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21/11/2018

Introduction
Un système est un ensemble d’élément interdépendant et interagissant confronté aux facteurs
de déséquilibre et d’instabilité provenant de son environnement. Le système politique selon
David Easton théoricien du systèmisme, c’est l’allocation des ressources et des avantages à
travers des décisions faisant autorité dans la société qui est conçu comme le produit des
interactions entre des individus cherchant la satisfaction de leurs besoins personnels. Dans le
modèle Easton le système politique est considéré comme un lieu opaque et obscure qui
échappe à l’entendement d’où sa désignation par la notion de boite noire. Pour Easton la seule
réalité connaissable reste les transactions multiformes entre le système et son environnement.
On distingue les inputs et les outputs.
Les inputs sont des messages ou impulsions que le système reçoit de l’environnement ce sont
en effet le3s exigences (attentes ou demandes sociales) et les soutiens (manifestations en
faveur du système).
Les outputs sont le produit de la réaction du système aux exigences et soutiens. Ils expriment
à travers des décisions et des actions. La régulation désigne alors le processus de maintien
d’un Etat stationnaire en sachant intégrer pour les annulés l’effet des perturbations extérieurs.
Le cours de système politique sénégalais pourrait être envisagé sous l’angle du systèmisme
mais cela pose le problème épistémologique de laisser de côté l’étude des institutions en elle-
même comme l’ensemble de contraintes et de ressources qui souvent détermine le
comportement et les stratégies des acteurs. A cela s’ajoute que le systèmisme semble être une
théorie a-conflictuelle parce qu’étant une théorie du changement stabilisateur. Et présente en
ce sens l’inconvénient de ne point permettre d’étudier comment les contradictions politiques
provoquent des changements dans les structures institutionnelles Et comment les structures
institutionnelles régulent les contradictions politiques.
Le cours de système politique sénégalais est un cours qui à cheval sur le droit l’histoire et la
science politique pour expliciter la sociologie de la construction démocratique au Sénégal.
Cette option pédagogique et académique s’exprime par la profondeur historique et
anthropologique des racines de la démocratie au Sénégal. En effet les royautés traditionnelles
sénégalaises étaient toujours tempérées par des mécanismes de limitation du pouvoir par le
truchement du pouvoir magicoreligieux dépositaire de la coutume et par les règles et
structures constitutionnels de désignation et de contrôle du souverain. Le roi était assisté par
le conseil du peuple où toutes les catégories de la société (homme libre, captif, maitre de la
terre, marabout, tièdo, …).
Dans le royaume du sine l’autorité selon Léopold Sédar Senghor repose sur la prédominance spirituel
la connaissance des traditions, l’expérience de la vie, le sens des responsabilités, mais également sur
certaine qualité comme l’honneur, la kerssa, la persévérance (Diom), la patience (mougn). (Note)

C’est en 1970 qu’est enclenché une lutte d’indépendance dont le meneur le plus distinguer fut
DIAL DIOP jusqu’à 1812 date à laquelle fut fonder la république parlementaire lébou.
L’assemblée composée de deux collèges : l’assemblée générale de Dakar et l’assemblée des
notables du quartier. Ce sont ces chef qui sélectionné au sein de l’une des grandes familles
lébou un sérigne ndakaru chef, juge et instance d’appel suprême de la communauté, éducateur
du peuple dont l’origine est un principe maraboutique. Il choisissait aussi le diarraf titre donné
auparavant au gouverneur nommé par le damel. Celui-ci fixait l’époque des semailles, réglait
les disputes sur les terres et les questions d’héritages en même temps il faisait respecter
l’ordre public. Le troisième personnage officiel désigné par l’assemblée était le ndeye ndu
rew « ministre de l’intérieur et des affaires étrangères », il fut dite chargé des contacts avec
l’administration française. Les deux collèges avaient l’obligation de le consulter avant de
prendre toutes décisions. Il devient le porte-parole du peuple et on lui donna même le pouvoir
de forcer le sérigne de rendre compte si cela s’avérait nécessaire. C’était lui qui signé les
traités avec les nations des contrées.
Ainsi selon Makhtar Diouf, La république lébou du cap vert « une véritable république
n’ayant rien à envier au modèle occidentaux ni au plans de l’antériorité ni au plan de
cohérence des structures d’organisations ». Dans le même ordre d’idée, la république
théocratique de THIERNO BAAL instaurer en 1776 a constitué une véritable révolution à
travers les principes édictées contre l’arbitraire et l’exploitation.
1ère choisissait un homme savant pieux et honnête qui n’accapare pas les richesses de ce bas
monde pour son profil personnel ou pour celui de ces enfants.
2ème principe détrônait tout imam dont vous fortune s’accroitre et confisquait l’ensemble de
ses biens.
3ème principe combattez et expulser le s’il s’entête.
4ème principe veiller biens à ce que l’imama ne soit pas transformer à une royauté héréditaire
où seul les fils succèdent à leur père.
5ème principe l’imam peut être choisi dans n’importe qu’elle tribut.
6ème principe choisissait toujours un homme savant et travailleur.
7ème principe il ne faudra jamais limiter le choix à une seule et même tribu.
8ème principe fondez-vous toujours sur le critère de l’aptitude.
De même l’histoire coloniale peut être convoquée dans la construction de la tradition
démocratique du Sénégal. En effet en 1789 la colonie du Sénégal avait envoyé depuis saint
louis des cahiers de doléances du Sénégal à Versailles. Il existait déjà en 1776 un maire
nommé à saint louis sous la monarchie de juillet une ordonnance 7 septembre 1840 institue le
conseil général de la colonie, une sorte de parlement locale avec des compétences restreintes
en matière budgétaire, établissement de l’assiette de l’impôt et du montant des taxes et
perceptions. Le 30 octobre 1848, des élections pour la représentation de la colonie au palais
Bourbon ont été organisées (Assemblée Nationale Française). Cette représentation est
supprimée par le prince président Napoléon le 02 février 1852 et confirmé en 1871 sous la
3ème république dont l’universalisme ira en faveur de l’extension du mouvement communal
dans l’empire français. Les communes de plein exercice de Saint-Louis et Gorée sont alors
créées par un décret du 10 aout 1872, de Rufisque par un décret du 12 juin 1880 et de Dakar
par un décret du 17 juin 1887. Ces communes fonctionnaient sur la base du suffrage universel
et de la gestion libre des affaires locales. De 1840 à 1914 ce sont les négociants européens
Bordelais le plus souvent et les métis ou mulâtres qui dominent la scène politique jusqu’à
l’élection de Blaise Diagne le 10 mai 1914 qui a marqué un tournant décisif dans la prise de
conscience et dans la maturité de l’électorat noir. Blaise Diagne est constamment réélu
jusqu’à sa mort en 1934.
La forte tradition démocratique que voilà explique que le cours sera articulé autour d’une
sociologie de la construction démocratique du système politique sénégalais.
CHAPITRE I : LA PROBLEMATIQUE DE LA CONSTUCTION DEMOCRATIQUE
ENTRE AFFIRMATION AUTORITAIRE ET LIBERALISATION POLITIQUE
La construction démocratique est ici envisagée à travers les luttes de pouvoirs au sein de
l’élite politique. Elle repose sur la logique de l’affirmation d’un pouvoir personnel qui
entraine des résistances et des réticences de forces socio politiques qui entretienne un
mouvement de libéralisation politique.
SECTION I : DE LA REPUBLIQUE PARLEMENTAIRE A L’AUTORITARISME
MODERE
Après l’éclatement de la fédération du mali institué par la constitution du 22 janvier, le
Sénégal adopte une nouvelle constitution celle du 26 août 1960. Celle-ci avait instauré un
régime parlementaire avec un bicéphalisme du pouvoir exécutif incarné par Léopold Sédar
Senghor président de la république et Mamadou Dia président du conseil.
La crise politique du 17 décembre 1962 va provoquer une rupture entre les deux ordres ainsi
de la fin de la république on passe alors du partage du pouvoir au pouvoir sans partage. Mais
en quoi a tenu la crise du 17 décembre 1962. L’accord tacite de la primauté des instances
partisanes sur les organes constitutionnels assurait l’équilibre et le fonctionnement
harmonieux du système de parti Etat.

19/12/2018
La rupture du consensus intervint du moment où un groupe de député influent de l’U0PS,
Abdoulaye FOFANA, Maguette NDOYE, Doudou THIAM, Ousmane NGOM, Théophile
JAMES, Lamine GUEYE, Boubacar GUEYE, Xar Ndoféne DIOUF, décident de déposer une
motion de censure contre le gouvernement de M.DIA. Le président du conseil en même temps
ministre de la défense réquisitionne le 17 Décembre 1962 les forces de gendarmerie pour
s’opposer à la réunion des députés au siège de l’assemblée nationale. Il demande à un
détachement de la gendarmerie de faire évacuer l’Assemblée Nationale et 4 députés furent
interpelés (T.JAMES, M.LO, A.FOFANA, M.CISSE). L’arbitrage de l’armée tourne en
faveur de Senghor, Le PR. Du Conseil est arrêté le 18 Décembre en même temps que les
ministres qui le soutenait. Les parlementaires qui lui avaient manifesté leur attachement
verront leur immunité levée. L’assemblée nationale adopte le 7janvier 1963 une résolution
demandant la traduction de M. DIA devant la Haute Cour de Justice, accusée d’avoir tenté un
coup d’Etat. C’est finalement le 09 juillet 1963 que le PR. DIA est jugé par la Haute Cour de
Justice. Bien qu’ayant toujours soutenu qu’il ne voyait pas la nécessité de faire un coup
d’Etat, vu qu’il disposait de la réalité du pouvoir, il est condamné à perpétuité après un procès
d’une durée de 5jours. Ces compagnons écopent de peines moins lourdes que la sienne,
Valdiodio NDIAYE, Ibrahima SARR et Joseph MBAYE sont condamnés à 20 ans de
réclusion Criminel et Aliou Tall à 5ans d’emprisonnement. Ils ne sont libérés que le 28 mars
1974 à la faveur d’une grâce présidentielle.
Sur le plan juridique, la crise est liée à la dyarchie (deux têtes) instaurée au sein de l’exécutif
par la constitution du 25 Aout 1960 qui cherche à institué un équilibre non pas entre l’exécutif
et le législatif mais entre les deux fractions de l’exécutif : la présidence de la république et la
présidence du conseil. C’est ainsi qu’il résulte de l’examen de la charte fondamentale de
1960, l’existence de compétence concurrente entre deux autorités concurrentes par leur statut
et leur rôle dans le fonctionnement du régime qui prédispose au conflit. SENGHOR exposant
son programme de gouvernement le 19 Décembre 1962 s’inscrit dans la même
perspective : « à vrai dire les structures de notre Etat, notre constitution sont plus responsables
dans cette douloureuse affaire, que les caractères des hommes quoi qu’on dise. L’éclatement
du Mali avait prouvé qu’une fédération à deux était impossible. La fin d’une collaboration de
17 ans prouve qu’en Afrique pour le moment, l’exécutif bicéphale est impossible ». (Depuis
la création du BDS).
Mais le conflit n’était pas seulement d’ordre constitutionnel et formel, il était aussi politique
opposant un courant pro-français et conservateur incarné par SENGHOR et un courant
prosoviétique et progressiste incarné par M.DIA favorable à l’application des réformes
d’indépendances et de développement économique fondés sur un socialisme autogestionnaire
inspiré par Tito (Pr Yougoslavie) et qui menaçait les intérêts de la métropole et des
marabouts. En définitive les circonstances politiques ont été déterminantes dans l’avènement
du pouvoir personnel instauré par Senghor, la crise de la fédération du Mali, élection de 1960
troublé par la violence, la crise du 17 décembre 1962 notamment. Le président Senghor
estimé alors qu’il fallait mettre en place un pouvoir fort qui devait reposer sur le monolithisme
politique et idéologique et qui adoptait une constitution qui lui accordât des droits exorbitant.
Le Pr. De la république concentre ainsi entre ses mains tout le pouvoir en sa qualité de chef de
l’Etat, de chef du parti hégémonique qui devient un parti unique d fait à partir de 1966 et en
qualité de père de la nation. Il n’est ainsi responsable qu’en cas de haute trahison ou de
violation intentionnelle de la constitution, ce qui dans la pratique n’a guère une signification
symbolique. A la suite d’une expérience de 4 ans, le Pr Senghor procède à une nouvelle
révision constitutionnelle en date du 20 Juin 1967 à l’effet de faire coïncider le mandat du Pr.
De la république avec celui de l’assemblé nationale pour une durée identique de 5ans tout en
modifiant par ailleurs l’allocation du pouvoir entre l’exécutif et le législatif.
Dès lors le Pr. De la république détenait le pouvoir de dissoudre l’assemblée nationale en cas
de conflit, la dissolution devant entrainer obligatoirement la démission du Pr de la république.
Ainsi le conflit entre les deux pouvoirs devait-il être résolu par l’arbitrage du peuple
souverain, qui peut donner tort au Pr en élisant un autre ou alors désavouer les parlementaires
opposants et renvoyer à l’assemblée nationale une majorité cohérente favorable à la politique
présidentielle.
Sur le plan politique Senghor construit son hégémonie en combattant toutes les forces
politiques voulant émerger au moyen de la répression policière et judiciaire qu’elles aient été
des forces clandestines avec des stratégies de subversion par la violence ou de simple
association de partis politiques, même si certaine organisation comme le PAI (Parti marxiste-
léniniste ) semblent jouer sur les deux registres. En effet le PAI après sa dissolution, suite aux
élections violentes de 1960 poursuit ses activités clandestines au Sénégal et à l’étranger. Un
premier conseil constitutif s’est tenu à Bamako en 1962, MAJMOUD DIOP est élu secrétaire
général, Babacar NIANG et Seydou CISSOKO deviennent ses adjoints directs. La
propagande reprend ainsi que les distributions de tracts et du journal « moom sa
réw indépendance », utilisant à leur compte la solidarité internationale. Des jeunes désœuvrés
(sans emploi, occupation) sont recrutés en 1963-1964 et envoyés à l’université Patrice
LUMUMBA en URSS, alors que d’autres sont initiés aux techniques de la guérilla en Cuba.
