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“le Grand hiver” de 1709 vu par un contemporain:

L’homme domine la nature pour satisfaire ses besoins. En effet, selon la


bible, l’homme est la créature parfaite avec la nature pour la servir: c’est une
ressource. Or, le petit âge glaciaire qui a duré du XIVe au XIXe siècle a
bouleversé l'équilibre météorologique. Ce qui amène à des périodes de
déséquilibres et une situation très tendue. Le document qui nous est présenté
est une chronique de Jean Taté (greffier de l'hôtel de Ville de Château-Porcien
dans les Ardennes) datant de 1709 provenant du livre La famine au temps du
Grand Roi de Marcel Lachiver publié en 1991. Cette chronique évoque cet
épisode de froid intense en Europe qu’est le “Grand hiver” avec le regard
contemporain. Ce phénomène météorologique a suscité de nombreuses
questions environnementales suite au nombreux décès causés. Nous nous
demanderons donc comment cet événement historique a permis de retracer
l’histoire du climat mais également une meilleure compréhension des sociétés
européennes au cours du XVIIIe siècle. Nous verrons donc dans un premier
temps l’histoire du climat et ses conséquences puis l’impact qu’elle a eu face aux
sociétés françaises.

Tout d’abord, les catastrophes naturelles ont permis le développement


d’outils pour l’histoire du climat. Effectivement ce Grand froid se produit sous le
règne absolutiste de Louis XIV en pleine période humaniste dans laquelle
l’homme est considéré comme au centre du monde. C’est durant cette période
que se sont développées de nombreuses archives historiques qui fournissent
des tangibles de la gravité de l'hiver et de ses effets sur la vie quotidienne des
gens. En étudiant les conditions météorologiques de l'hiver de 1709, les
chercheurs ont contribué à éclairer notre compréhension des variations
climatiques passées et de l'évolution du climat au fil du temps, notamment grâce
aux journaux, les récits de voyage et les témoignages. La “chronique de Jean
Taté” publié par Marcel Lachiver participe donc à retracer l’histoire du climat.

Ensuite, cette catastrophe naturelle est inédite et destructrice. En effet, le


sol de français a gelé durant 3 mois “personne sur terre n’avait vu ni entendu
parler d’une telle gelée”. Cependant ces températures entraînent des
conséquences au sein de l’agriculture. Les hivers sont plus froids et les étés plus
humides ce qui conduit à des récoltes moins bonnes et à une santé plus fragile.
C’est ainsi que débute “une famine cruelle”. Les agriculteurs et l’économie sont
menacés “les laboureurs vont voir la terre où il ne voient plus de blé”, “les
marchés sont presque abolis” il y a donc une pression sur les ressources et une
baisse du commerce. Cette crise et ces déséquilibres ont entraîné la mort de 600
000 personnes.

Tout d’abord, le “Grand hiver” nous permet de retracer l’histoire des


sociétés. En effet, cette variation climatique est un événement extraordinaire
pour les populations françaises qui relèvent leur enjeu conservateur. Pour la
religion catholique, aller au paradis passe par la construction d’une cité idéale à
l’aide d’une terre que Dieu leur aurait donnée. Cette nature sauvage qui traduit
un paradis d’abondance montre une conception de la nature comme réservoir de
ressource que l’on peut puiser “la surface de la terre était remplie d’eau”. C’est
alors que “le sixième jour de janvier de l’année en 1709” qui fait référence à
l’épiphanie déclenche cette catastrophe naturelle. Les sociétés étant très
attachées à la religion rattachent ce phénomène à Dieu “nos iniquités”, “attire
sur nous la colère de Dieu”, “évoqué dans l’apocalypse”. Ce froid intense a donc
tout d’abord marqué la société par cette dimension christique

Ensuite, face à cet événement, les populations ont construit des rivalités
entre riches et pauvres. Effectivement, cette crise a avant tout touché
l’alimentation ce qui crée des écarts entre les populations. Des tensions se
creusent et rendent la situation tendue “les pauvres ne parlent que de piller”,
“les riches barricadent leur portes”. Les pauvres souffrent de famine et n’ont pas
les moyens de se procurer de quoi manger tandis que les riches conservent leurs
dernières réserves avec la crainte de se les faire voler. De plus, les marchés sont
eux aussi “abolis” ce qui prouvent le manque de confiance auprès des
populations.

Enfin, le “Grand hiver” entraîne également des conséquences politiques.


En effet, cette instabilité est source de révoltes qui ont conduit à la mise en
place de réformes. Le renforcement de l'État va faire de lui un acteur de ces
catastrophes climatiques puisque c’est le seul à être en mesure d'intervenir pour
une région aussi vaste. Ces réformes vont permettre de remédier aux rivalités
riches/pauvres “la rente des deux tiers des revenus de tous les biens serait
prélevée et employée à la nourriture des pauvres”. Mais Louis XIV s’assure
également d’un contrôle renforcé “il envoya des commissaires [...] pour fournir
les grandes villes” qui va permettre d'éviter les séditions et les révoltes.

Ainsi nous l’avons vu, dans le livre de Marcel Lachiver, Jean Taté parvient
à nous retranscrire le “Grand hiver” de 1709 en exploitant l’histoire du climat et
de ses sociétés. Les variations climatiques peuvent entraîner des conséquences
politiques et sociales qui s'enchaînent sur des décennies. Cette prise de
conscience est en réalité très ancienne. En effet, le climat évolue au cours du
temps et à l’aide de ces témoignages ou de ces sources écrites nous pouvons
percevoir la gravité de ces événements et de ses effets sur la vie quotidienne des
individus telle que l’a fait Marcel Lachiver. Parmi ces précurseurs nous pouvons
prendre l’exemple de Georges Sand qui en 1872 propose elle aussi une réflexion
mature sur la protection des forêts dans son recueil Impressions et souvenirs”.

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