Vous êtes sur la page 1sur 85

LECTIO DIVINA

L. CERFAUX

LE CHRIST
DANS LA THÉOLOGIE DE SAINT PAUL

(3e édition, 18° mille)

Tome2

LES EDITIONS DU CERF


TABLE DES MATIÈRES 433
§3 La race nouvelle et le Christ ................ . ... 255
1. Une nouvelle création ..................... 255
2. Le Christ collectif ...................... ... 257
Conclusion .................................... 257

CHAP. VI Le Christ et l'Église ................... 259


§I La notion d'Église ............................. 259
1. Église, peuple et communauté du Christ ..... 259
2. Épouse du Christ et construction céleste ..... 263
3. Corps du Christ ........................... 264
2 La vie de l' Église .............................. 266
r. Le Baptême et l'Eucharistie ..... . .......... 267
2. Les charismes ............................ 268
3. La foi, l'espérance, la charité................ 269
4. La lecture de l'Ancien Testament ........... 270
§ 3 La constitution de l'Église ...................... 271
Synthèse ..................................... 273

LIVRE III

LE MYSTÈRE DU CHRIST
CHAP. I Les hymnes christologiques ........... 279
§1 Les hymnes sur la carrière du Christ.............. 280
1. L'hymne de I Tim., n1, 16 .................. 28r
2. L'hymne_ au Christ-Serviteur de Dieu ( Phil., r1,
6-11).................................. 283
A. Authenticité paulinienne ................ 283
B. La source principale .................... 284
C. Analyse exégétique ..................... 288
§ 2 Hymne sur l' œuvre du Christ (Col., 1,'15-20) . ...... 298

CHAP. II La révélation du Mystère du Christ . . .. 303


§r Le milieu littéraire ............................. 303
ra Les hymnes .............................. 3o6
20 Actions de grâces ......................... 306
30 Interprétations de l'Ancien Testament ....... 307
4 0 Développements théologiques . ............. 308
§ 2 Les phases dans la révélation du mystère ......... Vo
r. Révélation du mystère aux apôtres .......... 310
2. Paul, dispensateur du mystère .............. 31,
3. La connaissance du mystère par les Gentils ... 312
Conclusion .................................... 3t2,
434 TABLE DES MATIÈRES TALE DES MATIÈRES 435
CHAP. III L'Exposé du Mystère .................. 315 3. L'usage de Xptcrdç dans les; épltres ......... 366
§ I L'unité du monde par le Christ .................. 315 io Le message et l'apostolat ................ 367
§ 2 La récapitulation dans le Christ ................. 20 Foi, justification, vie ............... 370
318
§ 3 Le corps du Christ et le plérôme ................. 30 • Xptcr6ç s et l'Ancien Testament ........ 372
320 4o La préexistence du Christ ............... 373
§ 4 La primauté du Christ ......................... 322 § 2 Jésus et le Seigneur jésus ...................... 374
§ 5 L'image de Dieu ............................... 324 I. jésus .................................... 374
Io L'homme céleste, image de Dieu ........... 325 2. Le Seigneur jésus; notre Seigneur jésus ..... 375
20 Le Christ en gloire, image de Dieu .......... 326
31) Le Christ-image dans la création ...........
§3 (Le) Christ jésus; Jésus-Christ .................. 376
327
§4 Le Seigneur Jésus-Christ et Notre Seigneur Jésus-
Christ ...................................... 379
CHAP. IV Fils de Dieu .......................... 329
§ I Les interventions du Fils de Dieu ................ CHAP. VII La christologie paulinienne (synthèse) ... 383
329
I. A la Parousie ............................. 329 § I La Divinité du Christ .......................... 383
2. Dans la Passion ........................... 332 r. c Seigneurs .............................. 384
3. La première . mission s .................... 332 2. Fils de Dieu .............................. 385
4. Dans la création........................... 335 3. 'Ev kLop?-~ 9eo5 .......................... 386
5. Dans notre filiation ....................... 335 4. Image de Dieu ............................ 386
§ 2 Le Père et le Fils .............................. 336 5. '0 êat a&vtwv 9e6ç....................... 387
§3 Les origines de la formule ...................... 337 § 2 La construction théologique..................... 392
I. Héritage chrétien et apports nouveaux ....... r. Le plan de la construction ................. 392
337
2. Influence de l'Ancien Testament et du judaisme 339 2. Les matériaux ............................ 393
3. Origine païenne ?.......................... 3411 3. L'intuition fondamentale ................... 397
4. Influences de la philosophie................. 343
Conclusion générak . . ............................... 399
CHAP. V Le Seigneur .......................... 345
§ I Avant saint Paul .............................. 346
I. La théorie de Bousset ... . .................
346
2. Kyrios dans le christianisme primitif ........ 3,18
§ 2 Le legs de la communauté primitive à saint Paul.... 350
I. Kyrios jésus ............................. Bibliographie ..................................... 405
350
2. Le titre c Kyrios s et la parousie............. 350 Auteurs modernes ....................... .......... 407
3. Le titre c Kyrios . et jésus dans sa vie mortelle. 351 Références aux textes des épîtres pauliniennes, Act., et I+
§3 Le nom divin ................................. 351
I. Application au Christ des textes de l'Ancien Petri . .......................................... 410
Testament ............................ 352 Citations de l'Ancien Testament ............. . . . . . . . 423
2. Dieu notre Père, et le Seigneur Jésus-Christ... 354
3. 6e6ç et K6ptoç. .......................... Index alphabétique des matières . ..................... 424
355
4. Le Nom au-dessus de tout nom ............. 357

CHAP. VI Noms et titulature du Christ .......... 36,


§ I Christ.. .. , .............................. 36,
i. «Christ c nom propre ...................... 362
2. L'idée messianique et Xotcr6ç ....... ........ 364
LIVRE III

LE MYSTËRE DU CHRIST
La christologie paulinienne est fondée tout entière sur la foi
au Christ, Fils de Dieu et Seigneur. Ni l'eschatologie, ni la
mystique » des épîtres ne s'expliqueraient sans cette foi
initiale qui était celle des chrétiens et qui s'est imposée à Paul
dans sa conversion. Le message, les formules de foi que Paul
transmet aux Églises et toutes les manifestations de son
activité apostolique supposent ou expriment plus ou moins
explicitement le dogme fondamental des chrétiens.
Cependant, l'Apôtre approfondit le mystère de cette foi. Le
Christ porte sur lui et en lui un secret qui s'identifie au plan
de la Sagesse divine. Le secret est inaccessible à ceux qui n'en
reçoivent pas révélation'.
Nous dépasserons dans ce livre les lignes précises d'une
étude sur le mystère paulinien, alors que ce nouveau centre
d'intérêt de la christologie paulinienne, qui apparaît surtout
dans les épîtres de la captivité, nous a fourni le titre et l'occa-
sion des premiers chapitres.
Concentrant son attention, non plus sur l'eschatologie, ni
sur les effets de la présence du Christ dans le monde, saint Paul
s'efforce souvent de pénétrer le secret profond dont la foi
enveloppe l'oeuvre et la personne du Christ. Nous essayerons
de le suivre sur ce terrain. Au début, comme nous l'avons fait
pour les livres précédents, nous analyserons l'une ou l'autre
forme littéraire plus importante à laquelle se lie la doctrine.

r. Nous n'entendons pas le terme de a mystère * ou secret au sens cultuel


et de gnose, défini comme syncrétisme des religions de rédemption (T. ARVEDSON,
Das Mysterium Christi, Upsala, z937). Toutes les analogies : vocabulaire, révé-
lation, contenu du mystère nous font penser aux « secrets . apocalyptiques.
CHAPITRE PREMIER

LES HYMNES CHRISTOLOGIQUES

z. - Du message chrétien aux hymnes sur la carrière du Christ. -


L'hymne de I Tim., III, 16. - L'hymne su Christ-serviteur de Dieu
( Phil., 11, 6-11). Authenticité paulinienne. - L'hymne et le chant du
serviteur d'Isaïe : similitude de situation et de vocabulaire ; l'hymne
dans la tradition. - Analyse exégétique.
2. - Hymne sur l'ceuvre du Christ (Col., z, zs-2o) ; division strophique ;
analyse exégétique.

