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Sciences Géologiques.

Bulletin

Epigénies manganésifères successives dans le gisement de


Moanda (Gabon)
Francis Weber, Jacques Leclerc, Georges Millot

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Weber Francis, Leclerc Jacques, Millot Georges. Epigénies manganésifères successives dans le gisement de Moanda
(Gabon). In: Sciences Géologiques. Bulletin, tome 32, n°4, 1979. Rôle des épigénies dans l'enrichissement des gîtes
minéraux météoriques : quatre exemples. pp. 147-164;

doi : https://doi.org/10.3406/sgeol.1979.1562

https://www.persee.fr/doc/sgeol_0302-2692_1979_num_32_4_1562

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Résumé
L'étude du gisement de Moanda, au Gabon, montre que l'accumulation minérale s'est faite au
cours de l'altération météorique, par épigénies successives. La première épigénie remplace à
volume constant, dans la roche mère, les carbonates triples (Mg, Ca, Mn) par le carbonate de
manganèse qui cristallise en rhodochrosite. Après quoi, deux itinéraires sont possibles. Ou bien le
faciès à rhodochrosite évolue au niveau de la nappe et c'est la deuxième épigénie qui remplace à
volume constant le «schiste» à rhodochrosite par la manganite, puis par la pyrolusite. Ou bien le
faciès à rhodochrosite évolue au-dessus de la nappe, par abaissement de celle-ci, et c'est la
troisième épigénie qui remplace le «schiste» à rhodochrosite par des produits mal cristallisés
voisins du cryptomélane. Les calculs et appréciations montrent que la première épigénie est
responsable d'une accumulation absolue de 70 % de Mn par rapport à la roche mère, que les
deuxième et troisième épigénies provoquent des redistributions et concentrations irrégulières qui
peuvent doubler ou même tripler, localement, ces teneurs. Enfin, après des altérations,
dissolutions et lessivages, le minerai tout -venant, ainsi naturellement enrichi par accumulation
relative, atteindra les teneurs de 43 à 44 °/o en Mn. Ainsi, les épigénies successives apparaissent-
elles comme les responsables de l'enrichissement absolu du gisement, avant sa concentration
relative par lessivage.

Abstract
The study of the manganese deposit of Moanda (Gabon) shows that mineral accumulation took
place during weathering by successive epigeneses. In parent rock, the first epigenesis replaces
the (Mg, Ca, Mn) triple carbonates by manganese carbonate which crystallizes in the form of
rhodochrosite, with preservation of the initial volume. Then two itineraries are possible. Either, the
rhodochrosite fades evolves at the level of the water table and this is the second epigenesis
replacing the rhodochrosite shale by manganite with preservation of the volumes, then by
pyrolusite. Or, the rhodochrosite facies begins its evolution above the water table, by lowering of
the latter and this is the third epigenesis which replaces rhodochrosite by badly crystallized
products similar to cryptomelane. Calculations and appreciations show that the first epigenesis is
responsible for an absolute accumulation of 70 % Mn as compared to parent rock, that the second
and third epigeneses give rise to redistributions and irregular concentrations which may locally
double or triple these percentages. Lastly, after weatherings, dissolutions and lixiviations, the
crude ore thus naturally enriched by relative accumulation will reach Mn contents of 43-44 %.
Consequently, the successive epigeneses are considered to be responsible for the absolute
enrichment of the ore deposit, before its relative concentration by lixiviation.

Zusammenfassung
Untersuchungen der Manganlagerstätte Moanda, Gabon, zeigen, dass sich dort die
Mineralanreicherungen im Laufe der meteorischen Verwitterung durch fortschreitende Epigenese
vollziehen. Die erste Epigenese ersetzt bei konstantem Volumen im Ausgangsgestein die (Mg, Ca,
Mn)-Karbonate durch Mangankarbonate die als Rhodochrosit kristallisieren. Anschliessend sind
zwei Entwicklungen möglich. Zum einen entwickelt sich die Rhodochrosit Fazies im Niveau des
Grundwasserspiegeb, das ist die zweite Epigenese : bei konstantem Volumen werden zunächst
die Rhodochrositschiefer von Manganit und dann von Pyrolusit verdrängt ; zum anderen entwickelt
sich die Rhodochrositfazies oberhalb des Grundwassers, durch Absenkung desselben, das ist die
dritte Epigenese : die Rhodochrositschiefer werden durch schlecht kristallisierte, dem Kryptomelan
benachbarte Produkte, verdrängt. Berechnungen und Abschätzungen zeigen, dass die erste
Epigenese für eine absolute Mn-Anreicherung von 70 % gegenüber dem Ausgangsgestein
verantwortlich ist, dass die zweite und dritte Epigenese eine Umverteilung und unregelmässige
Konzentrationen verursachen, die diese Gehalte lokal verdoppeln oder sogar verdreifachen
können. So wird daraus schliesslich infolge Verwitterung, Lösung und Auslaugung ein Roherz
durch relative Anreicherung, das Mn Gehalte von 43 bis 44 % aufweist. Die fortschreitende
Epigenese bewirkt somit eine absolute Anreicherung des Mangans bevor es durch Auslaugung
eine relative Konzentration erfährt.
\ч ?

Sei. Géol., Bull., 32, 4, p. 147 - 164, Strasbourg, 1979

EPIGENIES MAN GANËSIFÈRES SUCCESSIVES


DANS LE GISEMENT DE MOANDA (GABON)

Francis WEBER*, Jacques LECLERC** et Georges MILLOT*

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INTRODUCTION

Le gisement de Moanda place le Gabon au troisième rang des producteurs mondiaux de manganèse, après l'URSS
et l'Afrique du Sud. Mis en exploitation en 1962 par la Compagnie minière de l'Ogooué (COMILOG), il produit actuel¬
lement environ deux millions de tonnes de minerai métallurgique à haute teneur (50 à 52 % Mn) et 70 000 tonnes de
bioxyde de manganèse pour piles électriques. Les réserves, estimées au départ à 200 millions de tonnes de «minerai
marchand» (YIGIER, 1963), se répartissent principalement sur les deux plateaux de Bangombé et d'Okouma.
Les conditions d'affleurement, particulièrement favorables, permettent l'exploitation à ciel ouvert du minerai
de manganèse, à l'aide de puissantes draglines. La couche de minerai, de 3 à 9 m d'épaisseur, est extraite après décapa¬
ge d'un horizon stérile d'épaisseur comparable. Le «minerai marchand» obtenu par concassage, débourbage et criblage
est acheminé vers le port de Pointe-Noire (Congo-Brazzaville) par téléphérique et chemin de fer.
La première description géologique du gisement a été donnée par BAUD (1954, 1956) ; les premières détermina¬
tions minéralogiques sont dues à CAILLERE (1954). Des études minéralogiques plus fines ont été entreprises par BOU-
LADON (1961, 1963) sur le plateau de Bangombé et notamment dans la zone de première exploitation. Les résultats
de ces études sont résumées dans BOULADON et al. (1965). La mise en évidence, dans un sondage profond, d'un pro-
tore carbonaté a permis de proposer une interprétation génétique globale du gisement (WEBER, 1969 et 1970), qui a
été reprise et précisée par LECLERC et WEBER (1976).
Selon ces interprétations, le minerai exploitable s'est formé et continue à se former par altération d'une «ampé-
lite carbonatée» appartenant à la série du Francevillien. Il est apparu que les phénomènes d'épigénie tiennent une
grande place dans les enrichissements successifs qui ont permis de passer d'une roche mère contenant 10 à 15 % de
manganèse métal, à un minerai qui en contient 45 à 55 %.
Nous comprenons le mot épigénie dans le sens strict des vieux auteurs : «remplacement d'un minéral par un au-

*** Compagnie
Centre de Sédimentologie
minière de l'Ogooué
et Géochimie
(COMILOG),
de la Surface,
Moanda Institut
(République
de Géologie,
gabonaise).
1 rue Blessig, 67084 Strasbourg Cedex.
148 F. Weber, J. Leclerc et G. Millot

tre, de nature et de composition différentes». Il est fréquent que les épigénies respectent les formes du minéral remp¬
lacé ; dans ce cas, on parle de pseudomorphose. L'épigénie au sens strict est un phénomène plus général : même quand
le détail des formes et des structures du matériel remplacé n'est plus reconnaissable, il y a, par définition, épigénie si
l'on peut démontrer que les volumes remplacés ont été conservés. L'épigénie est donc un remplacement, minéral par
minéral, avec conservation des volumes. Ce maintien des volumes peut être démontré à l'échelle de l'affleurement, à
l'échelle de l'échantillon et à l'échelle microscopique.
Dans le gisement de manganèse de Moanda, les phénomènes d 'épigénie se succèdent et sont responsables de la
genèse du gisement. Ce sont ces phénomènes d'épigénie enrichissante en manganèse qui sont étudiés ici.

