Vol.

1 N°1

Hi
Hippocrate
Revue professionnelle de naturopathie

Automne 2019 Trimestrielle

Dossier
NATUROPATHIE
ET MÉDECINE INTÉGRÉE
Si le futur se conjuguait déjà au présent ?

Regards croisés

La détoxification hépatique

Recherche
LA NATUROPATHIE
AU BANC D’ESSAI
Revue professionnelle de naturopathie
Automne 2019 Trimestrielle
 Automne

2019
Docere ! Enseigner, transmettre, apprendre, Hippocrate, en tant que revue professionnelle
c’est ce qui nous est demandé d’assurer tout au de naturopathie, souhaite particulièrement
long de notre parcours professionnel en tant que accompagner ce mouvement. « La seule voie qui
naturopathe. Depuis plus de 2000 ans nous avons offre quelque espoir d’un avenir meilleur pour toute
reçu de nos anciens un savoir et une expérience l’humanité est celle de la coopération et du partenariat »
qui nous permettent dans notre pratique, de soulignait Kofi Annan, Prix Nobel de la Paix, dans
prévenir afin de maintenir l’état de santé optimum son discours à l’Assemblée générale de l’ONU le
mais aussi d’accompagner la souffrance. Sur une 24 septembre 2001. Nous sommes évidemment
planète dont l’avenir est incertain, au cœur d’une intimement convaincus qu’il en est de même pour
communauté humaine de plus en plus coupée de la naturopathie et pour la santé. L’heure n’est plus
ses racines, nous avons un rôle essentiel à jouer. Le à la compétition si tant est qu’elle l’ait un jour été.
socle de notre pratique repose sur les préceptes du Elle est au rassemblement des forces de toutes
Corpus hippocratique qui nous celles et ceux qui souhaitent
enseigne d’observer la nature, œuvrer dans ce sens, celle d’une
d’être attentifs aux éléments et meilleure santé pour demain,
de rechercher la cause des grands et qui partagent et appliquent
déséquilibres avant d’envisager les mêmes valeurs d’écoute, de
d’intervenir sur les effets. respect et de bienveillance.

Être naturopathe au XXIe siècle, Des défis importants attendent

c’est être un éducateur de santé, demain la naturopathie pour
un passeur, conscient du lien qu’elle soit reconnue et qu’elle
étroit et fragile qui existe entre la puisse entièrement jouer son
nature et l’homme. C’est prendre rôle. Nombreuses sont les
en considération les enjeux personnes qui œuvrent chaque
environnementaux et sanitaires considérables qui jour dans leur domaine d’expertise et à leur
se présentent à nous et œuvrer de concert avec échelle pour relever ces enjeux majeurs : l’enjeu
toutes les disciplines connexes. La santé est un bien scientifique, celui de la formation, celui d’une
précieux, que l’Homme, depuis qu’il s’est organisé communauté de naturopathes rassemblée, l’enjeu
en sociétés, n’a eu de cesse de préserver à travers juridique ou celui d’une meilleure visibilité
la Médecine. Celle que la tradition millénaire a pour notre discipline. Votre revue Hippocrate a
façonné à travers les époques, les cultures et les pleinement à cœur de vous les transmettre afin
croyances. Aujourd’hui divisée ; nous parlons que tous ensemble nous puissions pleinement y
de médecines modernes, traditionnelles, non prendre part.
conventionnelles ; demain elle sera certainement
de nouveau rassemblée ! Charlotte Guillot et Dominick Léaud-Zachoval

Vol.1 N°1

Direction de la publication: Charlotte Guillot et Dominick Léaud-Zachoval

Rédaction en chef : Isabelle Frissant
Ont collaboré à ce numéro:
Hi
Hippocrate
Journalistes: Yann Battle, Isabelle Frissant
Auteurs : Noémie Achet-Piret, Dr Monique Beja, Régis Blin, Pascal Bossut, Hervé
Darbon, Jean-Pierre Guiliani, Marion Henry, Daniel Kieffer, Dr Eric Portes, Eva Santiago
Administration : Fabienne Vernay
Traduction : Nathalie Allégatière, Sandra Geslin
Illustration : Michaël Nicolle
Relecture et correction : Danièle Richaud
Conception, maquette et PAO : Philippe Guillot Hermès éditions,
Impression : Malemort-du-Comtat (84) sur les presses de : S.A.S au capital de 2000 €
4IMPRIM – 04 88 04 95 26 243 - 251 place du Général de Gaulle
Tirage : 1000 exemplaires ISSN : en cours d’attribution 13300 Salon-de-Provence – France
Date de parution : le 23 septembre 2019 Siret 849 569 397 00011 -  NAF 5811Z

Toute reproduction partielle, représentation ou diffusion du contenu de la revue à des fins autres que personnelles, en tout ou partie, sur quelque support que ce soit ou par tout procédé, est
interdite, sauf autorisation expresse d’Hermès éditions. Le non-respect de cette interdiction constitue une contrefaçon susceptible d’engager la responsabilité civile et pénale du contrefacteur.
 So
sommaire

EN BREF
6. Actualités, Agenda ...

PORTRAIT
10. Alain Rousseaux
PIONNIER DE LA NATUROPATHIE
par Isabelle Frissant

14. DOSSIER
Ce premier dossier entend Naturopathie et Médecine intégrée :
dresser un état des lieux d’un
mouvement à l’œuvre et donne si le futur se conjuguait déjà au
la parole à celles et ceux qui présent?
avancent, loin des polémiques,
qui ne font que cristalliser des Dans le monde, et en France, des naturopathes,
oppositions trop franches pour médecins et praticiens de santé, des chercheurs et des
être vraiment justes. universitaires, se questionnent et se rassemblent pour
réfléchir à un avenir commun.
par Yann Battle, Isabelle Frissant,
et Charlotte Guillot. D’autres le pratiquent déjà...

40. RECHERCHE
À suivre
Oncologie intégrative :
la naturopathie au banc d’essai

Étude complète
Crédit photo: DLZ

Effet anti-hyperglycémique de l’extrait aqueux de Juglans

regia L. feuille (feuille de noix) sur des patients diabétiques
de type 2: un essai contrôlé randomisé

Hippocrate - Automne 2019

 48. INTERNATIONAL
La WNF fait progresser la naturopathie
dans le monde Interview d’Iva Lloyd , présidente de la WNF

52. HISTOIRE
Hippocrate, aux sources de la naturopathie
par Dominick Léaud-Zachoval

56. REGARDS CROISÉS

La détoxification hépatique
par Jean-Pierre Giuliani et Régis Blin, directeurs du Collège SFERE
Dr Eric Portes, ostéopathe,
et Pascal Bossut, naturopathe.

CAHIERS PRATIQUES
Monographie
Pour en finir avec la toxémie
colloïdale par Daniel Kieffer
Phytologie
Quercus Robur, le chêne
67. par Éva Santiago

Nutrition
L’Alimentation cétogène
par Dr Monique Béjat

Juridique
Droit dans les yeux
Interview d’Isabelle Robard, Docteur en Droit

88. POUR ALLER PLUS LOIN

Mémoires d’étudiants
La naturopathie, un chemin d’autonomie
par Marion Henry

12 préparations d’Hildegarde de Bingen confrontées à

la recherche scientifique moderne
par Noémie Achet-Piret

Revue professionnelle de naturopathie


Hommage à Robert Masson
Mardi 2 juillet 2019, à Perpignan, Robert Masson
quittait ce monde. Il avait 87 ans, dont plus de 60
consacrés à la naturopathie. Personnage atypique
dans le panorama de la profession, Robert Masson
était porté par la passion et la volonté d’enseigner
au plus grand nombre les clés de la santé naturelle.
Hippocrate lui rend ici un premier hommage .
ACTUALITÉS
Une belle réussite pour le 1er
congrès de naturopathie du SPN
Les 15 et 16 juin derniers, le Syndicat des
Professionnels de la Naturopathie (SPN) a organisé
son premier Congrès aux Docks de Paris à
Aubervilliers. Ses adhérents et autres professionnels
de la naturopathie ont pu assister à différentes
interventions animées par des conférenciers de
renom comme le Dr Vincent Reliquet, le Dr Jean-
Paul Curtay, le Dr Davis O’Hare ou encore Marion
Kaplan. Accueillant près de 300 visiteurs, ces
deux journées de rencontres constructives entre
les différents acteurs de la naturopathie ont par
ailleurs permis à la Présidente du SPN, Alexandra
Attalauzitti, de présenter les avancées et les projets
du syndicat. Les dates du prochain congrès sont
d’ores et déjà fixées : le SPN vous donne rendez-
vous les 13 et 14 juin prochains aux Docks de Paris.
En attendant, pour toutes celles et ceux qui n’ont pas
pu assister au Congrès, le syndicat propose un pack
vidéos comprenant l’intégralité des deux journées.
Vous les retrouverez sur https://boutiquespn.syndicat-
naturopathie.fr/produit/pack-videos/
Lancement professionnel : une
journée avec l’APNF
L’Association Professionnelle des Naturopathes
Francophones, APNF, a organisé en juillet dernier
et comme chaque année sa journée de lancement
6.
En bref
professionnel. Plus de 100 stagiaires en formation
au CNR (Collège de Naturopathie Rénovée André
Lafon) ou à l’IFSH (l’Institut Français des Sciences
de l’Homme) étaient présents. Obligatoire pour
être naturopathe agréé APNF, cette journée vise à
transmettre les bonnes pratiques déontologiques
ainsi que les obligations administratives et juridiques
auxquels sont soumis les naturopathes. L’occasion
également d’aborder les différents statuts fiscaux
possibles avec leurs avantages et leurs inconvénients
ainsi que délivrer des informations sur les
assurances professionnelles afin de pouvoir exercer
en toute sérénité. Parce que réussir son installation
professionnelle se prépare…
www.apnfma.org
Crédit photo : Svend Andersen
Un nouveau Président pour la
FÉNA
Élu le 7 mars 2019, Alioune Diaw est le nouveau
Président de la FÉNA.
Directeur fondateur de l’Académie de Vitalopathie,
il est titulaire d’un doctorat d’État en sciences
et médecines vétérinaires à l’EISMV au Sénégal
et d’un doctorat d’université en économie des
filières à l’Unité Mixte de Recherche à la faculté de
Bourgogne. En 2001, il suit une formation itinérante à
travers les Etats-Unis en Naturopathic and Osteopathic
Medicine. Il passe la Certification en Naturopathie
Traditionnelle (CTN) avec l’American Naturopathic
Certification Board et a suivi les enseignements de
l’Institute for functional Medicine. Il est distingué en
2012 Diplomate in Functional Medicine par l’American
Board of functional Médicine. « La FÉNA doit être une
fédération ouverte, une fédération de rassemblement,
une fédération qui porte haut les valeurs du donner et du
recevoir avec tous les acteurs de la naturopathie. Voilà
mon ambition et le cœur du projet que je porte pour notre
fédération » a-t-il notamment indiqué à la suite de son
élection.
Hippocrate - Automne 2019
L’Union des Naturopathes de Une participation record de la
Belgique mobilisée France au Congrès Mondial de
naturopathie ICNM 2019
A la veille des élections belges et européennes,
l’UNB a interpellé, dans une lettre ouverte, tous les
ICNM 2019, le Congrès Mondial de Naturopathie qui
partis politiques belges à « s’engager à reconnaître
s’est tenu à Londres du 5 au 7 juillet 2019, a connu un
la naturopathie dans l’intérêt général des citoyens
très grand succès. Plus de 600 participants, venus de
sur les plans socio-économique, sanitaire et
55 pays, ont assisté à cette conférence internationale
environnemental ». Cordiales, les réponses sont
majeure dont 25% de la France. Cette 6ème édition
néanmoins restées sans réel engagement de leur
a fait l’objet de la plus grande attention de la part
part. Mais l’UNB ne baisse pas pour autant les bras.
des représentants d’organisations mondiales de
Très engagée dans le combat sur la réduction de
santé et d’universités de médecine naturopathique
la consommation d’antibiotiques et la résistance
nord-américaines qui ont apprécié la qualité
aux antimicrobiens pour lesquelles l’OMS a lancé
des interventions, le niveau exceptionnel des
en 2016 un plan d’action mondial, « One Health »,
présentations scientifiques et des posters.
elle a participé le 10 avril dernier à la conférence
internationale qui se tenait dans ce cadre au
Parlement européen. Elle organisera en outre le
16 novembre prochain son premier Congrès de
naturopathie à Bruxelles à l’Atelier des Tanneurs.

21/22 2e Congrès International

sur l’intégration des thérapies
Septembre Montréal, Québec
https://evenements.ednco.com/congres-international-sur-lintegration-
des-therapies-2019/

27/28 Les 2e journées du GETCOP

Troubles du sommeil et thérapies complémentaires
Septembre personnalisées
Congrès Robert Schuman, Metz, France
www.getcop.org

12 1ère conférence tchèque sur la

naturopathie
Octobre Prague, République tchèque
www.naturopatickakonference.cz

16 1er Congrès de naturopathie de l’UNB

Atelier des Tanneurs, Bruxelles, Belgique
Novembre organisé par L’Union des Naturopathes de Belgique
www.unb.be

16 Sommet de la BNA
Sommet annuel de l’Association britannique de
Novembre naturopathie, Londres, U.K
www.worldnaturopathicfederation.org

AGENDA
7.
 8 Journée de certification
Décembre
2 0 2 0
19/20
Mars
du 28 au 01
Mai
13/14
Juin
À VENIR
L’OMNES vous donne rendez-
vous
L’Organisation de la Médecine Naturelle et de
l’Education Sanitaire (O.M.N.E.S) est une association
de naturopathes professionnels créée en 1981 et ayant
pour vocation la promotion de la naturopathie et de
sa pratique professionnelle. L’un de ses objectifs :
accompagner et soutenir l’ensemble de ses membres
dans toutes les étapes de l’exercice de leur activité
professionnelle et défendre leurs intérêts. Pour
assurer plus de proximité, faciliter les échanges et
les rencontres avec ses adhérents, l’OMNES dispose
d’un réseau de quinze délégations régionales
réparties sur le territoire français.
Vous êtes affilié à l’OMNES ou souhaitez rejoindre
l’association ? L’OMNES et ses délégués régionaux
vous donnent prochainement rendez-vous en région.
Rendez-vous le 1er octobre à Toulon, le 8 octobre à
8.
fédérale de la FÉNA,
Paris, France
Réservée aux étudiants/stagiaires en fin de cycle dans les écoles
agréées FÉNA. Sur inscription dans les écoles agréées.
8e Congrès international ICEPS
Prévenir et soigner les douleurs avec des
Interventions Non Médicamenteuses (INM)
Centre de Congrès Pierre Baudis, Toulouse, France
www.agirsantenaturelle.fr
Congrès international de médecine
intégrative
Cleveland, OHIO, USA
www.icimh.org
Congrès de naturopathie du SPN
Docks de Paris, Paris, France
Adhérents SPN et Professionnels
www.syndicat-naturopathie.fr
Bordeaux et le 17 octobre à Clermont-Ferrand.
L’OMNES sera également présente au salon
Belavenir organisé à Bayonne les 4 et 5 octobre ainsi
que les 15,16 et 17 novembre aux Journées Bien-être
à Toulon.
www.omnes.fr
L’APHN à Paris en 2020
Du 30 janvier au 3 février 2020, l’APHN, association
pour la promotion de l’hygiène vitale et de la
naturopathie, sera présente au salon Bien être et
Médecine douce de Paris. Objectif : faire connaître
les naturopathes adhérents de l’APHN et la
naturopathie au grand public. Au programme sur son
stand : mini bilans iridologiques et morphologiques.
Lors de l’édition 2018, 165 mini-bilans avaient été
réalisés par les naturopathes présents. Certains
d’entre eux ont ainsi pu enregistrer jusqu’à 30
prises de rendez-vous de consultation. C’est l’un des
objectifs de l’association professionnelle : donner de
la visibilité à ses naturopathes adhérents pour les
aider à développer leur clientèle.
www.aphn.fr
Hippocrate - Automne 2019
La WNF dans le monde

Pay s m em b r e s de la WNF

Le clin
d’oe il
de Michaël

9.
 Portrait

ALAIN ROUSSEAUX
PIONNIER DE LA
NATUROPATHIE
Thérapeute, conférencier, enseignant, écrivain...
Alain Rousseaux est avant tout un enthousiaste qui a fait
de la naturopathie sa vie, ou de sa vie la naturopathie :
quoi qu’il en soit, les deux sont indissociables !
La preuve en histoire.

Hippocrate - Automne 2019

 «Je connais un type, il faut que tu le
rencontres », lui dit-elle. Alain Rousseaux a 19
ans quand, sur les conseils d’une amie, il se
rend dans un studio situé 48 rue du Faubourg
Poissonnière dans le 10e arrondissement à Paris.
Dans une ambiance presque confidentielle, il
entend parler pour la première fois de médecine
naturelle et cela fait « sens ». Sens pour l’enfant
qu’il a été, plutôt sauvage, toujours en lien avec la
nature qu’il préférait aux bancs d’école, sens pour
l’adulte en devenir qui s’imaginait « chirurgien ou
kinésithérapeute. » En rentrant chez lui ce jour-là,
le discours porté par Pierre-Valentin Marchesseau
résonne en lui et chemine pendant quelques mois.
Quelques mois au cours desquels la lecture d’un
ouvrage, « Les lois de la vie saine » de Paul Carton*,
trouvé par hasard chez un bouquiniste des quais
de Seine, vient confirmer ce qu’il pressentait
depuis un certain temps déjà : « je ne veux pas traiter
les maladies, mais œuvrer pour la santé », réalise alors
celui qui se destinait à la faculté de médecine.
C’est fort de cette conviction qu’Alain Rousseaux
retourne dans le 10e arrondissement dans ce
même bureau, où il écoute de nouveau Pierre-
Valentin Marchesseau parler de diététique, de
nutrition, de psychologie… Il évoque également
l’ostéopathie, qui suscite un vif intérêt chez Alain
Rousseaux et le voilà, en quelques minutes,
inscrit par Pierre-Valentin Marchesseau dans un
cycle de formation estampillé « ostéopathie » !
Il se rend ainsi chaque semaine dans ce petit
studio parisien, avec cinq autres « élèves », où
Pierre-Valentin Marchesseau les familiarise aux
principes de vitalité, d’hygiène de vie, de respect
des lois biologiques… Mais Alain Rousseaux n’y
entendra plus jamais parler d’ostéopathie ! Ces
cours généraux signeront cependant sa rencontre
avec la pensée naturopathique, une rencontre
qui influencera le reste de sa vie. « Tout ce que je
découvrais m’intéressait, me stimulait, me portait », se
rappelle-t-il. Il continuait à dénicher aux puces des
livres anciens, souvent « officieux », de Desbonnet,
Durville, Rancoule, Rouhet … Et toutes ces
lectures renforçaient chez lui cette vision encore
marginale pour l’époque que « la santé n’est pas
l’absence de maladie ». Sur les conseils de Pierre-
Valentin Marchesseau, il affine ses connaissances
au Collège des naturopathes au Québec en
obtenant un Doctorat en naturopathie.
Revue professionnelle de naturopathie
« Les procédés
naturopathiques qui
font passer un sujet de
la maladie à la santé
relèvent de l’expérience,
du vécu des choses.
On l’a oublié, c’est tout ! »
À son retour, il a à cœur de partager ce qui,
pour lui, est du simple bon sens : « les procédés
naturopathiques qui font passer un sujet de la maladie
à la santé relèvent de l’expérience, du vécu des choses.
On l’a oublié, c’est tout ! », exprime-t-il. Cette volonté
de rappeler au plus grand nombre les principes
vitaux qui animent tout être vivant va donner
naissance à une aventure hors norme : Alain
Rousseaux et Pierre-Valentin Marchesseau, tels
« les gens du cirque », à qui ils aimaient à se comparer,
s’en vont sillonner la France. Ils organisent des
circuits comprenant 10 à 15 villes où ils donnent
des conférences sur différents thèmes - force vitale,
affections intestinales, cutanées ou respiratoires,
alimentation, jeûne, exercices, hydrologie,
phytologie… dont le fond reste toujours le même, la
naturopathie. Leur numéro est bien ficelé : Pierre-
Valentin Marchesseau nourrit les conférences
des idées générales portées par les précurseurs
de la naturopathie, de sa vision globale de l’être
humain ; Alain Rousseaux, quant à lui, vulgarise
les procédés physiologiques complexes, présente
les techniques naturopathiques. À la fin de
chaque conférence, ils font remplir un formulaire
aux participants leur demandant s’ils souhaitent
adhérer à leur association, la Fédération française
de naturopathie, et leur proposent également des
consultations.
* Les lois de la vie saine de Paul Carton, 1ère edition en 1922
11.
Ils sont tout au plus cinq ou six à assister aux
premières conférences : des personnes glanées
ici et là, les « défenseurs de la nature » de l’époque,
les adeptes de Henri-Charles Geffroy, fondateur
de la Vie Claire. Ceux qui, déjà, adhéraient à une
nouvelle éthique de vie allaient devenir membres
de la Fédération française de naturopathie.
Finalement, de conférences en consultations, de
consultations en conférences, de spectateurs en
adhérents, la magie opère : le public est toujours
plus nombreux, plusieurs centaines d’auditeurs
pour chaque conférence, plus de 900 participants
au congrès annuel de 1982, et le fichier de la
fédération grandit jusqu’à atteindre plus de
2000 membres. Ce duo d’exception s’est ainsi
transformé en véritable promoteur de la santé :
grâce à lui, des dizaines de milliers de français
découvrent les lois biologiques nécessaires à
l’entretien de la santé, et c’est ainsi que le concept
de médecine douce sera initié et ne cessera de se
développer.
Cette même dynamique permettra de structurer
le premier centre de formation en naturopathie
en 1973, l’Institut d’hygiène naturelle, dont Alain
Rousseaux sera directeur et responsable de
l’enseignement. Cette formation sera suivie par
des centaines d’étudiants, dont bon nombre sont
aujourd’hui des naturopathes réputés.
La collaboration durera jusqu’à fin 1982. Alors
que Pierre-Valentin Marchesseau poursuit ses
activités, Alain Rousseaux se réoriente pour
permettre une application pratique et disponible
des techniques de la naturopathie pour ceux
qui cherchent à recouvrer la santé. En 1983, il
crée un centre de naturopathie à Paris : l’Institut
Alain Rousseaux, une première en France, où
des soins naturopathiques sont dispensés en
parallèle avec un programme d’hygiène de vie. Le
centre regroupe un cabinet de consultation, un
ensemble de techniques de soins (balnéothérapie,
sauna avec bain de réaction froid, enveloppement
aux huiles essentielles, activités physiques…),
un enseignement théorique et pratique de
naturopathie, une plateforme de rencontres
entre thérapeutes où médecins, acupuncteurs,
ostéopathes, chiropracteurs, homéopathes,
sophrologues, psychologues échangent et
envisagent des stratégies complémentaires afin
d’aider le patient à recouver sa santé.
12.
« Au départ, je ne savais
pas ce qu’elle pouvait faire,
mais à chaque fois que je
découvrais le potentiel de
la nature, c’était comme
une révélation, quelque
chose... d’incroyable ! »
En parallèle, et durant les 25 années d’activité de
l’Institut, Alain Rousseaux assure également un
cycle annuel de conférences afin de faire connaître
la naturopathie à un public de plus en plus
demandeur. Chacune d’ elles est l’occasion de
transmettre le principe selon lequel la maladie se
traite par un retour à la santé et non par un simple
traitement symptomatique, qu’il soit chimique ou
naturel.
En 1985, Alain Rousseaux devient un membre
fondateur de la Fédération Nationale des
Associations d’Hygiène et de Médecines
Alternatives Naturelles (FENAHMAN),
aujourd’hui FÉNA.
Il recevra également en consultations plus de 30 000
clients, de 9h du matin jusqu’à 21h le soir : « je me
disais que si je n’arrivais pas à être autant à l’écoute
et clairvoyant pour mon dernier client que pour le
premier, je m’arrêterais de consulter ! ».
Quelle énergie déployée ! « Je ne l’ai pas fait en
fournissant des efforts, réplique pourtant Alain
Rousseaux, je l’ai fait naturellement. » La nature,
encore et toujours la nature… Car c’est bien la
confirmation chaque jour de sa puissance qui a
fasciné Alain Rousseaux tout au long de sa carrière
de naturopathe et qui continue de l’émerveiller
encore aujourd’hui. « Au départ, je ne savais pas
ce qu’elle pouvait faire, mais à chaque fois que je
découvrais le potentiel de la nature, c’était comme une
révélation, quelque chose... d’incroyable ! ». Depuis
2008, s’il a fait le choix de se retirer de ses activités
professionnelles, c’est pour mieux l’observer, la
contempler, lui parler, tel l’enfant qu’il était. Un
retour aux sources… bien mérité !
Isabelle Frissant
Hippocrate - Automne 2019

... Déjà publié
Retrouver et
conserver sa
santé par le
sauna
Alain Rousseaux,
à compte d’auteur
(1990),
épuisé.
À paraître...
À 20 ans, Alain Rousseaux était déjà convaincu
qu’il était plus important de s’intéresser à la
santé plutôt qu’à la maladie. 50 ans plus tard,
il couche sur le papier le fruit de ses réflexions,
de ses recherches, de son expérience afin de
redonner sa juste place à la santé. Car selon lui,
le pacte de solidarité entre toutes les espèces
vivantes est celui de la santé : « chaque espèce
lutte pour rester en bonne santé, ce principe vital
est inhérent à tous les organismes vivants dont
le nôtre », explique-t-il. C’est lui qui permet de
régler notre physiologie quand un dérèglement
s’installe. »
Un véritable plaidoyer pour la santé
à découvrir prochainement chez votre
libraire.
Revue professionnelle de naturopathie
BIOGRAPHIE
1947. Naissance en Charente
1967. Rencontre avec Pierre-Valentin
Marchesseau à Paris
1969. Début de la collaboration avec Pierre-
Valentin Marchesseau
1973. Obtention du Doctorat en naturopathie
au sein du Collège des naturopathes du
Québec
1973. Création en association avec Pierre-
Valentin Marchesseau de l’Institut d’Hygiène
Naturelle à Paris, premier centre de formation
en naturopathie.
1983. Ouverture de l’Institut Alain Rousseaux
à Paris, centre de naturopathie et déclaration
en préfecture de l’Association pour
l’enseignement et la diffusion de l’Hygiène
vitale et de la Naturopathie (APHN), www.
aphn.fr
1985. Création de la Fédération Nationale
des Associations d’Hygiène et de Médecines
Alternatives Naturelles (actuelle FÉNA),
en collaboration avec André Roux. Alain
Rousseaux a participé activement à tous les
travaux de la fédération : mise en place des
cursus d’enseignement et de leurs contrôles,
code de déontologie, charte des naturopathes,
livre blanc, campagnes de sensibilisation des
responsables politiques, harmonisation des
cursus français et étrangers, etc.
2008 à 2013. Cessation progressive des
activités professionnelles : arrêt du centre
de soins, reprise par Frédéric Boukobza de
l’enseignement sous le nom d’ISUPNAT
(www.isupnat.com), arrêt des consultations.
13.
 Do
Crédit photo: Mikhail Leonov

Dossier

Hippocrate - Automne 2019

14.
 NATUROPATHIE
ET MÉDECINE
INTÉGRÉE
Si le futur se conjuguait
déjà au présent?
La médecine intégrée serait-elle la clé ?
L’avenir de la naturopathie en passerait-
il aussi par elle ? Quels défis devrait-elle
alors relever ? Et quelles sont les avancées
que la médecine conventionnelle et la
recherche scientifique devront réaliser
pour l’intégrer à sa juste place ? Dans le
monde, et en France, des naturopathes,
médecins et praticiens de santé, des
chercheurs et des universitaires se
questionnent et se rassemblent pour
réfléchir à un avenir commun et œuvrer
ensemble, dans un seul intérêt : celui
de la santé de leurs clients ou de leurs
patients. Qu’ont-ils à nous apprendre de DE LA MÉDECINE
leur expérience et de leurs recherches ?
Ce premier dossier entend dresser un
I N T É G R AT I V E
état des lieux d’un mouvement à l’œuvre
et donne la parole à celles et ceux qui
À L’APPROCHE
avancent, loin des polémiques qui ne INTÉGRÉE DE LA
font que cristalliser des oppositions trop
tranchées pour être vraiment justes. SANTÉ
Dossier réalisé par Yann Battle, Aux origines de l’approche intégrée de la santé
Isabelle Frissant, se trouve la médecine intégrative. Née il y a plus
et Charlotte Guillot. de 30 ans aux États-Unis où elle fait désormais
partie du paysage, de la recherche scientifique à
la pratique médicale en passant par les diplômes
universitaires, elle est peu à peu passée d’une
vision centrée sur la maladie à une approche axée
sur la santé et sa promotion.

Elle porte plusieurs noms. Qu’on l’appelle par

l’anglicisme médecine intégrative ou, comme
nous l’avons choisi dans le titre principal de ce
dossier, médecine intégrée, elle part du même
constat, s’appuie sur les mêmes fondements et
signifie la même chose : « Il s’agit de la combinaison
du meilleur de la médecine classique et des thérapies
complémentaires pour lesquelles nous disposons de
preuves scientifiques et de garanties relatives sur leur
sécurité. » Cette première définition a été donnée
par les docteurs américains Andrew Weil et Ralph
Snyderman dans l’étude Archives of Internal
Medicine [1].

Hippocrate - Automne 2019

16.
La médecine intégrée est en effet née aux États-
Unis dans les années 1990. Au-delà de la culture
La médecine intégrative est « la
du pionnier que porte le peuple américain dans combinaison du meilleur de la
son ADN, c’est l’état de santé catastrophique de
la population américaine face à un budget de
médecine classique et des thérapies
santé pourtant astronomique qui a poussé les complémentaires pour lesquelles
médecins et chercheurs américains à s’interroger
sur ce que les médecines complémentaires encore
nous disposons de preuves
dites alternatives et que nous devons nommer scientifiques et de garanties relatives
en France non conventionnelles, pouvaient leur
apporter. Une étude réalisée en 1997, par Eisenberg sur leur sécurité. » Andrew Weil
D. et Al, Harvard [2], a ainsi démontré que non et Ralph Snyderman dans l’étude
seulement une grande partie des américains
avaient recours aux thérapies complémentaires Archives of Internal Medicine.
mais qu’il s’agissait aussi d’une tendance séculaire
ayant débuté au moins cinquante ans auparavant.
avec l’histoire de ces thérapies, leur logique interne,
L’étude a ainsi conclu que cette demande continue
leurs théories et en avoir une expérience clinique
affecterait la prestation de soins dans un avenir
leur donnant une compréhension concrète de ce
proche. Un budget a alors été alloué pour financer
qu’elles sont » expliquait alors en 2002 dans une
plus de recherches sur ce sujet et, vingt ans plus
interview accordée à Passeport Santé [6] le Dr
tard, le conseil de l’ordre des médecins américain
David Eisenberg, de l’Université de Harvard, l’une
a reconnu la médecine intégrée comme une
des personnes les plus influentes dans le domaine
spécialité à part entière. Aujourd’hui, plus de la
des approches alternatives et complémentaires de
moitié des universités américaines appartiennent
santé aux États-Unis. Il poursuivait en affirmant
à l’Academic Consortium for Integrative Medecine and
également qu’« ils devraient aussi avoir une certaine
Health [3] qui regroupe 70 universités d’Amérique
connaissance de la littérature scientifique pertinente
du Nord dont des universités canadiennes et
pour être capables de discuter de manière informée
mexicaines. Elles s’engagent ainsi à proposer une
avec leurs patients qui demandent une opinion fondée
spécialisation en médecine intégrée sanctionnée
sur des preuves. »
par un diplôme universitaire.
Si l’on peut se réjouir d’une telle avancée au
Citons pour exemple le Mind-Body Institute [4],
bénéfice des patients, la médecine intégrative ou
du Dr Herbert Benson de la célèbre Université
intégrée relèverait néanmoins essentiellement
de Harvard, qui invite médecins, infirmières,
d’un leadership médical. Longtemps considérées
psychologues, assistantes sociales ou thérapeutes,
comme des items interchangeables, la santé
à apprendre et à inclure à leur pratique les
intégrative et la médecine intégrative ne le
techniques corps-esprit pour améliorer à la fois les
sont plus aujourd’hui. Ce premier mouvement
soins prodigués à leurs patients et leurs résultats
impulsé par les américains a en effet permis deux
cliniques. Parallèlement, certains programmes
évolutions majeures dans les mentalités :
intégratifs sont remboursés par le gouvernement
• tenter de passer d’un système de santé axé sur la
et par les assurances privées comme le Dean
maladie à un système axé sur la santé et donc sur
Ornish Spectrum, du cardiologue Dean Ornish [5]
la prévention.
« pour l’inversion des maladies du cœur grâce à des
• passer d’une logique de leadership médical à
changements complets de mode de vie ».
une logique d’interdisciplinarité.
Le budget alloué par le gouvernement américain à
Au point que c’est le terme de santé intégrative
la recherche sur les thérapies complémentaires et
ou santé intégrée qui prendrait aujourd’hui le pas
alternatives a permis de mener de très nombreuses
dans la littérature médicale. C’est aussi lui qu’a
études et a rencontré un certain engouement
choisi d’emprunter l’Organisation Mondiale de la
aux États-Unis. Si les médecins étaient alors
Santé qui s’est clairement positionnée en sa faveur
auparavant sceptiques, l’un des objectifs affirmé
[7].
était qu’ils puissent se familiariser « suffisamment

Revue professionnelle de naturopathie

17.
L’approche de la médecine intégrée s’est
naturellement rapidement diffusée au Canada
et une nouvelle définition, bien plus complète et
pas seulement centrée sur la preuve scientifique,
a depuis été donnée par Luce Pélissier-Simard
et Marianne Xhignesse, sur le magazine Le
Médecin du Québec, qui date de 2008 [8]. Ces deux
chercheuses canadiennes ont en effet résumé en
16 points la philosophie et la pratique de la santé
intégrée largement reprise aujourd’hui :
• elle intègre les meilleurs soins de la médecine
scientifique occidentale et ceux des approches
complémentaires,
• elle repose sur des données probantes quant à
l’efficacité et à l’innocuité des méthodes proposées,
• elle s’attarde à la prévention et au maintien de
la santé en s’intéressant aux différentes facettes
du mode de vie : alimentation, activité physique,
gestion du stress et bien-être émotionnel,
• elle considère le patient comme un être
unique et entier, dans ses dimensions sociales,
psychologiques, spirituelles et communautaires
autant que biologiques et corporelles,
• elle considère que le patient est un acteur
important dans la gestion de sa santé et des soins
qu’il reçoit,
• elle met l’accent sur la relation thérapeutique,
• elle se préoccupe du soulagement et du soutien
autant que de la guérison,
• elle s’attarde à la recherche et à la compréhension
des processus de santé et de guérison ainsi qu’aux
moyens de faciliter ces derniers,
• elle encourage la compréhension de la culture
du patient et de ses croyances pour favoriser la
guérison,
• elle recherche et enlève les barrières qui peuvent
bloquer la réponse innée de guérison du corps,
• elle emploie des interventions simples et
naturelles avant de passer à celles qui sont plus
coûteuses et interventionnistes,
• elle voit la compassion comme toujours utile,
• elle accepte que la santé et la guérison soient
propres à chacun et puissent différer chez deux
personnes atteintes de la même maladie,
18.
• elle encourage les soignants à explorer leur
propre équilibre de santé, ce qui leur permettra
de mieux intervenir en ce sens auprès de leurs
patients,
• elle exige des fournisseurs de soins qu’ils
agissent en tant qu’éducateurs,
• elle encourage le travail de collaboration,
non seulement avec le patient, mais aussi avec
une équipe interdisciplinaire pour améliorer la
prestation des soins.
Il ne s’agit donc pas d’une approche pyramidale
mais bien d’une approche fondée sur l’intelligence
du groupe et centrée sur le respect, l’écoute, le
bien-être et la guérison du patient/client.
Cette définition en 16 points a de quoi réjouir les
naturopathes qui peuvent s’enorgueillir de déjà
appliquer bon nombre d’entre eux dans leur
pratique. Ils sont le fruit de leur formation et des
principes hippocratiques qui constituent leurs
fondements.
L’approche intégrée de la santé serait-elle donc
l’avenir ? La marche amorcée voilà plus de 30 ans
en Amérique du Nord, la demande croissante des
consommateurs, les enjeux colossaux en termes
de santé publique mondiale, le positionnement
clair de l’OMS en faveur de l’intégration des
médecines traditionnelles et complémentaires…
tout cela pousse en faveur de cette approche, celle
d’œuvrer ensemble. Qu’en est-il de ce mouvement
en France ?
Et comment la naturopathie et les naturopathes
pourront-ils alors s’y intégrer et à quelles
conditions ?
Si nous n’avons aucun doute sur la pertinence
de notre approche, tant nos fondements, notre
philosophie, notre éthique nous ont toujours
conduits à travailler dans ce sens, celui de la
promotion de la santé, des obstacles restent
néanmoins encore à lever…
Ch.G
Hippocrate - Automne 2019
Crédit photo: Matheus Ferrero

Références
[1] J.E.[1]Snyderman R, Weil AT. Integrative medicine: bringing medicine back to its roots. Arch Intern Med. 2002 Feb
25;162(4):395-7. (Integrative medicine: bringing medicine back to its roots)
[2] Eisenberg et Al, Long-term trends in the use of complementary and alternative medical therapies in the United
States, Ann Intern Med. 2001 Aug 21;135(4):262-8.
[3] https://imconsortium.org/
[4] https://mindbody.hmscme.com/
[5] https://www.ornish.com/
[6] https://www.passeportsante.net/fr/Actualites/Entrevues/Fiche.aspx?doc=eisenberg_d_20030530
[7] Organisation Mondiale de la Santé (2014), Stratégie de l’OMS pour la médecine traditionnelle, Genève, Organisation
mondiale de la santé, 72 p. (en ligne 17 septembre 2017 http://apps.who.int/medicinedocs/documents/s21201fr/s21201fr.
pdf
[8]Luce Pélissier-Simard et Marianne Xhignesse, «Qu’est-ce que la médecine integrative?» Le médecin du Quebec,
Vol 43, N°1, Janvier 2008.