22 d’entre eux s’infiltrent au Sénégal Oriental pour y mener une agitation en milieu rural.
Inadapté au contexte et mal préparés cette activité subversive échoue Les fauteurs de trouble
sont dénoncés, capturés et condamnés à des peines de prisons d’un an à 30 mois par le
Tribunal Spécial de Dakar, le 19 Mars 1966. Un autre groupe délivré s’active au Mali d’où il
tente de déstabiliser le gouvernement sénégalais. Ainsi l’opposition clandestine est traquée,
jugée et condamnée. Une stratégie des plus subtile est utilisée par Senghor contre les partis
légaux de l’opposition susceptibles d’appuyer le PAI. Le 15 Septembre 1961 est constitué le
bloc des masses sénégalaises dirigé par Samba DIOP alors que l’une des vice-Pr est confiée à
l’Ex ministre de la justice du Mali Boubacar DIEYE et le secrétariat général à l’historien
Cheikh Anta Diop. Des contacts sont entrepris par le parti au pouvoir sur les suggestions du
khalife général des Mourides. Ces pourparlers ayant abouti en parti, on assiste au départ de
B.GUEYE et une partie des membres du bloc que rejoint le PS. Profitant de cette division le
ministre de l’intérieur prend un arrêté constant la dissolution du parti de l’opposition. CAD et
S.DIOP organise la parade en créant le front national sénégalais le 3 Novembre 1963 prenant
acte de la jonction du nouveau mouvement politique avec les partisans de M.DIA ex président
emprisonné, qui sont devenus majoritairement la direction du front, la décision de dissoudre
celui-ci intervient fondé sur des craintes de déstabilisation du gouvernement qui explique la
décision. Une unité d’organisation et d’action est tentée contre le parti dominant de Senghor
et regroupe le Parti du Regroupement Africain (PRA), les militants du PAI qui évoluent dans
la clandestinité, les anciens militants du Front National et quelques opposants esseulés faisant
liste commune aux élections législatives sous la bannière de Démocratie et Unité Sénégalaise
(DUS). Mais personne n’accepte de concourir avec Senghor pour la présidentielle qui se
tenait en même temps. Une première escalade de la violence se produit avec l’incendie d’une
permanence du mouvement majoritaire le 25 novembre alors que le 29 on assiste à des
batailles rangées et à l’assassinat d’un policier.
Le secrétaire général du PRA en appelle à l’arbitrage des militaires et gendarmes qui « ne
sauraient demeurer indifférents à ce qui se passe à la maison, à ce qui arrive à leurs frères et à
leurs sœurs au devenir de leur pays. » Il est arrêté pour incitation à la rébellion ; ce qui rajoute
à la tension. De nombreux actes de violences sont décomptés à Rufisque, à Thiès mais surtout
à Dakar. La police et la gendarmerie interviennent. L’armée est appelée en renfort. Le bilan
est lourd : 11 morts et de nombreux blessés dont des enfants et des adolescents.
L’épisode des élections de 1963 fut l’un des plus sanglants de l’histoire politique du Sénégal.
Si elles ont abouti à des troubles et manifestations durement réprimés, cela était en partie lié
au caractère inique (injuste) du mode de scrutin qui avait été mis en place pour décourager
toute opposition. Il s’agit du scrutin majoritaire à un seul tour avec une seule circonscription
le territoire national.
Mais il faut dire que malgré cette répression, le régime de Senghor a su garder une certaine
mesure considérée ou qualifiée en cela d’autoritarisme modéré comme le confirme Christian
Coulon (spécialiste du Sénégal des années 1980 et auteur de marabout et prince) « le régime
n’a jamais débouché sur un Etat policier ou inspiré par la violence. » Dans le même sens du
caractère modéré de l’autoritarisme senghorien, Me Abdoulaye Wade, lors d’une conférence
organisée par le Club Nation et Développement en 1969, affirme « alors que la dictature est
instaurée dans la plupart des pays d’Afrique, notre pays en a été épargné. Les craintes que les
uns et les autres avaient pu manifester sur ce point ont été tôt dissipées parce que le président
de la république n’avait pas le tempérament d’un dictateur bien qu’il avait tout pour exercer la
dictature. Qu’il soit incontestable que le régime présidentiel que nous vivons présente un vice
fondamental qui est la grande centralisation avec son corolaire (conséquence évidente)
l’irresponsabilité des autres, je suis le premier à l’admettre. Mais il est juste de reconnaitre
que disposant des mêmes pouvoirs que les autres chefs d’Etats, Senghor a laissé la
magistrature indépendante et fait respecter les libertés fondamentales. »

Après la répression, l’autre arme redoutable détenue par le président Senghor est la cooptation
(fait d’inclure dans une structure d’autres membres avec l’avis des uns qui la composent)
stratégie idéologiquement enrobée par la nécessité de réaliser l’unité nationale par l’unité
partisane. Dès lors après la vague de la répression, le courant s’établit lentement entre la
formation politique du président Senghor et le PRA. Un premier rapprochement se fait à la
suite d’une crise interne du PRA dont les scissionnistes menés par Malick Dione, Yaya
Traoré, Ibrahima Diouf et Moussa Thiam créent le PRA Rénovation et rejoignent en février
1964 le parti présidentiel non sans préciser au préalable que leur désaccord avec leurs
camarades de parti se situait « non pas sur le programme et le sigle… mais sur le partage des
responsabilités politique et gouvernemental. » Mais la majorité du parti reste dans
l’opposition.
Les péripéties ou rebondissements judiciaires consécutifs aux élections de décembre 1963
avec particulièrement la condamnation du leader du PRA Abdoulaye Ly à une peine
d’emprisonnement de deux (2) années vont conduire progressivement à un nouveau
rapprochement avec le parti au pouvoir. En effet, le président Senghor prend un décret en date
du 04 avril 1965 qui accorde une remise de peine au dirigeant du PRA dans un premier temps
avant de poser un autre acte politique en ouvrant des négociations secrètes avec les
responsables de ce parti. C’est ainsi qu’en mai et juin 1966 le président Senghor en
compagnie d’Abdoulaye Fofana et d’Alioune Badara Mbengue rencontre Abdoulaye Ly,
Assane Seck et Abdoulaye Gueye.
Ces pourparlers aboutissent à un accord signé le 13 juin 1966 dont voici la teneur « entre
l’Union Progressiste Sénégalaise et le PRA Sénégal, convaincus de la nécessité de réaliser
l’unité africaine pour la sauvegarde et la consolidation de l’indépendance nationale et pour
l’accélération du développement social du Sénégal conformément aux aspirations populaires ;
constatant la convergence de leurs points de vue sur l’orientation générale et l’accord sur la
façon réaliste d’aborder la question du programme, il a été convenu ce qui suit : 1)
l’unification dans le cadre de l’UPS 2) la participation de 10 membres du PRA Sénégal au
bureau politique de l’UPS 3) la participation de 54 membres du PRA Sénégal au conseil
national de l’UPS 4) l’unification à la base… 5) la participation au gouvernement de 3
membres du PRA Sénégal ».
Face à l’imminence des élections générales, il est fort probable qu’un arrangement ait été
trouvé concernant le nombre de sièges de députés à réserver au PRA. Dans la foulée, le
président Senghor prend un décret portant remaniement ministériel et nomme ministre de la
République Amadou Makhtar Mbow à qui est confié le département de l’Education Nationale,
Abdoulaye Ly qui dirige le ministère de la Santé Publique et Assane Seck celui des Affaires
Culturelles. Le parti de Senghor engrange ainsi environ 20.000 nouveaux adhérents. Le 03
juin 1966, Samba Diop président de l’ancien Front National se rallie à son tour au parti de
Senghor.
L’entreprise de contrôle politique du régime de Senghor s’étend aussi aux syndicats qui sont
intégrés dans le régime pour neutraliser leur capacité de nuisance politique à travers
l’idéologie de la participation responsable. Celle-ci consistait essentiellement à leur octroyer
des postes ministériels et des sièges à l’assemblée nationale.
Là où le bât blesse dans cette formule de participation au pouvoir c’est qu’il est fort à craindre
que les luttes syndicales ne soient détournées de leurs objectifs d’amélioration des conditions
d’existence matérielle et morale des travailleurs pour ne porter que sur la compétition pour
accéder aux postes attribués aux dirigeants syndicaux. Selon leur degré d’allégeance et de
loyauté au pouvoir. Car Domestiqués, les syndicats cessent alors d’être des contre-pouvoirs.
En conséquence, on peut dire qu’avec l’idéologie de la participation responsable, on assiste à
la neutralisation des syndicats comme forces politiques comme le souligne L. S. Senghor lui-
même « la réalisation de la participation responsable a permis d’éviter la multiplication des
grèves qui caractérise les régimes parlementaires en Europe surtout il est vrai dans les pays
latins. De temps en temps, il y a des grèves sauvages bien sûr mais tout de suite la direction de
la Confédération Nationale des Travailleurs Sénégalais intervient. C’est la paix sociale qui
nous a permis en grande partie de surmonter la sécheresse qui en 18 années d’indépendance a
sévi neuf fois et d’avancer quand même. » Mais le pouvoir de Senghor n’est pas épargné pour
autant des troubles dans la mesure où les grands évènements de 1968-1969 avec les grèves
des ouvriers et des étudiants combinées le développement des activités politiques clandestines
ont violemment ébranlé le régime. Dès lors ces difficultés à gérer le pouvoir de manière
autoritaire vont convaincre le président Senghor a opéré des réformes politiques.
SECTION II/ LA DECONGESTION DU SYSTEME POLITICO ADMINISTRATIF
Cette décongestion est allée dans deux (2) sens. D’une part la déconcentration du pouvoir
exécutif et d’autre part l’ouverture contrôlée du jeu politique.
PARAGRAPHE I : LA DECONCENTRATION DU POUVOIR EXECUTIF
Dans ces réformes de relâchement autoritaire, il s’est d’abord s’agit d’une décongestion du
pouvoir exécutif car la très forte centralisation du pouvoir entre les mains du président de
la république était source de déresponsabilisation pour toutes les autorités politique et
administrative. Le but de la révision constitutionnelle du 26 février 1970 était d’y remédier
grâce à une déconcentration de l’exécutif qui permettait dans le même temps de régler le
problème de la succession du président Senghor.
Il ne s’agissait pas d’une remise en cause fondamentale du présidentialisme mais seulement
d’une réadaptation de celui-ci comme l’affirme Saïd Michel Adjani « En effet, il s’agissait de
permettre au président d’être secondé par un gouvernement qui assure dorénavant la
responsabilité de l’exécutif non seulement devant lui mais également devant le législatif qui
contrôlera son action sans pour autant mettre en cause la responsabilité du président ». En
d’autres termes, il a fallu procéder à une division du pouvoir exécutif de déconcentrer le
régime présidentiel de 1963, cela pour mettre fin à ce que le président Senghor appelait le
poncepilatisme (néologisme formé par Senghor qui veut dire s’en laver les mains) pour que
ses collaborateurs aient une responsabilité personnel devant le Président de la République et
devant l’Assemblée Nationale. Concrètement, il s’agissait de mettre en place un
gouvernement présidé par un premier ministre solidairement responsable devant le Président
de la République et devant l’Assemblée Nationale.
Néanmoins le système reste présidentiel en ce sens que c’est le président seul qui détient la
plénitude du pouvoir exécutif. Ainsi le premier ministre dirige quotidiennement le
gouvernement et à travers ce dernier l’administration détient tant dans le domaine pratique
que dans le domaine juridique un certain pouvoir distinct du pouvoir du président de la
république qui donne dès lors sa teneur à l’idée d’un exécutif présidentiel déconcentré.
A cela, s’ajoute le prestige personnel du président Senghor perçu aux yeux des masses et des
leaders politiques comme l’unique chef du pays et des institutions qui fait du premier ministre
un fidèle collaborateur qu’il se charge de former en vue de sa succession. A côté de la
décongestion du système politico administratif il y a également l’ouverture contrôlée du jeu
politique.
PARAGRAPHE II : L’OUVERTURE CONTROLEE DU JEU POLITIQUE
Celle-ci est étroitement liée ou associée à Abdoulaye Wade. En effet, ce dernier va d’abord
s’illustrer dans le cadre du Club Nation et Développement qui était un forum de discussions,
de dialogues et d’échanges créé après les événements de 1968. Il permettait une expression
canalisée des revendications, de participation dans un contexte où l’Etat pour asseoir son
autorité devait faire preuve d’imagination tant dans le domaine économique que politique.
S’interdisant toute activité politique, les buts de ce club était de constituer un groupe de
réflexion, de recherches et de travail, d’entreprendre des études sur les questions concernant la
nation et son développement, de stimuler la création artistique et littéraire, de contribuer à
l’édification d’une démocratie sénégalaise authentique par la participation large et
responsable des cadres à la construction de la nation, d’engager un dialogue permanent avec
les autorités et les forces vives de la nation. Abdoulaye Wade fut l’un des animateurs de cette
association. Lors d’une conférence intitulée « Options structurelles pour un développement
optimal » présenté le 24 janvier 1969 et présidé malgré son caractère hérétique (qui s’écarte
des fondements d’une doctrine) par le ministre de la culture d’alors Alioune Sène, Abdoulaye
Wade dégage les principaux reproches faits au régime de Senghor :
- Premièrement d’un côté un régime présidentiel dont la tare essentielle est la grande
centralisation et partant l’irresponsabilité des autres autorités administrative et
politique.
- Deuxièmement d’un autre côté beaucoup de cadres et de jeunes sénégalais qui,
marginalisés par le régime, n’ont pas de prises réelles sur la vie quotidienne.