I - LE CONTEXTE GÉOLOGIQUE

La région de Moanda est occupée par les formations du Francevillien, série à dominance détritique et volcano-
sédimentaire, très peu métamorphique, qui repose en discordance sur le vieux socle du Chaillu daté à 2700 MA (BON¬
HOMME et WEBER, 1969 ; BONHOMME et a/., 1977). Le léger métamorphisme du Francevillien n'atteint même pas
l'anchizone dans la région qui nous intéresse ici (WEBER, 1969 ; GAUTHIER-LAFAYEet al ., 1977). Il est daté à en¬
viron 1800 MA (BONHOMME et al., 1965, 1977), mais le dépôt des sédiments est certainement antérieur à 2000 MA
(GANCARZ, 1977 ; DEYILLERS et al, 1977 ; RUFFENACH, 1977 et 1979).
Les gisements de manganèse forment l'entablement de plateaux qui, d'une altitude de 600 m, dominent de 250m
le paysage environnant. Le substratum est constitué par les sédiments horizontaux de la formation FBj (WEBER, 1969).
Surmontant environ 1000 m de grès de base (F A), la formation FBi, de 270 m de puissance sur le plateau de Bangom-
bé, est constituée en majeure partie de sédiments pélitiques et ampélitiques, dans lesquels sont intercalés des niveaux
gréseux parfois conglomératiques et des dolomies. Elle est surmontée par une assise gréseuse (FB2), à laquelle succèdent
les formations volcano-sédimentaires des termes supérieurs du Francevillien : FC, FD et FE.
Le tiers supérieur de la formation FBi est manganésifère sur une puissance qui atteint 75 m à Bangombé ; c'est
ce niveau qui constitue le «pro tore» du gisement. Le niveau manganésifère est souvent précédé, notamment sur le pla¬
teau d'Okouma, d'un horizon ferrifère constitué d'une alternance de lits millimétriques et centimétriques de jaspes et
de lits riches en fer. Le fer y est exprimé sous forme de pyrite, sidérite et phyllosilicates (greenalite et stilpnomélane).
La teneur en phosphore de l'horizon ferrifère est élevée, supérieure à 1 %.
L'origine du manganèse doit vraisemblablement être recherchée dans un volcanisme sous-marin contemporain du
dépôt des sédiments FBi et les manifestations hydro thermales qui l'accompagnent. Le volcanisme sous-marin FBi est
bien connu dans différentes régions ; des évidences particulièrement spectaculaires de cette activité volcanique et hydro-
thermale d'âge FBi ont été relevées par B. MICHEL (observations inédites) dans l'exploitation du gisement d'uranium
d'Oklo, très proche de Moanda.
Les principaux gites manganésifères de la région de Franceville - Moanda (fig. 1) affleurent sur les plateaux de
Bangombé et d'Okouma. Sur le plateau de Bangombé, dont la superficie totale est d'environ 40 km2, la couche man¬
ganésifère couvre environ 20 km. Un placage de grès rapporté à l'assise FB2 occupe la partie sud-est du plateau. Sur
le plateau d'Okouma, situé à une dizaine de kilomètres au NW du précédent, la couche manganésifère couvre 13 km.
L'exploitation actuelle se trouve sur le plateau de Bangombé, mais la mise en exploitation du plateau d'Okouma est en
projet. D'autres plateaux minéralisés sont connus dans la région de Franceville - Moanda : plateaux de Bafoula, Yéyé,
Massengo, Bénioumi, MenabOyali, Okonga etc. Mais la superficie minéralisée totale de l'ensemble de ces plateaux n'ex¬
cède pas une quinzaine de kilomètres carrés et le minerai y est dans l'ensemble de qualité médiocre. Des indices de
manganèse existent dans d'autres régions où affleure la série du Francevillien : Okondja, Lastoursville, Booué,
NTDjolé etc.
Dans la seule région de Franceville - Moanda, partie sud de l'aire occupée par les terrains francevilliens que l'on
désigne généralement sous le nom de «bassin de Franceville», l'extension initiale du niveau manganésifère de la forma¬
tion FBi était importante. On peut considérer que les 50 km des plateaux minéralisés sont les témoins d'une forma-
Epigénies manganésifères dans le gisement de Moanda (Gabon) 149

tion manganésifère qui occupait 500 km et qui a été en grande partie dégagée par l'érosion. Par ailleurs, il est vraisem¬
blable que la formation manganésifère subsiste actuellement encore sous les grès FB2 et les niveaux supérieurs du Fran-
cevillien sur une superficie d'au moins 200 km.
Formation de* gres de Lépaka
Formation des ampéiitet ■(tufs d* la Bambai*
FC Formation dn jaspes d«M'Vengué
MOUNANA t I F 02b Formation dn pélites d* la Ojoumou
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Mangan««das plateaux
Formation ferrifêre d'Okouma-Bafoula
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d'Okouma *•••••• plateau **
Bafoula Formation des g res d* Maotnga
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avec conglomérats thorifères


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1 L de Mabinga - 448 m (CEA)
# sondages2géologiques
s. de BangomM - 351 m (COMILOG)
3 OK 21 - 560 m (COMUF) 4 BA2 - 950 m (COMUF)
Fig. 1 — Situation géologique du gisement de Moanda

II - COUPE TYPE DU GISEMENT (fig. 2)

Traditionnellement, on distingue dans la coupe type du gisement (BAUD, 1956 ; BOULADON et al., 1965) :
les «schistes» du substratum , la couche de base, le niveau à plaquettes, le niveau de transition et le recouvrement
pisolitique. Le niveau à plaquettes est le principal horizon productif, le niveau de transition et le recouvrement pisoli-
tique dont lesduteneurs
l'extraction minerai.en manganèse n'excèdent pas 15 à 20 % sont considérés comme stériles et sont décapés avant

1. Les «schistes» du substratum

Le substratum se présente selon trois faciès bien distincts : «schiste» à rhodochrosite, «schiste» noir décarbonaté,
argile tachetée.
150 F. Weber , J. Leclerc et G. Millot

Fig. 2 — Coupe dans le minerai productif


1 — pisolites
2 — niveau de transition
3 — plaquettes
4 — niveaux indurés
5 — pisolites intraformationnels
6 — ancienne couche de base compacte en voie de destruction
7 — minerai en polypier
8 — poupée
9 — couche de base
10 — «schistes» du substratum

Le «schiste» à rhodochrosite est une roche grise à


noire, denseIletest
dimentaire. compacte,
constituéfinement
de rhodochrosite
litée, d'apparence
finement sé-
cristallisée, dispersée dans une matrice illitique riche en
matières carbonées. Des quartz détritiques d'une dimension
inférieure à 50 д sont disséminés dans la roche. La pyrite
est absente, mais la goethite en petite quantité y est sou¬
vent identifiée. La couleur grise à noire est due à l'abon¬
dance de la matière carbonée. Parfois, des lits clairs sont
constitués de rhodochrosite sparitique, presque pure ;
certains faciès, gris clair, très compacts, ont la même com¬
position. Fréquemment, des veinules de rhodochrosite rose largement cristallisée recoupent la roche, et, immédiatement
sous la couche de base, on observe des plissotements et des décollements de couche dans lesquels se développent de
belles géodes de rhodochrosite rose.
Le «schiste » décarbonaté est une roche litée, noire, friable et très légère, tachant les doigts, constituée principale¬
ment de matière organique, d'illite et de quartz avec, accessoirement, kaolinite et goethite. Sa teneur en manganèse
est généralement très faible (moins de 1 %). Il est interprété comme dérivant du «schiste» à rhodochrosite, par dissolu¬
tion et lessivage des carbonates. De fait, lorsque l'on creuse au mur de la couche dans ce type de «schiste», on retrouve
généralement, à quelques décimètres, parfois à plus d'un mètre, le «schiste» à rhodochrosite.
L'argile tachetée est une formation argileuse rouge et jaune, ayant l'aspect d'une lithomarge constituée d'illite,
kaolinite, goethite et quartz ; elle se forme par altération du «schiste» décarbonaté. Son développement est important
en bordure du plateau.