Revue professionnelle de naturopathie

19.
 C’est pourtant de retour à Tucson en Arizona
qu’il allait en apprendre le plus. Sa rencontre
avec le Dr Fulford, docteur en médecine
ostéopathique, alors âgé de 80 ans, fut en effet
décisive. « Il m’a vraiment fait prendre conscience
du pouvoir de guérison de la nature ».

Depuis, Andrew Weil pratique et enseigne

une médecine centrée sur les capacités
d’autoguérison du corps. Dans l’un de ses
livres phares, « Le corps médecin », il explique de
quelle hygiène de vie dépend l’autoguérison
et analyse les capacités du corps à restaurer
son propre équilibre et à le conserver. « La
santé est l’ordre naturel des choses » écrit-il.
Crédit Illustration : P.G

Andrew Weil oeuvre ainsi depuis plus de 30

ans aux États-Unis pour faire changer les
esprits. Car bien que les américains soient
pionniers en matière de médecine intégrative,
elle ne représente encore qu’une goutte d’eau

Andrew Weil,
dans l’océan. Selon lui les obstacles sont très
clairs :

p è r e d e l a médecine « Nos priorités en matière de

intégrative américaine remboursement sont totalement
rétrogrades. Nous payons
Sous la houlette du Dr Andrew Weil,
l’Université de l’Arizona est la première a
volontiers des médicaments, des
avoir mis en place un diplôme universitaire procédures invasives, des tests de
de médecine intégrative en 1994, qu’il dirige diagnostic. Nous ne payons pas les
toujours aujourd’hui.
professionnels de santé pour s’asseoir
Diplômé de l’Université de Harvard en avec les patients et leur parler de
médecine et en botanique, Andrew Weil
a toujours été passionné par les plantes l’alimentation ou leur enseigner des
médicinales. Ses diplômes obtenus, il part exercices de respiration. Cela doit
faire le tour du monde à la recherche de
guérisseurs pour continuer d’apprendre.
changer. »
« Je sentais que ce que j’avais appris dans le cadre Et pour cela il est nécessaire de disposer de
de ma formation en médecine conventionnelle données scientifiques…
n’allait pas me servir. J’ai vu les méthodes faire trop
de mal et je n’avais rien appris sur comment garder
les gens en bonne santé » confie-t-il*.

* https://articles.mercola.com/sites/articles/archive/2019/06/16/integrative-medicine.aspx

Hippocrate - Automne 2019

20.
LE PROCESSUS
INTÉGRATIF BEL ET
BIEN EN MARCHE
À l’échelle mondiale, européenne et
française, la marche vers le processus
intégratif avance. La demande émane
des plus hautes instances de santé
publique au niveau mondial, comme
de certains médecins, chercheurs
et universitaires… La naturopathie
devra demain prouver qu’elle peut y
occuper une place majeure.
« La MT/MC [ndlr : Médecine Tradionnelle/Médecine
Complémentaire] constitue un pan important et
souvent sous-estimé des soins de santé. Elle existe dans
quasiment tous les pays du monde, et la demande de
services dans ce domaine est en progression. La MT,
dont la qualité, la sécurité et l’efficacité sont avérées,
participe à la réalisation de l’objectif d’un accès aux
soins universel.
Aujourd’hui, de nombreux pays reconnaissent la
nécessité d’adopter une approche cohésive et intégrative
des soins de santé, qui permette aux pouvoirs publics,
aux professionnels et, surtout, aux personnes qui
recourent aux services de santé, d’avoir accès à une MT/
MC qui soit sûre, respectueuse, efficiente par rapport
aux coûts et efficace. Une stratégie mondiale visant à
favoriser une intégration, une réglementation et une
supervision adéquates sera utile aux pays désireux de
mettre en place une politique active axée sur cette partie
importante, et souvent dynamique et en expansion,
Revue professionnelle de naturopathie
des soins de santé ». Ainsi le Dr Margaret Chan,
Directeur général de l’Organisation Mondiale de
la Santé, introduit-elle dans son avant-propos la
stratégie de l’OMS 2014/2023 pour la médecine
traditionnelle [1].
C’est en 2002 que l’OMS s’empare véritablement
du sujet de la Médecine Traditionnelle avec sa
première stratégie 2002/2005. C’est en 2000 qu’elle
pose ses premières définitions et cite notamment
la naturopathie [2].
La naturopathie s’inclut ainsi dans le vaste champ
des médecines traditionnelles et complémentaires
aussi appelées CAM en anglais (Complementary
and Alternative Medicine). L’OMS en aurait
répertorié plus de 400!
La naturopathie, une
CAM parmi les autres ?
Dans ce contexte, pour porter et faire entendre
sa voix auprès de cette instance, la naturopathie
avait donc besoin de disposer d’un représentant
de niveau mondial. C’est désormais le cas, avec la
World Naturopathic Federation (WNF), dont l’une
des missions est de travailler avec les agences
mondiales afin de promouvoir la profession de
naturopathe. Créée lors du Congrès international
sur la médecine naturopathique (ICNM) qui
s’est tenu à Paris en 2014, la WNF n’a pas pu être
référencée par l’OMS dans l’annexe de sa stratégie
21.

2014/2023 pour la médecine traditionnelle
consacrée aux fédérations professionnelles
mondiales dans le domaine des MT/MC. La
naturopathie n’en est pas moins citée à plusieurs
reprises dans cette stratégie comme une médecine
complémentaire largement utilisée [3]. Soulignant
la demande significative de pratiques et de
praticiens de MT/MC partout dans le monde, la
stratégie de l’OMS 2014/2020 indique ainsi qu’en
Australie « les consultations chez des praticiens de
médecine complémentaire, comme les acupuncteurs,
les chiropraticiens et les naturopathes, affichent une
rapide augmentation, d’environ 30 % entre 1995 et
2005 ; sur 2004- 2005, 750 000 personnes interrogées
pour l’Enquête sanitaire nationale avaient consulté
un de ces spécialistes au cours des deux semaines
précédentes. » [4]
À l’échelle européenne, cette stratégie précise
par ailleurs que plus de 100 millions d’Européens
ont recours actuellement à la MT/MC, qu’un
cinquième y font appel régulièrement, et qu’enfin
un autre cinquième privilégie les soins de santé
qui incluent la MT/MC.
La demande est donc de plus en plus forte et la
naturopathie n’en est pas exempte. Les raisons?
L’OMS souligne entre autres « le regain d’intérêt
pour les « soins holistiques » et pour la prévention des
22.
Crédit photo : DR
maladies » quand ce n’est pas « le besoin de privilégier
la qualité de vie quand la guérison n’est pas possible ».
Face à ce constat mondial et dont l’évolution ne
peut être que grandissante, la stratégie de l’OMS
pour la médecine traditionnelle 2014/2020 vise
deux grands objectifs :
• tirer parti de la contribution potentielle de la MT/
MC à la santé, au bien-être et aux soins de santé
ciblant les individus ainsi qu’à la CSU (Couverture
sanitaire universelle)
• promouvoir une utilisation efficace et sans danger
de la MT/MC via la réglementation, la recherche
et l’intégration des produits, des pratiques et des
praticiens de MT/MC dans le système de santé,
selon les besoins.
Le processus intégratif est ainsi largement promu
par la plus haute instance de santé mondiale.
Parallèlement, à l’échelle européenne, une
résolution datant du 29 mai 1997 se prononçait
déjà en faveur de l’intégration des « médecines
non conventionnelles ». Adoptée par le Parlement
européen après un travail de fond initié par
le député européen Paul Lannoye au sein de
la Commission Santé, elle avait alors placé
l’ostéopathie au cœur du débat politique, et
Hippocrate - Automne 2019
abouti, en France, à la réglementation de l’activité
des ostéopathes. Mais la naturopathie était, elle
aussi, visée par cette résolution.
Plus récemment s’est organisé un réseau de
recherche pan-européen sur la médecine
complémentaire et alternative [5]: CAMbrella.
Réunissant 16 groupes de recherche universitaires
de 12 pays européens, et dont on peut regretter
que la France n’en ait pas fait partie, CAMbrella
visait à évaluer, sur trois ans, les conditions qui
président à l’utilisation et à la pratique de la MT/
MC en Europe et à élaborer une feuille de route
pour l’avenir de la recherche européenne dans ce
domaine. Ce vaste programme a abouti en 2012.
Et la Commission européenne de conclure : « Le
projet CAMBRELLA a soulevé plus de questions que de
réponses mais ses travaux ont l’avantage de permettre
la définition d’un agenda de recherche pour l’avenir. En
partant de ces données, il est maintenant possible de
proposer des références tant pour la réglementation que
pour la formation des médecines alternatives ainsi que
pour l’obtention de résultats de recherches clairs. » [6]
Qu’en est-il de la France
dans ce paysage?
Force est de constater que le mouvement, s’il est
en marche, est néanmoins très long à se mettre
en place, du moins à l’échelle des instances
publiques. Pour autant, comme partout dans
le monde et en Europe, des regroupements
de médecins, chercheurs et universitaires se
réunissent, réfléchissent et agissent pour que
l’approche intégrée de la santé devienne un jour
une réalité acceptée dans ce pays comme il l’est
chez nos voisins d’Amérique du Nord.
Cinq regroupements sont ainsi particulièrement
actifs : le Collège Universitaire des Médecines
Intégratives et Complémentaires (CUMIC) [7],
le Comité pour le Développement Durable en
Santé (C2DS) [8], le Groupe d’Évaluation des
Thérapies Complémentaires Personnalisées
(GETCOP) [9], l’Observatoire des Médecines Non
Conventionnelles (OMNC) [10], la Plateforme
universitaire Collaborative d’Évaluation des
Programmes de Prévention santé et Soins de
support (Plateforme CEPS) [11]. À la fois séparément
et ensemble, ils mènent des actions dans un esprit
d’ouverture sans jamais baisser la garde sur les
besoins d’évaluation et de preuves scientifiques.
Revue professionnelle de naturopathie
Ainsi le GETCOP s’est-il doté d’une commission
« Réflexothérapies » composée notamment de
médecins et de réflexologues. Objectif : évaluer
les techniques réflexes dans le but d’analyser la
qualité de leurs bases scientifiques et leur réelle
efficacité thérapeutique.
L’OMNC se penche quant à lui sur divers projets
d’études parmi lesquelles on peut citer pour
exemple « l’étude comparative de la sophrologie
versus contrôle de stimulus dans la prise en charge
de l’insomnie primaire chronique » ou encore «
l’intérêt de l’EMDR dans la prise en charge des
acouphènes » dont les résultats sont d’ores et
déjà disponibles [12]. Des demandes d’évaluation
peuvent être déposées auprès de l’Observatoire.
Une collaboration avec le centre Ressource d’Aix-
en-Provence et le Docteur Jean-Loup Mouysset
afin d’étudier l’impact des soins complémentaires
non médicamenteux dans la prise en charge des
patients en oncologie est ainsi à l’étude.
Fondée par Gregory Ninot, la plateforme ICEPS
est quant à elle constituée en groupement
d’intérêt scientifique travaillant sur les
méthodologies de recherche interventionnelle
non pharmacologique. Un enjeu crucial pour la
naturopathie.
Leurs colloques et congrès se multiplient et se
tiennent chaque année un peu partout en France.
Ensemble, ces regroupements ont rédigé et
cosigné deux documents majeurs.
• L’engagements de Berlin [13] (cf. p.25) par
lesquels ces partenaires s’engagent autour de neuf
points stratégiques pour l’avenir de la santé et de
l’approche intégrée.
• L’Appel de Montpellier. Lancé le 28 mars 2019,
et également cosigné par le Centre de Recherche
en Épidémiologie et Santé des Populations
INSERM U1018, il interpelle « les autorités publiques
françaises et Européennes à penser la place des
thérapies complémentaires et/ou les interventions non
médicamenteuses au sein de notre système de santé, à
organiser leur évaluation, leur développement et leur
régulation. » [14]
Ces documents venant de la part de regroupements
de médecins, chercheurs et universitaires, d’aucuns
pourraient craindre une récupération médicale
ou une volonté de leadership. C’est pourtant
bien de volonté d’ouverture qu’il s’agit. De telles
prises de positions sont importantes et comptent.
C’est bien aussi de la médecine conventionnelle
que viendra la reconnaissance des médecines
23.
non conventionnelles au rang desquelles nous
sommes convaincus que la naturopathie doit
singulièrement compter. L’appel à l’encadrement
des formations, tout comme celui de l’évaluation
scientifique ou le besoin crucial de différencier
les pratiques sûres des « Fakemedicines » est un
gage de sécurité pour tous, patients, clients,
consommateurs et naturopathes.
Le chemin qui reste à parcourir est peut-être encore
long tant on connaît les réticences qui s’expriment
encore au plus haut niveau de la sphère publique
française. Notons tout de même qu’en 2012, le
Centre d’analyse stratégique, institution d’expertise
et d’aide à la décision qui a pour mission
d’éclairer le gouvernement dans la définition et
la mise en œuvre de ses orientations stratégiques,
notamment en matière sociale, a remis au Premier
Ministre une note d’analyse intitulée « Quelle
réponse des pouvoirs publics à l’engouement pour les
médecines non conventionnelles ? ». Dans celle-ci, il
recommandait notamment au Premier Ministre
de s’assurer de l’innocuité des techniques non
conventionnelles, d’encadrer la pratique et
la formation des thérapeutes et d’organiser
l’intégration des médecines non conventionnelles
au système de santé, « lorsqu’elles peuvent contribuer,
en complément des soins conventionnels, à une prise en
charge des patients plus complète. »[15]
Également citée dans ce document, la naturopathie
devra prendre sa place dans ce schéma tant son
apport notamment en matière d’éducation, de
conseils en hygiène de vie et de prévention est
majeur dans le contexte de santé publique actuel.
Pour cela, elle devra sans nul doute relever des
défis importants dans les années à venir pour être
entendue et reconnue. Au premier rang figure
la validité scientifique. De ce côté-là, même si
les choses ne sont pas si simples, elles avancent
aussi…
Ch.G
24.
Références
[1] Organisation Mondiale de la Santé (2014), Stratégie
de l’OMS pour la médecine traditionnelle,Genève,
Organisation mondiale de la santé, 72 p. (en ligne 17
septembre 2017 https://www.who.int/publications/list/
traditional_medicine_strategy/fr/
[2] https://www.who.int/topics/traditional_medicine/
definitions/fr/
[3] Stratégie de l’OMS pour la médecine
traditionnelle,Genève, Organisation mondiale de la
santé, p.25
[4] Stratégie de l’OMS pour la médecine
traditionnelle,Genève, Organisation mondiale de la
santé, p.26
[5] www. cambrella.eu
[6] https://cordis.europa.eu/project/rcn/92501/brief/fr
[7] https://cumic.net/
[8] https://www.c2ds.eu/c2ds/
[9] https://www.getcop.org/
[10] http://omnc.unice.fr/
[11] https://plateformeceps.www.univ-montp3.fr/fr
[12] http://omnc.unice.fr/?page_id=1588
[13] L’engagement de Berlin, consultable sur https://
www.getcop.org/engagement-de-berlin/
[14] Appel de Montpellier consultable sur https://www.
getcop.org/wp-content/uploads/2019/03/Appel-de-
Montpellier-2019.pdf
[15] Quelle réponse des pouvoirs publics à l’engouement
pour les médecines non conventionnelles ?, note
d’analyse, Centre d’analyse stratégique. Consultable
sur http://archives.strategie.gouv.fr/cas/content/quelle-
reponse-des-pouvoirs-publics-lengouement-pour-les-
medecines-non-conventionnelles-note.html
Hippocrate - Automne 2019
 L’ENGAGEMENT
DE BERLIN
5 avril 2017
Cet engagement global, universel et humaniste est devenu nécessaire.
Il porte sur la responsabilité de chacun (professionnel de santé, usager,
décideur...) dans la pratique et la promotion de la médecine intégrative.
Une déclinaison française a été réalisée pour mieux correspondre aux
pratiques et au système de santé du pays.
Face aux défis multiples dans le champ de la santé tels que
l’augmentation du nombre de personnes touchées par une maladie
chronique, le vieillissement de la population et l’accroissement des
inégalités d’accès aux soins, nous nous engageons, dans le cadre
de notre responsabilité sociétale à contribuer aux objectifs de
développement durable 2030 (ODD, 2030) pour favoriser la vie en
bonne santé et le bien-être à tous les âges. Nous participons ainsi au
mouvement international pour orienter le soin et la prévention, la
recherche et les politiques qui les soutiennent, vers un modèle ouvert
et bienveillant s’appuyant sur des approches biomédicales et des
pratiques complémentaires respectant la diversité des modes de vie.
Cette approche de la santé et des soins, tendant vers une médecine
intégrative « réaffirme l’importance de la relation entre le praticien et
le patient, s’appuie sur la globalité de la personne et entend répondre à ses
besoins personnels. Elle est fondée sur des preuves scientifiques, elle utilise
toutes les approches thérapeutiques et modes de vie appropriés, et elle engage
tous les professionnels du soin et de la prévention vers une santé et une qualité
de vie optimales ».
Cet engagement repose :
• sur la déclaration d’Alma-Ata du 12 septembre 1978 sur les soins de
santé primaires,
• sur la Stratégie de l’OMS 2014-2023 pour les médecines traditionnelles
et les médecines complémentaires,
• et sur les déclarations de Pékin du 8 novembre 2008 et de Stuttgart
du 9 juin 2016.
Cet engagement doit mobiliser les gouvernements et les agences
non gouvernementales à adopter, soutenir et financer la promotion
et la recherche faisant avancer les modèles intégratifs en santé et les
pratiques fondées sur les preuves.
Avec cet engagement de Berlin, nous nous investissons dans la mise en
œuvre des éléments suivants :
1/Être acteur de la santé : Principe de responsabilité
individuelle
Nous considérons que la capacité d’un individu à améliorer sa santé
et son bien-être dépend de l’action des professionnels de santé, du
système de santé et de la société et aussi de sa propre activité. Nous
nous engageons à aider chacun à prendre conscience de l’importance
de son implication et à promouvoir et soutenir les pratiques favorables
à la santé.
2/Autonomiser les patients : Principe d’autonomisation des
patients
Nous considérons qu’un mode de vie sain est un déterminant majeur
de la santé et nous nous engageons à améliorer nos compétences pour
renforcer l’auto-responsabilité des patients en tenant compte de leur
expertise liée à leur vécu et leur contexte social et environnemental
particulier.
Considérant par ailleurs qu’un mode de vie sain n’a de sens que
dans un environnement sain, nous nous engageons à sensibiliser les
patients à l’importance de la protection de l’environnement décrite
dans la Charte de l’environnement adossée à la Constitution française
depuis 2004.
3/ Promouvoir l’inter-professionnalisme et le travail
interdisciplinaire : Principe d’ouverture
Considérant qu’un seul professionnel de santé n’a pas toutes les
Auteurs et signataires :
Collège Universitaire des Médecines Intégratives et Complémentaires (CUMIC), Comité pour le Développement Durable en Santé (C2DS), Groupe d’Évaluation
des Thérapies Complémentaires Personnalisées (GETCOP), Observatoire des Médecines non conventionnelles (OMNC), Plateforme universitaire Collaborative
d’Évaluation des Programmes de prévention santé et des Soins de support (Plateforme CEPS).
Revue professionnelle de naturopathie
compétences pour aider un patient, nous développons une relation
de qualité avec toutes les professions du soin et de la prévention
afin d’orienter le plus rapidement possible tout patient vers les
professionnels et les services les plus adéquats.
Conscient que de tels soins peuvent être offerts via des savoirs ou
des professionnels de différentes thérapies, chacun de nous s’engage
à élargir continuellement ses connaissances et ses relations avec les
autres domaines et ressources thérapeutiques et de prévention.
4/ Reconnaître l’importance des médecines traditionnelles :
Principe de diversité des recours
Constatant l’importance des recours à des formes de soins issues de
savoirs traditionnels dans de nombreuses régions du monde, nous
soulignons l’importance d’un investissement global pour développer
les meilleures pratiques de ces approches, soutenir leur utilisation sûre
et efficace et faciliter leur intégration dans les pratiques biomédicales
courantes.
5/ Construire une démarche et une pratique reposant sur
des preuves : Principe de données probantes
Conscients du nécessaire examen pluridisciplinaire des pratiques
médicales et de leur efficience, nous nous engageons à trouver et à
contribuer au développement des moyens les plus efficaces pour
impulser les collaborations, chercher collectivement, créer et rendre
opérationnels des soins intégrés fondés sur des preuves.
6/ Encourager la recherche interdisciplinaire en médecine
intégrative : Principe de recherches croisées
Engagés dans des pratiques qui prennent en compte toutes les
dimensions de l’être humain au travers de diverses modalités et
souvent au sein d’équipes pluridisciplinaires en santé, nous défendons
le développement des méthodes, des financements et des stratégies de
diffusion de la recherche qui abordent prioritairement les maladies
chroniques sous l’angle de plusieurs étiologies et traitements.
7/ Stimuler la collaboration entre toutes les parties prenantes
Principe de co-construction
Compte tenu des limites et des préjudices pouvant être liés à un travail
isolé, nous nous donnons pour défi, individuellement et dans nos
organisations et institutions, de mettre en œuvre des programmes et
des projets qui favorisent le plus grand respect, la collaboration et la
compréhension entre toutes les disciplines, traditions, professions
et parties prenantes. La vision transversale en santé devient ainsi
prioritaire et dépasse la seule démarche médicale.
8/ Rapprocher la prévention et les soins Principe de
prévention
Sachant que les interventions médicales curatives ne représentent que
10% à 20% des facteurs qui modèlent la santé d’une communauté, nous
nous engageons dans l’innovation méthodologique pour approfondir
les dimensions préventives de nos pratiques en lien avec les modes de
vie individuels, les ressources communautaires et la santé publique.
9/ Être acteur de changement Principe d’engagement
individuel
Reconnaissant que les déséquilibres dans les structures sociales,
environnementales, économiques et politiques ont une influence
majeure sur la santé des citoyens, nous cherchons à favoriser des
communautés et des sociétés plus équitables en santé.
Pour ce faire, nous travaillons plus étroitement et de manière plus
constructive avec les autres professions, les agences gouvernementales,
les organisations non gouvernementales, les associations, les
entreprises, les patients et les autres parties prenantes.
En nous engageant dans ces responsabilités personnelles et sociales,
nous voulons améliorer les soins et les actions de préventions apportés
individuellement au patient et influencer positivement la mise en
œuvre locale et globale des systèmes de santé visant à des soins et un
état de santé optimaux au niveau de la communauté. Ceci implique
une nouvelle et réelle participation des personnes concernées malades
ou non.
25.
Depuis plusieurs années et selon un mouvement qui sans doute ne fera
que croître, desinitiatives pluridisciplinaires prennent corps autour de l’idée d’une
médecine intégrative. Elles donnent le jour à des centres de soins d’une
approche nouvelle, fondés sur l’holistique, l’implication du patient, l’affirmation
que la prise en charge thérapeutique ne doit plus se priver des bénéfices inhérents
aux pratiques dites non conventionnelles. L’idée s’impose peu à peu que celles-ci,
par leur diversité toujours croissante et de façon adaptée à chaque cas, peuvent
intervenir en complément de la médecine et non en concurrence. En France, mais
aussi en Belgique, nous avons recueilli les témoignages de trois actrices
intimement impliquées dans cette aventure. Médecin, naturopathe et patiente nous
en racontent la vitalité.

« Quand on est soignant,

on pense savoir » Interview de Nicole Négri

Il y a dix ans, Nicole Négri, infirmière de son état, était une malade « condamnée ».
Au Centre Ressource d’Aix-en-Provence où sont accompagnées les personnes
touchées par le cancer, elle a trouvé le salut et un nouveau sens à sa vie. Un lieu
prodiguant bien-être et savoir-être, qu’elle n’a jamais plus quitté et qui l’a même
conduit sur les chemins de la naturopathie.

Interview
Comment avez-vous connu le Centre Ressource ?

Découvrir Ressource a été ma grande chance. Cette

chance est née du conflit que je vivais dans ma relation
avec mon premier oncologue. Je suis aujourd’hui
totalement guérie mais il y a 10 ans, j’étais en cancer
métastatique et ce médecin me laissait 18 mois à vivre
dans le meilleur des cas. Désespérée, je m’en suis ouverte
à ma gynécologue qui m’a conseillé de voir le Dr Jean-
Loup Mouysset, et le Centre Ressource. Après m’avoir
pris en charge sur le plan oncologique, il m’a prescrit un
PPACT (programme personnalisé d’accompagnement
thérapeutique), m’expliquant qu’il s’agissait d’un
Crédit photo : DR

cursus d’un an organisé au Centre Ressource autour

d’un groupe de parole.

Hippocrate - Automne 2019

26.
Quelle est la fonction du groupe de parole ?
Qui a envie d’entendre parler du cancer ? Le sujet
fait peur et n’intéresse personne. Le groupe de parole
est l’occasion de déposer. De parler sans avoir besoin
de faire l’effort pour comprendre l’autre puisqu’on est
toutes dans la même situation, qu’il s’agisse d’un cancer
du sein, du pancréas ou d’autre chose. On y exprime
ses difficultés à vivre avec sa famille, celles que l’on
rencontre dans un parcours médical dont personne
n’imagine la complexité s’il ne l’a pas vécu. Tout ce que
cela transporte de tragique est relativisé par le groupe où
l’on peut se soutenir sans dramatiser. Le groupe a aussi
créé entre nous des liens très forts qui ne se sont jamais
rompus. Des 10 que nous étions, cinq sont aujourd’hui
encore en vie. Et pour celles qui sont parties, la force qui
nous a unies nous a permis de les soutenir jusqu’au bout
avec simplicité.
Avez-vous facilement adhéré à ce programme ?
J’y suis allée à reculons… Étant donné mon état médical,
on m’avait prévenue que j’allais me retrouver dans un
groupe de cas lourds. De mon côté, je n’avais ni l’envie
d’écouter le tragique des autres, ni celle de raconter ma
vie. Mais j’ai tout de même entendu le conseil qui m’était
adressé et rapidement compris sur place, avant même
de connaître l’expérience du groupe, que Ressource
allait m’apporter un grand bénéfice. Autant à travers ce
que l’on appelait alors les « médecines douces » que par
l’accompagnement psychologique, si important face
aux maladies très graves.
Quel était alors votre rapport au soin et à la santé ?
Je suis infirmière. Après 33 ans de métier, je passais
soudain de l’autre côté du miroir. Dans notre système
de santé, quand on est soignant on pense savoir. On
sait pour le malade sans jamais mesurer réellement
sa souffrance. J’ai alors compris toute la violence de
ce fonctionnement. Cela m’a beaucoup fait réfléchir et
forcément conduit à des remises en questions profondes.
Professionnellement mais aussi pour moi-même, dans
mon hygiène de vie. Ressource était le lieu pour ça.
Comment cette expérience vous a-t-elle transformée ?
Passé l’abattement, je crois que la violence qui m’a été faite
en m’annonçant qu’en cancérologie le mot « guérison »
n’existait pas a développé chez moi une capacité très
forte à vouloir m’en sortir. L’accompagnement par
Ressource m’a donné tous les outils pour le faire. Donc,
bien sûr, l’expérience a été extrêmement douloureuse
moralement et physiquement mais ce que j‘en retire est
tout aussi fort. J’ai beaucoup appris.
Revue professionnelle de naturopathie
Le centre propose de nombreuses techniques en gestion
du stress, entretien physique, savoir-être en général.
Où avez-vous le plus appris ?
Parmi tout ce qu’il propose, le centre donne accès à des
ateliers de cuisine pour apprendre à mieux s’alimenter.
Ils sont animés par Catherine Guasco qui est
naturopathe. Sa rencontre m’a conduit à réajuster tous
mes comportements de vie, à éliminer les habitudes « à
risque », à apprendre comment gagner de la santé. Au
point de décider plus tard de suivre durant trois ans
une formation de naturopathe. Et si j’ai obtenu mon
diplôme, ce n’est pas pour en faire mon métier mais
pour m’enrichir davantage.
En tant que bénévole, que représente encore le Centre
Ressource dans votre quotidien ?
Après l’époque de la maladie et au delà de l’expérience
du groupe, j’ai l’impression que cet endroit est devenu
mon cocon. C’est là que j’ai retrouvé goût à la vie et la
guérison. Ce que j’y ai vécu, la présence de personnes
devenues amies - Jean-Loup Mouysset, Catherine
Guasco et d’autres - font que je m’y sens comme chez
moi, naturellement à ma place pour accueillir les
patients. Même si je crois qu’il me faudra un jour
passer à autre chose (rires). En attendant et depuis
peu, j’anime à Ressource un atelier de chant. Y vient
qui veut, toujours dans l’idée, quel que soit son état, de
ressentir le plus possible de plaisir et de légèreté.
Y.B
Plus d’infos
Les Centres Ressource sont des espaces
associatifs hors soins de santé.
Ils proposent aux malades du cancer un
accompagnement fondé sur un nombre
non limité de thérapies complémentaires à
même de leur apporter mieux-être et savoir-
faire pour mieux affronter la maladie.
Au nombre de 6 aujourd’hui en France, ils
se sont développés à partir de l’expérience
pilote menée à Aix-en-Provence depuis 10
ans.
www.association-ressource.org
27.
 « On est plus intelligents
à plusieurs »
Interview d’Anne Portier

Pluridisciplinarité, complémentarité, générosité. Depuis dix ans, des praticiens

de tous horizons se sont rassemblés au sein d’un dispensaire, à Crest dans la
Drôme, afin de rendre accessibles les soins naturels au plus grand nombre.
Rencontre avec Anne Portier, naturopathe, une des pionnières de ce projet,
premier du genre en France

Interview
Pouvez-vous revenir sur la genèse de ce dispensaire de
soins naturels ?
Cette idée de dispensaire n’est pas nouvelle. Elle remonte
aux années 80 où des Saoudiens investissaient le site
de Réjaubert à Dieulefit dans le but de créer un centre
thérapeutique où seules des médecines naturelles seraient
proposées. Associée à l’équipe de réflexion du projet, une
évidence m’apparut après quelques mois : le prix de
journée de ce centre, très élevé, ne le rendait accessible qu’à
une élite. C’était paradoxal : les remèdes les plus simples
et les plus naturels se trouvaient réservés à une minorité.
D’où ma réflexion d’envisager une structure ambulatoire,
puis, petit à petit, l’idée d’un dispensaire a cheminé : ce
nom, dans l’histoire de chacun, évoquait l’accessibilité
aux soins pour tous. Alors, pour que cette idée prenne
corps, qu’elle soit réalisable dans notre contexte actuel,
il m’est apparu indispensable de travailler en groupe.
Heureusement, un réseau pluridisciplinaire existait déjà
sur le territoire : depuis sept ans, différents thérapeutes
se rencontrent à Crest tous les deux mois ; ostéopathes,
psychothérapeutes, médecins cliniciens, praticiens
en médecine chinoise, sages-femmes, naturopathes,
homéopathes, orthobionomistes, fasciathérapeutes, etc.
échangent autour de la naissance.
Quand j’ai évoqué l’idée de création d’un dispensaire,
c’est tout naturellement que certains thérapeutes se sont
investis dans le projet. Nous étions quatre au départ, moi-
même en tant que naturopathe, un praticien en médecine
traditionnelle chinoise, un ostéopathe et un homéopathe.
Aujourd’hui, le dispensaire compte 25 thérapeutes et 10
accueillants bénévoles.
Comment expliquez-vous un tel engouement des
praticiens à travailler ensemble ?
Personnellement, j’étais autrefois infirmière, j’ai donc
toujours travaillé à plusieurs : avec les médecins, les
internes, les externes, les aide-soignants… Pour moi, c’était
évident qu’il fallait travailler à plusieurs thérapeutes,
même si ce n’était pas facile au départ car nous avions
des approches différentes. Cependant, nous partagions
tous cette vision globale de la santé nous permettant
de soigner des personnes et non pas des maladies. La
société dans sa globalité aussi nous préocuppait : dans
nos cabinets respectifs, nous ignorions les personnes
vivant dans la précarité ! Ainsi, au fil des réunions
mensuelles, nous avons appris à nous écouter, à partager
nos pratiques, à nous remettre en cause, à accepter nos
différences et à travailler en complémentarité. Cette
collaboration m’a amenée à réaliser mes consultations
de naturopathie pendant deux ans avec l’homéopathe
du dispensaire. Face à la montée des pathologies qui
s’inscrivent dans la chronicité, avec des personnes qui
viennent nous voir régulièrement, souvent après des
mois ou des années d’errance médicale, ces consultations

Hippocrate - Automne 2019

28.
communes permettaient de faire bénéficier les
usagers d’une approche double car j’en suis convaincue,
nous ne sommes jamais trop nombreux pour soigner une
personne, surtout en ce qui concerne les infections froides
de type fibromyalgie, maladie de Lyme ou certaines
maladies auto-immunes.

