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Suite de la leçon, mars 2023

II. 1610-1661 : période de fragilités


Le contexte climatique, économique, démographique et politique de la première moitié du
XVIIe siècle est compliqué.

A. « Nous mourrons tous », Philippe Ariès, L’Homme devant la mort, 1977

1) Le temps des crises démographiques


Il y a une forte mortalité au XVIIe siècle. Pendant ce siècle en moyenne le taux de mortalité
est autour de 40‰. Mais c’est entre 0 et 10 ans que les taux de mortalité sont les plus élevés.
Par exemple :
- Mortalité infantile (entre 0 et 1 an) de 359‰ à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne) de
1601 à 1685.
- La mortalité juvénile (entre 1 et 5 ans) est de 647‰ à Ivry-sur-Seine de 1601 à 1685
- la mortalité entre la naissance et le 10e anniversaire est de 671‰ à Ivry-sur-Seine
de 1601 à 1685.
On constate donc grosso modo qu’un enfant sur 2 ne dépasse pas l’âge de 10 ans : les plus
jeunes sont les principales victimes.
Ainsi à la naissance, l’espérance de vie est faible, autour de 25 ans sûrement au XVIIe
siècle. Mais dans le Bassin Parisien Jacques DUPÂQUIER, Histoire de la population
française, 1989 pense que, à l’époque de Louis XIV, l’espérance de vie est de 32 ans pour la
population rurale lorsque les individus ont atteint leur 20e anniversaire = 52 ans de vie. Donc
« sous l’Ancien Régime, on ne mourrait pas jeune : on mourrait très jeune ou on
mourrait vieux », DUPAQUIER, 1988.

Certes la mortalité est importante mais il a des différences annuelles :


La « crise démographique » (définie d’une manière générale par une hausse du
nombre de sépulture avec des « clochers de mortalité » + une baisse de la nuptialité et de la
natalité) et la « crise de mortalité » (simple hausse du nombre de sépultures), sont des traits
structurels de la démographie d’Ancien Régime. Selon Pierre Goubert (Beauvais et le
Beauvaisis de 1600 à 1730. Contribution à l’histoire sociale de la France, 1960), il y a crise
démographique quand la mortalité est au moins multipliée par 2 en un an et que la
fécondité diminue d’au moins 1/3 en un an.

Les principales causes de crises démographiques sont :


- les mauvaises récoltes (qui provoquent la hausse du prix du blé et le manque de
nourriture)= famine
- les épidémies
- les guerres

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Ces trois causes provoquent de nombreuses famines, en moyenne tous les 4 à 5 ans. A fame, a
peste, a bello, libera nos, Domine (« De la famine, de la peste, de la guerre, délivre-nous,
Seigneur ») = prière traditionnelle et fréquente montrant la peur de la mort dans le pays, la
volonté de lutter contre ses principales causes (« les malheurs du temps »), le refus de la
population du pays à accepter la surmortalité. Mais les Français semblent relativement
impuissants face à la maladie, la guerre ou la famine.

Les maladies sont nombreuses à l’état endémique : dysenterie, paludisme, typhoïde…


Elles deviennent épidémiques souvent lors de crises alimentaires, en profitant de
l’affaiblissement des organismes, et des campagnes militaires (la dysenterie ou le typhus
frappent souvent les armées à l’hygiène déplorable, avant de toucher les populations civiles).
En fait les populations civiles sont très vulnérables à toutes sortes de maux.
Mais la première cause de mortalité est la variole (10% en temps normal et 30 à 60%
lors d’épidémies). On l’appelle « picote » dans le peuple ou « petite vérole ». C’est une
maladie contagieuse (par salive ou contact) qui est en situation endémique mais qui se
transforme en épidémie plus ou moins régulièrement. Elle prend la forme de boutons. On la
contracte plutôt pendant l’enfance. Elle touche toutes les catégories sociales.
Les solutions médicales sont imparfaites au XVIIe siècle
- Isoler le malade
- échauffer le malade (en le faisant transpirer)
- ou rafraîchir le malade (par le froid+ des saignées et des vomitifs pour expulser de
l’organisme les humeurs stagnantes)
- le mieux est d’assécher les boutons ce qui permet de guérir
Solutions populaires :
- utiliser des amulettes
En revanche on a des séquelles quand on survit : cécité, surdité, corps grêlés par les
traces de boutons, chute de cheveux. Environ 20% des Français ne l’ont pas car ils meurent
avant, 50% ont une « vérole discrète » (peu mortelle), 20% une « vérole grave » et 10% une
« vérole confluente » qui touche les voies respiratoires (la plus mortelle).

La syphilis (parfois appelée « vérole »)


- origine italienne : nommée « mal de Naples » au XVe siècle
- c’est une maladie sexuellement transmissible (maladie vénérienne) et contagieuse
- visible sous forme de plaques rouges sur le corps
- maladie condamnée par l’Eglise
- soignée dans des hôpitaux (cure de 20 à 30 jours pour le malade) : ils y sont fouettés
(aux XVIe et XVIIe siècles) puis soumis à un traitement inefficace :
o diètes, purges, saignées pour expulser les humeurs stagnantes
o corps enduit d’onguents à base de mercure
o passage dans une étuve surchauffée pour faire transpirer et évacuer

