibilité matérielle tous les moyens de
droit qui permettent au contribuable d'avoir un accès physique aux règles de
droit qui régissent sa situation particulière. Il s'agit en d'autres termes, de
l'ensemble des outils qui facilite une large diffusion du droit. Il est vrai que ce
type d’accessibilité ne pose plus de problème de nos jours, surtout avec le
développement des technologies de l’information appuyé par une volonté
publique ferme de démocratiser les normes fiscales. L'accessibilité
intellectuelle en matière fiscale connaît en revanche une régression
considérable, marquée par un manque de lisibilité, de clarté, de
compréhensibilité ou encore d’intelligibilité du droit fiscal325, dont la cause
principale est tributaire de l’infection du droit fiscal marocain par le virus de
l'inflation normative.
Ainsi, depuis 1776 Adam Smith avait mis l'accent sur l'importance de la
qualité de la fiscalité, selon lui « la taxe ou portion d'impôt que chaque individu
est tenu de payer doit être certaine et non arbitraire. L'époque de paiement, le
mode de paiement, la quantité à payer, tout cela doit être clair et précis tant
325
V. Supra. Première partie/chapitre 1/ section2/ Paragraphe 2/C- Manifestation de l’inaccessibilité
intellectuelle du droit fiscal. P 56
175
pour le contribuable qu'aux yeux de toute autre personne326 ». De ce fait, la
norme fiscale doit être établie avec une très haute qualité sur tous les plans
afin de bien définir avec précision les droits et obligations du contribuable et de
l'administration fiscale. Pour cela il importe qu'un contrôle de qualité soit
instauré avant l'adoption de chaque règle fiscale, afin de ne produire que des
textes clairs, précis et aisément compréhensibles (§1). Ce contrôle de qualité
doit être accompagné par des mesures de simplification des règles fiscales en
vigueur (§2) dans le but d'améliorer la qualité de tout le dispositif fiscal
marocain.
176
à l’examen de tous les projets de lois ou règlements en vue de vérifier leur
conformité avec les dispositions constitutionnelles et leur compatibilité avec la
327
législation et la réglementation en vigueur ». Pourtant, ce contrôle reste
dépourvu d'efficacité en matière fiscale, étant donné que toutes les
dispositions sont adoptées par les lois de finances conformément aux règles de
la loi organique n° 130-13 relative à la loi de finances328, qui ne réserve pas
assez de temps à l'examen et au contrôle de ces lois329, en plus de la
dépendance de nature de cet organisme au pouvoir exécutif.
Il faut donc que le Maroc s'aligne aux pays occidentaux, ayant institué un
organisme indépendant, chargé de contrôler la qualité des lois et règlements.
On peut citer le cas de la France où le Conseil Constitutionnel s'est proclamé
garant de la qualité des lois, en luttant contre sa dégradation. En effet, «le
Conseil Constitutionnel a élaboré une jurisprudence qui, en cherchant à mettre
un terme à ces dérives, non seulement encadre l'activité du législateur, en lui
fixant de plus grandes contraintes sur la procédure législative, mais également
lui impose désormais des exigences que la rédaction de la loi elle-même doit
respecter pour ne pas encourir le risque de censure330». Ainsi, le Conseil
Constitutionnel sanctionne le législateur pour l'incompétence négative lorsqu'il
délègue ses compétences à un autre pouvoir, il censure aussi les dispositions
légales qui prêtent à plusieurs interprétations331, la loi « silencieuse »332, la loi
327
Article 4 du décret n° 2.83.365 du 7 Joumada I 1405 (29 janvier 1985) relatif à l’organisation du Secrétariat
Général du Gouvernement
328
Dahir n° 1-15-62 du 14 Chaabane 1436 (2 juin 2015) portant promulgation de la loi organique n° 130-13
relative à la loi de finances. (Publié au BO n° 6370 du 18/06/2015)
329
D'ailleurs, à la lecture des dispositions de cette loi, on déduit que le secrétariat général du gouvernement ne
dispose pas d’assez de temps pour examiner les lois de finances. Si on compte ainsi les 60 jours octroyés aux
deux chambres du parlement pour l'examen et le vote de cette loi, sans que le dépôt devant la première chambre
ne soit effectué au-delà du 20 octobre de l'année budgétaire en cours. Ce qui rend le contrôle du secrétariat
général du gouvernement sans efficacité en la matière.
330
La qualité de la loi, Note de synthèse du service des études juridiques n° 3 (2007-2008), 1er octobre 2007, p.
9, disponible sur le lien: http://www.senat.fr/ej/ej03/ej03_mono.html consulté le 29/07/2016à 6 :36
331
Décision n° 85-191 DC du 10 juillet 1985
177
ambiguë333, les lois non-normatives334, le renvoi à une loi ultérieure335. Par
ailleurs, le Conseil oblige le législateur à respecter l’objectif de valeur
constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi336, tout en tolérant
une certaine complexité si celle-ci régit des matières très complexes337.
Cependant, le Conseil Constitutionnel a abandonné le recours au principe de
clarté pour écarter les lois imprécises, puisqu'il « induit une rigidité qui cadre
mal avec la relativité de la notion de qualité du droit 338».
332
Décision n° 85-198 DC du 13 décembre 1985
333
Décision n° 99-423 DC du13 janvier 2000
334
Décision n° 2004-500 DC du 29 juillet 2004
335
Décision n° 2005-519 DC du 29 juillet 2005
336
Décision n° 2003-475 DC du 24 juillet 2003
337
Décision n° 2000-437 DC du 19 décembre 2000
338
La qualité de la loi, Op Cit p. 19
339
Oliver CAHN, "Regard comparé sur le régime britannique", in Sécurité fiscale, sous la direction de Jacques
BUISSON, Ed L'Harmattan Paris, 2011, p. 99
340
On en compte ainsi les Actes du Parlement, les Statutory Insruments et le précédent jurisprudentiel.
341
O. CAHN, Op. Cit. p. 110
178
certain nombre de juristes experts d'un grand professionnalisme342. En outre, «
le Parlement a voté en 1997 une procédure spéciale relative à l’adoption de ces
lois, dite Tax Law Rewrite Bills. En deuxième lecture, les textes fiscaux sont
renvoyés pour avis à une commission conjointe aux deux Chambres. Celle-ci
réalise de nombreuses auditions d’experts et d’acteurs extérieurs afin
d’améliorer la qualité rédactionnelle des textes en vue d’une meilleure
accessibilité343».
342
ERNST FREUND, "The problem of intelligent legislation, Proceedings of the American Political Science
Association", In The American Political Science Review, Vol. 4, 1907, p. 76
343
John S. BELL, "La loi britannique et la sécurité juridique du droit", in Rapport public du conseil d'Etat, 2006
- Sécurité juridique et complexité du droit, Etudes et Documents n°57, 2006, p. 342
344
Kamel FENNICHE, La jurisprudence du Conseil d’État et le concept de sécurité juridique, in La semaine
Juridique - Actes du colloque d’Alger 9-10 décembre 2012 Pour la 4ème édition de la Convention des Juristes de
la Méditerranée, Édition Générale - supplément Au N° 27 - 1er juillet 2013, p. 29
179
limitée, dans la mesure où le conseil n’émet qu’un avis à caractère consultatif,
n’obligeant pas le gouvernement à le suivre.
345
Ainsi en Italie l'étude d'impact des nouvelles législations résulte d'un décret du premier ministre qui date de
mars 2000, sous la dénomination d'analyse technique légale, (Analisi tecnico-normativa). Au Pays-Bas, on parle
de "the Business Effects Analysis", qui se focalise surtout sur l'effet des nouvelles règlementations sur les
affaires.
346
"Construire un cadre institutionnel pour l’analyse d’impact de la réglementation (AIR) : orientations destinées
aux décideurs", OCDE, version 1.1, 2008, p. 8
180
définis et que de nombreuses alternatives sont possibles … [Ce] n’est [donc]
pas un substitut à la prise de décision mais elle contribue à l’élaboration des
décisions à travers les informations qu’elle apporte et une démonstration de la
cohérence de l’intervention gouvernementale347». Le recours au procédé de
l'AIR permet d'évaluer les politiques publiques réglementaires en exigeant une
définition claire des objectifs recherchés par ces politiques, à travers la mise en
évidence d’un besoin précis. Par ailleurs, l'AIR doit «déterminer si l’instrument
réglementaire est nécessaire et dans quelles conditions il peut être le plus
efficace et le plus efficient pour atteindre ces objectifs348».
347
Rapport précité, p. 16
348
"Recommandation du Conseil de l’OCDE concernant la politique et la gouvernance réglementaires", OCDE
2012, pp. 11 et 12
349
Ainsi selon l'article 8 de la loi organique du 15 avril 2009, l'étude d'impact doit être explicitée dans un
document joint au projet de loi, qui comporte les motifs derrière la réforme envisagée, et exposent avec précision
:
« ― l'articulation du projet de loi avec le droit européen en vigueur ou en cours d'élaboration, et son impact sur
l'ordre juridique interne ;
― l'état d'application du droit sur le territoire national dans le ou les domaines visés par le projet de loi ;
― les modalités d'application dans le temps des dispositions envisagées, les textes législatifs et réglementaires à
abroger et les mesures transitoires proposées ;
― les conditions d'application des dispositions envisagées dans les collectivités régies par les articles 73 et 74 de
la Constitution, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises, en justifiant, le cas
échéant, les adaptations proposées et l'absence d'application des dispositions à certaines de ces collectivités ;
― l'évaluation des conséquences économiques, financières, sociales et environnementales, ainsi que des coûts et
bénéfices financiers attendus des dispositions envisagées pour chaque catégorie d'administrations publiques et de
personnes physiques et morales intéressées, en indiquant la méthode de calcul retenue ;
― l'évaluation des conséquences des dispositions envisagées sur l'emploi public ;
― les consultations qui ont été menées avant la saisine du Conseil d'Etat ;
― la liste prévisionnelle des textes d'application nécessaires. »
181
relève des articles 51 et 53 de la loi organique relative aux lois de finances
(LOLF) n° 2001-692 du 1er août 2001, qui est lui-même limité :
Aux articles fiscaux, qu’ils figurent en première partie ou en
seconde partie de la loi de finances ;
aux dispositions relatives aux autres ressources de l’État inscrites
en première partie de la loi de finances, dès lors qu’elles affectent
l’équilibre budgétaire ;
et aux dispositions de la seconde partie qui relèvent du domaine
facultatif et partagé, énumérées au 7° du II de l’article 34 de la LOLF350».
En Espagne, depuis la réforme des méthodes de travail du gouvernement
par l’adoption de la loi n° 50-1997 du 27 novembre 1997 relative au
Gouvernement, (dite : ley del Gobierno), le gouvernement doit accompagner
tout projet de loi ou de règlement par «un rapport sur la nécessité et
l'opportunité de la mesure et d'un mémorandum économique contenant une
estimation des coûts, auxquels s'ajoutent les rapports et évaluations
complémentaires jugés indispensables pour garantir l'opportunité et la légalité
du texte… Pour les lois et les décrets Royaux, les autorités réglementaires
peuvent utiliser un questionnaire d'évaluation des projets de textes normatifs
(Cuestionario de Evaluacion de Proyectos Normativos) 351».Les citoyens et les
entreprises dont les intérêts seront affectés par la réglementation en
préparation doivent être obligatoirement consultés352.
350
Guide de légistique, 1.1.2 étude d'impact, Version du 1 er août 2014, http://www.legifrance.gouv.fr/Droit-
francais/Guide-de-legistique/I.-Conception-des-textes/1.1.-Necessite-des-normes/1.1.2.-Etudes-d-impact,
consulté le 04/12/2014 à 17:08
351
" La réforme de la règlementation en Espagne - La capacité du gouvernement de produire une règlementation
de grande qualité", Rapport de l’OCDE, 2000, p. 35 http://www.oecd.org/fr/gov/politique-
reglementaire/2713672.pdf consulté le 06/12/2014 à 14:35
352
Rapport précité, p. 29
182
Au Royaume-Uni, un système "d'évaluation de l'impact des
réglementations" (Regulatory Impact Assessment) est opérationnel depuis
1998. Il s'agit d'un outil clé pour assurer une production d'une réglementation
de qualité tout en réduisant les charges inutiles pour les affaires. « Le "Cabinet
Office" exige que les projets de lois soient accompagnés de Regulatory Impact
Assessments. Ces études d’impact ont pour fonction d’évaluer les éventuelles
conséquences de toute nouvelle réglementation, par une approche en termes
de bilan coûts-avantages. Elles doivent par ailleurs recenser toutes les
alternatives possibles, y compris l’abandon du projet de loi353». La réalisation
de ces documents se fait par les départements ministériels concernés par la
réforme envisagée, en concertation avec tous les acteurs directement
concernés ainsi qu’avec les experts les plus compétents dans le domaine.
353
John S. BELL, "La loi britannique et la sécurité juridique du droit", in Rapport public du conseil d'Etat, 2006
- Sécurité juridique et complexité du droit, Etudes et Documents n°57, 2006, p. 342
354
Comme L'Australie, le Canada, la République Tchèque, la Hongrie, l'Italie, la Corée du Nord, le Mexique, les
Pays-Bas, la Pologne, la Suède, la Suisse, le Royaume-Uni et les Etats-Unis.
355
Comme au Canada, en Corée du Nord et au Royaume-Uni.
356
"The Evolution of Regulatory Policy in OECD Countries", par Nick MALYSHEV, OCDE 2008,
http://www.oecd.org/gov/regulatory-policy/41882845.pdf consulté le 08/12/2014 à 19:44
183
§ 2- La simplification des normes fiscales en vigueur
« Un impôt simple est un impôt qu'on peut comprendre aisément, qu'on
peut gérer facilement et qu'on peut accepter en conséquence. A contrario, un
système fiscal complexe accroît les coûts d'établissement, de recouvrement et
de contrôle ainsi que les coûts supportés par le contribuable pour le calcul et la
déclaration de ses impôts357». C’est par ces mots que le Professeur NMILI avait
résumé les avantages de la simplification fiscale et les inconvénients de la
complexité fiscale. Néanmoins, lors du diagnostic de la législation fiscale
marocaine dans la première partie de cette thèse, on a pu établir que notre
système fiscal constitue un obstacle de taille aux affaires, à l’investissement, à
la compétitivité et à la croissance économique. Ceci est dû à plusieurs facteurs
dont le «coût de la discipline fiscale qui a tendance à augmenter selon le
nombre d’impôts auxquels est soumis un entrepreneur, la fréquence des
déclarations, les niveaux d’administration impliqués et la complexité des règles
fiscales358». Toutefois, comme on l'avait signalé précédemment, ces
pathologies ne sont pas propres au Maroc, beaucoup d’Etats en souffrent, mais
à des degrés différents, ce qui a poussé un bon nombre d'entre eux à élaborer
des techniques innovantes, dans le but de simplifier leurs systèmes fiscaux.
Sauf que toute démarche de simplification de la législation fiscale n'est pas une
chose aisée. D'abord, toute entreprise de simplification est nécessairement
coûteuse, puisqu'elle nécessite le déploiement d'un groupe d’experts
indépendants chargés d'élaborer des propositions concrètes compatibles avec
la réalité socio-économique marocaine. De plus, la réforme générale du régime
fiscal générera vraisemblablement des mécontents qui verront leur charge
357
Mohammed NMILI, Pour un impôt juste, Essai sur les préalables au civisme fiscal, les éditions Oser, 2011,
Casablanca, p. 296
358
Rapport de l'OCDE, Maroc – Stratégie de développement du climat des affaires – Dimension : politique et
administration fiscale, juin 2011, p. 51 http://www.oecd.org/fr/investissement/dsp/48218030.pdf, consulté le
14/01/2015 à 15:35
184
fiscale augmentée, en faisant connaître par la suite leur contrariété aux urnes
électorales359. C'est ce qui explique la réticence des politiciens de s'aventurer
dans toute réforme fiscale pour la simplification du système360.