Votre pratique en tant que naturopathe a-t-elle évolué

au fil de ces collaborations ?

Bien sûr car j’ai appris beaucoup des différentes

techniques, des choses très concrètes comme par exemple
en phytothérapie avec le desmodium que je conseillais
afin de soulager les effets de la chimiothérapie. Le
praticien en médecine traditionnelle chinoise m’a
expliqué que cette plante empêche le foie de réagir ce
qui est très bien dans un premier temps mais le refroidit
par la suite, ce qui est néfaste pour éliminer les résidus
de chimiothérapies. Dorénavant, je conseille donc le
desmodium lors des deux premières chimiothérapies
ou associé à des plantes stimulantes des hépatocytes
et drainantes. Réciproquement, les ostéopathes du
dispensaire ont découvert qu’en tant que naturopathes
Crédit photo : DR

nous pouvions aider à dissoudre des calculs rénaux !

Certes ce que l’on apprend parfois des autres perturbe,
interroge, nous amène à revisiter ce l’on pensait savoir :
nous avons eu d’ailleurs plusieurs fois des débats très
animés entre thérapeutes ! Par exemple, la diététique
chinoise et celle proposée par les naturopathes, même
si elles sont toutes deux personnalisées, sont parfois
aux antipodes ! Et tout le monde a raison ! Il faut donc
réussir à sortir de la pensée unique car on s’apprend
mutuellement et finalement, je dis toujours qu’on est plus
intelligent à plusieurs !
I.F
Plus d’infos
Le dispensaire est une association loi 1901.
Il est ouvert à tous deux jours par semaine
sur rendez-vous. Les thérapeutes et les
accueillants y sont tous bénévoles. Le tarif
des consultations varie selon les revenus, de
7 à 27 euros.
www.dispensairedesoinsnaturels.org
Après dix ans de pratique infirmière, Anne
Portier s’oriente vers la naturopathie. En plus
de sa pratique en cabinet, elle travaille dès 1993
à l’hôpital pour faire de l’accompagnement en
cancérologie et en addictologie. Elle s’investit
dans plusieurs groupes pluridisciplinaires
(sur les maladies émergentes, notamment).
Anne Portier a aussi à cœur de transmettre :
elle a enseigné la naturopathie dans trois
écoles différentes depuis 1989, et elle intervient
dans le cadre de la formation continue
depuis 2011. Depuis 2016, elle est également
présidente de l’OMNES (Organisation de la
médecine naturelle et de l’éducation sanitaire),
association professionnelle de naturopathes.
En 2018, elle publie aux Editions Solar : Soins
d’urgence au quotidien, des remèdes naturels
pour toute la famille.

Revue professionnelle de naturopathie

29.
 Le centre de médecine intégrative de Konkel a ouvert ses portes en
2011 en Belgique. Médecins, naturopathe, nutritionniste, psychologue,
professeur de yoga, acupuncteur… 14 praticiens y travaillent ensemble,
partageant tous une vision holistique de la santé. le Dr Carine Devred,
médecin, à l’origine de la création de ce centre, répond à nos questions.

« L’avenir de la médecine
est dans le dialogue »
Interview de Carine Devred

Interview Pourquoi cette volonté de s’ouvrir à d’autres

Qu’est-ce qui vous a motivé à créer ce premier centre
de médecine intégrative en Belgique ?
Ce centre c’est un peu l’aboutissement de différentes
spécialités que j’ai pu exercer tout au long de ma carrière
de médecin, car j’ai été médecin généraliste, puis j’ai
pratiqué la médecine d’urgence en hôpital, j’ai ensuite
suivi une formation d’ homéopathe uniciste, découvrant
ainsi une autre façon d’aider les patients. Puis je me suis
spécialisée en nutrition et en phytothérapie. J’avais le
désir de réunir toutes ces compétences afin d’approcher
le patient de façon globale. Pour ne pas porter ce
projet seule, j’ai souhaité m’associer à des personnes
qui allaient compléter ma propre expérience, qu’elles
soient médecin et non médecin. Tout s’est mis en place
spontanément : je n’ai pas eu besoin de chercher, ce
sont les thérapeutes qui sont venus à moi. Nous étions
un petit groupe au début, composé de moi-même,
d’un médecin acupuncteur, d’une psychologue, d’un
kinésithérapeute, d’une diététicienne et d’un ostéopathe.
disciplines ?
Je compare souvent la médecine intégrative à un
iceberg : le patient vient avec son symptôme ou sa
maladie, la partie émergée, celle que l’on voit, par
exemple un dysfonctionnement chronique répétitif
comme un processus inflammatoire ou dégénératif.
En médecine classique, on va être très efficace pour
soigner cette partie visible. Cependant je pense que l’on
peut aller plus loin dans la prise en charge du patient
en cherchant à savoir pourquoi l’iceberg est apparu,
en investiguant la partie immergée. Ainsi, en prenant
l’iceberg dans son ensemble, en traitant le patient en
tant qu’être unique et entier avec toutes ses dimensions
physique, sociale, nutritionnelle, psychologique, on
peut remonter à la cause et travailler sur le terrain. Les
patients sont en demande de cette médecine qui prend
le temps, qui écoute, d’autant plus dans une société
où beaucoup de pathologies sont liées au stress. Mon
constat est que l’on ne peut pas faire cela tout seul : il
faut être une équipe. La médecine intégrative inclut
la médecine classique et spécialisée. L’idéal étant que
les différents acteurs de santé collaborent afin que le
patient se sente mieux.

Hippocrate - Automne 2019

30.
Concrètement, comment les différents thérapeutes
travaillent-ils ensemble ?
C’est souvent moi qui reçois le patient dans un premier
temps ; je me familiarise avec son chemin de santé,
et si besoin, je vais lui proposer un accompagnement
auprès d’autres thérapeutes. Il arrive aussi que le
patient soit suivi par un des thérapeutes du centre et
qu’il souhaite disposer d’un autre avis afin de l’éclairer
différemment sur le suivi de sa pathologie. Il peut ainsi
être orienté par exemple vers un kinésithérapeute
pour les problématiques corporelles, vers une
sophrologue pour la gestion du stress ou encore vers un
ostéopathe pour remettre certaines structures en place.
Personnellement, j’envoie un document à chacun de mes
partenaires de santé indiquant ce qu’ils doivent savoir
de la problématique du patient, en veillant à respecter
le secret médical qui m’incombe en tant que médecin.
Nous échangeons ainsi souvent de façon informelle
entre thérapeutes. De plus, trois à quatre fois par an,
nous nous réunissons afin d’évoquer nos différentes
pratiques et planifier les activités du centre. Car outre
les consultations individuelles, nous travaillons sur des
ateliers thématiques – nutrition, psychologie, sport –
que nous ouvrons aux patients selon leurs besoins. Je vais
par exemple réaliser une conférence sur l’inflammation
chronique et par la suite la nutritionniste ou la
naturopathe proposent un atelier cuisine présentant les
aliments à proscrire ou à consommer afin de diminuer
le processus inflammatoire. Nous prenons ainsi le
temps d’expliciter la pathologie tout en transmettant
des pistes de mise en pratique pour le patient, ce qui
est grandement apprécié. L’objectif étant que le patient
devienne acteur de sa santé.
Quelles sont les attentes d’un patient qui s’oriente vers
un centre de médecine intégrative ?
Nous accueillons tout type de patients. Certains
patients qui m’ont choisi dès le début comme médecin
généraliste, et avec qui j’ai cheminé lentement vers
un autre type d’accompagnement, plus global. Il y
a également beaucoup de patients qui ont déjà un
médecin traitant, qui sont suivis par des spécialistes
mais qui ont le sentiment de tourner en rond, ils sont
en quête d’un nouveau point de vue. Dans ces cas-là,
nous travaillons toujours en accord avec le généraliste
ou le(s) spécialiste(s) ce qui nécessite beaucoup de
communication. En mon sens, il est primordial
d’expliquer aux autres acteurs de la santé pourquoi on
fait ça, que c’est avec eux, que ce n’est pas contre eux,
car le plus difficile en médecine, c’est la communication
humaine ! C’est pourquoi je suis convaincue que l’avenir
Revue professionnelle de naturopathie
« Je pense que la médecine
intégrative est LA médecine de
l’avenir : un courant s’ouvre,
d’autres centres privés se créent
en Belgique. Dans les hôpitaux
publics également, certains
centres oncologiques intègrent
de nouvelles spécialités au
sein de leur unité comme
les massages, la nutrition,
l’acupuncture, le sport…»
est dans le dialogue : personne n’a une solution pour un
patient, nous sommes plusieurs acteurs à accompagner
le patient vers la santé.
Vous parlez d’avenir, comment imaginez-vous
l’évolution de la médecine intégrative ?
Je pense que la médecine intégrative est LA médecine
de l’avenir : un courant s’ouvre, d’autres centres privés
se créent en Belgique. Dans les hôpitaux publics
également, certains centres oncologiques intègrent de
nouvelles spécialités au sein de leur unité comme les
massages, la nutrition, l’acupuncture, le sport… C’est
vraiment un plus car cela humanise énormément
l’accompagnement. Le patient se sent soutenu car
il bénéficie de la complémentarité d’ une équipe,
une équipe qui va dans le même sens. En tant que
praticien, cela exige à la fois beaucoup d’ouverture
et d’esprit critique pour éviter de basculer vers une
médecine alternative mais bien complémentaire. C’est
d’autant plus vraie que les pathologies sont lourdes,
extrêmement médicalisées et les nouveaux traitements
de plus en plus ciblés, on ne peut pas faire n’importe
quoi ! Il faut donc se tenir informé régulièrement : je
suis en formation trois à quatre fois par semaine sans
compter les week-ends… mais quand on voit l’évolution
du patient, on a forcément envie d’aller de l’avant !
I.F
Plus d’infos
www.centremedicalkonkel.be
31.
Crédit photo : Chuttersnap

LA NATUROPATHIE
DANS LES GRILLES
DE LA SCIENCE

Hippocrate - Automne 2019

32.
Cela fait débat. La naturopathie en tant
que médecine non conventionnelle
peut-elle, doit-elle même, être évaluée
scientifiquement ? Nombreux sont les
naturopathes à se questionner sur
la pertinence de telles évaluations.
En tant que pratique holistique,
comment pourrait-elle s’intégrer
dans l’approche cartésienne et
mécaniste de l’« evidence based
médecine » (médecine basée sur la
preuve) ? Fondée sur le principe,
impossible à objectiver, d’énergie
vitale, la naturopathie ne risquerait-
elle pas de se renier en entrant dans
les grilles de la science ? Mais pour
être pleinement reconnue, elle devra
néanmoins en passer par la validité
scientifique. L’équation à première
vue insoluble n’est pourtant peut-
être pas si impossible à résoudre.
Très nombreuses sont désormais les études
scientifiques démontrant l’efficacité des techniques
naturopathiques, du moins des trois techniques
dites majeures que sont l’alimentation, la gestion
du stress et des émotions, grâce aux avancées des
neurosciences, et le mouvement. Le volume que
représente les études sur l’efficacité des plantes
ou sur les techniques par l’eau comprenant
notamment les bienfaits du thermalisme ne cesse
également de croître tant elles suscitent d’intérêt
pour les chercheurs et médecins qui souhaitent
œuvrer, du moins en première intention, dans
un sens moins interventionniste et éviter les
effets iatrogènes des médicaments. Nous ne
pouvons bien sûr que nous en féliciter. De telles
démonstrations sont en effet essentielles pour la
santé en général et pour la culture scientifique
naturopathique en particulier. Rassembler au
Revue professionnelle de naturopathie
sein d’une bibliographie toutes ces études pour
les faire connaître et reconnaitre par le corps
médical encore parfois sceptique, est également
d’un intérêt majeur et sûrement le premier axe
vers lequel la communauté naturopathique peut
très aisément s’orienter. Mais cette démarche ne
saurait suffire à elle-même tant elle comprend
certains écueils importants dans lesquels la
naturopathie et les naturopathes ne doivent pas
tomber sauf à peut-être se renier.
Le premier consisterait à réduire les naturopathes
à des « éducateurs en hygiène de vie ». Ce serait
en effet une erreur malgré tout l’intérêt et même
la nécessité d’une telle approche pour laquelle
nous œuvrons évidemment, en priorité, d’autant
plus actuellement où les enjeux en termes de
santé publique sont si grands. Face aux maladies
dites de civilisation auxquelles notre monde
contemporain est aujourd’hui confronté et où la
médecine conventionnelle peine à apporter des
réponses satisfaisantes, les naturopathes en tant
qu’éducateurs de santé ont en effet un rôle de
premier plan à jouer.
Le deuxième écueil et non des moindre serait de
calquer l’approche naturopathique sur l’approche
allopathique. Un symptôme égal un traitement
« naturel ». Non, la naturopathie n’est pas, et ne
sera jamais, de l’allopathie par l’alimentation
encore moins par les plantes, nous le savons bien.
Là n’est pas le travail du naturopahe et là réside
donc certainement tout l’enjeux pour la recherche
scientifique. « Je ne saurais définir scientifiquement
les bases de la naturopathie » souligne ainsi Alain
Rousseaux. « Car en naturopathie, on admet qu’il y a
un principe vital qui gère de façon autonome, et qui est
indépendant de notre volonté, la physiologie des êtres
vivants. Il n’est pas de nature matérielle car il ne peut
s’expliquer par les lois de la physique et de la chimie.
L’activation de ce principe vital permet de retrouver
la santé et donc d’éliminer la maladie; la médecine qui
soigne les maladies, et peut démontrer scientifiquement
l’effet d’un traitement sur les manifestations morbides,
ne rétablit pas la santé. »
Pour évaluer et donc prouver ou écarter, la science,
comme le rappelle Hervé Darbon (cf. p.35) dispose
néanmoins de plusieurs grilles selon que l’objet
de son étude relève des sciences formelles, comme
les mathématiques par exemple, ou des sciences
33.
de la nature comme les sciences humaines et
sociales. La naturopathie pourrait peut-être ici se
frayer un chemin.
Œuvrant en Italie en faveur de la médecine
intégrée dont il dirige une école, fondateur
et président de la société italienne de
psychoneuroendocrinoimmunologie, Francesco
Bottaccioli dans son livre « Psychoneuro Endocrino
Immunologie, les fondamentaux scientifiques de
la relation corps-esprit ou les bases rationnelles
de la médecine intégrée »[1] rassemble les études
scientifiques disponibles sur l’influence de la
psyché sur la réalité biologique de l’être humain.
Son livre, volumineux et très documenté, est,
comme il le souligne lui-même, une cartographie
des recherches et études récentes qui lui ont
parues « être les plus grandes nouveautés de la
dernière décennie sur le fonctionnement de l’organisme
humain » [2]. En définitive écrit-il en s’appuyant
sur toutes ces recherches, « la vision de l’organisme
humain comme un réseau structuré et interconnecté,
en relation réciproque avec l’environnement physique
et social, constitue un modèle scientifique solide et de
plus en plus attirant pour la recherche avancée » [3].
Mais démontrer ces processus observés par les
naturopathes est une chose, évaluer les effets
de d’un accompagnement holistique sur la
santé en est une autre. « Je pense que ce n’est pas
la naturopathie qui doit évoluer vers la connaissance
scientifique mais aux scientifiques d’évoluer vers une
connaissance plus synthétique » précise encore Alain
Rousseaux. « Quand la science aborde la systémique
ou l’épigénétique, elle s’ouvre vers des concepts plus
globaux dans lesquels entrent des paramètres vitaux
constatés sans pour autant être démontrés. Si la
science est honnête, elles se rendra compte que le
principe naturopathique qui sollicite l’autoguérison
pour retrouver la santé, est un processus tout à fait
compréhensible, non pas par la raison, mais par
l’expérience. »
Et c’est aussi ce à quoi oeuvre la communauté
scientifique naturopathique mondiale ainsi que
nous l’explique Amie Steel dans l’interview qu’elle
nous a accordée (cf p35.). Votre revue Hippocrate
ne manquera pas de vous informer régulièrement
de ces avancées dans ses prochains numéros.
Ch.G
Références
[1] Psychoneuro Endocrino Immunologie Les
fondamentaux scientifiques de la relation corps-esprit ou
les bases rationnelles de la médecine intégrée de Francesco
Bottaccioli ; Editions Marco Pietteur
[2] Psychoneuro Endocrino Immunologie Les
fondamentaux scientifiques de la relation corps-esprit ou
les bases rationnelles de la médecine intégrée de Francesco
Bottaccioli ; Editions Marco Pietteur, p.15
[3] Psychoneuro Endocrino Immunologie Les
fondamentaux scientifiques de la relation corps-esprit ou
les bases rationnelles de la médecine intégrée de Francesco
Bottaccioli ; Editions Marco Pietteur, p.17
[4] Toward the Philosophy of CAM: Super-system and
Epimedical Sciences - 2004 - Tomio Tada
h t t p s : / / w w w. n c b i . n l m . n i h . gov /p m c /a r t i c l e s /
PMC442114/
Pour aller plus loin...

L’idée d’un changement de paradigme scientifique

pour évaluer correctement les médecines
holistiques dont la naturopathie fait partie n’est
pas nouvelle. Déjà en 2004, le professeur japonais
Tomio Tada proposait-il de développer une
science épi-médicale [4]. L’objectif : interpréter
l’action de méthodes thérapeutiques complexes
sur l’être humain considéré dans toutes ses Francesco Bottaccioli
dimensions.   Ses travaux ont ouvert la voie aux Editions Marco Pietteur
sciences qui étudient désormais la complexité.

Hippocrate - Automne 2019

34.
LA DÉMARCHE
SCIENTIFIQUE
EXPLIQUÉE
« Les faits sont sacrés, les
commentaires sont libres » écrivait
Beaumarchais. Mais si ces faits sont
sacrés, encore faut-il les décrire !
Là réside toute la démarche
scientifique.
On oppose souvent dans les médias les termes
« sciences dures » et « sciences douces ». Il y a en fait
un continuum sans réelle solution de continuité.
Une extrémité de ce continuum est représentée
par les sciences physiques, astrophysiques,
mathématiques, et à l’autre extrémité, les sciences
humaines et sociales. Tout cela est de la science,
mais n’est pas régi par les mêmes méthodologies et
les mêmes processus d’évaluation des résultats, les
processus d’évaluation de la véracité des résultats
proposés étant directement liés aux méthodes
employées.
Car la recherche scientifique n’est faite que de
méthode expérimentale, visant à confirmer
et vérifier l’hypothèse de départ. Pour qu’une
recherche scientifique se développe, il faut un
point de départ (l’hypothèse), une démarche de
pensée expérimentale (la thèse), le rassemblement
des éléments épars en un ensemble cohérent (la
synthèse), puis la péroraison que l’on pourrait
définir comme la divulgation formelle des
résultats obtenus.
L’hypothèse de départ
Elle était par le passé (et peut encore être) basée
sur la simple observation. Elle est de plus en plus
issue des travaux précédemment publiés et dignes
de foi et peut être le simple fruit de l’intuition de
l’esprit éclairé.
La thèse
Comment valider l’hypothèse (l’intuition) de
départ ? Un seul moyen : l’expérimentation ! Et
c’est là que tout se corse. Car cette expérimentation
sera totalement différente selon la matière de
notre étude sur le continuum évoqué plus haut. À
l’extrémité « dure » de ce continuum se trouvent
les mathématiques et à l’extrémité « douce », les
sciences humaines.
La biologie et la médecine se situent quelque
part entre ces deux extrémités, dans un espace
que l’on pourrait définir comme « zone du vivant
individuel », encadré par (coté sciences dures) la
zone du non-vivant, et (coté sciences douces) la
zone du vivant collectif.
Le thérapeute se situe à une charnière cruciale du
continuum. Appuyé sur les travaux des biologistes,
il connaît la biochimie, le métabolisme, la
physiologie, l’anatomie. Et il a devant lui son
patient, individu unique, intégré dans un
contexte sociétal. Son diagnostic est donc basé
sur une science « exacte » (la biologie) dans un
environnement « inexact » (les sciences sociétales).
Dans son diagnostic, il y a donc une large part à
l’intuition, voire au sentiment. C’est à la fois un
scientifique et un Homme de l’Art. La médecine
est ainsi un art avec la technique à son service.
Quel est le but de la démarche scientifique ? Dire le
Vrai ! Ou pour le moins, décrire une sorte de vérité
relative, fractionnaire et temporaire (une chose est
juste tant que l’on n’a pas prouvé le contraire), une
réalité fugace.
Alors comment être sûr que l’on dit « le vrai » ? Et
donc comment avoir une démarche scientifique
rigoureuse, faite de contrôles permanents et
d’évaluation objective des résultats présentés ?
Le point crucial de cette évaluation réside bien
dans l’objectivité de l’analyse, cette analyse étant
toujours faite par l’expérimentateur lui-même.
Tout résultat scientifique délivré à la communauté
se doit d’être analysé quant à sa précision et son
exactitude (car on peut bien sûr divulguer quelque
résultat que ce soit à la condition absolue que ce
résultat soit accompagné de tous les contrôles
nécessaires pour que la communauté puisse se
forger une opinion personnelle quant à la véracité
relative du résultat considéré.)
Précision et exactitude
Prenons un expérimentateur et son outil
d’expérience. Par exemple, un archer et son arc.
Cet archer va tirer cinq flèches en direction de la
cible puis va aller voir son résultat. Ces cinq flèches,
35.
tirées exactement dans les mêmes conditions,
représentent une expérience renouvelée cinq fois
(nous parlons d’expérience en « quintuplate »).
Si l’expérimentateur est chevronné, il va envoyer
ses cinq flèches au même endroit. Les impacts
seront concentrés, le résultat de l’expérience sera
« précis ». Mais si son arc (son outil d’expérience)
est mal réglé, les impacts seront éloignés du
centre de la cible. Le résultat sera inexact !
Maintenant si l’arc est parfaitement réglé mais
que l’archer est néophyte, les impacts seront
dispersés autour du centre de la cible. Le résultat
sera alors exact dans sa globalité, mais imprécis.
Il est certain que ces termes « précision/
exactitude » n’ont pas les mêmes valeurs selon
l’endroit du continuum où l’on œuvre. Pour un
mathématicien, une équation ne peut être que
juste (même si parfois l’on y ajoute quelque
constante inventée…). Pour un chercheur en
sciences humaines, la précision devient du
domaine de la statistique et de la loi du grand
nombre.
Si la précision peut s’évaluer par des méthodes
d’analyse statistique, il n’en va pas de même
pour l’exactitude qui ne peut pas être estimée.
Il ne nous reste qu’à multiplier les observations,
afin de s’approcher, tant faire que ce peut,
d’une description du réel. Je parle bien de la
« description » du réel… pas de la réalité elle-
même, que l’on pourrait appeler « vérité », cette
vérité qui reste inaccessible à l’esprit humain,
aussi bon scientifique soit-il tant il est vrai que
nous ne percevons qu’une réalité partielle et
déformée par nos outils d’analyse et du fait de
leur imperfection. La notion philosophique
du déterminisme indique que « les mêmes
causes produisent les mêmes effets ». C’est le
principe de la causalité. Reste à déterminer les
causes… Vaste chantier ! Nous avons, dans la
démarche scientifique, différentes procédures
pour s’affranchir des biais induits par
l’expérimentateur ou par l’imperfection de son
outil d’analyse. Une observation, le résultat d’une
expérience peut être avérée (qui se rapproche de
la vérité donc) dans la mesure où les faits sont
observés à plusieurs reprises par :
1-différents expérimentateurs indépendants ;
2-dans des situations similaires mais éloignées
(un autre laboratoire par exemple) ;
3-en changeant les outils de mesure et d’analyse.
Nous obtenons à l’issue de cette démarche
souvent longue, non pas à une vérité scientifique
36.
(tout fait avéré est réputé vrai tant que le
contraire n’a pas été démontré), mais un
faisceau de présomptions qui converge vers une
interprétation unique !
La démarche scientifique quantitative vise à
décrire le plus précisément et le plus exactement
un fait observé de manière répétitive (« testus
unus, testis nullus »). Mais l’absence d’observation
ne signifie en rien que le fait n’existe pas ! La
démarche scientifique ne vise pas (elle en est
incapable…) à démontrer la Vérité (ce serait bien
trop beau) !
« L’absence d’observation
ne signifie en rien que le
fait n’existe pas !»
Lorsque l’outil utilisé ne remplit plus son office,
lorsqu’il a atteint ses limites, lorsqu’il n’est pas
possible de calculer une moyenne, une médiane,
un écart-type, voire une valeur, lorsqu’il n’est
pas possible d’appliquer la « méthode », lorsque
l’on ne peut plus « quantifier » l’analyse, il
faut simplement s’en affranchir et aborder
la méthode « qualitative ». Cette méthode
consiste à observer de manière non-invasive le
comportement de deux groupes d’individus mis
dans deux situations différentes (par exemple
un groupe vivant au rez-de-chaussée, dans
un endroit arboré où coule une rivière, et un
groupe vivant au 32e étage d’une tour bordée par
une autoroute) puis d’évaluer (principalement
par le biais d’enquêtes de satisfaction) le bien-
être respectif des deux groupes. Si les groupes
sont de taille suffisante, la méthode statistique
d’évaluation peut à nouveau être utilisée.
La méthode qualitative est utilisée
principalement en Sciences Humaines,
coté « doux » du continuum scientifique, le
naturopathe pourrait s’en inspirer !
Propos qui n’engagent que son auteur…
Hervé Darbon,
Docteur es Sciences
BS, MS, Ph D , Dr Sc
 « Nous sommes en mesure de
partager une compréhension
scientifique détaillée de notre
pratique »
Interview du Dr Amie Steel, naturopathe et directrice de recherche au centre
australien de recherche sur les médecines complémentaires et intégratives
Crédit photo : DR
Le Dr Amie Steel est naturopathe et directrice de
recherche au centre australien de recherche sur
les médecines complémentaires et intégratives, à
la faculté de santé de l’université de technologie
de Sydney. Titulaire d’un doctorat de l’université
de technologie de Sydney, elle est membre
fondateur du groupe d’intérêt chargé des éléments
de preuve, de la recherche et de la politique
concernant les médecines complémentaires
au sein de l’association australienne de santé
publique. Elle est aussi membre fondateur de la
commission Recherche de la Fédération mondiale
de naturopathie. Amie Steel est également
Revue professionnelle de naturopathie
vice-présidente du comité du groupe régional
Pacifique occidental de la Fédération mondiale
de naturopathie. Au cours des deux dernières
années, elle a obtenu près d’un million de dollars
de financement pour ses recherches. Membre
du comité de rédaction de six revues à comité
de lecture, elle a publié plus de 120 articles de
revue, dirigé la publication de deux revues hors-
série (dont le premier numéro spécial consacré
à la naturopathie au niveau mondial, publié
par le Journal of Alternative and Complementary
Medicine), dirigé la publication de trois ouvrages
de recherche et contribué à plus de 30 chapitres
dans divers ouvrages.
Interview
Un consortium de recherche pour des cliniques
universitaires de naturopathie, dont vous êtes
membre, a vu le jour. Pouvez-vous nous expliquer
les raisons de sa création et le contexte mondial dans
lequel il s’inscrit ? Qui en est membre et quelle mission
poursuit-il concrètement ?
L’IRCNAC (International Research Consortium of
Naturopathic Academic Clinics) a été créé dans le but
de resserrer les liens entre les cliniques des différents
instituts de formation à la naturopathie. L’idée de ce
consortium de recherche est née en janvier 2017, lors
des réunions de planification d’un projet de recherche
collaborative dirigé par Joshua Goldenberg, docteur
en naturopathie à l’université nationale de médecine
37.
naturelle de Portland (États-Unis). Le Dr Goldenberg
est membre du programme international de
développement du leadership et des capacités pour la
recherche en naturopathie (International Naturopathy
Research Leadership and Capacity Building Program)
mené par le centre australien de recherche sur
les médecines complémentaires et intégratives, à
l’université de technologie de Sydney. Il a invité d’autres
chercheurs en naturopathie membres du programme
à prendre part à son projet de recherche. J’ai proposé
mon aide pour la mise en œuvre du projet en Australie
et en Nouvelle-Zélande et un collègue chercheur en
naturopathie canadien, le Dr Kieran Cooley, a lui
aussi accepté d’y participer. Le Dr Goldenberg, le Dr
Cooley et moi-même sommes tous affiliés à un institut
de formation à la naturopathie, nous avons donc
prévu de réaliser nos travaux par le biais des cliniques
d’étudiants de ces établissements. Le projet de recherche
du Dr Goldenberg portait plus spécifiquement sur le
syndrome de l’intestin irritable. Cependant, alors que
le projet commençait à prendre forme, j’ai compris qu’il
serait intéressant de mettre en place une infrastructure
permettant de reproduire ce type de recherche pour
des thèmes et des conditions différents. Cette réflexion
a abouti à la création de l’IRCNAC, qui compte neuf
membres institutionnels au Canada, aux États-Unis,
en Australie et en Nouvelle-Zélande. Au total, les
différents sites accueillent plus de 100 000 patients
chaque année. Les membres de l’IRCNAC se sont fixé
la mission suivante : faire progresser la recherche
internationale sur le métier de naturopathe, favoriser
les relations de collaboration entre les chercheurs affiliés
aux différentes cliniques universitaires de naturopathie
et, enfin, permettre la mise en œuvre efficace de projets
de recherche multicentriques internationaux au travers
des cliniques universitaires de naturopathie.
Il semble que des progrès ont déjà été accomplis dans
le domaine de la recherche en naturopathie. Ils sont
peu connus en France. Pouvez-vous nous en préciser
les contours et les champs d’action qu’il nous faut à
présent développer ?
La recherche en naturopathie a beaucoup progressé,
notamment ces dix dernières années. Cependant, la
majeure partie des travaux sont menés aux États-Unis,
au Canada et en Australie. Les naturopathes peuvent
tirer avantage de divers types de recherches, qui sont
utiles à la profession sur des plans différents.
L’exemple le plus évident est la recherche clinique, qui
étudie les résultats cliniques des personnes qui suivent
des traitements naturopathiques. La recherche clinique
peut se focaliser sur un traitement en particulier, tel
que les conseils alimentaires, la méditation ou tout
autre type de traitement ou de thérapie. Elle peut
38.
également s’intéresser au traitement naturopathique
en tant qu’intervention dans laquelle un naturopathe
formé utilise des outils de diagnostic naturopathique
traditionnels et propose des conseils holistiques
personnalisés. Les résultats de la recherche clinique,
qu’elle porte sur les traitements spécifiques employés
par les naturopathes ou sur la prise en charge
naturopathique en général, peuvent être utilisés pour
décrire les bienfaits que la naturopathie est susceptible
d’apporter à la santé d’une communauté.
Les études de cas cliniques, en tant que préalable à
des recherches cliniques plus poussées, offrent aux
naturopathes l’occasion de fournir des informations
fondamentales concernant les approches diagnostiques
ou thérapeutiques spécifiques, la mise en application
des principes et de la philosophie naturopathiques
ou encore les résultats cliniques associés à la prise en
charge naturopathique. Alors que les études de cas
cliniques sont souvent négligées car considérées comme
de simples « recherches », elles constituent en réalité
une passerelle importante entre la pratique clinique et
le monde de la recherche. Ce type de recherche permet
aussi aux cliniciens d’apporter des éléments à l’appui
de la naturopathie en puisant directement dans leur
expérience de terrain.
D’autres types de recherche sont aussi utiles dans les
pays et régions où les décideurs ne prennent pas en
compte la naturopathie lorsqu’ils planifient les politiques
de santé ou conçoivent les services de santé. Les études
révélant le nombre d’individus qui se tournent vers la
naturopathie, les raisons pour lesquelles ils consultent
un naturopathe ou encore les caractéristiques des
patients sont importantes pour faire connaître le rôle de
la naturopathie dans le système de santé au sens large.
De même, des recherches apportant des informations
claires sur le champ d’action et les différentes dimensions
du métier de naturopathe sont aujourd’hui nécessaires.
Par exemple, des études indiquant le nombre de
naturopathes dans un pays ou une région, le nombre de
patients que reçoit chaque naturopathe, les différents
types d’outils de diagnostic et de traitement employés
ainsi que le degré de collaboration des naturopathes
avec d’autres professionnels de santé dans la prise
en charge individuelle des patients. En l’absence de
telles études, appelées recherche sur les services
de santé, les décideurs politiques et autres acteurs
pourraient ignorer la contribution de la naturopathie
et choisir de ne s’intéresser qu’aux professions de
santé conventionnelles. En revanche, la disponibilité
de ce type d’informations permettrait à la profession
de naturopathe de demander son intégration et sa
reconnaissance dans les politiques et la planification de
la santé.
Hippocrate - Automne 2019
Face aux limites des grilles d’évaluation scientifiques
actuelles pour les médecines holistiques, le professeur
de médecine japonais Tomio Tada a proposé de
développer une science épimédicale afin d’interpréter
l’action de méthodes thérapeutiques complexes sur le
supersystème que constitue l’être humain considéré
dans toutes ses dimensions. Qu’en pensez-vous ?
La science épimédicale, qui étudie la santé et la
guérison en tant que système complexe, offre un point
de vue très intéressant pour explorer la naturopathie.
Il ne fait aucun doute que la naturopathie intègre et
comprend la complexité du système physiologique
humain, tout en tenant compte d’autres facteurs
comme la santé spirituelle, émotionnelle et sociale
lorsqu’elle accompagne un individu sur la voie du bien-
être. Depuis les écrits du professeur Tada sur la science
épimédicale, en 2004, on a observé une progression
parallèle des méthodes utilisées pour explorer les
systèmes d’adaptation complexes dans d’autres
domaines scientifiques comme l’écologie, la zoologie et les
technologies de l’information. Cette évolution a donné
naissance à ce que l’on appelle aujourd’hui les « sciences
de la complexité ». La chercheuse en naturopathie
australienne Kim Graham travaille actuellement
sur l’application de la théorie de la complexité en
Hippocrate consacrera le dossier
de son prochain numéro à
LA PLACE DE LA NATUROPATHIE
EN ONCOLOGIE INTÉGRATIVE
tant qu’outil permettant de comprendre et de décrire
l’approche mise en œuvre par les naturopathes pour
analyser l’état de santé des individus. Alors que les
sciences de la complexité utilisent des termes légèrement
différents, tels que le mot « émergence », pour décrire des
concepts naturopathiques comme l’approche holistique,
les concepts fondamentaux de ces deux écoles de pensée
sont très similaires. En nous inspirant de théories et
de modèles comme les sciences de la complexité pour
explorer et décrire la naturopathie, nous sommes en
mesure de partager une compréhension scientifique
détaillée de notre pratique tout en restant fidèles à nos
principes et philosophies fondamentaux.
Interview réalisée parSandra Geslin,
traduite de l’anglais par Nathalie Allégatière
Ndlr : les termes de patients, traitements naturopathiques
et diagnostic naturopathique empruntés par l’interviewée
ont été conservés dans le respect du vocabulaire utilisé par
les naturopathes australiens. Ils ne peuvent avoir cours en
France pays au sein duquel ils sont réservés aux médecins.
Les naturopathes français ne reçoivent pas de patients mais
des clients, ne réalisent aucun diagnostic mais des bilans de
vitalité et délivrent des conseils.
39.
 Re
Recherche

En bref
Oncologie intégrative : la naturopathie au banc d’essai

Initiée en 2015, l’étude d’observation nord-américaine CUSIOS vise

à déterminer l’impact des soins médicaux intégratifs dispensés par
des docteurs en naturopathie (ndlr : naturopathes en France) sur
des patients atteints d’un cancer à un stade avancé. Cette étude a
pour objectif d’observer et de mesurer la survie globale des patients
et de décrire les traitements intégratifs proposés par des docteurs en
naturopathie.