- Troisièmement enfin des masses privées de structures d’accueil, d’institutions
capables de les faire participer dans leur environnement immédiat à des projets conçus
en fonction de cette participation donc des masses non conscientisées et à la limite in-
conscientisables.
Abdoulaye Wade finit par militer à l’UPS en 1970 et s’engage à la base dans son terroir natal
de Kébémer. Aux élections pour le poste de secrétaire général de la coordination
départementale, il obtient d’après lui 1001 voix contre 804 pour son adversaire Dourou Fall.
Mais en l’absence de commissaire politique, les résultats ne furent pas entérinés ou validés et
lors de la réunion du bureau politique du parti, son adversaire fut déclaré élu. C’était en juin
1971. Abdoulaye Wade dénonce alors les blocages anti-démocratiques qui existent au sein du
parti au pouvoir et décide de démissionner officiellement de l’UPS. Elu en décembre 1971
doyen de la faculté de droit et de sciences économiques, en désaccord avec le pouvoir tant sur
le plan politique que sur les mesures économiques, il est sommé autrement dit il lui est fait
injonction de choisir entre l’enseignement et le barreau sous prétexte d’une incompatibilité
entre les deux fonctions.
En 1972, il quitte l’université et se livre à des activités de consultance auprès de
l’Organisation de l’Unité Africaine et de la Banque Africaine de Développement. C’est alors
qu’il rédige en aout 1973 le manifeste démocratie et développement signé par 200 cadres
sénégalais. Ce texte est conçu « plutôt comme une contribution à la réorientation de la
politique nationale. » Il se donne pour objectif « moins d’engager une polémique que
d’affirmer avec détermination un point de vue sur la direction qu’il convient désormais de
donner à la politique nationale et à la gestion des affaires publiques. »
Le manifeste s’articule autour de thèmes majeurs tels que l’apport d’une contribution à la
réorganisation de la politique nationale, le refus de cadres sénégalais d’être marginalisés, la
primauté accordée au militantisme étant préjudiciable à la démocratie, à la compétence et à la
valeur personnelle, le rappel avec force du panafricanisme, la contestation de la stratégie de
développement qui repose principalement sur l’aide extérieur et qui n’accorde pas la priorité
aux ressources humaines ce qui explique une vaste ouverture démocratique, l’adoption d’une
stratégie visant la révision des accords liant le pays à l’extérieur de manière à les inscrire
davantage dans le sens de l’effort national. Bref le Manifeste des 200 se prononçait en faveur
d’une politique résolument africaine, d’une démocratie réelle, d’une véritable politique
nationale de développement économique et social et d’une politique d’indépendance
nationale. Il sera intimement lié à la future création du PDS. Le contexte politique d’alors est
ambigu avec un parti unique de fait et un multipartisme de droit puisque la constitution du 07
mars 1963 disposait en son article 3 « les partis et groupements politiques concourent à
l’expression du suffrage, ils sont formés et exercent leurs activités dans les conditions
déterminées par la loi. Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la
démocratie. » Cette inadéquation entre le droit et le fait a ramené le président Senghor à parler
de parti unifié que plutôt de parti unique. Saisissant cette opportunité, Abdoulaye Wade
mandaté par le groupe des 200 décide par simple courtoisie selon son expression d’informer
le président Senghor gardien de la constitution de sa volonté de créer un parti politique
conformément à un droit reconnu par la charte fondamentale. A l’occasion d’un entretien avec
le président Senghor à Mogadiscio lors du 10ème sommet des chefs d’Etats de l’OUA,
Abdoulaye Wade lui soumet le problème et le président accède immédiatement à sa demande.
Instamment Me Wade avertit alors la presse et choisit de présenter ce parti comme un parti de
contribution et non d’opposition pour éviter de heurter des esprits habitués à la césure abrupte
entre parti au pouvoir et partis d’opposition. Le 31 juillet 1974, le PDS dépose ses statuts
conformément à la loi et obtient son récépissé de déclaration délivré par le ministre de
l’intérieur le 08 aout 1974 qui était synonyme de reconnaissance légale. Mais il existe
également deux autres raisons intéressantes qui sont à la base de la création du PDS. Ce sont
le refus d’un éventuel chantage politique pour obtenir une position de pouvoir au sommet en
menaçant de créer une dissidence d’une part et d’autre part la volonté prêtée au président
Senghor de faire adhérer son parti à l’international socialiste qui exigeait le pluralisme
partisan. Concernant la première raison, Abdoulaye Wade ayant été un militant de l’UPS dont
il a démissionné, le président Senghor pensait qu’il s’agissait de sa part d’une stratégie pour
rebondir. La seconde raison est liée au désir du président Senghor d’intégrer l’international
socialiste pour redorer son blason et pour accroître son prestige international.

09/01/2019
Mais la création du PDS de Me A. Wade avait incité d’autres dirigeants politiques à formuler
des demandes de reconnaissance légale.
Dans cette optique, une réforme constitutionnelle est mise en œuvre à travers un tripartisme à
contenu idéologique. Le courent sociale et démocratique pour Senghor, le courant libéral et
démocratique pour Wade et le courant marxiste –léniniste pour le PAI de Mahjmoudh DIOP.
Dans l’exposé des motifs de cette loi constitutionnelle on peut lire « s’il apparait que le
régime u parti unique pourtant de plus en largement adoptée dans de nombre pays dans le
monde particulièrement en Afrique n’est pas souhaitable pour le Sénégal et que le pluralisme
des partis politiques est une garanties du lire exercice de la démocratie par les citoyens dans la
diversité de leur opinion on peut penser cependant qu’une prolifération des partis politiques
peut également constituer un péril mortel pour le bon fonctionnement des démocraties. Il est
donc apparu souhaitable tout en conservant le principe du pluralisme de limiter son exercice
en précisant qu’il ne pourra exister simultanément dans notre pays plus de 3 partis politiques
correspondants à des courants de pensées différents »
En effet, la loi n°76-26 du 06 avril 1976 abrogeant et remplaçant l’article 2 de la loi n°75-68-
du 09 juillet 1975 relative aux partis politiques disposait que « les trois partis politiques
autorisés par la constitution doivent représenter respectivement les courants de pensées
suivants libéral et démocratique, socialiste et démocratique, marxiste-léniniste ou
communiste. Les statuts des trois partis politiques doivent se référer expressément et
respectivement à l’un de ces trois courants de pensées. »
En outre, ce texte précisait que les partis politiques pouvaient être dissous par décret motivé
dès lors que les déclarations répétées de leurs responsables nationaux les motions et décisions
prises publiquement par leurs instances nationales prouvent qu’ils ne respectent pas les
objectifs définis par leur statut par référence à l’un des trois courants de pensées mentionnées
à l’alinéa 1.
Pour ce qui est des courants idéologiques, il faut dire qu’Abdoulaye Wade avait choisi
initialement l’idéologie travailliste avant de se résigner à accepter l’étiquette libérale qui a été
collée de force à son parti pour éviter sa dissolution. Le travaillisme originel de Me Wade
s’inspirait de l’Angleterre et de la doctrine du mouridisme car pour lui, le Sénégal étant un
pays pauvre, il ne saurait fonder son développement sur le facteur capital sauf à l’emprunter et
à devenir indéfiniment débiteur. Le travaillisme de Wade se fonde alors sur le travail comme
premier facteur de production. C’est un travaillisme différent de celui britannique où il s’est
agi après une longue période d’accumulation de procéder à une redistribution du profit en
faveur du facteur travail. Cet aspect est retenu dans le travaillisme de Wade en plus des
possibilités d’utiliser à titre gracieux le facteur travail pour des tâches d’intérêt national.
Quoiqu’il en soit les partis politiques reconnus étaient tenus de rester dans le corset
idéologique imposé par la loi car la limitation tripartite des courants était selon les tenants du
pouvoir une manière d’élever le débat politique. Elle obéissait donc selon les gouvernants à
une volonté de privilégier la confrontation des idées et des projets de société afin de
transcender les clivages interpersonnels et endiguer les ambitions individuelles du pouvoir
d’où une organisation du jeu politique autour d’idéologies structurantes. Au demeurant, on
comprend difficilement qu’une loi puisse contraindre un parti d’adopter une manière de voir
le monde. Ainsi, en imposant des carcans de prêts à penser aux formations politiques dès le
départ et dont le non-respect entraine la dissolution par simple décret (acte juridique émanent
du pouvoir exécutif), ce sont les notions de libertés d’expression et d’association qui sont
bafoués. Car de deux choses l’une soit on nourrit une idéologie contraire à ses convictions, à
ses aspirations soit on développe des idées qui ne reflètent pas l’idéologie que la loi impose et
le parti est dissout.
Le président Senghor avait bien mûri sa décision car le résultat aurait été le même si la
reconnaissance de trois partis était prévue, qui devaient ensuite choisir librement leur
idéologie ? Le cas échéant ils auraient été en effet quasiment impossibles de sortir du schéma
senghorien d’autant plus que la loi prévoyait que si deux parties se réclament de la même
idéologie, seul le plus ancien sera autorisé. Par conséquent, le socialisme démocratique lui
était attribué d’avance car son parti avait été créé en 1948 bien avant le PDS qui, donc, ne
pouvait se réclamer de ce courant.
Par ailleurs, le PDS rejetait l’idéologie marxiste qu’il jugeait comme contraire aux réalités
sénégalaises. Encore que le marxisme-léninisme était l’idéologie d’un parti créé en 1957 le
PAI devenu clandestin après sa dissolution en 1960 suite aux violences enregistrées aux
élections de cette année et qui lui été imputé.
En posant ces barrières idéologiques et juridiques, Senghor écartait un autre opposant Cheikh
Anta Diop qui en février 1976 avait introduit une demande de reconnaissance qui fut rejeté
pour vice de forme.
Ce parti était dans tous les cas exclu car il véhiculait comme idéologie le nationalisme. Par
pragmatisme autoritaire donc le constituant et le législateur de 1976 imposaient le nombre de
partis, les idéologies des partis et l’identification des partis aux idéologies. Mais en définitive,
la loi des trois courants était ambiguë car elle constituait un recul par rapport au multipartisme
illimité posé ou illustré par la constitution mais qui n’existait plus dans les faits en raison d’un
processus d’absorption des partis politiques concurrents de l’UPS et en raison de la répression
systématique de toute velléité d’opposition. Vu le contexte d’autoritarisme modéré d’alors, la
loi des trois courants est cependant une avancée car en plus du PDS, il y avait un autre parti
qui accéder à la légalité le PAI. Evoluant dans ce climat d’une démocratie très encadrée, le
PDS a su éviter les écueils en faisant montre de réalisme d’abord en acceptant d’être un parti
de contribution et ensuite en évitant de trop se cristalliser sur les considérations d’ordre
idéologique se résignant à porter l’étiquette du libéralisme démocratique qui lui a été collée
par la loi contrairement à ses convictions puisées dans le socialisme travailliste.
En 1978, le président Senghor décide de créer un 4ème courant dit conservateur animer par
l’avocat Boubacar Gueye à la suite de la réforme constitutionnelle n°7860 du 28 décembre
1978. Ce qui constituait encore un pas franchi dans l’élargissement du multipartisme. Le
dernier volet des réformes politiques initiées par Senghor est son retrait volontaire du pouvoir
au profit d’Abdou Diouf son dauphin constitutionnel.
En effet, la loi constitutionnelle n°76-27 du 06 avril 1976 prévoyait en son article 35 alinéas 2
qu’« en cas de démission du président, celui-ci est remplacé par le premier ministre. » Le
passage du pouvoir à Abdou Diouf fut qualifié par l’opposition notamment le PDS de coup
d’Etat constitutionnel. Le président Senghor exprime sa démission en raison de son âge
avancé (74ans) et des difficultés économiques qu’il charge son premier ministre et
technocrate Abdou Diouf de résoudre.
10/01/2019
SECTION III : COMPROMIS ET CONFRONTATIONS POLITIQUES SOUS LE
MAGISTERE D’ABDOU DIOUF
Abdou Diouf élargit la compétition politique en instaurant le multipartisme intégral. Mais
dans le même temps, il instrumentalise et monopolise la production des règles juridiques du
jeu politique pour ses intérêts exclusifs et ceux de son parti afin de conserver le pouvoir. Le
multipartisme intégral est par ailleurs un moyen d’éparpiller les forces politiques
oppositionnelles. De tout cela, il est résulté une confrontation avec l’opposition qui est
d’autant plus difficile qu’elle se fait dans un contexte d’application des mesures draconiennes
imposées par les institutions financières internationales. Cette tension est finalement dénouée
à travers la recette de la cogestion du pouvoir.
PARAGRAPHE I : L’AFFIRMATION DU POUVOIR PERSONNEL
DANS LA CONFRONTATION AVEC L’OPPOSITION
Arrivé au pouvoir, Abdou Diouf instaure le multipartisme illimité. Les raisons de ce choix
sont exposées et liées à une volonté de lever une restriction dans la liberté d’expression et
d’association et de permettre à tous les courant politique qui évoluent dans la clandestinité de
pouvoir s’exprimer librement Ainsi l’article 3 de la constitution est révisé par la loi
constitutionnelle n°81-16 du 06 mai 1981 qui instaure le multipartisme intégral en faisant
sauter la limitation des partis à quatre et le système des idéologies préétablies et neutralise
dans cette foulée le réveil des particularismes de tout bord susceptibles de provoquer
l’éclatement de la nation. Le nouveau texte dispose en effet « les partis politiques concourent
à l’expression du suffrage. Ils sont tenus de respecter la constitution ainsi que les principes de
la souveraineté nationale et de la démocratie. Il leur est interdit de s’identifier à une race, à
une secte, à une langue, à une ethnie, à un sexe, à une religion ou à une région. »
Cette loi permettait d’éviter la politisation de certaines identités qui peuvent être de nature à
fausser le jeu démocratique.