2. La couche de base

De 20 à 50 cm d'épaisseur, la couche de base est constituée de minerai massif lité, auquel est parfois associé un
faciès assez curieux qui, en raison de son aspect, a été nommé « minerai en polypier». Le litage est affecté, comme
dans les schistes du substratum, par des ondulations et des plissotements ; entre les lits qui se décollent les uns des au¬
tres, se développent de belles géodes de manganite, polianite et rhodochrosite. Des excroissances de la couche de base,
ayant l'aspect de «poupées », pénètrent par endroits dans les «schistes» . Au contact avec les «schistes» du substratum,
on observe généralement un lit de pyrolusite (pseudomorphose de manganite en polianite) de 1 à 5 cm d'épaisseur.
Lorsque le substratum est constitué de «schiste» à rhodochrosite, le lit de pyrolusite comporte, à sa base, au con¬
tact du «schiste», un liséré de quelques millimètres de manganite. Parfois des lits de pyrolusite similaires et grossière¬
ment parallèles peuvent être observés à l'intérieur même de la couche de base. Ils recoupent les plissotements des
«schistes» du substratum et de la couche de base. Dans certains cas favorables, on peut observer la continuité du litage
Epigénies manganésifères dans le gisement de Moanda (Gabon) 151

entre le .substratum et la couche de base (Pl. I, 5).

3. Le niveau à plaquettes
Le minerai se présente en plaquettes de un à quelques centimètres et en fragments plus massifs, enrobés dans
une matrice ocreuse, constituée principalement de gibbsite et de goethite ; dans cette matrice se développent de petits
pisolites. Les plaquettes ont généralement une structure finement litée, parfois perturbée par des recristallisations se¬
condaires. Certains fragments massifs offrent l'aspect d'une roche «varvée», dans laquelle apparaissent des cavités de
dissolution stratiformes, tapissées de limonite (Pl. I, 6). On peut observer, dans le niveau à plaquettes, des lentilles
massives et des lits fragmentés de pyrolusite, témoins d'une ancienne couche de base. De la même manière, on peut
observer des poupées qui, initialement formées dans les «schistes», sous d'anciennes couches de base du gisement, se
retrouvent aujourd'hui à différents niveaux de la couche minéralisée. Ces poupées sont généralement associées au fa¬
ciès polypier ». De minces lits gréseux, démantelés et cimentés par des oxydes de manganèse, ainsi que des lits de «schis¬
tes» ferrugineux, sont intercalés, à différents niveaux, dans l'horizon à plaquettes.
Les plaquettes sont, dans l'ensemble, disposées en lits à peu près horizontaux qui, dans le détail, présentent un
grand nombre de petites ondulations. Par endroits se dessinent des structures en entonnoir (fig. 2), en bordure desquel¬
les les plaquettes se disposent verticalement. Dans ces entonnoirs, qui partent toujours du sommet du niveau à plaquet¬
tes, pénètrent des éléments des horizons supérieurs (niveau de transition et pisolites).

4. Le niveau de transition

Nettement délimité par rapport au niveau à plaquettes sous-jacent, le niveau de transition s'en distingue par l'ab¬
sence générale de structure litée et par la présence d'éléments hétérogènes, parmi lesquels on remarque surtout de gros
blocs d'un grès grossier caverneux, cimenté par des oxydes de manganèse. On y rencontre, en outre, des agrégats de pi¬
solites cimentés par du cryptomélane, de rognons bauxitiques, des fragments de cuirasse ferrugineuse ou manganésifè-
re et des plaquettes de minerai dispersées sans ordre. En bordure des plateaux, le niveau de transition est induré par le
développement d'un ciment de cryptomélane ; cette induration s'étend progressivement à la couche minéralisée sous-
jacente, donnant naissance à d'énormes «boulders », très durs, de plusieurs mètres cubes.

5. Le recouvrement pisolitique

Très nettement individualisé par rapport aux niveaux sous-jacents, cet horizon est constitué exclusivement de pi¬
solites noyés dans une matière ocre-jaune, formée d'un mélange de gibbsite, goethite et quartz. Les pisolites de 3 à
6 mm de diamètre, presque parfaitement sphériques, comportent un nucléus, le plus souvent un fragment de minerai
en plaquettes, mais parfois également un fragment de cuirasse ferrugineuse, un fragment de pisolite ou un grain de
quartz autour duquel alternent de minces lits de gibbsite, goethite et lithiophorite. Au sommet de la formation pisoli¬
tique s'individualise un niveau humifère peu épais (quelques dizaines de centimètres), dans lequel on observe encore
quelques petits pisolites.

III - LA ROCHE MÈRE OU «PROTORE»

La roche mère a été recoupée, hors d'atteinte des actions supergènes, dans six sondages, un sur le plateau de
Bangombé (BA]J, quatre sur le plateau d'Okouma et Bafoula (Sd 11, 12, 13 et 14) (fig. 3) et un sur le plateau de Mas¬
sengo (COMUF-OK 24). Elle est constituée d'un shale carbonaté, riche en matières organiques, qui, à l'oeil nu, ne se
distingue pas des ampélites de la formation FB et que, pour cette raison, nous désignerons sous le nom d'«ampélite
carbonatée». Des dolomies et des grès à ciment dolomitique, ainsi que des jaspes rubanés à sidérite et pyrite, récurren¬
ces de l'horizon ferrifère sous-jacent, sont intercalés dans les ampélites carbonatées. La fréquence de ces intercalations,
dont l'épaisseur n'excède pas 2 à 3 m, s'accroît lorsque l'on s'éloigne de la zone des gisements proprement dits (pla-
152 F. Weber, J. Leclerc et G. Millot

SE s 11 NW
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Fig. 3 — Coupe géologique à travers le plateau d'Okouma
1 — pisolites ; 2 — minerai ; 3 — ampélite carbonatée manganésifère ; 4 — formation ferrifère ; 5 — pélites FBj ; 6 — grès FB2

teaux de Bangombé et Okouma).


La puissance de la formation manganésifère atteint 65 et 75 m sur les plateaux d'Okouma et de Bangombé. Les
teneurs en manganèse varient selon les faciès : 8 à 26 % dans les ampélites carbonatées, 1 à 5 % dans les intercalations
gréseuses, dolomitiques et ferrifères. La moyenne sur l'ensemble de la puissance est de 10 à 14 % selon les sondages.
Les sondages les plus riches sont ceux qui sont les plus proches des gisements BA} et Sd 11 ; les teneurs moyennes des
ampélites carbonatées y sont plus élevées que dans les autres sondages (15 à 16 % contre 12 à 13 % Mn) et les interca¬
lations gréseuses et ferrifères plus rares.
L'ampélite est constituée d'une matrice argileuse litée, très chargée en matière organique, dans laquelle sont dis¬
séminés les carbonates. Le minéral argileux est généralement de l'illite ; la chlorite n'est abondante que dans les récur¬
rences ferrifères, dans lesquelles on observe également un phosphate de calcium. La pyrite se présente en agrégats géné¬
ralement disposés dans les plans de stratification. Les éléments détritiques tels que quartz, micas altérés et feldspaths
sont peu abondants. On peut noter la présence de petites lentilles de calcédoine bordées par des carbonates en rhom¬
boèdres et des cubes de pyrite.
Les carbonates se présentent sous trois formes :
— rhomboèdres limpides,
— petites concrétions en forme de «choux-fleurs»,
— petits cristaux disséminés dans une matrice opaque.
Les rhomboèdres limpides, fréquemment corrodés, sont généralement entourés par du carbonate concrétionné à plus
forte réfringence (Pl. 1, 1). Des observations à la microsonde (Pl. I, 3-4) montrent que ces cristaux sont une dolomite
très pauvre en manganèse ; le manganèse est concentré dans le carbonate concrétionné et dans les petits cristaux dissé¬
minés dans la matrice. Le calcium est abondant dans les deux types de carbonate, tandis que le magnésium est surtout
concentré dans la dolomite. Le fer est essentiellement sous forme de pyrite. Cependant, dans les lits à haute teneur
en fer (plus de 9 à 10 %), une partie du fer se fixe dans les carbonates. On a alors, en plus de la dolomite s.s., un car¬
bonate de calcium, manganèse et magnésium et un carbonate de fer, manganèse et magnésium, ce dernier passant à
une sidérite s.s. dans les niveaux les plus riches en fer.
Les raies de diffraction sont larges du fait des variations de composition, et de la déformation de la structure
réticulaire due aux substitutions. La raie principale (104) culmine généralement entre 2,87 et 2,90 Â ; on observe assez
souvent un épaulement, parfois même un dédoublement de la raie vers 2,85  (fig. 4:1). Ceci pourrait traduire la pré¬
sence d'une phase proche de la rhodochrosite ; toutefois, les réflexions de la rhodochrosite s.s. n'ont été observées que
pour les échantillons proches de la surface (10 à 15 m). Les raies de la dolomite s.s. sont généralement masquées par
celles du carbonate manganésifère, sauf dans les niveaux gréseux et dolomitiques, où la dolomite est beaucoup plus
abondante que dans les ampélites carbonatées. Dans les échantillons riches en fer (Fe ) 9 %), apparaît, d'une manière
systématique, une raie vers 2,81 à 2,82 Â, qui correspond vraisemblablement au carbonate de Fe-Mg-Mn observé au
microscope à balayage (fig. 4:2). Cette raie se déplace vers 2,79 Â, position qui est celle de la sidérite s.s., dans les
Epigénies manganésifères dans le gisement de Moanda (Gabon) 153

