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La monarchie: un choix de raison

Dans le débat récent au sujet de la monarchie, deux types d'arguments furent avancés. L'un consistait à
dire que la royauté n'était pas une institution démocratique, car le Roi n'est pas élu. L'autre acceptait la
monarchie en Belgique pour des motifs d'opportunité. Exemples, par Rudolf Rezsohazy, chroniqueur.

Publié le 18-12-2002 à 00h00

La monarchie: un choix de raison

©Johanna de Tessières

Dans le débat récent au sujet de la monarchie, deux types d'arguments furent avancés. L'un consistait à
dire que la royauté n'était pas une institution démocratique, car le Roi n'est pas élu (1). L'autre acceptait
la monarchie en Belgique pour des motifs d'opportunité: elle est l'élément principal de la cohésion du
pays.

Je ne pense pas que le caractère héréditaire du trône lui ôte la légitimité démocratique. Sans être
consacré par le vote, un roi ou une reine jouit dans la population d'un consensus tacite et, dans certaines
circonstances, explicite(2). Par contre, dans certains régimes républicains, 20pc des électeurs au premier
tour suffisent pour devenir président. En Espagne, c'est grâce à la monarchie que la démocratie a été
restaurée. C'est encore le Roi qui fut le rempart le plus solide contre une tentative de putsch militaire.

Trois critères doivent être remplis pour qu'un régime puisse être considéré comme légitime: la
souveraineté populaire s'y exerce librement ; les droits de l'homme y sont respectés ; les problèmes de la
société y sont résolus efficacement.

La souveraineté populaire est au coeur de la démocratie. Mais rien ne garantit qu'une majorité
parlementaire ne vote des lois contraires aux droits de l'homme: il suffit que l'extrême droite ou
l'extrême gauche arrive au pouvoir par les urnes. Enfin, à quoi sert la démocratie si elle ne parvient pas à
résoudre les problèmes du pays? La république de Weimar et la IVe république en France sont mortes à
cause de leur incapacité à maîtriser des crises aussi graves que la dépression économique des années 30
ou la guerre d'Algérie. Sous l'angle des trois critères mentionnés, ne peut-on pas affirmer que les sept
monarchies (Royaume-Uni, Suède, Danemark, Pays-Bas, Belgique, Luxembourg, Espagne) sont parmi les
pays les plus enviables au monde?

La démocratie est, sans doute, le meilleur système pour faire émerger les hommes et les femmes les plus
populaires. Mais les démocraties républicaines (surtout si elles sont présidentielles ou semi-
présidentielles) ont cette faiblesse que les personnes portées à la magistrature suprême ne sont pas
nécessairement les meilleures. Si nous comparons la Belgique et les Etats-Unis depuis 1830, chez nous
six rois ont accédé au trône, tandis que la république étoilée a connu plus de quarante présidents. Alors
que nos rois se sont succédé dans l'ordre de la filiation et que les présidents ont été choisis par le peuple,
j'ose prétendre que la balance, en matière de qualité des chefs d'Etat, penche vers la Belgique. En tout
cas, je préfère Baudouin Ier à Bill Clinton et Albert II à George W.Bush.
L'explication tient à plusieurs facteurs. Le successeur au trône ne doit pas poser sa candidature à son
poste. Il n'est pas un ambitieux qui doit se pousser en avant. Il n'entre en concurrence avec personne, il
peut donc éviter les intrigues, les crocs en jambe, se permettre d'être modeste (observez dès maintenant
les personnes comme Sarkozy ou Juppé ou d'autres qui fourbissent déjà leurs armes en vue de l'après-
Chirac).

C'est en effet la concurrence qui fausse le jeu. Pour gagner dans la compétition, les candidats, chacun
représentant un parti, doivent se fabriquer une image et les électeurs se prononcent à travers le miroir
déformant tendu par les conseillers en communication et les directeurs de leur campagne. Il est connu
que Nixon a perdu face à Kennedy car il paraissait mal rasé lors de leur confrontation à la télévision (la
remarque `achèteriez-vous une voiture d'occasion à ce type-là?´ l'a définitivement coulé).

L'héritier est préparé et se prépare à son futur `métier´. Il apprend plus ou moins longtemps. Il ne vient
pas du cinéma comme Reagan, de l'industrie pétrolière comme Bush ou du commerce des cacahuètes
comme Carter (il n'y a pas de sot métier et Carter s'est révélé un homme sincère et plein de
dévouement... comme quoi, en politique, tout est possible). Et, si Dieu lui prête vie, le souverain reste
longtemps. Il faut de la durée pour que son influence se déploie, pour que sa figure s'inscrive dans la
conscience publique, pour donner de la stabilité à sa fonction. Il n'est pas périodiquement affaibli
comme un président dont la dernière année de mandat est paralysée par l'approche des élections
suivantes.