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La maladie la plus incomprise est la peste : elle connaît des poussées tous les 15 ans en
moyenne entre 1536 et 1670 (elle disparaît progressivement ensuite, jusqu’en 1720-1722).
Les plus grandes poussées dans le royaume sont en 1600-1616 (300 000 à 400 000 morts),
1617-1642 (1,6 à 2,4 millions de morts), 1643-1657 (500 000 morts)
- Du XVIe au XVIIIe siècle, la peste a contribué à 5 à 7,7% de la mortalité française
totale (surtout en ville car : lieu de commerce et fortes densités qui favorisent la
contamination). En 1628-1629, Lyon perd 50% de ses 70 000 habitants passant à
35000 habitants ; Digne perd 85% de ses habitants, passant de 10000 habitants à 1500
habitants en 1629.
- Origine divine.
- Solution : la prière, l’apaisement divin par des processions après l’arrivée du fléau
(mais elles sont rares car on évite les réunions en temps de peste) ou avant d’une
manière propitiatoire et préventive (à Nantes : procession tous les ans pour éloigner la
maladie)
- Saints spécialisés : saint Roch et saint Sébastien un peu partout, saint Adrien dans le
diocèse de Rouen…
- Tentatives médicales : inciser le bubon, le faire murir, le nettoyer puis cautériser la
plaie au fer rouge. Aucun ne perçoit la puce comme vecteur de transmission même si
certains médecins ont soupçonné les chiens et les chats d’être à l’origine de la
diffusion de la maladie. Depuis 1619 on utilise le costume de Charles DELORME,
médecin de Louis XIII : masque muni d’un grand nez en carton plein d’herbes
aromatiques.

Exemple avec document (courbes) :


1661-62 en Anjou : exemple de la ville de BEAUFORT (Anjou), d’environ 3000
habitants en 1661.

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Elle perd 25% de sa population lors de cette crise. On voit les courbes de décès, de
conceptions, de mariage par trimestre (de 1660 à 1664). L’indice 100 correspond à la
moyenne des 5 années précédentes (pour les décès il y a donc crise démographique si l’indice
200 est atteint et si les conceptions diminuent d’1/3 en un an…) sinon c’est plutôt une période
de « surmortalité » mais pas de crise démographique. Quand c’est grisé, cela signifie que les
décès sont supérieurs aux naissances. On voit la hausse de la mortalité dès l’été 1661 et un
maximum atteint en fin d’année 1661. L’indice des décès est à environ 380 alors que les
conceptions sont passées de 70 à 18. Donc on est en « crise démographique » en 1661. Mais
ce n’est plus le cas en 1662 : simple surmortalité. On observe un retour à la normale en 1663
et 1664.
Cette crise démographique de 1661 est due à des épidémies qui coexistent avec une
crise de subsistance. Ce sont les épidémies de rougeole, de scarlatine, de variole et de
dysenterie qui touchent en premier les habitants pendant l’été 1661 (hausse des décès) puis
ces épidémies sont associées à une crise de subsistance à la suite de mauvaises récoltes
pendant l’été (« clocher de mortalité » fin 1661). En même temps les conceptions reculent
(car moins de monde + « aménorrhée de famine » c’est-à-dire une absence de règles) ainsi
que le nombre de mariage (moins de monde à marier+ période morbide peu propice aux
mariages). Mais les mariages reprennent rapidement (remariage des veufs survivants) ainsi
que les conceptions (dues aux nouveaux mariages, et au remplacement des enfants morts au
sein des familles survivantes). Parallèlement les décès diminuent. Ensuite le rythme des
conceptions est variable car c’est lié à l’intervalle intergénésique naturel (entre les
grossesses). Le nombre de mariage fluctue ensuite car on ne se marie que rarement en
novembre/décembre avec une prolongation en 1664 en raison de la hausse des décès du
milieu de l’année 1663 à mars 1664 (=mort imprévue de « futurs jeunes mariés » qui ne se
marieront pas), puis reprise des mariages… Finalement la récupération démographique est
amorcée.
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Ces crises démographiques étaient plus rares au XVIe siècle et se font plus rares au
XVIIIe siècle. On parle du « beau XVIe siècle » et du XVIIIe siècle des Lumières. On parle
au contraire du « sombre XVIIe siècle ». Une raison importante est que le XVIIe siècle est au
cœur du « petit âge glaciaire » (Emmanuel Le Roy Ladurie, Histoire du climat depuis l’an
Mil, 1967) commencé vers 1580 et fini au milieu du XVIIIe siècle = automnes et hivers très
froids, printemps et été pourris. Au contraire le climat était plus clément dans la première
moitié du XVIe siècle et à partir de la deuxième moitié du XVIIIe siècle.
A ce climat s’ajoutent des facteurs aggravants :
Autres facteurs aggravants :
- économie sans stock
- mauvaise circulation des grains à l’échelle nationale
- malnutrition chronique
- pas de révolution agricole (aucune mutation technologique agricole ne permet de
s’émanciper de l’emprise du climat et de ses aléas ou de la nature difficile d’un
territoire)
- manque d’hygiène
- pauvreté de la majorité de la population (les dépenses en pain représentent déjà 1/2 à
3/4 des dépenses totales en temps normal)
- La guerre provoque la disparition/diminution des récoltes, la désorganisation de la
population active et du temps des récoltes, la diffusion des maladies par les soldats et
migrants, la destruction des récoltes par les soldats qui vivent sur le pays, leurs
exactions. On parle à l’époque de la soldatesque ou des « misères et malheurs de la
guerre » en lien avec les 18 gravures du graveur Lorrain Jacques CALLOT (Les
misères et malheurs de la guerre, Jacques Callot, 1633).