La cohorte se compose de 400 patients atteints d’un cancer du sein

ou colorectal de stade 4, d’un cancer du pancréas ou des ovaires
au stade 3 ou 4. Dix cliniques d’Amérique du Nord spécialisées en
oncologie intégrative y participent.

De quels soins s’agit-il? Les patients reçoivent des soins en oncologie

intégrative avancée (AIO). Ces soins se définissent comme le soutien
complet d’un patient atteint de cancer à chaque étape de la prise en
charge médicale : du diagnostic et des décisions de traitement au
rétablissement de la fonction immunitaire et de la santé après la fin
des traitements conventionnels. Les patients inclus dans cette étude
reçoivent des soins de la part de médecins naturopathes agréés
ayant suivi une formation AIO. Les options de traitement peuvent
inclure des compléments alimentaires, des médicaments pour le
corps et l’esprit, des médicaments botaniques, l’hydrothérapie,
l’hyperthermie, un soutien nutritionnel, l’acupuncture et des
thérapies intraveineuses avancées.…

Les docteurs en naturopathie qui fournissent des soins AIO

communiquent avec les oncologues médicaux et les radiooncologues
de chaque participant pour assurer une prise en charge réellement
intégrée. L’objectif est d’améliorer non seulement la qualité de vie
des personnes atteintes de cancer, mais également d’améliorer leur
survie globale. Les soins AIO sont individualisés et généralement
pris en charge par les patients eux-mêmes ou par leur assurance
maladie.

La fin de l’étude et ses conclusions sont prévues pour 2021. Votre

revue ne manquera pas de vous les présenter. À suivre donc…

Hippocrate - Automne 2019

40.
 ÉTUDE COMPLÈTE/
EFFET ANTI-HYPERGLYCÉMIANT DE L’EXTRAIT
AQUEUX DE FEUILLE DE JUGLANS REGIA L. (FEUILLE
DE NOYER) CHEZ LES PATIENTS DIABÉTIQUES DE
TYPE 2 : ESSAI RANDOMISÉ CONTRÔLÉ

Mahsima Abdoli a,b, Fataneh Hashem Dabaghian a,c,*,

Ashrafeddin Goushegir a, Maryam Taghavi Shirazi a,c,
Manuchehr Nakhjavani d, Asie Shojaii a,c, Shirin Rezvani d,
Kamran Mahlooji e
a Institut de recherche sur la médecine islamique et complémentaire, Université des sciences médicales d’Iran, Téhéran, Iran
b Centre de recherche sur la médecine traditionnelle et l’histoire des sciences médicales, Université des sciences médicales de Babol, Babol,
Mazandaran, Iran
c École de médecine traditionnelle, Université des sciences médicales d’Iran, Téhéran, Iran
d Département d’endocrinologie et de diabétologie, Hôpital Vali-Asr, Université des sciences médicales de Téhéran, Téhéran, Iran
e Département d’histoire de la médecine, École de médecine traditionnelle, Université des sciences médicales de Téhéran, Téhéran, Iran

ARTICLE INFOS RÉSUMÉ

Mots clés : Objectif : la feuille de Juglans regia (feuille de noyer) est traditionnellement utilisée
Diabète sucré dans le traitement du diabète en Iran. L’objectif de cette étude était d’évaluer les
Juglans regia effets de l’extrait aqueux de feuille de Juglans regia sur la glycémie chez les patients
Médecine persane diabétiques de type 2.
Essai randomisé contrôlé Méthodologie : 37 patients diabétiques de type 2 âgés de 35 à 70 ans qui
Phytothérapie présentaient une glycémie à jeun comprise entre 130 mg/dl (7,2 mmol/L) et 250 mg/
dl (13,9 mmol/L) et un taux d’hémoglobine glyquée (HbA1c) supérieur à 7% malgré
la prise de médicaments hypoglycémiants oraux classiques ont reçu une capsule
Historique de l’article: de Juglans regia (250 mg trois fois par jour) ou une capsule de pain grillé réduit
en poudre (placebo) de manière aléatoire pendant trois mois. Leur glycémie à
Reçu par la revue Advances in
Integrative Medicine le 31/07/2017 jeun (GAJ), leur glycémie post-prandiale (GPP) et leur taux hémoglobine glyquée
(HbA1c) ont été évalués en tant que critères de jugement principaux. Leur profil
Reçu et mis en forme le 18/09/2017
Accepté le 3/10/2017 lipidique ainsi que leur fonction hépatique et rénale ont été évalués comme critères
Disponible en anglais en ligne de jugement secondaires. Des tests statistiques non-paramétriques ont été utilisés
depuis le 04/10/2017 pour comparer les résultats avec les valeurs de référence dans les deux groupes, à
Droits pour publication achetés par l’aide du logiciel SPSS version 17.
Hippocrate le 10/09/2019 Résultats : 19 patients du groupe Juglans regia et 18 patients du groupe témoin, âgés
Traduit de l’anglais par Nathalie en moyenne (±écart-type) de 55,8 ans (±7) ont achevé l’étude. Après trois mois, la GAJ
Allégatière (p = 0,02), la GPP (p = 0,008) et le taux de HbA1c (p = 0,003) ont baissé de manière
Publié par Hippocrate le 23/09/2019 significative dans le groupe Juglans regia par comparaison aux valeurs de référence,
sans aucun effet indésirable. L’évolution des variables n’était pas significative dans
le groupe témoin.
Conclusions : cette étude suggère que l’extrait aqueux de feuille de J. regia a fait
baisser la GAJ, la GPP et le taux de HbA1c chez des patients diabétiques de type 2.
Il serait utile de réaliser des études cliniques plus poussées sur des échantillons
plus larges afin de tirer des conclusions précises quant à l’efficacité et la sécurité de
cette plante.
© 2017 Elsevier Ltd. Tous droits réservés.

* Auteur correspondant à l’Institut de recherche sur la médecine islamique et complémentaire, Université des sciences médicales d’Iran, Téhéran, Iran.
E-mail : fataneh.dabaghian@yahoo.com (F.H. Dabaghian). https://doi.org/10.1016/j.aimed.2017.10.001 2212-9588/© 2017 Elsevier Ltd. Tous droits réservés.

Revue professionnelle de naturopathie

41.
ARTICLE
1. Introduction
Le diabète de type 2 (diabète sucré) est un problème
de santé très répandu dans le monde, dont la
prévalence devrait fortement augmenter d’ici 2030
[1]. En Iran, la prévalence du diabète de type 2
diagnostiqué et non diagnostiqué dans la tranche
d’âge de 25 à 64 ans est estimée à 7,7% [2]. D’autre
part, le diabète sucré est la 7e cause de mortalité
dans le monde, et la 3e si l’on tient compte des
complications mortelles. Les complications étant
la principale cause de morbidité et de mortalité
associée à cette affection, un strict contrôle de la
glycémie est nécessaire pour gérer cette maladie
[1]. Par ailleurs, certains effets indésirables
potentiellement graves ont été signalés pour
plusieurs médicaments anti-hyperglycémiants
oraux et les médicaments courants ne permettent
pas de contrôler totalement les niveaux de sucre
sanguin [3,4]. Les médecines complémentaires
(en particulier la phytothérapie) suscitent donc
de l’intérêt pour la prévention et le traitement
des maladies, notamment le diabète de type 2 [5].
La médecine persane, connue depuis 10 000 ans,
est l’une des médecines traditionnelles les plus
anciennes et les plus populaires [6]. Les études
indiquent que 42 à 66% de la population de Téhéran,
la capitale de l’Iran, utilise au moins un type de
thérapie non conventionnelle/complémentaire
[7,8]. Il semble aussi que l’usage des médecines
complémentaires et non conventionnelles soit
répandu chez les personnes atteintes de diabète,
avec une prévalence de 17% à 72,8% [9].
En Iran, les feuilles de noyer, Juglans regia L.
(famille des juglandacées) (J. regia), sont un remède
de phytothérapie traditionnellement utilisé pour
ses effets hypoglycémiants [5,10]. Cette plante
est très riche en composés phénoliques et ses
propriétés anti-oxydantes et antiglycation ont été
décrites dans des publications [11]. Bien que l’effet
antidiabétique de l’extrait de feuille de noyer ait
été évalué dans certaines études chez l’animal
[12-15], la recherche clinique sur son efficacité
contre le diabète de type 2 demeure insuffisante
[16,17]. Nous avons donc décidé de réaliser une
étude clinique randomisée en double aveugle afin
d’évaluer l’effet de l’extrait aqueux de feuille de J.
regia sur la glycémie chez des patients diabétiques
de type 2, par comparaison à un placebo.
42.
2. Matériel et méthodologie
2.1. Préparation de l’extrait de plante
Des feuilles de Juglans regia ont été ramassées
sur le Mont Damavand (Téhéran) et identifiées
par le Docteur Dr G. Amin, à l’herbier central de
l’école de pharmacie de l’Université des sciences
médicales de Téhéran (numéro de référence de
l’échantillon : PMP-405. Après séchage à l’abri de
la lumière, les feuilles de noyer ont été broyées puis
mises à macérer dans de l’eau distillée pendant
24 heures à 25°C. Le mélange a ensuite été filtré.
L’extrait filtré a été concentré dans un évaporateur
rotatif (Laborota 4000, Heidolph, Allemagne) puis
soumis à une évaporation totale au bain-marie à
60°C afin d’obtenir une poudre sèche.
2.2. Mesure de la teneur totale en polyphénols
La teneur totale en polyphénols (TTP) de
l’échantillon a été mesurée, en équivalents acide
gallique, à l’aide d’un spectrophotomètre [18].
2.3. Mesure de la teneur totale en flavonoïdes
La teneur totale en flavonoïdes (TTF) de l’extrait
aqueux de feuilles de noyer a été déterminée à
l’aide d’un spectrophotomètre, avec un réactif
au chlorure d’aluminium (AlCl3) à base de
quercétine [19]. 2,5 ml de chaque échantillon (et/ou
de quercétine étalon), préalablement dissous dans
de l’éthanol à 90%, ont été mélangés avec 2,5 ml
d’une solution d’AlCl3 à 2% dans de l’éthanol
à 90%. Après 40 minutes, l’absorbance de la
coloration jaune obtenue a été mesurée à 415 nm.
Pour chaque échantillon, la TTF (en µg équivalent
quercétine (EQ)/mg d’échantillon) a été calculée
sur la base d’une courbe d’étalonnage linéaire
obtenue avec la quercétine (y = 0,0169x + 0,3526,
r2 = 0,995). Enfin, la TTF de l’échantillon a été
mesurée à l’aide de cette courbe d’étalonnage.
2.4. Préparation des capsules de Juglans regia et
de placebo
Des capsules de gélatine alimentaire d’aspect
identique ont été remplies d’extrait en poudre de
feuille de J. regia (substance médicamenteuse) et de
pain grillé réduit en poudre (placebo). Les capsules
de J. regia contenaient 250 mg d’extrait en poudre.
Les capsules ont ensuite été conditionnées dans des
emballages étiquetés de manière indiscernable. La
posologie de l’extrait (250 mg trois fois par jour) a
été déterminée sur la base des études antérieures
[16].
Hippocrate - Automne 2019
2.5. Conception de l’étude
L’étude a été menée sous la forme d’un essai
randomisé contrôlé en double aveugle contre
placebo réalisé de mars 2013 à décembre 2014
à l’hôpital Imam Khomeini de Téhéran, en
Iran. Le comité d’éthique médicale de l’Institut
de recherche sur la médecine islamique et
complémentaire a approuvé le protocole
(numéro et date d’agrément : 244/tm/p26 et 2010-
05-012). L’essai a été répertorié dans le registre
des essais cliniques iranien sous le numéro
IRCT138803061957N1. Le consentement éclairé des
patients a été recueilli par écrit.
2.7. Intervention
2.7.1. Randomisation
Les patients ont été répartis en deux groupes,
substance médicamenteuse et placebo (1/1),
de manière aléatoire selon la méthode de la
randomisation par blocs. Des blocs de quatre ont
été utilisés, avec une méthode de sélection basée
sur une liste informatisée de nombres aléatoires.
Le nombre de patients et le type d’intervention
ont été notés sur un papier placé dans une
enveloppe. Les patients et les personnes chargées
de les affecter aux groupes étaient en aveugle par
rapport aux interventions.

2.6. Critères d’inclusion et d’exclusion 2.7.2. Prescription

Les critères d’inclusion étaient les suivants :
patients externes, diabétiques de type 2, âgés de 35
à 70 ans, présentant des niveaux de glycémie à jeun
compris entre 130 mg/dl (7,2 mmol/l) et 250 mg/dl
(13,9 mmol/l) et des taux de HbA1c supérieurs à 7%
malgré la prise par voie orale d’une association
de médicaments hypoglycémiants classiques
(notamment la metformine et le glibenclamide).
Les patients prenant de l’insuline ou d’autres
agents hypoglycémiants, les patients atteints de
maladies cardiaques, rénales ou hépatiques, ainsi
que les femmes enceintes, prévoyant une grossesse
ou allaitantes ont été exclus de l’étude.
Chaque patient a pris une capsule par voie orale
toutes les huit heures pendant trois mois. Les
patients ont continué de prendre leur traitement
hypoglycémiant oral classique habituel sans
changement de posologie. Tous les participants
ont noté le type et la quantité d’aliments
consommés quotidiennement pendant trois jours
de chaque semaine. Pour contrôler le respect du
traitement, les patients ont été questionnés sur la
prise des capsules lors de leur suivi mensuel (par
téléphone).

Tableau 1
Données démographiques et caractéristiques de référence des patients des groupes Juglans regia et placebo

Groupe a n Valeur p
Sexe 1 5 hommes, 14 femmes 0.495
2 7 hommes, 11 femmes
Moyenne (±ET)
Âge 1 56,5 (6,1) 0,564
(années) 2 55,1 (7,9)

Ancienneté du diabète 1 8 (5,2) 0,268

(années) 2 6,1 (4,5)

Indice de masse corporelle 30,1 (5,2)

(kg/m²) 28,1 (4)

Posologie des hypoglycémiants oraux 1 12,5 (±6) glibenclamide 0,824

(mg/jour) 1150 (±435) metformine

2 10 (±9) glibenclamide
1250 (±425) metformine

Revue professionnelle de naturopathie

43.
2.7.3. Critères de jugement
Au début et à la fin de l’étude, les niveaux de
glycémie à jeun (GAJ) après 10 heures, de glycémie
postprandiale après deux heures, d’azote uréique
du sang, de créatinine, d’aspartate aminotransférase
(ASAT) et d’alanine aminotransférase (ALAT) ont
été déterminés avec des kits de dosage enzymatique
standard (société Pars Azmoon, Téhéran, Iran) et
un analyseur automatique (Hitachi 902, Japon).
Les échantillons de sérum ont été centrifugés à
3000 tr/mn pendant 10 minutes avant de procéder
aux analyses. Le taux d’hémoglobine glyquée
(HbA1C) a été mesuré par chromatographie en
phase liquide à haute performance. Les critères de
jugement principaux étaient la GAJ, la GPP et le
taux de HbA1C. Les autres paramètres constituaient
les critères de jugement secondaires. Tous les
participants ont été invités à signaler les effets
indésirables éventuels.
2.7.4. Analyse statistique
L’analyse statistique a été réalisée à l’aide du logiciel
SPSS v17.0 (SPSS, Inc.). Les données continues sont
exprimées sous forme de moyenne ± écart type
(ET) et analysées au moyen du test t bilatéral pour
échantillons appariés. Les variables nominales sont
exprimées sous forme de fréquence et comparées,
par traitement administré, à l’aide du test du khi-
deux bilatéral. Les valeurs p inférieures à 0,05 ont
été considérées comme significatives.
3. Résultats
3.1. Préparation et étalonnage de la substance
médicamenteuse et du placebo
La TTP et la TTF de l’extrait aqueux de feuilles de J.
regia ont été mesurées, à savoir : 5,63±0,45 (µg/mg (µg
équivalent acide gallique (EAG)/mg d’échantillon))
et 30,02±1,8 µg/mg (µg équivalent quercétine
(EQ)/mg d’échantillon), respectivement. Enfin, la
substance médicamenteuse et le placebo ont été
conditionnés en capsules de forme identique.
3.2. Résultats de l’essai randomisé contrôlé
Cinquante patients ont été sélectionnés et
randomisés pour l’étude. Leurs données
démographiques et leurs caractéristiques de
référence sont détaillées dans le tableau 1. Les
deux groupes ne présentaient aucune différence
significative. 19 patients du groupe prenant la
substance médicamenteuse et 18 patients du groupe
placebo (témoin) ont achevé l’étude. Leurs données
ont été analysées (voir figure 1). Les résultats
montrent que les niveaux de GPP et les taux de
HbA1c étaient statistiquement similaires au début
de l’étude, alors que la GAJ était nettement plus
basse dans le groupe témoin (p = 0,01) (tableau 2).
En fin d’étude, les niveaux de GAJ, de GPP et de
HbA1c étaient statistiquement similaires pour les
44.
différents groupes.
Les résultats de laboratoire de chaque groupe
ainsi que leur évolution au cours de l’étude sont
présentés au tableau 2. Ce tableau montre que, par
comparaison aux valeurs de référence, les niveaux
de GAJ, de GPP et de HbA1c ont baissé de manière
significative après 3 mois dans le groupe prenant
la substance médicamenteuse (p = 0,002, 0,008
et 0,003, respectivement). Aucun changement
significatif des variables étudiées n’a été observé
dans le groupe témoin. Par ailleurs, les autres
variables (paramètres biochimiques) n’ont pas
évolué de manière significative. J. regia a été bien
toléré par les patients. Aucun effet indésirable
grave n’a été relevé chez les deux groupes et
aucune attrition due aux effets secondaires n’a été
enregistrée.
4. Discussion
Les résultats de cette étude montrent qu’une dose
de 750 mg/jour d’extrait aqueux de feuille de J. regia
associée à des hypoglycémiants oraux tels que les
biguanides ou les sulfamides est statistiquement
plus efficace que le placebo pour faire baisser la
glycémie des patients diabétiques de type 2.
Les mécanismes probables de l’effet
hypoglycémiant des feuilles de J. regia sont les
suivants : augmentation de la libération d’insuline
par les cellules β, régénération des cellules β et/
ou rétablissement de la sensibilité à l’insuline [20],
interférence avec l’absorption des hydrates de
carbone d’origine alimentaire dans l’intestin grêle
[21] et facilitation de l’utilisation du glucose par les
tissus périphériques [22]. L’inflammation étant un
facteur important dans la pathogenèse du diabète
de type 2, les effets antidiabétiques de l’extrait de
J. regia pourraient résulter des propriétés anti-
inflammatoires que lui confère sa teneur élevée en
polyphénols (en particulier des flavonoïdes comme
la sudachitine, l’ériodictyol, l’apigénine et ses
dérivés) [18,23-26].
Les feuilles de J. regia sont également riches en
acides phénoliques et en flavonoïdes, notamment
en acide 3- et 5-caféoylquinique, en quercétine-
3-galactoside et en quercétine-3-arabinoside [27-
29], qui possèdent des propriétés antidiabétiques
[30,31]. Il semble que les principaux composants
responsables de l’effet anti-hyperglycémiant de
l’extrait de plante soient les substances phénoliques
telles que l’acide gallique et l’acide caféoylquinique
[32]. L’activité anti-oxydante des composés
phénoliques [33-35] et leurs effets favorables dans
la gestion de l’hyperglycémie chez les patients
diabétiques [36,37] ont fait l’objet de publications.
4.1. Limites de l’étude
La principale limite de cette étude était la petite
taille de l’échantillon. Par ailleurs, il existait une
différence statistique significative entre la GAJ de
Hippocrate - Automne 2019
 Essai randomisé (n=50)

Affectation
Affectés au groupe placebo (n=25) Affectés au groupe de la substance médicamenteuse
* ont reçu le placebo (n=23) (n=25)
* n’ ont pas reçu le placebo car répondaient aux * ont reçu la substance médicamenteuse (n=22)
* n’ ont pas reçu la substance médicamenteuse car
critères d’exclusion (n=2) répondaient aux critères d’exclusion (n=3)

Suivi (3 mois)
Suivi interrompu (n=5) Suivi interrompu (n=3)
(n’ont pas répondu au téléphone, raisons person- (n’ont pas répondu au téléphone, déménagement,
nelles) raisons personnelles)

Analyse
Analysés (n=18) Analysés (n=19)

Fig. 1. Diagramme CONSORT des participants

Tableau 2
Avant/après changement des variables dans le groupe Juglans regia et le groupe témoin

Groupe* Moyenne de Moyenne après Avant/après Intervalle de Valeur p

référence (ET) traitement (ET) changement de confiance à 95%
moyenne (ET)
GAJ [mg/dl] 1 173,1(26.9) 155,5(28,6) 17,5(32,2) 2 à 33,1 0,029
2 148,5(33,8) 152,4(39) -3,9(42) -24,8 à 16,9 0,696
GPP [mg/dl] 1 240,8(51,7) 192,8(43,3) 48(59,7) 14,9 à 81 0,008
2 242,3(69,7) 228,5(76,5) 13,8(89,1) -37,5 à 65,3 0,571
HbA1c [%] 1 8,2(0,8) 7,2(0,9) 0,9(1,2) 0,3 à 1,5 0,003
2 7,8(0,4) 7,5(1) 0,3(1) -0,1 à 0,8 0,218
Triglycérides 1 176,7(79,3) 166,2(84,6) 10,5(42,4) -9,9 à 31 0,294
2 143,4(37,3) 136,5(37,8) 6,8(37,9) -12,6 à 26,3 0,469
Cholestérol 1 179,7(39,7) 167,3(44,7) 12,4(38,2) -5,9 à 30,9 0,173
2 166(38,4) 163,4(31,1) 2,5(38,7) -17,3 à 222,5 0,787
LDL 1 99,8(37,6) 84,6(24,9) 15,2(31,1) -0,2 à 30,7 0,054
2 86,8(32,8) 85,7(27,6) 1,1(26,1) -12,3 à 14,5 0,862
HDL 1 44,5(10,8) 48,5(10,8) -4(16,8) -12,3 à 4,3 0,327
2 38,8(6,7) 47,4(9,4) -8,5(11,3) -14,3 à -2,6 0,007

référence des groupes mais celle-ci ne constitue pas
un facteur de confusion pour l’étude car la GAJ a
baissé plus fortement dans le groupe J. regia que
dans l’autre groupe.
5. Conclusion
Cette étude a montré que l’extrait aqueux de feuille
de J. regia (750 mg/jour) associé à des médicaments
hypoglycémiants oraux tels que les biguanides
et les sulfamides peut faire baisser la glycémie
des patients diabétiques de type 2. Il peut donc
être utilisé comme agent complémentaire chez
ce type de patients. Il est néanmoins souhaitable
d’évaluer l’efficacité et la sécurité de cette plante
dans des groupes de population plus importants.
De nouvelles études sont nécessaires pour
déterminer l’efficacité et la sécurité à long terme
de l’extrait de feuille de J. regia.

Revue professionnelle de naturopathie

45.
Remerciements [9] H.Y. Chang, M. Wallis, E. Tiralongo, Use of
complementary and alternative
medicine among people living with diabetes: literature
Les auteurs souhaitent remercier le Dr. review, J. Adv. Nurs. 58
Mahmood Arshad, l’endocrinologue de l’hôpital (4) (2007) 307-319.
Hazrat Rasool, Mehri Abdollahifard ainsi [10] N. Panth, K.R. Paudel, R. Karki, Phytochemical
que le personnel médical de l’hôpital lmam profile and biological activity of
Khomeini, et plus particulièrement le personnel Juglans regia, J. Integr. Med. 14 (5) (2016) 359-373.
du service de diabétologie de l’hôpital, pour
[11] D.C. Almonte-Flores, N. Paniagua-Castro, G.
leur coopération. Ces travaux de recherche ont
Escalona-Cardoso, M. Rosales
bénéficié du soutien de l’Institut de recherche
Castro, Pharmacological and genotoxic properties of
sur la médecine islamique et complémentaire de
polyphenolic extracts of Cedrela odorata L. and Juglans
l’Université des sciences médicales d’Iran.
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Hippocrate - Automne 2019

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47.
 International

LA WNF FAIT PROGRESSER

LA NATUROPATHIE
DANS LE MONDE
Interview d’Iva Lloyd , présidente WNF

Crédit photo : DR

Présidente de la Fédération mondiale de naturopathie (WNF) , Docteur en

naturopathie au Canada et conférencière internationale, Iva Lloyd a fondé
la clinique de santé Naturopathic Foundations en 2002 après avoir obtenu
son diplôme du Collège canadien de médecine naturopathique (CCNM).
Rédactrice en chef de Vital Link, la revue professionnelle de l’Association
canadienne des docteurs en naturopathie (ACDN), pendant treize ans,
elle est aujourd’hui membre du comité de rédaction de plusieurs autres
revues professionnelles. Elle est l’auteur de trois ouvrages : The History of
Naturopathic Medicine, a Canadian Perspective ; The Energetics of Health,
A Naturopathic Assessment, et Messages from the Body, a guide to the
energetics of health.

Hippocrate - Automne 2019

48.

La WNF représente plus de 70 organisations de
naturopathie dans les six grandes régions du
monde (OMS). Créée lors du Congrès mondial de
naturopathie (ICNM) de 2014, à Paris, la WNF vise
à promouvoir et faire progresser la profession de
naturopathe dans le monde. Ses membres votants
sont des associations nationales qui représentent
les naturopathes et les docteurs en naturopathie
du monde entier. Pour la France, l’OMNES
(Organisation de la Médecine Naturelle et de
l’Éducation Sanitaire) est membre votant, la FÉNA
(Fédération française des écoles de naturopathie) et
le CENATHO (Collège Européen de Naturopathie
Traditionnelle Holistique) en sont membres
éducatifs. L’Union des Naturopathes de Belgique
(UNB), l’Association Suisse des Naturopathes
avec Diplôme Fédéral (ASNFD) et l’Association
canadienne des docteurs en naturopathie (ACDN)
en sont également membres votants.
Interview
Iva Lloyd, pouvez-vous avant tout nous rappeler les
enjeux que revêtait en 2014 la création de la WNF ?
La WNF a été créée pour faire entendre la voix des
naturopathes sur la scène de la santé mondiale. Son
principal objectif est de promouvoir le métier de
naturopathe et de contribuer au renforcement du niveau
des formations et du statut réglementaire de la profession
au niveau international.
En France, la naturopathie est parfois déconsidérée au
motif qu’elle ne jouirait pas de recherches et de preuves
scientifiques suffisantes sur son efficacité. Or, l’une des
principales missions de la WNF est justement d’inscrire
la recherche comme un des piliers de son action. Pouvez-
vous nous en dire plus à ce sujet et sur les travaux que
vous conduisez dans ce cadre ?
Les naturopathes disposent d’un vaste corpus de
recherche sur lequel appuyer leur pratique. La
perception selon laquelle la naturopathie ne se fonderait
pas sur la recherche tient en partie au fait que la plupart
des études sont publiées en anglais et, surtout, que les
recherches, tout comme la pratique naturopathique,
sont très diverses et publiées dans un large éventail
de revues professionnelles qui couvrent la médecine
naturopathique, complémentaire et allopathique.
Revue professionnelle de naturopathie
Depuis 18 mois, la WNF rassemble des travaux de
recherche rédigés par des praticiens naturopathes du
monde entier. À ce jour, nous avons recueilli plus de
2500 articles de recherche écrits par des naturopathes/
docteurs en naturopathie. Le rapport que nous avons
publié est disponible sur le site de la WNF :
http://worldnaturopathicfederation.org/wnf-publications
Au moins 20 instituts à travers le monde se consacrent à
la recherche en naturopathie. À notre connaissance, plus
de 1200 ouvrages ont été publiés par des naturopathes/
docteurs en naturopathie, ainsi que plus de 7000 articles
dans les principales revues naturopathiques à comité de
lecture. Les praticiens naturopathes français comptent
parmi les auteurs les plus prolifiques d’Europe.
La naturopathie étant une médecine intégrée et
personnalisée, comment est-il possible d’entrer dans les
schémas classiques des études scientifiques en double
aveugle, versus placebo ? N’est-ce pas un obstacle pour
la recherche sur l’efficacité de la naturopathie, sauf à
la réduire à une approche symptomatique qui viserait
simplement à remplacer un médicament aux effets
iatrogènes délétères par une plante ?
Il existe de nombreux types d’études différents, chacun
possédant des points forts et des points faibles. Les
naturopathes, par exemple, reconnaissent l’intérêt de
la recherche classique, des études de cas, des revues
systématiques et des essais randomisés contrôlés. Le
monde de la recherche internationale adopte aujourd’hui
une approche systémique globale, qui est plus adaptée
aux recherches visant à étudier l’efficacité d’un traitement
en pratique. Les études en double aveugle peuvent se
révéler efficaces pour évaluer le mode d’action d’un
produit au niveau cellulaire mais ne sont généralement
pas le meilleur mode opératoire pour apprécier l’efficacité
réelle d’un traitement ou d’une pratique.
L’ évolution du monde de la recherche internationale est
favorable à la pratique naturopathique et permettra aux
praticiens naturopathes et aux chercheurs d’étudier les
pratiques naturopathiques de manière plus efficace.
La WNF représente plus de 70 organisations de
naturopathie dans les sept grandes régions du monde.
Malgré des statuts différents et des niveaux d’étude
très divers, comment la WNF fait-elle pour s’assurer
que tous les naturopathes/docteurs en naturopathie du
monde partagent le même socle culturel, disposent des
mêmes fondements historiques et ont la même vision du
fonctionnement du corps humain ?
La première tâche de la WNF était de dresser un état
des lieux de la profession de naturopathe au niveau
mondial afin de déterminer son degré d’homogénéité par
rapport aux fondements de la naturopathie. Les études
internationales menées en 2015 et en 2016, ainsi que
49.
l’enquête mondiale sur la naturopathie réalisée en 2018,
ont révélé de nombreuses similitudes entre les différentes
régions du monde.
Ces études ont mis en évidence une concordance totale
entre les philosophies naturopathiques (holisme et
vitalisme) ainsi qu’une cohérence quasiment parfaite
sur les sept principes naturopathiques. Bien que la
naturopathie emploie depuis toujours des méthodes de
traitement très diverses, toutes les études et recherches
que nous avons menées indiquent que la plupart des
praticiens naturopathes à travers le monde font appel
à sept grandes techniques : la nutrition clinique, la
nutrition appliquée, la phytothérapie, les conseils
en hygiène de vie, l’hydrothérapie, l’homéopathie et
l’exercice physique sous diverses formes. Malgré la
diversité observée entre les différents pays et régions
de la planète, les fondamentaux de la naturopathie
sont extrêmement homogènes à travers le monde. En
2017, la WNF a publié un document intitulé Defining
the Global Naturopathic Profession (Définition
de la profession de naturopathe dans le monde),
qui met en lumière les fondements de cette profession
universelle. Ce document est disponible sur :
http://worldnaturopathicfederation.org/wp-content/
uploads/2016/03/Defining-the-Global-Naturopathic-
Profession_WNF-2017_.pdf
En France, nous sommes un pays au sein duquel les
naturopathes ne sont pas encore reconnus par l’État.
Donc ni les formations au métier de naturopathe ni la
pratique ne sont à l’heure actuelle encadrées. Cela n’est
pas sans risque pour notre profession. Non seulement
cela implique que la moindre défaillance individuelle
peut impacter et décrédibiliser toute une profession,
mais au-delà cela empêche les clients d’identifier des
naturopathes bien formés… Que conseille la WNF dans
cette situation ?
En l’absence de réglementation, la WNF encourage
les organisations membres à s’orienter vers l’auto-
gouvernance et les instituts de formation à la naturopathie
à se focaliser sur les normes d’auto-certification ou de
certification externe. Ainsi, l’Australie est un excellent
exemple de pays dans lequel la naturopathie n’est pas
officiellement réglementée mais qui a mis en place une
auto-gouvernance comparable à une réglementation
nationale.
L’auto-gouvernance vise le même objectif que la
réglementation : protéger le public et, par là même, la
crédibilité du métier de naturopathe et des praticiens.
L’auto-gouvernance concerne des domaines tels que le
niveau de formation exigé pour l’adhésion, les aspects
commerciaux, les procédures disciplinaires, la structure
tarifaire, etc. Par exemple, l’OMNES, le membre à
part entière de la WNF pour la France, a mis en place
des procédures pour répondre aux préoccupations
50.
des patients et engager des procédures disciplinaires
contre ses membres en cas de plainte. La certification
permet de garantir le niveau des formations. La WNF
est impressionnée par les mesures qu’a prises la FÉNA
pour évoluer vers une standardisation du niveau des
formations de naturopathie en France.
De par le monde, les naturopathes ne disposent pas
du même niveau de formation. Quel est le degré
d’hétérogénéité de ces niveaux de formation et comment
la WNF envisage-t-elle ces disparités territoriales ?
Un travail d’homogénéisation n’est-il pas nécessaire à
terme ?
La WNF reconnaît et respecte la pluralité des formations
de naturopathie. C’est en Europe que l’on observe la
plus grande diversité. Dans d’autres pays et régions du
monde tels que l’Inde et l’Amérique du Nord, le niveau
des formations proposées par les différentes écoles est
assez homogène. Ces dernières années, les écoles de la
région du Pacifique occidental, d’Australie et de Nouvelle
Zélande ont œuvré pour améliorer la coopération entre
les établissements et leur reconnaissance mutuelle.
En raison de la diversité des réglementations et des
systèmes de santé à travers le monde, la WNF ne
pense pas qu’il soit possible, dans un avenir proche,
d’harmoniser l’enseignement de la naturopathie au
niveau international. Nous souhaitons que les différents
pays et régions du monde s’efforcent d’évoluer vers une
plus grande homogénéité et un niveau minimum de
formation.
En 2018, la WNF a publié le rapport WNF
Naturopathic Education and Credentials
(Formations et qualifications en naturopathie),
qui définit le nombre attendu d’heures de formation
aux principales disciplines : histoire, philosophie et
principes de la naturopathie ; sciences fondamentales
et cliniques ; techniques naturopathiques et supervision
clinique, ainsi que l’appellation reconnue par la WNF
pour chaque niveau de formation.
La réglementation des formations de santé est très
variable dans le monde mais, en règle générale,
« Nous souhaitons que les
différents pays et régions du
monde s’efforcent d’évoluer
vers une plus grande
homogénéité et un niveau
minimum de formation. »
Hippocrate - Automne 2019
elles débutent à 2500 heures pour les praticiens et on
considère qu’une formation de plus de 4000 heures
permet d’accéder au niveau de docteur. Lors des cinq
années à venir, la WNF aimerait que les instituts de
formation à la naturopathie évoluent vers un minimum
de 2500 heures de formation. Nous pensons que, ces
trois à cinq prochaines années, la WNF travaillera
avec l’Organisation mondiale de la santé (OMS) afin de
relever le seuil minimum des formations de naturopathie
à 2500 heures.

