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Sciences Géologiques.

Bulletin

Les argiles triasiques du Maroc et leur évolution diagénétique et


métamorphique. Triassic clays of Morocco and their diagenetic and
metamorphic evolution
Saâd Benchekroun, Alain Piqué, Jacques Lucas, Yves Besnus, Dominique Robillard

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Benchekroun Saâd, Piqué Alain, Lucas Jacques, Besnus Yves, Robillard Dominique. Les argiles triasiques du Maroc et leur
évolution diagénétique et métamorphique. Triassic clays of Morocco and their diagenetic and metamorphic evolution. In:
Sciences Géologiques. Bulletin, tome 40, n°3, 1987. Métamorphisme anchizonal et développement de la schistosité. pp. 285-
293;

doi : https://doi.org/10.3406/sgeol.1987.1767

https://www.persee.fr/doc/sgeol_0302-2692_1987_num_40_3_1767

Fichier pdf généré le 15/06/2018


Résumé
Les minéraux argileux des séries triasiques marocaines constituent deux associations minérales dont
chacune est liée à un environnement sédimentaire particulier. La première, à illite plus ou moins
dégradée, interstratifiés 14C-14Sm irréguliers et argiles fibreuses, caractérise la plate-forme stable de
la Meseta. La seconde, à illite cristalline et chlorite, est marquée également, dans ses fractions les plus
fines, par des anomalies géochimiques et par une réhomogénéisation isotopique K-Ar totale datant de
la fin du Trias ; elle ne se rencontre que dans les zones, Atlas et bassins atlantiques, fortement
subsidentes au Trias. Ces faits suggèrent que, si dans les zones de plate-forme l'évolution
diagénétique est restée faible, les séries atlasiques et atlantiques ont été transformées par un
métamorphisme anchizonal à épizonal pénécontemporain de leur dépôt.

Abstract
Clay minerals of Triassic series of Morocco form two mineral associations, each restricted to a
sedimentary environment. The first includes illite, more or less degraded, irregular 14C-14Sm mixed-
layer mineral and fibrous clays. It characterizes the stable Meseta platform. The second association is
constituted by illite and chlorite. In its finest fractions, it shows geochemical anomalies and the K-Ar
isotopic rehomogenization was complete by the end of Triassic. This association is found only in the
Atlas and the Atlantic basins which were subsident basins during Triassic. In the platform, the
diagenetic evolution of Triassic series was weak. On the contrary, those deposited in the subsident
basins have been subjected to a very low or low-grade metamorphism, penecontemporaneous with
their deposition.
Sei. Géol., Bull., 40, 3, p. 285 - 293, Strasbourg, 1987

LES ARGILES TRIASIQUES DU MAROC


ET LEUR ÉVOLUTION DIAGÉNÉTIQUE ET MÉTAMORPHIQUE

Saâd BENCHEKROUN*,
Yves BESNUS** et Dominique
Alain PIQUÉ**,
ROBILLARD***
Jacques LUCAS**,

environnement
caractérise
fines,
que
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épizonal
RÉSUMÉ
dans
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Diagenèse, Maroc, Trias

Triassic clays of Morocco and their diagenetic and metamorphic evolution


ABSTRACT — Clay minerals of Triassic series of Morocco form two mineral associations, each restricted to a sedimentary environment.
The first includes illite, more or less degraded, irregular 14C-14Sm mixed-layer mineral and fibrous clays. It characterizes the stable Meseta
platform. The second association is constituted by illite and chlorite. In its finest fractions, it shows geochemical anomalies and the K-Ar
isotopic rehomogenization was complete by the end of Triassic. This association is found only in the Atlas and the Atlantic basins which
were subsident basins during Triassic. In the platform, the diagenetic evolution of Triassic series was weak. On the contrary, those deposited
in the subsident basins have been subjected to a very low or low-grade metamorphism, penecontemporaneous with their deposition.
Diagenesis, Morocco, Triassic