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o ex : Guerre de 30 ans (1618-1648 mais à partir de 1635 pour l’intervention directe
française) :
▪ en Alsace = perte de 50% de la population de 1635 à 1644
▪ en Lorraine, entre 1635 et 1648, la population diminue de 60 à 70% (en 1789, la
population lorraine n’a toujours pas rattrapé le niveau de 1635).
o La Fronde : en 1651 la moisson estivale est mauvaise au Sud de Paris, en 1652 les armées
de Condé et de Turenne dévastent la campagne parisienne méridionale et détruisent la
récolte de l’été 52, celle de Condé diffuse la peste= grande mortalité
o Au contraire, le traité des Pyrénées (1659) déplace les guerres au-delà des frontières
françaises et favorise en partie une mortalité moins forte.
En fait les crises démographiques sont souvent complexes et associent mauvaises récoltes,
cherté, disette, peste, guerre (ex : 1636-37 en Champagne, Artois, Alsace, Bourgogne,
Savoie), aléas climatique. Parfois ce sont les épidémies qui provoquent la surmortalité avant
que le prix du blé ait le temps d’augmenter (1661-62 en Anjou).

Le XVIIe siècle est un tournant quant à l’appréhension de ces moments de forte


mortalité : jusqu’au XVIIe siècle on les voit comme des châtiments divins. Mais à partir du
milieu du XVIIe siècle on les voit de plus en plus comme des calamités naturelles (donc
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l’homme est capable d’intervenir pour réduire ou plus empêcher). Au temps de Louis XIV,
l’Etat s’engage dans la lutte contre les grands fléaux (meilleure discipline de l’armée,
volonté d’empêcher la spéculation et le manque de nourriture par la réquisition par l’Etat de
stocks alimentaires, l’envoi de blés entre provinces, l’achat de grains à l’étranger, les
distributions gratuites sur décisions du contrôleur général et des intendants (voir document
« crise de l’avènement » en 1661).

La mort est familière (selon Philippe Ariès, L’homme devant la mort, 1977) et elle est
si familière qu’elle est « apprivoisée » du Ve au XVIIIe siècle : on la fréquente. Mais cela
n’empêche pas l’angoisse de la mort, particulièrement importante du 12e au 17e siècle. Cette

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angoisse de la mort concerne particulièrement « la mort de soi » (même si des pratiques telles
que l’usage de testament permettent ou tentent d’apaiser cette angoisse : dans ces testaments
50 à 60% du texte est religieux). Et cela n’empêche pas l’Etat d’essayer d’agir.

2) Une soif de sacré : le temps des dévots


Dévot vient du latin devotus, désignant une personne dévouée à Dieu. Mais ce terme
porte spécifiquement en histoire pour les partisans de l’application de la Réforme catholique.

L’édit de Nantes de 1598 ne signifie pas la fin des tensions religieuses en France. Les
questionnements eschatologiques perdurent pendant tout le XVIIe siècle. On parle d’un climat
mystique dans la première moitié du XVIIe siècle, notamment sous l’influence romaine et
espagnole (Monarchie du roi très catholique).
De nombreux laïcs militants, souvent d’anciens ligueurs, conservent leurs convictions
religieuses et, s’ils n’essayent plus de forcer le pouvoir politique à se soumettre de force à
l’autorité religieuse, ils tentent de poursuivre leur combat par d’autres moyens : la quête d’une
meilleure pratique de la foi catholique, une volonté d’évangéliser par l’exemplarité surtout ou
la force parfois, la diffusion d’outils d’éducation catholique (collèges jésuites ou oratoriens),
volonté de conquérir l’influence politique auprès du roi pour qu’un programme ultra-
catholique soit réellement appliqué dans le royaume, la lutte contre les déviants (des
protestants aux sorcières…)
Ainsi en 1615, les évêques de France décident, contre l’avis du roi, d’accepter les
canons du concile de Trente (1545-1563). Ainsi les normes de la Réforme catholique romaine
(ex- contre-réforme) deviennent les bases du modèle religieux diffusé par l’épiscopat français.
Au XVIIe siècle, on appelle les partisans de la Réforme catholique les dévots. A partir des
années 1620, ils forment un « parti » tentant d’influencer la politique française. Leur but est
de « construire le ciel sur la Terre » (Jean-Pierre GUTTON, Dévots et société au XVIIe siècle.
Construire le ciel sur la Terre, Paris, Belin, 2004).

A partir du XVIIe siècle, l’Eglise demande officiellement d’apprivoiser la mort en s’y


préparant toute sa vie, avec foi, résignation (elle concernera tout le monde) et espoir (c’est
l’espérance d’une vie éternelle). L’expression « apprivoiser » se trouve dans Introduction à la
vie dévote de FRANÇOIS DE SALES en 1609 où il explique que l’homme doit apprivoiser
la mort en l’insérant dans une perspective de salut.
Ainsi sous l’influence des ordres religieux (jésuites, carmes ou capucins), de nombreux
laïcs prennent alors des « directeurs de conscience » (des confesseurs) qui sont chargés de les
guider vers le Salut. Les prières des laïcs ont lieu parfois plusieurs fois par jour. Parfois,
quelques jours par an, ces laïcs se retirent dans un couvent et préparent leur mort en vivant
dans le respect des recommandations christiques.
Par ailleurs de plus en plus les Arts de mourir (Artes moriendi), des livres, préparent le
chrétien à sa mort pendant toute sa vie : les arts de mourir deviennent en quelque sorte des
arts de vivre : « il faut que nous vivions d’une vie morte et que nous mourions d’une mort