Fig. 4 — Profils des raies (104) des carbonates du protore


1 — Carbonate triple (Mn, Ca, Mg)C03 : raie large
culminant à 2,875 A. Sondage de Bangombé
100 m, éch. F.W. 933
2 — Dédoublement de la raie (104) dans les échan¬
tillons riches en fer. Sondage de Bangombé 127 m,
éch. F.W. 936

H* 3< xr 20 Cu Ka

RHODOCHROSITE Fig. 5 — Composition moléculaire des carbonates triples.


MnCO Echantillon de sondage d'Okouma-Bafoula.
Les cercles correspondent aux échantillons
proches de la surface topographique

80 20

70 30
m.
60 / 43 40
KUTNAHORITE
50 so

40 60

30- 70

20 80

>90

Ca CO M g CO
90 во 70 60 50 40 зо 20
CALCITE DOLOMITE GIOBERTITE
154 F. Weber, J. Leclerc et G. Millot

échantillons les plus riches en fer, notamment dans les jaspes rubanés ferrifères.
La composition moléculaire des carbonates des échantillons des sondages d'Okouma-Bafoula a été reportée sur
un diagramme triangulaire Ca-Mg-Mn (fig. 5). Les échantillons contenant des carbonates de fer n'ont pas été pris en
compte dans cette représentation. La quasi-totalité des points se trouve à l'intérieur d'une aire triangulaire délimitée
par le pôle de la rhodochrosite, le pôle de la dolomite et le point correspondant à Ca 60 %, Mn 20 %, Mg 20 %. Les
points proches du pôle de la rhodochrosite (Mn > 75 %) correspondent tous à des échantillons proches de la surface.
Les points proches du pôle de la dolomite ou de la ligne dolomite - kutnahorite (Ca ) 40 %) correspondent à des échan¬
tillons de grès à ciment dolomitique. Ainsi, le domaine des carbonates des ampélites se restreint-il à la partie centrale
du triangle défini précédemment. Si l'on considère la dimension théorique de la maille et la position correspondante
de la raie (104) pour les carbonates situés à l'intérieur du domaine ainsi défini, on constate que la réflexion (104) de¬
vrait se situer entre 2,85 et 2,90 Â, ce qui est bien conforme à ce que l'on observe. Il faut cependant rappeler que,
dans un même échantillon, la composition du carbonate est variable, les réflexions vers 2,90 Â correspondant au pôle
le plus calcique et les réflexions vers 2,85 Â au pôle le plus manganésifère.

IV - APERÇU SUR LA GENÈSE DU GÎTE MINÉRAL

Les études antérieures (BAUD, 1956 ; BOULADON et al ., 1965 ; WEBER, 1969 ; BOUMA, 1970 ; PERSEIL et
BOULADON, 1971 ; LECLERC et WEBER, 1976) ont permis de reconstituer l'histoire du gisement. La dernière étude
a permis
la roche mère.
de mettre en évidence trois étapes, qui conduisent à une accumulation absolue du manganèse par épigénie de

1. Dans les horizons profonds du profil d'altération, vers 10 à 15 m, sous la surface topographique actuelle, les
carbonates triples (Mn, Ca, Mg)CÛ3 s011* remplacés par de la rhodochrosite МпСОз. Cette première épigénie est réali¬
sée
à rhodochrosite
dans des conditions
du substratum.
réductrices, en dessous de la zone d'altération des pyrites. Elle donne naissance aux «schistes»

2. Au niveau du sommet de la nappe phréatique, le «schiste» à rhodochrosite est épigénisé par de la manganite,
qui se transforme elle-même en pyrolusite. Cette deuxième épigénie, qui donne naissance à la couche de base, se réali¬
se lorsque la nappe est stable et peu drainée ; elle s'effectue dans des conditions oxydantes et s'accompagne d'une oxy¬
dation du manganèse Mn2+ (rhodochrosite) en Mn$+ (manganite), puis Mn+ (pyrolusite).
3. Au-dessus du niveau de la nappe, la roche mère, en voie de décarbonatation, est envahie par des oxydes de
manganèse mal cristallisés, proches du cryptomélane, oxydes qui évoluent ensuite sous différentes formes. Ces oxydes
de manganèse pénètrent dans les diaclases et les joints de stratification, aux épontes desquels la roche est épigénisée
dans sa masse. Cette troisième épigénie ne peut évidemment se produire que si la roche mère a été épargnée par la deu¬
xième épigénie. Elle fonctionne dans les zones où un lessivage trop intense ne permet pas à la couche de base de se for¬
mer ou, lorsque, par suite d'un abaissement brusque de la nappe, les terrains du substratum se trouvent brusquement
livrés à l'altération. Il peut alors se constituer une nouvelle couche de base, quelques décimètres sous l'ancienne en
voie de démantèlement, tandis que les schistes intercalaires se chargent d'oxydes. Ce mécanisme est très important, car
il rend compte, pour l'essentiel, de la formation du niveau à plaquettes. Les témoins des anciennes couches de base,
intercalés dans le niveau à plaquettes, marquent des étapes de l'enfoncement du profil.
Ces trois mécanismes dans lesquels les épigénies tiennent une place déterminante rendent compte, pour l'essen¬
tiel, de la formation du gisement exploitable à partir du protore carbonaté. Ces mécanismes sont vivants à l'heure ac¬
tuelle et peuvent être observés en action, tout au moins les deux derniers, à l'extrême base du gisement. Les transfor¬
mations qui s'opèrent, au-dessus des niveaux de la base, dans la masse du minerai tendent plutôt à une dégradation,
fragmentation et dissolution des plaquettes et finalement formation des pisolites ; celle-ci s'amorce à l'intérieur mê¬
me du niveau à plaquettes et constitue le terme extrême de la dégradation du minerai. Toutefois, des redistributions
locales à l'intérieur du niveau à plaquettes favorisent sans doute la séparation des oxydes de manganèse de leur gangue,
qui évolue rapidement vers la gibbsite et la goethite. D'autre part, il est vraisemblable qu'un lessivage mécanique d'une
Epigénies manganésifères dans le gisement de Moanda (Gabon) 155

partie de cette gangue par les eaux qui percolent à travers la masse poreuse du minerai amorce dans la nature le travail
qui sera achevé à l'usine de traitement par le débourbage.
Laissant de côté les problèmes posés par les évolutions ultérieures du minerai, nous porterons ici notre attention
sur sa genèse elle-même, c'est-à-dire sur les épigénies responsables de l'accumulation absolue de manganèse à la base de
ce gisement.