INTRODUCTION

A l'exception du craton ouest-africain, représenté dans les provinces méridionales du pays, le Maroc a été
affecté au cours du Paléozoïque supérieur par l'orogenèse hercynienne. Par la suite, en discordance sur les séries
paléozoïques plissées et succédant localement à des dépôts permiens intramontanes, les séries triasiques se sont
déposées, amorçant la transgression mésozoïque. Sur l'ensemble du pays, elles montrent la même succession
lithostratigraphique, paléontologiquement datée du Trias supérieur (BiRON et Courtinat, 1982 ; Le Marrec
et Taugourdeau, 1982) :
— A la base, la série commence souvent par un conglomérat remaniant les terrains paléozoïques et elle se
poursuit par une série rouge gréseuse, passant à des argiles salifères. Les sels sont généralement du gypse et de
l'anhydrite, mais aussi de l'halite et, dans les bassins sédimentaires, des sels de potassium.
— Au-dessus de la série gréso-pélitique, on rencontre une ou plusieurs intercalations de basaltes à texture
doléritique, toujours très altérés à l'affleurement. Les structures des coulées indiquent des conditions variables

****** Esso-Rep,
ONAREP,
Institut de 213
Géologie,
avenue
coursdeVictor
1France,
rue Blessig,
Hugo,
Rabat,33321
67084
Maroc.
Strasbourg
Bègles, France.
Cedex, France.
286 S. Benchekroun et al.

pour leur mise en place, soit à l'air libre (Bernasconi, 1983), soit sous une tranche d'eau relativement peu
profonde (COGNEY et al., 1974). A leur base, ces coulées peuvent provoquer sur quelques centimètres un
métamorphisme de contact avec la série sous-jacente.
— Au sommet de la série triasique, lorsque celle-ci est complète, on retrouve un niveau sédimentaire rouge,
moins gréseux et plus pélitique que la série inférieure.
Si les faciès triasiques varient peu entre les diverses régions du Maroc, l'épaisseur de la série et sa position
structurale diffèrent par contre d'un domaine à l'autre (fig. 1) :

с
Localités étudiées
(studied outcrops) :
1 : bassin de Khemisset
2 : bassin des Doukkala
3 : O. Nefifikh
4 : bassin de Rommani
5 : Essaouira
6 Argana
7 : Taza-Ouest
: 8 Taza-Est
9 Guercif
: : :
10 Beni-Snassen
11 : Demnat
12 : Azrou
13 : Ait Assou
14 : Midelt
15 Jerada
:

Fig. 1 — Les affleurements triasiques (noir) dans les domaines mésétiens et atlasiques.
Triassic series (black) in the Meseta and Atlas domains.

— Dans la Meseta (Meseta occidentale et orientale), domaine stable depuis la fin des plissements hercy¬
niens, la couverture triasique, relativement mince, est horizontale et affleure largement : c'est le cas des
« bassins » de Rommani, des Doukkala, etc.
— Dans la chaîne atlasique (Moyen-Atlas et Haut-Atlas), plissée depuis le milieu du Mésozoïque jusqu'au
Cénozoïque, la série triasique est plus épaisse, particulièrement dans l'Atlas occidental (bassin d'Argana)
(Tixeront, 1973). Elle est conservée au cœur des structures anticlinales atlasiques.
— Les séries rifaines, au Nord du Maroc, elles aussi plissées, sont restées en dehors de cette étude.
C'est la comparaison des séries triasiques dans ces divers domaines qui fait l'objet de la présente note. On
résumera ici les observations minéralogiques et géochimiques réalisées par BENCHEKROUN (1985) sur plus de
600 échantillons provenant de 45 coupes et sondages répartis sur l'ensemble des domaines mésétien et atlasique.

I — MINÉRALOGIE DE LA FRACTION FINE (<2 fim)

Après extraction, la fraction fine des grès et des argilites échantillonnés a été étudiée par diffractométrie aux
rayons X selon la procédure décrite par L ARQUÉ et W EBER (1978). La détermination des minéraux argileux dans
Les argiles triasiques du Maroc 287

chaque échantillon est détaillée par BENCHEKROUN (1985). Elle est présentée ici d'une manière synthétique
(fig. 2).

s'*

★ 21

ooО О о OO
.<&*' О

Regional
Fig.dans
des2inoccurrences
—minéraux
the
lesRépartition
Triassic
séries des
triasiques.
ofseries.
clay
argiles
régionale
minerals

А, В minéraux à 14 Ä (A : série pélitique inférieure ; В : série pélitique supérieure).


41 : smectite.
chlorite ; 2 interstratifié irrégulier 14C-14Sm ; 3 interstratifié régulier 14C-14Sm ;
:
:

С, D : minéraux à 10 Â de type illite (C série pélitique inférieure ; D série pélitique supérieure).