L’ une des missions de la WNF est d’être l’interlocuteur

de l’OMS pour la naturopathie, notamment dans
le cadre des travaux que l’organisation mondiale
conduit en faveur des médecines traditionnelles et
complémentaires. Comment se concrétisent ce travail et
ces liens et y a-t-il eu des avancées pour la naturopathie
ou pour sa représentation auprès de l’OMS ?

La WNF a beaucoup avancé dans ses travaux

avec le département de médecine traditionnelle,
complémentaire et intégrative de l’OMS. Les
représentants de la fédération participent à des
réunions annuelles de l’OMS afin de débattre des
progrès de la WNF. Pour mettre en avant les succès de
la naturopathie au niveau mondial, nous prenons aussi
part chaque année à l’Assemblée mondiale de la Santé.
La WNF a été consultée pour plusieurs projets de
l’OMS et nous assistons aux réunions du groupe
de travail de l’OMS sur les ventouses, la médecine
anthroposophique, l’acupuncture et le massage Tui Na.
Nous avons aussi représenté la WNF à la conférence
internationale sur les soins de santé primaires qui s’est
tenue au Kazakhstan en octobre dernier.

Il faut compter au moins cinq ans pour obtenir le statut

de collaborateur officiel de l’OMS, selon une procédure
qui comporte de nombreuses étapes. La WNF devrait
décrocher ce statut d’ici deux à trois ans.

Interview réalisée par Sandra Geslin,

traduite de l’anglais par Nathalie Allégatière

Revue professionnelle de naturopathie

51.
Histoire
HIPPOCRATE
AUX SOURCES DE LA
NATUROPATHIE
Hippocrate, médecin et
philosophe qui par sa pensée
et son œuvre a inspiré des
générations de thérapeutes,
est toujours d’actualité alors
que nous nous dirigeons de
plus en plus vers une médecine
intégrée. Afin de préparer
l’avenir et imaginer de
nouvelles directions à suivre en
matière de santé, il est bon de
se souvenir d’où nous venons.
Les naturopathes modernes
ne peuvent s’affranchir des
enseignements d’Hippocrate,
qui aujourd’ hui encore
devraient être à la base de leur
formation.
52.
La Grèce antique (-1000 à – 323) par la richesse
de sa philosophie, jeta les bases d’une pensée et
d’une conception nouvelle du monde qui marqua
durablement notre civilisation européenne. Le
monde est alors repensé par les philosophes et un
personnage issu d’une longue lignée de médecins
se prétendant descendants du dieu Asclépios
(famille des Asclepiades [1]) se distingue alors sur
l’île de Kos. Hippocrate, médecin et philosophe
(-460 -377), propose de distinguer clairement la
pratique de la médecine des autres disciplines
comme la philosophie et la théurgie et pose ainsi
les bases d’un art distinct [2].
Partant du principe que l’homme est à l’image
de l’univers - le microcosme est le reflet du
macrocosme - Hippocrate de Kos s’appuyant
sur la théorie des quatre éléments, élaborés
par ses prédécesseurs Empédocle et Aristote,
postule que l’origine des maladies n’a rien de
surnaturel comme on le pensait à son époque.
Pour Hippocrate, la maladie ne trouve pas son
origine dans une cause surnaturelle, comme le
prétend la médecine de son époque. Ce n’est pas
une malédiction envoyée par un dieu courroucé,
mais bien l’expression d’un déséquilibre du
milieu intérieur dont il faut rechercher la cause,
dans l’environnement, l’alimentation ou le mode
de vie. La médecine hippocratique propose une
approche nouvelle, radicalement moderne pour
Hippocrate - Automne 2019
son époque. Elle s’intéresse à la cause, objectivable
par l’observation et la clinique et se soucie peu des
effets, considérés comme des symptômes. Certes
ils sont à prendre en considération, mais il ne faut
pas chercher à les éradiquer à tout prix, au risque
de ne plus pouvoir en comprendre le sens et de
provoquer un transfert qui s’avèrera, par la suite,
encore plus grave dans son expression.
« Je maintiens que pour bien écrire sur le régime, il
faut préalablement être bien instruit de la nature de
l’Homme dans sa totalité, connaître ce que l’Homme
est dans son origine et distinguer vraiment quelles
parties constituantes prédominent en lui, car celui qui
ignorerait la constitution première de l’Homme et ce
qui dirige son corps ne pourrait en aucune façon faire
des prescriptions utiles. » [6]

La médecine hippocratique, considérant qu’il Même si nous faisons référence à une pensée
est plus important plutôt qu’à une
de rechercher la technique, l’approche
ou les causes de la de la santé, à travers le
maladie, vise avant corpus hippocratique
tout à rééquilibrer [7], est indissociable
le milieu humoral et d’une pratique qui
à soutenir les forces prend en compte
de vie (pneuma [3]) la recherche de la
qui s’expriment plus cause (causalisme),
spécifiquement à l’appréciation de la
travers les quatre vitalité (vitalisme) et
éléments. l’évaluation de l’état
du milieu intérieur
A partir d’une stricte (humorisme).
observation de la Pragmatique et
morphologie, des globale, la médecine
signes cliniques et du hippocratique est
comportement, qu’il exigeante, car elle
associe aux éléments demande réflexion
traditionnels (Eau, et prise de recul, elle
Air, Feu, Terre), impose de cultiver
Hippocrate distingue quatre tempéraments : une vision de la santé qui prend en compte de
le « Phlegmatique », le Sanguin, le Bilieux et nombreux facteurs, environnementaux, sociaux,
l’Atrabilaire [4]. Chaque individu s’exprime psycho-émotionnels, énergétiques… elle est donc
plus ou moins, tant au niveau physiologique par nature holistique [8].
que comportemental, à travers l’un de ces
tempéraments dès lors qu’une humeur « domine » Longtemps la médecine s’est inspirée de cet
l’autre. Dans la doctrine hippocratique, ce sont enseignement jusqu’à l’émergence de la science
les humeurs circulant dans l’organisme qui moderne qui a permis de mieux comprendre le
orientent le caractère particulier d’un individu vivant et d’expliquer de nombreux phénomènes
et déterminent certaines de ses prédispositions. biologiques et biochimiques. La découverte des
Elles s’expriment alors par des comportements micro-organismes, désignés sous le vocable de
et des manifestations physiques caractéristiques, « microbe » par le chirurgien français Charles
chez le sujet bien portant comme chez le malade Sédillot en 1878 et l’orientation pasteurienne qui
[5]. s’en suivra, changera considérablement l’approche
Hippocrate estimait qu’il était essentiel de bien de la maladie au début du XXe siècle. Puisque l’on
connaître la nature dominante du patient, avant découvre la cause (germes) des maladies et que l’on
toute délivrance d’un conseil, quel qu’il soit. peut isoler une molécule chimique (reproductible)

Revue professionnelle de naturopathie

53.
capable de combattre et détruire le micro-
organisme pathogène, il n’est plus nécessaire de
questionner d’autres facteurs qui influenceraient
le terrain (milieu intérieur) et le rendrait sensible
à ces germes. La médecine occidentale moderne,
grâce à ces avancées connaîtra au cours de la
première partie du XXe siècle de grands succès,
qui sont incontestables. Toutefois depuis une
soixantaine d’années, l’émergence de nouvelles
pratiques alimentaires, les changements d’hygiène
de vie, les agents stressants de plus en plus
nombreux, la pollution environnementale, sont
corrélées au développement des maladies dites
« de civilisation ». Apparemment point de germes
à l’origine de ces pathologies, mais une étiologie
(souvent inconnue par la médecine) qui nécessite
d’investiguer dans de nombreuses directions, tant
les causes semblent multiples et complexes.
Les préceptes d’Hippocrate sont à nouveau
d’actualité, lui qui suggérait à ses disciples de
rechercher la cause, de la cause de la cause…
inlassablement !
Le praticien, qui s’inspire de la pensée
hippocratique, recherche l’origine des
déséquilibres du terrain, à travers le prisme
tempéramental, évaluant la force vitale et le niveau
de surcharge du milieu humoral, en tenant compte
des nombreux facteurs exogènes et endogènes qui
influencent et perturbent les grands équilibres
physiologiques. Ouvert et œuvrant pour le bien de
ses clients, le naturopathe, curieux des découvertes
récentes ne peut qu’inclure dans sa pratique les
connaissances modernes tout en s’appuyant sur la
sagesse des anciens.
Nous le savons déjà, et les expériences menées dans
de nombreux pays nous le confirment (cf. Dossier),
la médecine de demain sera une médecine intégrée,
prenant en compte l’être humain dans sa globalité
et sa complexité, non seulement biologique
mais sociale, environnementale, énergétique
et psycho émotionnelle. Plusieurs praticiens,
issues de différentes disciplines, certaines plus
« scientifiques » que d’autres, œuvreront ensemble
pour le bien du client. Le naturopathe en fera
partie, car son regard sur la maladie et les moyens
naturels qu’il met en œuvre, préventivement ou en
accompagnement, s’insèrent parfaitement dans
une approche globale de la santé.
Hippocrate, nous a légué une pensée, une
54.
philosophie, plus proche de l’art que de la science,
au sens où nous l’entendons habituellement.
Observer la nature, lui faire confiance, essayer
de comprendre et d’accompagner le patient,
ne pas nuire ( primum non nocere ) [9]… être tout
simplement des passeurs, afin d’aider chacun à
retrouver le chemin de la nature ( Nature-path ) et
rester « en santé ».
Le temps de l’histoire dépasse largement celui
d’une vie humaine, nous ne sommes que les
maillons d’une longue chaîne qui nous relie au
passé et nous nous devons de transmettre les
legs reçus des anciens à ceux qui poursuivront le
chemin après nous. Œuvrons de concert, pour que
rien ne se perde et que nous nous enrichissions les
uns des autres afin de rassembler, pour le bien de
tous, ce qui est épars.
D.Léaud-Zachoval
Références
[1] Dans la Grèce antique, Asclépiades est le nom
donné à plusieurs familles exerçant traditionnellement
la médecine. Elles prétendaient descendre du héros
guérisseur Asclépios, fils du dieu Apollon et de la
mortelle Coronis. Les Asclépiades étaient présentes à
Épidaure, Rhodes, Cnide et à Kos d’où Hippocrate était
originaire.
[2] Jacques Jouanna, Hippocrate, Fayard, 1992.
[3] Du grec ancien πνεῦμα, pneûma. Émile Littré,
Dictionnaire de la langue française, deuxième édition
1872-1877 - Nom que les stoïciens donnaient à un
principe de nature spirituelle, qu’ils considéraient
comme un cinquième élément.
[4] Aujourd’hui désignés par les vocables, Lymphatique,
Sanguin, Bilieux et Nerveux.
[5] D. Léaud-Zachoval, 4 clefs pour la santé, Ed Médicis ;
2017
[6] Gardeil In Œuvres d’Hippocrate- 1855- 23 ; II
[7] Corpus Hippocraticum ou le Canon d’Hippocrate
est un recueil d’une soixantaine de livres de
traditionnellement attribué à Hippocrate. La disparité
de l’œuvre en terme de contenu ainsi que la variété de
style et de dates laissent planer un sérieux doute sur
sa paternité. Il est généralement admis aujourd’hui
parmi les chercheurs qu’aucun écrit n’est de la main
d’Hippocrate lui-même, bien que certaines sources
affirment le contraire (Charles Singer et Ashworth E.
Underwood, Short History of Medicine, New York et
Oxford, Oxford University Press, 1962). Ce compendium
Hippocrate - Automne 2019
serait probablement l’œuvre de ses étudiants et de ses
adeptes. Jacques Jouanna, « Hippocrate de Cos (460-
env. 370 av. J.-C.) », dans Encyclopædia Universalis.
[8] De l’anglais « holism » mot forgé à partir du mot
grec ο ́ λ ο ς « entier » en 1926 par le biologiste et homme
d’état sud-africain J.C. Smuts (1870-1950) dans son
ouvrage Holism and Evolution, Macmillan & Co Ldt,
Londres, 1926.
[9] Primum non nocere est une locution latine qui
signifie : « en premier ne pas nuire », précepte enseigné
aux médecins et pharmaciens, il l’est aussi aux
naturopathes…Son origine est incertaine mais la trace
la plus ancienne de ce principe se trouve dans le traité
des Épidémies (I, 5) d’Hippocrate, qui définit ainsi
l’objectif de la médecine : « Face aux maladies, avoir
deux choses à l’esprit : faire du bien, ou au moins ne
pas faire de mal » « ἀσκέειν, περὶ τὰ νουσήματα, δύο,
ὠφελέειν, ἢ μὴ βλάπτειν ») in G. R. Burgio, John D.
Lantos, Primum Non Nocere Today, Elsevier, 1998, p. 1.
Ile de Kos – 430 av. J.-C
Une légère brise annonçait le lever
du jour. Marchant vers le port, à l’abri des
colonnades de la stoa, Hippocrate donnait
ses dernières recommandations à son fidèle
disciple Polybe. Un long voyage l’attendait.
Ses deux fils, Thessalos et Dracon le suivaient,
quelques pas derrière lui. Plusieurs disciples
de son école avaient tenu à être présents, il leur
avait fait ses adieux la veille, sous le platane où
il enseignait habituellement.
Il avait toujours pensé que sa vie
était ici, à l’instar de son père Héracleidas,
de son grand-père - dont il portait fièrement
le nom d’Hippocrate - et de toute la lignée
des médecins de sa famille qui remontait à
Asklépios.
Comme eux il avait passé des années à
apprendre, puis à soigner et à enseigner à
ses fils et ses disciples afin que la lignée des
Asclépiades ne s’éteignît jamais, comme ce fut
le cas à Rhodes.
En ce matin de printemps, la mer
bleue turquoise reflétait les premiers rayons
du soleil. Le maître contemplait ce spectacle
qu’il aimait tant : la terre généreuse, l’eau
qui entourait son île, la chaleur brûlante du
Revue professionnelle de naturopathie
soleil en été et les vents marins, messagers des
dieux. Depuis des décennies il aimait observer
la nature, reflet de l’harmonie entre chaque
élément et avait maintes fois constaté combien
la rupture de celle-ci était préjudiciable à
l’homme.
Le jour était favorable pour prendre
le large, sous la protection d’Hermès. Le
bateau était prêt à appareiller. Hippocrate
partait vers la Thessalie, avec ses deux fils,
enseigner la médecine hors de son école. Un
appel au voyage qui grandissait en lui depuis
plusieurs années. Comprendre, observer,
rechercher la cause, découvrir la nature
intime de l’homme. Plus que son esprit, son
cœur l’invitait à ce long périple, un très long
voyage dont il savait, au fond de lui-même,
qu’il ne reviendrait pas. Il n’imaginait pas que
ces années passées hors de son île feraient de
lui un des plus grands médecins de l’antiquité,
que son enseignement rayonnerait bien au-
delà de la Grèce…. et que 2.400 ans plus tard
des praticiens s’inspireraient encore de sa
doctrine.
Se tournant vers l’homme auquel il allait
confier son école, il lui dit :
- La vie est courte, l’art est long, l’occasion fugitive,
l’expérience trompeuse, le jugement difficile.
Or il faut non seulement se montrer soi-même
accomplissant son devoir, mais aussi faire que le
malade, les assistants et les éléments extérieurs
accomplissent le leur.
Marquant un temps, le maître plongea son
regard d’une intensité rare dans celui de
son disciple, comme il le faisait parfois pour
sonder les âmes :
- N’oublie jamais l’enseignement que je t’ai transmis
Polybe, il nous vient d’Asklépios. Tu es un grand
médecin maintenant et je te confie l’école car je sais
que tu en es digne.
La brise se levait, les voiles se
gonflaient. Il était temps de partir. La foule
s’était rassemblée sur le quai. Un long silence,
empli de respect et d’émotion, accompagna le
départ d’Hippocrate de Kos.
Extrait de « 4 clefs pour la santé »
D. Léaud-Zachoval, Ed. Medicis, 2017
55.
 Regards
croisés

LA DÉTOXIFICATION
HÉPATIQUE
Bien accompagner ce processus physiologique naturel
par Jean-Pierre Guiliani et Régis Blin, directeurs du Collège SFERE
Dr Eric Portes, ostéopathe,
et Pascal Bossut, naturopathe.

Le foie, cette glande volumineuse pesant plus de 2kg, logé dans la cavité abdominale, zone
de l’hypochondre droit, est depuis bien longtemps connu et choyé par les praticiens en
médecine non conventionnelle.
Le naturopathe a très souvent à cœur, dans sa pratique, d’accompagner et de soutenir la
fonction de détoxification assurée par cet organe majeur. Les outils et techniques dont il
dispose en alimentation, en phytologie, en hydrologie, en techniques manuelles réflexes
ou encore en énergétique sont nombreux. L’objet de cet article n’est pas ici de les rappeler,
tant ils sont connus des professionnels et tant ils dépendent du terrain (force vitale,
tempérament, diathèse..) du consultant et des dysfonctionnements qu’il peut rencontrer.
Pascal Bossut, naturopathe, nous propose plutôt une explication précise et détaillée des
trois phases de détoxification hépatique et des processus enzymatiques à l’œuvre afin que
chacun puisse toujours mieux les comprendre et donc mieux les accompagner. Il nous
rappelle également que des drainages trop intensifs sont souvent sources d’inflammation.
Il souligne en cela l’importance d’un processus parfois méconnu, la méthylation, qui
devrait attirer toute l’attention du naturopathe, et ce qu’il devrait donc entreprendre
préalablement à tout drainage.
Afin d’enrichir la pratique du naturopathe, de mieux orienter son consultant si
nécessaire en complétant de ses conseils, cette rubrique propose deux autres regards sur
l’accompagnement de la détoxification hépatique, celui de l’ostéopathie et de la médecine
traditionnelle chinoise.

Hippocrate - Automne 2019

56.
LA PHYSIOLOGIE DE
LA DÉTOXIFICATION
HÉPATIQUE
par Pascal Bossut, naturopathe
Au regard des nombreuses fonctions du foie (plus
de 500), les causes de dysfonctions hépatiques sont
très diverses et les techniques de prise en charge
holistiques très variées. Théophraste (372-287 avant
notre ère) citait déjà l’intérêt du chardon marie et
de l’artichaut pour en améliorer ses fonctions. Son
rôle essentiel en qualité d’émonctoire n’est plus à
démontrer.
Si la pharmacopée regorge de plantes bienfaisantes
pour la sphère hépatobiliaire et les spécialités
drainantes, détoxifiantes, cholagogues, cholérétiques
sont innombrables, rappelons avec simplicité que
la chaleur favorise son bon fonctionnement et
qu’avant tout, une bonne hygiène de vie privilégiant
une alimentation hypotoxique reste, en matière de
prévention et d’accompagnement, la règle d’or.
Avant d’aborder avec précisions la fonction
essentielle de détoxification hépatique et plus
précisément le rôle important et souvent méconnu
de la méthylation, voici quelques rappels des
grandes fonctions du foie.
Les grandes fonctions du foie
Organe mixte avec une fonction endocrinienne
(synthèse de facteurs de croissance, les IGF
– Insuline Like Grow factors) et une fonction
exocrine (production de la bile), le foie participe à
l’immunité (cellules de Kupfer et Pit cells), module
l’inflammation, stocke des vitamines et le fer,
représente une réserve énergétique significative
(sous forme de glycogène) et est avant tout un
organe central de régulation des métabolismes :
- Métabolisme des lipides
Il participe à l’oxydation des acides gras (libération
d’énergie), à la synthèse des lipoprotéines
(transports des lipides), à la synthèse du cholestérol.
Près de 80 % du cholestérol total est synthétisé par
le foie et 20 % seulement est d’origine alimentaire.
Rappelons l’importance des fibres apportées
par l’alimentation dans le cadre du cycle entéro-
hépatique du cholestérol et insistons sur la prise
en considération de l’hydratation. Le Dr Fereydoon
Batmanghelidj dans son livre « Votre corps réclame
de l’eau » indique qu’une simple carence hydrique
peut augmenter de façon significative la production
du cholestérol endogène.
Revue professionnelle de naturopathie
- Métabolisme protidique
Il participe à la transformation des acides aminés
en protéines : albumine, immunoglobulines,
fibrinogène, lipoprotéines de transport et à la
dégradation des protéines en urée.
- Métabolisme glucidique
Il joue un rôle important dans la transformation
et le stockage du glucose sous forme de glycogène,
la libération du glucose à partir du glycogène et
la synthèse du glucose à partir d’acides aminés et
d’acides gras. Il transforme le glucose en graisses
(stockage).
- Synthèse de facteurs de coagulation...
Les trois phases de détoxification
Un certain nombre de substances dites
endobiotiques (produits du métabolisme
cellulaire endogène) ou xénobiotiques (toutes
substances étrangères à l’organisme, apportées
par l’alimentation, les médicaments…), sont à
considérer comme des déchets organiques.
Ces substances, quelle qu’en soit l’origine, peuvent
être potentiellement toxiques pour l’organisme.
Mais tout a été merveilleusement prévu. Notre
organisme possède tous les mécanismes de
prise en charge nécessaires pour en assurer
leur élimination. Pour certaines substances, il
n’existe pas de problème majeur car elles sont
hydrosolubles et sont donc éliminées directement
dans les urines. Pour d’autres substances – de plus
en plus nombreuses dans notre environnement -
qui sont liposolubles - elles doivent être modifiées
pour permettre leur élimination.
Sans être l’organe exclusif, on peut considérer
le foie comme essentiel dans le traitement des
déchets, parce qu’il assure entre autres l’élimination
de l’ammoniac (produit de la dégradation des
protéines) et le métabolisme de la bilirubine
(produit de dégradation de l’hème).
Le foie partage avec les intestins la prise en charge
des endobiotiques et des xénobiotiques grâce à une
activité enzymatique qui se déroule en deux phases.
Phase I : transformation ou fonctionnalisation
La phase 1 de détoxification est dite « inductible »
car elle augmente avec une exposition accrue aux
toxiques. Cette phase 1 prépare l’élimination. C’est
un processus de « nettoyage » au cours duquel
des substances liposolubles (médicaments, café,
histamine, hormones exogènes ou endogènes,
acide arachidonique, benzopyrènes, insecticides,
alcool...) sont neutralisées et d’autres transformées
en molécules - métabolites intermédiaires -
57.
 PHASE I
Rendre hydrosoluble
Xénobiotique
Substance étrangère
liposoluble
+
Endobiotique Fonctionalisation
Substance endogène
OH
PHASE I Enzymes
de phase I
1 ère étape de
transformation
ajout d’un hydroxyle
→ Métabolites
intermédiaires instables
beaucoup plus hydrophiles que les molécules
d’origine, par des réactions enzymatiques de type
oxydatif. Les enzymes de phase 1, majoritairement
actives, sont des enzymes ubiquitaires à
cytochrome (CYP) et notamment les CYP450.
De plusieurs classes (CYP1, CYP2, CYP3), chez
l’homme, le CYP3A4 est quantitativement le plus
important : il représente jusqu’à 50% du contenu
hépatique en CYP450. Sensibles à de nombreux
facteurs environnementaux (radicaux libres,
acidité, métaux lourds…), l’activité de ces enzymes
est soumise à variations et peuvent :
• soit augmenter avec certains médicaments (anti-
infectieux par exemple), quelques plantes (dont
le millepertuis), le tabac et l’alcool, ce qui peut
entraîner la réduction de l’efficacité de certains
principes actifs ;
• soit diminuer avec certains médicaments
(antifongiques azotés par exemple), ou le
pamplemousse (jus ou fruit), ce qui peut entraîner
l’augmentation de l’efficacité de certains principes
actifs.
Avantage ou inconvénient, la prudence est de
mise…
Au cours de ces réactions (essentiellement de type
oxydatif ), une grande quantité de radicaux libres
instables oxygénés sont générés. Pour compenser
ce stress oxydant, des systèmes antioxydants
performants assurent une veille permanente.
Une belle assiette « Picasso » (très colorée) est
ainsi la garantie, pas toujours suffisante, d’un
apport significatif d’antioxydants naturels. La
complémentation avec des antioxydants s’avère
judicieuse pour toute personne polymédicamentée
58.
PHASE II PHASE III
Élimination
Expulsion des
métabolites
hydrosolubles
PHASE III
Elimination
Enzymes rénale et biliaire
de phase II
PHASE II
Figure de la Détoxification hépatique
(à partir de 3 médicaments associés). L’indice TAC
(Total Antioxidant Capacity - capacité
antioxydante totale) varie beaucoup en fonction
des vitamines (C et E), du coenzyme Q10, du
curcuma, des omega 3 ou du glutathion…
Les produits de cette transformation – métabolites
intermédiaires – sont toujours instables et souvent
plus toxiques que les substances (endobiotiques
ou xénobiotiques) prises en charge. Afin de réduire
leur instabilité et favoriser leur élimination, elles
doivent être associées (conjuguées) avec une ou
plusieurs molécules. C’est la phase 2 – dite de
conjugaison de la détoxification.
Phase II : conjugaison
Les réactions de conjugaison de la phase 2
préparent les xénobiotiques pour l’excrétion. Lors
de cette phase, les métabolites intermédiaires de
la phase 1 sont conjugués avec des molécules grâce
à l’action d’enzymes de phase 2 (les transférases),
qui sont activées grâce aux vitamines B et C en
particulier ainsi que de minéraux cofacteurs
enzymatiques tels que le zinc, le sélénium, le
magnésium, le manganèse, le cuivre…
Les molécules conjugantes (acide glucuronique,
radical acétyle et méthyle, acides aminés - taurine,
glycocolle, acide glutamique, cystéine, arginine,
ornithine - glutathion, groupe sulfate) assurent la
transformation des métabolites intermédiaires en
molécules complètement hydrophiles (solubles
dans l’eau), qui seront éliminées en phase aqueuse
dans la bile via les intestins et par les reins.
Il existe 6 mécanismes principaux de conjugaisons :
1. la glucuronidation : la plus fréquente… Elle
couple les toxines avec le glucuronate (la plupart
des médicaments et des œstrogènes). En cas
de dysbiose, la beta-glucuronidase produite
par les bactéries de l’intestin peut décomposer
les glucuronides conjugués et favoriser la
réabsorption des toxines, des hormones…
2. la conjugaison au gluthation : indispensable
dans la prise en charge de certains xénobiotiques
(médicaments et alcool) et cancérogènes, vital
dans sa contribution à réduire la présence des
métaux lourds par ses remarquables propriétés
antioxydantes.
3. la sulfation : voie de détoxication des
substaces contenant du soufre (médicaments,
additifs, toxines des bactéries intestinales et
environnementales). Voie métabolique principale
des hormones thyroïdiennes, stéroïdiennes et des
neurotransmetteurs.
4. l’acétylation : métabolisme des sulfamides et de
l’histamine.
5. la méthylation : métabolisme des œstro-
gènes, biotransformation de l’homocystéine
en méthionine. Cofacteurs : B6, B9, B12, cho-
line.
6. la conjugaison des acides aminés : glycination et
conjugaison de la taurine.
Si la phase 1 de fonctionnalisation est inductible
(activée par les xénobiotiques), la phase 2 de
conjugaison est constitutive (individuelle) et
favorisée par l’alimentation. Quant à la phase
3 d’élimination (réalisée par les intestins et les
reins), elle est physiologique et dépend du bon
fonctionnement des émonctoires… Favoriser une
bonne hygiène de vie, le fonctionnement optimal
des intestins, des reins, de la peau et des poumons
est évidement essentiel.
Souvent, en naturopathie, le drainage
saisonnier du foie est privilégié. Mais il est
prudent de se souvenir qu’un drainage, s’il
est trop intensif, peut aussi être une source
d’inflammation. Et lorsque le foie est en
difficulté, le stress oxydant et l’inflammation,
ses deux grands ennemis, sont inducteurs
d’une diminution de l’expression des enzymes
et des transporteurs membranaires. Ce qui
est préjudiciable à l’activité de détoxification
entéro-hépatique et au métabolisme de la
bilirubine et des acides biliaires…Rajouter de
l’inflammation à l’inflammation n’est pas la
Revue professionnelle de naturopathie
solution idéale! Réduire le stress oxydant et
l’inflammation, nourrir le foie pour favoriser
son activité enzymatique de détoxification et
la production énergétique devraient être des
préalables au drainage.
Au-delà des antioxydants et des modulateurs
de l’inflammation (alimentaires ou en
complémentation), un simple et juste apport de
magnésium ; souvent en carence dans les états
de stress ; favorise les activités enzymatiques
nécessaires (Les enzymes à cytochrome - CYP
et les ATPases sont magnésium dépendantes).
Le magnésium est aussi indispensable à un
métabolisme, très important au niveau de la
phase 2 de détoxification qui devrait mériter
toute notre attention : la méthylation.
Le processus de méthylation
La méthylation est un processus ubiquitaire (présent
dans toutes les cellules de notre organisme) et très
actif : près d’un milliard de fois par seconde !
La méthylation est un processus d’une grande
simplicité dans le principe mais d’une grande
complexité dans sa mise en œuvre :
• simple parce qu’assurant le transfert d’un groupe
méthyle (CH3) d’une molécule à une autre.
• complexe parce que la méthylation relève de
réactions enzymatiques sous la dépendance de
l’énergie (Adénosine tri Phosphate = ATP), de
nutriments essentiels comme le magnésium, les
vitamines B6, B9 (folates), B12, la Choline (Vitamine
B classée comme bétaïne) et d’un acide aminé
protéinogène, la glycine.
La méthylation est un processus vital, parce
qu’indispensable à l’expression de certains gènes
(méthylation de l’ADN > sous la dépendance de
facteurs environnementaux tels que l’hygiène de
vie, la nutrition, le stress – ce qui fait référence à
l’épigénétique), incontournable à toutes nos cellules
parce qu’assurant communication, fonctionnement,
protection et réparation, participant à la production
du glutathion (le plus puissant des antioxydants de
notre organisme) et essentiel dans les fonctions de
détoxification (dans le foie et les intestins).
Les défauts de méthylation semblent même être
à l’origine d’un grand nombre de pathologies très
diverses, allant des pathologies neuro-dégénératives
(autisme à Alzheimer), en passant par les troubles
du comportement (anxiété, crises d’angoisse, déficits
d’attention avec ou sans hyperactivité - TDAH), et
bien d’autres.
59.
Et comme la méthylation participe à l’expression
des gènes, il est primordial de s’assurer du
bon équilibre de ce processus vital qui dépend
beaucoup des facteurs environnementaux, dont
l’alimentation….
Qu’est-ce que la méthylation ? C’est le cycle de
l’homocystéine, à partir d’un acide aminé essentiel,
la méthionine.
Présente dans toutes les protéines, mais est
particulièrement abondante dans les protéines
animales, la méthionine, comporte ce fameux
élément essentiel : un groupe méthyle (CH3)
Cependant, en l’état, la méthionine ne peut céder
son groupe méthyle à une autre molécule. Il faudra
avant cela qu’elle se transforme (en se combinant
avec une molécule d’ATP, molécule d’énergie,
indispensable au fonctionnement cellulaire) en sa
forme métaboliquement active, la S-adénosyl-L-
méthionine, ou SAM. Une fois son groupe méthyle
cédé, la SAM, devenue alors SAH (S-adénosyl-L-
homocystéine), se dégradera en homocystéine (en
libérant sa molécule d’ATP précédemment acquise.
Mais l’excès de méthionine et d’homocystéine
s’avère dangereux (attention à une
surconsommation de protéines animales – viandes
- poissons – œufs, laitages !). En effet, trop de
méthionine engendre un excès de SAM, et il y a
alors risque d’hyperméthylation.
L’hyperhomocystéinémie est un marqueur non
seulement du risque cardiovasculaire, mais aussi
de troubles neuropsychiatriques. Pour éviter cet
excès et les risques associés, l’homocystéine se
recycle grâce à 3 voies biologiques. Deux de ces
voies vont servir à recycler l’homocystéine en
méthionine, car l’homocystéine n’est, ni plus ni
moins, qu’une molécule de méthionine sans son
groupe méthyle ! Il suffit donc de lui rajouter un
groupe méthyle pour revenir à la méthionine
d’origine, et le cycle repart.
La troisième voie servira à produire du glutathion,
à partir de l’homocystéine.
Les 3 voies de recyclages de
l’homocystéine
1. Le cycle des folates
Voie essentielle. Lorsque l’on ingère des folates
(communément regroupées dans les vitamines
B9) via notre alimentation, ou de l’acide folique
synthétique dans certains compléments, ceux-
ci vont subir de multiples transformations
enzymatiques dans le but de recevoir un groupe
méthyle. La forme finale et métaboliquement
active s’appelle 5-méthyltétrahydrofolate, ou plus
simplement 5-MTHF.
60.
Le 5-MTHF devient alors donneur d’un groupe
méthyle pour la vitamine B12, qui devient de
la méthylcobalamine (= cobalamine + groupe
méthyle). Cette forme peut enfin transmettre à son
tour son groupe méthyle, ce qui permettra donc de
recycler la méthionine…
Évidemment, ce cycle ne fonctionne pas en vase
clos, et les nutriments (folates, vitamine B6, B12)
finissent par être dégradés ou utilisés dans d’autres
processus métaboliques. D’où l’importance d’en
apporter au quotidien, dans l’alimentation, en
bonnes proportions.
2 – La voie de la choline
La deuxième voie de recyclage utilise de la choline,
un autre nutriment que l’on classe souvent parmi
les vitamines B. La choline possède déjà un groupe
méthyle, mais devra, elle aussi, être convertie dans
une forme « active » appelée triméthylglycine (ou
TMG), avant de pouvoir le transmettre (la TMG
est parfois abusivement appelée bétaïne). La
TMG cèdera alors l’un de ses 3 groupes méthyles à
l’homocystéine, et le cycle de la méthionine pourra
ainsi continuer. D’où l’importance des apports en
bétaïne, riches en TMG.
3 – La voie de transsulfuration
La dernière voie de reconversion de l’homocystéine,
voie de transsulfuration, est aussi la plus importante.
Elle est essentielle dans la genèse du principal
antioxydant du corps humain : le glutathion (aussi
appelé GSH). L’homocystéine va être dégradée par
des processus nécessitant de la vitamine B6, pour
donner de la cystéine. Puis être transformée en
glycine, pour finir sous la forme de glutathion. Si
le glutathion est connu pour être le plus puissants
des antioxydants, il est aussi impliqué dans les
processus de fertilité. Des études ont démontré
qu’un déséquilibre entre les formes réduite et
oxydée pouvait être une des causes de l’infertilité…
La méthylation est donc simple dans son principe et
complexe dans son déroulement, avec des voies de
transformation sous la dépendance de nutriments
essentiels : folates, vitamines B6 et B12, choline ou
TMG (ou triméthylglycine) et glycine.
Pour éviter les défauts de
méthylation, une bonne
alimentation…
Les carences en méthionine sont plutôt très rares.
Mais les carences en nutriments (folates, vitamines
B6 et B12, choline ou TMG), cofacteurs des réactions
Hippocrate - Automne 2019
de méthylation induisent une augmentation de
l’homocystéine avec tous ses effets délétères. En
particulier, une carence en vitamine B12 bloque le
recyclage de l’homocystéine et le bon déroulement
des processus de méthylation. Les végétariens,
végétaliens et végans, chez qui ce type de carence
peut régulièrement être constaté, devraient donc
être particulièrement vigilants sur cet aspect.
Mais les omnivores sont aussi concernés,
déficitaires par des carences potentielles en folates
et en glycine. En effet, le rôle de la glycine est de
transformer l’excès d’homocystéine en glutathion,
et réduire l’excès de méthionine. La glycine sera
mobilisée prioritairement pour tamponner l’excès
de méthionine qui provient de la consommation de
viande et ne sera plus disponible pour assurer la
voie de transsulfuration.
Les éléments essentiels pour
favoriser la méthylation :
•Les folates se trouvent principalement dans le foie,
les légumineuses, ainsi que les légumes feuilles et
autres légumes verts (épinards, asperges, brocolis,
laitue…) qu’il conviendra de ne pas trop cuire à
haute températ ure afin de conserver un maximum
de folates.
•La vitamine B6 présente essentiellement dans
la viande, la volaille, les abats, le poisson, le jaune
d’œuf et les produits laitiers, mais aussi dans la
levure de bière.
•La vitamine B12, qui ne se trouve que dans les
produits animaux ou leurs dérivés (le foie et les fruits
de mer, toutes les viandes, de même que les œufs et
les produits laitiers). Elle est aussi produite par des
bactéries dans le côlon et son absorption dépend
du facteur intrinsèque produit par l’estomac. Cela
nous confirme l’importance d’un bon équilibre de
l’écosystème digestif.
•La choline, qui elle se trouve principalement dans
le foie, le jaune d’œuf, et le germe de blé, alors que
la TMG se trouve principalement dans le son et le
germe de blé, les épinards ou les crevettes.
En résumé, une alimentation hypo-toxique, variée
et équilibrée avec un zeste de bon sens et beaucoup
de plaisir sont des principes essentiels pour garantir
forme et vitalité au foie…
Et si les circonstances s’avèrent défavorables, une
bonne hygiène de vie peut être aussi renforcée par
une complémentation nutritionnelle de qualité afin
d’améliorer des situations de simples insuffisances
hépatiques, de migraines, de syndromes
prémenstruels, mais aussi de déséquilibres
neurologiques, voire même neurodégénératifs.
Grâce à la synergie d’une action sur la méthylation
et le stress oxydant, mais aussi par la prise en charge
du métabolisme des protéines de choc thermique
par les fameuses HSP (Heat Shock Proteins),
connues pour leurs capacités réparatrices en
situation de traumatisme post-chirurgical.
P. Bossut