V - LA PREMIÈRE ÉPIGÉNIE : CARBONATES MIXTES -*• RHODOCHROSITE

1. Les preuves

Contrairement aux deux autres, cette épigénie carbonates mixtes -*• rhodochrosite n'a jamais pu être observée
directement
dant bien établie.
sur le terrain, car l'horizon où elle se produit n'a jamais été atteint par l'exploitation. Sa réalité est cepen¬

Dans l'exploitation, le substratum du gisement est toujours constitué, soit de «schistes» à rhodochrosite, soit de
«schistes» decarbonates, plus ou moins altérés. Jamais les carbonates mixtes de Mn, Ca et Mg n'y ont été décelés. Au
contraire, dans tous les sondages profonds des plateaux à Bangombé, Okouma et Bafoula la formation manganésifère
est constituée d'ampélites à carbonates mixtes ; la rhodochrosite n'apparaît que dans sa partie sommitale, lorsqu'elle
a été recoupée par un forage près de la surface (sondages Sd 11 et Sd 13). Par contre, lorsque la formation manganési¬
fère a été recoupée sous une couverture importante (BAi et Sd 12), les carbonates mixtes se maintiennent jusqu'au
sommet de la formation. L'enrichissement en manganèse des carbonates vers le sommet de la formation n'est donc pas
dû à un changement du sédiment lui-même, mais bien à une action supergène. Dans le sondage Sd 11, la proportion
du manganèse des carbonates est en moyenne de l'ordre de 60 % ; elle s'accroît notablement au-dessus de la profondeur
de 10 m, pour atteindre 98 % à 8 m, où les raies de la rhodochrosite sont parfaitement nettes aux rayons X. A cette
profondeur, le sédiment ne paraît pas avoir subi de transformations importantes, la pyrite ne présente aucune trace
d'oxydation, les carbonates montrent les mêmes structures que dans l'ampélite carbonatée normale. On remarque ce¬
pendant une uniformisation des reliefs et une amorce de recristallisation par plages plus vastes, qui n'oblitère en rien
les microstructures visibles en lumière naturelle. Cet aspect peut se maintenir jusque immédiatement sous la couche de
base, avec toutefois disparition des pyrites et recristallisation des carbonates en plages de plus en plus larges, sans obli¬
tération de la microstructure en lumière naturelle. On est donc ici en présence d'une épigénie parfaite de carbonates
mixtes par le carbonate de manganèse. Toutefois, immédiatement sous la couche de base, le développement de rhodo¬
chrosite bien cristallisée, entre les joints de stratification qui tendent à bâiller, dans des géodes ou dans des veinules sé¬
cantes à la stratification, ne relève plus d'un simple processus d'épigénie.

2. Le mécanisme

Le mécanisme de cette épigénie peut assez facilement être imaginé. Dans l'horizon supérieur du profil d'altéra¬
tion, l'oxydation des pyrites produit de l'acide sulfurique qui, par action sur les carbonates, donne des sulfates et du
C02-De fins dépôts de gypse, dans les joints de l'ampélite décarbonatée, témoignent de l'existence de ces sulfates.
La présence de sulfates induit, dans les horizons profonds, l'action de bactéries sulfo-réductrices qui oxydent les matiè¬
res organiques avec production de C02 et H2S. Ce sont donc des eaux agressives, et dont le caractère réducteur va ra¬
pidement s'accentuer, qui percolent à travers la formation. Les carbonates sont attaqués et le manganèse mis en solu¬
tion peut s'y maintenir à l'état bivalent sous forme d'ions et de complexes manganeux. Les eaux se chargent en bicar¬
bonates et le pH s'élève, jusqu'à ce qu'il soit tamponné par le premier carbonate qui tend à reprécipiter. Or, il est faci¬
le de démontrer que ce premier carbonate sera généralement МпСОз. En effet, le carbonate d'un élément X tel que
Ca, Mg ou Fe précipitera avant le carbonate de manganèse si

(X2-) KSXCO3
(Mn2*) Ks МпСОз
156 F. Weber, J. Leclerc et G. Millot

En première approximation, on peut considérer que le rapport d'activité des ions Mn2+, Fe2+, Ca2+ et Mg2+ sont
du même ordre de grandeur que les rapports de concentrations totales de ces éléments à la valence 2 sous toutes leurs
formes (MICHARD, 1969). Ceci correspond, dans le cas présent, aux rapports de concentration des éléments Mn, Fe,
Ca et Mg dans
suivantes : le carbonate initial qui a été dissous. Les produits de solubilité des différents carbonates ont les valeurs

KS МпСОз = 1°"10'7 ; Ks FeC03 = 10-10,5 ; Ks СзСОз = 10-8,3 ; KsMgC03 = io-5

Mg.
àdre
ganèse,
sous
des.
magnésium.
Mg)C03
mis
Bien
tefois
se àau
Le
Ildissoudre.
forme
qu'il
Le
ce
On
très
est
lessivage
manganèse
mais
que
produit
par
doit
donc
n'ait
réduite,
deAinsi
lecependant
de pyrite,
carbonate
Seul
fer
pas
àsuperficiel,
lade
prévoir
s'explique
rhodochrosite
étant
n'est
du
été
lesolubilité
lefait
carbonate
observé
généralement
fer
plus
que
remarquer
de
deon
n'est
manganèse
l'épigénie,
laabondant,
seule
des
peut
dans
rareté
pure.
decarbonates
libéré
une
fer
s'attendre
leque,
présent
des
gisement,
que
adans
quantité
dans
reprécipite,
un
lorsque
carbonates
dans
produit
les
le
de
qu'en
decarbonate
horizons
manganèse
la
infime
cedes
la zone
phénomène
même
alors
très
de
carbonates
de solubilité
de
fer
faible
d'oxydation
profonds
que
initial,
fer
manière
dans
estles
migre
quantité
beaucoup
aqui
lecarbonates
que
dudu
puà contiennent
protore
àse
même
avoir

leprofil
laproduire
dans
calcium
valence
ilplus
sede
une
ordre
de
d'altération,
lefixe
faible
la
carbonate
épigénie
calcium
etzone
localement
2une
de
àavec
que
lagrandeur
que
forte
valence
des
leledes
etceux
du
magnésium,
initial.
manganèse,
gisements.
de
proportion
carbonates
;carbonate
magnésium
son
3que
dessous
Etant
importance
lecarbonates
carbonate
forme
leon
de
pour
triple
par
calcium
doit
continuent
fer
ladliydroxy-
l'essentiel
sont
(Mn,
sidérite.
reste
de
s'atten¬
deet
Casou¬
man¬
Ca,
tou¬
leet

3. Le bilan

Le bilan de la première épigénie peut être approché par le calcul, si l'on connaît la composition initiale du proto¬
re. Nous prendrons comme exemple le sondage Sd 11 du plateau dX)kouma, pour lequel on dispose d'un échantillonna¬
ge continu du protore, sur une puissance de 48 m, en dessous du niveau d'altération. Ce protore comporte des interca¬
lations gréseuses, presque toutes localisées dans les 18 m inférieurs, et dont la puissance cumulée est de 7 m. La forma¬
tion manganésifère repose sur les jaspes rubanés ferrifères qui ont été atteints à la base du sondage, mais les récurrences
ferrifères sont d'importance négligeable dans la formation manganésifère elle-même. Le tableau I (ligne 1) donne la
composition chimique et minéralogique moyenne des ampélites carbonatées. Les analyses ont été effectuées au labora¬
toire de la COMILOG, sur demi-carottes broyées et homogénéisées, par passes de 1 m environ. Le carbone organique
n'a pas été dosé ; il semble, toutefois, que la teneur en matière organique des ampélites n'excède pas 2 à 3 % en moyen¬
ne, en dépit de la couleur très noire du sédiment. L'estimation minéralogique a été effectuée en se basant sur les don¬
nées des diagrammes de rayons X et sur les analyses chimiques.
L'épigénie des carbonates par de la rhodochrosite conduirait à multiplier par 100/ 58 = 1,72 la quantité de man¬
ganèse contenu dans un volume donné de roche. La composition que l'on obtiendrait pour la roche épigénisée a été
calculée (tabl. I, ligne 2). La légère diminution des teneurs des éléments qui n'ont pas été lessivés (Si, Al etc.) est due à
l'augmentation de densité du carbonate au cours de l'épigénie. Il y a un très bon accord entre la composition chimique
ainsi calculée et la composition réelle du substratum du gisement, tel qu'il a été échantillonné dans une petite tranchée
exécutée sur le plateau de Bangombé (section В 8) (tabl. I, ligne 4). Les échantillons du sommet du sondage Sd 11 dans
lequel l'épigénie est incomplète donnent un résultat intermédiaire (tabl. I, ligne 3).