:

correspondant
tion
1 cristallinité
diagénétique.
auélevée
métamorphisme
correspondant
anchizonal
au métamorphisme
; 3 faible cristallinité
épizonal correspondant
; 2 cristallinitéà une
moyenne
évolu¬
:

E minéraux fibreux.
:

1 présence de sépiolite (série pélitique inférieure) et d'attapulgite (série pélitique supérieure) ;


2 absence de minéraux fibreux.
: :

A, В : 14 Â minerals (A : lower pelitic series ; В : upper pelitic series).


1 : chlorite ; irregular 14C-14Sm mineral ; 3 : regular 14C-14Sm mineral ; 4 : smectite.
C, D : 10 Â (illite-type) minerals (C : lower pelitic series ; D : upper pelitic series).
I : high crystallinity index corresponding to the low-grade metamorphism ; 2 : medium crystallinity
index corresponding to the very low-grade metamorphism ; 3 : low crystallinity index corresponding
to the diagenesis.
E : fibrous minerals.
1 : occurrence of sepiolite (lower pelitic series) and attapulgite (upper pelitic series) ; 2 : absence of
the fibrous minerals.
288 5". Benchekroun et al.

1. Les minéraux à 10 Â
Les illites s.l. sont présentes dans la plupart des échantillons étudiés. Elles ont été caractérisées par leur indice
de cristallinité (Kubler, 1964 ; DUNOYERde Segonzac, 1969 ; FREY et al. , 1980 ; KISCH, 1980) qui mesure le
degré d'organisation cristalline du minéral, entre une illite ouverte, dégradée, et une phengite ou une muscovite
vraie. Dans la série gréseuse et pélitique inférieure sous-jacente à Intercalation basaltique, les illites étudiées
montrent une cristallinité relativement élevée, spécialement dans le Haut-Atlas central et occidental et dans la
région d'Essaouira. Certaines régions de Meseta occidentale présentent le même indice de cristallinité élevé pour
les minéraux à 10 Â. Mais pour ceux-ci, le diagramme de Rey et KUBLER (1983) montre qu'il s'agit de fragments
de muscovites détritiques. CHAMLEY et Debrabant (1983) concluent aussi à une origine détritique pour les
séries contemporaines de la marge atlantique marocaine. Pour la série pélitique supérieure, susjacente aux
coulées basaltiques, les illites les mieux cristallisées proviennent toujours du Moyen-Atlas : Taza-Est (Robil-
lard et Piqué, 1981) et Guercif. Par contre, celles de Taza-Ouest et de Beni-Snassen et, surtout, celles de la
Meseta occidentale sont caractérisées par une cristallinité relativement basse.
Si l'on rassemble les données concernant la série inférieure et la série supérieure, on remarque donc que, dans
l'ensemble, les minéraux à 10 Â les mieux cristallisés se rencontrent dans la chaîne atlasique et la région
d'Essaouira, alors que ceux de la Meseta occidentale et de la Meseta orientale sont des illites ouvertes, à part
certaines muscovites détritiques observées localement en Meseta occidentale. On peut noter par ailleurs que la
chaîne atlasique et la région d'Essaouira sont caractérisées par une large prédominance du polytype de type 2M
sur le type 1M et que ce rapport s'inverse dans le domaine mésétien.

2. Les minéraux à 14 Â

Dans la série pélitique inférieure, les minéraux à 14 Ä sont peu abondants, surtout dans la Meseta
occidentale. Ce sont surtout des interstratifiés irréguliers de type 14C-14Sm. La chlorite vraie, sans feuillets
gonflants, n'existe que dans le Haut-Atlas central et dans le bassin d'Essaouira. La smectite est peu abondante.
Dans la série pélitique supérieure, les minéraux à 14 Â sont nettement plus abondants que dans la série
inférieure, surtout dans le Haut-Atlas et le Moyen-Atlas où ils peuvent parfois constituer la totalité de la
paragenèse argileuse. Dans cette série supérieure, les interstratifiés 14C-14Sm sont irréguliers en Meseta
occidentale. Vers l'Est et vers le Sud, leur réseau se régularise et l'interstratifié régulier (corrensite) apparaît. Vers
l'Est de la Meseta occidentale, le Moyen-Atlas septentrional et la région d'Essaouira, c'est une chlorite
magnésienne qui représente les minéraux à 14 Â, souvent associée à l'illite. Ailleurs, dans les affleurements
étudiés du Haut-Atlas et de la Meseta orientale, la série supérieure n'est pas représentée.