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vivante » selon l’évêque de Belley Jean-Pierre CAMUS, L’Esprit du bienheureux François de
Sales, 1641 (=il faut se mortifier).
Ainsi la mort subite, imprévue, inattendue est très mal perçue car elle empêche de recevoir
les derniers sacrements. La mort subite est vue comme un signe de réprobation divine, car
l’homme ne peut pas racheter ses péchés par une ultime confession et par l’extrême onction.
On parle alors de mauvaise mort. Ce que souhaitent les Français du XVIIe siècle c’est être
avertis de la mort par des signes avant-coureurs. Ainsi la maladie (plutôt longue) est vue
comme une bénédiction puisqu’elle permet de préparer sa mort. Une mort préparée toute sa
vie devient une « belle mort ». La mort des religieux correspond à la « belle mort ».
Se multiplient alors les traités sur l’art de bien mourir. Exemples de livres : Faut mourir
ou Pensez-y bien. Ce sont des brochures de colportage. On y explique qu’il faut penser à la
mort tous les jours, méditer sur la mort du Christ devant un crâne ou un crucifix.
Dans le groupe de dévots se trouvent de nombreux nobles. Exemples :
- le surintendant des finances (1624) puis garde des sceaux (1626) Michel DE
MARILLAC (ancien ligueur à Paris dans les années 1580)
- la reine-mère Marie de Médicis (meurt en juillet 1642) qui tente, après l’arrivée de
Richelieu au sein du Conseil du roi en 1624, d’empêcher toute politique française anti-
espagnole. Mais ce « parti » est défait lors de la « Journée des Dupes » (novembre
1630) qui voit le triomphe de Richelieu
- On y trouve aussi des ecclésiastiques tels que :
o Pierre DE BÉRULLE (1575-1629) qui fonde la Société de l’Oratoire en 1611: c’est une
congrégation qui réunit des prêtres vivant en commun, dépendant de leur évêque et qui
vivent dans le siècle où ils évangélisent au quotidien et éduquent dans des collèges très
réputés et fréquentés par la noblesse (les collèges oratoriens).
o Les membres de la Compagnie du Saint-Sacrement à partir de 1627 : c’est une
compagnie qui réunit des notables laïcs et ecclésiastiques pour travailler « à la gloire de
Dieu par tous les moyens ». On y trouve des nobles de robe, des officiers royaux, des
marchands, des artisans, des princes… Les plus connus sont BERULLE, MARILLAC,
BOSSUET ou le Prince de CONTI. Mais l’originalité de cette « compagnie » est qu’elle
n’a pas d’existence officielle (elle est connue de Louis XIV et du pape seulement à partir
des années 1640) car elle préfère agir dans la discrétion. Ses membres se réunissent le
jeudi dans des lieux qui changent pour davantage de secret. Chaque membre doit essayer
de vivre en chrétien, d’obtenir des résultats pour moraliser le royaume. Peu à peu ses
membres sont présents dans les grandes villes du royaume et ses membres sont environ
4000. Mais les historiens ne connaissent qu’environ 25% des membres. Ils tentent de
favoriser le contrôle du temporel par le spirituel, d’interdire les danses impudiques, sont
favorables à la fermeture des cabarets, pratiquent la charité, favorisent la pratique de la
prière. Mais cette compagnie est interdite par le roi en 1666 (car la compagnie tente
d’imposer un contrôle du temporel par le spirituel). Ils représentent le cœur du « parti
dévot » dénoncé par Molière et soutenu alors par Louis XIV.

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- ANNE D’AUTRICHE (meurt en 1666), femme de Louis XIII, réunit les partisans de
l’alliance avec l’Espagne catholique. Par exemple, profitant de retraites pieuses au
Val-de-Grâce, elle entretient des relations épistolaires avec des espions de l’Espagne,
notamment en 1637 (mais Richelieu le découvre, détruit le réseau de la reine puis
Louis XIII pardonne à son épouse en échange de la surveillance désormais de la
correspondance d’Anne d’Autriche).
- Des favorites de Louis XIII (roi très pieux) : par exemple la très dévote Louise-
Angélique DE LA FAYETTE en 1635 (âgée de 16 ans, fille d’honneur d’Anne
d’Autriche). Leurs amours semblent être chastes. Mais Louise-Angélique tente de
convaincre Louis XIII en 1635-36 que les choix politiques belliqueux de la France
contre les Habsbourg (guerre ouverte) sont néfastes pour le catholicisme et qu’il doit
se débarrasser de Richelieu, en vain. Elle entre dans les ordres (sœurs de la Visitation)
en 1637.
- Mais il y a aussi de simples membres du tiers-état telle que Marie ROUSSEAU
(1596-1680) qui tient un cabaret avec son mari à Paris. Elle y cherche à convertir les
clients dans les années 1620-1630.
- On y trouve aussi les frères Le NAIN.
Les frères Le Nain, Le repas des paysans, 1642

Que représente ce tableau ? Une famille complexe ? 1 couple+ 1 enfant et 1 père+ 1 fils et 1
père + 1 fils ? En tout cas un foyer dévot et pas une famille paysanne traditionnelle comme on
l’a longtemps cru.
Les frères Le Nain et la paroisse Saint-Sulpice : Ce grand tableau fut réalisé à la fin du
règne de Louis XIII, comme l’atteste l’inscription « LENAIN. FECIT. AN. 1642. » figurant sur
la tranche de la planche posée sur un tonneau pour servir de banc. Depuis 1641, les signatures
accompagnées de date, jusque-là sans exemple chez les Le Nain, se multiplient. Comme pour