En même temps que la critique moderne s'intéressait au


culte, - avec la tendance naturelle à dépasser la mesure,-
l'attention s'est fixée sur les traces de liturgie que nous pouvons
retrouver au début du christianisme'. A côté des confessions
de foi et des actions de grâce, les hymnes au Christ ont tenu
une grande place dans la liturgie primitive. La lettre de Pline
le jeune à l'empereur Trajan 2 en fait mention. Nous en retrou-
vons des traces nombreuses dans notre documentation du
Nouveau Testament. Nous n'oserions assurer pour autant
que nous possédons la teneur exacte de ces hymnes; un simple
écho, une imitation du style -hymnique n'équivalent pas à une
citation. Cependant, pour ne pas compliquer outre mesure
notre rédaction, nous feindrons souvent de confondre les allusions
avec des citations proprement dites. Comme nous ignorons
si les hymnes étaient en prose rythmée ou répondaient à une
prosodie plus précise, grecque ou sémitique, il sera préférable
de renoncer à toute hypothèse qui modifierait notre texte.
Une étude sur l'hymnodique chrétienne s'étendrait à l'en-

1. Cf. O. CULLMANN, Le culte dans l'Église primitive, Neuchâtel, 1945


Urchriste;aum and Gottesdienst, Zurich, i95o
2. Ep., x, 96, 7.
280 LE MYSTÈRE DU CHRIST LES HYMNES CHRISTOLOGIQUES 281

semble du Nouveau Testament. Outre les épîtres strictement deuxième gauchit dans une direction visant le salut : « Il s'est
pauliniennes, l'Apocalypse, la Ia Petri et l'épître aux Hébreux appauvri pour vous, lui qui est riche, pour que vous soyez enri-
fourniraient leur apport. Nous nous en tiendrons aux épîtres ebis par sa pauvreté ». L'enrichissement des chrétiens suppose
auxquelles nous demandons ordinairement de témoigner de que le Christ a reçu le pouvoir de distribuer après la résurrection
la christologie paulinienne. Nous distinguerons deux sortes ses richesses divines, - car c'est de cela qu'il s'agit -. Le Christ
d'hymnes: ceux qui décrivent la carrière du Christ, et ceux qui Fils de Dieu possède toute la richesse (l'éclat des biens et de la
expriment le mystère de son ceuvre. puissance) de Dieu. Ainsi l'état qui précède l'incarnation et
l'état qui la suit peuvent s'exprimer par une même notion
ici celle de richesse.
§ I - LES HYMNES SUR LA CARRIÈRE DU CHRIST L'hymne christologique de Phil., Il, 6-I1 est le plus beau
développement que nous possédions sur la carrière du Christ.
Des amorces de synthèse christologique, dans les épîtres, Nous placerons sur la même ligne l'hymne conservé textuelle-
représentent la carrière du Christ comme un drame à peripéties. ment dans I Tim., III, 16. Des hymnes du même genre pour-
Le jeu est mené par Dieu qui a envoyé son Fils dans une nature raient avoir laissé des traces dans Hebr., I, 3 et I Petr., II, 22-2.}.
humaine, l'a livré à la mort pour le ressusciter, le glorifier et
nous conduire avec lui jusqu'à cette gloire. Ou bien l'acteur I. L'hymne de I Tim., III, r6.
est le Christ qui a pris la nature humaine, s'est livré à la mort,
Une formule inattendue introduit l'hymne :, « Grand est le
est ressuscité, etc.
mystère de la piété ». On pourrait comprendre que l'hymne
Le « message » chrétien met naturellement en avant l'inter-
lui-même serait ce mystère'.
vention divine qui sauve l'humanité. Ainsi, inspirée du message,
Celui qui est apparu dans la chair,
l'adresse de l'épître aux Romains nous présente « la bonne
et qui a été justifie dans l'Esprit;
nouvelle de Dieu, que Dieu a fait annoncer à l'avance par ses qui s'est montré aux anges,
prophètes, et qui a pour objet son Fils, né de la race de David et qui a été annoncé parmi les nations;
selon la chair, désigné comme Fils de Dieu en puissance selon qui a été reçu par la foi dans le monde,
l'Esprit de sanctification par la résurrection des morts, et qui a été ravi en gloire.
Jésus-Christ Notre-Seigneur » 1 . Les étapes de la carrière du
Quoi qu'en dise E. Norden 2 , les quatre derniers vers sont
Christ sont bien marquées : Fils de Dieu, incarnation, glorifica-
réunis deux à deux par antithèse ; l'hymne est bâti sur des
tion dans la Résurrection en attendant la parousie.
antithèses, variations d'une même antithèse fondamentale
D'autres passages des épîtres opposent la vie du Christ dans opposant la terre et le ciel, qui devient successivement
la chair à sa vie de ressuscité (antithèse « selon la chair - selon
chair-Esprit ; nations-anges ; monde-gloire céleste. Le chiasme
l'esprit»). Nous connaissons également, et celle-ci est primitive,
intervertit l'ordre dans le deuxième couple antithétiques.
l'antithèse entre la mort et la résurrection. La première antithèse est essentiellement paulinienne et la
L'état du Christ dans sa nature humaine s'exprime donc en phrase : « celui qui est apparu dans la chair et qui a été justifié
deux antithèses fondamentales : l'une visant l'avenir et oppo-
dans l'Esprit » rappelle Rom., 1, 3 sq. 4 . Comment « être
sant chair et mort à résurrection spirituelle ; l'autre remontant
vers le passé ou l'éternité et opposant l'incarnation à la dignité
du Fils de Dieu. 1. Comparer avec notre formule celle de Éph., v, 32 : sô lxUQr1~PCOV 'tOG:o
lad-(a écrty (où lx. désigne peut-être une exégèse inspirée). On note pour sûa. le
Les deux antithèses réunies dans le kérygma de l'épître aux
sens d'acte de piété (ARIST. Rh. Al. 1423b28: Liddell-Scott) ou de service litur-
Romains le sont également dans II Cor., viii, 9, où cependant la gique. Le « mystère de la piété » serait un hymne liturgique consacré au mystère
du Christ, mystère par métonymie, parce qu'un c mystère » y est révélé. Sur le
caractère x gnostique » de cet hymne, cf. R. BuLTuANN, Theologie, p. 176.
1. Pour la valeur c schématique a de ce passage dans la christologie pauli- 2. Agnostos Theos, p. 256.
nienne, cf. W. L. KNox, The . Divine Hero » Christology in the New Testassent, et la justice, p. 84-89.
3. A. DHSCAMFS, Les iustes
dans Harvard Theolog. Review, xLt (1948), p. 231, n. 3. 4. On songe également à I Petr., ni, 18 ; cf. Joach. JsitsactAs, Zwischm
282 LE MYSTÈRE DU CHRIST LES HYMNES CHRISTOLOGIQUES 283