Sources
[1] Flohé L. The selenoprotein glutathione peroxidase. In : Glutathione : chemical, biochemical and medical aspects
[2] Rotruck JT et al. Selenium : biochemical role as a component of glutathione peroxidase. Science 1973 ; 179: 588-90
[3] Tiraby C and Langin D : PGC-la, un co-activateur transcriptionnel impliqué dans le métabolisme. Médecine/Sciences,
2005 ; 21 : 49-54
[4] Blackburn EH. Telomeres. Trends Biochem Sci. 1991,6(10):378-381
[5] Blackburn EH. Switching and signaling at the telomere. Cell. 2001;106(6):661-673.
[6] Shahzad M. et al, The Antioxidant Effects of Radix Astragali (Astragalus membranaceus and Related Species) in Pro-
tecting Tissues from lnjury and Disease. Curr Drug Targets. 2016;17(12):1331-40
[7] Panossian A. and Wikman G. : Effects of Adaptogens on the Central Nervous System and the Molecular Mechanisms
Asso-ciated with Their Stress—Protective Activity, Pharmaceuticals 2010, 3(1), 188-2

Revue professionnelle de naturopathie

61.
LE REGARD DE
L’OSTÉOPATHE
par le Dr Eric Portes, osteopathe
L’intuition géniale de Andrew Taylor Still, le
fondateur de l’ostéopathie à la fin du XIXe siècle
peut se résumer en un mot : le mouvement. En
effet, chaque perturbation des mouvements
corporels, au sens large, peut engendrer plusieurs
complications au niveau local ou général :
- la stase vasculaire (le retour veineux dépend
de la mobilité, notamment des contractions
musculaires),
- le mauvais apport artériel par vasoconstriction
réflexe secondaire à une inflammation,
- la perturbation des stimulations nerveuses par
« parasitages » des influx nociceptifs sensitifs
secondaire à une irritation locale ou générale
(stress émotionnel).
Cette perte de mobilité peut donc entraîner de
mauvais échanges hormonaux, nutritionnels,
neurologiques, faisant le lit d’une dysfonction
puis d’une pathologie organique. Ainsi, le travail
de l’ostéopathe est de permettre, lorsque cela est
possible, le retour d’une mobilité physiologique
corporelle et ceci à plusieurs niveaux : musculo-
squelettique, viscéral, postural, neurologique.
Le foie, comme toute structure, présente un
mouvement physiologique dépendant de ses
attaches anatomiques au niveau du squelette
(ligaments) mais aussi des rapports qu’il entretien
avec les structures environnantes via le système
fascial. Le foie est recouvert d’une enveloppe
s’intégrant dans un système plus large et
complexe : les fascias ou endomysium, donnant
un « moulage » de la totalité du corps et permettant,
entre autre, le glissement des structures organiques
lors du mouvement. Par exemple, à chaque
inspiration, le foie subit l’influence du diaphragme
qui, lors de sa contraction, entraîne une descente
et une rotation de la glande hépatique sur son axe.
Cette mobilité a plusieurs avantages : elle permet
en particulier l’amélioration de l’expression de
la bile et de l’action de « pompage » sur le réseau
veineux hépatique, favorisant ainsi la progression
du sang chargé en nutriment de l’intestin vers le
foie au niveau de la veine porte.
62.
Le mouvement du foie participe à la digestion mais
il pourrait également améliorer toutes les fonctions
hépatiques comme la détoxination, le métabolisme
des hormones stéroïdes et du cholestérol,
l’immunité, la régulation glycémique …
Lorsqu’il veut intervenir sur le foie, l’ostéopathe
va essayer de lever, dans un premier temps, toute
entrave à la mobilité du corps en général et de
l’organe en particulier. Ce qui dépendra des
antécédents du patient mais aussi de sa typologie
et de son tempérament. Il pourra, par la suite,
intervenir sur le foie à plusieurs niveaux :
• directement par des manœuvres de « pompage »
en effectuant une pression rythmique sur le foie à
visée de « drainage » hépatique,
• indirectement par des manœuvres
tissulaires ayant une action sur les ligaments
suspenseurs hépatiques, sur les fascias
abdominaux, permettant ainsi une action
favorable sur les tensions d’éventuelles cicatrices
abdomino-pelviennes et entraînant également
un meilleur échange hormonal entre les organes
digestifs : gastrine, cholécystokinine…
• neurologique local par une technique
manipulative structurelle ; « cracking » ; au niveau
des vertèbres responsables de l’innervation
hépatique (T8-T12*) entraînant une sidération du
tonus orthosympathique et permettant ainsi une
vasodilatation et une ouverture des sphincters
(technique dite du « reset »),
• neurologique général par toute technique
crânienne qui exercerait une action neurovégétative
favorable dans le sens parasympathique
(amélioration de la digestion, de la motilité
intestinale, de la sécrétion insulinique, ouverture
des sphincters …). Il existe également des techniques
crâniennes spécifiques qui, traditionnellement,
auraient une action plus précise sur le système
vagal.
Certains ostéopathes utilisent d’autres approches,
plus subtiles, à la limite du concept ostéopathique,
et dépendant de leurs formations mais aussi de
leurs intentions et de leurs croyances. L’information
donnée par l’intention va forcément interagir dans
la relation patient/thérapeute et pourra stimuler
« la force vitale » ; ce qui est le principal objectif des
médecines non conventionnelles.
*NDLR : dénommées également D8, D12
Hippocrate - Automne 2019
木脏
LE REGARD
DU PRATICIEN
EN MÉDECINE
脏 Le foie en relation avec la voie des eaux
CHINOISE
par R. Blin et JP. Guiliani
École de la SFERE
Dans la tradition chinoise, le foie est en
relation avec le printemps et son mouvement
d’extériorisation, le bois, ainsi qu’avec le Fong, le
vent. Par analogie, les pathologies du foie seront
donc d’apparition brutale, changeantes avec des
montées rapides. En physiologie chinoise, le foie
est en relation avec la voie des eaux, la circulation
des liquides organiques, et donc avec l’estomac
et la rate générant la fabrication de l’énergie
de défense le Wei Qi, et avec la voie du Sang.
Le dysfonctionnement du foie perturbera ces
relations notamment sous l’impact d’émotions
refoulées. Il faudra alors le drainer et traiter son
couple Yang [1], la vésicule biliaire.
Revue professionnelle de naturopathie
Dans la circulation des liquides organiques
(appelée voie des eaux, cf. le schéma global p.65),
le foie intervient et va naturellement faciliter les
mouvements de descente dans l’estomac et de
montée de la rate.
Lorsqu’il y a pathologie, le foie va entraîner un
contre-courant à la fois sur l’estomac et sur la
rate. Sur l’estomac, cela se manifestera par des
reflux gastriques, et le client, apparemment sans
symptômes manifestes, ressentira soudainement
des crampes d’estomac, des spasmes, des douleurs,
des nausées, voire sera pris de vomissements
incoercibles.
Sur la rate, cela se manifestera par de l’humidité,
de la lourdeur, de la pesanteur. On retrouvera
alors des diarrhées, le pouls sera tendu.
La rate perturbée perturbera à son tour la
voie des eaux (la voie de la transformation des
énergies Shui Dao) et entraînera des glaires et des
mucosités : il faudra intervenir sur des points de
la rate et associer un point du foie. Les Chinois
disent que le foie va aider l’estomac et la rate à
libérer les bouchons dans la voie des eaux.
Le foie en relation avec le WEI QI ou
l’énergie défensive
Le foie commande le Wei Qi, l’énergie de défense
reliée avec toute l’immunité : les Chinois disent
que le foie est le général en chef qui va commander
le Wei Qi.
La fabrication du Wei Qi concerne tout le tube
digestif et c’est le gros intestin, relié avec le métal,
(l’un des cinq éléments de la tradition taoïste),
qui va terminer la fabrication du Wei Qi. Les
excès ou les déficiences de Wei Qi vont entraîner
des pathologies et c’est le foie qui, pour drainer
l’organisme, utilisera le Wei Qi.
Le Foie en relation avec le YONG QI et
le sang
Le Yong Qi est l’énergie nourricière qui est à
l’origine du sang. Les Chinois disent que la nuit le
sang retourne au niveau du foie pour être purifié.
Une perturbation du foie entraîne un excès de
toxines dans le sang qui peut alors se manifester
sur la peau, par des abcès ou des boutons. Quand
il y a trop de chaleur au niveau du sang, le foie ne
parvient pas suffisamment à drainer les énergies.
Relié avec le sang, le foie est aussi en relation
63.
 木脏
LA VOIE DES EAUX
POUMON
SOURCE SUPÉRIEUR
ALIMENTS DE L’EAU
Souverain du souffle
L’énergie descend, Le Wei Qi
l’estomac diffuse en surface (Peau)
déstructure TRANSPIRATION

ESTOMAC
SOURCE MÉDIANE L’énergie descend
DE L’EAU vers les Reins
L’énergie remonte,
la Rate restructure

Une Fraction pure

est transportée
REINS
par la Rate SOURCE INFÉRIEURE
L’eau remonte DE L’EAU
1er TRI le canal central et
RATE Pilier Ciel est distribuée à Piliers Ciel antérieur
Partie subtile postérieur tout le corps Racines du souffle

L’Intestin Grèle
reçoit les aliments Le Foie facilite
et boissons la descente de
de l’Estomac l’Estomac et la
montée de la Rate Le Rein est la
mère du Foie
Une Fraction pure
INTESTIN GRÈLE L’eau nourrit
monte et donne
le Foie
Chong Mai

la transpiration

2e TRI VESSIE
Partie subtile COEUR
Sépare le subtil Aboutissement
du dense Yong Qi de la voie des eaux
à l’origine du sang Élimination

Partie dense
vers GI
FOIE
Le Foie commande Partie impure
l’énergie Wei Qi vers les urines
GROS INTESTIN
VÉSICULE
BILIARE
VB canalise
l’énergie du Foie,
et donne
3e TRI la direction
Crédit Illustration : PG

Le gros intestin Partie subtile

fabrique le Wei Qi
Partie dense
vers les selles Wei Qi
dynamisé par le Feu du FI

Hippocrate - Automne 2019

64.
avec les règles, qui permettent de purifier le sang.
Quand les règles ont du mal à venir, ou lorsqu’il
y a des douleurs au niveau du foyer inférieur [2],
cela peut indiquer que le foie a du mal jouer son
rôle de drainage.
La relation du foie avec l’émotionnel
En médecine chinoise, à chaque organes viscères,
à chaque élément, correspond une émotion. Le
grand rôle du foie est de permettre le drainage des
énergies émotionnelles.
Le foie incarne le mouvement d’extériorisation,
(mouvement du printemps). Pour qu’il fonctionne
de façon optimale, il faut parler, bouger, jouer,
imaginer, rêver.
Le foie sera donc perturbé par les contrariétés,
les frustrations, les rancœurs, les jalousies : on
retrouvera alors une stagnation du Qi (l’énergie)
du foie, associée à une sensation de distension,
de gonflement, avec la sensation que la boite
crânienne est trop petite par rapport au cerveau,
et la gorge nouée.
La stagnation du Qi du foie sera très souvent à
l’origine des problèmes thyroïdiens. Chez les
femmes, on retrouvera des tensions mammaires,
des douleurs et des gonflements au moment
des règles au niveau du ventre. Ces tensions et
gonflements peuvent fluctuer.
Au niveau musculaire, une stagnation du Qi
du foie, au niveau des fascias entraînera des
surtensions qui s’accumuleront. Les muscles, les
ligaments et les fascias se mettront en torsion, et,
suite à des contrariétés on observera des torticolis
ou/et des lumbagos. Quand le foie est concerné,
les douleurs augmentent très vite en intensité.
Les personnes de types hépatiques ne supportent
d’ailleurs pas la douleur.
La colère (explosion) apparaîtra après une
stagnation de Qi du foie. Colère, violences, cris…
permettent de libérer cette stagnation. À un
stade extrême, si le foie n’assure plus son rôle
de drainage, les émotions se transformeront en
« feu » (de manière rapide).
La vésicule biliaire
Si le foie est le général en chef, la vésicule
biliaire est associée au juge et aux lois. Au niveau
physiologique, la vésicule biliaire ne retient pas l’
énergie du Foie. Elle canalise et donne la direction
Revue professionnelle de naturopathie
à l’ énergie du foie. Ce qui est dit est juste, ce qui
est fait est juste, les choix sont bons. La vésicule
biliaire montre la direction du cœur (après le
printemps vient l’été [3]), ce qui permet à l’action
d’atteindre le centre de la cible. Si la vésicule
biliaire retient trop l’énergie du foie cela donnera
les accumulations de Qi au niveau du foie décrites
plus haut.
Grands points du foie et de la vésicule
biliaire
Lorsque le foie est sollicité, particulièrement
émotionnellement, son énergie s’accumulera
car la vésicule biliaire retiendra cette énergie. Il
faudra donc drainer le foie et traiter la vésicule
biliaire. Ici quelques points sont particulièrement
importants.
Point 3F : c’est le point terre du foie. Il est
situé au fond de l’angle formé entre le premier et
le deuxième métatarsien. Ce point Terre recentre
l’énergie du foie, c’est le point digestif du foie. La
terre permet de disperser le « feu » (pour disperser
un élément, on disperse son fils). C’est le point
estomac-rate (ciel postérieur) du foie, qui permet
de remonter le Yin du foie. C’est aussi le point
Yuan en relation avec le feu du foyer inférieur.
C’est à la fois le point terre et feu de la terre du
foie, qui travaillera en profondeur au niveau du
foie. S’il y a trop de feu, il dispersera le feu.
Il sera aussi à utiliser en déficience de Yin (ce qui
conduit à un Yang apparent du foie), avec d’autres
points terre (Yin du ciel postérieur) comme Rt 3,
R3 et E36.
Point 34VB : c’est le grand point terre de
la vésicule biliaire. Il est situé juste sous la tête
du péroné, légèrement en avant. C’est aussi le
grand point des muscles (fonction nourricière des
muscles) qui permet de ramener de l’énergie Yin
au niveau des muscles.
Point 20 VB : relié au foie et à la vésicule
biliaire, c’est un des points les plus importants de
la tête. Il agit sur le foie et la vésicule biliaire et
relancera toute la fonction parasympathique au
niveau de l’organisme. Il a une grande action pour
libérer, déspasmer la vésicule biliaire.
65.
脏
Point 1 F : à titre d’exemple, en été, le
point de tonification du foie est le 1 F qui est aussi
son point Ben (point bois du foie ou point foie du
foie) celui qui lui donne sa qualité bois. (figure 2
schéma des éléments).
Point 14 F et 18V : ce sont respectivement
les points Mo et Beishu du foie, points d’action
directe sur l’organe lui-même.
Point 14 E : en cas de choc émotionnel, ce
point peut aider à libérer la stagnation de Qi du
foie ; il en est de même avec le 18 E et le 8 du Mai.
A l’intérieur des trois étages du système
énergétique, on retrouvera le rôle du foie : au 1er
étage dans la production des énergies (cf. la voie
des eaux), au 2ème étage avec les merveilleux
vaisseaux qui distribuent l’énergie, on retrouve
le foie et la vésicule biliaire dans le Dai Mai et
au 3ème étage avec l’utilisation des énergies en
relation avec les cinq mouvements [4] et les 12
méridiens avec le grand méridien Jue Yin.
Notes
[1] L’organe qui lui est associé.
[2] Le foyer inférieur comprend le foie, la vésicule
biliaire, le rein, la vessie, l’intestin grêle et le gros
intestin. Le foyer inférieur est considéré en MTC
« comme un égout » ce qui signifie que c’est l’endroit
où la partie la moins pure des aliments, non absorbée,
est accumulée.
[3] La saison associée au Cœur.
[4] Au sein du système très complexe de la médecine
traditionnelle chinoise, les Cinq Eléments symbolisent
les cinq directions des mouvements, des phénomènes
naturels. Le Bois représente l’expansion (Printemps),
le mouvement centrifuge, le Métal représente la
compression (Automne), le mouvement centripète,
l’Eau représente le mouvement descendant (Hiver),
le Feu représente le mouvement ascendant (L’été), et
la Terre la stabilité (l’intersaison, période de 18 jours,
intermédiaire entre chaque saison de 72 jours).

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 Vol.1

Cp
Cahiers pratiques

MONOGRAPHIE
Pour en finir avec la toxémie
colloïdale
par Daniel Kieffer

PHYTOLOGIE
Quercus Robur, le chêne
par Éva Santiago

NUTRITION
L’alimentation cétogène
par Dr Monique Béjat

JURIDIQUE
Droit dans les yeux
Interview d’Isabelle Robard, avocat

Revue professionnelle de naturopathie

67.
 Cp
MONOGRAPHIE

Crédit photo: DR
POUR EN FINIR AVEC LA
TOXÉMIE COLLOÏDALE EN
NATUROPATHIE MODERNE
par Daniel Kieffer

On parle souvent de colles ou de

surcharges colloïdales. Pourtant
ce vocabulaire n’est aujourd’hui
plus pertinent au regard de la
biologie et de la physiopathologie,
qui objectivent le processus de
mucose toxique. Daniel Kieffer,
Directeur du Collège européen
de naturopathie traditionnelle
holistique, explore ici cet aspect
des surcharges métaboliques
expliquant ainsi la nécessité
d’inscrire cette terminologie dans
le champ lexical naturopathique.

Hippocrate - Automne 2019

68.
Commençons tout d’abord par rappeler les
différents termes employés pour désigner ces
surcharges et autres encrassements humoraux,
chers aux anciens ; cette brève chronologie permet
ainsi de revisiter ces divers éléments indésirables
affectant la fluidité du sang et de la lymphe et qui
participent à l’étiopathogénie liée au terrain :
- depuis 4 à 5 000 ans, les médecines orientales dites
traditionnelles (chinoise, ayurvédique, tibétaine)
connaissent l’impact délétères des aliments froids
et humides, de nature Yin « phlegme », ou « kapha »
génératrices de catarrhes et autres écoulements de
mucus ;
- voici 2 300 ans, chez Hippocrate et via Galien que
le sang, la bile, la lymphe et l’atrabile (bile noire)
sont affectés par des déchets, humeurs peccantes
et autres substances dites morbides ou impures,
devant être éliminées ;
- en 1858, le Dr. Rudolf Virchow, médecin
physiologiste allemand et considéré comme l’un
des fondateurs de l’anatomie-pathologie moderne,
s’en prend aux « substances amyloïdes », déchets
qu’il observe dans le milieu interstitiel des gros
mangeurs de graisses et de sucres notamment…
Aujourd’hui, l’amyloïdose est encore une
pathologie dûment répertoriée (accumulation
interstitielle de protéines et peptides indésirables) ;
- en 1900, le médecin naturopathe nord-américain
Dr. John Tilden s’attaque à la « toxémie » terme
très générique englobant toutes les formes de
surcharges indésirables. Toxemia en anglais : on y
retrouve le préfixe tox pour toxiques et émie pour
sang – hémie. On retrouve encore aujourd’hui ce
terme dans la littérature naturopathique anglo-
saxonne ;
- en 1912, le Dr Arnold Ehret publie « The Mucusless
Diet and Healing System » [1] où il fustige les
aliments raffinés (dont les farineux blanchis), trop
gras et sucrés, et jugés générateurs de troubles
catarrhaux, en faveur d’aliments alcalinisant le
terrain ;
- en 1915, le biologiste Alexis Carrel écrivait
que « la stagnation de la lymphe est à la base de la
dégénérescence et de la mort, tandis que la santé dépend
d’une bonne circulation » ;
- en 1920, le Dr. Alexandre Salmanoff, père
de la capillothérapie ou hydrothérapie
hyperthermique, comparait souvent l’organisme
à une « grande baignoire » et précisait que « 2 400
litres de sang circulent dans le foie en 24 heures, que
nos 200 hectares de tissus sont irrigués par 100 000 km
de capillaires, et que 130 à 200 mètres carrés de surface
Revue professionnelle de naturopathie
pulmonaire totale viennent oxygéner nos 5,5 litres de
sang chaque minute… ! La vie est sous-tendue par le
mouvement continuel des liquides dans les cellules et
MONOGRAPHIE
entre les cellules ; le ralentissement de ces courants et
de ces échanges : c’est la fatigue, la maladie ; leur arrêt :
c’est la mort. » ;
- dès 1940, Pierre-Valentin Marchesseau combattait
les « colles », les dangers de « l’amidonisme » et les
« cristaux » jusqu’à sa mort (1994). Les termes sont
devenus obsolètes mais simples et pédagogiques
pour le grand public auquel il s’adressait lors
de ses milliers de conférences : les « colles »
sont issues selon lui des excès de lipides et de
glucides et correspondent aux écoulements, aux
catarrhes ; les « cristaux » ont pour origine les
excès de protéines et génèrent les inflammations,
les douleurs, les calculs rénaux… ; pour lui, les
« cristaux » surchargent le sang alors que les
« colles » surchargent les milieux lymphatiques et
la substance fondamentale. Les premiers génèrent
douleurs, inflammations et calculs alors que les
seconds génèrent catarrhes et dépôts graisseux.
Des fondamentaux encore largement intégrés
dans les écoles de naturopathie de nos jours ;
- en 1957, le Dr. Jean De la Rebeyrette, homéopathe
et chercheur, découvre « l’hémoglyase » [2],
affection associant les déchets humoraux du
sang (hémo) et ressemblant à de la glue, de la
colle (glyase). Il identifie plus précisément ces
surcharges comme une protéine sérique nouvelle :
l’euglobuline hyper alpha-2 : cette approche n’est
pas sans rappeler celle de l’allemand Virchow. De
la Rebeyrette s’intéressa aussi à la Bioélectronique
de Louis-Claude Vincent ainsi qu’à une alternative
aux études biologiques sur l’humain ;
- en 1970, notre confrère feu Robert Masson
utilise le terme simple et très clair de « surcharges
humoro-cellulaires » ;
- en 1972, le Dr Norman Walker implique plus
spécifiquement les laitages dans la genèse des
mucus ;
- en 1975, le Dr Ellis confirme et implique les laitages
dans la genèse d’une couche épaisse dite mucoid
plaque dans le côlon. De même les travaux du Dr
Bernard Jensen qui font référence internationale
depuis 40 ans, confirment cette piste intestinale.
Certains sites offrent une large documentation sur
ces plaques mucoïdes [3].
- en 1978, confronté à un paradoxe opposant le
respectable bon sens (et le vocabulaire bon enfant)
des anciens naturopathes, versus la nécessité
croissante de tenir un langage rationnel pour
définir des réalités biologiques objectives : je
69.
propose donc les termes « acidose toxique » pour
recouvrir plus justement le champ des « cristaux »
(de la naturopathie orthodoxe française), et celui
de « mucose toxique » correspondant aux « colles »
traditionnelles.
Quid des surcharges colloïdales ?
On employait jadis, en naturopathie dite
orthodoxe selon Pierre-Valentin Marchesseau,
l’expression « surcharges colloïdales », vocabulaire
devenu inacceptable au plan de la rigueur
biologique : l’état colloïdal est en effet le reflet de
la vie et de la santé : l’eau de mer, le sang, un jus
de légumes sont des colloïdes, c’est-à-dire des sols
(hydrosol, liposol…) dans lesquels se trouvent, en
suspension ionisée, des métabolites fonctionnels.
Le « squelette électrolytique » cellulaire est ainsi
essentiellement d’ordre électromagnétique.
Toute cellule vivante est un système colloïdal en
harmonie. La rupture de l’état colloïdal se nomme
la floculation et signe la mort cellulaire (travaux
de l’ingénieur Auguste Lumière) [4].
Certes, les termes génériques de « colles » et
« cristaux » ont la vie dure et nombre de praticiens
continuent de les utiliser en clientèle ou en
conférence. Si nous rendons un sincère hommage
aux anciens qui, à la suite de Pierre-Valentin
Marchesseau ont su, grâce à ces termes simples,
populariser l’enseignement naturopathique des
années 40 aux années 80, il est grand temps de
revisiter la terminologie des professionnels du
XXIe siècle.
C’est le cas pour « colloïdal » et les mots de Louis
Lumière sont clairs : « De tous les sujets étudiés par
les laboratoires depuis leur fondation, le plus important
est celui qui concerne les colloïdes. En effet, la presque
totalité des matériaux constituant les êtres vivants
sont des arrangements colloïdaux. La vie n’existe pas
en dehors de l’état colloïdal et le premier principe qui
devrait figurer en tête de tous les traités de biologie
devrait être énoncé de la façon suivante : l’état colloïdal
conditionne la vie. »
Si l’acidose toxique systémique est aujourd’hui
très largement démontrée au plan de la biologie
et des recherches internationales, la genèse des
mucus excédentaires ou pathologiques a surtout
bénéficié des recherches très complètes et des
compilations universitaires du Dr. Jean Riou [5].
Les mucus physiologiques ne sont pas pris en
compte ici : normaux et utiles, ils réalisent un bio-
film nécessaire au transit intestinal, à la protection
de la muqueuse gastrique, à l’humidification
des bronches et des voies ORL, à la lubrification
vaginale, le surfactant pulmonaire, etc. Ces
70.
mucus sont indiscutablement nos alliés, riches en
enzymes et anticorps.
Ce sont les mucus non physiologiques qui
nous intéressent au premier chef. L’empirisme
des anciens, confirmé au plan clinique par de
nombreuses études cliniques hospitalières
(toutes répertoriées dans l’ouvrage du Dr. Jean
Riou), observe une production excédentaire
de mucus pouvant fréquemment devenir le lit
d’infections locales. La première expression
de cette mucogenèse fait partie des réponses
inflammatoires liées au froid, à une irritation
mécanique ou chimique, une infection, etc. Elle
réalise une part de la production de l’œdème
en mobilisant in situ une part de la lymphe
interstitielle qui véhicule des éléments nécessaires
à l’homéostasie. On observe ainsi que des troubles
tels que sinusite, otite, bronchite, cavumite,
vaginite, débutent systématiquement par une
phase sèche, inflammatoire, rapidement suivie par
une phase catarrhale riche en mucus. La première
réponse, inflammatoire, suppose une flambée, un
« feu » tissulaire appelant en quelque sorte « l’eau
des pompiers » biologiques (l’analogie simpliste
demeure ici bien pédagogique). La mucose
succède ainsi rapidement à l’acidose toxique. Le
stress augmente la viscosité des mucus [6] via une
stimulation bêta adrénergique, de même qu’au
regard de toute la littérature médicale consultée,
le manque d’hydratation.
Un excès de lipides alimentaires
La mucogenèse a été démontrée rigoureusement :
elle exprime une surcharge alimentaire en
« aliments mucoproducteurs » ou mucogènes.
Des repas très chargés en graisses (associées à
des marqueurs biologiques, grâce à la complicité
des cuisines) et administrés à des populations de
malades hospitalisés (services de pneumologie
et phtisiologie), provoquèrent d’intenses et très
rapides encombrements respiratoires et on
retrouva les marqueurs dans les expectorations,
associés aux lipophages. On a même parlé lors de
ces expériences, « d’inondations pulmonaires »
ayant mis en péril la vie des patients… Le
phénomène se produisait entre 3 et 6 heures
après l’ingestion. Le Dr. Jean Riou poursuivit ces
expériences durant de long mois dans les hôpitaux
parisiens afin de « tester la rapidité et la quantité des
mucus corrélés aux apports de lipides alimentaires ».
Hippocrate - Automne 2019
Par ordre décroissant, il a ainsi pu établir ce tableau
des sources alimentaires générant rapidement et
« efficacement » la mucose toxique :
1. crème fraîche
2. chocolat au lait ordinaire
3. graisses animales trans (saindoux, beurre,
viandes et charcuteries grasses…)
4. fromages de vache, chèvre puis brebis
(toxicité décrescendo), via les sources de caséine
notamment
5. huiles raffinées, margarines riches en graisses
trans
6. margarines bios
7. huiles vierges 1e pression à froid
8. purées d’oléagineux
9. oléagineux
On note que même des produits de qualité (rang
6 et 7) deviennent mucoproducteurs lorsque les
calories apportées sont excédentaires aux besoins
du sujet.
Le gluten semble aussi impliqué, mais peu d’études
valident solidement cette approche, sauf en cas
d’intolérance cœliaque vraie, et de mucoviscidose
(fibrose kystique) [7].
À la suite des travaux du Dr. Catherine Kousmine,
les recherches du docteur Jean Seignalet restent
une mine d’arguments biologiques et cliniques à
notre disposition [8].
Les œufs semblent peu impliqués car leur richesse
en cholestérol est neutralisée par leur lécithine
notamment. En cas de consommation réellement
excessive (plus de 1 ou 2 œufs / jour), nous les
placerions personnellement entre les rangs 6 et 7.
Les produits laitiers sont quant à eux de toute
évidence impliqués [9], et la littérature nous
le confirme clairement. Leur impact au plan
santé, dont leur aspect mucoproducteur peut
être corrélé à l’état intestinal : microbiote altéré,
jonctions serrées défaillantes, hyperperméabilité
liée à l’inflammation, candidose chronique plus
ou moins asymptomatique…
Revue professionnelle de naturopathie
L’impact des glucides
MONOGRAPHIE
Tous les glucides consommés et non utilisés
au plan métabolique (sédentarité, surcharges
pondérales, apports supérieurs aux besoins
musculaires) sont rapidement convertis en
graisses dont triglycérides et cholestérol LDL. Les
excès alimentaires de glucides deviennent donc,
au même titre que les lipides, mucoproducteurs.
A cet égard, il est aisé de confirmer la liste des
glucides les plus impliqués :
1. farineux blanchis / céréales à gluten
2. farineux complets / céréales à gluten
3. farineux blanchis sans gluten (riz blanc…)
4. farineux complets sans gluten
Pour ce qui est des autres glucides, la conversion en
mucus sera d’autant plus rapide qu’ils possèderont
un indice glycémique élevé [10].
Dans les années 40 à 90, Pierre-Valentin
Marchesseau conseillait les seules céréales
sans gluten, riz mi-complet, patates douces,
châtaignes… comme aliments de tolérance pour
compléter son « régime hypotoxique » fait de
80% de crudités végétales et de 20% de crudités
animales.
Les cellules lipophages
Jadis découvertes en recherche fondamentale
et longtemps mises à l’écart du secteur de la
pathologie humaine (puis associées aux troubles
cardiovasculaires), les cellules lipophages ont été
particulièrement étudiées par le Dr. Jean Riou dès
les années 70.
On connaît parfaitement les voies lymphatiques
ascendantes partant des intestins (chylifères,
citerne de Pecquet, canal lymphatique) vers le
cœur droit puis le poumon : pour simplifier, des
cellules de surface pulmonaire (et bronchiques)
prennent en charge l’afflux des lipides issus du
flot lymphatique pour les oxyder (travail que n’a
pas pu assurer correctement le foie, lui-même en
surcharge fonctionnelle). On sait que ces voies
lymphatiques sont prioritaires vis-à-vis des voies
sanguines pour collecter les lipides alimentaires
intestinaux.
Ces derniers sont impliqués dans la maladie
athéromateuse mais aussi dans nombre de
troubles de société ; ils sont clairement liés à la
fluidité des membranes cellulaires [11].
71.
La qualité des lipides a été également soulignée
par des études sur la perfusion de malades des
voies respiratoires [12] ; elles mettent en évidence
le choix préférentiel d’huiles de poissons ou
de bourrache pour limiter les phénomènes
catarrhaux. Le Dr Deidre Macdonald a largement
publié, comme nombre de naturopathes nord-
américains à propos des mucus respiratoires liés
à l’alimentation [13]. Nombre de pathologies de
type pneumopathies lipidiques exogènes ont ainsi
été étudiées et rapportent l’action des cellules
lipophages gavées de graisses.
Au final, ces cellules lipophages se gorgent de
lipides, meurent et deviennent la part lipidique
voire purulente des expectorations et écoulements
réactionnels. Ce sont en quelque sorte des
macrophages sacrificiels. L’ensemble des crachats
et autres produits du mouchage (ou des pertes
vaginales) correspond à ces accumulations de
cellules lipophages, du mucus clair (simple sérum
interstitiel), des cellules mortes, des lipoprotéines,
des mucopolysaccharides, voire des poussières ou
agents étrangers.
Le pus est donc une variante de mucose infectieuse
qui collecte simplement une quantité plus
importante de cellules mortes au sein des batailles
anti infectieuses locales.
La libération d’histamine, lors des réponses
allergiques, augmente immédiatement la
production de mucus.
Dans le réseau artériel surchargé et menacé
d’athérosclérose, les cellules lipophages sont
nommées cellules spumeuses [14]. Elles répondent
aux mêmes réalités biologiques et se gonflent de
cholestérol HDL. On les retrouve aussi dans la
genèse précoce des cholestéroloses biliaires [15].
Elles sont classées comme cellules réactionnelles
dans les tableaux dyslipidémiques.
Ces cellules lipophages sont évoquées dans des
cas de pneumopathies lipidiques (intoxication
à l’huile minérale) [16]. Elles participent alors à
la fibrose pulmonaire. On les trouve aussi, plus
étonnamment, dans certaines tendinopathies.
L’approche naturopathique confirme l’importance
du terrain vis-à-vis des agents infectieux : l’apport
réactionnel de mucus et de cellules lipophages
au cours d’une affection respiratoire offre aux
bactéries ou aux virus un milieu idéal de culture
et de multiplication. Une fois lancé, le processus
tourne en boucle, le mucus nourrissant les agents
infectieux, agents infectieux appelant plus de
mucus… Mais comme répétaient nos vieux
maîtres : « les moustiques ne créent pas le marécage, c’est
l’inverse ! ». L’empirisme suggère que ces processus
mucoproducteurs respiratoires seraient analogues
72.
à ceux liés aux voies vaginales (leucorrhées)
voire cutanées. Tous les catarrhes excédentaires
ont ainsi une unique origine métabolique, qu’ils
s’expriment par les voies respiratoires broncho-
pulmonaires ou hautes, les voies vaginales, voire
les muqueuses ORL et plus que probablement la
peau lors de dermatoses suintantes. Des études
approfondies à ce sujet devraient motiver les
spécialistes en dermatologie et gynécologie.
Le regard de la bioélectronique
Les travaux de l’ingénieur hydrologue Louis-
Claude Vincent, père de la bioélectronique (B.E.V.)
éponyme dès 1948, mettent en évidence les dangers
de l’acidose tissulaire chronique qui génère au plan
sanguin, une réaction alcaline. Cette acidose crée
le lit de toutes les pathologies selon le Dr. Jacques
Ménétrier, père de « La Médecine des Fonctions »
[17]. La clinique confirme qu’elle est à l’origine
métabolique des processus inflammatoires à bas
bruits, eux-mêmes sources de pathologies auto-
immunes, dégénératives (cancers), ou dites « de
société » …
Quant à la traçabilité de la mucose toxique en
B.E.V., elle est mieux exprimée ici par les variations
de la résistivité (Rô). La baisse progressive de ce
paramètre biologique est en effet corrélée à une
augmentation suspecte de la viscosité sanguine,
et on la retrouve systématisée dans les terrains
dyslipidémiques et thrombotiques [18].
Et le psy ?
L’impact de la psychosomatique n’est pas
à négliger, et on peut réfléchir à la lumière
notamment du raisonnement de la médecine
traditionnelle chinoise, qui suppose ces mucus en
lien avec une souffrance affective non consolée, un
deuil générant une inhibition des instincts vitaux
(respirer à pleins poumons) : tristesse, chagrin, les
émotions clés du couple énergétique Poumon /
Gros Intestin … La physiologie confirme aussi que
le stress aigu implique, de facto, une majoration
physiologique de la viscosité sanguine. On sait
aussi que la loge chinoise Poumon / Gros Intestin
est très liée à la peau, d’où les dermatoses et les
liens entre asthme et eczéma par exemple.
Les cures de détoxification
Toutefois, l’expérience clinique démontre aux
praticiens que quels que soient les écoulements
(catarrhes) via les voies respiratoires ou vaginales,
les cures de détoxification donnent d’excellents
résultats. En naturopathie, les réponses
méthodologiques demeurent :
1. l’éviction des apports alimentaires
mucoproducteurs,
Hippocrate - Automne 2019
2. le drainage des émonctoires concernés (foie +
VB, intestins),
3. la dérivation vers un émonctoire polyvalent
sain : la peau.
L’usage des anti-inflammatoires et anti-
infectieux (allopathiques ou naturels) demeure
une démarche symptomatique inacceptable
en naturopathie. Ces remèdes, pourtant bien
souvent efficaces, ne répondent en rien à notre
méthodologie fonctionnelle causaliste et ne
corrigent en aucune façon le terrain de la
personne. Au mieux, ils pourront être conseillés
comme produits de confort, si et seulement si les
démarches correctives de terrain (diététiques et
émonctorielles) sont mises en place. Quant aux
nombreux fluidifiants naturels, ils faciliteront
bien entendu l’expectoration ou le mouchage.
In fine, l’introduction du concept de mucose
toxique en naturopathie moderne s’avère
incontestablement plus élégant et pertinent que le
mot « colles » ou « surcharges colloïdales » de nos
maîtres. Le vocabulaire archaïque ne s’accorde
plus aux exigences de la biologie pas plus que de
la sémantique.
La physiopathologie prouve l’existence du
processus dit mucose, et sa genèse s’avère corrélée
non seulement aux pollutions ou au tabac mais
bien plus aux apports caloriques excédentaires,
surtout lipidiques mais aussi glucidiques.
Des études cliniques plus approfondies seraient
nécessaires pour explorer davantage les processus
complexes du métabolisme intermédiaire
impliqués dans la mucose, ainsi que l’expression
des dermatoses suintantes.
D.K
« La fixité du milieu
intérieur est la
condition essentielle
de la vie. »
Claude Bernard,
père de la méthode expérimentale en médecine
Revue professionnelle de naturopathie
Références
MONOGRAPHIE
[1] Muculess diet healing system, Professeur Arnold
Ehret; Book Publishing Company
[2] Hémogliase hyper alpha 2; syndrome bioclinique
d’alarme des grands accidents vasculaires. Tests
et traitement préventifs, Jean de Larebeyrette;
Colombes, Editions de médecine pratique, 1957
[3] Plaque mucoïde, Dr Richard Anderson, cleanse.
net
[4] Colloïdes et miscelloïdes. Leur rôle en biologie et
en médecine, Auguste Lumière ; Éditions Norbert
Maloine
[5] Lipides alimentaires et pathologie pulmonaire, Jean
Riou; éditions Masson ,1977
[6] Genèse, évaluation et traitement de l’encombrement
bronchique, Dominique Delplanque. Consultable
sur : https://delplanque-formation.com/Files/
genese__eval_trait_encbt_bronc_delplanque__
mode_de_compatibilite_.pdf
[7] Intolérance au gluten : une nouvelle cible pour traiter
la maladie, Dr Jean-Paul Marre, pourquoidocteur.fr,
4 décembre 2018
[8] L’alimentation, la 3ème médecine, Jean Seignalet ;
éditions du Rocher, 2012
[9] Lait, mensonge et propagande, Thierry Souccar ;
éditions Thierry Souccar 2008
Le lait, blancheur trompeuse, Anne Laroche-Walter ;
Jouvence
Le lait une sacré vacherie, Nicolas Le Berre ; Equilibres
[10] Le mal du sucre de Starenkyj Danièle ; Orion
[11] Lipides alimentaires: influence sur les maladies
cardio-vasculaires et les autres maladies de société ,
Professeur Yvon A.Carpentier, Université Libre de
Bruxelles. Consultable sur http://minimed.ulb.
ac.be
[12] Lipids and lung in the intensive care unit,
M.Hasselmann et C. Kummerlen, Réanimation,
Volume 10, Issue 6, Septembre 2001, Pages 543-549
[13] Treating Sinusitis with Naturopathic Medicine , Dr
Deidre Macdonald, getwellhere.com
[14] Pathologie vasculaire, A. Lavergne-Slove, www.
l2bichat2012-2013.weebly.com
[15] Dictionnaire médical de l’Académie de Médecine,
version 2019; consultable sur www.dictionnaire.
academiedemedecine.fr
[16] Pneumopathie lipidique et mycobactériose atypique
pleuro-pulmonaire - cas clinique, I. Dorion, I. Mayeux
Y. François, A. Remond, M.-F. Gontier, V. Jounieaux,
Revue des Maladies Respiratoires Vol 17, N° 3 -
juillet 2000, p.700-703
[17] La médecine des fonctions, Dr Jacques Menetrier
;Editions Similia, 1996
[18] Site Officiel de la Bioélectronique Vincent
sur Votre santé naturelle
73.
 Cp
PHYTOLOGIE
Crédit photo: DR