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affirmer un statut enfin reconnu d’artistes consacrés.
Depuis 1629, les frères Le Nain résident rue Princesse, entre le faubourg Saint-Germain-des-
Prés et la paroisse Saint-Sulpice. De 1642 à 1652, le curé de la paroisse est Jean-Jacques
OLIER, ardent défenseur de la Réforme catholique. Il consacra de grands efforts à
l’organisation d’une charité militante, sur le modèle de Vincent de Paul, car en ce « sombre
XVIIe siècle » frappé par de nombreuses disettes, la paroisse Saint-Sulpice voyait affluer les
hommes et les femmes que les textes nomment « sans feu, sans lieu, sans aveu », en quête de
nourriture, de protection ou de travail.
C’est un tableau aux accents religieux : Au-delà d’un tableau « réaliste », les trois frères
Le Nain, Louis, Antoine et Mathieu, auraient peint une scène de l’eucharistie (nappe
blanche, pain, vin, atmosphère pieuse) : nous sommes ici, pleinement, dans le registre d’une
culture religieuse offensive, celle de la Réforme catholique militante des dévots dont la
paroisse de Saint-Sulpice était précisément l’épicentre. « On ne s’était point encore
imaginé que les peintres eussent une théologie muette et que, par leurs figures, ils fissent
connaître les mystères les plus cachés de notre religion » : cette réflexion de Charles Le Brun
lors d’une conférence prononcée le 10 juin 1671 à l’Académie de peinture et de sculpture, sur
le Ravissement de saint Paul, de Poussin, s’applique pleinement au tableau des frères
Le Nain. Dans une telle perspective, le véritable sujet serait la plénitude de la Présence
réelle, de l’Incarnation, de la Transsubstantiation (c’est-à-dire de la transformation
réelle du vin et du pain en sang et corps du Christ lors de l’Eucharistie) socialement
visibles jusqu’aux plus humblex des Français. Les frères Le Nain donnent à voir
l’évidence sensible de la Présence réelle, contre un calvinisme qui récuse toute possibilité
de transsubstantiation. Donc Le repas de paysans des dévots Le Nain cherche à refléter la
vertu, la communion des personnages et la transsubstantiation au sein d’une famille dévote
plus que le reflet d’une vraie famille de paysans du XVIIe siècle.

Une défaite des dévots : la journée des Dupes


En 1630, les dévots craignent une guerre entre la France et les Habsbourg (le but de
Richelieu est d’éviter l’encerclement en s’opposant à l’Espagne, comparée par Richelieu à
« un chancre qui ronge et mange tout le corps où il s’attache… sous prétexte de la religion ».
Depuis longtemps les dévots diffusent des libelles dans Paris :
- pour s’opposer à la guerre contre des catholiques (Espagne ou Empire)
- pour s’opposer aux orientations de RICHELIEU (nommé « principal ministre de notre
conseil d’Etat » par le roi en 1629 en récompense de ses bons services)
- pour réformer la religion et la politique en France.
Les dévots sont soutenus par la reine-mère MARIE DE MEDICIS et par le garde des
sceaux Michel de MARILLAC (qui propose en 1629 à Richelieu et au roi un ensemble de
réformes (nommé le code Michau contenant 430 articles). Le roi accepte dans un premier
temps mais finalement repousse son application pour se consacrer à la préparation de la
guerre contre l’empereur catholique. RICHELIEU, sur ordre de Louis XIII, construit alors

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« un régime d’exception, sous l’emprise de la nécessité » (DRÉVILLON, 2014). Drévillon
parle d’un « absolutisme extraordinaire » = pression fiscale et répression des contestations au
lieu de réformer le royaume pour un meilleur fonctionnement ordinaire.
Le 11 novembre 1630, Louis XIII rencontre sa mère MARIE DE MEDICIS chez elle,
au palais du Luxembourg. A cette occasion Marie de Médicis lui demande le départ de
Richelieu. Mais Richelieu parvient à pénétrer dans le palais et à rencontrer la mère (qui se
déclare ouvertement contre lui) et le fils (qui lui intime l’ordre de le rejoindre dans son petit
château de chasse de Versailles). Richelieu se croit disgracié au profit d’une politique dévote.
Mais à Versailles, Louis XIII informe Richelieu qu’il l’a choisi. Peu de temps après Michel de
Marillac est arrêté à Paris et meurt en prison, et Marie de Médicis se retire à Compiègne puis
aux Pays-Bas, en Angleterre, dans l’Empire où elle meurt (sans revenir à Paris) en 1642.
Cette journée du 11 novembre 1630 est la grande défaite politique des dévots. Ils vont
alors accentuer leur action pour évangéliser la société. Ils vont notamment lutter contre les
« libertins » et les « machiavéliques ».

Une défaite internationale des dévots : l’entrée en guerre ouverte de la France contre
l’Espagne en 1635 dans la Guerre de Trente Ans (1618-48)
Le conflit, né dans l’Empire en 1618, s’est structuré peu à peu dans une lutte entre des
princes protestants de l’Empire (alliés aux Etats protestants de Suède, d’Angleterre et des
Provinces-Unies) contre l’empereur Habsbourg (allié à l’Espagne). Mais peu à peu la France
catholique s’est alliée aux protestants pour affaiblir la puissance des Habsbourg en Europe et
pour éviter l’encerclement (Carte du dossier sur les alliances en 1635). C’est une nouveauté
diplomatique qu’un pays d’un roi catholique comme Louis XIII s’allie à des pays protestants
contre des puissances catholiques (sécularisation en cours des relations internationales). La
France s’allie à l’Angleterre dès 1629, aux Provinces-Unies en 1630 (en lutte contre
l’Espagne pour leur indépendance depuis 1568), à la Suède en 1631 et aide ces pays dans une
« guerre couverte ». Mais le 19 mai 1635, la France entre dans une « guerre ouverte » contre
les Habsbourg (la participation officielle de la France à la Guerre de Trente Ans va donc de
1635 à 1648). La justification française est la lutte contre l’impérialisme Habsbourg (et la
défense des libertés politiques et religieuses en Europe). Certains dénoncent cette « raison
d’Etat », tels que JANSEN, évêque d’Ypres. En 1635 (entrée de la France dans la guerre
ouverte contre l’Espagne) il publie le Mars Gallicus dans lequel il promet la damnation
éternelle à tout soldat français se battant contre l’Espagne catholique.
Certes les débuts de l’affrontement sont défavorables à la France (défaite de Corbie en
1636 : les Espagnols sont à 120 km au nord de Paris) mais les autres batailles sont en faveur
de la France, surtout celle de ROCROI (bataille remportée héroïquement en 1643 par le duc
d’Enghien -le Grand Condé- peu après le décès de Louis XIII) puis par la prise de LENS de
nouveau par Condé le 20 août 1648 qui permet à la France de remporter en 1648 la guerre
contre l’Espagne et donc d’avoir durablement affaibli la puissance espagnole. A partir de 1648
(traités de Westphalie) s’installe désormais en Europe la prépondérance française.