justifié » peut-il signifier l'élévation du Christ dans la sphère II. L'hymne au Christ-Serviteur de Dieu (Phil., II, 6-11 1).
et la puissance de l'Esprit ? La justification paulinienne coïn- Saint Paul exhorteles Philippiens à la concorde et à l'humilité.
cide souvent, dans le concret, avec la sanctification ; on cite
Il est préoccupé de l'état de ses chrétientés à la vue de ce qui
~txxto"ve8at, avec le sens de « changement mystique a, dans
se passe autour de lui à Rome. Ce ne sont que rivalités (TAovo;,
Poimandres, 13, 9 ; mieux vaut peut-être rappeler que Uxato; s des chrétiens entre eux et autour de Paul
EpK, lptOeia)
à côté de &yto; et avec un sens analogue, est un titre archaique prisonnier. Un parti, sans doute encore des judéo-chrétiens,
du Christ, cf. Act., III, 14 ; VII, 52 1. s'agite et met à profit l'impuissance momentanée de l'apôtre.
Le Christ « est apparu aux anges et il a été annoncé aux
Peut-être des bruits sont-ils parvenus à celui-ci de divisions
Gentils u. Il est naturel de songer au mystère tel que saint
dans la communauté de Philippes. Il insiste pour que les
Paul a coutume de l'exposer ; les anges représenteraient dans chrétiens de là-bas, ses fils de prédilection, restent unis entre
ce cas les Puissances des épîtres de la captivité. On cite un
parallèle de l'Ascension d'Isaïe, XI, 22 suie. « Et je vis, lors-
eux, « dans un seul Esprit n, unanimes (bttfc ~ux 8). La charité r
chrétienne, la communauté de l'Esprit sont le bien essentiel
qu'il envoya les douze disciples et qu'il monta. Et moi, je le
du christianisme (II, z). Que les Philippiens aient pitié des
vis, et il fut dans le firmament, et il ne se transforma pas selon
souffrances de Paul et se montrent dignes de son martyre 4.
leur forme, et tous les anges du firmament et Satan le virent,
Qu'ils conservent la charité dans l'union des âmes", qu'ils vivent
et ils adorèrent. Et il y eut là une grande tristesse, ils disaient
d'accord, dans les mêmes sentiments°, évitent la vaine gloire
Comment notre Seigneur est-il descendu sur nous, et n'avons-
(xsvo8o~lav) et restent dans l'humilité (tiaastvocppoeûv~) plaçant
nous pas reconnu la gloire (qui était sur lui)... n 2
les autres au-dessus d'eux-mêmes7, loin de tout égoisme.
L'hymne est plus proche de l'Ascension d'Isaie que des épîtres
Voilà les sentiments qu'ils doivent avoir entre eux et c'est
de la captivité, où le Christ glorifié se montre aux Puissances
là l'exemple du Christs. Le Christ en effet a donné l'exemple de
par l'intermédiaire de l'Église, ou bien les soumet de vive
la concorde avec son Père, du renoncement et de l'humilité.
force à sa parousie. L'hymne et l'Ascension rapprochent
L'hymne est introduit.
de la manifestation aux anges la prédication aux Gentils
(la mission des Douze dans « l'Ascension n). Ce sont deux points A. Authenticité paulinienne.
principaux du mystère dans la théologie paulinienne : le
Christ s'impose là où la religion juive n'avait pas réussi, dans La tentation est forte aujourd'hui de croire que Paul s'est
le monde des Gentils et en face des Puissances célestes a. approprié un hymne chrétien primitif, peut-être judéo-chrétien
Entre la descente dans la chair et l'intronisation céleste et composé probablement en araméens. Cependant, l'hymne
du Christ (ravi en gloire) se place l'oeuvre du salut, la prédica-
tion aux nations et l'établissement de la foi chrétienne dans x. On nous pardonnera de renvoyer d'une manière générale à notre article
le monde. Le jeu des antithèses nous permet cependant d'établir L'hymne au Christ - Serviteur de Dieu (Phil., n, 6-11 ; Is., LII, 13 - LIII,12), dans
une équivalence entre les deux formules : manifestation aux les Misedlanea historica Alberti De Meyer, Louvain, 1946.
2. Phil., 1, 15,17.
anges et exaltation en gloire.
3. 1, 27 :thème pythagoricien.
4. II, 1 ; cf. 1, 30.
5. cvéL~u4bt, n, 2
Karfreitag and Ostern, dans Zeitschrift f. d. Neutestamentliche Wissenschaft, 6. sô auto cfpov te... tô gv tppovoûvTEq (II, 2).
XLII (1949). P- 195- 7. âÀÀ~X0uç 3Ï YOuflFV01 ûltE?EXOVTaç Ëautwv ( n, 3).
1. A. DEscA\ipS, op. cit., p. 88, suppose l'équation biblique justice et gloire 8. toUTO (PPOVEÉTE é.v UN.iv, b xat Ev Xps9Ti~ 'Inaoû (11, 5). Pour cette tra-
et traduit justifier par a glorifier ». Le ton général et le balancement des couples duction de év X.'I,. • suivant l'exemple du Christ P, cf. 1, 30 . le combat que
antithétiques s'opposent au sens juridique (Th. PREISS, Le témoignage intérieur, vous voyez en moi - dont je donne l'exemple - et que vous entendez dire en moi.
p. 21, n. 2). 9. E. Loxuayz1t, Kyrios Jesus. Eine Untersuchung zu Phil., II, 5-xx, dans
2. Trad. E. TISSERAVT, Ascension d'Isa-xe, p. 207 sq. Sitsungsberichfe der Heiddb. Ahad. der Wissemchajten, Philos. hist. KI., x927-
3. Nous préférons cette exégèse à celle qui voit une allusion à la descente aux 1928, 4, p. 7 sq. Cf. T. ARVSDSON, Das Mysterium Christi, p. x5o ; O. CuLLMexN,
enfers, les anges représentant dans ce cas les princes du monde inférieur (W. G. Les Premières confessions, p. 16. Joach. Jeremias, retenant la division en trois
KuEmNfEL, Mythische Rede, p. 130). Ci. A. DESCAMPS, op. cit., p. 86. strophes, comme nous la proposons, estime qu'on peut obtenir pour chacune des
284 LE MYSTÈRE DU CHRIST
LES HYMNES CHRISTOLOGIQUES 285
répond à l'exhortation que nous venons d'entendre ; les idées
et même le vocabulaire se font écho. Saint Paul exhorte ses sinon l'aventure mystérieuse du R Serviteur de Dieu » dont le
fidèles à c estimer » les autres au-dessus d'eux ; le Christ a prophète décrivait la carrière ?
« estimé » que l'égalité avec Dieu n'était pas une chose à prendre L'analogie des situations n'est pas fortuite. Le Christ lui-
contre le gré de son Père 1 . Les Philippiens sont tentés de vaine même en a appelé à deux figures qui se rejoignaient dans la
gloire ; le Christ s'est dépouillé de ses privilèges 2. Leur humilité perspective prophétique : le Serviteur de Dieu d'Isaïe et le
imitera celle du Christ a. S'ils renoncent à leur propre intérêt, ils Fils de l'homme de Daniel ; le christianisme primitif les a
pourront songer que le Christ a obéi à son Père jusqu'à la morts. placées aux fondements de sa théologie, message, liturgie et
Leur persévérance est un gage de salut, grâce réçue de Dieu, parénèse l ; saint Paul s'en souvient en rappelant l'exemple
comme le Christ a reçu de Dieu sa glorification". D'autre part, du Christ qui a pris le rôle de Serviteur de Dieu 2.
l'ode résume toute la théologie christologique de l'Apôtre. Il est tout naturel que Paul cherche son inspiration dans
Il est vrai que le style est ici grave et hiératique et que l'Ancien Testament. Le texte de Jérémie (Ix, 22) lui a suggéré
l'agencement des périodes est plus étudié que d'habitude. la belle période de I Cor., I, 27-31-
C'est pourquoi aussi nous parlons d'une ode. Mais celle-ci Le Serviteur de Dieu dans la Septante est nommé empha-
est-elle moins paulinienne que l'hymne à la charité de I Cor., tiquement =%S 9soû s, mais aussi UÛX05 ". On parle de son
xi22 ? La prose de saint Paul, à certains moments, se cadence aspect" misérable$, de sa soumission?. Il est blessé et est
et se rythme en périodes comparables à des strophes. Qu'il y ait affligé à cause de nos péchés$, livré à la mortO. Mais surtout,
à l'arrière-plan de pareils morceaux des compositions litté-
raires dont les Odes de Salomon, les psaumes liturgiques
et les chants du Serviteur de Jahvé sont de beaux exemples, conséquences, la dépendance de l'ode vis-à-vis des chants du Serviteur. Il
nous n'en disconviendrons paO. Le vocabulaire est moins exagère beaucoup, par contre, l'influence des descriptions ou des soi-disant
chants du Fils de l'homme. Le contact entre le Fils de l'homme et le Serviteur
étranger à Paul qu'il ne paraît à première vue et l'on connaît de Dieu est assuré pour le Livre d'Hénoch, cf. E. SJosaxRG,DerMenschensohn,
assez toute la richesse de Paul en cette matière et son extrême p. 1go-z98, joach. ,JEREMIAs, dans Theolog. Literaturseitung, Lxxiv (1949),
mobilité. On peut admettre d'ailleurs qu'il a composé cet col. 4o6. K. BORNHAEUSER, Jesus Imperator mundi (Phil., 3, I7-21, and 2, 5-11)
hymne dans le style propre à ce genre littéraire, et même qu'il Gutersloh, 1938, p. 19-2I rapproche étroitement l'hymne et Is., LIr, 13 - LIII, I2.
1. Cf. L'hymne au Christ-Serviteur de Dieu, p. x25-I2g.
s'inspire d'un hymne déterminé. 2. Cf.Rom., x, I6 à comparer avec Jo., xlr, 37 sq., se référant à Is„ LIII, 1
pour expliquer la désobéissance des juifs à l'évangile.
B. La source principale. 3. IS., LII, 13 ; XLIX, 6 ; Cf. LIII, 2 : TCat8(OV.
4. Nous comprendrions leopcpiiv 8oûaou sous le bénéfice d'une référence
_. C'est dans les chants du Serviteur du livre d'Isaïe qu'il explicite au chant du Serviteur. Sans doute, BoûÀoç possède ici son sens religieux
faut chercher la source la plus proche de l'inspiration de et sacré. Mais ce sens n'est-il pas très concret 1 Le Christ a revêtu le personnage
mystérieux dont parlait Isaïe, il est le Serviteur par excellence, humble et soumis
l'ode'. Le Christ obéissant et humilié, puis exalté, qu'est-ce,
au mépris des hommes, qui accomplit le plan divin du salut. Rengstorf objectera
que le Christ n'est pas nommé ailleurs Boù),oç OEoû, mais iraïç, et que, dans
le chant du Serviteur (LII, 13) c'est 7raïç qui est employé (art. 8oûaoç dans
strophes 4 lignes en membres parallèles, à condition de considérer comme addi- Theolog. Wartcrbuch, ii, p. 282). C'est Vrai. Mais Aquila (IS., LIT, 13) traduit
tions pauliniennes a) Oavâtou h aTauoo5 b) troupaviwv xai tirt-(E(wv xai 8oûoç et la Septante elle-même écrit 8ouXEbovsa dans le contexte (Lui, Ii) et
xaza Oov(wv, c) Esç 8ô~av OEoû aa,pdç (communication personnelle du 16/815o). emploie solennellement 8oùXoç dans le chant précédent (XLIx, 3, 5). Le choix de
I. «,^/OÛitFVOL Û.CEPÉZOVTaq (Ir, 3) cf. o6x &pra-( FLOV i,Y~QaT0 (II, 6). 8oûaoç s'imposait à Paul à cause de l'antithèse implicite avec xûocoç.
2. xsvo8o (av (II, 3) Cf. 'EauTÔv txivwasv (n, 7). 5. Ei80Ç et 86Ea IS., LII, I4; Cf. LIII, 2; Aquila traduisait 6paacç aûro"u xal
3. Ta7CEtVOtpp06JV7~ (II, 3) Cf. ~TarELvwcFv ÉajTÔV (II, 8). liopcp~ aPrroû (ms. 86) en Lu, 14 et le même mot Ftooffrl revenait LIII, 2 (ms.
4. II, 4 comparé à SI, 8. 86). Le problème changerait d'aspect si, comme le pense joach. jeremfas,
5. ÈXapt'gO-q (I, 29) Cf. éxapieaso ( u, 9). notre hymne de PAU. traduisait directement l'hébreu d'Isaïe (cf. p. 286, n. 2).
6. Cf. A. DRlssUANN, Paulus, Tubingue, 1925, p. 1so ; R. SCHUETZ, DieBedeu- 6. à80t~QEt : LII, 14; àTtitGV : LIII, 3 ; âvOOw-rsoç éV 1CÂ~YT~ WV : LIII, 3 etc.
tung der Kolometrie fur das N. T., dans Zeitschrifi f. d. Neutestam. Wissenschaft, mauvais traitements infligés su serviteur : L, 6 Sq.
XXI (1922) p. 182-184 (langue religieuse et poésie). Z L, 4 sq.
7. E. LOHMEyxR ( Kyrios Jesus) reconnaît, sans toujours en dégager toutes les 8. LIII, 5.
g. LIII, 6,12, avec la formule traditionnelle que le christianisme primitif a lue
LES HYMNES CHRISTOLOGIQUES 287
28 6 LE MYSTÈRE DU CHRIST

