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BTP : le port du harnais, symptomatique du

débat entre protection collective et


individuelle
09/06/2022

Pourquoi ne pas ajouter une protection individuelle à la collective


quand c’est possible ? Le mieux est-il l’ennemi du bien ? Avec un quasi
consensus concernant les échafaudages, mais un vrai débat pour les
nacelles, le port du harnais illustre bien cette controverse française.
En France, la prévention collective prévaut sur la prévention individuelle. Autrement dit,
on recourt à un EPI (équipement de protection individuelle) seulement si la protection
collective ne suffit pas à réduire le risque. Cette philosophie n’est pas strictement
partagée dans tous les pays. La question du port du harnais dans le secteur du BTP en
est l’illustration : la législation française ne l’impose que dans certains cas précis, mais
des préventeurs – l’OPPBTP en tête – le recommandent dans davantage de situations,
en prenant exemple sur les pratiques à l’étranger.

L’article R4323-61 du code du travail indique que "lorsque des dispositifs de protection
collective ne peuvent être mis en œuvre à partir d'un plan de travail, la protection
individuelle des travailleurs est assurée au moyen d'un système d'arrêt de chute
approprié [...]". Pour les échafaudages, l’OPPBTP traduit donc la réglementation par : le
harnais est obligatoire dès qu’ils sont non MDS. MDS signifie "montage, démontage en
sécurité" : lors du montage, le garde-corps du niveau N+1 est installé depuis le niveau
N, et inversement en phase de démontage.

Mohamed Trabelsi, responsable du domaine EPI à l’organisme, explique : "Dans un


MDS, le travailleur est lui-même dans un équipement de protection collective. Dans un
non MDS, il est exposé donc il n’y a pas d’autre solution que de l’équiper d’un harnais".
Aujourd’hui, le recours aux MDS est fortement recommandé – et ces échafaudages sont
majoritaires –, mais pas obligatoire.

Vincent Giraudeaux, coordinateur SPS (sécurité et protection de la santé), concède qu’il


faut un harnais en cas d’échafaudage non MDS, mais il fustige son recours en cas de
MDS, donc de présence d’une protection collective. Selon lui, ajouter une protection
individuelle risquerait de causer des effets pervers. "Si on doit porter le harnais une
semaine, on risque de l’oublier tout en diminuant sa vigilance, pense-t-il. Avec un
harnais, on peut être tenté de faire de l’acrobatie". D’après lui, l’aspect praticité devrait
aussi être pris en compte : "Pour réaliser une tâche dangereuse de 20 minutes,
d’accord. Mais monter un échafaudage peut prendre plusieurs semaines donc au bout
d’un moment, travailler avec un bout de corde qui tombe dans les pattes…".

Le débat des nacelles


À l’inverse, "nous considérons que dans certaines situations, la protection individuelle
ne doit pas être mise en opposition avec la protection collective", expliquait Paul
Duphil, directeur général de l’OPPBTP il y a quelques mois lors d’une conférence de
presse. Pour lui, c’est le cas pour les nacelles. Il raconte : "Dans le monde entier, la
recommandation est plutôt de porter un harnais quand on monte dans une nacelle. On
considère que le risque que la personne tombe du panier est plus élevé que le risque de
se blesser à cause de l'attache en cas de renversement de la nacelle".

Concrètement, alors que la réglementation n’impose pas le port du harnais dans les
nacelles, l’OPPBTP recommande d’y porter un EPI de retenue. Il s'agit d'une "ceinture
d’assujettissement, dont le rôle sera de maintenir [l'opérateur] dans la plate-forme" et
destinée à limiter ses mouvements pour l’empêcher d’atteindre des zones où une chute
pourrait se produire.

De son côté, l’INRS parle juste du port "éventuel" d’EPI dans les nacelles, sans préciser
dans quels cas, tout en maintenant que "ce n’est que lorsqu’il y a impossibilité
technique de mettre en œuvre des protections collectives que le recours à des EPI
contre les chutes de hauteur peut être envisagé". Une position strictement conforme
aux principes généraux de prévention et différente de celle de l’OPPBTP, donc.

Vincent Giraudeaux distingue, lui, les nacelles dites ciseaux, qui ne nécessitent pas de
harnais selon lui, des nacelles télescopiques, où le harnais éviterait d’être "catapulté".
Dans le premier cas "vous êtes sur un vrai plateau de travail : si vous avez un harnais
là-dedans, il vous embête toute la journée", explique-t-il. Dans le second, le travailleur
évolue de toute façon sur une superficie très limitée.

De nouveaux standards ?
Attention, le harnais ne s’accroche pas n’importe où. Si la nacelle est conforme à la
norme EN 280, un point d’ancrage est indiqué dans la notice. Souvent, le fabriquant
l’indique aussi par une marque de couleur sur l’équipement, mais l’usure la fait parfois
disparaître. Vincent Giraudeau recommande de vérifier régulièrement l’état des harnais
"qui peuvent s’abîmer très vite".

"L’OPPBTP compte continuer à agir pour faire accepter comme un standard le fait d’être
attaché dans les nacelles", prévient Paul Duphil. La DGT (direction générale du travail),
l’INRS et l’OPPBTP seraient en train d’en débattre, nous indique Mohamed Trabelsi. Les
échanges pourraient aboutir à de simples préconisations, accompagnées d’un guide
précis, ou bien d’une modification réglementaire.

Pauline Chambost

Source URL: https://www.actuel-hse.fr/content/btp-le-port-du-harnais-symptomatique-du-de-


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