On peut dire également qu’en instaurant le multipartisme intégral, Abdou Diouf a développé
une stratégie consistant à diviser pour mieux régner car l’article L148 du code électoral
interdisait les coalitions. Chaque parti étant donc obligé de présenter sa propre liste aux
élections législatives et un candidat à la présidentielle. L’instauration du multipartisme limité
était donc une ruse de conservation du pouvoir dans laquelle Robert Fatton a vu le
parachèvement d’une révolution passive enclenchée sous le régime de Senghor.
La révolution passive désigne chez Fatton une volonté de la classe dirigeante par
l’instauration de la démocratie de désamorcer le potentiel révolutionnaire des acteurs sociaux
susceptibles de la prendre en charge. Cette thèse est à nuancer pour plusieurs raisons. Elles
tiennent au fait qu’au Sénégal, le marxisme-léninisme a eu beaucoup de mal à exister dans les
entrailles de la société à cause de l’athéisme qu’il prône mais surtout parce que cette idéologie
concernait plus une élite intellectuelle restée fermée dans la mesure où la qualité du militant
par la formation était jugée plus importante que la quantité. Ce qui explique que ces partis ont
eu du mal à se massifier. Par conséquent, il aurait été difficile qu’ils eussent réalisé la
révolution. En tout cas la possibilité offerte par le multipartisme intégral de s’organiser
politiquement était une avancé. Mais en réalité, le règles du jeu politique été manipulé. En
effet en 1982 un nouveau code électoral entre en vigueur mais ce code est jugé
antidémocratique par les partis d’opposition notamment le PDS considérant qu’il ne créait pas
les conditions pour garantir des élections transparentes.
En somme, l’opposition revendiquait l’égalité des partis politiques dans l’utilisation des
moyens de propagande, la sincérité du scrutin en ce qui concerne le nombre, la composition et
le fonctionnement des bureaux de vote, les conditions de fonctionnement des commissions de
distribution des cartes d’électeurs, l’identification de l’électeur, le passage à l’isoloir, le
contrôle des opérations électorales par les partis politique etc. Les partis d’opposition
contestaient également la procédure d’édiction des nouvelles règles électorales en dehors de
toute concertation préalable notamment en ce qui concerne le mode de scrutin. Aussi, ont-ils
critiqué les conditions de déclaration des candidatures, le montant du cautionnement jugé trop
élevé et la nature mixte du nouveau mode de scrutin pour l’élection des députés. Une moitié
de députés étant élue à la représentation proportionnelle et l’autre moitié au scrutin de liste
majoritaire à un tour au niveau du département. Malgré toutes ces récriminations de
l’opposition sur le code électoral jugé inique, les élections générales de 1983 furent
organisées et largement remportées par Abdou Diouf. Une fois soumis avec succès au test du
suffrage universel, le président Diouf s’emploie à la construction d’un pouvoir personnel
quand bien même il n’était pas doté des mêmes ressources politique et symbolique de son
prédécesseur Léopold Sédar Senghor présenté comme le père de la nation et de
l’indépendance.
Celui-ci également théoricien du socialisme africain a su utiliser politiquement le combat
culturel et littéraire mené avec ses camarades Aimé Césaire et Léon Gontran Damas dans les
années 1930 à Paris pour la défense et l’illustration des valeurs et civilisations africaines.
Abdou Diouf cherche quant à lui à se démarquer de Senghor pour affirmer sa personnalité et
construire son hégémonie. Il utilise une stratégie politiquement payante en posant des
actes forts dès son accession au pouvoir. Il s’engage à lutter contre la corruption en créant le
délit d’enrichissement illicite ainsi qu’une cour de répression de ladite infraction afin de
moraliser la vie publique. Au paravent Abdou Diouf avait organisés les Etats généraux de
l’enseignement le 28 janvier 1983. Au plan politique Abdou Diouf consolide son pouvoir
personnel aidé en cela par son homme de confiance Jean Collin. Cette construction
hégémonique est passée par la suppression du poste de premier ministre confié à son ami
Habib Thiam. Cette réforme institutionnelle est introduite par la loi n°83-55 du 1ère MAI
1983, le constituant affirme dans l’exposé des motifs sa volonté d’établir un lien direct entre
le président de la république et le peuple tout en renforçant l’indépendance et la puissance de
l’assemblée nationale. Evincé du poste de premier ministre Habib Thiam devient président
de l’assemblé et poursuit le bras de fer avec Jean Collin. Une autre réforme constitutionnelle
vient mettre fin à ses velléité d’autonomie et de résistance au rouleau compresseur
présidentielle savamment manipulé par jean Collin. Le président de l’assemblé nationale
Habib tian s’oppose à une réforme constitutionnelle visant à octroyer au présidant de la
république le droit de dissoudre l’assemblée nationale. Le refus obstiné du président de
l’assemblé nationale d’avalisé cette réforme le place dans le collimateur du pouvoir
présidentiel il est alors désigné comme un élément à neutralisé. C’est ainsi qu’une loi
constitutionnelle n° 84-34 du 24 mars 1984 abrogeant l’alinéa 1 de l’article 51 de la
constitution vint réduire le mandant du président de l’assemblé nationale de 5 à 1 ans
renouvelable. Elle obéissait officiellement à une volonté de restaurer l’équité par rapport aux
autres membres du bureau vice-président secrétaire questeur et président des différentes
commissions du parlement qui tous était élu pour 1 ans renouvelable. Mais le texte lève un
point du voile sur les motivations sujette à caution de la réforme qui de toute évidence
cherchait à liquider un potentiel adversaire politique. En effet le constituant précise en outre il
peut paraitre inconséquent que « dans un régime démocratique comme le nôtre au sein d’une
institution parlementaire démocratique comme la nôtre, la grande majorité des élus du peuple
puisse à quelque moment que ce soit se sentir impuissant et désarmé face à un membre qu’ils
ont librement et démocratiquement porter à leur tête au cas où les intérêts de la masse ou ceux
des mandants seraient menacés ou bafoués ». L’argument est spécieux, fallacieux car le même
résonnement peut s’appliquer au président de la république aux députés et a tous les élus
pendant la durée de leur mandants. Dépité par tous ces manœuvres Habib Thiam démissionne
de toutes ses fonctions politiques de la présidence de l’assemblée nationale, du poste de
député, de secrétaire générale de la coordination départemental de Dagana de secrétaire
générale adjoint de l’union régionale de la région du fleuve, de membre du conseil national et
du bureau politique. S’il n’a pas démissionner du parti socialiste c’est dit-il en raison de son
amitié pour Abdou DIOUF.
Une fois le président DIOUF assuré de la stabilité de son pouvoir personnel en éclipsant
éliminant tous ses rivaux potentiels de son temps, il lui fallait préserver son pouvoir devisé de
l’opposition. De ce faite il se posait à Abdou Diouf un dilemme cornélien comment dans un
contexte de crise économique donner toute les apparences d’une démocratie afin de conserver
un pouvoir autocratique fonder sur le prestige d’être un démocrate. C’est dire que les limites à
la construction hégémonique d’Abdou DIOUF se posent dans les termes gestion
problématique du pouvoir dans la confrontation avec l’opposition.
Les difficultés politiques rencontrées par le régime d’AD sont liées à la contestation des
élections par l’opposition qui juge le code électoral inique en ce qu’il favorise des fraudes à
grande échelle. Cette pierre d’achottement est à l’origine de remous sociopolitiques qui sont
aggravés par le contexte historique de l’ajustement structurel. Cette crise sociale sur fond de
malaise de la jeunesse ne manque pas de générer chômage, pauvreté et marginalisation. Les
élections générales de 1988 constituent un point culminant dans la confrontation entre le
pouvoir et l’opposition qui dégénère dans la violence. Les bus sont saccagés, ce qui n’est pas
nouveau, ainsi que les voitures de l’administration et des particuliers, les feux de
signalisation, les cabines téléphoniques etcetera. L’Etat d’urgence est décrétée et le couvre-
feu établi partout à Dakar. Les principaux leaders de l’opposition notamment Me Wade sont
arrêtés et déférés devant la Haute Cour de Justice. La situation politique demeure trouble et
instable alors que les principales revendications de l’opposition liées à la réforme
constitutionnelle du code électoral sont méconnues du pouvoir.
Abdou Diouf est porté à la tête de l’Etat avec 73,20% des voix et 103 députés de son parti
sont élus sur les 120 que comptait l’assemblée nationale. Il esquive la question relative à la
crédibilité du système électoral lors d’une conférence de presse, précisément en ce qui
concerne l’identification de l’électeur qui a constituée pour l’opposition une source
importante de fraude par les votes multiples. Cette confrontation avec l’opposition met le pays
dans une situation politique on ne peut plus tendue que le régime d’Abdou Diouf va tenter de
dénouer en s’acheminant progressivement vers une cogestion du pouvoir.

PARAGRAPHE II : LE DENOUEMENT PROGRESSIF DES TENSIONS POLITIQUES :


VERS LA COGESTION DU POUVOIR
Il y a eu un jeu subtil entre le président Diouf et son principal opposant dans la gestion de la
crise politique de 1988. La résolution de celle-ci s’est faite à travers leur complicité objective
l’un œuvrant pour la paix sociale afin de poursuivre les politiques d’austérité imposées par les
bailleurs de fonds et l’autre voulant obtenir des garanties d’une compétition électorale
équitable afin d’avoir des chances d’accéder au pouvoir. Cette période de négociation dans
une certaine instabilité politique du pays a été cruciale dans la construction démocratique du
Sénégal. Cela étant, pour juguler la crise de 1988, le pouvoir s’est essayé à une reprise en
main qui s’annonce avec le discours du président Diouf le 1 mai en lieu et place du défilé
traditionnel des travailleurs. Le président se limite à la sphère économique : prix aux
producteurs, pouvoir d’achat, projets de création d’emplois. En ce qui concerne
l’augmentation du pouvoir d’achat et d’emploi, il prévient « je réprouve la démagogie
qu’avons-nous entendu ces derniers mois : le riz à 60fr, l’emploi pour tous et tout de suite et
d’autres promesses tout aussi stupides que leurs auteurs seraient bien incapables de réaliser
tout simplement parce qu’elles sont impossibles aujourd’hui. Croire à de telles élucubrations
c’est faire confiance à des charlatans, je le dis comme je le pense. »
Abdou Diouf annonce ensuite la baisse des denrées dites de première nécessité le riz, le sucre,
et l’huile d’arachide. C’était là pour lui un moyen d’atténuer l’impact du discours subversif de
l’opposition et de désamorcer sa capacité de nuisance en lui enlevant ses thèmes les plus
mobilisateurs, les plus populaires, et les plus populistes. Abdoulaye Wade est condamné à une
peine d’emprisonnement avec sursis et retrouve la liberté le 11 mai 1988 alors que Boubacar
Sall condamné à deux (2) ans d’emprisonnement ferme fut transféré à Kolda ; ce qui était une
manière d’exercer une pression sur le PDS et l’obliger à négocier. La décrispation politique
est scellée à travers une loi d’amnistie adopté le mardi 24 mai 1988 en conseil des ministres et
voté le samedi 28 mai 1988 par l’assemblée nationale.
11/01/2019
Moins d’une semaine plus tard, à l’occasion de l’Aïd El Fitr (la fête qui marque la fin du
ramadan) fête de réconciliation et de pardon célébrée par la communauté musulmane les
mardi et mercredi 16 et 17 mai, le président Diouf révèle dans son adresse à la nation les
mesures prises pour apaiser la situation politique et sociale et affirme en ce sens j’ai décidé
tout d’abord de lever de l’Etat d’urgence à Dakar au lendemain des élections. Appel lancer à
Me Wade pour une rencontre de concertation sur les problèmes qui préoccupent les
sénégalais. Dans la lignée de cette ouverture, Me Wade est reçu par Abdou Diouf le jeudi 26
mai en présence d’Ousmane Ngom et de Jean Collin. A sa sortie d’audience, Me Wade fait
une déclaration lue par Ousmane Ngom et dont voici la teneur « après la volonté exprimée de
part et d’autre d’une concertation, nous nous sommes retrouvés aujourd’hui et nous avons
passé en revue tous les problèmes qui se posent au Sénégal sans en exclure aucun. Nous
pensons que des solutions peuvent être trouvées à condition qu’il y ait une concertation
démocratique permettant d’aboutir à un consensus. Nous avons réfléchi sur une approche et
nous avons proposé un cadre de concertation sous la forme d’une table ronde nationale à
laquelle sera conviée l’opposition. Cette table ronde travaillerait sous forme de commission
correspondant aux différents secteurs identifiés (politique, jeunesse, emploi, économie,
social, éducation). Ces commissions devraient pouvoir siéger dans un délai de quinze jours et
terminer leurs travaux dans les plus brefs délais. »
Mais Abdoulaye Wade en acceptant le principe de la discussion avec Diouf n’était plus en
phase avec le cadre des 11, la structure autour de laquelle s’était organisée l’opposition et
dont la plateforme revendicative s’articulait autour de deux points essentiels : la démission de
Diouf et de Jean Colin et l’organisation d’élections nouvelles, libres et démocratiques. C’est
ainsi que seul le PDS et ses alliés le PIT (partie de l’indépendance et du travail), la LDM/PT
sont allés à la table ronde avec le PS et ses partis satellites dont l’UDSR (union démocratique
sénégalaise rénovation) de Mamadou Puritain Fall et le PDSR de Sergine Diop. Prévues pour
le 15 juin, les négociations sont finalement entamées le 04 juillet 1988. Après des débats
passionnés, seule la commission politique a fonctionné et le consensus ne fut établi que sur un
point à savoir l’élection du président au scrutin majoritaire à deux tours. Le PS et ses alliés
d’un côté et l’opposition De l’autre se renvoient l’accusation de sabotage des négociations.
Abdoulaye Wade se retire à Paris le 29 aout 1988.