le contraste entre nos anéantissements et sa glorification est 2. Le chapitre 16 de l'épître de saint Clément Romain aux
si bien marqué qu'il est tout naturel d'y voir l'idée mère de Corinthiens exhorte ceux-ci à l'humilité en se basant sur
l'antithèse paulinienne : « C'est pourquoi il héritera des sujets l'exemple du Christ. Les circonstances et le motif invoqué
nombreux et divisera les dépouilles des forts, parce que son sont trop proches de l'épître aux Philippiens pour que Clément
âme a été livrée à la mort et qu'il a été compté parmi les de Rome, qui connaît bien les épîtres pauliniennes et en
i mpies » 1. Le parallélisme des situations se renforce de rappro- transpose mainte page', n'ait pas songé en l'écrivant au
chements verbaux 2. célèbre développement de saint Paul. « Le Christ, dit-il, appar-
Il y a, comme nous le montrerons plus loin, une relation plus tient à ceux qui ont des sentiments humbles (ta~er vocpPovovvTwv)
profonde encore entre Phil., il, 9-rr, et les deux passages et non à ceux qui s'élèvent au-dessus de son troupeau 9. Le
complémentaires Is., XLV, 22 sq. et XLIX, 7 3. Dans le premier sceptre de la majesté de Dieu 3 , le Seigneur Jésus-Christ, n'est
de ces deux passages que Paul a fortement remarqué, puisque pas venu dans la jactance et l'arrogance, bien qu'il l'ait pu",
sa phrase de Pliil., ii, ro n'en est qu'un décalque et qu'il l'a mais dans l'humilité (Tazservot~povwv) 6 , comme l'Esprit-Saint
déjà cité en Rom., xiv, ii, Dieu revendique sa souveraineté a parlé de lui. Il dit en effet... » Et Clément cite in extenso
absolue : « Tournez-vous vers moi et vous serez sauvés vous Is., Lui, Z-I2 pour conclure : « Voyez, frères bien-aimés, quel
qui venez des extrémités de la terre: je suis Dieu et il n'y en a pas exemple nous est donné : si le Seigneur s'est ainsi humilié
d'autre ». Dans le chant du Serviteur du ch. xLlx (Is., xLlx, que ferons-nous, nous qui sommes venus, par lui, sous le joug
6 sq.), Dieu cède à son serviteur la place qu'il revendiquait de sa charité ? »
pour lui-même : « Voici, disait-il, que je t'ai établi pour le pacte Ainsi donc, dans le filigrane du développement de saint
du peuple, pour la lumière des nations, destiné pour le salut Paul, Clément apercevait l'image du Serviteur de Dieu d'Isaïe.
jusqu'aux extrémités de la terre Il. » Le serviteur joue le rôle que C'est un bon juge et nous savons qu'il lit les épîtres avec
Dieu se réservait. C'est ce rôle que reprendra le « serviteur » intelligence et finesse et retourne volontiers aux sources mêmes
de l'hymne de l'épître aux Philippiens. Nous ne nous repré- qui ont inspiré l'Apôtres.
sentons peut-être pas assez vivement l'influence profonde de La lettre de l'Église de Lyon rattache le thème de l'imitation
l'Ancien Testament sur la formation de l'horizon paulinien. à la fois à Phil., 11, 5-11, à Is., Lui et à Apoc., xrv, 4-5. Le
Saint Paul a lu, et très spécialement en Isaie, l'histoire anticipée martyr Vettius Agapetus « était un véritable disciple du
du Christ, sa propre vocation et la mission qui était la sienne Christ, accompagnant l'agneau partout où il va » (Eus., Hist.
achever l'eeuvre du Christ, ses souffrances aussi bien que son Eccl., v, i, io). Les confesseurs « furent à ce point des fervents
travail missionnaire et porter la lumière jusqu'aux extrémités et des imitateurs du Christ, lui qui se trouvant dans la forme
du monde. de Dieu ne s'est point prévalu d'être l'égal de Dieu, que,-
se trouvant dans une gloire pareille... ils ne se proclamaient
point martyrs et ne nous permettaient pas de les appeler de ce
dans ce passage et que saint Paul a reprise: le Seigneur l'a livré ( Tap€~wxsv) nom » (ibid., v, 2, 2). La description de leurs souffrances (i;tillw-
pour nos péchés ; son âme a été livrée (irapEa60Yj) à la mort ; il a été livré à aaç... TPaû~aTa), dans ce même passage, s'inspire d'Isaie ; la
cause de nos péchés. même source d'emprunt est plus évidente un peu plus haut
I. LIII, 12 ; Cf. LII, 13-15-
(v, 1, 23), là où le martyr s'identifie avec le Christ-Serviteur
2. Comparer Ù~wO~aFzat (Is., LIT, 13) avec i~ nÉpu~waEv Phil., II, 9. Le chan-
gement en ÙTEp~~waEv s'explique par le désir des épîtres de la captivité de
noter que le Christ est au-dessus des Puissances, Cf. Éph., I, 21: ûaEp,4vw 1càaYK :. Cf. L. SANDrRs, L'hellénisme de saint Clément de Rome et le paulisisme,
àpXff,ç, x. T. X. Le verbe est un hapax paulinien mais saint Paul n'emploie pas le Louvain, 1943-
simple û~dw pour désigner l'exaltation du Christ. Comparer encore Std ( Pha., 2. Clément s'inspire de Phil., 11, 3.
n e 9) et GtdrTOÛTo (Is., Lin, 12) ' T6w 'taXupwv (lEptEt aXÛ%,Œ (I$., LIII, 12) et 3. Ceci doit correspondre à év 1toptf~ OEoû üadpXwv de Phil., 11, 6. C'est
~pTaYltdv (Phil., il, 6) ; XEVWç éxOT(aaa4 Ett; NC~TatOV %àI ECÇ oùaÈv €Swxa r~V une exégèse imagée mais point mauvaise.
tŒX'~v trou (Is., XLIX, 4) et ÉauTÔv tx€vwaEv ( Phil., I, 7) . Joach. Jeremias nous 4. C'est ainsi que Clément traduit oùX âprpyKèv ijy~aaTo To E1vat Iaa Ostu.
suggère que lauTÔV t: x€vwaEV traduit exactement kè'erdh napsh8 de Is., LUI, 12. Si ce n'est pas littéral, c'est bien la pensée profonde de saint Paul.
3. Voir plus loin, p. 295 sq. 5. Clément bloque Èx€vwaEv et éTazsE(vwaev de Phil., 11, 7 sq.
4. Luc place ce verset d' Isale dans la bouche de Paul, Act., XIII, 47. 6. Exemples dans L. SANDERS, op. cit., passim.
LES HYMNES CHRISTOLOGIQUES 289
288 LE MYSTÈRE DU CHRIST
Comme A. Deismann 1 , nous préférons unir étroitement
pour partager sa Passion et sa gloire (ô)•ov ,pa,ua rat les deux incises participiales semblables reliées par xal et,
Y.alauv~~TaSU.cyov%alar, O %l'/.0: 4f~•/àYOP(JTEtbV Ey(0fiEV u0E'~7~Y). pour garder le parallélisme entre la première et la seconde
Une confirmation nous est fournie par I Petr., 11, 21-25, ins- strophe, les commencer l'une et l'autre par une formule sem-
pirée également par le chant du serviteur, Is., LIII, 4-12 1 . blable sv uop~Pr,,ÉV ôuoubuaTt. Le sens recommande aussi cette
division ; la première strophe se termine sur l'idée que le Christ
C. Analyse exégétique. a pris une nature humaine ; la seconde insiste sur cet état
La première tâche est de percevoir le rythme de l'ode et sa qui devient l'occasion d'une humiliation ultérieure.
division en lignes et périodes ou strophes z. Voici comment nous
lisons
Première strophe.
(I) 6. Lui qui, existant dans la R forme . (v.onyr,) de Dieu,
ne s'est point prévalu d'être l'égal de Dieu, Elle est construite sur l'antithèse ordinaire du Fils de Dieu
7- mais il s'est anéanti (Eaj.6 ,o ER:vWGE`/), naissant dans la chair. Mais pour les besoins de la leçon morale
prenant la forme du Serviteur ( vol ~r,v SoûÀou).
à tirer de l'exemple du Christ, elle fait remarquer l'humiliation
(II) Devenu semblable (iv G~xo:vi~.a-1) aux hommes liée à la manifestation du Christ dans une humanité.
et considéré pour l'extérieur ( ,5Z-é, lxa-i) comme un homme,
Le sens que nous adoptons pour la 2e ligne se recommande
8. il s'est humilié (i-a7retvwazv éxu-•6v),
devenu obéissant jusqu'à la mort,
des idiotismes connus : &pTrayua aotE~e9at, ipuatov ou supAFta
la mort de la croix. aoteiagat, 7i ye%gOat, «considérer ou traiter quelque chose comme
une bonne aubaines ». Le Christ possède de fait l'égalité avec
(III) 9. C'est pourquoi (SI6) Dieu l'a exalté (ûZZOÛ~~we1v)
et l'a gratifié du Nom au-dessus de tout nom,
Dieu puisqu'il est Ey uop?r, AEoû. Mais il ne convient pas qu'il
Io. d e sorte que, au Nom de jésus, vienne dans le monde revendiquer de but en blanc les privi-
tout genou fléchisse, des êtres célestes, terrestres et infernaux, lèges de sa nature et de son rang. C'est ainsi que les chrétiens
i1. et toute langue confesse : Jésus-Christ est le Seigneur, de Vienne et de Lyon comprenaient le texte ; leurs martyrs
à la gloire de Dieu le Père. imitent l'exemple d'humilité que le Christ a donné (on cite
Phil., II, 6) ; se trouvant (comme lui) dans la gloire (de leur
Le point litigieux de la division strophique se trouve à
confession), ils ne prenaient point le titre de martyrs et refu-
l'intersection des deux premières strophes. Une « sentence saient de se l'entendre attribuer. Clément Romain comprend
commune » commence la deuxième grande période avec xat
de la même façon : « Le sceptre de la majesté de Dieu, le Sei-
ex7i uatit (et pour l'extérieur 3 ). Moins souvent, on rattache à
gneur Jésus-Christ, n'est pas venu en bruit de jactance ni
la première strophe les trois incises participiales «en prenant...
d'arrogance, bien qu'il l'eût pus ».
devenu... considéré comme 4 ».
Le butin n'est donc ni une « res rapta », ni une « res rapienda » ;