VI - LA DEUXIÈME EPIGÉNIE : RHODOCHROSITE - MANGANITE ET PYROLUSITE

La deuxième épigénie peut très aisément être observée sur le terrain, là où la couche de base repose sur le substra¬
tum à rhodochrosite. De nombreux échantillons de pyrolusite récoltés à diverses époques, dans les puits de prospection
ou au cours de l'exploitation, en donnent une excellente image qui a été décrite par différents auteurs (BOULADON,
16,5 3,7
25 8,8
0,5
COMPOSITRIOEN DES
MOLAI CARBONATES
58 100 87,5 100
54 56 55 54
6,5 6,2 3,0
0,8 0,7 0,5 0,5
MINÉRALOGIQUE
24 23 26 14
-
COMPOSITION AI2O3
SiÛ2
MgO
CaO
Mg
Ca
Fe
Mn
Carb
Py
Ap
III
F
Q
PF
P
K20 13 12 14 20
24,0 23,0 28,3 13,4 15,31
I
michniémraloigqiuq e
et
0,12 0,11 0,09 0,09 nd 0,09 0,1
Tableau
1,7 1,6 1,0 (0Д) 0,73 (0,3) nd
6,3 6,0 5,8 1,6 7,6 6,6 10,5
CHIMIQUE
2,5 1,3 3,2 5,1
26,6 27,3
Composition
3,6 0,4 0,1 nd
<0,2 (0,1)
COMPOSITION
7,4 25,5
-
3,1
26,6 0,4 0,16 0,33 (0,2) nd
iCplrbaarboitntia es
a;IU
Ap
pyri;
c;;Py
:
3,5 som2me-9t
du
11,(3)
Sd
de
22,8
0,09
1,8
6,5
27,2
1,4
2,9
2,2
23,6
m 2,6 0,82 1,75 2,74 4,73
16,2 25,9 57,4 45,8 50,6 43,6
vandnltiecnéureatrseifs
tido:

B8
calculée
du enrichi Ampélite carbonaté
du
11,9-57
Sd
de
m rem¬
en
1
Sd
de nimas¬if
litédu
moinyteancte
: manganite 572 )mm toutvenant 04/76
16
carbonates carbonate
les Tranchée
(5) à
B8
base
de
couche :feldspaths
rhodochrosite
la plaquet es
éch) F.W. ;F
protore ampélites (43 composit on protore plaçant par protore ren hodochrosite. substratum gisement. éch)
(3 pyrolusite, minerai veau éch. minerais minerai Bangombé parenthèses nd:
nondosés
quartz
:
Q
(1) (2) (4) (6) (7) (8) entre
158 F. Weber, J. Leclerc et G. Millot

1963 ; BRICKER, 1965 ; BOULADON etal, 1965 ; WEBER, 1969 ;BOUMA, 1970 ; PERSEIL et BOULADON,
1971). Le ruban de manganite - pyrolusite est fréquemment sécant sur la stratification du substratum qu'il recoupe
comme à l'emporte-pièce. Il est visible que la stratification du substratum se poursuit dans la manganite et la pyrolusi¬
te (PL I, 5).
On doit toutefois observer que l'épigénie, au sens strict, ne s'applique qu'à l'épigénie du substratum par la man¬
ganite. En effet, la pyrolusite est une pseudomorphose de la manganite par la polianite ; la transformation s'effectue
par oxydation
l'ordre de 15 %.et déshydratation, sans apport supplémentaire de manganèse, mais avec une réduction de volume de

Cette réduction de volume est compensée par l'apparition, dans la pyrolusite, de fissures plus ou moins colmatées
par des oxydes secondaires, mais elle induit des tensions considérables, souvent responsables des décollements entre la
couche de base et le substratum. Ce sont sans doute ces tensions qui sont également responsables des déformations, dé¬
collements de couches et plissotements que nous avons signalés dans les «schistes» du substratum, immédiatement sous
la couche de base. Nous avons vu que ces déformations du sommet du substratum permettent le développement
de rhodochrosite géodique. Ainsi, entre l'épigénie 1 et l'épigénie 2, intervient souvent une accumulation supplémentaire
de manganèse sous forme de rhodochrosite géodique. C'est alors une roche très enrichie en carbonate, dont la teneur
peut dépasser 40 % Mn et qui est soumise à la deuxième épigénie. Il arrive, cependant, que la deuxième épigénie s'atta¬
que à un substratum à rhodochrosite non déformé, dans lequel la structure de la roche mère initiale est parfaitement
conservée et dont les caractéristiques sont celles qui ont été définies au paragraphe précédent.
Dans tous les cas, l'épigénie des «schistes» à rhodochrosite conduit à un lit de pyrolusite presque pure. Bien
qu'il subsiste quelques reliquats d'éléments détritiques de la roche mère (quartz, micas), il est clair que la seule épigé¬
nie des carbonates ne pourrait conduire à ce résultat : la matière silicatée a également été épigénisée par les oxydes de
manganèse.
Le bilan géochimique peut être estimé à partir de calculs isovolumétriques (MILLOT et BONIFAS, 1955). La li¬
gne 5 du tableau II doit être comparée à la ligne 4 ; ces deux lignes concernent des échantillons prélevés dans une mê¬
me tranchée, dans une zone où le substratum n'a pas subi de déformations notables au contact de la couche de base.
On constate que l'apport en manganèse est considérable, environ 240 % par rapport au substratum, tandis que 50 %
de l'alumine et du fer et 80 à 90 % de la silice et du potassium ont été éliminés. Notons que l'épigénie du «schiste»
à rhodochrosite par de la manganite pure conduirait à un enrichissement de 260 % ; on voit que l'on n'est pas très é-
loigné de cette limite supérieure théorique !

Tableau П
Bilan isooolume

Fd d poids en g dans 100 cm3 de roche


Mn Fe CaO MgO SiC>2 AI2O3 K20 P

(1) 2,8 45,4 9,8 20,7 10,1 74,5 17,6 4,8 0,34
(2) 2,92 77,7 9Д - - 74,5 17,6 4,8 0,34
(3) 2,9 68,4 6,4 8,4 4,1 78,9 18,8 5,2 0,26
(4) 2,9 75,1 7,5 1,2 1,2 79,2 16,8 2,9 0,26
(5) 4,4 253 3,6 0,7 0,4 11 7,0 (0,4) 0,4
(5') manganite pure 4,33 270
(6) 3,02 138 5,3 1,0 0,6 3,9 23,0 2,2 nd
(7) 3,20 162 8,8 (0,6) (0,3) 10,2 21,1 (1,0) 0,29
(8) 2ДЗ 92,9 10,1 nd nd 10,8 22,4 nd 0,21

nd : non dosé ; entre parenthèses : valeur donnée à titre indicatif


Epigénies manganésifères dans le gisement de Moanda (Gabon) 159

VII - LA TROISIÈME ÉPIGËNIE : RHODOCHROSITE -* CRYPTOMÉLANE

PERSEIL et BOULADON (1971) ont montré que l'oxydation de la rhodochrosite s'opérait selon deux modes
différents : «dans l'un, la rhodochrosite se transforme en manganite, puis en pyrolusite selon un processus habituel ;
dans l'autre, elle se transforme globalement, en gardant sa structure, en un constituant gris, proche du cryptomélane,
qui donne naissance à MnC>2 7, MnC>2 p et ramsdellite». Ce deuxième mode d'oxydation serait responsable de la qua¬
lité du minerai de manganèse à Moanda. Bien que cette épigénie soit le mécanisme majeur de la formation du minerai
en plaquettes, elle est plus difficile à cerner sur le terrain que la précédente. S'effectuant au-dessus du niveau de la nap¬
pe, dans une roche entièrement soumise à l'oxydation et au lessivage, elle n'est pas associée à un «front» clairement
défini, comparable à la base du ruban de pyrolusite. Des remobilisations de toutes sortes provoquent concrétionne-
ments et remplissages de fissures et de joints, qui se superposent au processus d'épigénie proprement dite. Il en résulte
des faciès variés, dont l'interprétation précise n'est pas toujours aisée. Enfin, il y a enchaînement continu, dans l'espa¬
ce et dans le temps, entre cette épigénie et les remobilisations tardives, ce qui conduit à une dégradation du minerai.
Dans certains cas, la roche mère peut être entièrement lessivée, décarbonatée et transformée en une argile bariolée. Cel-
le-ci pourra néanmoins être ultérieurement «recolonisée» par les oxydes de manganèse qui la pénètrent d'une manière
plus ou moins anarchique.
L 'épigénie parait cependant être le mécanisme majeur d'enrichissement au cours de cette troisième étape. La plu¬
part des plaquettes de minerai conservent la structure litée de la roche mère. Au microscope, on y observe des structu¬
res qui évoquent celles de la roche mère (Pl. I, 2).
Le bilan de cette épigénie peut être effectué en comparant au «schiste» à rhodochrosite des fragments massifs de
minerai en plaquettes, dans lesquels la structure initiale de la roche mère est particulièrement bien conservée (Pl. I, 6).
C'est ce qui a été fait à la ligne 6 du tableau II. Mais on peut également comparer à la roche mère des lots importants,
donc plus représentatifs, de la fraction supérieure à 16 mm du minerai. En effet, cette fraction granulométrique est
constituée principalement de plaquettes résultant, pour l'essentiel, du mécanisme qui nous intéresse ici (ligne 7 du ta¬
bleau II). Les résultats de ces deux approches sont d'ailleurs très voisins. Le bilan est sensiblement différent de celui
de l'épigénie en manganite - pyrolusite. Par rapport au «schiste» à rhodochrosite pris comme référence, l'enrichissement
en manganèse est moindre, environ 100 % au lieu de 240 %. Le fer et l'alumine, éliminés à environ 50 % lors de l'épigé¬
nie précédente, paraissent à peu près stables, avec même une légère tendance de l'alumine à s'accumuler. Il subsiste une
fraction notable de potassium. Seule la silice est éliminée dans une proportion comparable : 85 à 95 %.