359
Karl NYREN, Tax simplification could hurt (or help), inLibrary Journal. 4/1/1985, vol.110 Issue 6, p. 21
360
À ce titre, il faut citer les propos du M. Thierry Mandon, le secrétaire d'Etat français à la Réforme de l'Etat et
à la Simplification, qui a considéré qu’« aucun pays ne sait faire de réforme fiscale d'envergure et significative
sans croissance», attendu que chaque réforme fiscale crée obligatoirement un mécontentement d'une partie de la
population.
http://www.linternaute.com/actualite/politique/thierry-mandon-invite-de-directpolitique-le-2-12-14.shtml?print
consulté le 05/01/2015 à 10:14
185
recours à la technique de la refonte (B) en vue de réécrire les codes gâchés par
"le productivisme juridique".
L'histoire des codes fiscaux (1) à travers le monde est fascinante, et son
étude n'est pas sans utilité, puisqu'il nous permettra de comprendre l'état
actuel du Code Général des Impôts marocains (2), qui est marqué par sa
complexité, et de proposer par la suite la méthodologie à suivre pour mieux
codifier et maintenir la cohérence des codes (3).
361
Danièle BOURCIER, "Sciences juridiques et complexité, Un nouveau modèle d’analyse", in Droit et
Cultures- technologies, droit et justice, éd L'HAMATTAN, n° 61, 2011, p .37
362
Pour ample information sur l'historique de la codification fiscale, voir Norma CABALLERO GUZMAN,
Codes des impôts en droit comparé : Contribution à une théorie de la codification fiscale, éd L'Harmattan Paris,
2011, p. 41 et suivante.
363
N. CABALLERO G., Op. Cit., p. 44
186
plusieurs autres codes dont celui de l'Italie, élaboré en 1943 par Ezio VANONI.
Une véritable doctrine codificatrice italo-germanique s’est constituée, qui va
par la suite s’exporter vers l'Amérique Latine en transitant par l'Espagne. Ce
sont donc les chercheurs italiens, comme Mario PUGLIESE et Dino JARACH, qui
ont contribué à la codification fiscale en Argentine et au Mexique. En parallèle,
la codification fiscale a connu une autre vague d'influence émanant de la
France qui a inauguré son premier code un peu plus tard que l'Allemagne, soit
en 1926. Sauf qu'à la différence du code allemand, qui est dit un "code statut",
s'intéressant principalement aux droits et obligations de l'administration et du
contribuable, le code fiscal français se veut un "code calcul" qui se focalise sur
le calcul de l'impôt sur le revenu, les contributions indirectes et les droits
d'enregistrement et de timbre. Ce nouveau-né exercera lui aussi son influence
à l'échelle internationale, en particulier sur la Belgique qui aura son code des
impôts en 1927, et aux USA qui se dotera de son premier code en matière
fiscale en 1939. On se trouvera donc devant deux courants de codification
fiscale, l'un italo-germanique et l'autre franco-anglo-saxon. Mais avec le temps,
les codes "statut" vont vite se ramasser, puisqu'ils ne rassemblent que le droit
fiscal général alors que les codes "calcul", «compilant le droit fiscal spécial ne
peuvent que s'étaler au fil des législations démultipliées364». Ce qui a donné
lieu à un retour à la complexité des normes fiscales, devenues avec le temps
inaccessibles. Devant cet état de chose, la France s'est vu obliger (le 6 Avril
1950) à la refonte de ses 6 codes fiscaux en un seul code, intitulé : le Code
Général des Impôts.
364
Selon Mme N. CABALLERO G., la codification connaîtra une forte inflation des articles comme aux Etats-
Unis où elle « arrivera jusqu'à 9899 sections ou articles, contenant 3.4 millions de mots qui, imprimés à 60 lignes
par page, atteindraient un volume de 7.500 pages en format A4» Idem. p. 61
187
De ce qui précède, on conclut que l'inflation législative est la principale
pathologie qui fait dégrader la qualité des codes fiscaux, d'où l'intérêt d'éviter
certaines pratiques pouvant nuire à la lisibilité et à la cohérence de ces codes,
comme le fait de donner à un nouveau chapitre dans le code une numérotation
non orthodoxe, ou le fait de changer le numéro d’un article pour lui en
attribuer un autre parce que l’on a inséré plus haut des dispositions
nouvelles365.
365
Guide pour l'élaboration des textes législatifs et réglementaires, p. 57,
https://www.legifrance.gouv.fr/content/download/1679/11687/version/1/file/guide_legistique_2007.pdf, consulté
le 22/02/2016 à 11:20
366
DGI, Assises nationales sur la fiscalité, 26 et 27 novembre 1999, p 114 http://ebookbrowse.com/assises-
nationales-sur-fiscalite-maroc-pdf-d178972247, consulté le 13/06/2015 à 16:20
188
la refonte des droits de timbre et de la taxe spéciale annuelle sur
les véhicules automobiles et leur insertion dans un livre III du Code
Général des Impôts en 2009 367».
367
Le préambule du Code Général des Impôts, édition de la DGI 2014
368
Rapport CESE 2012, p. 18
369
V. supra, partie 1/ chapitre 1/ section2/ B- L’accessibilité intellectuelle. P50
370
Comme l’article 92 qui compte plus de 28 pages.
189
fiscales dans un document unique, en négligeant les modalités et les méthodes
de rédaction des codes.
371
C'est ce qui ressort d’ailleurs du résultat d'un questionnaire, où la majorité des praticiens considère la
numérotation continue comme plus facile, en comparaison avec la numérotation discontinue. Sur ce sujet voir :
Philippe Reigné, La numérotation dans la codification, Rapport général, Laboratoire de sociologie juridique,
université Paris II, Paris, Juillet 1999, annexes http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-
publics/004001268/0000.pdf, consulté le 26/01/2015 à 17:08
372
Un jugement de valeur partagé par N. CABALLERO G., Op. Cit., p. 41
373
Ibidem p. 298
190
3- La méthodologie de la codification fiscale et la maintenance
des codes
De manière générale, l'élaboration d'un code doit être précédée par la
sélection et l'organisation des dispositions ayant véritablement des liens entre
elles. Ensuite, un plan reflétant l'organisation du code doit être établi, en
stipulant au départ les grands principes généraux qui inspirent la matière objet
de codification. Il serait préférable d’adopter une démarche déductive, en
allant du général au particulier, afin de « faciliter ultérieurement la gestion des
exceptions et des dispositions particulières ». Enfin, le code est habituellement
scindé en livre, titre et chapitre qui ne doivent pas dépasser au maximum 9 à
cause de la numérotation décimale374.
Cette méthodologie d’ordre générale sur l’élaboration des codes doit être
complétée par quelques démarches propres aux codes fiscaux, à savoir un
recensement exhaustif de tous les textes légaux et réglementaires, suivi par
une détermination de la structure du code des impôts en distinguant entre les
règles de fond et les règles de procédure, tout en cherchant une cohérence
entre les différentes règles de fond. L'incorporation des textes sélectionnés
dans le code doit s'accompagner par une actualisation de la terminologie et
une élimination des textes non fiscaux et des textes abrogés.
La conception d’un bon code doit être accompagnée par la mise en place
d’un processus de contrôle de qualité, afin de faire face au flux de nouvelles
normes ou de normes amendées, pouvant dénaturer la structure du code. Il est
donc proposé de prévoir un mécanisme de maintenance permanente, touchant
à la fois la forme et le fond du code fiscal.
374
Guide précité p. 57,
191
En conclusion, il faut admettre que le recours au procédé de la codification
pour simplifier le droit fiscal ne doit pas se limiter à compiler un droit ou même
à l'ordonner. En effet, un travail de fond doit l’accompagner à travers la refonte
globale de tous les textes fiscaux, en dépassant le cadre textuel, vers une
véritable pensée fiscale, capable de préserver la sécurité fiscale du
contribuable.
375
Ce jugement de valeur doit en effet être relativisé, dans la mesure où la complexité du droit fiscal marocain
est incomparable avec l'inaccessibilité de certains systèmes fiscaux, comme celui de la France. Afin de
démontrer cette situation, un auteur avait décrit la complexité du CGI français en estimant que « le temps de
lecture du code (sans ses annexes) est traditionnellement évalué à dix mois : si l'on ajoute que 20% du code sont
modifiés tous les ans, il apparaît que nul ne peut prétendre connaître, à un moment donné, la totalité de la
législation fiscale applicable ». Alexandre MAITROT de la MOTTE, "Faut-il réécrire le Code Général des
Impôts? ", in Sécurité Fiscale, sous la direction de jacques BUISSON, L'Harmattan, Paris, 2011, p. 76
376
"De l'élaboration de la législation communautaire à sa mise en œuvre en droit national" : contribution du
Conseil économique et social à la réflexion sur « mieux légiférer » , Rapport du Conseil économique et social,
France, septembre 2007, p. 105
192
Les expériences étrangères en la matière sont nombreuses, sauf que leur
résultat diffère en fonction de l'ampleur des réformes engagées par les Etats.
On remarque ainsi que la simplification du système fiscal français est restée
limitée à l'instar des mesures prises dans ce sens, si l'on compare avec
l'expérience britannique, et dans un degré plus élevé, le modèle suédois.
377
Christian LOPEZ, "La loi fiscale : qualité et sécurité", in L'administration de l'impôt en France et dans le
Monde, Sous la direction de Marc LEROY, éd L'Harmattan, Paris, 2008, p. 65
378
Marc Guillaume, "Les ordonnances : tuer ou sauver la loi ? " In, Revue Pouvoirs, éd Le Seuil 2005 n° 114, p.
119
193
est autorisé à prendre par ordonnance toutes mesures modifiant le Code
Général des Impôts et le livre des procédures fiscales pour :
1° Abroger les dispositions fiscales devenues sans objet et adapter celles
qui sont obsolètes;
2° Elargir les possibilités et assouplir les modalités d'option pour des
régimes fiscaux spécifiques ;
3° Simplifier les démarches des usagers en allégeant ou supprimant des
formalités de déclaration ou de paiement de certains impôts et simplifier les
modalités de recouvrement de l'impôt par l'administration fiscale ;
4° Clarifier la formulation d'actes administratifs résultant de dispositions de
forme législative et relative à l'assiette ou au recouvrement de l'impôt.
II. - Les ordonnances prises dans le cadre du présent article ne pourront
donner lieu à des dépenses fiscales nouvelles »
379
- LOI n° 2007-1787 du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit
- LOI n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures
- LOI n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit
- LOI n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l'allégement des démarches
administratives
194
ses dispositions, ainsi qu’à la ratification des ordonnances prises par le
gouvernement dans ce sens.
Cependant, malgré tous ces efforts, les appels à la refonte globale du Code
Général des Impôts n'ont pas cessé. C’est dans ce sens que le professeur
MAITROT avait affirmé qu'au «regard des enjeux économiques auxquels l'Etat
est actuellement confronté, il serait en fin de compte doublement dangereux
de ne pas réécrire le Code Général des Impôts. D'une part, parce qu'en raison
du sentiment d'insécurité juridique suscité - à tort ou à raison - par le Code
Général des Impôts dans sa version actuelle, la France pourrait perdre encore
plus son attractivité économique. Et, d'autre part, parce qu'au-delà de la simple
question de l'image qu'en donne le Code, c'est en fait l'ensemble du système
fiscal français qui doit être repensé380».
Dans le même sens, le rapport Fouquet avait mis l’accent sur la nécessité
d'une refonte globale du CGI, en recommandant que cet objectif soit réalisé sur
trois étapes, et que « la mise en œuvre de cette proposition nécessiterait
l’intervention d’une cellule dédiée, créée pour l’occasion et pour une durée
limitée à la DLF, dotée de moyens humains suffisants, travaillant en
concertation avec la Commission supérieure de codification et le Conseil
d’Etat381».
380
Alexandre MAITROT de la MOTTE, Faut-il réécrire le Code Général des Impôts?, in Sécurité Fiscale, sous
la direction de jacques BUISSON, L'Harmattan, 2011, p. 93
381
"Amélioration de la sécurité juridique des relations entre l’administration fiscale et le contribuable : une
nouvelle approche", par Oliver FOUQUET, Rapport au ministre du Budget, des comptes publics et de la
fonction publique en France , 2008, éd. La documentation française. p. 11
195
2- L'expérience britannique en matière de refonte de la
législation fiscale
L'expérience du Royaume-Uni en matière de simplification par voie de
refonte de la législation fiscale est encore plus ambitieuse. Ainsi devant le
désordre législatif qui entachait le droit fiscal britannique, le parlement a
décidé de modifier en 1997 la procédure d'adoption des lois de finances, une
réforme qui s'est traduite par l'instauration d'un nouveau mécanisme appelé
"Tax Law rewrite Bills" en vertu duquel tous les textes fiscaux sont renvoyés en
deuxième lecture pour avis à une commission conjointe aux deux chambres382,
et ce en vue d'améliorer la qualité rédactionnelle en contribution avec des
experts dans le domaine. Toutefois, étant donné que cette procédure ne
concernait que les nouvelles lois, il a fallu adopter en 2001 un nouveau
mécanisme nommé "Tax Law Rewrite Project" ayant pour but de réécrire la
législation fiscale directe du Royaume-Uni pour la rendre plus claire et plus
facile à utiliser, tout en gardant les mêmes lois. Pour accomplir cette tâche, un
comité spécialisé a été mis en place, appelé le "Tax Law Rewrite Committee", à
qui revient le mérite de clarifier et de simplifier beaucoup de lois en utilisant un
langage simple et accessible383. Néanmoins, en dépit de tous ces outils, le Tax
384
Law rewrite Project « n'a accouché que de réformette ». C’est ce qui a
382
John S. BELL, "La loi britannique et la sécurité juridique", in CE, Rapport public 2006 - Sécurité Juridique et
complexité du droit, Etudes et Documents n°57, 2006, p. 342
383
To date the project has delivered the following:
•The Capital Allowances Act 2001 (effective from April 2001)
•The Income Tax (Earnings and Pensions) Act 2003 (effective from April 2003)
•The Income Tax (Pay as You Earn) Regulations 2003 (effective from April 2004)
•The Income Tax (Trading and Other Income) Act 2005 (effective from April 2005)
•The Income Tax Act 2007 (effective from April 2007)
•The Corporation Tax Act 2009
•The Corporation Tax Act 2010
•The Taxation (International and Other Provisions) Act 2010
Source : Tax Law Rewrite, The National Archives,
http://webarchive.nationalarchives.gov.uk/+/http:/www.hmrc.gov.uk/rewrite/index.htm consulté le 18/02/2015 à
17:23
384
Olivier CAHN, Regard Comparé sur le régime britannique, in La sécurité Fiscale, sous la direction de Jacques
BUISSON, éd L'Harmattan, 2011, p. 113
196
poussé l'un des auteurs britanniques à considérer la simplification du droit
385
fiscal en Grande Bretagne comme un « rêve impossible », d'où la nécessité
de prévoir un régime de refonte plus poussé, permettant au comité de
réécriture des lois fiscales de dépasser le cadre linguistique vers une véritable
réforme du système fiscal.