I. Ci. L'Hymne au Christ-Serviteur deDieu, p. 127; R. BULTMANN, Bekenninis-


und Liedfragmente ins ersieia Pelrusbrief, dans Coniect. neotestanent., xt (1947),
p. 1-I4, réservant l'influence d'IS., LIII pour les gloses ajoutées à un hymne pri- I. Paulus, p. 149-
mitif. 2. Références dans M. DIBELIUS, op. Cit., p. 75 sq. Il n'y a par conséquent
2. • Istx siquidem positurx seu puncta, quasi quaedam vine surit sensuum aucune raison d'insister sur âprayli6v et d'introduire directement ou à l'arrière-
et lumina dictionum, quœ sic lectores dociles faciunt, tamquam si clarissimis plan des spéculations plus ou moins mythologiques sur la chute des anges, la
expositoribus imbuantur . (CASSIODORE, P. L., Lxx, col. 1129 D-rr3o A, cité chute du premier homme, la tentation du Christ ou le mythe iranien. S'il y avait
par R. SCHUETz, Die Bedeutung der Kolometrie Jtir das N. T., p. 167). quelque chose à l'arrière-plan, ce serait plutôt une accointance de vocabulaire
3. F. PRAT, La Théologie, i, p. 373 ; 533 et les commentaires ;P. BENOIT, avec la religion grecque : 12op(K = la forme d'épiphanie d'un dieu; ia66Eoc dit
Les Êpltres de saint Paul aux Philippiens, etc., Paris, 1949, p. 26 sq., M. DIBELIUS, des héros ou des _souverains. K. BORNHAEUSER, op. Cit., p. I6-1g songe à une
An dis Thessalonicher I. II, An die Philipper, Tubingue, 1937, p. 73 protesta antithèse avec Caligula et explique o*)( âpasaYlsôv $,y~oaso comme une allu
contre la division commune, passée dans la ponctuation de Nestle : les deux sion au style impérial.
termes élio(wlta et oxrfha s'appellent l'un l'autre. 3. I Clem., 16, r.
4. M. DIBELIUS, ibid., p. 76-78.
Théologie de salit Paul. 1g,
LES HYMNES CHRISTOLOGIQUES 291
290 LE MYSTÈRE DU CHRIST

c'est plutôt un objet possédé sans doute justement mais dont tuelle et désigne l'être, la personne qui est Dieu (le Père). L'ab-
il ne faut pas user orgueilleusement et comme par bravade. sence de l'article ne donne pas à 6EÔS un sens appellatif. ' Ev 1.opcp~,
Le Christ est Fils de Dieu et par là, de droit, « Seigneur », mais 9Eoû équivaut à &v %~, 1AopT~ roù 9Eoû et ne peut nullement être