Malgré les garanties formelles apportées pour fiabiliser la compétition politique notamment à
travers la réforme du code électoral, la charte de la démocratie, le statut de l’opposition, le
financement des partis politiques etc., l’opposition choisit de radicaliser la lutte pour
maintenir la pression sur Diouf. Après son séjour parisien de six mois, A. Wade rentre
triomphalement à Dakar le 07 mars 1989 deux jours après le congrès du PS qui revêtait une
double signification politique.
Le retour de Me Wade est pour lui une occasion d’effectuer une remarquable démonstration
de force. Les menaces les plus radicales pour le PDS de Wade étaient de constituer un
gouvernement parallèle, de publier des résultats des élections à partir des procès-verbaux
détenus par le PDS et de contester la légitimité d’Abdou Diouf. La publication des « vrais »
résultats selon le PDS intervient en mars 1989 dans le n°52 du journal Sopi du 10 mars 1989
après l’échec des négociations entre Wade et le pouvoir. Plusieurs manifestations sont
organisées par l’Alliance Sopi entre le 07 mars et le 04 avril 1989. A partir de cette date, les
meetings de l’opposition sont systématiquement interdits à Dakar.
Finalement plusieurs facteurs vont faciliter le rapprochement entre pouvoir et opposition dont
le conflit sénégalo-mauritanien, le départ de Jean Collin et les mutations géopolitiques
internationales marquées par les transitions en Afrique dans les années 90. Dans la crise
sénégalo-mauritanienne, les perspectives économiques offertes par les barrages et la volonté
de l’Etat mauritanien de contrôler exclusivement la rive droite en confisquant au besoin les
terres des autochtones contrairement au droit coutumier et en dépit des démarches
d’apaisement semblent constituer les ressorts profonds du conflit. Il se passe dans un climat
de tension entre les deux protagonistes qui culmine avec l’incident frontalier de Diawara
survenu le 9 avril 1989 qui se répercute dans les deux pays par une spirale de violences
aveugles et de pillages. Il est résulté de cette crise sénégalo-mauritanienne une prise de
conscience de l’existence d’intérêts nationaux vitaux à préserver au-delà des querelles
partisanes.
Le raccommodement entre le pouvoir et l’opposition a été également favorisé par le départ du
très puissant ministre d’Abdou Diouf en l’occurrence Jean Colin considéré pour beaucoup
comme étant à l’origine d’une certaine intransigeance du pouvoir quant à opérer les réformes
démocratiques souhaitées par l’opposition. Il a joué un rôle déterminant pour rendre
irrévocable le projet de démission de Senghor et la montée d’Abdou Diouf au premier plan ;
cela lui vaudra une licence à tout faire à lui concédée par le chef de l’Etat en plus d’une
estime et d’une admiration sans borne qui frise le fanatisme.
Jusqu’à son départ, Jean Colin marquera très personnellement l’Etat sénégalais plus que ne
l’aura fait Abdou Diouf. Il a construit progressivement son influence et sa mainmise sur
l’appareil étatique et servi d’écran entre Abdou Diouf et les autres. En fin stratège et tacticien,
il a su combattre tous ceux qui étaient susceptibles de porter ombrage à Diouf ou qui
manifestaient des velléités d’autonomie. Etant français et donc ne pouvant pas succéder à
Diouf, il réunissait en sa personne les conditions requises pour gérer la réalité du pouvoir sans
inquiéter celui qui en était constitutionnellement le détenteur. Jean Colin, au sommet de sa
puissance, a combattu âprement tout rapprochement entre président Diouf et son opposition
notamment Me Wade qu’il considérait comme un « dangereux aventurier capable de mettre le
Sénégal en péril » en voulant « faire passer le pays de l’Etat de non droit à l’Etat de droit en
48 heures ». Longtemps attendu, la disgrâce de Jean Colin intervient le 30 mars 1990 à
l’occasion d’un remaniement ministériel.
Cette passerelle établit entre les différents protagonistes engagés dans la compétition du
pouvoir était également tributaire des bouleversements géopolitiques intervenus dans la
nouvelle donne internationale précisément la conjonction dans une conjoncture fluide de
facteurs internes et externes favorable à la démocratisation des régimes politiques africains.
Finalement les pourparlers enclenchés au mois de janvier 1991 connaissent un dénouement
heureux. Ainsi le leader du PDS devenait-il ministre d’Etat auprès du président de la
république alors qu’Ousmane Ngom pilotait le ministère du travail et de la formation
professionnelle pendant que Jean Paul Diaz était nommé à l’intégration africaine et Aminata
Tall à l’alphabétisation. Plusieurs interprétations théoriques de ce mode de gestion du pouvoir
peuvent être échafaudées. On pourrait la rattacher au transformisme c’est-à-dire l’absorption
par la classe dominante des intellectuels susceptibles de diriger politiquement et
idéologiquement les classes subordonnées. Cela d’autant plus que le PDS et son leader étaient
particulièrement populaires. Pour d’autres, l’opposition lassée par une confrontation
éprouvante avec le pouvoir recherchait une trêve à la faveur de laquelle elle pourrait accéder
aux ressources économiques et symboliques et gouter aux délices du pouvoir.
Le gouvernement de majorité présidentiel élargie peut encore être interprété comme une
collusion stratégique, « un gentleman agreement » entre le président officiel et le président
officieux, le président de la république et le président de la rue publique, entre les deux
principaux leaders du pays Abdou Diouf et Abdoulaye Wade. Les intérêts contradictoires au
départ entre les deux principaux adversaires se disputant le pouvoir seront surmontés pour
aboutir à un compromis. En effet, le pouvoir voulant se maintenir, avait besoin de combler le
gap de légitimité induit par les effets néfastes des politiques économique et sociale drastiques
menées sous l’égide des institutions de Bretton Woods tout en rompant le cercle vicieux des
contentieux et troubles électoraux récurrents avec leurs lots de violence. C’était là également
une manière de s’inscrire dans le contexte international favorable à la démocratisation en
Afrique. L’opposition quant à elle voulait gagner en crédibilité en démontrant son aptitude à
gouverner en même temps qu’elle cherchait de l’intérieur un moyen d’obtenir plus
efficacement et plus facilement des réformes politiques à travers une compétition électorale
transparente et loyale susceptible de déboucher sur une alternance. C’est dans cette
perspective qu’il faut appréhender la mise en place du premier gouvernement de majorité
présidentielle élargie présidé par Habib Thiam. Le gouvernement de majorité présidentielle
élargie s’analyse dès lors comme un creusé de construction démocratique entre politisation du
droit et juridisation de la politique.

17/01/2019
CHAPITRE II : LA DYNAMIQUE DE LA CONSTRUCTION DEMOCRATIQUE ENTRE
POLITISATION DU DROIT ET JURIDISATION DE LA POLITIQUE
Dans ce chapitre Il s’agira d’étudier le contrôle juridictionnel devenu plus efficace fondé sur
des règles plus équitables (section 1) et ensuite de la régulation médiatico-électorale de la
compétition politique (section 2).
SECTION I : UN CONTROLE JURIDICTIONNEL PLUS EFFICACE FONDE SUR DES
REGLES PLUS EQUITABLES
Il s’agira dans un premier mouvement d’étudier les conditions d’élaboration du code électoral
consensuel et l’évolution qualitative du contrôle juridictionnel.
PARAGRAPHE I : L’ELABORATION D’UN CODE ELECTORAL CONSENSUEL
EPROUVE PAR LA PRATIQUE
La production de règles électorales consensuelles n’a pas manqué de cristallisé les tensions et
dissensions autour du code électoral.
A- LA SECRETION DE REGLES ELECTORALES CONSENSUELLES
Dans le contexte de la gestion concertée du pouvoir, il était plus aisé pour l’opposition
d’obtenir des garanties pour améliorer le processus démocratique. En ce sens, une
commission nationale dirigée par le magistrat Kéba Mbaye est mise en place pour réformer le
code électoral afin d’en finir avec la rémanence des contestations et violences qui émaillent
les joutes politiques. Le document ainsi produit est le fruit d’un consensus autour duquel était
agglutinée une quinzaine de partis politiques.
Parlant du texte législatif, le président Abdou Diouf affirme que c’est le « meilleur code »
électoral dont on ne devrait pas changer une virgule. Il est adopté par l’assemblée nationale à
l’unanimité le 07 février 1992 et promulgué le 22 mars de la même année. Le code introduit
de nombreuses et cruciales innovations qui visaient à rétablir l’équilibre entre le parti au
pouvoir et l’opposition lors des compétitions électorales et à assurer plus généralement la
loyauté et la limpidité des scrutins. D’abord la majorité électorale est ramenée de 21 ans à 18
ans ; c’était là une revendication constante de l’opposition pensant à tort ou à raison qu’elle
détenait un immense potentiel de suffrage parmi les jeunes notamment ceux-là qui avaient
participé aux émeutes de 1988 sans avoir voté pour autant parce qu’ils n’étaient pas inscrits
sur les listes électorales, ou n’avaient pas atteint l’âge de 21 ans requis pour s’acquitter de
leurs devoirs civils. C’est en vue de régler ce problème que l’article « L1 » du code électoral
dispose « sont électeurs les sénégalais des deux sexes âgés de 18 ans accomplis, jouissant de
leurs droits civils et politiques et n’étant dans aucun cas d’incapacité prévu par la loi. »
Pour une plus grande équité, le code électoral interdit au parti au pouvoir d’user et d’abuser de
sa position dominante notamment à travers la prohibition de la propagande déguisée et
d’utilisation des biens de l’Etat à des fins électoralistes. Abondant toujours dans le registre des
ruptures d’égalité pouvant provenir des capacités financières des divers candidats à la
compétition électorale, l’article L59 du nouveau code dispose « les frais de fournitures
d’enveloppes, bulletins de vote, procès-verbaux et papeteries ainsi que ceux qu’entraine
l’installation des isoloirs et des bureaux de vote sont à la charge de l’Etat. » De même, les
candidats sont protégés par une immunité prévue à l’article L83 en effet « De l’ouverture
officiel de la campagne électorale jusqu’à la proclamation des résultats du scrutin, aucun
candidat ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé pour des propos tenus ou des
actes commis durant cette période et qui se rattache directement à la compétition électorale ».
Le code opère une libéralisation de la compétition politique en ce sens que les coalitions de
partis sont autorisées de même que les candidatures indépendantes à l’élection présidentielle
tout comme aux élections législatives.
De telles dispositions sont de nature à tempérer l’hégémonie du parti au pouvoir et créent des
conditions juridiques susceptibles de faciliter l’avènement d’une alternance démocratique
considérée par l’opposition comme un support fondamental de consolidation de la démocratie.
Le code consensuel permettait également une plus grande représentation des petits partis dans
la mesure où il rompu la parité entre le soutien majoritaire départemental la représentation
proportionnelle. En effet il prévoyait sur 120 députés d’en élire 50 au scrutin majoritaire
départemental et 70 par le biais de la proportionnelle ; ce qui avantage les partis de faible
envergure nationale pour la simple raison que le quotient est différent.
Dans le même sens le code assurait la démocratisation de certaines informations stratégiques
en prévoyant de communiquer la carte électorale à tous les partis politiques supprimant ainsi
la possibilité d’existence frauduleuse de bureaux de vote.
En ce qui concerne les listes électorales, un droit de regard est reconnu aux partis politiques.
En plus les représentants des partis politiques acquièrent le droit de siéger dans les bureaux de
vote pour apprécier la régularité des opérations électorales en même temps que la possibilité
est donnée aux candidats de se rendre dans les bureaux de vote où ils compétissent pour
s’enquérir du déroulement des opérations.
Au surplus, les pouvoirs du président du bureau de vote sont strictement encadrés en matière
de police pour éviter tout abus. Des dispositions sont également prises pour rendre le vote à la
fois secret dans le choix de l’électeur et transparent dans sa procédure. En effet, avant de
voter, l’électeur doit être clairement identifié et soustrait à toutes sortes de pressions de
quelque nature qu’elles fussent. L’identification préalable de l’électeur permet d’éviter les
votes multiples. Elle est complétée par une imprégnation au pouce d’une encre indélébile et
par le passage obligatoire à l’isoloir. Toutes ces dispositions sont prévues à l’article L50 du
nouveau code électoral. Par rapport au dépouillement, des règles strictes sont posées en même
temps qu’il est fait appel à des scrutateurs dont le rôle participe à la crédibilisation des
suffrages exprimés.
Chaque membre du bureau, les représentants des candidats et partis politiques notamment
signent le procès-verbal (PV). Après l’établissement des procès-verbaux, la loi électorale
prévoit les mesures devant présider à leurs acheminements par des personnes assermentées
sous le contrôle des délégués de la cour d’appel.
De même, le code consensuel exprime une volonté de sécuriser les opérations et lieux de vote
de même que les personnes préposées à la supervision des procédures électorales. Le code
sévit (puni) les citoyens coupables de fraude pour avoir exercé faussement, indument un ou
plusieurs fois l’acte de vote. Aussi sont-ils pénalement punis les actes frauduleux perpétrés
dans le décompte ou le dépouillement des suffrages. D’autres mesures sont également prévues
par la nouvelle loi électorale visant à pacifier l’atmosphère des opérations (interdiction de
toute forme de propagande le jour du scrutin, sanction des manœuvres dolosives consistant
par des rumeurs, des bruits ou tout autre moyen à empêcher des citoyens à exercer leurs
devoirs civiques, des faits de violence individuels ou collectifs avec ou non usage d’arme de
nature à porter atteinte au bon ordre dans les lieux de vote ou à entacher la sincérité du
scrutin).
Il n’en demeure pas moins que malgré la pertinence des règles édictées, il y a eu des tensions
et des dissensions politiques autour de l’application du consensuel.