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3) La lu e contre les déviants et les héré ques : la chasse aux sorcières et les
protestants
Les dévots luttent contre les pratiques superstitieuses, magiques, « païennes » de
populations villageoises. Les curés parlent parfois d’« idolâtres baptisés » selon Robert
MUCHEMBLED, Sociétés, cultures et mentalités dans la France moderne. XVIe-XVIIIe
siècle, Paris, Armand Colin, 2001 pour désigner les villageois du XVIIe siècle (+Robert
MUCHEMBLED, Le Roi et la sorcière, 1993).
Ainsi une lutte est menée et prend la forme d’une « épidémie » de persécutions de
sorcières des années 1580 aux années 1682. Mais le paroxysme de la répression a lieu dans
les années 1580-1630. La lutte est menée par l’Eglise mais aussi par l’Etat absolutiste
cherchant à mieux contrôler les marges et la marginalité. Ainsi les juges du XVIIe siècle
s’appuient sur le livre Démonomanie des sorciers, rédigé par le magistrat absolutiste Jean
BODIN en 1580.
Les historiens s’aperçoivent que les territoires de la répression sont rarement au Centre
du royaume. La répression touche bien davantage les périphéries du royaume de France :
Languedoc, Ardennes, Jura, Sud-Ouest, Normandie… Finalement la géographie de la chasse
aux sorcières correspond grosso-modo à celle des révoltes rurales populaires du XVIIe siècle.
Etant donnée que la répression est toujours menée par des tribunaux royaux (les tribunaux
religieux –les « officialités »- n’ont plus cette compétence depuis le Moyen Âge, on peut en
conclure que la lutte contre les sorciers et sorcières n’est pas seulement un phénomène
religieux mais est liée au renforcement de la monarchie absolue de droit divin dans les
périphéries du royaume, dans les territoires plus lointains. C’est un moyen d’asseoir
davantage l’autorité royale là où elle était plus lointaine.
Mais cette chasse aux sorcières reflète aussi la situation de la religion catholique dans
ces années-là. Il s’agit d’une religion :
- de la peur exaltant un Dieu terrible, vengeur et peu miséricordieux pour ceux qui se
trompent
- croyant à l’existence du diable (le diable est peu présent dans les mentalités populaires
avant les années 1570-80, années de guerres de religion extrêmes)
- marquée par une concurrence entre protestantisme et catholicisme qui favorise
l’émulation pour éradiquer le mal du royaume
- souhaitant modifier en profondeur le mode de vie des Français pour qu’ils soient plus
en accord avec la dévotion de la Réforme tridentine (de Rome)
- dans laquelle les élites laïques (juges…) et religieuses veulent mener une croisade
pour la foi contre le démon (pour chasser une bonne fois pour toutes les superstitions
des compagnes).
Pour Robert MUCHEMBLED, les procès en sorcelleries deviennent alors des moments
d’acculturation des populations périphériques à l’ordre absolutiste de droit divin.
La sentence prévue pour les sorciers/sorcières est la peine de mort. La majorité des
condamnés/accusés sont des femmes (environ 80%). On parle donc essentiellement de
sorcières. Mais jamais le mouvement ne prend réellement une ampleur importante, il ne
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tt
ti
concerne que quelques milliers de sorcières-sorciers aux XVIe-XVIIe siècle dont une centaine
seulement est réellement condamnée à mort (par le bûcher).
Comment savoir qu’une femme est une sorcière ?
Des critères (clichés) sont présents dans les manuels de démonologie :
o Les sorciers/sorcières ont commis des crimes maléfiques
o Ils portent une marque diabolique sur le corps
o Ils rendent un culte au diable (sous la forme d’une parodie du christianisme
catholique)
o Ils sont accusés par des témoins d’actes diaboliques (destruction de récoltes,
assèchement de vaches, morts d’animaux, morts d’êtres humains, envoûtements dans
des buts amoureux ou haineux…).
Mais pour être condamné, l’accusé doit avouer ses méfaits. S’il ne le fait pas rapidement, il
subit la « question », c’est-à-dire la torture. Si les accusés résistent ils ne sont pas condamnés
à mort, et peuvent être élargis (libérés) ou le plus souvent exilés dans une autre province car le
procès a forcément remué beaucoup de tensions locales au sein de la famille et du voisinage.
S’ils avouent, ils doivent livrer leurs complices car la sorcellerie est vue comme une pratique
collective = ils livrent leur famille et des amis voisins le plus souvent. Puis commencent alors
les procès en sorcellerie des suivants. Robert MUCHEMBLED utilise alors l’expression
d’ « épidémie » car les accusations sont contagieuses en raison des dénonciations. Pour autant
les procès en sorcellerie ne sont jamais plus de 2 ou 3/an dans une province et seuls 8 à 10%
des accusés sont condamnés à mort.
Evidemment les sorciers n’existent pas. Pourquoi alors dénoncer des sorciers ?
- Car on croit en la présence d’individus démoniaques
- Car finalement la communauté villageoise cherche à expliquer ses malheurs, ses aléas
en trouvant un bouc émissaire.
- Parce que la communauté villageoise est touchée par la pastorale de la peur, de la
culpabilité, de la présence du mal
- Parce que les témoins à charge prouvent publiquement leur orthodoxie religieuse en
dénonçant des sorciers
- Parce que des vieilles femmes maîtrisent des savoirs populaires traditionnels et sont
les principales victimes de cette chasse aux sorcières : elles connaissent le pouvoir de
certaines herbes, elles aident à accoucher, elles sont gardiennes de la tradition et de la
culture ou de l’histoire villageoise (opposition entre culture villageoise traditionnelle
et culture moderne façonnée par l’Etat).
- Parce que les autorités extérieures ont la capacité à pénétrer plus qu’avant à l’intérieur
des villages et ainsi à détruire l’ordre et la cohérence traditionnelle du monde
villageois, au profit de l’ordre absolu nouveau. Finalement la découverte et lutte
contre les sorcières sert à renforcer un consensus autour du roi et de la foi.
- Finalement c’est pour l’Etat (le Centre) une manière d’éliminer des traditions
villageoises (les périphéries) et des formes de religion populaire. Pour Robert