3. Les minéraux fibreux

La sépiolite et l'attapulgite sont présentes dans les mêmes proportions dans les niveaux argileux, respective¬
ment dans la série inférieure et dans la série supérieure. Les deux minéraux sont abondants dans la Meseta
occidentale et ils disparaissent dans les séries atlasiques et la région d'Essaouira.

Ainsi, à l'échelle du Maroc, une répartition régionale des minéraux argileux du Trias se dessine, corroborant
celle déjà signalée par Lucas (1962) :
Dans la Meseta occidentale et orientale, l'association minérale est caractérisée par :
— illite avec des indices de cristallinité variables et de polytype 1M dominant,
— interstratifiés 14C-14Sm irréguliers,
— absence de vraie chlorite,
— présence d'attapulgite et de sépiolite (Meseta occidentale).
Dans le domaine de la chaîne atlasique et la région d'Essaouira, l'association minérale est différente :
— illite avec des indices de cristallinité relativement élevés et à polytype 2M dominant,
— interstratifiés 14C-14Sm réguliers ou absents,
— pas de minéraux fibreux
— chlorite vraie souvent abondante.
Les argiles triasiques du Maroc 289

II — GÉOCHIMIE DE LA FRACTION FINE

Des analyses chimiques ont été pratiquées sur cinq classes granulométriques de la fraction argileuse
(< 0,2 дт, 0,2 -0,5, 0,5-1, 1 - 2, 2 - 6) dans quatre échantillons représentatifs choisis le long d'une coupe E-W :
O. Nefifikh, Khemisset, Taza-Ouest et Taza-Est (fig. 3). Les méthodes employées sont la spectrométrie
d'étincelle pour Si, Al, Mg, Fe, Mn, Ti, la spectrométrie de flamme pour K, la spectrométrie à plasma pour les
éléments traces (méthodes décrites par Samuel et Rouault, 1983 et Samuel et al., 1985).

Fig. 3 — Caractères géochimiques de *différentes


teneur moyenne
fractionsdans
granulométriques
les shales (Piper,de 1974).
quatre échantillons localisés sur la figure 1.
Geochemical characters of various size fractions of four samples located on figure 1. * average content in the shales (Piper, 1974).

Les abondances relatives des minéraux argileux varient dans l'ensemble assez peu avec la granulométrie :
— O. Nefifikh : illite dominante (70 %) variant peu, chlorite (30 à 10 %) et sépiolite (0 à 20 %) relayées l'une par
l'autre à granulométrie croissante,
— Khemisset : illite (20 à 30 %), smectite (50 à 60 %), 14C-14Sm régulier (20 %), sépiolite (jusqu'à 20 %), sans
variation continue des abondances relatives avec la granulométrie,
— Taza-Ouest : illite (40 à 20 %) en abondance décroissante au profit de la chlorite (60 à 80 %) dans les fractions
les plus fines,
— Taza-Est : illite (50 à 40 %) et chlorite (50 à 60 %), variant peu, avec abondance maximale de l'illite dans la
fraction la plus grossière.
Les variations des compositions chimiques en éléments majeurs avec la granulométrie traduisent principa¬
lement une dilution des argiles par une phase quartzeuse avec minéraux lourds, dont l'abondance croît avec la
granulométrie. Ceci est surtout apparent à Taza où se voit bien une variation conjointe de Si et Ti, associés dans
la phase quartzeuse, en opposition avec Al, Mg et perte au feu qui caractérisent la phase argileuse. La tendance
de К à un enrichissement avec Si vers les fractions grossières est moins à attribuer aux variations d'abondance de
l'illite qu'à la présence de feldspaths dans la phase quartzeuse.
Les terres rares montrent dans l'ensemble, par rapport à la moyenne des shales de Piper (1974), un excès en
T.R. légères (Ca, Ce) et un déficit en T.R. lourdes (Yb, La) avec un rapport La/Yb le plus souvent largement
supérieur au rapport moyen de 11,6 de PIPER. On note cependant une nette exception pour les plus fines
fractions de Taza-Est et Ouest où la tendance s'annule ou s'inverse.
Dans le but de rechercher une possible extension régionale de cette particularité, on a analysé les très fines
290 S. Benchekroun et al.