Vin - LE BILAN GLOBAL

Le bilan global de l'enrichissement du gisement ne peut être obtenu par addition des bilans des trois épigénies.
1. Les trois mécanismes ne s'additionnent jamais, les épigénies 2 et 3 étant exclusives l'une de l'autre.
2. Les phénomènes ne sont pas à la même échelle.
— L'épigénie 1 opère par tranches de terrain de l'ordre de 10 m au moins.
— L'épigénie 2 opère par tranches de quelques centimètres au plus.
— L'épigénie 3 opère par tranches de quelques décimètres.
— Les vitesses de progression de ces trois épigénies sont certainement très différentes ; il est probable que l'épigénie 1
progresse beaucoup plus vite que l'épigénie 2.
3. Il y a des discontinuités, des arrêts et des reprises, ralentissements et accélérations des phénomènes, selon les
variations du niveau de la nappe, des hétérogénéités dues aux conditions locales de drainage. Certaines tranches ou cer¬
taines zones de la roche mère sont fortement épigénisées par les oxydes, alors que d'autres sont définitivement lessivées.
4. Les différentes épigénies se nourrissent les unes les autres. Les épigénies d'une nouvelle couche de base en for¬
mation sont alimentées aussi bien par le lessivage du minerai sus-jacent, ancienne couche de base et plaquettes, en voie
de dégradation, que par le manganèse des carbonates.
160 F. Weber, J. Leclerc et G. Millot

Nous avons tenté d'approcher le bilan global de l'accumulation du manganèse par un calcul de type isovolumé-
trique. Cette démarche peut paraître abusive, car les portions de minerai épargnées par l 'épigénie manganésifère sont
entièrement déstructurées. Les pertes de matière, par lessivage chimique et entraînement mécanique, y ont créé des
vides qui ont été partiellement comblés par tassement, ce qui explique les dérangements que l'on observe dans l'ordon¬
nance des plaquettes. Néanmoins, les chiffres obtenus par le calcul de type isovolumétrique permettent de donner une
valeur maximale pour les accumulations absolues et une valeur minimale pour les pertes des éléments lessivés. Le ré¬
sultat figure à la ligne 8 du tableau П.
Par rapport à la roche mère initiale, on observe un départ massif de la silice et un très léger apport apparent d'a¬
lumine et de fer. L'accumulation apparente de manganèse correspond à un doublement. Compte tenu de la réduction
probable du volume, on peut être assuré que le fer et l'alumine sont, au mieux, restés stables et que l'accumulation du
manganèse n'est pas supérieure à ce qu'elle était dans le «schiste» à rhodochrosite. Dans le minerai tout-venant, le
rapport M11/AI2O3 est même légèrement plus faible que dans le «schiste» à rhodochrosite (4,1 au lieu de 4,4).
Ainsi, seule l'épigénie des carbonates mixtes en rhodochrosite conduit-elle à une accumulation absolue de man¬
ganèse de l'ordre de 70 % à l'échelle de l'ensemble de l'horizon concerné. Les épigénies ultérieures substituent des
oxydes aux carbonates et conduisent localement à des taux d'accumulation extrêmement élevés, de 100 à 250 %. Mais
ces accumulations sont le fait d'une redistribution du manganèse au sein de l'horizon. Globalement, à l'échelle de
l'ensemble minéralisé, il n'y a plus d'accumulation ; la tendance générale serait, au contraire, au lessivage du manganèse.

IX - CONCLUSIONS

1. Epigénies successives
L'étude du gisement de manganèse de Moanda, au Gabon, montre que l'accumulation du manganèse par altéra¬
tion météorique s'est faite par épigénies successives.

2. Deux itinéraires
Ces épigénies successives possèdent un tronc commun, l'épigénie de la roche mère à carbonates triples (Mg, Ca,
Mn) en une roche à rhodochrosite. Après quoi deux évolutions sont possibles, selon que celles-ci se produisent au ni¬
veau de la nappe ou au-dessus. Au niveau de la nappe, il y a épigénie du «schiste» à rhodochrosite en manganite, puis
pyrolusite. Au-dessus de la nappe, il y a épigénie du «schiste» à rhodochrosite en oxydes de manganèse proches du
cryptomélane.

3. La première épigénie commune aux deux itinéraires : environ 50 % de carbonates mixtes Ca, Mg, Mn -*■ rhodochrosite
La roche mère est une ampélite litée qui tient environ 50 % de carbonates mixtes de Ca, Mg et Mn. Quand le
sommet de la formation approche de la zone d'altération, sous la zone d'oxydation des pyrites, la première épigénie
se produit. Les carbonates mixtes sont remplacés à volume constant, et en milieu réducteur, par le carbonate de man¬
ganèse ou rhodochrosite. L'épigénie est partielle puisque la roche mère contenait déjà du manganèse, mais l'augmen¬
tation en Mn est de 70 %. Cette accumulation est épigénique. Elle se produit sur plus de 10 m de hauteur.

4. La deuxième épigénie au niveau de la nappe : rhodochrosite manganite, puis pyrolusite


Au niveau du sommet de la nappe, dans des conditions oxydantes, le «schiste» à rhodochrosite est remplacé
(rhodochrosite et argiles), à volume constant, par la manganite (MnOOH) qui évolue en pyrolusite (MnC>2)-L'épigé¬
nie est partielle, puisque la rhodochrosite contenait déjà du manganèse, mais l'accumulation en manganèse peut attein¬
dre 250 % par rapport au «schiste» à rhodochrosite. Cette accumulation est épigénique, mais elle ne se produit au ni¬
veau de la nappe que sur quelques centimètres.
Epigénies manganésifères dans le gisement de Moanda (Gabon) 161

5. La troisième épigénie au-dessus de la nappe : rhodochrosite oxydes de Mn mal cristallisés


Si l'horizon à rhodochrosite a échappé au phénomène précédent, en se trouvant porté par la baisse du niveau de
la nappe au-dessus de celle-ci, un deuxième itinéraire est choisi. Le «schiste» à rhodochrosite est remplacé (rhodochro¬
site et argiles), à volume constant, par des oxydes mal cristallisés proches du cryptomélane. C'est le niveau à plaquettes.
Cette épigénie est partielle, car la rhodochrosite contenait déjà du manganèse, mais l'accumulation peut atteindre
100 % en Mn par rapport au «schiste» à rhodochrosite. Cette accumulation est épigénique ; elle se produit au-dessus
du niveau de la nappe sur quelques décimètres de hauteur.