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MUCHEMBLED, la sorcière n’est pas « la révoltée sociale » imaginée par Michelet
(La Sorcière, 1862). Elle est plutôt « la victime expiatoire » de la modernité
conquérante. Mais pour qu’elle le soit, il faut que l’on souhaite imposer de force la
modernité politique (l’absolutisme juridique) et religieux (la Réforme catholique).
Pour Guy SAUPIN, l’intensité de la lutte contre la sorcellerie renvoie à
« l’apprentissage de l’obéissance au sein d’une révolution culturelle politico-religieuse
soutenue par l’alliance du trône et de l’autel » (l’absolutisme de droit divin). Cette
lutte contre la sorcellerie se ralentit à partir des années 1630 jusqu’à disparaître après
une ordonnance royale de 1682 (mais la mansuétude de Louis XIV ne s’explique pas
par l’éradication du phénomène puisqu’il se maintient, plus discret, jusqu’au XIXe
siècle dans les campagnes. Elle signifie sûrement que l’Etat et l’Eglise n’ont plus
besoin de lutter contre cette soit-disante sorcellerie dans les campagnes périphériques.
Cela signifie alors que le compromis trouvé entre les institutions, les
intermédiaires locaux (prêtres, juges locaux, seigneurs) et les populations est
globalement satisfaisant ou suffisant pour le roi.

La réduction des protestants :


De 1616 à 1629, les protestants subissent la volonté de normalisation de la monarchie
absolue de droit divin. Stricto sensu, les derniers conflits entre la monarchie et les protestants
ont lieu de 1621 à 1629. Il s’agit des dernières guerres de religion en France. Ces guerres
civiles sont l’épilogue des guerres de religion du XVIe siècle (1562-1598) terminées par l’édit
de Nantes.
Les tensions s’affirment en 1616 au sujet du royaume du Béarn et de la basse-Navarre.
Depuis Henri IV, le roi de France est aussi roi de Béarn et de basse-Navarre (ce sont des terres
personnelles d’Henri IV). Un édit particulier a réglé dans ce royaume les guerres de religion
en accordant la primauté aux protestants sur les catholiques (tolérés par la majorité protestante
défendue par un Conseil souverain de Béarn). Ainsi en 1610, Louis XIII est roi de France et
roi de Béarn et basse-Navarre. Mais en 1616, Louis XIII impose au Béarn et à la basse-
Navarre leur incorporation au royaume de France puis en 1617 la restitution aux catholiques
des biens confisqués par les protestants ( c’est un coup de force du roi sur ce dernier point).
Le Conseil souverain du Béarn refuse cette restitution. De 1617 à 1620, le roi envoie des
remontrances auxquelles ne répond pas le Conseil souverain du Béarn. Dès lors, Louis XIII,
sous l’influence de l’oratorien Pierre de BÉRULLE (son aumônier, « l’apôtre du Verbe
incarné », partisan de la domination de l’Eglise sur l’Etat et grand adversaire de l’hérésie) et
du jésuite Père ARNOUX (1576-1636, son confesseur) décide de descendre à Pau avec
l’armée royale. Sans heurts, le Béarn et la basse-Navarre se soumettent à Louis XIII. A Pau,
Louis XIII s’affiche comme roi de la Réforme catholique face à une foule protestante :
- une procession du Saint Sacrement traverse Pau (en lien avec la transsubstantiation
catholique)