fractions (< 0,5 /um) de 14 échantillons situés dans divers domaines du Maroc (fig. 4). On retrouve, de Taza à
Demnat, à la limite occidentale du Moyen-Atlas, ce même caractère géochimique marqué par de faibles
proportions relatives de La et Ce, et par un rapport La/Yb bas. Cette anomalie pourrait s'expliquer par des
apports détritiques différents. On sait en effet (BONNOT-COURTOIS, 1981) que le rapport La/Yb croît depuis les
roches basiques (La/Yb < 0,1) jusqu'aux roches acides (La/Yb > 50). Dans ce cas, de Taza à Demnat, les
apports détritiques auraient été différents de ceux des autres régions et ils différeraient même selon les fractions
d'un même échantillon. Or les faciès sédimentaires sont très semblables d'une région à l'autre, et aucune donnée
sédimentologique ne semble confirmer cette explication. Une autre hypothèse paraît plus plausible : la particu¬
larité géochimique de cette région Taza-Demnat pourrait résulter de transformations diagénétiques ou méta¬
morphiques qui ne seraient intervenues que dans cette région et n'auraient affecté que les fractions minérales les
plus fines.

1000' A l_0. Fe_0. La Ce Lu La


La Ce* Lu* Yb
13 26
32 52 .03 .15
O. Nefifikh
Khemisset
Azrou
Taza-W
Taza-E (1)
Taza-E (2)
Ait Assou
Demnat
Asni
Argana
Essaouira (1 )
со <o Essaouira (2)
Mideit
Jerada

Fig. 4 — Variations géochimiques régionales des fractions très fines (< 0,5 jum) (14 échantillons localbcs sur la figure 1).
* teneur moyenne dans les shales (Piper, 1974)
Regional geochemical variations of very fine size fractions (< 0,5 цт) (14 samples located on figure I).
* average content in the shales (Piper, 1974)

III — GÉOCHIMIE ISOTOPIQUE

Cinq fractions fines extraites de trois échantillons de la région de Taza ont été analysées par la méthode K-Ar
(tabl. I). Les associations minérales argileuses sont à illite-chlorite, avec des indices de cristallinité relativement
élevés correspondant au métamorphisme anchizonal (échantillons 2 et 34) et épizonal (échantillon 60). On sait
(Huon, 1985) que, pour cette lithologie pélitique et pour une évolution métamorphique anchizonale à épizonale,
la réhomogénéisation isotopique est complète pour les fractions les plus fines. Dans ce cas, la valeur K-Ar n'est
pas un âge hérité, mais elle correspond à l'événement thermique responsable de la recristallisation. Pour les
fractions plus grossières, la réhomogénéisation isotopique n'est pas achevée et la valeur K-Ar est un âge mixte,
intermédiaire entre l'âge moyen des particules détritiques et celui de l'événement thermique. Ainsi, les valeurs les
plus basses, 209 et 218 Ma, lesquelles sont fournies par les fractions les plus fines, sont les plus représentatives et
elles permettent de dater l'événement thermique à la fin du Trias supérieur selon l'échelle de ODIN et al. (1982).
Les argiles triasiques du Maroc 291

Par contre, les valeurs plus élevées, 243 et 314 Ma que fournissent les fractions plus grossières, sont sans
signification géologique. On retient donc que, dans cette région de Taza, les argiles déposées au Trias ont subi
une évolution thermique pénécontemporaine de leur sédimentation.

Tableau I
Mesures K-Ar sur diverses fractions granulométriques de trois échantillons de la région de Taza
K-Ar values of selected size fractions from three samples of the Taza region
Echantillons Fraction % K,0 % Ar* 10" 6*cm7g STP Age (Ma)

60 < 0.5 pm 3.87 87.43 30.37 228 + 6

(E. Taza) 0.5 - 1 pm <».15 95.80 34.84 243 + 6

2 < 0.2 pm 5.15 91.78 38.53 218 + 5

(W. Taza) 0.4 - 1 pm 5.60 96.17 61.88 314 + 7

34
< 0.2 pm 2.07 87.88 14.78 209 ■+ 6
(W. Taza)