385
James MALCOLM, "Tax simplification : the impossible dream? " In British Tax Review, n°4, 2008 pp.392-
411
386
Philippe AGHION et Bénédicte BERNER, "Vive le modèle suédois !" in le Monde, (journal) le 10/01/2013,
disponible en linge sur http://www.lemonde.fr/idees/article/2013/01/10/vive-le-modele-
suedois_1815026_3232.html consulté le 22/02/2016 à 17:13
387
Il faut noter à ce propos que le système de sanction fiscale suédois est parmi les plus dissuasifs dans le
monde. Les majorations peuvent ainsi atteindre 40% de l'impôt évité, sans compter les sanctions judiciaires, qui
peuvent aller jusqu’à le prononcement de peines privatives de liberté, ce qui a créé un débat doctrinal et
jurisprudentiel concernant le respect du suède du principe "Ne Bis in Idem". (v. à ce titre, Xavier GROUSSOT
and Angelica ERICSSON, ̎Ne Bis in Idem in EU and ECHR legal order : a matter of uniform interpretation ? ̎,
197
réalisé en Octobre 2005 auprès de 1 000 entreprises de 10 pays européens,
seul 38% des chefs d'entreprise suédois considèrent la législation fiscale
complexe. Ce chiffre s'élève à 91% pour la Pologne et 86% pour la France388.
in Ne Bis in Idem in EU Law, by Bas van BOCKEL, ed Cambridge University Press, 2016, idge Cambridge
p.90.)
388
Rapport FOUQUET, Op. Cit., p. 10
198
Conclusion du chapitre 1
A la fin de notre analyse comparative, il faut avouer que les expériences
étrangères précédemment étudiées peuvent servir de bonne référence pour le
Maroc, afin d'améliorer l'intelligibilité et la prévisibilité des normes fiscales.
Il va sans dire que le recours à ces deux techniques peut aussi servir à
contourner momentanément l'effet négatif de l'inintelligibilité de certaines
normes fiscales, dans la mesure où la mauvaise qualité d'une norme peut créer
l'incertitude dans l'esprit du contribuable. Sauf que le recours à ces méthodes
ne peut être suffisant pour éradiquer ce mal, dont la principale cause est
l’inflation législative. C’est pour cette raison que le gouvernement est appelé à
proposer une réforme globale contenant une refonte générale du code général
des impôts, à l'instar du modèle suédois, en supprimant ainsi toutes les
199
redevances fiscales n’ayant pas une grande répercussion sur les recettes de
l’Etat, tout en synthétisant les impôts et les taxes les plus rentables (IS, IR, TVA,
et droits d’enregistrement), à travers la minimisation des dérogations au taux
principal d’imposition, ainsi que les régimes d’exception aux règles de
l’établissement de l’impôt et celles des exonérations fiscales ou de la
prescription.
200
Chapitre 2- La préservation de la sécurité fiscale du
contribuable comme fondement de l'Etat de droit
389
Jean-François KERVEGAN, "Hegel et l'Etat de droit", in Archives de Philosophie- Recherches et
documentation, éd Centre Sèvres, Vol. 50, n°1, Janvier- Mars 1987, p. 60
390
Ibid., p. 60
391
Anne LEVADE, Article précité, p.11
201
légitime, lui-même rattaché à celui de la sécurité juridique par ce "rapport de
dérivation", forme […] au bout de la chaîne de déduction, une des implications
concrètes de l'Etat de droit. Le droit en général, le juge et l'administration en
particulier, doivent en effet se montrer respectueux des situations juridiques
qu’ils ont fait naître et qui, simples expectatives ou situations fondées sur une
décision illégale, ont néanmoins créé une croyance dans l'esprit des sujets de
droit de bonne-foi 392».
392
T. PIAZZON, Op. Cit, p. 148
393
Günther GRASMANN "La constitutionnalité des règles de droit rétroactives et rétrospectives dans la
jurisprudence allemande ", In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 41 N°4, Octobre-décembre 1989, p.
1021
202
normes de droit supérieures. Quant au principe de l'indépendance de la justice,
il habilite les juridictions à confronter les différentes normes, en vue de juger
de leur légalité, et de leur conformité à des règles ayant un rang plus élevé
dans la hiérarchie des normes.
394
Karim Sid Ahmed, Droits fondamentaux du contribuable et procédures fiscales, Étude comparative, t1: les
droits d'origine non procédurale du contribuable, éd. L'HARMATTAN 2007, p. 29
203
l'épanouissement du concept des droits de l’homme395. Ainsi, en 1987
l'association internationale de la fiscalité a organisé à Bruxelles un séminaire
portant sur la fiscalité et les droits de l'homme396, qui constitue le premier
débat scientifique sur la question des droits du contribuable. Trois ans plus
tard, l'OCDE a réalisé un sondage auprès des contribuables de ses Etats
membres397 en y concluant que la plupart de ces pays ne disposent pas d'une
charte du contribuable : un document où sont regroupés tous les droits du
contribuable.
204
communication, la vérification de comptabilité, le pouvoir d’appréciation, le
pouvoir de redressement et le pouvoir des sanctions administratives. Le
recours à ces prérogatives de puissance publique est incontestablement
nécessaire pour le bon fonctionnement des services des impôts, notamment au
niveau de son action de lutte contre la fraude fiscale, mais elles peuvent aussi
présenter un danger pour la sécurité fiscale du contribuable399, surtout avec le
développement des politiques du durcissement des procédures de contrôle
fiscal, qui restent animées par un esprit de rendement budgétaire400, même si
c’est aux dépens des droits des contribuables, d'où l'intérêt d'élargir les droits
et garanties du contribuable afin de rétablir l'équilibre des relations
contribuable/fisc. À ce titre, deux types de droits du contribuable méritent
d'être protégés : le droit au respect de la vie privée (§1) et le droit à
l'information (§2).
399
v. Olivier FOUQUET, "Sécurité fiscale et fraude fiscale", in Revue française de finances publiques, n° 127,
éd. L.G.D.J. Lextenso édition, pp. 151-161
400
Voir supra : Partie 1- Chapitre1- section 3- B- Le redressement fiscal comme moyen de rendement
budgétaire. P.64
401
François RIGAUX, "la liberté de la vie privée", in Revue internationale du droit comparé, Vol43, N°3/1991,
p539
205
l'unanimité de la doctrine, et cela pour deux raisons : la première tient du
caractère subjectif de cette notion402, puisque la délimitation de la sphère
privée par rapport à la sphère publique varie d'une personne à une autre. La
seconde raison trouve ses fondements dans les multitudes des droits
fondamentaux que le droit au respect de la vie privée englobe en son sein, on
cite à titre d'exemple : la protection du droit à l'intimité, à l'image, à l'honneur,
à la confidentialité, à la sacralité du domicile…
402
Selon un auteur, la notion de la vie privée … est impossible à définir, elle se sent plus qu'elle se définit et il
serait même inutile de s'y essayer tant ses contours fugaces se déplacent au gré des circonstances. (Marie-
Thérèse MEULDERS-KLEIN, "Vie Privée, Vie Familiale et droits de l'homme", in Revue internationale de droit
comparé, vol 44 n°4/1992 p. 770)
403
Sur ce sujet v. Bernard BEIGNIER et Jeremy ANTIPPAS, " La protection de la vie privée », in Liberté et
droits fondamentaux", sous la direction de Rémy CABRILLAC, éd Dalloz, Paris, 2013, p. 213s
404
"Bensouda: « Le droit de constatation n’est pas une mitraillette » - Le contrôle imprévu: Les garanties du
Fisc", In L'économiste N° 2445 du 18/01/2007, http://www.leconomiste.com/article/bensouda-le-droit-de-
constatation-n-est-pas-une-mitraillette consulté le 7 juin 2015 à 12:06
206
rapprocher des livres, des registres, de la comptabilité « ainsi que de tout
document professionnel se rapportant à des opérations qui ont donné lieu ou
auraient donné lieu à facturation405 ». Néanmoins, l'exercice de ce droit n'est
pas sans danger sur la sécurité fiscale du contribuable dans la mesure où il
s'exerce à l'improviste dans les locaux professionnels du contribuable. On se
demande à ce niveau si les dispositions de l'article 24 de la Constitution
peuvent être applicables pour contrecarrer la rigueur de cette prérogative du
fisc. Pour cela, il importe tout d'abord de définir la notion du domicile afin de la
faire rapprocher de celle du domicile fiscal (1). Puis, il serait question d’exposer
quelques expériences étrangères en matière de protection du contribuable
contre les dangers des perquisitions fiscales (2).
405
Khalid HALOUI, Les Garanties du contribuable dans le cadre du contrôle fiscal en droit marocain, thèse
soutenue le 2 décembre 2011 à L'université de Grenoble, p. 30
207
L’intérêt de cette extension profitera surtout aux entreprises (personne
morale ou non), en assimilant les locaux professionnels du contribuable à un
domicile, tel qu’il est conçu par la constitution.
406
K. Sid Ahmed, Op. Cit., p. 148
407
Cass. Crim., 4 janvier 1972 Bill. Crim., n° 6; 13 octobre 1982, Bull. crim., n°281. Cité par K.SID AHMED,
Op. Cit., p. 148
208
étrangers, comme par exemple le droit européen où un problème
terminologique similaire à celui de l'article 24 de la constitution marocaine s'est
posé au niveau de l'article 8 de la convention européenne des droits de
l'homme, dont le terme "domicile" en langue française est traduit par le mot
"home" en langue anglaise qui a une connotation limitée par rapport au
premier. Ainsi, afin de rétablir l'harmonie du droit européen et d'assurer une
égalité de traitement entre les différents citoyens européens, la Cour
Européenne des Droits de l'Homme (CEDH) a tranché la question en faveur
d'une interprétation extensive du terme domicile, en jugeant que « la
perquisition opérée dans les locaux d'une société commerciale est une
ingérence portant atteinte au droit de celle-ci au respect de son "domicile" 408».
Sur le plan des droits des pays membres, l'assimilation des locaux
professionnels au domicile ne fait pas l'unanimité. Ainsi, la France a réglé la
question par un arrêt de la Cour de Cassation rendu le 23 mai 1995 en
soutenant « qu'une personne morale bénéficie d'un domicile au sens de
409
l'article 226-4 du code pénal qui doit être protégé ». Quant à la république
Fédérale d'Allemagne, on trouve que sa loi fondamentale déclare
expressément dans son article 19 que « les droits fondamentaux s'appliquent
aussi aux personnes morales dans la mesure où ils leurs sont applicables en
raison de leur nature 410». Concernant le droit espagnol, « la distinction entre
investigation dans un lieu professionnel et investigation dans un lieu servant de
408
CEDH, Colas Est et autres c/ France, 16 avril 2002, requête n° 37971/97, Recueil des arrêts et des décisions
2002-III, §§ 40-42 ; cité par Kouamé HUBERT KOKI, Les droits fondamentaux des personnes morales dans la
convention européenne des droits de l'homme, thèse de doctorat, soutenue à l’université de La Rochelle, 2011,
France, p. 398
409
Cass. Crim., 23 mai 1995, Bull. Crim., n°193; rev. Sociétés 1996, p. 109 ; cité par Hélène MARTRON, Les
droits de la personnalité des personnes morales de droit privé, éd. LGDJ, 2011, Paris, p. 18
410
V. La constitution de l’Allemagne en langue française dans le portail du Gouvernement Fédéral,
http://www.bundesregierung.de/Content/FR/_Anlagen/loi-fondamentale.pdf?__blob=publicationFile, consulté le
21/06/2015 à 10:58
209
411
cadre de vie (affectés exclusivement à l'habitation) …subsiste toujours ». En
effet, la réglementation fiscale espagnole n'exige dans le premier cas que
l'obtention d'une autorisation d'un supérieur hiérarchique, à la différence du
second cas où un mandat du juge est nécessaire pour effectuer les
perquisitions fiscales. Cette tendance protectrice est présente de nos jours
dans la plupart des pays occidentaux412, sans faire de distinction entre le
domicile destiné à l'habitation et celui consacré à une activité professionnelle.
Comme nous l'avons déjà relevé, le recours aux perquisitions fiscales par le
fisc est souvent justifié par la prévention contre la fraude fiscale, ce qui sert
aussi de soubassement du caractère inopiné du droit de constatation accordé
au fisc marocain. À ce titre on trouve deux intérêts opposés qui se confrontent,
d'un côté la protection des droits individuels du contribuable notamment le
respect de son domicile, et de l'autre côté, la préservation des intérêts du
trésor, qui n'est autre que la bonne perception de l'impôt. Devant ce conflit
d'intérêt, la CEDH a eu l'occasion de préciser, que face à la lutte contre la
fraude, les Etats contractants peuvent recourir à des pouvoirs d'investigation,
en autorisant par la loi des ingérences dans le droit au respect de la vie privée,
de la correspondance et du domicile, à la seule condition que les mesures
prises soient proportionnées au but légitime recherché413. De ce fait et vu le
caractère attentatoire aux droits individuels de cette mesure, l'intervention du
411
K. Sid Ahmed, Op. Cit., p. 119
412
OCDE, Taxpayers’ Rights and Obligations – Practice Note, p. 5
413
Décision de la CEDH en date du 25 février 1993, MIAILHE C/ La France. Cité par Dimitri YERNAULT,
"Les pouvoirs d'investigation de l'administration face à la délinquance économique : les locaux professionnels et
l'article 8 de la Convention européenne" (obs/s. Cour eur. dr. h., Miailhe c. France, 25 février 1993), in Revue
trimestrielle des droits de l'homme, éd. Nemesis, n° 17 Janvier 2014, p. 121,
210
juge nous semble nécessaire, en s'alignant ainsi à la plupart des pays
occidentaux en la matière.
414
Christian LOPEZ, "La sécurité fiscale et libertés publiques", in la sécurité fiscale, sous la direction de
Jacques BUISSON, éd L’Harmattan, Paris, 2011, p. 151
415
Jean LAMARQUE, Perquisitions fiscales, Justices 1997, n°5, p. 297, cité par K. SID AHMED, Op. Cit., p. 96
211
évaluer la pertinence des informations recherchées par l'administration, en
s’assurant enfin qu'une telle action est raisonnablement proportionnée416.
Tout compte fait, on conclut que la présence d’un juge autorisant ou non
les perquisitions et les visites domiciliaires est devenu une nécessité pressante
pour le Maroc, afin de protéger le contribuable contre cette insécurité
procédurale en matière d'investigations administratives. Sachant que
l'administration use de ses pouvoirs exorbitants, afin qu'elle puisse parvenir à
la vérité, c’est-à-dire établir la preuve de la fausseté des déclarations, ce qui se
traduit par une rupture d'égalité entre les deux protagonistes qui peut trouver
son justification dans la mission de service publique dont est investi le fisc.
Personne ne peut contester ces pouvoirs de l’administration, mais ce qui est
critiquable c'est de permettre à l'administration d'en user sans le concours d’un
juge, qui sera éventuellement appelé pour trancher le différend qui les oppose.
Comment peut-on concevoir que l'administration, potentiellement
demanderesse au tribunal, puisse user de quelques pièces à conviction qu'elle
a pu recueillir lors d'une opération de perquisition effectuée sous sa diligence.
416
Anders HULTQVIST, "Taxpayers' Rights in Sweden", in Revenue Law Journal (Austrilia): Vol. 7: Iss. 1,
1997, p. 46
417
S. 20C Taxes Management Act 1970, voir aussi: HM Revenue and Customs and the Taxpayer Modernising
Powers, Deterrents and Safeguards, Document on Criminal Investigation Powers issued in August 2006, By The
Chartered Institute of Taxation, pp. 14 et15,
http://old.tax.org.uk/attach.pl/4877/5115/CriminalInvestigationPowers%20final311006.pdf%22 consulté le
27/06/2015 à 16:23
212
Il importe donc de penser à nuancer le droit de constatation de
l’administration fiscale, afin de préserver la sécurité fiscale du contribuable en
élargissant ses garanties, notamment par l'intervention du juge qui doit veiller
au bon déroulement de la procédure.