6. Ces trois épigénies sont enchaînées et réitérées


— Enchaînées, car sur une dizaine de mètres, et souvent plus, la première transforme l'ampélite qui est la roche
mère. Au niveau de la nappe, sur quelques centimètres, la deuxième épigénie en manganite se produit. Les exploitants
l'appellent couche de base.
— Réitérées, parce qu'avec le temps la nappe s'enfonce de quelques décimètres. Une nouvelle couche de base à
manganite se forme au nouveau niveau du toit de la nappe. Au-dessus de cette couche de base, les «schistes» à rhodo¬
chrosite sont alors victimes de la troisième épigénie en oxydes mal cristallisés. Mais celle-ci est irrégulière, se développe
à partir des diaclases et des joints de stratification, laissant des flots et des zones carbonatées qui sont offertes à l'altéra¬
tion ferrallitique : dissolution des carbonates et altération des argiles des schistes en goethite et gibbsite.
— Et le phénomène recommence : nouvelle couche de base, nouvel horizon à plaquettes. L'enchaînement des
épigénies est réitéré, avec arrêt et reprise. Celles-ci fonctionnent toutes en même temps, mais les épigénies 2 et 3 s'en-
chafnent sur la première. Ajoutons que, dans les couches à plaquettes, les dissolutions des carbonates engendrent des
vides et souvent l'évacuation des produits d'altération.
On parvient à une sorte de karst, avec effondrements et tassements. La permanence des volumes est perdue, les
couches à plaquettes dérangées. On parvient au minerai exploité.

7. Accumulation globale
On ne peut pas calculer l'accumulation totale en additionnant les taux d'accumulation partielle, et pour plusieurs
raisons. D'abord, les épigénies 2 et 3 sont en alternative, et exclusives l'une de l'autre. Ensuite, ces trois épigénies inté¬
ressent des volumes très différents, puisqu'elles jouent sur des épaisseurs qui se mesurent respectivement en mètres,
centimètres et décimètres. De plus, les épigénies 2 et surtout 3 sont irrégulières avec des intensités différentes, voire
nulles ici ou là. Enfin, les structures originelles s'effondrent après les dissolutions et karstifications dans le niveau à
plaquettes.
Les calculs et appréciations permettent, cependant, d'observer que la première épigénie est la seule qui provoque
une accumulation absolue à l'échelle de la formation et cette accumulation est de 70 % en Mn. Après quoi, on peut
montrer que, si les épigénies 2 et 3 provoquent des accumulations locales intenses par des facteurs de 2 à 3, elles ne
sont, à l'échelle du gisement, que des redistributions. Enfin, après les effondrements et les lessivages, les teneurs sont
triplées par rapport à la roche mère, dans le minerai tout-venant.

8. En conclusion, nous pouvons dire que les hautes teneurs du gisement de manganèse de Moanda sont obtenues par
l'empilement de trois mécanismes. D'abord, une première épigénie est responsable de l'accumulation absolue du Mn à
l'échelle du gisement. Ensuite, la deuxième et surtout la troisième épigénie sont responsables de la redistribution du
manganèse et de son intense concentration locale. Enfin, des phénomènes de dissolution, de karstification, de lessivage
et d'effondrement, conservant de préférence les parties enrichies, donneront, par accumulation relative, le minerai
tout-venant. Les épigénies successives sont les phases «constructives» de cette accumulation minérale.

Manuscrit déposé en octobre 1 979


162 F . Weber, J. Leclerc et G. Millot

Summary
The study of the manganese deposit of Moanda (Gabon) shows that mineral accumulation took place during weathering by suc¬
cessive epigeneses. In parent rock, the first epigenesis replaces the (Mg, Ca, Mn) triple carbonates by manganese carbonate which crys¬
tallizes in the form of rhodochrosite, with preservation of the initial volume. Then two itineraries are possible. Either, the rhodochrosi-
te fades evolves at the level of the water table and this is the second epigenesis replacing the rhodochrosite shale by manganite with
preservation of the volumes, then by pyrolusite. Or, the rhodochrosite facies begins its evolution above the water table, by lowering of
the latter and this is the third epigenesis which replaces rhodochrosite by badly crystallized products similar to cryptomelane. Calcula¬
tions and appreciations show that the first epigenesis is responsible for an absolute accumulation of 70 % Mn as compared to parent
rock, that the second and third epigeneses give rise to redistributions and irregular concentrations which may locally double or triple
these percentages. Lastly, after weatherings, dissolutions and lixiviations, the crude ore thus naturally enriched by relative accumulation
will reach Mn contents of 43 - 44 %. Consequently, the successive epigeneses are considered to be responsible for the absolute enrich¬
ment of the ore deposit, before its relative concentration by lixiviation.

Zusammenfassung
Untersuchungen der Manganlagerstätte Moanda, Gabon, zeigen, dass sich dort die Mineralanreicherungen im Laufe der meteo¬
rischen Verwitterung durch fortschreitende Epigenese vollziehen. Die erste Epigenese ersetzt bei konstantem Volumen im Ausgangs¬
gestein die (Mg, Ca, Mn)-Karbonate durch Mangankarbonate die als Rhodochrosit kristallisieren. Anschliessend sind zwei Entwicklungen
möglich. Zum einen entwickelt sich die Rhodochrosit Fazies im Niveau des Grundwasserspiegeb, das ist die zweite Epigenese : bei
konstantem Volumen werden zunächst die Rhodochrositschiefer von Manganit und dann von Pyrolusit verdrängt ; zum anderen ent¬
wickelt sich die Rhodochrositfazies oberhalb des Grundwassers, durch Absenkung desselben, das ist die dritte Epigenese : die Rhodo¬
chrositschiefer werden durch schlecht kristallisierte, dem Kryptomelan benachbarte Produkte, verdrängt. Berechnungen und Abschä¬
tzungen zeigen, dass die erste Epigenese für eine absolute Mn-Anreicherung von 70 % gegenüber dem Ausgangsgestein verantwortlich
ist, dass die zweite und dritte Epigenese eine Umverteilung und unregelmässige Konzentrationen verursachen, die diese Gehalte lokal
verdoppeln oder sogar verdreifachen können. So wird daraus schliesslich infolge Verwitterung, Lösung und Auslaugung ein Roherz
durch relative Anreicherung, das Mn Gehalte von 43 bis 44 % aufweist. Die fortschreitende Epigenese bewirkt somit eine absolute An¬
reicherung des Mangans bevor es durch Auslaugung eine relative Konzentration erfährt.

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164 F. Weber , J. Ledere et G. Millot

PLANCHE I

1 — Ampélite carbonatée manganésifère du pro tore de Moanda. Des rhomboèdres de dolomite, souvent fortement
corrodés, sont entourés par du carbonate manganésifère concrétionné. De petites concrétions de carbonate man¬
ganésifère sont également disséminées dans la matrice opaque constituée de matière charbonneuse associée à
un peu detransmise,
Lumière pyrite. Onx distingue
160. également des grains de quartz détritique, aux formes esquilleuses. Sondage В Al-

2 — Epigénie de l'ampélite carbonatée par du cryptomélane (épigénie 3). Les structures que l'on observe, soulignées
xpar250.
la présence d'un peu de goethite, évoquent celles de la photo précédente. Abouka. Lumière transmise.

3 et 4 — Cartes du calcium (photo 3) et du manganèse (photo 4) sur une section polie de l'ampélite carbonatée man¬
ganésifère. Au centre, le cristal de dolomite (D), d'aspect corrodé, est dépourvu de manganèse. Il est auréolé par
le carbonate de manganèse et calcium. Sondage BA}. 75 m. MEB. x 300.

5 — Fragment de la couche de base, plateau de Moanda. On distingue deux lits de pyrolusite correspondant à deux
positions successives du sommet de la nappe. Sous le lit inférieur, subsiste le «schiste» à rhodochrosite ; entre
les deux lits, et au-dessus du deuxième lit, le «schiste» est épigénisé par les oxydes de manganèse. Le «schiste»
à rhodochrosite est plissoté ; on peut voir que le litage du «schiste» se poursuit à travers les lits de pyrolusite
(épigénie 2) et à travers les oxydes entre les deux lits de pyrolusite (épigénie 3). 0,5 x grandeur nature.

6 — Plateau de Moanda, fragment de minerai lité du niveau à plaquettes. L'échantillon est constitué de produits
crypto cristallisés ou amorphes proches du cryptomélane, dans lesquels s'individualisent des lits clairs formés
de Mn02 cryptocristallin ou de lithiophorite (détermination de P. PICOT, BRGM). La structure sédimentaire
de l'échantillon est parfaitement respectée par l'épigénie 3. Noter la présence de cavités de dissolution tapissées
de limonite. Ech. F.W. 572. 0,8 x grandeur nature.
PLANCHE I

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