DISCUSSION ET CONCLUSION

La détermination des associations minérales argileuses du Trias permet de distinguer quatre zones au
Maroc : la Meseta occidentale et la Meseta orientale d'une part, où les minéraux sont variés et les interstratifiés
abondants ; le domaine atlasique et la région d'Essaouira d'autre part, essentiellement caractérisés par l'associa¬
tion à illite-chlorite. L'étude des zones intermédiaires montre des associations minérales mixtes et suggère que
l'on passe en continuité d'une zone à l'autre. Cette répartition correspond à celle qu'a démontrée Lucas (1962)
qui l'attribuait à des évolutions d'origine sédimentaire, par agradation et néoformation des minéraux argileux
au sein du bassin. Ce schéma est vraisemblable en ce qui concerne, par exemple, les argiles fibreuses néoformées
au sein du milieu sursalé de la Meseta occidentale. Au vu des travaux ultérieurs (par ex. Dunoyer de
Segonzac, 1969), on peut lui adjoindre l'idée d'une évolution diagénétique à métamorphique des associations
minérales argileuses ; l'association minérale détritique initiale à illite dégradée et minéraux à 14 Â représentés
par des interstratifiés 14C-14Sm évoluerait différemment selon les régions :
— Dans le domaine de la Meseta occidentale, l'évolution diagénétique des séries triasiques reste faible et
insuffisante en tous cas pour que se développe une agradation des interstratifiés à 14 Â vers la chlorite et une
amélioration du réseau cristallin des illites. Par contre, la concentration des solutions permet la néoformation
des minéraux fibreux, attapulgite et sépiolite.
— Au contraire, dans la région d'Essaouira et dans l'Atlas, l'évolution diagénétique est importante ; le
réseau cristallin de l'illite se régularise ; les interstratifiés 14C-14Sm évoluent vers la chlorite en même temps que
les minéraux fibreux sont déstabilisés. Il se constitue ainsi la paragenèse anchimétamorphique à illite-chlorite.
Au moins dans les fractions fines, de plus, la recristallistation se traduit par une anomalie géochimique décelable
de la composition en terres rares. Cette recristallisation est enfin suffisamment forte à Taza pour que la
réhomogénéisation isotopique soit complète dans les fractions les plus fines.
D'autres observations confirment par ailleurs cette idée d'une évolution diagénétique à métamorphique
différente selon les régions. Les basaltes doléritiques d'âge triasique en intercalation dans les séries gréso-
pélitiques présentent, eux aussi, une minéralogie différente selon les régions : dans la Meseta, ce sont des roches
banales, à plagioclases calciques et pyroxènes non altérés lorsque l'échantillon est frais. Par contre, dans la
292 S. Benchekroun et al.

région de Taza, Robillard (1981) montre que les plagioclases sont déstabilisés et remplacés par des plagio-
clases Na et de la calcite, et que les pyroxènes sont remplacés par des agrégats de calcite, épidote et chlorite. Cette
paragenèse constituée de minéraux de basse température traduit l'influence d'un métamorphisme de basse
intensité, anchizonal à épizonal, qui n'a jamais été observé en dehors du domaine atlasique. Il est logique de
considérer que ce métamorphisme a affecté également les séries sédimentaires voisines.
Or, bien que présent dans le domaine atlasique, ce métamorphisme n'est pas lié à l'orogenèse atlasique.
D'abord, on l'a dit plus haut, il a été daté de la fin du Trias teminal par géochimie isotopique. Ensuite, il n'affecte
pas les séries du Crétacé supérieur du Moyen-Atlas. Celles-ci, étudiées par N. Benalioulhaj dans les schistes
bitumineux (trav. en cours), montrent en effet une évolution diagénétique très faible, cantonnée dans le domaine
de la fenêtre à huile. Enfin, ce métamorphisme se retrouve, en dehors du domaine atlasique, dans la région
d'Essouira. Dès lors, il faut considérer que ce métamorphisme triasique est restreint aux bassins sédimentaires
contemporains qui constituent la future fosse atlasique et la future marge atlantique. Dans ces bassins, une forte
subsidence et un gradient géothermique relativement élevé permettaient, dès leur enfouissement, une transfor¬
mation métamorphique des séries triasiques alors que, dans les zones mésétiennes, plus stables, leur évolution
restait du type sédimentaire.

REMERCIEMENTS — Ce travail a été réalisé avec l'aide de l'ONAREP (Maroc) et du Centre de Sédimentologie et de Géochimie de la
Surface (CNRS, France).

Manuscrit déposé le 16 décembre 1986 ; accepté le 7 janvier 1988

BIBLIOGRAPHIE

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