Tout individu a son propre jardin secret419, au sein duquel il met à l'abri du
regard des autres un ensemble d'informations qu'il juge confidentielles et
intimes, soit pour des raisons professionnelles (on parle donc de secret
professionnel, secret d'affaire, secret bancaire…) soit pour des raisons
personnelles (le secret familial, médical, …). Il faut donc déterminer tout
d'abord la notion de confidentialité dans le contexte du droit fiscal (1) avant de
mettre la lumière sur l'importance de la protection de la confidentialité du
contribuable afin de préserver sa sécurité fiscale (2).
418
Voir notamment l’arrêt de la Cour Européenne des Droits de l’Homme du 24 juillet 2008 (André c/ France)
qui conclut que la visite domiciliaire et les saisies effectuées au domicile des avocats étaient, dans les
circonstances de l’espèce, disproportionnées par rapport au but poursuivi. Arrêt cité par Philippe Mortimer,
Secret professionnel de l’avocat et droit de visite de l’administration fiscale : la France condamnée par la CEDH,
10/10/2008, http://www.village-justice.com/articles/Secret-professionnel-avocat-droit,4377.html, consulté le
14/06/2016 à 13:36.
419
Pour de plus amples idées sur ce sujet, voir : Yves-Henri BONELLO, Le secret, coll. « Que sais-je ? » éd.
Presse Universitaire de France., 1998. Paris.
Voir aussi, Jean-Philippe PIERRON, "Sous le sceau du secret", in Études 2004/5 (Tome 400) pp. 625-635
213
adoptées. On cite à titre d’exemple les articles 446 et 447 du code pénal
marocain qui définissent l'infraction de violation du secret professionnel, et qui
constitue le droit commun de plusieurs lois spéciales régissant certaines
professions, comme l’article 18 du dahir n° 1-58-008 du 24 février 1958 portant
statut général de la fonction publique qui renvoie à ces dispositions en liant
tout fonctionnaire à une obligation de discrétion pour l’ensemble « des faits et
informations dont il a connaissance dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice
de ses fonctions ». En matière fiscale, l’article 246 du C.G.I. renvoie aussi à la
règle du secret professionnel en stipulant que toutes les personnes appelées à
l’occasion de l’exercice de leurs fonctions ou attributions à intervenir dans
l’établissement, le contrôle, la perception ou le contentieux des impôts, droits
et taxes sont tenues au secret professionnel dans les termes des lois pénales en
vigueur420.
420
Cette obligation peut être levée en vertu d'une ordonnance du juge compétent en autorisant la communication
des renseignements ou la délivrance des copies d’actes, documents ou registres en leur possession aux parties,
autres que les contractants ou contribuables concernés ou à leurs ayants cause à titre universel (article 246-1°,
parg 2.)
214
d'un certain nombre d'instruments juridiques de contrôle fiscal comme le droit
de communication et le droit de constatation. Néanmoins, des limites sont
fixées afin d'éviter tout abus ou excès dans l’exercice de ses actions. Ainsi, il
ressort de l'article 214-I-1°)-a. du C.G.I. que le fisc est en mesure de solliciter
« les documents de service ou comptables détenus par les administrations de
l’Etat, les collectivités locales, les établissements publics et tout organisme
soumis au contrôle de l’Etat, sans que puisse être opposé le secret
professionnel ». Cette disposition souffre toutefois de quelques limites
notamment pour les professions libérales dont l’exercice implique des
prestations de service à caractère juridique, fiscal ou comptable nécessitant le
respect du secret professionnel, telles que celles des avocats, interprètes,
notaires, adouls, architectes, huissiers de justice, experts comptables,
conseillers juridiques, qui sont en mesure, en vertu de l’article 214 (I- 1°) du
C.G.I., de s’abstenir à communiquer la globalité des dossiers de leurs clients.
421
Aux termes de cet article, « si la comptabilité est tenue par des moyens informatiques ou si les documents
sont conservés sous forme de microfiches, le contrôle porte sur l’ensemble des informations, données et
215
périmètre de contrôle du fisc par des termes vagues, dont l'interprétation
extensive peut étendre la vérification à tous les documents relatifs au
fonctionnement de l'entreprise comme ceux portant sur la gestion du
personnel, le marketing ou l'aspect strictement technique de la production, et
dont la divulgation peut nuire à la sécurité fiscale du contribuable.
traitements informatiques qui concourent directement ou indirectement à la formation des résultats comptables
ou fiscaux et à l’élaboration des déclarations fiscales, ainsi que sur la documentation relative à l’analyse, à la
programmation et à l’exécution des traitements. »
422
Anders HULTQVIST, Taxpayers' Rights in Sweden, in Revenue Law Journal (Austrilia): Vol. 7: Iss. 1, 1997,
p. 48
216
S'agissant des informations échangées entre administrations étrangères
dans le cadre des accords d'assistance réciproque en matière fiscale, l'OCDE a
récemment publié un rapport portant guide des meilleures pratiques de la
protection de la confidentialité du contribuable, en incitant les Etats membres
à s'en inspirer pour atteindre une meilleures protection des données
personnelles et « s'assurer que les renseignements communiqués ne pourront
être utilisés qu'aux fins prévues par l'instrument utilisé 423». Selon ce même
rapport, « les contribuables doivent avoir l'assurance que les informations
financières les concernant, souvent de nature sensible, ne seront pas
divulguées de façon inopportune, ni intentionnellement ni par accident ». Ainsi,
parmi les exemples cités par ce rapport, on trouve celui du Danemark et du
Suède où la loi « prévoit que toute restriction imposée par l’Etat requis quant à
l’utilisation des renseignements reçus doit s’appliquer même si elle est
contraire au droit national ». C’est également le cas aux États-Unis où on
applique les exigences de confidentialité du droit national lorsqu’elles sont plus
contraignantes que celles prévues par la convention internationale considérée.
L’analyse de ces exemples nous conduit à critiquer notre loi nationale n°09-
08 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des
données à caractère personnel, dont l'article 43 pose comme principe
l'interdiction de « transférer les données à caractère personnel vers un Etat
étranger que si cet Etat assure un niveau de protection suffisant de la vie privée
et des libertés et droits fondamentaux des personnes à l'égard du traitement
dont ces données font l'objet ou peuvent faire l'objet…424 ». Mais cette
extraordinaire garantie posée par le législateur sera battue en brèche par
423
"Garantir la confidentialité : le guide de l'OCDE sur la protection des échanges de renseignements à des fins
fiscales", 2012, p. 5, http://www.oecd.org/fr/ctp/echange-de-renseignements-fiscaux/rapport-garantir-la-
confidentialite.pdf consulté le 23/08/2015 à 20:07
424
B.O n° 5714 du 05/03/2009 p345
217
l'article qui suit, en stipulant que « … le responsable d'un traitement peut
transférer des données à caractère personnel vers un Etat ne répondant pas
aux conditions prévues à l'article ci‐dessus, si la personne à laquelle se
rapportent les données a consenti expressément à leur transfert ou … Si le
transfert s'effectue en application d'un accord bilatéral ou multilatéral auquel le
Royaume du Maroc est partie ». Cela veut dire que l'administration marocaine
détentrice des données à caractère personnel d'une personne physique (au
sens de l'article premier de cette loi) peut les transférer à un Etat étranger qui
s'unit avec le Royaume par un accord d'échange de renseignements, même si le
niveau de la garantie de confidentialité chez ces Etats est inférieur à celui du
Maroc.
218
procédure de contrôle en vue de préparer sa défense. Il doit être aussi mis au
courant de tous les éléments (documents, pièces, informations…) qui lui sont
opposés par l'administration, ainsi que toutes les conséquences financières qui
peuvent éventuellement résulter d'une décision de redressement fiscal.
219
institutions élues et les organismes investis de mission de service public », tout
en précisant que ce droit ne peut être limité que par la loi dans des cas biens
déterminés. Toutefois, faute de texte d'application, l'exercice de ce droit reste
jusqu'à présent gelé. Devant cette évidence, le contribuable marocain ne peut
obliger l'administration fiscale à l'informer sur ses droits et obligations, sauf
lorsqu'il est sujet d'une procédure de vérification de la comptabilité où la loi a
obligé l'administration à annexer à la notification de l’avis de vérification, une
charte du contribuable vérifié, sous peine d’annulation de toute la procédure
(article 212- I du CGI). Sauf que cette limitation de son champ d’application aux
seuls contribuables vérifiés écarte de son bénéficie une large tranche de la
population fiscale, ce qui a amené le professeur NMILI à formuler quelques
propositions intéressantes en vue d’innover le contenu de cette charte et
d’élargir son champ de couverture à toutes les catégories de contribuables.
Ainsi, selon lui, « beaucoup plus qu’un inventaire des droits de contribuable, la
charte doit correspondre à un engagement de bonnes pratiques et être
opposable à l’administration. Le contribuable doit être en mesure de s’y référer
pour faire valoir ses droits auprès de cette administration 426». L’auteur a
poursuivi par d’autres suggestions, comme prévoir la possibilité pour le
contribuable de consulter en ligne sa situation fiscale, ses déclarations de
revenus, ses avis d’impositions et ses données de paiement. Pouvoir « saisir
l’administration fiscale sur des questions précises, par courrier classique ou
électronique et lui garantir une réponse détaillée et claire dans un délai à
fixer… 427»
426
Mohammed NMILI, Pour un impôt juste, les éditions Oser 2011 p. 255- 256
427
Ibidem p. 26
220
dans la mesure où la diffusion la plus large possible et de manière synthétique
des droits et obligations du contribuable rend la législation fiscale plus
intelligible et indolore, ce qui se répercute par conséquent sur le taux
d'adhésion fiscale et le taux de conformité à la législation fiscale. Dans cette
optique, une étude effectuée sur un échantillon de contribuables néo-zélandais
a démontré que la connaissance en matière fiscale contribue inévitablement à
l'adhésion volontaire au système fiscal428, et par là-même, à la lutte contre la
fraude et l'évasion fiscale429.
428
Saad NATRAH, "Tax knowledge, tax complexity and tax compliance: taxpayers’ view", In 2nd World
Conference On Business, Economics And Management-2013, éd. Procedia - Social and Behavioral Sciences 109
(2014) p. 1070
429
Marion TURRIN, La légitime répression de la fraude fiscale, thèse soutenue publiquement le 8 janvier 2011,
à la Faculté de droit et de science politique d'Aix-Mareille, p. 85
430
V. supra : Partie I- Chapitre I- Section2- B- L’accessibilité intellectuelle. P.50
221
établie par cette organisation internationale431, on peut compter cinq types de
droits fondamentaux :
- Le droit d'être informé, assisté et entendu ;
- Le droit à un recours ;
- Le droit de ne payer que le montant exact de l'impôt ;
- Le droit à la sécurité juridique ;
- Le droit au respect de la vie privée ;
- Le droit au respect de la confidentialité et du secret.
À l'opposé, l'OCDE recommande que les chartes contiennent cinq types
d'obligations :
- L'obligation d'être honnête ;
- L'obligation d'être coopératif ;
- L'obligation de fournir des informations et des documents précis dans le
délai ;
- L'obligation de tenir des registres ;
- L'obligation de payer ses impôts dans le délai.
431
"The OECD Committee of Fiscal Affairs Forum on Tax Administration, Taxpayers’ Rights and Obligations –
Practice Note. Tax guidance series" (2003), disponible en ligne au
http://www.oecd.org/tax/administration/Taxpayers'_Rights_and_Obligations-Practice_Note.pdf consulté le
22/10/2015 à 20:36
222
sur la façon dont leurs impôts sont évalués. Ils ont également le droit d'être
informés de leurs droits, notamment ceux ayant trait à leurs affaires.
En ce qui concerne les moyens qui peuvent être utilisés pour l'information
du contribuable, l'OCDE a précisé que l'administration fiscale dispose d'une
variété de moyens en plus des chartes et déclarations, comme par exemple le
téléphone, les brochures d'information, les guides en vidéo, etc.
432
V. les caractéristiques de certains types et le mode d'emploi des rescrits fiscaux (rulings) précédemment
étudiés dans la deuxième partie/Chapitre I/Section 1/B/2/a- La consultation préalable de l'administration fiscale
223
détenues par les départements ministériels et agences de la Commonwealth.
Ce droit fondamental est exercé dans le cadre d'une loi nommée "Freedom of
information Act 1982" (loi sur la liberté d'accès à l'information)433. En vertu de
cette loi, tout contribuable australien peut accéder à certaines informations et
documents liés à sa situation fiscale, détenus par les autorités fiscales, tels que
les informations délivrées par les tiers, les rulings publics ainsi que les
procédures et directives utilisées par le Tax Office dans la prise des décisions434.
Outre ces deux garanties, il existe en Australie une charte des droits des
contribuables élaborée par l'Australian Taxation Office, par laquelle il s'engage
de fournir « des renseignements exacts, clairs et cohérents pour aider le
contribuable à comprendre ses droits et à remplir ses obligations435 ». La charte
précise également que le terme renseignements désigne aussi bien les
informations publiées sur l’application de la loi en général que les conseils
personnels sur la façon dont cette loi s’applique aux circonstances particulières
à chaque contribuable. L'ATO s'engage aussi de tenir compte, lors de
l'établissement de l'impôt, des erreurs commises par le contribuable en se fiant
à des informations erronées ou trompeuses.
224
of Rights" contenant des droits au profit du contribuable et qui ont été
incorporées dans le code des revenus internes (Internal Revenue Code), mais
sans constituer une liste thématique des droits et obligations des
contribuables. Ainsi, en 1988, le Congrès avait adopté le "Omnibus Taxpayer
Bill Of Right 1" instituant au profit du contribuable certains moyens juridiques
lui permettant d'éviter les éventuels abus de pouvoir de l'administration fiscale
(Internal Revenue Service). S'en est suivie l'adoption d'une nouvelle loi en 1996
s'intitulant "The Taxpayers' Bill of Rights 2", qui a octroyé au contribuable une
protection additionnelle de ses droits, en lui assurant davantage de garanties
lorsqu'il traite avec le fisc. Deux ans plus tard, l'Internal Revenue Code a été à
nouveau amendé après la promulgation du "Taxpayers' Bill of Rights 3", qui
s'est caractérisé par une nette amélioration de la protection des droits du
contribuable américain.
Il fallait attendre seize ans après, soit en juin 2014, pour que l'Internal
Revenue Service publie une charte du contribuable, regroupant tous les droits
énoncés dans les Taxpayers' Bill of Rights, sous l'intitulé "vos droits en tant que
contribuable" (your rignts as a taxpayer)436. Parmi les droits cités par ce
document, on trouve le droit d'être informé, selon lequel les contribuables ont
le droit de connaître leur devoir pour se conformer aux lois fiscales. Ils ont aussi
le droit à une explication claire des lois et procédures de l'administration fiscale
à travers les formulaires d'impôt, les instructions, les publications et les avis.
436
Voir l'intégralité de la charte au https://www.irs.gov/pub/irs-pdf/p1.pdf consulté le 10/06/2016 à 15:45
225
contribuable au sein de l'administration fiscale ". Il s’agit d’un service public
ayant pour mission de s’assurer que chaque contribuable est traité
équitablement et qu’il est en mesure de comprendre ses droits auprès du
fisc437. En application de ses missions, le TAS offre une gamme de services aux
contribuables, dont un service de conseil fiscal et d’accompagnement afin
d’aider les contribuables à mieux comprendre les tenants et les aboutissants
d’une situation donnée438.