Je n'ai aligné que des arguments qui peuvent être soumis à la discussion. Je n'ai pas parlé de sentiments.
Or, être royaliste ou républicain relève aussi des émotions, voire des passions. Mais la raison a plus de
chances d'éclairer les opinions.

Source :

https://www.lalibre.be/debats/opinions/2002/12/19/la-monarchie-un-choix-de-raison-
3IFIAXN4XREADKKGTFK4QSHLFI/
La monarchie, stop ou encore?
L'avenir de la monarchie est directement lié à sa capacité à entretenir la population dans l'illusion qu'elle
est absolument indispensable, notamment à la survie de l'Etat belge. Le Palais ne ménage d'ailleurs pas
sa peine, dans sa politique de communication, pour nous convaincre que la monarchie d'aujourd'hui est
résolument moderne et inoffensive.

Publié le 23-10-2005 à 00h00

La Belgique reste une monarchie constitutionnelle. Mais pour combien de temps? Le roi, ciment du pays
ou anachronisme désuet et aujourd'hui inutile?

Nadia GEERTS

secrétaire générale

du Cercle républicain

(www.crk.be)

L'avenir de la monarchie est directement lié à sa capacité à entretenir la population dans l'illusion qu'elle
est absolument indispensable, notamment à la survie de l'Etat belge. Le Palais ne ménage d'ailleurs pas
sa peine, dans sa politique de communication, pour nous convaincre que la monarchie d'aujourd'hui est
résolument moderne et inoffensive. Car en fait, la monarchie a bien plus besoin de nous que nous
n'avons besoin d'elle. Le déficit démocratique de la monarchie est indéniable, puisqu'elle repose sur le
privilège de la naissance, une neutralité factice et le secret, mais beaucoup de gens, tout en étant
conscients de cela, se résignent à cette institution archaïque parce qu'ils sont persuadés qu'il serait
impossible à la Belgique de fonctionner autrement. Il est temps de sortir de cette logique du pis-aller. Car
la république, ce n'est pas seulement pour les autres: elle est possible ici aussi, pour peu qu'on fasse
preuve d'un peu d'imagination et d'audace.

Georges JACOBS

président honoraire

d'UCB.

Pourquoi être partisan de la monarchie en Belgique?

D'un point de vue subjectif, même si certains ont une certaine pudeur à l'exprimer, les Belges sont
profondément attachés à «leur» famille royale. Cela correspond à une tradition séculaire qui se vérifie
encore aujourd'hui dans les grandes occasions (mariage, naissance, décès,...), mais aussi dans de
multiples aspects de la vie quotidienne (visites et dialogues ponctuels dans les domaines sociaux,
culturels, sportifs, etc.).
D'un point de vue objectif, l'institution de la Monarchie parlementaire belge constitue un exemple de
stabilité. A part l'abandon de la loi salique sur les droits des femmes à la succession, les principes
constitutionnels de 1830 n'ont subi aucune modification, malgré les formidables changements de
contexte, y compris ceux affectant la structure de la Belgique.

Par ailleurs, l'institution est une chose, et ceux qui l'incarnent en sont une autre. La qualité intrinsèque et
le professionnalisme du Roi et sa famille, confirmé par l'immense support de la population, garantit le
bon fonctionnement de l'institution. Les souverains belges et leur famille ont contribué et contribuent
largement au développement et au rayonnement de notre pays.

Enfin, imaginer, dans le contexte belge, les inconvénients liés à toute alternative à la Monarchie devrait
faire réfléchir les esprits critiques.

Francis BALACE

historien (ULg)

En ce début de XXIesiècle, la monarchie belge, ou devrions-nous dire «à la belge», donne l'exemple


original d'une institution qui, loin de glisser vers l'obsolète, semble être plus ancrée dans le consensus
populaire qu'elle ne le fût jamais, sauf en de courtes périodes d'unanimité comme 1914-18 ou les «deuils
nationaux» de 1934, 1935... voire 1993. Paradoxalement, au fur et à mesure de la lente diminution des
pouvoirs royaux, dans le processus décisionnel et même en partie dans le rôle traditionnel de
«magistrature d'influence», l'institution royale, et la personne du Souverain surtout, ont pris allure de
«valeurs-refuges», de point d'ancrage pour les Belges, surtout francophones, désorientés voire
déboussolés par la prolifération soudaine d'instances «européennes» qu'ils connaissent mal et dont les
«directives» (quel vilain nom) bouleversent leurs habitudes, et la prolifération parallèle de rouages
communautaires et régionaux aux abondants «décrets». Ce n'est pas là le tant dénoncé «repli
identitaire» ou de vains regrets passéistes mais le besoin de pouvoir se référer à un passé proche et
connu pour apaiser les angoisses du présent et surtout d'un futur inconnu.