B- LES TENSIONS ET DISSENSIONS POLITIQUES AUTOUR DE
L’APPLICATION DU CODE CONSENSUEL
Après la période euphorique de l’unité politique réalisée autour du code consensuel,
l’unanimisme s’estompe dès lors que le code est mis à l’épreuve de la pratique lors de
l’élection présidentielle de 1993 notamment à travers le blocage de la Commission Nationale
de Recensement des Votes (CNRV). Il va révéler à travers les imperfections du code une
incursion dans le processus démocratique à travers les stratégies des différents acteurs
politiques cherchant à manipuler en leur faveur le droit électoral. Les travaux de la
commission buttent en effet sur plusieurs obstacles tenant à des irrégularités notées à la
méthode de travail et d’interprétation des textes mais également à cause de sa composition. En
effet, elle regroupe tous les représentants des partis politiques et un magistrat mais ce dernier
ne peut prendre la décision d’envoyer les procès-verbaux au conseil constitutionnel sans l’avis
de tous les membres restés attachés aux intérêts contradictoires de leurs partis. Concernant les
irrégularités, il y avait le contentieux délicat des ordonnances car si le nouveau code rendait
obligatoire l’identification de l’électeur, la question de la rectification des erreurs contenues
dans le fichier électoral d’avant cette date se posait. Cela a donné lieu à un décret afin que les
autorités judiciaires puissent rectifier les erreurs éventuelles compte tenu des preuves qui leurs
sont présentées. Ce problème de rectification des erreurs contenues dans le fichier a été à
l’origine de fraudes massives dans la mesure où les ordonnances délivrées qui devaient
pourtant être la solution aux problèmes originels ont donné lieu à des votes multiples qui ont
entaché la sincérité du scrutin. La commission nationale de recensement des votes est
définitivement bloquée par une autre forme de discorde lorsque les commissaires représentant
les candidats de l’opposition exigent que soient revus tous les procès-verbaux des six (6)
départements que sont Dagana, Kaolack, Ziguinchor, Matam, Podor et Mbour totalisant 1515
bureaux de vote.
La présidente « Andrésia Vaz » estime alors que cette requête n’entre ni dans la compétence, ni
dans les missions de la commission nationale. Compte tenu de la paralysie de la CNRV et des
multiples controverses juridiques et politiques, Mme Vaz transmet le dossier au conseil
constitutionnel le samedi 27 février 1993 avec un rapport circonstancié annexé à celui des
autres commissaires et avec l’ensemble des pièces provenant des 31 commissions
départementales. Les représentants des candidats de l’opposition protestent alors contre cette
décision arguant leur volonté de poursuivre leurs missions au sein de la commission nationale
jusqu’à la proclamation définitive des résultats conformément à l’article L58 du code. En
effet, ils estimaient que le conseil constitutionnel ne peut être saisi qu’aux termes de l’article
48 du code électoral à la triple condition que la commission nationale finisse le recensement
général des votes, que les résultats provisoires soient proclamés et qu’une copie du procès-
verbal de réunion soit remise à chaque représentant de candidat. Considérant que la CNRV
n’a statué que sur quatre des 31 procès-verbaux, les représentants de l’opposition dans une
lettre adressée au président du conseil soutiennent que la saisine de la juridiction suprême est
irrégulière et ne saurait légalement aboutir à la proclamation des résultats.
Le conseil constitutionnel estime quant à lui qu’en dehors de toute disposition textuelle, la
commission nationale de recensement des votes doit pouvoir statuer dans un délai raisonnable
de 72 heures. Passé ce délai, le conseil constitutionnel devra être saisi qu’il y ait ou non
proclamation des résultats.
En fait, le code portait en lui-même les germes du conflit qui, en érigeant la toute-puissance
des parties en règle absolue, a privé le jeu électoral d’un arbitre ayant la mission et le pouvoir
de freiner les passions partisanes. C’est dire que le consensualisme et l’unanimisme qui ont
prévalu l’adoption du code ont trompé la vigilance de ses rédacteurs qui s’en sont fiés de
bonne foi à la culture démocratique postulés des acteurs politiques sans prévoir l’hypothèse
d’un arbitrage nécessaire et efficace pouvant transcender les prétentions et intérêts partisans.
On comprend dès lors la position du juge Kéba Mbaye président de la commission nationale
de réforme du code électoral lorsque démissionnant de la présidence du conseil
constitutionnel, il affirme « nous avons élaboré un code, qui je le répète, reste pour moi
excellent. Mais il reste bien entendu que ce code comme je l’avais dit d’ailleurs à l’occasion
d’une interview le 31 décembre à la télévision nécessite une certaine culture démocratique et
l’acceptation sans arrière-pensée du jeu, des règles qui permettent de jauger les pulsions du
peuple et de les respecter telles qu’elles soient. »
23/01/2019
Mais à la vérité, il s’agit moins d’un déficit de culture démocratique que d’une erreur
juridique car le droit est pour les acteurs politiques à la fois une contrainte et une ressource
politique. Ils utilisent le droit pour faire valoir leurs intérêts personnels et partisans tout
comme le droit produit à leur encontre des obligations, des contraintes auxquelles ils ne
peuvent échapper. Cela étant, dans sa composition comme dans son fonctionnement, la
commission nationale avait ceci d’incohérent que les partis politiques engagés dans la
compétition électorale étaient ceux-là mêmes qui devaient trancher les litiges y afférent et dès
lors la confrontation de leurs intérêts contradictoires ne pouvait que déboucher sur une
impasse. Comme on pouvait le prévoir en raison de la radicalisation des uns et autres dans
leur position la CNRV connait un nouveau blocage fondé précisément sur des divergences
relatives aux méthodes de travail notamment le souhait des représentants des candidats de
l’opposition d’appliquer la règle de la majorité. Pour Mamadou Diop, représentant le candidat
Abdou Diouf, cette position n’est rien d’autre qu’une manœuvre politicienne en réalité dit-il
« le fond du problème est qu’on pense qu’avec la loi automatique de la majorité c’est très
claire et il y a deux blocs formés sept contre un et on pense pouvoir régler les élections au
niveau de la commission nationale. Ils veulent avec ce principe annuler les votes des
départements de Kaolack, Podor, Matam et Ziguinchor et c’est dit partout. Cela permet
simplement d’abaisser les résultats du candidat Diouf et d’aller au 2ème tour. Est – ce que cela
est acceptable ? Ce n’est pas acceptable. Voilà le problème. » Dès lors il semble que
l’opposition ait voulu instrumentaliser les normes électorales en cherchant à faire appliquer la
règle du quart bloquant prévue par l’article 28 de la constitution du 07 mars 1963 qui
disposait « le scrutin a lieu un dimanche, nul n’est élu au 1 er tour s’il n’a obtenu la majorité
absolue des suffrages exprimés représentant au moins le quart des électeurs inscrits. Si aucun
candidat n’a obtenu la majorité requise, il est procédé à un second tour de scrutin le 2ème
dimanche suivant celui du 1 er tour. Seuls sont admis à se présenter à ce second tour les deux
candidats arrivés en tête au 1 er tour. En cas de contestation, le second tour a lieu le 2ème
dimanche suivant le jour du prononcé de l’arrêt du conseil constitutionnel. Au second tour la
majorité relative suffit. »
Le conseil constitutionnel tranche finalement le litige et publie les résultats de la présidentielle
remportée par Abdou Diouf. Du blocage de la commission nationale de recensement des
votes, il est sorti l’idée d’une nécessaire réforme du code électoral.
La réforme est finalement introduite par la loi n°93-08 du 21 mai 1993 et concerne les articles
L44 et L58 du code électoral alors que les articles LO111 et LO112 sont modifiés par la LO
n°93-09 du 23 avril 1993.
Les partis politiques continuent de siéger dans les commissions départementales mais n’ont
que des attributions de pure comptabilisation. En revanche la composition de la CNRV est
modifiée avec des prérogatives plus grande et une présence renforcée des magistrats qui seuls
ont voix délibérative. Ils prennent la décision finale hors la présence des représentants des
partis politiques. Ils peuvent toutefois assister aux réunions à l’exception de la délibération et
peuvent porter leurs observations au procès-verbal.
A la suite de la production concernée et consensuelle, Des règles du jeu politique et des
vicissitudes de leur évolution, il convient alors d’examiner la monté qualitative du contrôle
juridictionnel.
PARAGRAPHE II : L’EVOLUTION QUALITATIVE DU CONTROLE JURIDICTIONNEL
Le juge électoral a toujours fait l’objet de suspicion en ce sens on peut donner comme
exemple le vote public du premier président de la cour suprême Amadou Camara lors des
élections générales de 1983 que l’opposition à interpréter comme étant une manière de
démontrer sas loyauté au régime malgré l’obligation de réserve qui pesait sur lui. Plus
surprenant encore, et le choix du président Abdou Diouf portait sur Ousmane Camara un ami,
camarade de classe au lycée et homme politique à part entière de son partie comme président
de la cour suprême chargée notamment du règlement du contentieux général présidentiel et
législative de 1988. Avec le consensualisme qui a prévalu à l’adoption du code de 1969 Kéba
Mbaye est nommé président du conseil constitutionnel. Nomination qui emporte l’adhésion de
tous les protagonistes du jeu politique.
A- L’APPLIATION RIGIDE DE LOI INIQUE PAR LA COUR SUPREME
Avant 1978, les décisions de la cour suprême en matière électorale ne sont point intéressantes
dans la mesure où il n’y avait à proprement parler de contentieux car un seul parti et un seul
homme étaient concernés pour les élections présidentielles et législatives. L’examen du
contentieux électoral vidé par la cour suprême révèle une vicieuse manipulation du jeu
politique dans laquelle les citoyens sont pris en otage et où les opposants n’ont pas les moyens
de faire valoir leurs droits car le juge pose des conditions draconiennes (sévères) dans
l’administration des preuves tout en étant neutralisé lui-même par la loi. Dans cette situation,
il est évident que le processus démocratique était encore claudiquant c’est-à-dire boitant, il
n’a pas encore permis l’affirmation suffisante du juge électoral pour arbitrer de manière
convenable et acceptable la compétition politique. Il convient d’analyser successivement
toutes ces idées qui constituent la charpente sur laquelle repose le pouvoir minutieusement
gardé par le PS dans les compétitions électorales arbitrées par la cour suprême.
D’abord, il s’agit de la coloration partisane des membres du bureau qui faussent la
compétition électorale. Ainsi les bureaux de vote ont été présidés par des candidats du PS aux
élections législatives, municipales et rurales de 1978. Ce grief soulevé avec pertinence par les
requérants est balayé par le juge qui dans sa décision n°4c78 du 13 mars 1978 considérant que
c’est ce que la loi prévoit en tire la conclusion suivante « le fait que les personnalités
énumérées aient pu être candidates à une élection législative, municipale ou rurale ne
constitue pas un empêchement pour leur désignation à la présidence des bureaux de vote. »
On voit ici que le juge a les mains liées qu’il doit se baser sur la loi pour trancher le
contentieux électoral alors que celle-ci est injuste car il se pose la question de fond de savoir
si ceux qui sont engagés dans la composition politique peuvent en superviser le déroulement
sans que cela ne porte atteinte à la sincérité des opérations de vote.
Lors des élections de1983, le juge va encore plus loin et estime dans l’arrêt conjoint n°4c, 5c,
6c, 8c-83 du 23 mars 1983 concernant les recours du PDS, de la LDM/PT, du et du PAI que le
fait pour les membres des bureaux de vote d’appartenir au parti au pouvoir n’a rien
d’incidences. A travers cette position jurisprudentielle, c’est un principe élémentaire de droit
et d’équité selon lequel on ne peut pas être juge et partie qui est foulé au pied. La suspicion
est en effet légitime si on sait que ceux qui établissent les procès-verbaux sont eux-mêmes
candidats ou sont membres d’un parti qui est en lice dans les joutes électorales. Pour ces
mêmes élections de 1983 la loi cautionne également l’arbitraire en donnant au président des
bureaux de vote choisis sur des bases partisanes des pouvoirs étendus de maintien de l’ordre
qui sont abusivement utilisés. Dans une telle situation de deux choses l’une ou le délégué
laisse faire les membres du bureau dans leur penchant à la partialité et les intérêts de son parti
sont lésés tout en cautionnant la mascarade par sa présence ou il ne se laisse pas faire et alors
il est expulsé et remplacé par un suppléant si tenter qu’il y en ait et qui est tenu de faire profil
bas. La coloration partisane des membres du bureau couvre un enjeu fondamental celui de
l’identification de l’électeur car dès lors que le vote est public et qu’on peut savoir le choix de
l’électeur, il leur est aisé d’être complaisant et peu regardant lorsqu’il s’agit d’un électeur
voulant voter pour le parti au pouvoir. La question de l’identification de l’électeur a soulevé
plusieurs controverses dans la mesure où l’opposition a toujours soutenu que le non-respect de
cette condition était source de fraudes massives.
Dans le contentieux électoral, il y a la question essentielle du secret du vote. Là- dessus, la
responsabilité du juge est flagrante dans la mesure où c’est un principe prévu par la
constitution et dès lors que la loi ne saurait déroger à celle-ci l’alibi du juge ne tient plus. La
question du secret du vote est un aspect essentiel de la démocratie comme capacité d’un
individu autonome à exprimer librement ses choix politiques. Cependant, ce principe
constitutionnel est vidé de sa substance par les lois votées par la majorité. En effet, l’article 2
alinéa 3 de la constitution du 07 mars 1963 dispose « le suffrage peut être direct ou indirect,
il est toujours universel, égal et secret. Ce principe permet de garantir la liberté de l’électeur
qui peut subir des pressions dans un environnement socio-culturel marqué par des rapports de
dépendances. » Le juge électoral le reconnait en affirmant « le caractère secret du vote tel
qu’il résulte des dispositions ci-dessus rappelées a pour but et objet de protéger les électeurs.