437
TAXPAYER ADVOCATE SERVICE, Who We Are, en ligne sur :
http://www.taxpayeradvocate.irs.gov/About-TAS/Who-We-Are . Consulté le 15/10/2015 à 9:55
438
Abe GREENBAUM, Taxpayers' Bills of Rights 1 and 2 : A Charter to be Followed by the Rest of the World
or Just Another Attack on the Tax Authority?, in Revenue Law Journal (Austrilia): Vol. 7: Iss. 1, 1997, p. 152
439
Rapport annuel présenté au Congress en 2013, Vol.1, p. 5 http://www.taxpayeradvocate.irs.gov/2013-Annual-
Report/full-2013-annual-report-to-congress.html consulté le 16/10/2015 à 18:21
226
B- Le droit du contribuable à l'information dans les procédures fiscales
Ce n'est pas un hasard qu'un auteur ait affirmé qu'au « premier chef de
critiques adressées à l'encontre des procédures fiscales figure le manque
d'information du contribuable440 ». L'information dont il est question ici ne
concerne pas seulement l'envoi au contribuable vérifié d'une charte contenant
un inventaire des droits dont il peut se prévaloir pendant le déroulement de la
procédure de contrôle fiscal. Cette nouvelle obligation, mise à la charge du fisc
depuis 2011, est incontestablement bénéfique au contribuable sur le plan de la
concrétisation du droit à l'information, mais ce qui importe à présent c'est de
s'intéresser à des informations de nature différente à celles incorporées dans
cette charte. Il s'agit en l'occurrence : des notifications ou des remises directes
par les agents de l'administration, des différents avis qui servent à renseigner le
contribuable sur chaque étape des procédures fiscales, ainsi que sur les
éventuelles conséquences financières qui peuvent en découler.
L’analyse des procédures fiscales en droit marocain révèle l’existence de
plusieurs cas d’information du contribuable, on peut citer quelques-uns à titre
d’exemple :
- L'information du contribuable sur l'exercice du droit de constatation, par
la remise d'un avis dès la première intervention de l'agent de
l'administration.
- L'information du contribuable de la clôture de la procédure de l'exercice
du droit de constatation.
- L'information du contribuable de l'engagement d'une procédure de
vérification (la charte du contribuable vérifié doit être annexée à l'avis
de vérification).
440
Jean-Claude DRIE, Procédures de contrôle fiscal - la voie de l'équilibre, éd L'Harmattan, 2005, Paris, p. 43
227
- L'information du contribuable de la volonté de l'inspecteur de ne pas
rectifier les bases d'imposition.
- L'information du contribuable des motifs, de la nature et du montant
détaillé des redressements envisagés à la suite d'une procédure de
vérification, en l'invitant à formuler ses observations dans un délai de 30
jours après la réception de la notification.
- L'information du contribuable de son droit de se pourvoir auprès de la
commission locale de taxation, ou auprès de la commission nationale
des recours fiscaux, dans un délai de 30 jours après la réception de la
notification, et qu'à défaut de contestation, les bases imposables
notifiées seront définitives.
- L'information du contribuable de la décision prise par l’une de ces
commissions, et de son droit de recours contre ladite décision devant le
tribunal compétent.
- L'information du contribuable de son droit de recours auprès de la
commission nationale, si après l'expiration d'un délai de 24 mois après
l'introduction de la requête, la commission locale n'a pas statué sur le
litige. Etc.
228
garanties de leurs substances, en écartant toute possibilité de débat
contradictoire au profit du contribuable441. Le fait de considérer un document
notifié comme effectivement remis lorsque son envoi a été fait par lettre
recommandée avec accusé de réception ou par l'intermédiaire des agents du
greffe, des huissiers de justice ou par voie administrative, et qu'il n'a pu être
remis au contribuable après l'écoulement d'un délai de 10 jours qui suit la date
de constatation de l'échec de la remise, si ce document a été retourné avec
l'une des mentions suivantes : non-réclamé, changement d'adresse, adresse
inconnue, adresse incomplète , locaux fermés, ou contribuable inconnu à
l'adresse indiquée.
L'annulation pure et simple de cette mesure est revendiquée par tous les
professionnels du droit fiscal, qu'ils soient professeurs universitaires442 ou
magistrats443, en déplorant tous une dégradation considérable de la sécurité
juridique du contribuable, à travers la négation pure et simple de son droit à
l'information par la mise en œuvre de cette mesure controversée, formant
441
Voir les développements précédemment avancés concernant ce sujet, Partie I- Chapitre I- Section VI- B- La
fin du principe du contradictoire et l’avènement de l’insécurité du contribuable.
442
Mohammed NMILI, Op. Cit. p. 252. V. aussi l’article de Pr Farid EL BACHA, Le contribuable face à
l’administration fiscale, L’Economiste, Ed n° 2323 du 20/07/2006
.86 ص،2009 سنة، طبعة دار أبي رقراق، المنازعات الجبائية المتعلقة بربط وتحصيل الضريبة أمام القضاء المغربي، محمد القصري.ذ443
29 و28 أشغال اليومين الدراسيين، المسطرة التواجهية وإجراءات التبليغ في الضريبة العامة على الدخل، عبد الغني يفوت.أنظر كذلك مداخة ذ
.52 ص،2005/8 منشور بمجلة دفاتر المجلس األعلى عدد، العمل القضائي والمنازعات الضريبية: تحت عنوان2005 مارس
229
ainsi une exception au droit commun de la notification tel qu'il est régit par le
code de la procédure civile.
444
Il faut signaler à ce titre que le projet de loi de finances de 2016 contenait avant son adoption des sanctions
pénales lourdes contre les fraudeurs, mais hélas, elles ont été supprimées par les parlementaires avant le vote,
pour des motifs d’ordres sociale et économique.
445
Ahmed NARHACH, Essai sur la nature du pouvoir fiscal au Maroc, Thèse soutenue publiquement à
l'université Mohamed V- Agdal, Faculté des Sciences Juridiques Economiques et Sociales, Rabat, année
Universitaire 2000-2001, p. 261
230
Le recours à la justice fiscale constitue donc la meilleure garantie pour la
sécurité fiscale du contribuable, notamment lorsqu'elle présente les
caractéristiques d'une justice sécurisée et sécurisante. Il importe de rappeler à
ce titre que la sécurité judiciaire du contribuable ne peut être garantie sans la
réunion de ces deux concepts, nécessitant la garantie de trois types de droits
processuels à savoir : le droit du contribuable à l'accès au juge, le droit
d'obtenir une décision judiciaire dans un délai raisonnable, et le droit à
l'exécution des décisions judiciaires446.
446
v. supra Première partie/ Chapitre 2/ Section 3/ §1- L'acception du principe de la sécurité judiciaire. P. 108
447
Comme l’exigence de paiement des frais de justice, l'obligation de se faire assister par un avocat et le
caractère non suspensif du recouvrement de la dette fiscale.
448
Comme l'éloignement des tribunaux et cours de justice.
231
alternatifs du règlement des conflits en matière de contentieux fiscal, qui
connaissent de nos jours un bon essor en droit comparé (§2).
232
jurisprudences courageuses, visant à alléger la rigueur de ces règles
procédurales, et à établir par là-même la sécurité fiscale du contribuable.
233
été valablement notifié, étant donné que le sens juridique et littérale de la
mention "non réclamé" veut dire que le contribuable n'a pas retiré le pli mis à
sa disposition à la poste, même s'il a été averti par cette dernière pour se
référer à ce service afin de procéder au retrait du pli.
La même définition a été employée par cette Cour lors d'une autre
instance451 afin d'annuler une procédure de redressement entamée par le fisc
se fiant seulement au pli de notification portant la mention "non-réclamé",
sans vérifier si le contribuable avait vraiment été touché par les services de la
poste.
450
Arrêt de la Cour d’Appel Administrative de Rabat n°2794 en date du 08/07/2013 du dossier n° 9/13/551 (non
publié)
451
Arrêt de la Cour d’Appel Administrative de Rabat n°2792 en date du 08/07/2013 du dossier n° 9/13/533 (non
publié)
452
Voir par exemple l'arrêt de la Cour d’Appel administrative de Rabat n° 2687 en date du 01/07/2013 dossier n°
9/12/779 qui a été également confirmé par la Cour de Cassation dans son arrêt n°25/2 rendu le 09/01/2014 du
dossier n° 992/4/2/2012 (non publié), en écartant le moyen avancé par l'administration, par lequel elle a
considéré que ce n’est pas un hasard que le législateur avait employé le terme "envoi" dans l'article 10 du livre
des procédures fiscales relatives à la procédure de la notification. Mais la Cour avait confirmé la position de la
Cour d’Appel en soutenant que la procédure de rectification en matière de profits fonciers est régie par l'article
15 du livre des procédures fiscales, aux termes duquel, "l'inspecteur des impôts est amené à apporter des
rectifications …, il notifie au contribuable, dans les formes prévues à l'article 10 ci-dessus, la nouvelle base
rectifiée ainsi que les motifs et le montant des redressements envisagés dans un délai maximum de soixante (60)
jours suivant la date du dépôt de ladite déclaration." De ce fait la Cour déduit que la mention non- réclamé ne
peut avoir d'effet juridique sans prouver que le contribuable ait réellement été mis au courant que le pli est mis à
sa disposition au service de la poste.
234
Dans le même cadre du contrôle de la validité de la procédure de
notification, la Cour de Cassation avait soutenu que le pli de notification doit
être expédié à chacun des redevables des droits à l'enregistrement, même s'ils
sont des co-acteurs dans l'indivision, et qu'ils vivent dans la même adresse,
étant donné que le principe de la solidarité des acheteurs dans l'indivision ne
s'applique qu'en matière de recouvrement de ces droits et non pas à la
procédure de rectification qui est une procédure nécessairement
contradictoire453.
453
L'arrêt de la Cour de Cassation n° 388 rendu le 30/08/2012 dossier n° 845/4/2/2011 (non publié)
454
V. supra : Partie 1- Chapitre 2- Section 1- A- 1- Le caractère non suspensif d’exécution de la réclamation
contentieuse. P.100.
235
règles régissant la réclamation préalable. Le second a trait à l'octroi du sursis de
recouvrement sans exiger le dépôt d'une garantie.
" 455إذا كان الشخص ينازع في صفته كملزم بآداء الضريبة ،فإن بإمكانه الطعن مباشرة أمام القضاء في الضريبة المفروضة عليه دون ضرورة
سلوكه لمسطرة الطعن اإلداري" .قرار محكمة النقض عدد 588الغرفة اإلدارية المؤرخ في ( 04/07/2006الملف عدد )904/4/2/2003
منشور بمجلة قضاء المجلس األعلى -اإلصدار الرقمي ماي 2007العدد 67ص 223
" 456إذا كان الفصل 114من قانون الضريبة العامة على الدخل يوجب على الملزم توجيه تظلم إلى مدير الضرائب قبل رفع النزاع أمام القضاء،
فإن التقيد بهذا التظلم يصبح غير الزم في حالة انتقاء صفة الملزم عن المخاطب بالضريبة و عدم احترام اإلدارة لمسطرة الفرض التلقائي".
قرار محكمة النقض :عدد 22 :المؤرخ في 2000-10-05 :ملف إداري -عدد 1999-1-4-1289 :منشور في مجلة دفاتر المجلس األعلى:
قضاء الغرفة اإلدارية في مجال الضرائب و التحصيل الفترة ما بين 1997و 2004عدد 9/2005ص 60
وجاء في قرار آخر" :إذا كان البند 11من القانون المنظم للضريبة على األرباح العقارية يوجب على الملزمين بهده الضريبة رفع التظلم إلى مدير
الضرائب قبل رفع الدعوى أمام المحكمة فإن ذلك مشروط بأن تكون إدارة الضرائب قد احترمت من جهتها اإلجراءات المسطرية المتعلقة
بالفرض التلقائي للضريبة.عدم احترام إدارة الضرائب للمسطرة المذكورة يجعل الملزم غير مقيد باحترام مسطرة التظلم قبل رفع النزاع أمام
القضاء ".محكمة النقض القرار عدد 264 :المؤرخ في 18/04/2002ملف إداري :عدد 902/4/1/2001 :منشور في مجلة دفاتر المجلس
األعلى :قضاء الغرفة اإلدارية في مجال الضرائب و التحصيل الفترة ما بين 1997و 2004عدد 9/2005ص 130
" 457لكن حيث إن مسطرة التظلم اإلداري ال تكون واجبة إال إذا كانت إدارة الضرائب قد فرضت الضريبة تطبيقا لمسطرة سليمة تتقيد بالنصوص
الضريبية الواجبة التطبيق حسب األحوال ،ومن مجملتها المسطرة التواجهية .وأما في نازلة الحال فإنه لم يثبت لمحكمة االستئناف أن الطاعنة قد
أحالت النزاع على اللجنة المحلية لتقدير الضريبة بناء على الطلب الذي تقدم به المطلوب في الطعن واعتبارا بأن اإلشعار بإمكانية الطعن أمام
اللجنة الوطنية ال أثر له للسبب المذكور .وأن مسطرة التصحيح الضريبي معيبة وردت الدفع المثار بشأن خرق المادة 235من المدونة العامة
للضرائب والمتعلقة بمسطرة التظلم تكون قد طبقت القانون تطبيقا سليما " قرار محكمة النقض عدد 89/2المؤرخ في 30/01/2014ملف إداري
عدد ( 1993/4/2/2012غير منشور)
236
réclamation, lorsque cette dernière est restée sans réponse (ce délai a été
réduit à 3 mois après la promulgation de la loi de finances de l’année 2016). On
peut citer à cet égard une ancienne jurisprudence de la Cour de Cassation selon
laquelle il est « inutile d'obliger le contribuable à respecter les délais légaux
pour l'introduction d'une instance judiciaire tant que l'administration fiscale
avait exprimé sa position défavorable devant le tribunal458 ».
237
sursoir au paiement de l'impôt ou complément d'impôt contesté. Cette
procédure est régie par l'article 117 de la loi n° 15-97 formant code de
recouvrement des créances publiques, dont l’acceptation est conditionnée par
la réunion de deux exigences : d'abord l'introduction par le contribuable de la
réclamation contentieuse conformément aux lois et règlements en vigueur, et
ensuite la constitution d'une garantie suffisante propre à assurer le
recouvrement des créances contestées.
461
Aux termes de cet article, « le président du tribunal administratif ou la personne déléguée par lui est
compétent, en tant que juge des référés et des ordonnances sur requête, pour connaître des demandes provisoires
et conservatoires. »
) (غير منشور310/4/1/2011 في الملف عدد11/04/2013 المؤرخ في381 قرار محكمة النقض عدد- 462
أي تطور للقضاء االستعجالي، أورده مصطفى التراب70/4/4/2001 في الملف عدد24/04/2003 بتاريخ272 قرار محكمة النقض عدد-
، دفاتر المجلس األعلى، اإلشكاالت القانونية والعملية في المجال الضريبي:اإلداري في مجال المنازعات الجبائية؟ الندوة الوطنية حول موضوع
186 ص،2011/16 عدد
. ص. مرجع سابق، أورده مصطفى التراب،3/06/2 و14 في الملفين2006/11/13 بتاريخ3 قرار محكمة االستئناف اإلدارية بالرباط عدد-
182
منقول من موقع محكمتي بتاريخ2/06/21 في الملف رقم2006/12/04 بتاريخ12 قرار محكمة االستئناف اإلدارية بالرباط عدد-
14:52 على الساعة03/01/2016
https://www.mahkamaty.com/2014/09/13/اإلدار-االستئناف-لمحكمة-قضائية-قواعد
238
La distinction entre la procédure du sursis au paiement de l'impôt et celle
de la suspension de l'exécution de la procédure de recouvrement est d'origine
judiciaire. On lit ainsi dans l'un des arrêts de la Cour de Cassation, « attendu
que les dispositions de l'article 117 du code de recouvrement des créances
publiques concerne les demandes en sursis du paiement adressées au
comptable chargé du recouvrement. Quant aux demandes en suspension de
l'exécution, c'est le droit commun qui s'applique, notamment les dispositions
de l'article 149 du code de la procédure civile, qui permettent aux juges des
référés d'ordonner cette suspension chaque fois que les conditions de
l'urgence et du sérieux de la contestation sont remplies463 ».