L'autre aspect fondamental de l'évolution de la monarchie en Belgique, c'est son nouveau côté familial,
et donc reflet des préoccupations essentielles des citoyens en quête de cocooning, et l'aspect
débonnaire incarné par les qualités personnelles d'accueil et de bonhomie d'Albert II, synthèse vivante
de ce qu'il y a de meilleur dans notre peuple. Après 1918, on a pu écrire qu'Albert Ier avait su gagner la
bataille institutionnelle en gagnant les «contestataires officiels» qu'étaient les socialistes d'alors à une
«monarchie de raison». Baudouin et Albert II ont remporté une autre victoire -sans bataille- en gagnant
l'immense majorité des Belges, et ce y compris des secteurs populaires jadis hostiles par tradition, à un
royalisme de coeur et de sentiment, le seul qui soit assuré de survivre aux aléas de la grisaille ambiante,
d'autant plus que les «affaires» en tout genre déçoivent ou indignent les masses. A la vision pessimiste
d'un roi-prêtre de liturgies nationales déclinantes par manque de fidèles au nord du pays, je préfère
croire encore au roi-digue, au mainteneur, à celui qui saura empêcher toutes les aventures.

Jean-Marie DEDECKER,

sénateur VLD
La monarchie est un héritage discriminatoire du Moyen-Age. L'essence de la démocratie réside dans le
droit indiscutable de la population de choisir ses dirigeants et de pouvoir leur demander des comptes.
Dans une monarchie constitutionnelle comme la nôtre, le roi doit signer les lois et nommer les ministres,
et ne peut même pas en répondre au Parlement. Il est même le grand patron de l'armée, et cela
seulement sur base héréditaire.

On n'hérite pas du pouvoir et de l'influence dans une société moderne, on les mérite selon ses
compétences. La fonction royale doit sortir de la Constitution, et ne plus avoir de compétences
législatives. La tâche du roi doit devenir purement protocolaire comme dans d'autres pays européens
(Suède, Grande-Bretagne, Norvège,...). La monarchie comme théâtre populaire subsidié suffit à combler
le besoin émotionnel d'une partie de la population. Les princes et princesses et leurs escapades parlent à
l'imagination et fournissent son lot de littérature bon marché. Pour ce dernier rôle, nous pouvons encore
donner une dotation au roi. Les enfants, comme dans chaque famille, doivent apprendre à subvenir à
leurs propres besoins.

Une république n'est pas forcément nécessaire. La Suisse est aussi une démocratie et n'a pas de
président ou de monarque. Le président du Parlement assume cette charge. Comme cela se passe pour
le Canada fédéral et l'Australie. Avec une petite visite de la reine buveuse de thé tous les dix ans, la
démocratie dans ses pays tourne tout de même à plein régime. Cela épargnerait au contribuable chaque
année 25 millions d'euros et l'insupportable légèreté de la fonction serait aussi dès lors moins visible.
Grâce au rendement de leur empire riche de milliards arrachés par Léopold II grâce à la sueur et au sang
des Congolais et amassés dans la donation royale, les Saxe-Cobourg ne devraient jamais mourir de faim.

© La Libre Belgique 2005

Source :

https://www.lalibre.be/debats/opinions/2001/10/26/la-belgique-en-2019-avec-ou-sans-monarchie-
PNQFGTR7IRGALOPRAPSQ44BK2A/
La Belgique en 2019... avec ou sans
monarchie?
Politiquement «asexuée», elle doit transcender les clivages entre ethnies, partis et couches sociales. Un
contre-poids face au rouleau compresseur supra-national

CHRISTIAN KONINCKX

Publié le 25-10-2001 à 00h00

©Illu Serge Dehaes

HISTORIEN - AUTEUR (*) PROFESSEUR VLAAMS UNIVERSITEIT BRUSSEL

Poser cette question à l'historien, c'est lui demander de faire de la prospective. Cela relève du paradoxe,
puisque professionnellement, sa préoccupation majeure c'est tout le contraire, notamment écrire
l'histoire, analyser le passé.

Prétendre que l'historien, par sa connaissance du passé, a accumulé plus de vingt siècles d'expérience,
fera sans doute sourire; mais peut-être est-il quand même autorisé à deviner plus aisément l'avenir. Non
pas qu'il soit en mesure de le prédire très concrètement, mais plutôt d'en esquisser les variantes
possibles ou probables dans le futur. Encore faut-il qu'il fasse abstraction de ce qu'il souhaiterait
personnellement.