» Mais ce principe constitutionnel était totalement dévoyé par l’article L50 du code électoral
de 1978 qui précisait en son dernier alinéa « les isoloirs doivent être placés de façon à ne pas
dissimuler au public les opérations électorales. »
Pour parer à toute éventualité, le parti au pouvoir effectue une manipulation de la loi encore
plus pernicieuse en conférant aux électeurs le droit de soustraire à l’obligation de respecter le
secret du vote ; ce qui est un bon moyen de contrôler leur loyauté vis-à-vis du parti au
pouvoir. Dans ces conditions, le vote n’est plus secret mais public car on pouvait identifier les
électeurs qui votaient pour l’opposition et exerçait des représailles contre eux. En refusant de
procéder à un contrôle de constitutionnalité, le juge laissait primer la loi expression de la
volonté du parti au pouvoir sur le texte suprême qu’est la constitution.
Par rapport à ce volontarisme posé comme échappatoire, il convient de faire remarquer un
aphorisme bien connu en droit selon lequel « entre le fort et le faible c’est la liberté qui
opprime et la loi qui libère ». Dans le même registre, il est intéressant d’évoquer un autre
moyen de pression à savoir la présence d’autorités administratives dans les bureaux de vote
dans un système de confusion entre l’Etat et le parti au pouvoir.
24/01/2019
En effet ces autorités n’ont rien à faire dans les bureaux de vote dont la sécurité est assurée
par les forces de l’ordre. En fait, vu qu’en milieu rural, ces autorités sont respectées et craintes
par les populations qui ne font pas la différence entre celles-ci et le parti au pouvoir ou l’Etat,
leur présence favorise le parti au pouvoir. Mais le juge estime dans sa décision n°4c-78 du 13
mars 1978 que même si la présence de ces autorités dans les bureaux de vote n’est pas
souhaitable, aucune disposition législative ou réglementaire ne l’interdit. En d’autres termes,
toute la difficulté d’exercer un contrôle efficace par le juge électoral réside dans cette
confrontation à savoir que la loi électorale soit l’expression des intérêts du parti au pouvoir
qui détient une forte majorité au parlement 111/120 députés en 1983 et que cette même loi
soit regardée par le juge comme étant l’expression de la volonté générale et par conséquent
qu’il ne peut aller au-delà de celle-ci sans contredire le principe de la séparation des pouvoirs.
Cette contradiction vicieuse est renforcée par le fait que le juge électoral refuse d’apprécier la
loi par rapport à la constitution, texte qui fait pourtant partie intégrante du système juridique.
Quant au requérant, il se heurte aux obstacles difficilement surmontables d’apporter les
preuves de ses allégations du fait même de la complexité des situations et de la sévérité des
conditions posées par le juge concernant le régime juridique de la preuve. En 1978, le juge a
rejeté les griefs avancés par les requérants faute de preuves notamment sur la violation du
secret du vote et sur la corruption en nature et en argent aux abords des bureaux de vote. Cette
tendance au rejet des allégations des requérants pour absence de preuve se confirme à l’issu
des élections présidentielles et législatives de 1983 concernant les inscriptions multiples et au
fait que les procès-verbaux n’aient pas été signés par l’ensemble des membres des bureaux de
vote. Mais lors des élections générales de 1988 par rapport aux deux requêtes introduites par
Abdoulaye Bathily et Opa Diallo à travers lesquelles il était demandé au juge d’annuler les
élections au motif que 156 procès-verbaux de bureaux de votes ont été annulés par la
commission de recensement de la cour suprême ; ce qui était de nature à biaiser la
représentativité des partis en compétition. La cour suprême a purement et simplement rejeté le
grief considérant que la signature des procès-verbaux est une formalité substantielle dont
l’inobservation doit être sanctionnée de nullité. Il faut remarquer que cette solution apparait
pour le moins simpliste car vu le nombre élevé de procès-verbaux en question et compte tenu
du fait que les requérants ont soutenu que les délégués du PS avaient refusé de les signer. Le
juge aurait dû approfondir la question pour savoir si cela n’était pas l’expression d’une
volonté délibérée de frauder. La complicité agissante entre le parti au pouvoir, les autorités
administrative et les membres de bureau de vote a permis de construire un système tricherie
électorale manifeste dans laquelle les règles les principes démocratiques sont dévoyés. En
effet le nombre des bureaux de vote sont choisis par les autorités administratives sur des bases
partisanes tout comme ces dernières doivent leur nomination plus à leur loyauté qu’a partie
gouvernemental. Présente dans les bureaux ou le vote est public elle intimide les citoyens qui
ne peuvent opérer librement leur choix surtout en milieux rural. Souvent militant du parti au
pouvoir les membres des bureaux organisent le vote de manière complaisante, la non
identification des électeurs est alors une source massive d’irrégularité à travers les votes
multiples. Les représentants des parties d’oppositions manifestant leur courroux sont expulsés
car les présidents de bureaux détiennent des prérogatives étendus en matière de police des
lieux. Les requérants quant à eux ne peuvent faire valoir leur droit à cause des conditions
drastiques (sévère) d’établissement des preuves devant un juge électorale qui exclut par
ailleurs toute annulation globale des élections. Le juge quant à lui est piégé par le caractère
dévoyé du principe de la séparation des pouvoirs qui fait qu’il ne peut statuer que sur la base
de la loi. Dont n sait qu’elle n’est ni neutre ni impartial parce que voté par une majorité de
coloration politique bien déterminer. Un principe fait pour garantir l’indépendance des
pouvoir devient ainsi un moyen de neutralisation du pouvoir judiciaire. Le juge lui-même ne
semble pas faire preuve d’audace car même lorsque des dispositions constitutionnelles sont
violés, il refuse d’en tirer les conséquences arguant en 1978 qu’en droit positif sénégalais il
n’existe pas une contrôle de constitutionalité des lois alors qu’il est sensé justement faire
évolué le droit. En effet rien ne l’empêche sur le plan strictement juridique de faire œuvre de
jurisprudence prétorienne en sanctionnant au moins la violation de la constitution notamment
en ce qui concerne le secret du vote prévu par l’article 3 de la charte fondamentale du 7 mars
1963. Il résulte de tout cela un certain discrédit de l’instance judiciaire quant à trancher les
litiges politiques.
Ainsi en 1988, le nombre particulièrement élevé de recours introduit par les partis
d’opposition auprès de la cour suprême et qui ont tous étaient rejetés pour irrecevabilité ou
défaut de base légale ont donné l’impression que la cour était aux ordres du pouvoir exécutif.
De tout cela, il résulte que la cour suprême ne semble pas avoir beaucoup apporté au contrôle
juridictionnel de la compétition politique. Ce handicap était lié au contexte historique marqué
par la forte emprise du parti au pouvoir sur les règles du jeu. Dès lors avec les mutations
d’ordre politique, juridique et institutionnel intervenues au début des années 1990, la justice
du politique évolue qualitativement. Ainsi avec la réforme judiciaire de 1992, la cour suprême
est éclatée en trois juridictions souveraines et spécialisées : conseil d’Etat, cour de cassation et
conseil constitutionnel. Ce dernier s’emploie à appliquer plus judicieusement des règles
électorales plus justes.
B- L’APPLICATION PLUS JUDICIEUSE DE REGLES PLUS EQUITABLES PAR LE
CONSEIL CONSTITUTIONNEL
A partir de 1993, le contrôle des élections par le juge connait une certaine évolution à la suite
du consensus politique qui a permis au pouvoir et à l’opposition de se retrouver pour élaborer
un code électoral adopté sans qu’une virgule n’ait été retranchée pour reprendre l’expression
du président Abdou Diouf. Le conseil constitutionnel rappelle cette nouvelle donne dans sa
décision n° 05-93 du 02 mars 1993 et ne manque pas d’élaborer une nouvelle doctrine quant
au contrôle des opérations électorales. La juridiction souveraine affirme en ce sens «
considérant en effet que le code électoral de 1992 dit « nouveau code » est inspiré par la
volonté commune de rendre les opérations électorales totalement transparentes et les résultats
des élections fiables grâce au rôle prépondérant accordé aux candidats dans la conduite
desdites opérations. » il est notamment stipulé « chaque liste de candidats ou chaque candidat
a le droit de contrôler l’ensemble des opérations électorales depuis l’ouverture des bureaux de
vote jusqu’à la proclamation et l’affichage des résultats dans ces bureaux. » Par rapport à cette
évolution à la fois politique, juridique et institutionnelle, le juge électoral formule un principe
de succession et non de cumul entre les différents niveaux de contrôle.
A cet égard, le co0nseil constitutionnel affirme « considérant que depuis les bureaux de vote
jusqu’à la commission nationale de recensement des votes, les contrôles se succèdent mais ne
se cumulent pas ; qu’ainsi le bureau de vote contrôle le scrutin, la commission départementale
de recensement des votes contrôle les procès-verbaux des bureaux de vote et la commission
nationale de recensement des votes contrôle les procès-verbaux des commissions
départementales de recensement des votes. » Cette doctrine du conseil semble logique et
cohérente et paraît être de nature à garantir une bonne justice. En effet les partis politiques
représentés à chaque échelon du contrôle peuvent faire mentionnés dans les procès-verbaux
leurs réserves et les irrégularités qu’ils ont eu à constater. Cela donne cet avantage qu’à
chaque niveau ils sont plus au fait des réalités qu’ils dénoncent et au cas où ils ne le feraient
pas la faute leur incomberait. En plus même si cette doctrine ne renvoie pas à une synthèse
dans la vérification de tous les contrôles par le conseil constitutionnel juge en dernière
instance chargé de la proclamation définitive des résultats, il n’en demeure pas moins que le
conseil peut examiner selon les circonstances de l’espèce des cas de fraudes, d’irrégularités ou
de la violation de la loi dans des cas précis. En application de cette doctrine, le conseil
constitutionnel a eu à préciser l’étendue de son contrôle de manière très claire en 1993. Ce
contrôle semble s’exercer essentiellement sur celui opéré par la commission nationale de
recensement des votes. Dans cette rationalisation de l’organisation du contentieux, le conseil
constitutionnel estime que les questions relatives à l’utilisation des médias publics de manière
inéquitable en faveur du parti au pouvoir relèvent de la compétence de l’instance de
régulation de l’audiovisuel ; pour les inscriptions électorales, qu’elles sont du ressort de
tribunal départemental et du conseil d’Etat (aujourd’hui remplacé par la cour suprême) ; et
pour l’utilisation des moyens et biens de l’Etat à des fins de campagne, la haute juridiction
estime que de tels griefs doivent être déférés à l’attention du juge pénal.
Dans le même ordre d’idées, le juge réfute également tous les arguments qui auraient dû être
mentionnés au niveau des échelons inférieurs de contrôle. En effet, les réclamations faites
devant le conseil constitutionnel ne sont recevables que dès lors qu’elles ont été soulevées
préalablement par les représentants des candidats ou des partis politiques associés à tous les
échelons du contrôle des opérations électorales.
Mais, lorsque la juridiction spécialisée est compétente pour statuer sur les allégations des
requérants, ceux-ci n’obtiennent gain de cause qu’en se soumettant à un certain régime
d’administration des preuves. Celui-ci repose sur deux critères cumulatifs, des faits constants
et avérés dont la matérialité est clairement établie d’une part et d’autre part que ces mêmes
faits soient de nature à porter atteinte à la sincérité du scrutin.
Ces deux critères ont été adaptés au principe de la succession des contrôles édictés par le
conseil constitutionnel en 1993 pour rationaliser le contentieux électoral. Fidèle à cette
doctrine, la haute juridiction a rejeté toutes les prétentions non étayées de preuves.
En ce sens, lors de la présidentielle de 1993, le juge a estimé par rapport aux allégations de
corruption ce qui suit : « considérant que la distribution gratuite de denrées et de vivres dans
les départements de Matam et de Podor est également simplement alléguée mais pas
davantage prouvée, décide au fond le rejet des recours de Abdoulaye Bathily, Babacar Niang,
Abdoulaye Wade, Iba Der Thiam, Landing Savané comme mal fondés. » De même, dans sa
décision n° 19A29/E-98 du 08 mars 1998, le moyen (argument ou grief) tiré du trafic
d’influence exercé par le parti au pouvoir aux alentours des bureaux de vote avancés par
l’alliance Jëf Jël – USD a été rejeté par le juge « considérant qu’il est difficile de rapporter la
preuve que tous ceux qui gravitent le jour du scrutin auprès des centres de vote appartiennent
à une formation politique déterminée ; qu’il ne s’agit là que d’une simple affirmation sans
influence déterminante sur le déroulement normal du scrutin dont la sincérité ne saurait être
entachée par ce fait. »
En 2000, une affaire de fraude a été signalée au juge concernant les électeurs du Mali
précisément à Kayes. En effet, il a été reproché à un responsable du parti au pouvoir d’avoir
fait massivement voter des Maliens avec de faux documents sans que cela ne soit prouvée par
les requérants. Régulier dans sa logique, le conseil constitutionnel a rejeté de telles allégations
(prétentions).
Tous ces inconvénients dans l’administration des preuves ont été sensiblement réduits avec la
création de l’Observatoire National des Elections (ONEL) en 1997. En effet, cette institution
va contribuer substantiellement au relèvement de la qualité du contentieux électoral car les
rapports fournis par ses instances présentes au niveau des bureaux de vote et du département
vont permettre de contourner l’obstacle quasi-structurel de fournir des preuves à l’appui des
allégations de fraudes qui devaient être établies par exploit d’huissier. Or, il est hypothétique
de trouver des huissiers en nombre suffisant pour les déployer dans les milliers de bureaux de
vote existant sur toute l’étendue du territoire.
Ajoutant à cela, la nécessité d’établir un rapport de cause à effet quant à la sincérité des
opérations électorales, on comprend alors aisément que l’ONEL a assuré une mission
essentielle tendu vers une atténuation considérable des difficultés relatives à l’administration
des preuves. La logique du juge en la matière est simple. Les faits allégués sont favorablement
accueillis si les documents de l’ONEL les confirment et s’ils ont été mentionnés dans les
niveaux inférieurs de supervision conformément au principe de succession des contrôles.