على03/01/2016 منقول من موقع محكمتي بتاريخ2/06/22 في الملف2006/12/25 بتاريخ24 قرار محكمة االستئناف اإلدارية بالرباط عدد
-15:10 الساعة
https://www.mahkamaty.com/2014/09/13/اإلدار-االستئناف-لمحكمة-قضائية-قواعد
187 ص، مرجع سابق، أورده مصطفى التراب،1511/4/1/2011 في الملف عدد11/04/2002 بتاريخ257 قرار محكمة النقض عدد463
187 ص، نفس المرجع السابق،1528/4/1/2001 في الملف عدد03/01/2002 بتاريخ10 قرار محكمة النقض عدد464
239
le bénéfice d'une exonération de demander la suspension de l'exécution du
recouvrement sans la constitution d'une garantie 465».
Il est désormais bien établi que le contentieux judiciaire fiscal fait partie des
recours en pleine juridiction, où le juge dispose de plus de liberté pour changer
(à la hausse ou à la baisse) le montant des impositions en plus d'un pouvoir
465
Arrêt de la Cour de Cassation n° 381 en date du 11/04/2013 dans le dossier 310/4/1/2011 (non publié)
240
d'annulation. Il s'agit là d'une précision d'origine jurisprudentielle, où la Cour
de Cassation avait confirmé cette nature à maintes occasions466, tout en
ouvrant une brèche pour l'acceptation du recours en annulation par le
justiciable qui réfute son statut en tant que contribuable467. Cette tendance
trouve son explication dans les avantages que présente ce type de recours,
notamment la gratuité de l'instance et l'effet rétroactif de la décision judiciaire.
La Cour a donc permis cette exception pour des raisons de protection de la
sécurité juridique, puisqu'il paraît inconcevable d'obliger un justiciable de payer
des frais de justice pour contester une imposition à tort468.
466
« … Attendu qu'il est clair que le tribunal administratif connaît les recours en annulation prévus par la loi 41-
90 et les contentieux de pleine juridiction cités à titre limitatif ; et attendu que les litiges relatifs aux impôts font
partie de la deuxième catégorie d'actions, que la présente affaire en fait clairement partie, ce qui signifie que le
tribunal administratif était compétent pour trancher le litige même si la requérante avait utilisé le terme
"annulation", tant que le but de l'action est l'annulation d’une imposition et la récupération des montants qu'elle
prétend avoir versés à la perception alors même qu'ils ne sont pas dûs … ». Arrêt de la Cour de Cassation n°
1188 en date du 24/04/1997 dossier n° 573/5/1/1997.
الفترة بين سنتين، قضاء الغرفة اإلدارية بالمجلس األعلى في مجال الضرائب والتحصيل،منشور بدفاتر المجلس األعلى
.14. مطبعة أيليت ص2005/9 عدد،2004/1997
- Arrêt de la Cour de Cassation n° 903 en date du 14/12/2005 dossier n° 1870/4/2/2004
467
- Arrêt de la Cour de Cassation n° 1583 en date du 09/12/1999 dossier n° 887/5/1/1999,
- Arrêt de la Cour de Cassation n° 248 en date du 05/04/2001 dossier n°1104/4/1/2000
468
V. supra, Partie 1/Chapitre 2/Section 3/§2/A-Une accessibilité limitée du contribuable à la justice fiscale.
P.122
241
pris soin de l’encadrer en précisant dans l'article 143 du C.G.I. les conditions de
forme et de fond nécessaires à son application. Par conséquent, pour que
l'administration puisse recourir à ce procédé, il faut d'abord qu'elle prouve
l'insuffisance du prix de vente déclaré ou de la déclaration estimative par
rapport au prix du marché. Cette détermination n'est pas faite à sa guise, il
importe qu’elle la prouve en recourant à des postes de comparaison par des
contrats similaires dans la même zone. En tous cas, la décision de
l'administration reste susceptible de recours.
Enfin l'article 143 du C.G.I. renvoie à l'article 218 du même code, qui fixe un
délai de 6 mois à compter du jour de l’enregistrement ou de la réalisation de la
condition suspensive si elle a été stipulée par le contrat, pour notifier son
intention d'exercer ce droit, sans dépasser un mois après cette notification
pour régler le montant dû par l’Etat, comprenant ainsi « le prix déclaré ou la
valeur vénale reconnue, majoré :
1°- des droits d’enregistrement acquittés et des droits éventuellement
perçus à la conservation de la propriété foncière;
469
Il importe de signaler à ce titre que ce texte a été rédigé en des termes vagues et imprécis, pouvant laisser une
grande marge de manœuvre pour l'administration, ce qui risquera d'affecter la sécurité fiscale du contribuable.
On remarque ainsi que le législateur a omis de préciser le délai minimum que l'administration peut accorder au
contribuable mis en demeure afin qu'il puisse payer les sommes exigées. C’est ainsi que dans une affaire de
justice, un contribuable avait contesté la décision de l’administration fiscale portant exercice de droit de
préemption, après lui avoir accordé un délai de 10 jours pour constituer une grande somme. La position de la
Cour de Cassation était clairement favorable au contribuable en considérant que face au silence du législateur sur
cette question, l’administration doit accorder un délai raisonnable au contribuable afin qu’il puisse constituer les
sommes dues. Arrêt n°722/2 en date du 08/10/2015 dossier n°1964/4/2/2013 (non publié)
242
2°- d’une somme calculée à raison de cinq pour cent (5%) du prix déclaré ou
de la valeur vénale reconnue, représentant forfaitairement les autres loyaux
coûts du contrat, ainsi que les impenses ».
، حسن المولودي. أورده ذ.47524 ملف إداري عدد11/08/1978 الصادر بتاريخ342 قرار محكمة النقض (الغرفة اإلدارية) عدد470
اإلشكاالت القانونية: مداخلة في الندوة الوطنية حول موضوع،ممارسة حق الشفعة في المادة الضريبية بين النص القانوني واالجتهاد القضائي
.329 . ص،16/2011 دفاتر المجلس األعلى،والعلمية في المجال الضريبي
471
Arrêt de la Cour de Cassation n° 1701/1 en date du 23/07/2015 dossier n° 15/04/01/2012 (non publié)
المنازعات الضريبية في، منشور في كتاب كريم لحرش24/08/2011 المؤرخ في2373 قرار محكمة االستئناف اإلدارية بالرباط عدد472
.182 ص2013 سنة21 سلسلة الالمركزية واإلدارة الترابية عدد،القانون المغربي
243
régularité fiscale, ou comme elle est communément appelée "le quitus fiscal".
Ce document administratif revêt une grande importance pour les entreprises
concurrentes aux marchés publics, ainsi que pour contribuables qui vendent un
bien immobilier, dans la mesure où le notaire retient tout ou une partie du prix
de la vente jusqu'à production dudit quitus, afin de se désengager de sa
responsabilité solidaire avec le contribuable.
: منشور في مجلة دفاتر المجلس األعلى1481/4/1/1991 : عدد: ملف إداري12/10/2000 المؤرخ في44 : قرار محكمة النقض عدد473
.63 ص9/2005 عدد2004 و1997 قضاء الغرفة اإلدارية في مجال الضرائب و التحصيل الفترة ما بين
474
Arrêt de la Cour de Cassation n° 922 en date 24/10/2007 dossier n° 2675/4/2/2005
http://www.jurisprudence.ma/decision/ccass24102007922 consulté le 16/01/2016 à 16:53
244
qu’il peut englober une infinité de litiges. Comme le cas du refus d'exécution
d'une décision judiciaire définitive par le fisc.
475
Albert TIBERGHIEN, Manuel de droit fiscal 2014-2015, Ed Wolters Kluwer/, Waterloo, Belgique 2014, p.33
245
priorité aux règles du droit fiscal qui sont selon cette instance, des règles
d'ordre général476.
476
Jugement du tribunal administratif de Rabat en date du 28/02/2013 dossier n° 163/7/2009 (non publié)
477
Arrêt de la cour d'appel administrative de Rabat n° 122/2 en date du 06/02/2014 dossier administratif n°
401/4/2/2012 (non publié)
478
Arrêt de la Cour de Cassation, n° 388 en date du 30/08/2012 dossier n° 845/4/2/2011(non publié
479
Arrêt de la Cour de Cassation n° 1053 en date du 20/12/2012, dossier n° 1452/4/1/2011 (non publié)
246
de Cassation, ayant confirmé un arrêt de la Cour d'Appel Administrative de
Rabat, qui avait interprété les dispositions de l'article 47 al 2 de la loi 24-86
instituant un impôt sur les sociétés (retranscrit actuellement dans l'article 193
du C.G.I.) de manière très élargie, en motivant sa décision par l'analyse des
intentions du législateur qui étaient à la base de l'instauration d'une obligation
de règlement des factures par l'un des moyens de paiement édictés par cet
article, sous peine d'appliquer sur le vendeur ou le prestataire de service une
amende de 6% du montant de la transaction. En effet, selon cette Cour,
l’objectif recherché par le législateur derrière cette diversité des moyens de
paiement étaient, d'un côté de faciliter les transactions commerciales, et d'un
autre, de rendre ces transactions plus transparentes, afin de permettre au fisc
de mieux les contrôler et de limiter la fraude fiscale. Cela signifie que le
règlement effectué par un procédé autre que ceux cités par cet article, peut
être accepté lorsqu'il permet à l'administration de contrôler ce paiement, sans
dol ni dissimulation du prix ou mauvaise foi du contribuable. On peut donc
admettre que les objectifs poursuivis par cette loi ont bien été respectés, et
donc il n'y a pas lieu d'appliquer les sanctions qu'elle prévoit. La Cour de
Cassation tire de ce raisonnement la conséquence qu'il y a lieu d'assimiler tout
paiement opéré par voie de versement en liquide dans le compte de la société
défenderesse à un virement bancaire au sens de l'article 47 de la loi 24-86480.
480
Arrêt de la Cour de Cassation n° 2/55 rendu par deux chambre le 22/01/2014 dossier n° 142/4/2012 (non
publié)
دراسة نماذج من المنازعات الجبائية واإلشكاالت المطروحة في الميدان العملي خالل: قواعد التقاضي في المادة الضريبية، حياة البجدايني481
98 ص،2010 ، دراسات قضائية ؛ دار اآلفاق المغربية للنشر والتوزيع: منشورات مجلة الحقوق المغربية،مراحل الوعاء والتصفية والتحصيل
247
l'unique voie de recours impartiale dont dispose le contribuable. Toutefois, en
dépit de ces efforts fournis par le juge fiscal marocain, les maux dont souffre la
justice marocaine décourage beaucoup de contribuables à y recourir. Il préfère
ainsi transiger avec l'administration dans un état de déséquilibre total des
droits et obligations plutôt que de recourir aux voies contentieuses jugées
coûteuses, incertaines et longues. C'est donc l'adage juridique : « un mauvais
arrangement vaut mieux qu’un bon procès » qui anime cet état d'esprit du
contribuable marocain. Dans cette perspective, il importe de penser à
développer des solutions pratiques capables de résoudre ces carences, dans le
but d'assurer une meilleure protection de la sécurité fiscale au contribuable.
482
Il faut préciser qu’on désigne par le terme justice aussi bien les instances judiciaires qu’arbitrales, dans la
mesure où ces deux voies de recours ont pour but de satisfaire la sécurité judiciaire du contribuable.
483
"How Can an Excessive Volume of Tax Disputes Be Dealt With? ", (A Tax Law Note), Par Victor
THURONYI, (Decembre 2012) le Fond Monétaire International (FMI). p. 31.
248
parmi les modes alternatifs de règlement de conflit, même s’ils s’inscrivent
dans la logique de l’évitement du procès fiscal, puisqu’ils ne présentent aucune
garantie d’indépendance et d’impartialité.
484
Karim SID AHMED, Droits fondamentaux du contribuable et procédures fiscales, étude comparative, tome 2,
éd L’harmattan, 2007, p. 51.
485
David RENDES, Pierre DELVOLVE et Thierry TANQUEREL, L’arbitrage en droit public, éd Bruylant,
Bruxelles 2010, p. 230
250
On peut ainsi citer l’exemple des États-Unis, où "l’Administrative Conference
of the United States" (ACUS)486 avait encouragé les agences fédérales à recourir
aux modes alternatifs de règlement de conflit notamment l’arbitrage depuis les
années 80. Mais, cette position ne veut pas dire que la question de
l’arbitrabilité d’un litige impliquant un Etat fédéral n’a pas suscité de débat.
Ainsi, au départ, "l’Office of legal Counsel" (OLC) avait considéré que l’arbitrage
des affaires opposant l’Etat à un citoyen était inconstitutionnel. Mais
progressivement, cette doctrine fut abandonnée en 1995 par l’OLC en jugeant
ce recours extrajudiciaire « conforme à la constitution dès lors que l’arbitre
tient son pouvoir d’un texte législatif et non exclusivement d’un contrat 487».
486
Il s’agit d’une agence ayant pour vocation de rechercher des améliorations de la procédure et du
fonctionnement de l’administration et de la justice.
487
Kevin JESTIN, "Vers un renforcement de l’arbitrage comme mode de résolution des conflits en droit fiscal ?
Analyse comparée France-États-Unis". In Jurisdoctoria n° 2, 2009, p. 76.
488
Richard SANSING, "Voluntary binding arbitration as an alternative to tax court litigation", in National Tax
Journal, Vol. 50, No. 2 (June, 1997), p. 279.
489
K JESTIN, article précité, p. 78.
251
à ce procédé qu’après avoir introduit une réclamation, qui devrait bien
entendu se solder par l’échec des négociations avec l’IRS490. A ce titre, le
contribuable doit formuler une demande adressée à l’administration, qui doit
répondre dans un délai de deux semaines. « Après notification d’acceptation,
les parties procèdent à la rédaction du compromis d’arbitrage, dans un délai
d’un mois, précisant les arbitres compétents pour trancher le litige, ces
derniers étant choisis parmi l’administration fiscale ou par un organisme
indépendant d’arbitrage. La sentence arbitrale doit être rendue dans un délai
de trois mois après la signature du compromis491 ».
490
David PARSLY, "The internal revenue service and alternative dispute resolution: moving from infancy to
legitimacy", in Cardozo Journal of Conflict Resolution vol. 8 n°2/2007, p. 711.
491
K JESTIN, article précité, p. 78.
252
L’abolition de cette institution en Géorgie a été fortement décriée par la
communauté des affaires492, puisqu’elle bénéficiait d’une large indépendance
vis-à-vis du gouvernement, en appliquant les règles de l’arbitrage privé, ce qui
interdisait aux fonctionnaires publics d’exercer les fonctions de l’arbitre. En
outre, et à la différence des États-Unis, le choix de l’option de l’arbitrage par le
contribuable était libre et sans exigence du consentement de l’administration
fiscale493.