LE CHÊNE C’est l’Arbre parmi les arbres, le

roi de la forêt …il possède une
(Quercus) longévité exceptionnelle : les
plus vieux spécimens auraient
2 000 ans, ils peuvent atteindre
50m de hauteur et donnent
leurs premiers fruits (les glands)
au bout d’une cinquantaine
d’années. Le Chêne, grâce à ses
diverses utilisations, a permis à
notre civilisation d’exister. Sans
lui, tout aurait été différent...

Hippocrate - Automne 2019

74.
Botanique
Le chêne fait partie de la famille des Fagacées
(Cupulifères), qui comprend 7 genres et 970
espèces à travers le monde, et seulement 3 genres
(Fagus, Castanea et Quercus) et 14 espèces en France.
Le dernier genre : Quercus regroupe à lui seul 8
espèces françaises, c’est l’arbre le plus répandu, il
représente 40% des essences françaises (feuillus et
conifères confondus).
Quercus cerris : Chêne chevelu
Quercus coccifera : Chêne kermès
Quercus ilex : Chêne vert
Quercus petraea : Chêne rouvre
Quercus pubescens : Chêne blanc
Quercus pyrenaica : Chêne des Pyrénées
Quercus robur : Chêne pédonculé (le plus connu)
Quercus suber : Chêne liège
Quelques chênes remarquables français :
Le chêne d’Allouville-Bellefosse (Seine Maritime) :
arbre chapelle, son âge est estimé à 1 200 ans, et sa
circonférence peut atteindre 12m. La Chênaie de
Cambo-les-Bains (Pyrénées-Atlantiques) : chênes
têtards, ils servaient autrefois à fournir du petit
bois. Etêtés tous les deux ou trois ans, ils prenaient
ainsi une forme particulière à grosse tête. L’âge de
cette chênaie est estimé à 200/300 ans.
L’Arbre sacré
Dans de nombreuses civilisations, le chêne
est considéré comme un arbre sacré. Dans la
mythologie grecque, il est associé à Zeus, chez les
vikings à Thor, chez les romains à Jupiter… Tous
ces dieux ont comme attribut commun la foudre.
Or le chêne est l’un des arbres qui l’attire le plus.
On dit ainsi de lui qu’il est porteur de foudre.
Le chêne est également l’arbre des druides, ces
derniers sont d’ailleurs surnommés aussi les
hommes du chêne.
Les feuilles (surtout celles de Quercus robur) sont
utilisées lors de certaines cérémonies. Et si le
chêne est porteur de gui, il devient alors l’arbre
sacré des dieux. Cette plante parasite, symbole de
régénération, concentre dans sa structure toute la
force du chêne. Cette force mais aussi le courage
et la résistance font d’ailleurs partie des symboles
de Quercus. Ce symbolisme se retrouve de nos
jours en observant, par exemple, les feuilles de
chêne qui ornent la croix de la légion d’honneur.
L’Arbre aux oracles
Par le mouvement de ses branches et de ses
feuilles, il rendrait des oracles, il serait ainsi le
messager des dieux. L’un des plus célèbres chênes
Revue professionnelle de naturopathie
prophétiques était celui du sanctuaire de Dodone
en Grèce dédié à Zeus et à la Déesse Mère.
L’Arbre à bois
La dureté du bois de chêne est remarquable ; c’est
un arbre très utilisé en menuiserie et en ébénisterie.
Sa noblesse a permis la fabrication de grandes
charpentes (cathédrales, châteaux…). Il servit
pour les navires marchands ou de guerre, pour la
confection de parquets ou de meubles.
On fabrique encore aujourd’hui des merrains pour
la tonnellerie. Le liège, issu de Quercus suber, est utile
comme isolant thermique, acoustique et vibratoire ;
il sert également à la fabrication de bouchons.
L’Arbre nourricier
P H Y T O L O G I E
Le gland, fruit indéhiscent, que l’on ramasse à
l’automne, a depuis longtemps été consommé par
l’homme et les animaux. On en retrouve des usages
alimentaires datant du paléolithique. Par la suite,
il a servi de nourriture pour les animaux d’élevage
comme les cochons. Le terme « glandeur » viendrait
certainement de cette époque : il représentait
la personne qui accompagnait les cochons qui
glandaient (qui mangeaient des glands).
Son goût, une fois les tanins enlevés, ressemble
à celui de la châtaigne. Dans certaines régions du
monde, comme au Maroc, les glands doux (peu
riches en tanins) de Quercus Suber sont bouillis à
l’eau, grillés ou consommés sous forme de confiture
(l’ballout).
Composition nutritionnelle de la farine de glands
(après élimination des tanins) :
Protéines : 7,5% / Glucides (amidons essentiellement) :
60% / Lipides : 30%
Potassium : 712mg/100g / Phosphore : 314mg/100g /
Calcium : 43mg/100g
Vitamine B3 : 2,4mg/100g / Vitamine A : 6UI/100g /
Vitamine B2 : 0,15mg/100g
L’Arbre soigneur :
de l’empirisme à la science.
Le chêne possède des propriétés médicinales,
dues essentiellement aux tanins, dont l’utilisation
remonte à la nuit des temps. Hippocrate,
Théophraste, Dioscoride et Galien utilisèrent la
médecine du chêne, toutes espèces de Quercus
confondues.
Composants :
• tanins : galles (50-70%) considéré comme le tanin
officinal, écorce (15-20%), glands (10%), feuilles.
• quercétol (=quercitine)
• triterpènes
75.
 Les tanins
Les tanins sont des molécules d’origine végétale,
appartenant à la famille des polyphénols, dont la
plupart sont hydrosolubles. Les tanins disparaissent
donc dans les glands au cours de la cuisson dans
plusieurs eaux ou lors du lessivage dans une rivière
(savoir-faire traditionnel).
Il existe deux grandes catégories de tanins :
• les tanins hydrolysables : ce sont des polyesters de
glucides et d’acides phénols, ils agissent par contact
sur la peau et sur les muqueuses.
Utilisation interne
Le chêne est hémostatique. Le Dr Jean Valnet
l’utilisait pour diminuer les hémorragies
(métrorragies, intestinales, hémoptysies). Du fait
de son action tonique astringente, il se servait du
chêne contre les diarrhées, les dysenteries, les
leucorrhées, les hémorroïdes, les fistules anales.
Mais attention, sa richesse en tanins peut provoquer
des irritations digestives, de la constipation ; il doit
être utilisé avec prudence chez les hypertendus.

Acide gallique Acide ellagique

(=ellagitanins) Utilisation externe
O OH
O
HO O Le Dr François-Joseph Cazin dit de lui : « les feuilles
HO OH HO OH de chêne infusées dans du vin rouge, avec addition d’un
peu de miel, forment un gargarisme dont j’ai reconnu
OH O
O l’efficacité dans les relâchements des gencives ».
Propriétés antitumorales et Marie Antoinette Mulot l’utilisait en :
antioxydantes Propriétés antitumorales - gargarismes/bains de bouche contre les
Activité antibactérienne, et antioxydantes pharyngites, les amygdalites, contre l’inflammation
antivirale
des muqueuses buccales ;
• les tanins condensés ou appelés tanins - en douche vaginale en cas de métrites, leucorrhées,
fibromes utérins ;
catéchiques (= proanthocyanidols = oligomères
- en compresses contre les hémorroïdes.
proanthocyanidoliques) : ils ont une structure
Quant à Jean Valnet, il conseillait aussi les
moléculaire proche des flavonoïdes et sont aussi des
décoctions d’écorce de chêne dans un grand bain
antioxydants. contre les faiblesses générales, le rachitisme et le
Cathéchines lymphatisme.
Gallocathéchine
(= catéchols)
Epicathéchine
Les formes galéniques de la
médecine du chêne
• Phytologie : utilisation de l’écorce en décoction
ou des feuilles en infusion/décoction (cf. arbre
soigneur).
C’est une plante riche en tanins, elle permet donc
d’assécher ce qui coule… Cependant, attention
à son utilisation en interne sous cette forme
traditionnelle, car elle s’oppose à notre chère
notion de vitalisme qui encourage le mouvement
centrifuge des surcharges toxiques (acidose et
mucose).

• Gemmothérapie : Bourgeons de Quercus robur ou

de Quercus pedonculata
Bourgeon de nature « Yang » dans sa nature
énergétique (medecine taosite), il est très stimulant.
C’est un tonique général, il apporte force et courage.
Il peut s’avérer très utile en cas d’asthénie, pour
renforcer le terrain suite à des maladies infectieuses
et en cas de convalescence et de fatigue… Il est
donc utile pour relancer et renforcer l’énergie vitale

Hippocrate - Automne 2019

76.
et devenir ainsi « fort comme un chêne ».
C’est aussi un tonique sexuel : il stimule la
production de testostérone et par conséquent
augmente l’activité testiculaire. Il a également
une action cortisone-like en stimulant les
corticosurrénales. Quercus est le grand bourgeon de
la senescence masculine.
C’est un bourgeon utilisé également dans les soins
bucco-dentaires pour renforcer les gencives faibles
et les muscles masticateurs.

• Elixir floraux : Chêne (en anglais : Oak)

Cet élixir appartient au groupe : abattement et
désespoir
Etats négatifs de la personne Oak : le devoir, la lutte
coûte que coûte, le combat jusqu’au sacrifice.

P H Y T O L O G I E
Ressources positives : la force mesurée, la puissance
au service de soi et ensuite des autres, le respect de
ses besoins, le respect de ses limites.
L’élixir aide à être sur le chemin de la juste mesure,
du guerrier pacifique.
Les clefs pour Oak : « je relâche la pression », « j’avance
avec légèreté » et « je me sens libre ».

Pour rencontrer Quercus…

Voici un exercice inspiré de la sylvothérapie,
technique qui nous permet d’être en contact avec
les arbres dans leur milieu naturel. Appelée aussi
« bains de forêts », très utilisée au Japon, elle favorise
le ressourcement et le renforcement de l’énergie
vitale.
Choisissez un chêne, toutes espèces confondues,
un beau, fort et puissant chêne ou tout simplement
celui qui vous attire. Prenez le temps de l’observer,
de le saluer puis enlacez son tronc avec douceur :
son tronc et votre corps ne font plus qu’un… Restez
comme cela, tranquillement en vivant l’instant
présent tout en restant attentif à vos ressentis (quels
qu’ils soient) ... Restez aussi longtemps que vous le
pouvez… Terminez cet échange en le remerciant.
Belle rencontre à tous !
Eva Santiago,
Diététicienne D.E., Naturopathe,
Herbaliste et formatrice
Références
[1] « Petite flore de France, Belgique, Luxembourg, Suisse »
de Régis Thomas, Davis Busti et Margarethe Maillart,
Editions Belin, 2018, 466p.
[2] Site de l’ONF (Office National des Forêts)
[3] « Histoires d’arbres remarquables », Georges Feterman,
Titwane, Editions Plume de carottes,2014, 140p.
[4] « Le chêne » Jean-François Clémence et Françoise
Locoste, Editions Acte Sud, 1995,93p.
[5] Qui ne s’ouvre pas spontanément, à l’époque de la
maturité.
[6] « Guide nutritionnel des plantes sauvages et cultivées »
François Couplan, Editions Delachaux et Niestlé,2011,
255p.
[7] « Phytothérapie, traitement des maladies par les plantes »
Jean Valnet, Editions Maloine, 1983, 942p.
[8] « Traité pratique et raisonné de l’emploi des plantes
médicinales indigènes, édition 1858 » François-Joseph Cazin,
Editions Hachette, 2012, 1204p.
[9] « Secrets d’une herboriste » Marie Antoinette Mulot,
Editions du Dauphin,1999, 535p.
[10] « La gemmothérapie, médecine des bourgeons » Philippe
Andrianne, Editions Amyris, 2002, 207p.
[11] « Les quintessences florales de Docteur Bach » Dominick
Léaud-Zachoval, Editions Médicis, 2015, 253p.
[12] « Manuel complet des quintessences florales du Dr
Edward Bach, initiation et perfectionnement » Mechthild
Scheffer, Editions Le courrier du livre, 2002, 447p.

Revue professionnelle de naturopathie

77.
 Cp
N U T R I T I O N
L’ALIMENTATION
CÉTOGÈNE
Thérapeute en médecine nutritionnelle et
fonctionnelle, le Docteur Monique Béjat
propose systématiquement à ses patients
atteints de cancer ou d’une maladie neuro-
logique de suivre le régime cétogène. Elle
revient dans cet article complet sur cette
approche nutritionnelle.
Un peu de préhistoire
Depuis les premiers hominidés apparus il y a entre
7 et 9 millions d’années, l’homme a consommé
les aliments qu’il trouvait dans son proche
environnement, c’est-à-dire des produits animaux
et des végétaux sauvages. D’abord charognard car
mauvais chasseur, il a progressivement affiné ses
techniques pour tuer lui-même des animaux et
pour pêcher. Dans nos livres d’histoire, à l’école
primaire, nous avons appris qu’effectivement, nos
lointains ancêtres étaient « chasseurs-pêcheurs-
cueilleurs », et que leur alimentation variait en
fonction de la latitude sous laquelle ils vivaient
ainsi qu’au fil des saisons.
Homo sapiens, notre « vrai grand-père », est apparu
il y a environ 200 000 ans. L’homme de Cro-
Magnon est un Homo sapiens dont on trouve des
traces de la présence en Europe il y a 35 000 ans.
Comme les hommes qui l’ont précédé, l’homme
de Cro-Magnon était chasseur-pêcheur-cueilleur.
Selon la saison, il consommait plus ou moins
de végétaux. En hiver, son alimentation était
essentiellement grasse et carnée. Dès que la nature
78.
renaissait, il ajoutait des végétaux à son régime,
mais ce n’est qu’en été qu’il consommait quelques
baies sauvages. Cela signifie que pendant près
de 99.9% de l’histoire de l’humanité, les glucides
n’ont que très peu fait partie de l’alimentation
humaine, leur consommation n’étant ni régulière,
ni quotidienne. Notre ancêtre a pu survivre grâce à
ses capacités de stockage d’énergie et à l’adaptation
de son métabolisme.
En biologie, on apprend que le principal carburant
de notre cerveau est le glucose, mais c’est oublier
que les corps cétoniques constituent également un
excellent substrat énergétique pour nos neurones.
Dans un environnement pauvre en glucides, notre
organisme a appris à tirer profit des graisses en
les convertissant en corps cétoniques. La cétose
est cruciale dans l’évolution de l’homme : c’est
un état normal et particulièrement salutaire,
programmé par des millions d’années d’évolution
et engrammé au cœur de nos gènes. Les survivants
des périodes de disette sont nos ancêtres et notre
capital génétique est quasiment le même que le
leur.
Un triste constat
Au niveau mondial, l’obésité et le surpoids
concernaient en 2016 1,9 milliard de personnes de
20 ans et plus selon les estimations de l’OMS [1].
En France, 7 millions de personnes sont considérées
comme obèses (15,7% de la population adulte) [2].
Et la tendance s’accentue continuellement : la
proportion des personnes obèses est passée de
8,5% à 14,5% entre 1997 et 2009.
De même, le taux de prévalence du diabète
Hippocrate - Automne 2019
de type 2 en France ne cesse d’augmenter et
progresse même plus vite que prévu puisqu’en
2009, on estimait à plus de 3,5 millions le nombre
de personnes atteintes, des chiffres attendus
normalement pour 2016 et qui témoignent d’une
véritable croissance de l’épidémie [3]. Dans le
monde, le nombre des personnes atteintes de
diabète est passé de 108 millions en 1980 à 425
millions en 2017 [4].
Que s’est-il passé ?
La révolution néolithique survenue il y a 10 000 ans,
avec l’apparition de l’agriculture et de l’élevage,
a bouleversé le mode alimentaire ancestral de
l’homme, et par là même son métabolisme. La
part des glucides est devenue progressivement
prépondérante, au détriment des graisses, des
protéines et des végétaux. Et cette tendance n’a
cessé de s’amplifier.
Cependant, jusque dans les années 60-70, les
conseils pour perdre du poids étaient de limiter
drastiquement les « 4P » (pain, pâtes, pommes
de terre et pâtisseries) ; en un mot, les glucides.
Puis le discours a changé, et on a commencé
à incriminer les lipides de nombreux maux,
n’hésitant pas à les diaboliser et à conseiller de
les bannir de l’alimentation … ce qui a fait la
part belle aux glucides. Bref, on s’est trompé
d’ennemi ! Et que constate-t-on aujourd’hui ?
La santé de la population ne cesse de décliner
avec les recommandations nutritionnelles
conseillant de supprimer drastiquement les
lipides au profit des « bons » glucides (régime
« high carb, low fat » - « riche en glucides, pauvre
en graisses » - aux USA), avec une explosion de
maladies dites de civilisation : obésité, diabète,
maladies cardiovasculaires, auto-immunes,
neurodégénératives, sans oublier le cancer.
Qu’est-ce que la cétose ?
Dans quasiment toutes les cellules de l’organisme,
nous possédons plusieurs centaines de petites
centrales énergétiques, les mitochondries. Ces
organites sont les descendants des bactéries
qui vivaient il y a deux milliards d’années et
utilisaient l’oxygène pour le convertir en énergie,
ce que ne savaient pas faire les cellules primitives.
L’association bactéries/cellules primitives a permis
aux protagonistes de « vivre en bonne entente »,
chacune apportant ses compétences pour une
meilleure adaptation à un environnement hostile :
la vie hors de l’eau devenait possible.
C’est essentiellement dans la mitochondrie que les
macronutriments (glucides, lipides et protéines)
apportés par l’alimentation, digérés puis absorbés
Revue professionnelle de naturopathie
par l’intestin, vont être convertis en énergie sous
la forme d’une molécule appelée ATP (adénosine
triphosphate). Nous en fabriquons chaque jour au
moins 40 kilogrammes !
Certains organes savent utiliser directement
les lipides comme source de carburant, mais le
glucose est la source essentielle qui alimente
les mitochondries et permet la synthèse de
l’ATP. Lorsque le glucose vient à manquer, les
cellules du foie vont convertir les acides gras
issus des lipides en corps cétoniques, petits
lipides hydrosolubles, lesquels sont d’excellents
combustibles pour continuer à « faire tourner la
machine ». Cette cétogenèse a également lieu dans
certaines cellules cérébrales, les astrocytes, qui ont
un rôle essentiel de support, de protection et de
nutrition des neurones.
La production de corps cétoniques se fait à
partir de l’acétyl CoA, molécule qui provient
du métabolisme des glucides, des lipides et des
protides. Une enzyme mitochondriale appelée
HMG CoA synthase est la clé de la synthèse
des corps cétoniques qui sont aux nombre de
trois : l’acétoacétate, le β-hydroxybutyrate, et
l’acétone (cette dernière étant éliminée par voie
respiratoire et donnant à l’haleine une odeur de
pomme-reinette en début de cétose). Ces corps
cétoniques rejoignent la circulation sanguine
et sont utilisés préférentiellement par certains
tissus (muscle cardiaque, cerveau, …), permettant
ainsi d’épargner le glucose circulant disponible
pour les cellules dépendant exclusivement de
cette molécule, essentiellement les globules
N U T R I T I O N
rouges. Dans les cellules des organes, les corps
cétoniques pénètrent dans les mitochondries où
ils sont reconvertis en acétyl CoA pour brûler (via
le cycle de Krebs) et permettre la synthèse d’ATP.
La combustion des cétones s’avère extrêmement
efficace, plus encore que celle du glucose, très
rapide et propre, car elle produit peu de radicaux
libres.
Cependant, la cétogenèse ne peut se produire que
lorsque le taux de glucose sanguin diminue, ce qui
signifie que l’apport glucidique alimentaire doit
être très faible, inférieur à environ 50 grammes
par jour (taux variable selon les individus). Lors
d’un jeûne, le passage en cétose a lieu vers le
troisième jour, lorsque les réserves de l’organisme
en glycogène sont épuisées.
Deux méthodes permettent de savoir si on est en
cétose :
• La mesure sanguine par un lecteur de glycémie/
cétonémie type GLUCOFIX ; ce test, précis, est
cependant assez coûteux.
• La mesure urinaire par des bandelettes type
KETO DIASTIX (en pharmacie) ; pour les corps
79.
cétoniques il faut que la couleur soit au moins
rose pâle + ou ++. Il est inutile de chercher à aller
sur le rose le plus foncé. La présence de corps
cétoniques dans les urines (cétonurie) n’apparaît
que lorsque leur taux dans le sang (cétonémie)
atteint une certaine concentration, ce qui signifie
que l’on peut être en cétose sans présence de corps
cétoniques dans les urines.
L’alimentation cétogène est-elle dangereuse ?
Le mot cétose effraie souvent le corps médical car
on confond cet état physiologique programmé
par l’évolution avec le coma acido-cétosique,
complication grave d’un diabète insulino-
dépendant et conséquence d’une carence
profonde en insuline. Dans ce cas, l’organisme
synthétise d’énormes quantité de corps
cétoniques, lesquelles ne seront jamais atteintes
au cours d’une alimentation cétogène.
Il faut cependant savoir que le régime cétogène
induit un état d’acidose métabolique qui nécessite
pour être neutralisé une bonne hydratation et
une consommation suffisante en végétaux riches
en minéraux alcalinisants. L’activité physique si
possible dans la nature est également souhaitable.
Si le pH urinaire reste inférieur à 6.8, il est
conseillé d’avoir recours à une complémentation
alcalinisante telle que la préconisait Catherine
Kousmine.
Quelques mots sur l’historique
du régime cétogène.
Le régime cétogène a d’abord été utilisé pour
soigner l’épilepsie.
Dans les années 20, des médecins de la réputée
clinique américaine Mayo ont eu l’idée, pour
traiter les patients atteints d’épilepsie, de
reproduire les conditions du jeûne sans réduire
l’apport calorique. C’est ainsi que le régime dit
cétogène voit le jour. Il s’avère très efficace mais
tombe quelques années plus tard en désuétude
avec l’apparition des premiers médicaments
antiépileptiques.
Quelles sont aujourd’hui les
principales indications de
l’alimentation cétogène ?
• Épilepsie [5]
Le régime cétogène fait à nouveau partie intégrante
des thérapeutiques proposées par les services de
neurologie aux sujets épileptiques. Ce régime
est utilisé dans le cas où un patient n’a pas réagi
favorablement à deux ou trois antiépileptiques.
Il est habituellement prescrit à des enfants de 12
mois à 18 ans.
80.
On connaît de mieux en mieux les mécanismes
d’action du régime cétogène dans cette pathologie.
Les corps cétoniques d’origine hépatique
traversent la barrière hémato-méningée et
d’autres sont synthétisés in situ par les astrocytes.
Ces corps cétoniques favorisent la synthèse du
principal neurotransmetteur relaxant du système
nerveux, le GABA, au détriment du glutamate,
le neurotransmetteur excitateur. D’autre part,
les corps cétoniques augmentent la production
d’ATP et améliorent le fonctionnement des
mitochondries cérébrales. Enfin, la diète cétogène
favorise la synthèse du BDNF (brain derived
neurotrophic factor), véritable hormone du cerveau,
impliquée dans la production, la croissance, la
différentiation des neurones et qui contribue
également à la survie des neurones existants, ainsi
qu’à la formation de nouvelles synapses.
• Perte de poids [6]
De nombreuses études montrent que la nutrition
cétogène fait perdre plus rapidement du poids
qu’une autre prise en charge nutritionnelle. Là
encore, les mécanismes d’action sont nombreux.
Nous retiendrons l’effet satiétogène bien connu
des protéines et sans doute également des
corps cétoniques, ainsi qu’une diminution de la
sécrétion de l’hormone de la faim, la ghréline.
Le régime cétogène permet ainsi une perte de
poids et une amélioration de facteurs de risque
cardiovasculaire chez des patients en surpoids.
C’est ce que démontre une étude parue en 2015
dans la revue High Blood Pressure & Cardiovascular
Prevention [7].
• Intolérance aux glucides [8]
L’intolérance aux glucides se manifeste sous
différentes formes : résistance à l’insuline,
diabète de type 2, stéatose hépatique (foie gras),
syndrome métabolique... Les études montrent
qu’une diète cétogène permet de prévenir le
diabète et ses complications chez les patients
déjà diabétiques. Malheureusement, la grande
majorité des diabétologues continuent à
conseiller de consommer de « bons glucides » à
chaque repas… démarche qui ne prend pas assez
en compte les recherches récentes et de la simple
logique physiologique !
A côté de ces pathologies, le régime cétogène est de
plus en plus étudié et proposé dans le traitement
de nombreuses autres affections, parmi lesquelles,
les maladies neurologiques, l’insuffisance
respiratoire et les cancers.
• Maladies neurologiques
La nutrition cétogène aurait un impact positif dans
de nombreuses affections neurologiques : épilepsie
bien sûr, mais aussi céphalées et migraines [9],
troubles du sommeil, maladie d’Alzheimer [10],
Hippocrate - Automne 2019
maladie de Parkinson [11], tremblement essentiel,
traumatismes cérébraux, dépression, troubles du
spectre autistique [12], etc.
Comme on l’a vu précédemment, les corps
cétoniques franchissent aisément la barrière
hémato-encéphalique ou ils sont synthétisés
in situ dans le cerveau et pénètrent dans les
neurones où ils constituent un excellent substrat
énergétique cérébral, augmentant la production
d’ATP et améliorant le fonctionnement
mitochondrial. Ils abaissent le stress oxydatif
cérébral et des livres récents [13] attestent des
bienfaits du régime cétogène, ou tout au moins
de la restriction glucidique (low carb), dans les
affections neurologiques [14].
• Cancer
Dans les années 1920, un médecin et physiologiste
allemand, Otto Warburg (prix Nobel de Médecine
en 1931) découvre que la cellule cancéreuse a
un métabolisme énergétique bien différent de
celui de la cellule saine. Cette cellule « dévoyée »
consomme énormément de glucose (jusqu’à 200
fois plus que la cellule saine !) en « shuntant »
la mitochondrie et le dégrade en acide lactique
même en présence d’oxygène. On parle d’effet
Warburg.
Cette particularité de la cellule cancéreuse
est utilisée en imagerie médicale depuis 1975 :
le TEP Scan (Tomographie par Émission de
Positrons ou PET en Anglais) est un examen qui
consiste à injecter dans l’organisme du glucose
radioactif : celui-ci va se fixer sur les tumeurs et/ou
métastases, puisque leurs cellules sont de grandes
consommatrices de sucre.
Mais ce métabolisme particulier n’est étudié que
depuis quelques années à visée thérapeutique.
Aux USA, le Docteur Walter Longo, gérontologue,
a déjà démontré l’intérêt du jeûne (qui permet la
synthèse de corps cétoniques) dans le traitement
du cancer. C’est en 2014 que paraît l’ouvrage
intitulé : « Le régime cétogène contre le cancer »,
rédigé par trois biologistes allemands, le Professeur
Ulrike Kämmerer et les Docteurs Christina
Schlatterer et Gerd Knoll. En France, fin 2016, le
Dr Laurent Schwartz, oncologue, publie à son
tour « Cancer, un traitement simple et non toxique »
dans lequel il explique l’intérêt de l’alimentation
cétogène couplée à la prise concomitante de deux
compléments alimentaires, l’acide alpha-lipoïque
dont le rôle est de relancer le fonctionnement
de la mitochondrie déficiente dans la cellule
cancéreuse, et l’hydroxycitrate. Les deux ouvrages
cités s’appuient sur plusieurs études scientifiques
démontrant l’intérêt de cette approche dans le
traitement du cancer [15].
Schématiquement, la nutrition cétogène dans le
cancer agit essentiellement sur trois paramètres :
Revue professionnelle de naturopathie
• La glycémie reste très basse, ce qui « affame »
la cellule tumorale incapable d’utiliser les corps
cétoniques.
• Il n’y a plus de pics d’insuline, hormone
pro-inflammatoire quand elle est en excès :
l’inflammation chronique fait le lit des maladies
dégénératives dont le cancer ;.
• Enfin, l’un des corps cétonique, l’acide β-hydroxy-
butyrique serait peut-être, comme son cousin
l’acide butyrique (synthétisé par le microbiote
à partir des fibres alimentaires), un modulateur
épigénétique.
D’autre part, on sait que l’effet Warburg est
responsable de la cachexie cancéreuse : le glucose
étant surconsommé par les cellules cancéreuses,
l’organisme doit puiser dans ses réserves et utiliser
en particulier les protéines musculaires pour en
combler le déficit. Le régime cétogène qui permet
la synthèse d’un autre substrat énergétique que
le glucose et comporte une part importante de
lipides permet au patient cancéreux de ne pas
perdre de poids, voire d’en gagner un peu.
Quelques études [16] récentes sur l’effet de la
nutrition cétogène dans le cancer semblent
convaincantes pour réduire la progression
du cancer de l’estomac, de certaines tumeurs
cérébrales et pulmonaires. Des études sont en
cours pour connaître l’impact du régime cétogène
dans d’autres types de tumeurs.
La nutrition cétogène en pratique
Avant toute chose, le régime cétogène se doit
d’être hypotoxique, car « nous sommes faits de ce
que nous mangeons » : les aliments doivent nous
apporter un maximum d’éléments nutritifs et
N U T R I T I O N
un minimum d’intrants chimiques. Pour rappel,
ces aliments sont ceux que consommaient nos
ancêtres paysans au début du 20ème siècle,
et ce depuis des milliers d’années : « crus et
nus », locaux et de saison, n’ayant subi aucune
transformation industrielle. Pour trouver les
aliments authentiques, il faut la plupart du
temps se tourner vers l’agriculture biologique.
Rappelons que pour les personnes malades, les
aliments authentiques doivent composer 100% de
leur assiette.
La nutrition cétogène ou ketogenic diet repose sur
trois principes très simples :
• Consommer des glucides en toute petite
quantité ;
• Consommer des protéines en quantité suffisante ;
• Remplacer les glucides par des lipides
Très peu de glucides
Contrairement aux lipides et aux protéines,
il n’existe pas de glucides « essentiels ». Les
81.
légumes contiennent tous des glucides. Le foie
peut les synthétiser (néoglucogenèse) à partir des
triglycérides (glycérol), de certains acides aminés
et de l’acide lactique. Enfin, une alimentation
presque exclusivement carnée (comme par
exemple celle des Inuits) apporte des glucides
sous forme de glycogène, molécule de réserve du
glucose dans le foie et les muscles des animaux
qu’ils consomment.
Pour atteindre et maintenir un état de cétose
(disparition de la faim, bien-être physique
et intellectuel), il est essentiel de limiter
drastiquement l’apport en glucides de manière à
rester en-dessous du seuil de déclenchement de la
cétose. Celui-ci est variable selon la morphologie
et le métabolisme individuel. La limite supérieure
est d’environ 50 grammes par jour. La présence de
corps cétoniques dans les urines est le censeur. Un
écart éventuel sur un aliment glucidique peut être
compensé par une activité physique adaptée.
Bien sûr, le sucre sous toutes ses formes (blanc,
complet), le miel, le sirop d’érable sont totalement
proscrits dans l’alimentation cétogène. Les
édulcorants sont à éviter le plus possible car ils
leurrent l’organisme et entretiennent le goût
du sucre. La consommation des céréales, des
légumineuses et des féculents (pommes de
terre, patates douces, châtaignes) est également
incompatible avec ce type de régime. Les fruits
ne font pas partie de l’alimentation cétogène,
à l’exception d’un peu de baies (framboises,
myrtilles, etc.).
Les légumes apportent pour la plupart peu de
glucides et sont indispensables car alcalinisants,
riches en fibres, antioxydants, vitamines et
minéraux.
Il faut en revanche modérer, voire éviter la
consommation de légumes à index glycémique
élevé : panais, carottes, betteraves… Le contrôle
des corps cétoniques dans les urines est l’arbitre.
Des protéines en quantité suffisante
Contrairement à une idée répandue, le régime
cétogène n’est pas un régime hyperprotéiné.
Mais la couverture des besoins en protéines reste
essentielle. En cétose, les besoins sont de 1,2 à 1,5 g
de protéine / kg de poids « santé ».
Les lipides, les nutriments-clé
Dans la nutrition cétogène, les lipides remplacent
les glucides pour un apport calorique optimal.
Les acides gras seront brûlés directement dans
les mitochondries des cellules (cycle de Krebs) ou
convertis en corps cétoniques dans les hépatocytes
et les astrocytes. Tous les acides gras peuvent être
consommés, qu’ils soient saturés, mono-insaturés
ou polyinsaturés. Seuls les acides gras trans
« technologiques » sont à proscrire.
Quels lipides consommer ?
Des graisses d’origine végétale et animale, à
82.
condition que les animaux aient été élevés et
nourris conformément aux besoins de leur espèce.
Ces graisses contiennent un mélange équilibré
d’acides gras saturés et insaturés.
A noter que l’huile de coco est une solution
« douce » pour produire plus facilement des corps
cétoniques.
Que peut-il se passer en début d’alimentation
cétogène ?
Passer d’une alimentation classique à une
alimentation cétogène riche en matières grasses
entraîne une révolution métabolique et quelques
jours sont en général nécessaires pour activer
pleinement cette voie énergétique alternative.
Quand la synthèse de corps cétoniques
s’enclenche, il peut s’en suivre un regain d’énergie
dont l’organisme va profiter pour faire le ménage,
ce qui n’est pas nécessairement confortable. La
diète cétogène est fatigante pendant environ deux
semaines, le temps que l’organisme devienne
« céto-adapté ». Certains symptômes peuvent
survenir, mais de façon transitoire : maux de tête,
nausées, hypoglycémie, haleine fruitée… Ces
désagréments n’excèdent pas en général une ou
deux semaines et prouvent que l’organisme réagit.
La constipation est un symptôme assez fréquent
au début de l’alimentation cétogène.
Dr Monique Béjat
Quelques livres
Le régime cétogène contre le cancer, Pr. Ulrike
Kämmerer, le Dr Christina Schlatterer et le Dr
Gerd Knoll aux éditions Thierry Souccar, 2014.
Céto Cuisine, Magali Walkowicz aux éditions
Thierry Souccar, 2015.
Le grand livre de l’alimentation cétogène,
Ulrich et Nelly Genisson chez Leduc
éditions , 2017.
Vive l’alimentation cétogène, Dr Alexandra
Dalu et Alix Lefief-Delcourt, 2016.
Mes programmes cétogènes, Olivia Charlet
Aux Editions Mosaïque-Santé chez Leduc
éditions , 2017.
A Paoli, A Rubini, J S Volek et K A Grimaldi.
European
Journal of Clinical Nutrition (2013) 67, 789–
796.
Hippocrate - Automne 2019
[1] https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/
detail/obesity-and-overweight
[2]https://www.planetoscope.com/Sante-autre/2021-l-
obesite-en-france.html
[3] https://www.federationdesdiabetiques.org/
information/diabete/chiffres-france
[4] https://www.federationdesdiabetiques.org/
information/definition-diabete/chiffres-monde
[5] Neal, E.G., Chaffe, H.M., Edwards, N., Lawson, M.,
Schwartz, R., Fitzsimmons, G., Whitney, A., Cross, J.H.,
2008. The ketogenic diet for the treatment of childhood
epilepsy: a randomised controlled trial. Lancet Neurol.
7, 500–506.
Fang Ye, Xiao-Jia Li, Wan-Lin Jiang, Hong-Bin Sun,
and Jie Liu : Efficacy of and Patient Compliance with
a Ketogenic Diet in Adults with Intractable Epilepsy: A
Meta-Analysis. J Clin Neurol. 2015 Jan;11(1):26-31.
Alan W.C. Yuen, Isabel A. Walcutt, Josemir W. Sander
: An acidosis-sparing ketogenic (ASK) diet to improve
efficacy and reduce adverse effects in the treatment of
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[6] Ana I. Castro ,Diego Gomez-Arbelaez ,Ana
B. Crujeiras,Roser Granero,Zaida Aguera,Susana
Jimenez-Murcia ,Ignacio Sajoux ,Patricio Lopez-
Jaramillo,Fernando Fernandez-Aranda, andFelipe F.
Casanueva, Effect of A Very Low-Calorie Ketogenic
Diet on Food and Alcohol Cravings, Physical and
Sexual Activity, Sleep Disturbances, and Quality of Life
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compared with a low-fat diet in severe obesity. N. Engl
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Foster HR Wyatt JO Hill A randomized trial of a low-
carbohydrate diet for obesity. N Engl J Med 2003 (348).
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of a Very Low-Carbohydrate Ketogenic Diet on
Cardiometabolic Factors: A Multi-Center, Cross-
Sectional, Clinical Study. High Blood Press Cardiovasc
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[8] Bruce R Bistrian, M.D., Ph.D., George L Blackburn,
M.D., Ph.D., Jean-Pierre Flatt, Ph.D., Jack Sizer,
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Sherman, B.A., Nitrogen Metabolism and Insulin
Requirements in Obese Diabetic Adults on a Protein-
Sparing Modified Fast, Diabetes 1976 Jun; 25(6): 494-504.
Rena R. Wing, Elaine Blair, PhD, Marsha Marcus,
PhD, Leonard H. Epstein, PhD, Jean Harvey,Rena
R. Wing, PhD∗, Elaine Blair, PhD, Marsha Marcus,
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long weight loss treatment for obese patients with
type II diabetes: Does including an intermittent very-
low-calorie diet improve outcome?, The American
Journal of Medicine, October 1994, Volume 97, Issue 4,
Pages 354–362.
Jørgen Vesti Nielsen & Eva Joensson, Low-carbohydrate
diet in type 2 diabetes. Stable improvement of
bodyweight and glycemic control during 22 months
Revue professionnelle de naturopathie
follow-up, Nutrition & Metabolism, volume 3,
Article number: 22 (2006).
Hussein M. and Al, Beneficial effects of ketogenic diet
in obese diabetic subjects, Molecular and Cellular
Biochemistry, August 2007, Volume 302, Issue 1–2, pp
249–256.
[9] C Di Lorenzo, G Coppola, G Sirianni, F Pierelli : Short
term improvement of migraine headaches during
ketogenic diet: a prospective observational study in
a dietician clinical setting. J Headache Pain. 2013;
14(Suppl 1): P219.
[10] Matthew K. Taylor, Debra K. Sullivan, Jonathan
D. Mahnken Jeffrey M. Burns , Russell H. Swerdlow,
Données de faisabilité et d’efficacité d’une intervention
de régime cétogène dans la maladie d’Alzheimer,
Alzheimer et démence: recherche translationnelle et
interventions cliniques, Volume 4 , 2018, pages 28-36.
[11] Phillips MCL, Murtagh DKJ, Gilbertson LJ, Asztely
FJS, Lynch CDP. Low-fat versus ketogenic diet in
parkinson’s disease: A pilot randomized controlled
trial. Mov Disord. 2018 Aug 11.
[12] El-Rashidy O, El-Baz F, El-Gendy Y, Khalaf R, Reda
D, Saad K. Ketogenic diet versus gluten free casein free
diet in autistic children: a case-control study. Metab
Brain Dis. 2017 Dec;32(6):1935-1941. doi: 10.1007/s11011-
017-0088-z. Epub 2017 Aug 14.
[13] « Ces glucides qui menacent notre cerveau » du Dr
David Perlemutter, neurologue américain
« GAPs, le régime entéropsychologique » du Dr Natasha
Bride-Campbell.
[14] Paoli A, Bianco A, Damiani E, Bosco G. Ketogenic
diet in neuromuscular and neurodegenerative diseases.
Biomed Res Int. 2014;2014:474296.
[15] NDLR : Seules des études cliniques préliminaires
ont pour l’heure étaient conduites chez l’Homme dont
les résultats suggèrent un bénéfice potentiel dans les
N U T R I T I O N
cancers du côlon et du cerveau. Source : La Nutrition.
fr, 10 idées reçues sur le régime cétogène, mis à jour le
19 mars 2019.
[16] Haibo Liu, Danshan Huang, David L. Mcarthur,
Laszlo G. Boros, Nicholas Nissen, and Anthony P.
Heaney. Fructose Induces Transketolase Flux to
Promote Pancreatic Cancer Growth. Cancer Research,
August 1, 2010.
A Low Carbohydrate, High Protein Diet Slows Tumor
Growth and Prevents Cancer Initiation; Victor W. Ho et
al;Cancer Res July 1, 2011 71; 4484.
83.
 Cp
J U R I D I Q U E
À savoir...
Devoir du naturopathe
Comme tout autre professionnel, le naturopathe
français doit relever d’un dispositif de médiation
de la consommation et permettre à ses clients
d’y avoir recours gratuitement.
Le code de la consommation français stipule
dans ses articles L et R 616-1 l’obligation de
communiquer à ses clients les coordonnées du
ou des médiateurs de la consommation dont le
naturopathe, comme tout autre professionnel,
relève. Ces informations doivent être écrites de
manière visible et lisible sur son site internet,
sur ses conditions générales de vente ou de
service, sur ses bons de commande ou, en
l’absence de tels supports, par tout autre moyen
approprié. Il y mentionne également l’adresse
du site internet du ou de ces médiateurs. En cas
de manquement, le naturopathe est passible
d’une amende pouvant aller jusqu’à 3000€ pour
une personne physique et 15 000€ pour une
personne morale.
Vous ne relevez pas encore d’un dispositif
de médiation? Vous retrouverez toutes les
informations utiles sur https://www.economie.
gouv.fr/mediation-conso. Sachez par ailleurs
l’OMNES et le SPN proposent des adhésions
négociées et étudiées pour les naturopathes.
Pour plus de facilités, n’hésitez pas à vous
rapprocher de ces organisations professionnels.
OMNES : www.omnes.fr
SPN: www.syndicat-naturopathie.fr
84.
Facture : rappel des règles
Le prix de votre consultation ou de votre
prestation est supérieur à 25 euros? Vous avez
l’obligation d’émettre une facture à votre client.
En cas de manquement, la sanction peut aller
jusqu’à 3000€ d’amende.
C’est l’arrêté n°83-50/A du 03/10/1983 relatif à
la publicité des prix de tous les services qui
le précise : «toute prestation de service doit faire
l’objet, dès qu’elle a été rendue et en tout état de cause
avant paiement du prix, de la délivrance d’une note
ou d’une facture lorsque le prix de la prestation est
supérieur ou égal à 25 € (TVA comprise).Pour les
prestations de service dont le prix est inférieur à
25 € (TVA comprise), la délivrance d’une note est
facultative, mais celle-ci doit être remise au client s’il
la demande. »
La facture doit obligatoirement mentionner :
- la date de rédaction de la note ; le nom et
l’adresse du prestataire,
- le nom du client, sauf opposition de celui-ci,
- la date et le lieu d’exécution de la prestation,
- le décompte détaillé, en quantité et prix, de
chaque prestation et produit fourni ou vendu,
soit dénomination, prix unitaire et désignation
de l’unité à laquelle il s’applique, quantité
fournie,
- la somme totale à payer hors taxes et toutes
taxes comprises. La facture doit être établie en
double exemplaire. L’original est remis au client,
le double doit être conservé par le prestataire
pendant une durée de deux ans et classé par
ordre de date de rédaction.
Hippocrate - Automne 2019
DROIT
D AN S
L E S
Y E U X

