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Querelle d’enfants
Après la mort de son petit frère et de son père, à quelques jours d’intervalle, lorsqu’elle avait quatre ans, George Sand
vit chez sa grand-mère paternelle au château de Nohant, dans le Berry. Pour lui éviter la solitude, on lui donne une
compagne, Ursule, nièce d’une servante de la maison, qui vient vivre auprès d’elle.
Grâce à Dieu, Ursule ne se laissa point asservir [1]. Elle était d’humeur enjouée, active, et si
babillarde qu’on lui avait donné le surnom de Caquet bon bec qu’elle a gardé longtemps. Elle a toujours eu
[2]
de l’esprit, et ses longs discours faisaient souvent rire ma grand-mère à travers ses larmes. On craignit
d’abord qu’elle ne laissât tyranniser ; mais elle était trop têtue naturellement pour avoir besoin qu’on lui fît
la leçon. Elle me résista on ne peut mieux, et quand je voulus jouer des mains et des griffes, elle répondait
des pieds et des dents. Elle a gardé souvenir d’une formidable bataille à laquelle nous nous défiâmes un
jour. Il parait que nous avions une querelle sérieuse à vider, et comme nous ne voulions céder ni à l’une ni à
l’autre, nous convînmes de nous battre du mieux qu’il nous serait possible. L’affaire fut assez chaude et il y
eut des marques de part et d’autre ; je ne sais qui fut la plus forte, mais le dîner étant servi sur ces
entrefaites [3], il nous fallait comparaître et nous craignions également [4] d’être grondées.
Nous étions seules dans la chambre de ma mère ; nous nous hâtâmes de nous laver la figure pour
effacer quelques petites gouttes de sang ; nous nous arrangeâmes les cheveux l’une à l’autre, et nous
eûmes même de l’obligation mutuelle [5] dans ce commun danger ; enfin, nous descendîmes l’escalier en
nous demandant l’une à l’autre s’il n’y paraissait plus. La rancune s’était effacée, et Ursule nous proposa de
nous réconcilier et de nous embrasser, ce que nous fîmes de bon cœur, comme deux vieux soldats après
une affaire d’honneur. Je ne sais pas si ce fut la dernière entre nous, mais il est certain que, soit dans la paix,
soit dans la guerre, nous vécûmes dès lors sur le pied d’égalité, et que nous nous aimions tant que nous ne
pouvions vivre un instant séparées.
George SAND, Histoire de ma vie, 1854.
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1. Asservir : réduire en esclavage. 2. Babillarde : bavarde. 3. Sur ces entrefaites : à ce moment-là. 4. Egalement : l’une comme l’autre. 5. Nous eûmes
… mutuelle : nous nous rendîmes service l’une à l’autre.
QUESTIONS
a)A quel temps et à quelle personne le récit est-il mené ? Justifiez votre réponse.
b) Donnez le temps, le mode et la valeur des verbes soulignés.
Lecture de l’image
Quels liens pouvez-vous faire entre le texte de George Sand et l’image ci-dessous ? Y a-t-il
des points communs entre ces deux documents ? Lesquels ?
Rédigez votre réponse comme suit
Présentation de l’image
Description de l’image
Interprétation de l’image et lien avec le texte.
Tamara et Lempicka, deux petites filles avec un rubans dans les cheveux (1925),
huile sur toile 100x73 cm collection privée.
Travail d’écriture
Sujets au choix
Sujet de réflexion :
Une amitié peut elle naitre d’un conflit ?
Dans une quarantaine de lignes, donnez votre point de vue, en partant de votre expérience
personnelle.
Sujet d’imagination
Les querelles entre frères et sœurs sont fréquentes pendant l’enfance.
Dans un récit d’une quarantaine de lignes, conduit à la première personne, racontez un
souvenir relatif à une querelle entre vous et l’un de vos frères, sœurs ou cousins.
Quel impact ce souvenir a-t-il laissé en vous et quel regard portez-vous, maintenant, sur cet
événement ?