492
"Business people Condemn Cancellation of Tax Arbitration", in Civil Georgia, ed 21/04/2005.
493
V. Note précité du Fond monétaire international, p. 38.
494
Si les parties n’arrivent pas à s’entendre sur le choix du troisième arbitre (président), c’est le Ethics
Committee of the Centre for Administrative Arbitration qui se charge de le désigner (article 6- parag 2- b- du
décret-loi n° 10/2011, 20 Janvier 2011 relatif à l’arbitrage fiscal, publié dans le site-web du Centre d’arbitrage
administratif, http://www.caad.org.pt/files/documentos/CAAD_AT-RJAT_OE2013_en.pdf, consulté le
07/03/2016 à 20:30)
253
1.000.000,00 €, l’arbitre président doit avoir soit une expérience dans le corps
de la magistrature soit le degré du doctorat en droit fiscal495.
495
V. Note précité du Fond monétaire international, p. 56
496
Francisco de Sousa da Câmara, "Arbitration as a Means of Resolving Tax Disputes", in European Taxation.
Ed. International Bureau of Fiscal Documentation (IBFD) November 2014, p. 499.
497
Legal Regime of Tax Arbitration, une présentation de la loi sur l’arbitrage fiscal, établie par le Centre
d’arbitrage administratif, connu par les initiales C.A.AD. p.1
http://www.caad.org.pt/files/documentos/CAAD_AT-RJAT_OE2013_en.pdf , consulté le 07/03/2016 à 18:04
498
L’article 25 du décret-loi n° 10/2011, 20 Janvier 2011 relatif à l’arbitrage fiscal.
254
Par ailleurs, l’arbitrage se distingue nettement des autres modes alternatifs
de règlement de conflit, dans la mesure où l’arbitre rend des décisions
obligatoires et exécutoires au même titre que le juge, à la différence du
médiateur et du conciliateur qui ne sont pas en mesure d’imposer leur solution
aux parties.
255
contrat de transaction dans le dahir du 9 ramadan 1331 (12 août 1913) formant
code des obligations et des contrats, et qui est défini par l'article 1098 en un
« contrat par lequel les parties terminent ou préviennent une contestation
moyennant la renonciation de chacune d'elles à une partie de ses prétentions
réciproques, ou la cession qu'elle fait d'une valeur ou d'un droit à l'autre
partie ». On est donc dans le terrain du négociable, qui supposerait que le fisc
dispose « de la capacité d'aliéner à titre onéreux, la chose sur laquelle il compte
transiger » (article 1099 du DOC), ce qui est catégoriquement incompatible
avec sa mission de service public. D’où l’intérêt de mettre en place la
médiation institutionnelle, en la faisant obéir à des règles spéciales régissant
l'organisation et les attributions de l'institution qui s'en chargera. Cela nous fait
penser à l'institution du Médiateur du Royaume du Maroc, qui a succédé à
l'institution de Diwan Al Madalim, pour moderniser le concept de Médiation
institutionnelle à l'instar des institutions d'ombudsman à l'échelle
internationale.
256
transparence dans la gestion des services publics, ainsi que de veiller à
l'exécution des décisions judiciaires en la dotant d'un pouvoir décisionnel
renforcé par des mesures dissuasives pouvant faire pression sur
l'administration récalcitrante pour exécuter ses recommandations et
propositions, pouvant s'élever à des interprétations des lois et règlements
susceptibles d’être à la base de l'initiation d'une réforme.
On lit dans ce sens dans l'une des recommandations de cette institution que
« la médiation institutionnelle constitue un cadre obligatoire pour
l’administration, chaque fois que des personnes y ont recours comme solution
alternative aux litiges500 ».
500
Recommandation au Président de la Commune Urbaine de M’diq (Dossier N° 23944/08), publiée à la revue
de l'institution du médiateur du Royaume de Maroc, n°2/ Août 2014, p. 30
Cette même position a été exprimée à maintes reprises par le Médiateur, voir notamment la recommandation au
Président du Conseil municipal de Dakhla (Dossier N° 20927/07) Ibid. pp. 28-29.
On peut également citer la recommandation objet du dossier n° 27223/10du 17/08/2015 publiée à la revue de
l'institution du Médiateur du Royaume de Maroc, n°6/décembre 2015 p. 33.
501
Revue de l'institution du médiateur du Royaume du Maroc n° 2/Août 2014, p. 25
257
Cette attitude du Médiateur est tout à fait critiquable, dans le mesure où
l'article 220-IV- du CGI considère le recours contre les décisions des
commissions locales de taxation devant la commission nationale des recours
fiscaux comme optionnel, et pour autant que le législateur prévoit un délai de
soixante (60) jours suivant la date de la notification aux parties de la décision
de la CLT pour porter le litige devant la CNRF. Si aucun recours n'a été formulé
au-delà de ce délai la décision de la CLT est réputée définitive. Mais cela
n'empêche pas le contribuable de porter le litige devant le tribunal. Et si on
raisonne par analogie, le recours au Médiateur du Royaume comme voie de
recours alternative à la justice devrait être ouvert au contribuable502.
502
Ce raisonnement n’est valable que pour les litiges nés avant la promulgation de la loi de finances 2016, en
vertu du principe de la non-rétroactivité des lois.
258
œuvre ses recommandations. Il peut même recommander de prendre des
mesures disciplinaires ou pénales le cas échéant, à l'encontre de l'agent qui
refuse d'exécuter une décision de justice définitive503… Au regard de toutes ces
qualités, on ne peut qu'encourager le recours à la médiation institutionnelle
pour résoudre les litiges fiscaux, sauf qu'il serait souhaitable de créer des
instances de médiation ou de conciliation spécialisées dans le domaine fiscal,
comme il est tendance de nos jours, et ce pour mieux assister le contribuable
devant l'administration fiscale.
503
Article 32 du Dahir du 17 Mars 2011 portant création de l’Institution du Médiateur, publié au B.O. n° 5926
259
a- Le conciliateur judiciaire en matière fiscale en Tunisie
Cette réforme remonte au 1er janvier 2002, date d'entrée en vigueur du code
des droits et procédures fiscaux (C.D.P.F)504, qui précise que le juge rapporteur
doit faire de son mieux pour rapprocher les points de vue de l'administration et
du contribuable, et dresser, le cas échéant, un procès-verbal signé par les
parties concrétisant l'arrangement convenu par les deux parties (article 60 du
CDPF).
504
La loi n° 2000-82 du 9 août 2000 portant promulgation du code des droits et procédures fiscaux dont l'article
7 a fixé la date d'entrée en vigueur le 1er Janvier 2002
260
procédure505. Ainsi, selon elle, la conciliation fiscale juridictionnelle est
inopérante pour la prévention du contentieux pour plusieurs raisons. La
première a trait au caractère non suspensif d'exécution de la procédure de
recouvrement de l'impôt contesté, ce qui rend le contribuable désintéressé par
cette procédure, d'autant plus que sa comparution devant le juge conciliateur
n'est pas obligatoire. D'un autre côté, il est difficilement concevable de voir
l'agent de l'administration proposer des réductions du montant de l’impôt
objet de l’arrêté de taxation au contribuable, puisqu'en pratique,
« l'administration désigne selon les cas un représentant permanent qui prend
en charge l’ensemble des dossiers d’un centre régional de contrôle des impôts
ou désigne l’agent chargé de la vérification du dossier pour la représenter506 ».
Enfin, l'auteur critique une autre pratique qui porte atteinte à l'égalité des
parties au procès, en mettant l'administration dans une position supérieure par
rapport au contribuable, qui devrait prendre l’initiative de présenter un projet
de conciliation à la demande du juge rapporteur, en la soumettant à
l'administration pour en donner son avis, soit favorablement soit
défavorablement.
505
Aïda KTATA, La conciliation juridictionnelle en matière fiscale, Revue Tunisienne de Fiscalité, n° 3, 2005,
p. 112
506
Ibidem p. 113
261
b- La médiation fiscale aux États-Unis
507
Kendall C. Jones, Thomas A. Cullinan, Joseph M. DePew,: "Practice note: Post apeals mediation", in Tax
Executive, n° 64 , July/August 2012, p. 311
262
que les parties restent libres d'adhérer ou pas au projet de règlement établi par
le médiateur. En outre, il est permis au contribuable de désigner un co-
médiateur, à condition qu’il se charge de sa rémunération508.
Il va sans dire que les formules de médiation fiscale proposées par l'IRS
présentent un avantage certain pour le contribuable, notamment en terme de
rapidité de leur résultat ainsi que de flexibilité et de simplicité de la procédure.
Néanmoins, en dépit de toutes ces qualités, le système de la médiation fiscale
aux États-Unis souffre d'une imperfection de taille consistant en l'appartenance
du médiateur au corps de l'IRS, ce qui peut rendre ce recours illusoire. Cette
même critique peut être adressée au service de la conciliation fiscale en
508
David Parsly, The internal revenue service and alternative dispute resolution: moving from infancy to
legitimacy, in cardozo journal of conflict resolution, Vol. 8/2007, p. 685,
509
https://www.irs.gov/Individuals/Fast-Track-Settlement-Small-Business-Self-Employed consulté le
18/04/2016 à 19:06
263
Belgique, avec une seule nuance au niveau de la nomination des conciliateurs
qui relève de la compétence du Roi.
c- Le Service de la conciliation fiscale en Belgique
510
Travaux préparatoires de l'article portant création du Service de conciliation fiscale. Document parlementaire,
Chambre des représentants de Belgique, le 29 Janvier 2007, Document ° 2873/001, p. 87,
http://www.dekamer.be/FLWB/pdf/51/2873/51K2873001.pdf consulté le 19/04/2016 à 19:16
511
Ibidem
512
L'article 116 de la loi du 25 avril 2007 portant dispositions diverses
513
Article 1er de l'arrêté royal portant exécution du Chapitre 5 du Titre VII de la loi du 25 avril 2007 portant des
dispositions diverses (IV)
514
Article 6 de l'arrêté précité
264
Cependant, la loi a posé des limites à l'accès à cette institution, en lui
permettant de refuser de traiter la demande de conciliation formulée par le
contribuable lorsqu'il apparaît aux conciliateurs que la demande est
manifestement non fondée, ou si le demandeur n'a manifestement pas
accompli les démarches auprès de l'autorité administrative compétente
concernée en vue de concilier les points de vue.
515
Pour donner plus de chances de réussite à la procédure de conciliation, une proposition de loi a été déposée le
13 novembre 2014, prévoyant une suspension du recouvrement à partir du moment où la demande de
conciliation a été déclarée recevable jusqu’à la décision finale du service de conciliation fiscale, et ce, pour une
durée de trois mois au maximum.
http://www.dekamer.be/flwb/pdf/54/0607/54K0607001.pdf consulté le 22/06/2016 à 10 :29.
265
Conclusion du Chapitre 2 :
D’un autre côté, il faut noter que la stipulation de ces droits au profit du
contribuable sera inefficace si le système de recours ne garantit pas une
impartialité et une efficience suffisante. C’est pour cette raison qu’il faut
penser à développer le recours devant les commissions à travers le
renforcement de leur indépendance vis-à-vis du pouvoir exécutif, en les
érigeant en institutions dotées d’une autonomie budgétaire et de gestion, ne
relevant d’aucun département ministériel. De même, la mise en place d’un
système de règlement alternatif de conflits serait très louable, à condition qu’il
ne soit pas obligatoire, afin de ne pas entraver le recours à la justice, qui reste
quand même le recours le plus impartial, mis-à-part les défauts liés à la longue
durée du procès et au manque de formation des magistrats dans le domaine
266
fiscal, et qui nécessite une intervention structurale dans tout le corps de la
justice.
267
Conclusion de la deuxième partie
516
Cité par Anne VERMES, "Les pionniers du management: le Maréchal Hubert Lyautey : Sidi Lyautey ou
l'autorité éclairée", in Managment, n°225, décembre 2014, p99
268
Conclusion Générale
269
L’analyse de notre système fiscal sous l’angle de la sécurité du contribuable,
nous a permis d’affirmer avec évidence la précarité de ce dernier à plus d’un
titre. On a pu à cet égard exposer quelques exemples illustratifs des zones
d’insécurités, où le contribuable opère dans l’incertitude totale. C’est ainsi
qu’au départ, on a commencé par exposer l’épineux problème de la
rétroactivité des normes fiscales, notamment la rétroactivité économique, qui
entraine par ricochet une instabilité de ces normes, puis une dégradation de
leur qualité. En passant par la suite à l’analyse des mauvaises pratiques de
certains agents du fisc, qui peuvent être illégales, comme la notification des
redressements fiscaux de manière automatique et sans motifs, ou s’inscrivant
dans la légalité totale, à travers le recours à la nouvelle procédure de la
notification, qui viole ouvertement le droit du contribuable à une procédure
contradictoire. Le tout, en l’absence d’un droit de recours efficace, garantissant
une accessibilité et une impartialité suffisante, que ce soit sur le plan
administratif, au moyen des commissions d’arbitrages ou de la réclamation
contentieuse, ou sur le plan judiciaire.
Toutes ces constatations nous ont guidé à creuser dans le droit comparé,
pour en puiser des solutions à ces problèmes. Mais vu les spécificités et les
traditions juridiques de chaque pays, un travail d’adaptation et d’amélioration
de ces solutions s’avère nécessaire, afin qu’elles puissent s’accommoder à
notre contexte national. A cet effet, on a pu illustrer plus loin, que la
consécration d’un droit à la sécurité juridique aura des répercussions négatives
sur notre système juridique à tradition légaliste. C’est pour cette raison qu’on a
proposé d’adopter des solutions dérivées à ce droit subjectif, ayant trait
seulement aux normes juridiques crées par une interprétation formulée par
l’administration fiscale. D’où l’intérêt de prévoir un dispositif d’encadrement
du pouvoir d’interprétation du fisc, limitant ses effets dans le temps, au moyen
270
de la notion de la "confiance légitime", ou celle de "la responsabilité de
l’administration pour avoir induit le contribuable dans l’erreur".
271
En ce qui concerne les textes fiscaux en vigueur, une relecture profonde de
tous ces textes est recommandée, dans le but de les simplifier autant que faire
se peut. Dans ce sens, les pouvoirs publics doivent refondre globalement le
code général des impôts, en essayant de conserver un certain équilibre entre
les intérêts du contribuable et ceux du trésor public. Les expériences
internationales dans ce domaine sont riches d’enseignements, marquées par
l’échec de certaines d’entre elles, et la réussite d’autres, dont la conclusion
principale qu’on peut tirer est que, l’aboutissement de tout projet de
simplification des textes fiscaux en vigueurs est conditionné par le courage
d’engager des réformes profondes dans le système fiscal en globalité, comme
ce fut le cas en Suède.
517
James SIMON, Adrian SAWYER, Tamer BUDAK, The Complexity of Tax Simplification : Experiences
From Around the World, Palgrave Macmillan (UK) 1st edition 2016.