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- le Conseil souverain du Béarn devient un Parlement royal composé d’officiers
uniquement catholiques
- multiplication des jésuites dans le royaume pour convertir. En 1620 quasi 100% des
Béarnais étaient protestants ; dans les années 1660, seuls 20% des Béarnais sont
encore protestants.
Cette catholicisation du Béarn et de la basse-Navarre fait peur à tous les protestants du
royaume de France qui décident de s’organiser et de se préparer à un éventuel conflit avec le
roi de France. Les protestants organisent une Assemblée protestante à La Rochelle (leur
meilleure place-forte) réunissant des députés des différents territoires protestants français,
commencent à lever une armée, à prendre contact avec le roi d’Angleterre pour signer une
éventuelle alliance militaire, à donner des commandements militaires aux grands nobles
protestants comme le duc Henri De ROHAN (ancien compagnon d’armes d’Henri IV, il est
marié à la fille de Sully : Marguerite de Béthune), à se préparer à lever la taille pour payer la
guerre... Aux yeux de Louis XIII, les protestants français apparaissent comme des rebelles
puisqu’ils se préparent à une révolte. Yves-Marie BERCÉ parle de « gouvernement
sécessionniste » et de « contre-Etat protestant » (Nicolas LE ROUX, 2009). En tout cas, Louis
XIII proclame que les 75 députés qui participent à l’Assemblée de la Rochelle sont criminels
de lèse-majesté.
L’initiative de la violence est prise par les protestants, qui un peu spontanément, se
révoltent à Privas et mettent la ville à sac en février 1621. Dès lors le roi va réagir et mobiliser
l’armée royale en avril 1621 (41 000 fantassins et 6 000 cavaliers dirigés par le nouveau
connétable et favori LUYNES, totalement incompétent). Les premiers combats sont des
succès royaux mais l’armée royale connaît un échec à Montauban, assiégée en vain d’août à
novembre 1621 (l’armée, touchée par une épidémie de scarlatine dont meurt Luynes, a perdu
en tout 14 000 soldats) = retraite décidée par Louis XIII et victoire des Montalbanais. Les
combats reprennent en 1622) mais la place protestante de la Rochelle tient toujours.
La dernière lutte a lieu entre 1627 et 1629 symbolisée par le siège de La Rochelle
(1627-28). Les protestants menés par Rohan sont alliés au roi d’Angleterre CHARLES IER
qui les soutient par sa flotte de guerre, par des fantassins et par un soutien logistique. Le
Mercure français de 1627 déclare que Louis XIII et Richelieu sont engagés alors dans un
combat pour détruire « l’Etat dans l’Etat ». Siège de la ville et de son port par 20 000 soldats
de l’armée royale de septembre 1627 à 1628. La ville est protégée par des murailles
bastionnées mais n’est quasi défendue que par 21 000 civils. RICHELIEU et LOUIS XIII
viennent en personne diriger le siège à partir d’octobre 1627. Ils décident d’encercler la ville
par des murailles et des forts, mais aussi de construire une digue d’1,5 km de long et d’une
vingtaine de mètres de haut (avec un goulet au milieu pour laisser passer la marée) pour
fermer les liens entre le port et l’Océan (les Anglais). Ils font donc un blocus et attendent que
les vivres manquent aux Rochelais. C’est RICHELIEU qui finit seul chef de l’armée royal à la
Rochelle car le roi quitte le siège de février à avril 1628 : c’est la première fois qu’un cardinal
dirige une armée royale. La Rochelle capitule finalement le 28 octobre 1628 (15 000 morts

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sur 21 000). Le roi accorde son pardon aux Rochelais, confirme leur liberté de culte (ce n’était
donc pas une croisade, mais une guerre pour imposer l’autorité royale à des rebelles) mais fait
détruire les murailles, autorise de nouveau le culte catholique dans la ville. Peu à peu le culte
calviniste va refluer.
La propagande catholique fait de cet événement un tournant, comme une nouvelle
Jéricho dont les murailles sont tombées devant un nouveau JOSUÉ. Puis le Languedoc
protestant est soumis avec grande violence par Henri II de Condé (en 1628 : il écrit à
Richelieu qu’il faut « dépeupler ce pays de ses habitants qui ne surent jamais ce que c’était
d’obéir au roi »)= « violence terroriste » selon Nicolas LE ROUX (2009) : villes brûlées,
garnisons massacrées. Exemple de Privas mise à sac le 28 mai 1629 en présence de Louis
XIII. Richelieu écrit à Marie de Médicis que « cet événement touchera le cœur de beaucoup
de gens, qui ont jusqu’ici pensé pouvoir résister au roi impunément ».
Finalement tous les protestants se rendent et la paix d’Alès de juin 1629, confirmée
par l’édit de Nîmes de juillet 1629, clôt définitivement les guerres de religion en France.
Mais contrairement à l’Edit de Nantes, généré par des négociations entre le roi, les
catholiques et les protestants, l’édit de Nîmes n’est pas négocié mais il est imposé par le roi
aux protestants, comme une grâce royale, à l’issue d’une victoire militaire :
- le catholicisme est rétabli partout et il commence sa reconquête dans le midi
- les murailles des villes protestantes sont rasées
- les protestants n’ont plus ni places fortes ni assemblées
- Mais ils ont la liberté de culte
- Les chefs protestants sont pardonnés mais ils doivent maintenant servir le roi. Le roi
attend une soumission totale des protestants.

Richelieu et Louis XIII mettent vraiment en place une « monarchie exécutive » (Joël
CORNETTE) fondée sur l’exaltation de l’obéissance des sujets (par la suite, en 1632, le
juriste absolutiste Cardin le Bret écrit : « la souveraineté n’est pas plus divisible que le point
en géométrie » (Traité de la souveraineté du roi).

Transition :
A partir de 1629, les protestants français ne peuvent qu’abandonner la stratégie de
révolte et opter pour le service du roi afin d’espérer bénéficier de la protection royale face à
un catholicisme dévot rétif.
Mais les dévots vont être déçus par Richelieu, plus intéressé par le service du roi que
par la gloire du catholicisme (il s’intéresse alors en politique étrangère à créer une alliance
avec les souverains étrangers protestants contre les catholiques Habsbourg).

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