il va prendre la condition d'un serviteur'. Nous songeons remplacé par le 9EoF_t8Ajs de Philon'. D., là, il faut conserver à la
déjà à l'antithèse de la troisième strophe. préposition son sens local et traduire « possédant son existence
Le substantif ~Lopcp7,, qui revient deux fois dans notre contexte, réelle dans la « forme » de Dieu ».
dans les expressions Év txop?FS, OF-o5 et ~oprp~vSoû~ou est intra- A ces considérations s'oppose une aporie. Si nous partions
duisible en français 2. Il exprime la manière dont une chose, de û7ràpxwv, nous attendrions assez normalement, après ce verbe,
étant ce qu'elle est en elle-même, se présente aux regards. un simple attribut de qualité comme dans la phrase Elxwv xal
S'il s'agit de Dieu, sa ~opcp7, sera son être profond, inaccessible 8ôEa OEOU û'xdtpxwv (I Cor., XI, 7) - On ne peut cependant insister,
et invisible, précisément parce que Dieu est âôpwros : le mot car saint Paul emploie aussi û'rrdcpxer v avec Év local 2 . Il faut
ne conserve ici que son sens de réalité. Pour le serviteur le mot dire que sv ppcpÎ~Î 6Eoû, d'une certaine manière, circonscrit l'être
marquera l'apparence extérieure correspondant à la réalité. du Christ. Celui-ci n'a pas d'autre réalité que celle d'être dans
La formule ~topcp~v BoShou est première dans la pensée. C'est la substance de Dieu, il existe à ce titre 3.
elle qui commande l'emploi de ~iopcpii à propos de la nature « Dans la « forme » de Dieu » et « en égalité avec Dieu' »
divine du Christ. Nous pensons qu'elle a été suggérée par Isaïe. se répondent dans la réalité$. Le Christ n'a d'autre manière
On objectera qu'Isaïe, dans le chant du Serviteur, emploie d'être en dehors de son humanité qu'une manière d'être divine.
E"Zog et non ~top?7i (LII, 14; LIII, 2, 3). Mais il faut noter que li. C'est en Dieu qu'il a son être et ceci lui donne d'être comme Dieu,
n'apparaît qu'ici dans les épîtres pauliniennes et que la strophe à l'égal de Dieu ; par conséquent d'avoir le droit strict, un
II, qui développe l'idée de l'anéantissement dans la « forme » droit de nature, aux privilèges de Dieu, la majesté, la gloire
du Serviteur, se réfère à la description d'Isaïe. Mieux que E 8o5, et la puissance dans le cosmos. Son humilité consistera à ne
notre ~&. répond à l'hébreu et Aquila l'a introduit à bon droit pas vouloir acquérir ces privilèges autrement que par la voie
dans sa version, suivant d'ailleurs l'usage de la Septante 3 . de la soumission et de l'obéissance. Ces points sont acquis,
Il pourrait se faire que Ex. soit l'ancienne leçon de la Septante semble-t-il, aujourd'hui.
conservée par Aquila et Phil. Ce n'est pas l'unique cas où des
citations pauliniennes, par leur accord avec Aquila, révéleraient Une autre question se pose à propos du participe présent
un état ancien de la version grecque. Il était fort simple en tout ûaâpxwv. Comme la Vulgate le suggère, faut-il fixer le point
cas de substituer à E'L8o5 un terme plus expressif, plus apte aussi
à exprimer l'idée que le Christ, jouissant de la « nature » divine, :. Cf. Vita Mos.,1, 66, à propos de la vision du buisson ardent: xaTa Sè jiia-jv
avait assumé une « nature » d'homme. Ttiiv p~dYa Elopp~ Tt~ ~v'rtEptxa~Earrd-m, Twv SpaTwv é~pEp~ç odSEVI, 6E°Et-
Quel sens donnerons-nous à l'expression ÈV ~o~, cpr, 6EOU Uaaip- S~rrcaTov ayallia. La présence de w°py~ au début de la phrase montre l'équi-
valence de 6EoFto~q avec 6EdiLoppoq (qui n'e§t signalé que dans Anth. pal. 12,
Xwv ?Si nous fixons d'abord notre attention sur VEOU, il est évi- assez fré-
196, employé par Stratus, IIe s. après J.-C.). Philon emploie 6Eost8~q
dent que le mot, pour saint Paul, possède sa signification habi- quemment : vertu, oeuvre, beauté, lumière, etc. « divine •. Pour la distinction
de & 6Edç et de 6Edç (sens appellatif) dans Philon cf. M. R. VINCENT, Epis-
19o2, p.
tks to the Philippiens and to Philemon (Int. Crit. Com), Edimbourg,
85 sq.
Et).
1. Cf. Jo., xtu, 13- 16: Le « Seigneur n a pris l'attitude d'un « serviteur s. 2. I Cor., XI, 18 ; Phil., III, 20 (Td 'rro),ITSuiLa év oûpavotc ûlrdp
2. On voudrait un terme entre « nature « et « condition .. P. JoüoN (Notes 3. Remarques analogues portant plutôt sur le sens de év, dans E. LUIIMEYER,
philologiques sur quelques versets de l'épître aux Philippiens, dans Recherches de art. cité, P. 19 sq.
Science Relig., XXVIII (1938) p. 223-233) traduit : «condition • Cf. J. DUPONT, 4. On s'accorde à considérer laa comme neutre pluriel employé adverbia-
Gnosis, p. 99, n. 1. G. J. DUNCAN, Jesus, son of Man, Londres, 1947, p. 193 n. 3, lement. Toute l'expression iaa 6E est attribut.
explique u.opp~ comme traduction de demouta' ( Gen.,1, 26) (Joach. JEREMIAs 5. L'article de Tô Eivat suggère que Paul rapporte la seconde expression à la
première. On comprend: l'égalité avec Dieu dont nous venons de parler équiva-
dans Thcolog. Literattirzeitung, LXXIV (1949), col. 40).
3. Ci. I{. r. EULER, Die l'e:rkündi,;ung vont leideriden Gotteshiaechi atu .,' es. lemment en disant : iv lnop`pn 6Eoû ûaapXwv. Ci. M. DISELIUS, op. cit., P. 77;
Phil., I, 21, sq., 24, 29 ; II, 13.
53 in der griechischejt Bibel, `~tutigart, 1934, P. 103.
292 LE MYSTÈRE DU CHRIST
LES HYMNES CHRISTOLOGIQUES 293
de départ de l'action du Christ dans ~-, préexistence, anté-
rieurement à l'incarnation, ou bien le présent indique-t-il Paul ajoute donc: il s'est dépouillé, prenant la forme humaine
surtout ce que le Christ est par qualité ou nature ? Dans cette du Serviteur. Le verbe xevôw signifie au sens propre « vider ».
dernière hypothèse, ûTrâpxu>v marquera un état permanent du La théologie protestante, après l'arianisme, a beaucoup trop
Christ, son être même'. Saint Paul dira &_- len E?xtov ,ou~ 9eoû épilogué là-dessus'.
roû àopx7ou ( Col., I, 15) et il entend ceci d'une dualité perma- Le contexte d'Isaie aurait pu suggérer l'expression. On
nente, « éternelle », dirions-nous aujourd'hui. Nous croyons songera à XLIX, 4 : xeviilç EXOm(xax xx% . eiç uà'ratov rxl Et, oûUy
que la traduction, du moins, ne doit pas préciser le rapport é8wxa riw i a ûv pu. Comprenant Zaxûv comme attribut divine,
temporel entre ce qu'il était et ce qu'il est devenu. L'idée on aboutit à un sens équivalent à Ex€vweEV. Par ailleurs, le
est plutôt : Fils de Dieu, il est devenu un homme (sans cesser verbe est paulinien ; cf. l'expression « anéantir sa gloire »
d'être Fils de Dieu). Ainsi le contraste est mieux souligné (I Cor., ix, 15 ; II Cor., Ix, 3). Anéantissant sa gloire et se
entre ce qu'il aurait pu faire (xat'7rep 8uvâuevoz, Clément Rom., privant de la manifestation de sa nature divine, on peut dire
16, 2) et ce qui a été de fait sa manière d'agir en s'abaissant dans que le Fils s'anéantit lui-même (notant toujours que l'intérêt
l'humanité. Nous comprendrons de même II Cor., viii, 9 : il du morceau se porte sur l'humiliation que le Christ s'est imposé).
s'est appauvri, alors qu'il est riche (aloûcrto; civ). Il se pourrait que éxu'rôv Ex€vwTpv traduise Is., Lin, 12.
Au lieu de choisir la voie des honneurs, de la « jactance »,
il a choisi celle de l'humilité, qui lui était offerte par son Père, 28 strophe.
en prenant la forme humaine humiliée qui est celle du Serviteur. Le Christ ayant pris une nature humaine, s'abaisse dans cette
Clément Romain suggère comme commentaire : choisissant nature en jouant le rôle du « serviteur de Dieu » du prophète
de réaliser la prophétie d'Isaïe et de se présenter comme le
Isaie.
« Serviteur de Dieu » décrit par le prophète. Avant de jouer le
Les parallèles pauliniens invitent à comprendre evôuEVOç de
rôle du Serviteur, il doit en prendre les livrées, qui sont une 'expression
la naissance du Fils de Dieu dans l'humanité.
nature humaine concrète 2 .
est équivalente à « naître de la femme » (ou né de la race de
Notre formule ne vise pas directement et exclusivement le
David), à la ressemblance, à la manière des hommes ordinaires $.
moment de l'incarnation, mais l'humanité du Christ, telle
qu'elle s'est présentée dans toute la durée de ses trente-trois Le mot essentiel, E~xaELvw~ev, fait écho à ve T~. tix~rer.vcilaEr.
ans de vie mortelle; elle envisage l'apparition dans l'humanité d'Isaïe (Lin, 8). Le chant du Serviteur a pu modeler les expres-
sions « devenu semblable aux hommes » et « considéré pour
comme un tout, sans insister sur le passage de la préexistence
l'extérieur comme un homme » (i)s âvOpw7roç) par influence de
à l'existence temporelle. Ceci est conforme à la manière ordi-
naire de Paul ; l'incarnation comme nous la comprenons, rô e:8o; xu~oû eertuov 2xlEtaôvrxpà Tâvr19 âv9pwasou5, âv9pw-roç
c'est-à-dire le moment exact on le Christ prend chair, ne présente Ev 'xrÀ-tiY'Qw(LIII, 3) ; une adaptation s'imposait à Paul du fait

pas d'intérêt pour lui. Son intérêt va à l'humiliation dans une qu'il veut présenter explicitement le Serviteur comme un
être divin, qui prend « la ressemblance » avec les hommes, c'est-
vie humaine : celui qui se montre dans l'humilité de la chair,
à-dire un « aspect » humain (réel) ; qui, restant toujours un être
le Christ xxrà eàpxa, est en réalité le Fils de Dieu 1 Il possède
cette dignité, mais il en a résigné momentanément les privilèges 3 .
à établir que le sujet de éxEvwusv est le Christ fait homme, non le Christ préexis-
1. Cf. I Cor., x1, 7, l'homme e:xwv xxé Sd;2 9Eoù dnioxwv.. c'est la réalité tant. En sens contraire, A. ŒFKB, art. xevdw, dans Tluolog. Wœrterb., iii, p.
qui le définit. Au contraire Saipxwv se rapporte au passé: Gal., 11, 14. Le 661 ; J. GEwiEss, Zum altkircklichen Verstamdnis der Kenosissklle ( Phi'. 2, 5-1 x),
contexte doit décider. Voir J. DuPONT, Gnosis, p. 99, n. r. dans Theolog. Quartalschrijt, exx (1948), p. 463-487•
2. Cf. l'usage de àvOpwad~toprfov s'3oç chez Philon : et,- àAowad~tooycv 1. Voir sur la • kénose à: A. CEPRE, art. xevdw, dans Theolog. Waerkrb., n1, p. 661
el8oç érv~rWBr,~sev (Somm., 1, 15). Philon proteste contre la mythologie qui sq. E. Loamavsft transpose sur le mode e existentiel n : Cette action de renonce-
présente la divinité (rô Heiov) comme ivOpwxrdliooyov épytp (Deus imm., 59). ment (sich opferns) est faite par un être divin ; c'est pourquoi précisément dans
3. A. Loons, Das altkirchliche Zeuguis gegen die herrschende Aujjassung der la donation de soi-même R doit créer un nouveau • Dasein » (art. cit. p. 35)
KenosissWk, dans Theolog. Studien u. Kritiken, C('927 - 1928), p. r-xo2, cherche 2. Cf. APoc., v, 12 ; v11, x2 ; II Thess., 1, 9 où 1cxûç et S6Ea sont équivalents.
3. Pour ce sens de év 31iotwjxart, cf. Rom. v 14 (éai rw bixot(5~xart).
294 LE MYSTÈRE DU CHRIST LES HYMNES CHRISTOLOGIQUES 295