518
L’Australie, la Chine, le Canada, la Malaisie, la Nouvelle Zélande, la Russie, l’Afrique du Sud, le Thaïlande,
la Turquie, le Royaume Uni et les Etats-Unis
272
de cette question en droit comparé que le juge joue un rôle central dans le
déroulement des procédures fiscales, particulièrement celles dont la mise en
œuvre risque de mettre en péril un droit fondamental du contribuable. A cet
effet, on a focalisé notre analyse sur d’une part, le droit au respect de la vie
privée, incluant en son sein le droit à la confidentialité et le droit au respect du
domicile, et d’autre part, le droit du contribuable à l’information. On cite à cet
égard l’exemple des perquisitions et des visites domiciliaires, que la plupart des
pays conditionnes le recours par une autorisation préalable du juge, en raison
de son caractère éventuellement attentatoire au droit au respect du domicile. Il
en est de même en ce qui concerne le respect de la confidentialité du
contribuable, où le suède constitue un bon exemple à suivre, notamment en
matière de protection des informations sensibles. Le législateur suédois a prévu
à ce titre une garantie originale, en permettant à l’administration fiscale et au
contribuable de solliciter l’arbitrage du juge chaque fois qu’un désaccord surgit
entre eux quant au degré de sensibilité et de l'importance des informations et
documents sollicités par l'administration.
273
A ce titre il importe de signaler que le législateur avait adopté récemment519
une procédure similaire au rulling fiscal en Belgique, appliquée en matière
douanière, et qui s’inscrit dans le « souci d’améliorer l’attractivité de notre
pays à travers l’instauration de plus de transparence et de prévisibilité »520.
Cette mesure permet aux importateurs et exportateurs de produire une
décision anticipée qui constitue une source d’informations nécessaires à la
réalisation de leurs opérations d’importation et d’exportation. Il s’agit d’une
avancée courageuse de la part de notre législateur, il importe à présent
d’étendre ce régime à la matière fiscale, dans le but d’améliorer la prévisibilité
du contribuable.
519
Article 3 de la loi de Finance n° 70-15 pour l’année budgétaire 2016 (B.O. n° 6423 Bis du 21/12/2015)
520
Circulaire N° 5558/210 de l’administration de la douane et impôts indirects datée le 29 Décembre 2015,
http://www.douane.gov.ma/adil/pdf/5558.pdf Consulté le 20/04/2017 à 6 :41.
274
réclamation, et ce en s’alignant au délai du recours en annulation pour excès
de pouvoir prévu dans l’article 23 de la loi n° 41-90 instituant des tribunaux
administratifs, et dont le quatrième paragraphe dispose que « le silence
conservé pendant une période de 60 jours par l'administration à la suite d'une
demande dont elle a été saisie équivaut sauf disposition législative contraire, à
un rejet. L'intéressé peut alors introduire un recours devant le tribunal
administratif dans le délai de 60 jours à compter de l'expiration de la période
de 60 jours ci-dessus spécifiée. »
275
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Lexique des termes juridiques, 2001, Dalloz, 13e édition.
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Vocabulaire Juridique - Association Henri Capitant, par Gérard CORNU,
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Webographie :
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Le site Web de la direction de l'information légale et administrative
auprès du Premier ministre en France :
http://www.ladocumentationfrancaise.fr/
Le site Web de la Fondation pour le Droit Continental :
http://www.fondation-droitcontinental.org
Le site Web de l'administration de la douane et des impôts indirects :
http://www.douane.gov.ma
Le site Web de l'administration fiscale américaine : https://www.irs.gov
Le site Web de l'administration fiscale australienne :
https://www.ato.gov.au/
Le site Web de l'administration fiscale du Royaume Uni :
http://www.tax.org.uk/
Le site Web de l'archive nationale du Royaume Uni :
http://www.nationalarchives.gov.uk/
Le site Web de l'Association Française de Droit Constitutionnel :
http://www.droitconstitutionnel.org
Le site Web de l'organisation de Coopération et de Développement
Économiques : http://www.oecd.org/
Le site Web du Centre d'arbitrage administratif au Portugal :
http://www.caad.org.pt
Le site Web du Conseil Constitutionnel Français : http://www.conseil-
constitutionnel.fr/
Le site Web du gouvernement fédéral Allemand :
https://www.bundesregierung.de/
Le site Web du journal le Monde : http://www.lemonde.fr
Le site Web du Journal l'économiste : http://www.leconomiste.com
Le site Web du National Taxpayer Advocate :
http://www.taxpayeradvocate.irs.gov
Le site Web du Sénat Français : http://www.senat.fr
Le site Web du Service des Décisions Anticipées en matières fiscales
(Ruling) en Bélgique : http://www.ruling.be/
Le site Web du service public de la diffusion du droit par l'Internet en
France : http://www.legifrance.gouv.fr
Le site Web du Think Tank juridique français "le Club des Juristes" :
http://www.leclubdesjuristes.com/
Le site Web du Tribunal administratif de Rabat : www.tarabat.ma/
286
Moteur de recherche des thèses françaises soutenues ou en
préparation : www.theses.fr/
Un site Web d'actualité français : http://www.linternaute.com
Un site Web de Jurisprudence : https://www.mahkamaty.com
Un Site Web de l'information Juridique au Maroc
http://www.marocdroit.com/
Un site Web français dédié à la communauté du droit :
http://www.village-justice.com
287
Table des matières
Introduction générale.............................................................................................................................. 1
A- La notion de la sécurité fiscale : .................................................................................. 3
B- Impact de la sécurité fiscale sur l'attractivité économique des territoires ................. 7
C- Problématique et méthodologie de la recherche ..................................................... 10
Première partie : ............................................................................................................................... 13
Chapitre I- Les manifestations de l’insécurité dans la norme fiscale et son application .............. 15
Section I- L’abus de rétroactivité en matière fiscale ................................................................. 17
§ 1- La rétroactivité des lois fiscales : ............................................................................... 20
A- La rétroactivité des lois de finances .......................................................................... 21
B- Les lois fiscales expressément rétroactives ............................................................... 28
1- La rétroactivité des lois fiscales en France ............................................................ 29
2- La rétroactivité des lois fiscales au Maroc............................................................. 32
§ 2– Le changement rétroactif de « la doctrine administrative » .................................... 35
A- Les causes de l’instabilité des lois fiscales ................................................................. 44
B- Les manifestations de la rétroactivité économique .................................................. 45
Section II- La sécurité juridique du contribuable face aux défis de la dégradation de la qualité
de la loi fiscale ........................................................................................................................... 47
§ 1- L’accessibilité matérielle : ......................................................................................... 48
§ 2- L’accessibilité intellectuelle ....................................................................................... 50
A- Caractéristiques de la notion de l’accessibilité intellectuelle ................................... 51
B- Quelques exemples des efforts déployés pour l’amélioration de l’intelligibilité du
droit fiscal ............................................................................................................................ 53
C- Manifestations de l’inaccessibilité intellectuelle du droit fiscal ............................... 56
Section III- La mauvaise application de la loi par les agents de l’administration fiscale ........... 59
§ 1- La désorganisation de la procédure du contrôle fiscal ............................................. 60
A- Les critères de sélection des contribuables objets de contrôle fiscal ....................... 61
B- La notification à l’approche de l’échéance de la prescription.................................. 63
§ 2- Le redressement fiscal comme moyen de rendement budgétaire ........................... 64
A- Les redressements systématiques et non motivés ................................................... 65
288
B- Les effets du pouvoir transactionnel de l'administration fiscale sur la sécurité du
contribuable ........................................................................................................................ 69
Section IV- La problématique de la procédure de notification fiscale ...................................... 72
§ 1- L’évolution de la procédure de notification dans le droit fiscal marocain................ 73
§ 2- La fin du principe du contradictoire et l’avènement de l’insécurité du contribuable76
Conclusion du premier chapitre : .......................................................................... 79
Chapitre II- Incapacité du contentieux fiscal à garantir la sécurité fiscale au contribuable ......... 80
Section I- Une faible position du contribuable face au fisc devant les instances d’arbitrage... 82
§ 1- La nature juridique des commissions arbitrales ....................................................... 84
A- La nature arbitrale des commissions fiscales ............................................................ 84
B- La nature judiciaire des commissions........................................................................ 86
C- La nature administrative des commissions ............................................................... 87
§ 2- L’évaluation de l’efficacité des commissions arbitrales dans le cadre de la protection
de la sécurité fiscale du contribuable à la lumière de sa nature juridique .............................. 91
A- La préservation de la sécurité fiscale du contribuable par les commissions de
recours fiscaux..................................................................................................................... 91
B- La déficience des commissions de recours pour la préservation de la sécurité du
contribuable ........................................................................................................................ 94
Section II- La réclamation contentieuse : le premier affrontement déséquilibré entre le fisc et
le contribuable. ......................................................................................................................... 98
§ 1- La réclamation contentieuse : le filtre des litiges fiscaux avant l’étape judiciaire .... 99
A- Le caractère non suspensif d’exécution de la réclamation contentieuse ............... 100
B- Délai excessivement long pour une réponse facultative ........................................ 101
C- De la réclamation contentieuse à l’accord à l’amiable ........................................... 102
§ 2- La position dominante de l'administration fiscale lors de la procédure de la
réclamation............................................................................................................................. 103
A- La liberté de l’administration de garder le silence en matière de réclamation ...... 104
B- L’agent instructeur : juge et partie dans la procédure de réclamation .................. 105
Section III- Insuffisance de la sécurité judiciaire du contribuable pour l’établissement de sa
sécurité juridique..................................................................................................................... 107
§ 1- L'acception du principe de la sécurité judiciaire ..................................................... 109
A- L'accès à la justice.................................................................................................... 110
1- Le droit d’être entendu par un juge impartial ..................................................... 111
2- Les droits de la défense ....................................................................................... 112
3- Le droit d'obtenir un jugement dans un temps raisonnable ............................... 115
289
B- L'exécution des décisions judiciaires ....................................................................... 117
§ 2- La limite de la sécurité judiciaire du contribuable .................................................. 121
A- Une accessibilité limitée du contribuable à la justice fiscale .................................. 122
B- L'insécurité judiciaire lors du procès fiscal .............................................................. 125
C- L'inexécution des décisions de justice ..................................................................... 130
Conclusion du deuxième chapitre ....................................................................... 134
Conclusion de la première partie ........................................................................ 135
Deuxième partie : Les moyens de renforcement de la sécurité fiscale du contribuable ................ 136
Chapitre I: Le renforcement de la sécurité fiscale du contribuable à travers le réaménagement
de la norme fiscale ...................................................................................................................... 137
Section I – L’aspect temporel de la sécurité fiscale : L’impératif de prévisibilité et de stabilité
de la norme fiscale .................................................................................................................. 138
§ 1- Les moyens subjectifs assurant la prévisibilité du contribuable ............................. 140
A- La consécration du droit à la sécurité juridique ...................................................... 141
B- L'incidence de la subjectivation de la sécurité juridique sur le droit objectif marocain
……………………………………………………………………………………………………………………………147
C- Quelques alternatives dérivées du droit fondamental à la sécurité juridique tirées
du droit comparé ............................................................................................................... 150
1- Limitation du pouvoir d’appréciation de l’administration fiscale ....................... 151
a- Les articles L80A et L80B du livre des procédures fiscales français ................. 151
b- La responsabilité de l'administration pour avoir induit le contribuable en erreur
…………………………………………………………………………………………………………………….155
2- La responsabilité sans faute de l’Etat du fait des lois.......................................... 156
§ 2- Les moyens objectifs voués à la préservation de la prévisibilité du contribuable .. 157
A- Les manifestations ponctuelles du principe de la sécurité juridique dans le droit
marocain............................................................................................................................ 158
1- Le principe de la non-rétroactivité des lois ......................................................... 159
2- Le principe de la prescription .............................................................................. 161
3- Les accords préalables sur les prix de transfert .................................................. 163
B- Quelques techniques juridiques de la préservation de la prévisibilité du contribuable
en droit comparé ............................................................................................................... 166
1- La consultation préalable de l'administration fiscale .......................................... 166
a- Le rescrit fiscal en France ................................................................................. 167
b- Le ruling fiscal en Belgique ............................................................................... 169
2- Les mesures législatives d'accompagnement pour les normes fiscales nouvelles
………………………………………………………………………………………………………………………171
290
Section II- L'aspect formel de la sécurité fiscale : l'amélioration de la qualité de la norme
fiscale ....................................................................................................................................... 174
§ 1- Le contrôle de la qualité des normes fiscales avant leur adoption ......................... 176
A- Le contrôle d'intelligibilité et d'accessibilité des lois fiscales par un organisme
indépendant ...................................................................................................................... 176
B- L'étude de l'impact des projets de lois sur le contribuable ..................................... 180
§ 2- La simplification des normes fiscales en vigueur .................................................... 184
A- La codification comme moyen de simplification fiscale .......................................... 186
1- L'histoire de la codification fiscale en droit comparé.......................................... 186
2- La codification fiscale au Maroc .......................................................................... 188
3- La méthodologie de la codification fiscale et la maintenance des codes ........... 191
B- La simplification par voie de refonte du Code Général des Impôts ........................ 192
1- L'échec de l'expérience française en matière de simplification du droit fiscal ... 193
2- L'expérience britannique en matière de refonte de la législation fiscale ........... 196
3- Le modèle suédois en matière de refonte de la législation fiscale ..................... 197
Conclusion du chapitre 1 ..................................................................................... 199
Chapitre 2- La préservation de la sécurité fiscale du contribuable comme fondement de l'Etat de
droit ............................................................................................................................................. 201
Section 1- La sécurité fiscale à travers le renforcement des droits et libertés fondamentales du
contribuable ............................................................................................................................ 203
§ 1- Le droit du contribuable au respect de sa vie privée .............................................. 205
A- Le droit au respect du domicile du contribuable .................................................... 206
1- La détermination de la notion du domicile ......................................................... 207
2- La protection judiciaire du domicile fiscal ........................................................... 210
B- Le droit au respect de la confidentialité du contribuable ....................................... 213
1- La notion de confidentialité en droit fiscal .......................................................... 213
2- La protection de la sécurité fiscale du contribuable par le respect de sa
confidentialité ............................................................................................................. 216
§ 2-Droit du contribuable à l'information ...................................................................... 218
A- Le droit du contribuable d’être informé sur ses droits et obligations .................... 219
1- Le modèle des chartes et déclarations établies par l'OCDE ................................ 221
2- L'information du contribuable en Australie ........................................................ 223
3- L'information du contribuable aux Etats-Unis d'Amérique ................................. 224
B- Le droit du contribuable à l'information dans les procédures fiscales ................... 227
Section 2- La sécurité fiscale à travers la bonne administration de la justice fiscale ............. 230
291
§ 1- La contribution du juge fiscal marocain pour la préservation de la sécurité fiscale du
contribuable ........................................................................................................................... 232
A- L'adoucissement de la rigueur de certaines règles procédurales ........................... 232
1- Une lecture restrictive des dispositions de l'article 219 du CGI relatif à la
notification .................................................................................................................. 233
2- La protection judiciaire du droit du contribuable à l'accès à la justice ............... 235
B- La protection du contribuable contre les abus de pouvoir de l'administration fiscale
240
1- Le contrôle de la légalité des décisions de l'administration fiscale..................... 240
§ 2- Une meilleure administration de la justice pour une meilleure sécurité du
contribuable ........................................................................................................................... 248
A- La consécration du recours à l’arbitrage pour le règlement des litiges fiscaux ...... 249
B- La conciliation et la médiation : deux alternatives à la judiciarisation du procès fiscal
255
1- L'institution du Médiateur du Royaume du Maroc ............................................. 256
2- La médiation et de la conciliation institutionnelles spécialisées dans les litiges
fiscaux .......................................................................................................................... 259
a- Le conciliateur judiciaire en matière fiscale en Tunisie.................................... 260
b- La médiation fiscale aux États-Unis.................................................................. 262
c- Le Service de la conciliation fiscale en Belgique ............................................... 264
Conclusion du Chapitre 2 :................................................................................... 266
Conclusion de la deuxième partie ....................................................................... 268
Conclusion Générale............................................................................................................................ 269
292