Cette position est adoptée par le conseil constitutionnel lors des législatives de 1998. Eu égard
aux griefs fondés sur l’absence, l’insuffisance ou la soustraction de bulletins dans les bureaux
de vote, les organes de l’ONEL n’ayant pas signalés de telles irrégularités et les requérants
n’ayant pas pu fonder matériellement la véracité de leurs allégations, le juge a tout
simplement rejeté les faits. Lors de ces mêmes élections de 1998 la question des documents
administratifs sur la base desquelles il est possible de voter et revenir à travers le problème de
certificat de conformité ayant été al la base de vote frauduleux. Egal à lui-même le juge a
rejeté le moyen au motif des preuves de tels allégations n’ont été rapporté ni par les
requérants pas plus que de tel faits n’ont été mentionné par les instances de l’ONEL. Le juge
estime en effet « considérant que ses allégation ne s’appuient sur aucun moyen de preuve ;
qu’en effet si quelques procès-verbaux font allusions à de faux certificats de conformité.
Aucun document établissant leur existence n’a été versé au dossier par les requérants ni
produit par l’ONEL car supposé que ces fausses pièces ait réellement existées il n’a pas été
prouvé qu’elles ont effectivement servi à voter ; que dès lors les allégations les allégations
des candidats de l’alliance jëf jël ne pourrait être retenu. »
25/01/2019
A Rufisque, lors de la présidentielle de 2000, le parti au pouvoir estime avoir été victime
d’actes de violence, de bourrage d’urnes et de disparition de feuilles d’émargement.
Invariable dans sa démarche, le juge rejette de telles allégations qui n’ont été ni consignées ni
confirmées dans aucun document électoral et sans que le requérant ait établi lui-même la
matérialité des faits.
Par ailleurs, le juge a pu procéder à des annulations sélectives dès lors que les
dysfonctionnements soulevés par les requérants ont été confirmés par les procès-verbaux des
bureaux de vote et par ceux de l’ONEL. En ce sens, le conseil constitutionnel se fondant sur
de tels documents a accédé à la demande d’annulation des résultats dans certains bureaux à
Rufisque en raison de votes multiples notamment les bureaux 4 & 5 de Mérina. Une autre
orientation majeure du conseil constitutionnel est d’accorder toujours dans sa démarche la
primauté et la priorité à la volonté des électeurs. Dès lors, il ne recourt pas de manière
systématique et absolue à l’annulation. Il utilise pour cela plusieurs techniques qui l’amènent
à faire primer l’esprit de la loi sur la lettre ou à chercher à reconstruire la volonté des électeurs
a posteriori tel un véritable faiseur de système pour faire respecter autant que faire se peut la
souveraineté populaire qui est le socle sur lequel repose la démocratie. Le juge a estimé que
des procès-verbaux transmis par des personnes non assermentées conformément à la loi n’est
pas en soi un motif d’annulation. « considérant que l’annulation d’un procès-verbal transmis
dans de tel condition et pour cette seule raison est injustifiable s’il n’a subi aucune
modification ou altération au cours de sa transmission ; qu’aucun cas de cette nature n’a été
signalé bien que tous les représentants des candidats puissent en possession en exemplaire du
procès-verbal transmise». Persistant dans son option d’accorder la prééminence de l’esprit de
la loi sur la lettre, le juge a assoupli les règles relatives à la validité des procès-verbaux.
Concernant leur validité formelle en rapport avec la présence, le statut et le rôle des
représentants des partis politiques dans les bureaux de vote, le conseil constitutionnel
affirme : « le seul fait qu’un procès-verbal n’ait pas été signé par un ou plusieurs membres
n’emporte pas en lui-même nullité dudit procès-verbal. » cf. elec 1983 où la non signature
constituait un motif d’annulation.
Le juge a fait primer également l’esprit de la loi sur la lettre dans le contentieux de 1998 eu
égard à la prorogation (prolongation) de l’heure de clôture du scrutin jugée illégale par les
requérants de l’alliance Jëf Jël. Le juge considère que « cette circonstance même si elle est le
fait des membres de bureaux de vote est sans influence sur la régularité de l’élection surtout
lorsqu’elle a pour objet essentiel de compenser le retard pris à la suite de l’ouverture tardive
des bureaux de vote ; que dès lors le moyen doit être écarté. »
Dans le même registre de protéger et de préserver l’expression de la volonté populaire, le
conseil constitutionnel écarte l’annulation systématique du fait des irrégularités. Il s’emploie
plutôt ingénieusement à démontrer dans quelle mesure celles-ci ont entaché la sincérité du
scrutin de telle sorte qu’elles ont faussé le verdict des urnes.
Sur la question des ordonnances en 1993 le juge électoral atteste considérant toutefois qu’il
n’a pas été prouver que les candidats d’un tel ou tel partie politique ont été les seules à en
bénéficier qu’au contraire de forte présomption porte à croire qu’il n’en n’a été fait usage au
bénéfice des candidats des parties politique qu’ainsi suivant une jurisprudence constante les
irrégularités qui en résulte s’annulent et ne peuvent en conséquence constituer obligatoirement
une cause d’annulation du scrutin.
Un autre problème de compétition déloyale au profit du parti au pouvoir a été soulevé lors des
élections de 1998 sous la forme d’un grief fondé sur la nomination irrégulière et tardive des
membres de bureaux de vote. Dans cette affaire, le juge semble avoir adopté une démarche
pragmatique en ne cherchant pas à savoir si les allégations de collusion avec le parti au
pouvoir sont avérées, preuve qui est à la charge des requérants. Le juge semble plutôt
privilégier le caractère effectif du vote dès l’instant que les membres du bureau à la neutralité
remise en cause n’ont pas été à l’origine d’irrégularités et que d’autres irrégularités n’ont pas
été constatées et consignées dans les procès-verbaux par les représentants des partis
politiques.
Au 1 er tour de l’élection présidentielle de 2000, la question d’un transfert illégal d’électeurs
dans le département de Kaolack a été soulevée devant le juge électoral. Là encore,
l’annulation des suffrages a été refusée au motif essentiel que le nombre de personnes
concernées était insignifiant. Dans certaines situations, même lorsque l’irrégularité est établie,
le juge essaie d’en circonscrire les effets pour éviter une annulation globale. C’est la solution
qui a été retenue lors de la présidentielle de 2000 suite au vote de mandataires dans un bureau
du département de Linguère.
Le conseil constitutionnel déclare à cet égard : « considérant que l’examen du procès-verbal
du bureau de vote n°1 de Madèn montre effectivement les deux mandataires susvisés ont voté
dans ce bureau alors qu’aucune disposition du code électoral ne leur en donne le droit ; qu’en
conséquence il y a lieu d’annuler leur vote et de soustraire leurs voix du nombre de suffrage
obtenu par le candidat dont ils sont les mandataires. »
Cette doctrine du juge qui fait primer le respect de la volonté des électeurs sur le respect de la
légalité dans son abstraction semble avoir été formulée par le président du conseil
constitutionnel Youssoupha Ndiaye (remplaçant de Kéba MBAYE) dans son allocution du 03
avril 1993 à l’occasion de la cérémonie de prestation de serment du président de la république
en ces termes « lorsqu’il a à connaitre d’un litige électoral, le juge doit être guidé avant tout
par le souci de faire respecter la sincérité du scrutin c’est-à-dire la volonté du corps électoral.
Ainsi lorsqu’il est en présence d’une illégalité ou d’une fraude, il ne doit pas procéder à
l’annulation systématique, il ne le fait que lorsqu’il a acquis la conviction que la volonté des
électeurs a été trahie et de manière telle qu’il est impossible de la restituer a posteriori de
façon certaine. »
La contribution du conseil constitutionnel à la construction démocratique est non négligeable.
Dans certaines affaires, le juge ne se borne plus à affirmer de façon péremptoire sa position
dans un langage abscons (ésotérique, réservé aux initiés), il fait une véritable œuvre
pédagogique en élaborant des hypothèses qu’il s’emploie à dégager et à étayer de manière
logique et rationnelle. On a pu remarquer que les décisions du conseil constitutionnel en
matière électorale sont beaucoup plus longues que celles de la cour suprême ; ce qui illustre
cette volonté didactique, pédagogique du censeur du politique. Cela milite également en
faveur de l’acceptation de la justice du politique car lorsqu’elle est bien comprise, elle gagne
en légitimité et en autorité ; ce qui est essentiel au renforcement de la démocratie et permet
d’éviter le recours à la violence.
Au demeurant, le juge électoral est resté très rigoureux dans l’administration des preuves à
savoir les critères cumulatifs classiques à savoir l’établissement matériel des faits et que ceci
soit articulé dans une relation de cause à effet de nature à compromettre la sincérité des
opérations électorales.
En plus de ces critères, le juge exige également que les faits aient été signalés au niveau des
échelons inférieurs de surveillances électorales selon le principe de la hiérarchie des contrôles.
La création de l’ONEL a permis de relever substantiellement la qualité du contentieux
électoral en surmontant les difficultés d’administration des preuves. Il faut ajouter à cela que
la haute juridiction ne verse pas dans l’annulation systématique en cas de fraude. Il met en
avant la volonté des électeurs et la protection de leurs droits ; ce qui semble plus conforme
aux valeurs et principes démocratiques. Pour cela, le juge fait primer l’esprit de la loi sur la
lettre par rapport à la validité formelle ou matérielle des procès-verbaux, par rapport à leurs
modes de transmission, par rapport à des décisions administratives suspectes comme la
délocalisation des bureaux de vote ou autres. Il apprécie dans tous les cas s’il y a eu ou non
intention de fraude et s’il y a eu fraude effective.
Dans son rôle d’arbitre ultime des joutes électorales, le conseil met en avant la volonté des
électeurs citoyens et refuse de suivre l’opposition dans le sens d’une annulation systématique
des procès-verbaux conflictuel car : « de l’avis du conseil constitutionnel, les irrégularités qui
peuvent entacher les opérations électorales ne doivent pas être apprécié en elle-même mais en
fonction des conséquences qu’elles peuvent avoir ou non sur la sincérité du scrutin. Elles ne
doivent entrainer la nullité des élections que si leurs importances ou leurs gravités sont tel
qu’elles affectent sérieusement cette sincérité. Le conseil considère en effet que tout contrôle
de la régularité des opérations électorales doit avoir comme seul objectif le respect de
l’expression libre et démocratique du choix des citoyens et qu’un contrôle qui irait à
l’encontre de cet objectif est injustifiable ».
Section 2 : La régulation médiatico-électorale de compétition politique
Il sera question d’étudier la régulation électorale par rapport à l’usage des médiats publics et
privé. Et ensuite la régulation de la compétition politique eu égard à l’encadrement du
processus électoral par l’ONEL (observatoire national des élections) crée en 1997 et devenu la
CENA (commission électorale nationale autonome) en 2005.
Paragraphe 1 : La régulation démocratique de l’accès au médiat
Celle-ci doit être envisagée à travers une double détente à savoir d’une part les contradictions
relatives à la mise en place de l’institution de régulation médiatique et d’autre part les
contradictions relatives à la mise en œuvre de la fonction de régulation.
A) Les contradictions relatives à la mise en place de l’institution de régulation
Fruit des récriminations récurrente des parties politiques l’organe de régulation de régulation
des médiats est créer en 1991 dans un contexte de rapprochement entre pouvoir et opposition,
il est néanmoins étroitement contrôlé par le parti au pouvoir en dépit des modifications
intervenues dans son statut juridique. Cependant malgré la faiblesse de ses moyens de
coercition et de contrôle l’instance de régulation a pu garantir dans une certaine mesure
l’accès des partis d’opposition aux partis politiques. A quelque encablure de la fin des années
90 les partis d’opposition manifestent pour dénoncer le monopole étatico-partisan sur les
médiats publics. Certains lideur de l’opposition sont alors molestés. Cette lutte étaient on ne
peut plus légitime pour le philosophe Sémou Paté Gueye un des responsable du PIT (des
parties pour l’indépendance du travail) « la bataille pour l’accès aux médias d’Etat était
indispensable car tant qu’on était dans un régime de parti unique on pouvait comprendre sans
pouvoir le justifier que l’information ait été monopolisé et même caporalisé. Cette situation ne
pouvait plus être accepté dans un régime multi partisane ». dans ce nouveau contexte de dégel
et d’ouverture dans les rapports politiques entre le pouvoir et l’opposition après la crise
électorale violente de 1988 le président de la république dans son discourt traditionnel du 31
décembre 1990 « assure la volonté des pouvoirs publiques d’améliorer sans relâche les
garanties du pluralisme se traduira dans les prochains jours par la création d’un haut conseil
de la radiotélévision pour le libre accès des parties politiques aux médias audiovisuels ». Le
décret n°91-537 du 25 mai 1991 porte sur les fonts baptismaux, le haut conseil de la radio
télévisé. Ce décret est intervenu assez tardivement car il devait assurer l’applicabilité de
l’article 5 de la loi 89-36 du 12 octobre 1989 « les parties politiques régulièrement constitués
ont accès aux antennes de ORTS pour la diffusion de leur communiqué de presse. La
couverture de leur manifestation statutaire et dans le cadre de la retransmission des débats
parlementaire. En outre il peuvent être invité à participer à des émissions à caractère politique
notamment sur la forme de débat ou de Table ronde ».

TPE : Les élections législatives du 30 juillet 2017 au Sénégal.


Le premier code électoral est créé en 1992 par les principaux acteurs politiques sénégalais par
le biais de consensus.
La preuve est la rançon des droits.
L’expression de la volonté personnelle prime sur les annulations systématiques
Le quart bloquant***
Le contrôle juridictionnel du politique par le conseil constitutionnel
Régulation médiatique.

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