Crédit photo: DR
Interview d’Isabelle Robard Après la publication en 1991 d’un premier ouvrage
référencé par l’Organisation Mondiale de la Santé
(O.M.S.) en 1994, et un investissement pour les libertés
En l’absence de cadre thérapeutiques dans les milieux des médecines non-
conventionnelles, Isabelle Robard prête serment
réglementaire pour la à Paris en 1996. Passionnée par le droit de la santé,
elle est amenée à l’enseigner en Faculté. Son
naturopathie aujourd’hui cabinet s’y consacre pleinement afin de défendre
et conseiller aussi bien les professionnels de santé,
en France, Isabelle Robard, que les laboratoires et les fabricants, notamment
ceux de compléments alimentaires, de plantes, de
Docteur en droit, avocate produits homéopathiques, d’oligo-éléments, ainsi
que les agriculteurs et producteurs de plantes, les
passionnée qui a fait de associations, les syndicats et les fédérations d’écoles
ou de professionnels.
la prévention juridique Isabelle Robard conduit également une activité de
juriste-lobbyiste dont l’objectif est de faire évoluer la
un enjeu majeur de son législation et la réglementation en matière de santé

engagement, nous éclaire

aussi bien sur le plan national qu’européen.

Bibliographie
sur les droits et les devoirs
J U R I D I Q U E

La santé hors la loi, les hors la loi de la santé ; 1994

de tout bon et sérieux Médecines non-conventionnelles et droit ; Litec 2002
(en cours de réédition)
naturopathe. Elle nous livre Santé, mensonges et propagande : arrêtons d’avaler
n’importe quoi ! (avec Th. Souccar) ; Seuil 2004
ici son point de vue sur Isabelle Robard a également préfacé et assuré la relecture
l’avenir réglementaire de la juridique de plusieurs livres :
L’expertise judiciaire en ostéopathie de F.Dahdouh et R.
naturopathie en France. Carbonaro ; De Boeck 2011
Plaidoyer pour l’herboristerie de Th. Thevenin ; Actes sud
2013

Revue professionnelle de naturopathie

85.
Interview
Maitre Robard, la naturopathie n’étant pas encore
reconnue en France et la profession de naturopathe
non réglementée, pouvez-vous nous rappeler le
cadre légal dans lequel les naturopathes exercent
aujourd’hui leur profession ?
Suite aux travaux juridiques que nous avons menés en
remontant jusqu’au Moyen-Âge, nous avons constaté
que l’infraction d’exercice illégal de la médecine fixée
par l’article L 4161-1 du code de la santé publique
remontait dans sa définition actuelle à 1803. Ce qui veut
dire concrètement que la loi française n’a pas évolué
alors que les besoins de la société ont considérablement
changé. Potentiellement, faute de réglementation
adaptée aux naturopathes, ces derniers peuvent encore
être poursuivis dès lors qu’ils outrepassent leur cadre
d’intervention.
Le droit de l’Union européenne que nous pratiquons
beaucoup laisse les États membres s’organiser lorsque
des disparités de réglementations existent, dès lors qu’il
n’y a pas de discrimination entre les Français et les
ressortissants de l’Union européenne.
Les naturopathes sont ainsi soumis à certaines
obligations …Pouvez-vous nous rappeler lesquelles?
Compte tenu de l’évolution de la jurisprudence que
nous avons largement contribué à faire évoluer, il est à
noter que dès lors que la pratique du professionnel reste
dans le bien-être, dans la prévention, dans le confort,
dans l’hygiène de vie, il ne peut pas en principe lui être
reproché d’être en infraction. De ce fait, un naturopathe
pour être en accord avec le droit français, doit être clair
dans sa façon de communiquer et d’exercer.
Ce qui veut dire qu’il ne peut faire état de formations, de
diplômes que s’il en est effectivement détenteur, preuves
à l’appui ; une copie doit d’ailleurs être conservée et
tenue à disposition des services de la Répression des
fraudes.
Son site internet ne doit pas faire état d’allégations à
visée thérapeutique, curative, mais au contraire doit
faire valoir l’axe de la naturopathie qui est celui des
outils permettant à chacun d’adopter une meilleure
hygiène de vie et donc de développer son potentiel santé
en toute autonomie, puisque le naturopathe est avant
tout un éducateur de santé. Il en est de même de tous
ses supports de communication.
Le naturopathe doit également respecter le Code de
la consommation. Certains se sont émus de contrôles
effectués par les services des Fraudes depuis deux
ans, qui en réalité démontrent que la profession de
naturopathe évolue et, qu’au même titre que n’importe
86.
quelle profession, elle est également contrôlée. Les
règles essentielles liées au code de la Consommation
sont : l’affichage des tarifs de chacune des prestations
proposées, l’émission d’une facture à chaque client,
le respect des règles de vente à distance lorsque le
naturopathe se déplace au domicile de son client, la
prévision d’une possible médiation en cas d’éventuel
conflit avec un client… Et sans être exhaustif,
le naturopathe doit évidemment être assuré en
responsabilité civile professionnelle en cas de dommages
causés au client.
Dans le même temps, même s’il ne s’agit pas
d’obligations juridiques à proprement parler, il existe
néanmoins des obligations que l’on pourrait qualifier
de morales, d’éthiques ou de déontologiques que tous
les naturopathes devraient être à même de respecter.
Je pense par exemple à la publicité .
Il est bien évident qu’un naturopathe, à mon sens,
même si aucune déontologie opposable n’existe à ce
jour, doit communiquer avec « tact et mesure » et en
conséquence s’abstenir, par respect pour sa profession
mais aussi pour celles des professions médicales, de
toute publicité tapageuse. De ce fait, tous les supports
de communication qu’il utilise tels carte de visite,
papier en-tête, blog ou sites internet ou éventuellement
flyers, doivent être rédigés avec délicatesse, c’est-à-
dire notamment ne pas prétendre à des résultats, ne
pas être ostentatoires dans la façon de s’exprimer. À
souligner que certaines structures professionnelles ont
mis en place volontairement une telle déontologie. Il
est important de préciser que la très grande majorité
des plaintes, toutes disciplines de médecines non-
conventionnelles confondues, trouvent leur origine
dans ce qui est publié sur les sites internet. D’où l’intérêt
de vérifier son site avant de le diffuser.
Puisqu’on évoque ce champ-là, celui de la publicité,
les naturopathes, et c’est bien normal puisque ce n’est
pas leur métier, doivent éviter certains mots de leur
vocabulaire et de leur communication….
En droit de la consommation toute pratique
commerciale trompeuse est réprimée pénalement. Ce
qui signifie que le vocabulaire utilisé par le naturopathe
doit être sans ambiguïté et ne pas utiliser des mots qui
seraient susceptibles d’entraîner une confusion tel que
le terme « diagnostic » qui classiquement, dans le grand
public, relève plutôt d’une pratique médicale, même si
ce terme diagnostic et nous l’avons démontré par nos
travaux, n’appartient en aucun cas au monde médical
stricto sensu. Également, tout ce qui relève de la
terminologie visant à traiter une pathologie n’est bien
entendu pas de mise dans le langage naturopathique
puisqu’un naturopathe n’a pas pour objectif de traiter
des pathologies. Il sera superfétatoire de rappeler qu’en
Hippocrate - Automne 2019
 aucun cas le naturopathe ne peut faire mention de
nom de pathologies, si ce n’est pour renvoyer vers un
médecin.
Et qu’en est-il des allégations sur les plantes?
Les allégations relatives aux plantes relèvent désormais
d’un Règlement européen 1924/2006 qui fixe une
liste exhaustive d’allégations qui doivent être validées
par la commission de Bruxelles. Ce qui veut dire que
concrètement un laboratoire de produits à base de
plantes ne peut lui-même apposer sur ses étiquettes ou
sur ses supports de communication des allégations qui
n’auraient pas été autorisées par Bruxelles, au risque
d’être poursuivi. Ainsi, aussi bien le fabricant du produit
que le praticien qui les utilisent ne peuvent alléguer de
propriétés relatives aux plantes qui n’auraient pas été
validées par le droit européen.
Les naturopathes sont parfois amenés à conseiller des
compléments alimentaires sous forme de cures à leurs
clients. Sur quoi leur vigilance doit-elle se porter ?
Tout d’abord le naturopathe doit vérifier que les
compléments alimentaires qu’il conseille à ses clients
ont bien été enregistrés auprès des services centraux
de Paris DGCCRF comme compléments alimentaires.
Sinon le produit est illégal.
Depuis 2016, un fichier électronique des compléments
alimentaires enregistrés existe sur internet,
malheureusement il ne couvre que les compléments
alimentaires qui ont été enregistrés assez récemment
et non pas depuis le décret de 2006 qui a légalisé le
complément alimentaire. Dans ce cas, il appartient
au naturopathe de se rapprocher du laboratoire afin
d’obtenir la confirmation écrite que les compléments
alimentaires ont bien été enregistrés.
Par ailleurs, à mon sens, lorsque l’on embrasse la
carrière de naturopathe, c’est la nature qui devient
reine et donc le naturopathe doit aussi vérifier la
qualité des produits et est en droit de demander les
fiches techniques de traçabilité des matières premières
et des ingrédients utilisés notamment ou les analyses en
métaux lourds par exemple.
Cette prévention juridique pour laquelle vous
plaidez et, surtout pour laquelle vous œuvrez depuis
longtemps porte-t-elle ses fruits ?
Le travail de prévention juridique que j’effectue
depuis des années porte ses fruits puisque nous
n’avons quasiment plus aucune plainte à l’encontre
des naturopathes, qui en règle générale font très bon
ménage avec les professions médicales qu’ils respectent
parfaitement et avec lesquelles ils peuvent être amenés
à travailler en complémentarité sans jamais empiéter
sur aucune d’elles.
Revue professionnelle de naturopathie
Vous qui avez notamment œuvré en son temps pour la
reconnaissance de l’ostéopathie, seriez-vous d’accord
pour dire qu’en n’encadrant pas et en ne réglementant
pas le métier de naturopathe et donc les formations
à cette profession, l’État ne prend pas la part de
responsabilités qui lui incombe ? Non seulement vis
à vis des naturopathes mais aussi et peut-être même
surtout de leurs clients…
Aujourd’hui la profession de naturopathe devient
incontournable en France. La France fait partie de
l’Union européenne et conformément aux travaux de
droit comparé que j’ai menés très tôt et qui ont servi de
base pour faire évoluer le droit dans certains pays, il
est évident que la France n’est plus en accord avec les
besoins de la population. L’État ne peut répondre à un
besoin sociétal uniquement sous l’angle de l’ignorance
ou de la répression, ceci serait indigne d’une démocratie
et de sa Vox populi.
Ce sont peut-être les difficultés que l’État a pu rencontrer
avec la reconnaissance de l’ostéopathie qui le freinent
aujourd’hui ?
Je ne pense absolument pas que les difficultés rencontrées
avec les ostéopathes soient un frein. Au contraire,
puisque l’État a désormais acquis une méthodologie
(notamment passant par des référentiels métier et
formation) pour répondre à la création de nouvelles
professions dans le domaine de la santé. Le naturopathe
est un généraliste des méthodes naturelles de santé
car il utilise plusieurs outils alors que l’ostéopathe ou
le chiropracteur sont déjà des spécialistes puisqu’ils
n’utilisent que leurs mains. D’où la situation spécifique
des naturopathes.
Maître Robard, dans le cadre de vos activités de juriste
et d’avocate, vous consacrez beaucoup d’énergie à faire
évoluer la législation et la réglementation en France et
en Europe, en matière de santé. Comment envisagez-
vous l’avenir des naturopathes de France dans ce
cadre , notamment vis–à- vis du corps médical et du
code de la santé publique ?
Il est inéluctable que la profession de naturopathe
devra à terme être légalisée par les pouvoirs publics
français. Nous avions apporté notre expertise au
J U R I D I Q U E
Centre d’analyse stratégique de Matignon débouchant
sur la publication d’une note en 2012 appelant à la
légalisation des naturopathes non-médecins. Cette
prise de position officielle et historique doit servir de
base aux ministères compétents.
Ch.G
87.
 Mémoires d’étudiants
Il ponctue généralement la fin du cycle de formation : le mémoire est l’occasion pour l’étudiant
de réaliser un travail de recherches approfondi sur un sujet de son choix et d’ouvrir ainsi
certaines pistes de réflexion. Votre revue Hippocrate vous propose de publier dans chaque
numéro une sélection d’abstracts permettant de découvrir certaines des thématiques traitées
par les étudiants en naturopathie.
Ici, la notion d’autonomie dans l’accompagnement naturopathique et les préparations de
plantes d’Hildegarde de Bingen confrontées à l’approche scientifique.

La naturopathie,

Crédit photo: DR
un chemin d’autonomie
Auteure : Marion Henry
Tuteur : Dominick Léaud-Zachoval
Année : Année 2015
École : ÆSCULAPE / Promotion Hipaïa 2010-2013

Résumé
La naturopathie se propose de faciliter l’accès au niveau individuel,
et à titre collectif (via l’éducation à la santé), à une autonomie dans le
domaine de la santé et plus largement dans la conduite de sa vie. Marion Henry, naturopathe
Ce projet ambitieux est possible du fait du caractère transversal de et iridologue, exerce en cabinet
la notion d’autonomie qui traverse tous les domaines de la société : à Forcalquier (Alpes de Haute-
politique, éthique, éducation, médecine… Ce travail emprunte à tous Provence) depuis septembre 2013.
ces différents champs pour tenter d’éclairer un paradoxe : comment Elle est certifiée par l’école libre
est-il possible, concrètement, pour le naturopathe, d’accompagner de naturopathie Æsculape et par
la faculté de ‘’se donner à soi-même ses propres règles’’ (étymologie la FÉNA. Auparavant elle a géré
d’autonomie) ? Ce cheminement ne se fait-il pas, par définition, seul ? un grand jardin en maraîchage
Et, plus largement, pourquoi et jusqu’à quel point est-il souhaitable de biologique pendant plus de 15
rechercher une autonomie dans le domaine de la santé ? ans et a obtenu une maîtrise de
Ce voyage nous conduit à définir les sens et nuances de la notion philosophie. L’accompagnement vers
d’autonomie et sa relation à l’éducation. Il permet de préciser ses l’autonomie dans la santé passe par
apports dans le domaine de la santé et les enjeux de société que cette la transmission pédagogique, c’est
notion pose. Et enfin, il permet de la situer précisément dans le champ pourquoi elle anime régulièrement
de la naturopathie, à laquelle elle est, de fait, intrinsèquement liée et, des conférences et une émission
plus largement, de clarifier son apport dans les processus de guérison. radio mensuelle : Santé au Naturel.
Elle encadre également des séjours
de jeûne préventif. Plus d’infos sur :
Mots-clés : Autonomie ; naturopathie ; médecine mécaniste ; médecine www.enequilibre.org
holistique ; médecine intégrative ; santé ; guérison ; force vitale ; posture du
thérapeute ; écoute bienveillante.

Fondée en 2007, l’école de naturopathie Æsculape est implantée à Aix-en-

Provence et à Lyon. Agréée par la FÉNA, le parcours de formation proposé est
pensé à taille humaine, privilégiant l’accompagnement individuel, et agencé
selon un rythme compatible avec une vie familiale et professionnelle.
www.aesculape.eu

Hippocrate - Automne 2019

88.
Douze préparations d’Hildegarde de Bingen
confrontées à la recherche scientifique moderne
Auteure : Noémie Achet-Piret
Tutrice : Mélody Molins

Crédit photo: DR
Année : Année 2017
École : Institut Hildegardien

Résumé
Une approche naturopathique datant du Moyen-Âge est-elle
susceptible d’intéresser les naturopathes du XXIe siècle ? Telle est la
question face aux écrits d’Hildegarde de Bingen. Pourtant, les succès
thérapeutiques obtenus par cette approche invitent à se demander
quels éclairages scientifiques modernes peuvent aider à comprendre
les raisons de son efficacité.
Les préparations de plantes préconisées par Hildegarde de Bingen
au XIIe siècle ont été redécouvertes au milieu du XXe siècle par un Noémie Achet-Piret est naturopathe
médecin allemand, le Dr Hertzka. Face à l’efficacité de ces mélanges de et formatrice en naturopathie
plantes dans sa pratique médicale, il a consacré sa vie à les vulgariser. hildegardienne. Diplômée en
Aujourd’hui, ces préparations sont toujours utilisées et leur efficacité naturopathie à l’Institut Hildegardien
est attestée de manière empirique par de nombreux naturopathes. en 2016, elle s’est spécialisée dans
Mais, qu’en est-il des principes actifs des plantes qui donneraient une l’approche d’Hildegarde de Bingen.
explication scientifique de ces résultats ? Les avancées modernes en Elle exerce cette discipline ainsi
matière de recherches scientifiques peuvent-elles aider à comprendre que la réflexologie plantaire et
l’efficacité de ces synergies de plantes ? le massage Amma en cabinet à
Ce travail confronte les indications données par Hildegarde de Bingen Rennes et Nantes. Formatrice en
pour douze préparations, aux études scientifiques modernes sur les naturopathie hildegardienne depuis
principes actifs des plantes qui les composent. Les préconisations 2017, elle enseigne au sein de l’Institut
d’Hildegarde de Bingen sont extraites de ses écrits, traduits par Pierre Hildegardien, anime des séjours
Monat et des livres du Dr Wighard Strehlow. Les écrits scientifiques de revitalisation et propose des
ont été cherchés et consultés en ligne sur la plateforme Pubmed. journées de découverte de l’approche
Notre recherche aboutit à deux constatations. D’une part, si les hildegardienne.
recherches scientifiques modernes ont étudié de nombreuses plantes,
certaines restent tout à fait ou presque inexistantes de ces études. Parmi
ces plantes non étudiées et qui ont une grande importance dans les
préparations d’Hildegarde de Bingen, nous pouvons citer : Asplenium
scolopendrium, Arum maculatum et Meum athamanticum. D’autre
part, dans de nombreux cas, les indications données par Hildegarde
de Bingen sont corroborées par les recherches modernes sur les
principes actifs des plantes. Nous soulignerons que les explications
scientifiques confirment l’intelligence et la justesse des synergies de
ces préparations.

Premier centre francophone dédié à l’approche d’Hildegarde de Bingen depuis

13 ans, agréé par la FÉNA, l’Institut Hildegardien propose une formation de
naturopathie inspirée du cursus allemand de Heilpraktiker. La formation,
dispensée par une équipe européenne de professionnels, garantit aux étudiants
un bagage solide ouvrant les portes du monde du travail. Les diplômés sont aussi
formés pour travailler en collaboration avec le corps médical.
www.institut-hildegardien.com

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Revue professionnelle de naturopathie

89.
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Parution octobre 2019
Tout savoir sur la respiration Éditions Hildegarde

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Cet ouvrage, nourri par une longue expérience clinique de l’auteur, est un véritable
guide pratique du jeûne qui permettra à tous d’accéder à la pleine santé du corps et de
l’esprit.

Hippocrate - Automne 2019

90.
 Au moment où parait le premier numéro de la revue
Hippocrate, nous tenons à remercier toutes celles et
ceux, auteurs, professionnels, particuliers, organisations
professionnelles, entreprises et institutionnels, tant en
France qu’à l’étranger qui ont accueilli avec enthousiasme
notre projet et qui l’ont soutenu dès les premières heures.
Notre gratitude va à toutes les personnes qui nous ont
accordé leur temps et soutenu par leurs belles énergies au
cours de la préparation du premier numéro d’Hippocrate.
Enfin, nous remercions chaleureusement les nombreuses
personnes qui nous ont accordé leur confiance en se pré-
abonnant à la revue, cela nous a encouragé et nous a porté
tout au long de sa préparation.

Vous souhaitez vous abonner à la revue Hippocrate,

rendez-vous sur
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 Primum non nocere
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Tolle causam
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Deinde purgare
Deinde •purgare
Docere
•
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Vol.1 N°1

Hi
Hippocrate