Dans l'Union européenne, les monarchies sont au nombre de sept sur quinze Etats-membres - soit un
peu moins que la moitié. Elles ne représentent plus que 41 pc de la superficie des territoires habités et
au moins 37 pc de la population. La tendance à l'abolition de la monarchie en tant que régime politique,
amorcée à la Révolution française et amplifiée à la fin de chaque guerre mondiale, semble pourtant
s'être tassée depuis 1945. Cependant, la question mérite d'être posée: le développement ultérieur de
l'UE va-t-il ou non réamorcer puis accélérer ce processus? A notre avis, il est clair que dans ce contexte,
les chances de survie ou les risques de disparition des monarchies encore existantes sont identiques pour
les républiques. Si d'aucuns prônent le rétrécissement des Etats, voire leur dissolution, au bénéfice d'une
redéfinition de l'Etat-Nation, à une échelle plus petite, suite à une régionalisation de l'Europe et de
l'application du principe de subsidiarité (Maastricht, 1991), d'autres, par contre, rêvent de la suppression
des Etats au profit d'un empire nouvelle formule. Gardons pourtant en mémoire l'anéantissement ou la
dislocation jadis d'autres empires (Empire romain, Saint-Empire et d'autres) et plus récemment,
l'éclatement de l'Union soviétique, et ce à l'opposé du mouvement centripète insufflé par le haut dans
l'UE. Tous ces développements témoignent des paradoxes constants dans l'histoire du vieux continent.

C'est sur ce point précis que l'historien, fort des expériences du passé, peut rafraîchir les mémoires en
rappelant qu'en Europe, au cours des siècles, bien des peuples se sont soulevés pour conquérir leur
indépendance, afin de mettre un terme à l'autorité centraliste, souvent étrangère et établie à l'étranger.
C'est aussi sur ce même point que se dégage toute l'importance de la monarchie comme système
politique. Politiquement «asexuée», à l'opposé de la république, du moins en principe et par essence,
elle permet de transcender les clivages entre ethnies, partis politiques et couches sociales, pour
rassembler et unir. Dans le même temps, elle se porte garante des droits et libertés durement acquis
contre toutes atteintes, émanant tant de l'intérieur que de l'extérieur.

D'autre part, au niveau de l'Etat actuel, l'émancipation croissante de l'individu, la fragmentation des
partis politiques, la multiplication des groupes de pression, les composantes de plus en plus
multiculturelles, ne permettent plus que, du scrutin, se dégage une majorité politique claire et nette.
L'arithmétique démocratique pure paraît ne plus être applicable face au risque de marginaliser nombre
de minorités pourtant représentatives en terme d'individus. Un autre danger est de laisser la voie libre à
une oligarchie de «leaders» politiques «sans frontières», chez qui les attaches avec la base sont
devenues de plus en plus floues. A ce stade, il nous semble que la monarchie, plus que la république,
puisse mieux parer à l'étouffement de ces minorités, des petites nations-peuples et du simple citoyen. La
monarchie, dénuée de coloration politique, est tout indiquée pour faire contre-poids, en même temps
qu'elle est en mesure d'atténuer sensiblement l'effet d'un rouleau compresseur supra-national.

Cet impact bénéfique que nous pensons pouvoir attribuer à la monarchie, ne devrait pour autant pas
entraver les ententes ou accords en vue d'élaborer des politiques communes au sein d'entités plus
vastes que l'Etat, tel que l'UE.

En dehors du baume qu'elle transpire et des sentiments qu'elle insuffle, la relance dont jouit la
monarchie aujourd'hui - sa restauration (Espagne) ou éventuelle restauration (Bulgarie, Roumanie,
Russie), l'intérêt qu'elle suscite dans les médias, soit-il parfois très critique - indique qu'elle est toujours
d'actualité et pas du tout démodée. Catalyseur du rassemblement et de l'union, là où la république n'a
pas réussi, sauf par la contrainte, elle devrait inspirer ceux qui, baignant dans le bien-être, souhaitent la
déchirure, voire la cassure, pour s'approprier un pouvoir restreint et par conséquent moins efficace.

(*) «Le roi Baudouin. Une vie une époque» (1998), Racine, Crédit Communal; «Tout savoir sur le Roi en
Belgique» (2000), Ed. Kluwer.

© La Libre Belgique 2001

Source :

https://www.lalibre.be/belgique/2013/11/13/combien-coute-la-monarchie-belge-
7SAKIQ2CIVGBFH7GE45WGHTRAM/

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