divin, a revêtu une manière d'être humaine, clans une et une parousie. Le Christ devenu un homme s'est humilié
humanité. acceptant la croix ; le triomphe est aussi celui de son humanité
Le parallélisme entre les lignes i et 2 de la strophe nous (au nom de « Jésus »).
empêche de voir avec Lohmeyer, dans la formule « comme un L'attaque « C'est pourquoi » correspond à la péripétie du
homme », un succédané de l'araméen kebarnasch, « comme un chant du Serviteur, Lin, I2 : « C'est pourquoi il recevra des
Fils d'homme », avec allusion au « Fils de l'homme » de Daniel'. multitudes en héritage ». L'hymne chrétien étendra le triomphe
Lohmeyer s'appuie surtout sur cette traduction pour découvrir, au cosmos. Le début du chant du Serviteur a déjà annoncé
avec une dépendance essentielle de l'hymne vis-à-vis des brièvement le sujet du poème, l'humiliation du Serviteur
chants du Fils de l'homme, son caractère judéo-chrétien suivie de son exaltation (LII, 13-r5) : ce titre résumé semble
et ses relations avec le mythe de l'Anthropos. Le terrain est être le modèle immédiat de l'hymne paulinien. « Voici, disait
inconsistant 2 . Tout le développement isaien illustre la faiblesse le chant, que mon Serviteur comprendra, et il sera exalté,
humaine du Serviteur. L'idée d'obéissance est suggérée par glorifié à l'excès. De la même façon que beaucoup se seront
l'image de la brebis ou de l'agneau qui se laisse égorger sans étonnés à sa vue, tellement son aspect (eloç, à moins qu'il
se plaindre. Directement, il s'agit sans doute de la soumission ne faille lire itopf7i) aura été déshonoré par les hommes, et sa
aux sévices des hommes, mais, quand le Serviteur est en cause, gloire déshonorée par les hommes, ainsi des peuples nombreux
sa soumission inclut obéissance aux desseins de Dieu : ses l'admireront et les rois fermeront la bouche... » Au verbe
souffrances pour'les péchés des hommes accomplissent le plan simple ûc~w0~;aeTa~, l'hymne chrétien substitue le composé
divin. 2irrrepû~wesv. Cela s'explique assez vraisemblablement par la
A l'expression FgXpt OavâTov répond dans le chant du Ser- faveur des composés en =sp dans les épîtres de la captivité.
viteur nxG n si., 0«YWTOV (LUI, 8) et zrapEEo'OA Ei, 06cvaTov (LIII, Z2). Saint Paul veut marquer dès le début que l'exaltation du
La précision « par la mort de la croix » est toute naturelle. Christ s'imposera aux Puissances célestes. Dans un passade
La croix est le symbole de la rédemption du péché, accomplie où le thème christologique joue en sourdine, il a écrit Ep.auTov
par le Serviteur. Ceci porte la signature paulinienne. 'ta^settvf t va Ù Kç Ù M~T£ (II Cor., XI, 7 1).
Saint Paul applique au Christ les prérogatives solennelles
Il nous semble comprendre la manière de travailler de l'auteur
de l'hymne christologique. Le chant du Serviteur a fourni d'Is., XLV, 23, Dieu proclamant : « Je suis Dieu : il n'y en
a pas, moi excepté ; de juste et de Sauveur, il n'y en a pas
le thème. Le Christ a pris le rôle du Serviteur, il est le Ser-
viteur de Dieu dont Isaïe fut l'évangéliste. Sans doute, il sauf moi. Tournez-vous vers moi et « vous serez sauvés »,
vous qui venez « des extrémités de la terre » ; je suis Dieu et
fallait expliciter l'idée que le Serviteur est un être divin.
Mais le Serviteur, dans Isaïe même, ne surgit-il pas brusquement il n'y en a point d'autre. Je le jure par moi-même : de ma
bouche sortira la justice, mes paroles ne seront pas détournées,
de la sphère céleste (Cf. XLIX, 1-2) ? Et la tradition chrétienne
parce que « tout genou fléchira » devant..moi et « toute langue
n'a-t-elle pas compris l'expression mystérieuse T~v -(EVeâv aùToû
'Cw, Bar~Y~,cETai. (LIII, 8) de la divinité du Christ et du mystère confessera Dieu » (XLV, 21<-23). Mais on peut constater dans
Isaïe déjà la tendance d'accorder au Serviteur ces mêmes attri-
de sa naissance humaine (cf. Act., VIII, 32 sq.) ?
buts que Dieu tise réservait. Le Serviteur joue le rôle de
« Sauveur » et il reçoit l'adoration. « Je t'ai établi lumière des
3e strophe. nations, afin que tu sois cause de salut jusqu'aux extrémités
La troisième strophe développe la deuxième grande antithèse de la terre » (xLix, 6). « Les rois le verront et les princes se
la vie du Christ dans une humanité se termine par une exaltation lèveront et l'adoreront à cause du Seigneur (XLIX, 7 2). » (Les

r. L'usage de û~dw dans les textes christologiques de Act., II, 33; v, 31 ; Jo.,
I. E. LOHMEYER, Kyrios Jesus, p. 39- 41- VIII, 28 ; xii, 32, paraît bien s'inspirer d'Isaïe.
2. Cf. M. DIBELIUs, An die Phflipper, p. 77 ; H. WINDiscH, dans Theolog. 2. Le même texte semble visé dans la description de l'intronisation du Fils
Literaturgeitung, LUI (Ig2g), col. 247, admettant la dépendance de Phil. vis-à- de l'homme dans Hm., 46,5; 62, 9, Cf. E. SJOEBERG Der Memchensohn, p. x24-
vis d'Is., LUI, 2-4- :26.
296 LE MYSTÈRE DU CHRISI' LES HYMNES CHRISTOLOGIQUES 297
rois) sur la face de la terre t'adoreront et lècheront la poussière terre (XLV, 8). Or, Dieu a transmis son pouvoir et « son nom s
de tes pieds » (XLIX, 23). Il y a plus. Là où Dieu se réservait propre au Christ.
le privilège d'apporter le salut et de recevoir les adorations, Le nom accordé par grâce 1 à jésus, le « nom propre » de
il se réclamait d'être l'unique à qui revient le nom de Dieu Dieu est un don pour le Serviteur, le Christ devenu homme,
et de Seigneur : « Je suis le Seigneur. Dieu et il n'y a pas de qui l'a mérité par son obéissance ; ce ne serait pas un don
Dieu autre que moi » (XLV, 5) ; « Je suis, je suis le Seigneur » pour le Christ tout court, le Fils de Dieu dans la transcendance
(xLv, i9). Comme on sait l'importance du Nom (cf. XLIII, 3) du divin, s'il n'était pas venu parmi nous : mais qu'aurions-
et sa liaison avec l'idée d'adoration, un chrétien n'est-il pas nous jamais su des secrets de la divinité ? Désormais, le Fils
amené à conclure, de tout le contexte d'idées, que le Serviteur de Dieu nous est accessible à travers une humanité, et il s'ap-
est adoré et sauve parce qu'il a reçu précisément le Nom pelle jésus; devant cette personne ineffable, qui porte le nom
divin ? Un chrétien encore ne pourrait-il être mis sur la voie propre divin, tout genou fléchit et toute langue acclame
de cette déduction par certaines formules mystérieuses de Seigneur Jésus-Christ 1 comme on le faisait autrefois devant
l'oracle ? Il remarquerait aisément : weXEV YUPLOU (XLIX, 7) et Dieu, le Père.
YaliC(J ?E -~G) UvoüaTl'. N.OU (XLV, 4). Saint Paul, - n'oublions pas ses intérêts, quand il écrit
Les chants du Serviteur fournissent ainsi les éléments qui les épîtres de la captivité, - précise le texte d'Isaïe, parlant
seront mis en ceuvre dans l'hymne christologique. Mais de de l'adoration « des êtres célestes et terrestres et infernaux s.
même qu'il a écrit Ùzsp~ ,~wesv au lieu du simple GYrwcsv, Paul La domination universelle des chants du Serviteur est devenue
ajoute au texte d'Isaïe (Phi'., ii, io) la mention des « êtres une domination cosmique ; les Puissances célestes elles-mêmes,
célestes, terrestres et infernaux' ». L'adoration embrasse tout et « les enfers » se prosternent 2. Dès maintenant retentissent
le cosmos. L'exaltation décrite est l'exaltation eschatologique. ces acclamations qui, à la parousie, éclateront triomphales
On a pu faire remarquer que la glorification du Serviteur, devant la victoire définitive du Christ : Seigneur Jésus-Christ 1
dans Isaïe, a déjà des traits eschatologiques 2 . L'intervention A la gloire de Dieu le Père 1 Alors le Christ remettra toute
des Puissances célestes dans ce contexte n'a pas de quoi nous domination à son Père (I Cor., xv, 24-28).
étonner, ni d'ailleurs celle de l'enfer ; il suffit de rappeler la Sa domination n'est que l'épisode humain d'une éternité
destruction de la mort I Cor., XV, 26. On a lu dans Isaie (pro- sans histoire. Le Christ, Fils de Dieu, est un être d'éternité,
bablement à cause de ~ y0.1 E(.; O7vaTOV, LIII, 8) la descente aux les honneurs divins qu'il reçoit dans son humanité sont liés
enfers 3. à l'histoire du salut et du retour des créatures à Dieu. L'épisode
« Tout genou fléchit ». L'attitude des sujets des rois orientaux, clos, Dieu sera tout en tous.
qui tombent à genou et se jettent à terre, est aussi l'attitude Reprenons en bref les résultats de notre analyse. Nous nous
de la prière. E. Lohmeyer fait remarquer le contraste avec mouvons dans les grandes lignes de la christologie paulinienne.
l'attitude de l'orant du monde grec, debout°. Le Fils de Dieu, appelé ici simplement le Christ, est cet être
Au « nom » est attaché le salut, jusqu'aux extrémités de la divin qui naît parmi nous à la manière des hommes, prenant
terre (XLV, 22), de l'orient au couchant (XLv, 6), aux applau- une humanité. Sous cette « condition » qui est désormais la
dissements du ciel et avec la connivence de la mer et de la sienne, il vit (lui qui est toujours le Fils de Dieu, cependant,
car celui qui agit est toujours celui qui est né, c'est-à-dire
le Fils de Dieu) une vie d'homme humilié jusqu'à la mort
de la croix. L'être divin qu'il est (Év 11opcpr,, OEoû) s'est chargé
:. Cf. IGN., Trall., 9, 1, dans un passage christologique h forme de symbole. d'une manière d'être humaine, et il paraît sous cette manière
Sur cette formule, passée dans la philosophie populaire, W. L. KNox, The « Di-
vine Hero . Christology in the New Testament, dans Harvard Theolog. Review xLr
(1948). P. 843 sq. 1. Èx2Péaaso, Phil., u, 9.
2. K. F. EULER, Die Verkündigung, p. 127. 2. On remarque sur les formules une influence de la langue religieuse hellé-
3. Asc. Is., 4, 21 (éd. E. TissERANT, p. 126 sq.) nistique, cf. M. DSBELIUS, p. 79. Un parallèle intéressant est cité ibid., P. Oxyr.
4. Kyrios Jesus, p. 59. xi, 1381, r98 sq. Ci. W. L. KNox., The a Divine Hero a Christology, p. 238.
298 LE MYSTÈRE DU CHRIST LES HYMNES CHRISTOLOGIQUES 299
d'être, de telle sorte que sa divinité ne se manifeste pas. Il L'intelligence du passage nous paraissant y gagner, nous le
consent à passer pour un homme, à ce qu'on le prenne pour un traiterons comme un hymne, avec deux grandes strophes sépa-
homme, rien de plus, - et encore pour un homme humilié dans rées par deux phrases de transition.
son humanité, - alors qu'il est toujours le Fils de Dieu vivant L'hymne s'insère au milieu d'une action de grâces pour le
dans une humanité. mystère : « rendant grâces au Père qui nous a faits dignes de
Telle est la première antithèse de la christologie. Le Fils de partager le sort des saints dans la lumière et nous a transférés
Dieu ne se changè ' pas en homme, mais on devra l'atteindre, dans le royaume de son Fils n (v. 12). Il s'attache à la mention
le connaître à travers une humanité qu'il assume. « Fils de Dieu u et élabore le mystère, en portant l'attention
La deuxième antithèse n'est pas une simple inversion de la sur le Christ
première, comme si le Fils de Dieu recouvrait simplement le
Celui qui est l'image du Dieu invisible,
droit de se manifester comme tel au monde. Il y a certes quelque le premier-né avant toute créature,
chose de cela. Mais cette manifestation entraîne d'abord qu'il de sorte que tout a été créé en lui,
jouera effectivement le rôle de Fils de Dieu, qu'il remplacera dans le ciel et sur la terre,
Dieu dans toutes ses prérogatives et qu'il sera la manifestation les choses visibles et les choses invisibles;
agissante de la divinité elle-même. Ensuite, celui qui se mani- soit Trônes, soit Seigneuries, soit Principautés, soit Puissances,
feste avec la Puissance divine n'est plus simplement le Fils de tout a été créé par lui et pour lui.
Dieu, mais le Fils de Dieu qui s'est humilié dans une humanité. Et il est avant toutes choses et tout a sa cohésion en lui,
Celle-ci est entraînée dans la glorification du Fils de Dieu, et il est la tête du corps de l'Êglise.
de telle sorte que c'est jésus (le Fils de Dieu qui s'est manifesté (II) Celui qui est le Principe,
dans cette apparition humaine que fut jésus) qui reçoit le le premier-né des morts,
Nom au-dessus de tout nom et à qui vont les hommages de tout pour être celui qui a la primauté sur tous,
le cosmos créé.' de sorte que (Dieu) a voulu faire habiter en lui tout le plérôme
et se réconcilier tout par lui,
pacifiant par le sang de sa croix, par lui,
soit les choses de la terre, soit les choses du ciel
§ II - HYMNE SUR L'(EUVRE DU CHRIST (COI., I, I5-20)

Le point de vue diffère de celui de la première catégorie A l'ordre de la création (première strophe) s'oppose l'ordre du
d'hymnes. C'est toujours le Christ qui est l'objet de la contem- salut réalisé par la mort et la résurrection du Christ. L'anti-
plation inspirée, mais au lieu qu'on s'arrête à sa carrière, thèse entre les deux ordres est voulue et soulignée par le
l'attention est reportée sur l'effet de son intervention et la parallélisme dans la construction des deux strophes : « celui qui
situation religieuse qui en est issue. Le mouvement des phrases est premier-né s, « de sorte que a, « soit - soit » se font écho de
indique bien que l'attention se déplace. l'une à l'autre.
On reconnaît dans le passage des Colossiens que nous envi- Dans la petite section intermédiaire, la première proposition
sageons les caractéristiques des hymnes, la division des résume la première strophe dans le même ton philosophique,
strophes, un certain rythme, les attributions prédicatives par la seconde introduit la primauté de l'Église par une phrase
relatifs, les formules site... sire, etc. 1 Paul est sous l'influence
du style hymnique ; nous n'oserions dire qu'il reproduit à la
qu'il a sous les yeux, soit un hymne, soit une confession de foi. Le même auteur,
lettre un hymne connu des Colossiens. Il improvise dans ce pour ce qui regarde notre passage, se figure un hymne primitif gnostique, cosmo-
style déterminé suivant un ou des modèles, ce qui équivaudrait logique (Tkeokgie, p. 178). E. K.ESEMANN, Eine urekristlicke Taufliturgie, dans
à gloser une composition sous-jacente $. Festgabe R. BuUmann, Stuttgart, 1949, p. 133-148, est du même avis. Notre
hymne aurait à la base un hymne préchrétien développant le mythe de l' Urmensch
dans une forme juive hellénistique (appliqué à la sophia-logos, comme dans
1. Voir l'étude fondamentale de E. NORDEN, Agnostos Tkeos, p. 166-207 ; 146. Philon, De con}us. ling., 146). Avant saint Paul, la liturgie chrétienne aurait
2. R. BULTMANN, Bekenntnis-undLiedfragmente, p. 1, admet une hypothèse déjà remanié la composition primitive, ajoutant en particulier T~ç éxx)Maiaç
analogue pour I Peir., III, 18-22, mais préfère dire que l'auteur glose un texte et c par le sang de sa croix ».

Bibliothèque
MISSIONS ETRANGÈRI:S
28, rue de Babylone
75007 PARIS
LES HYMNES CHRISTOLOGIQUES 301
300 LE MYSTÈRE DU CHRIST
Gentils et juifs ne forment qu'un peuple, le peuple réconcilié
appartenant au thème paulinien des épîtres de la captivité,
le Christ tête de l'Église'. avec Dieu). La perspective de la pacification, au contraire,
On souligne dans la première strophe que le Christ est le s'étend jusqu'aux Puissances ; elles sont pacifiées, soumises
par force au Christ'.
créateur des Puissances célestes, quelles qu'elles soient. Il doit
Après cette insertion de l'hymne, l'action de grâce continue
sa primauté au fait d'avoir créé et il a créé parce qu'il est le
(v. 21-23). Le style change tout en restant rythmé et haché,
premier-né de Dieu, l'image du Dieu invisible. Il nous suffit
procédant par juxtaposition plutôt que par véritable construc-
d'indiquer ici, en passant, que le contexte (Dieu invisible,
i mage, premier-né, choses visibles et invisibles) nous oriente vers tion de période.
un milieu platonicien et nous fait songer concrètement aux
spéculations alexandrines sur la sagesse et le logos. r. Cf. supra, p. 52 sq.
La primauté dans la création était une préparation à la
primauté dans l'ordre du salut. Parce que l'attention est tout
entière concentrée sur le Christ et sa primauté, on ne songe
pas à nous dire pourquoi la création n'a pas gardé l'unité ni
pourquoi la mort du Christ doit intervenir pour tout remettre
en état ou pour constituer une nouvelle primauté d'un ordre
supérieur à la première. Nous soupçonnons simplement que les
Trônes, etc. sont en cause. On affirme que le Christ les a créés
parce que, de fait, ces Puissances se sont soustraites à sa
domination.
L'ordre de a restitution » est désormais (deuxième strophe),
comme l'annonce la phrase de transition, l'ordre de l'Église.
Le Christ est la tête du corps de l'Église. C'est ainsi qu'il est le
Principe, le premier-né des morts. Cette dernière formule,
insolite pour dire que le Christ est premier de la résurrection
des morts, est commandée par le besoin d'antithèse avec le
r premier-né » vis-à-vis de la création. C'est encore à l'Église
que l'on pense en lisant que le Christ a la primauté sur tous$
et que le plérôme habite en lui a ; ce plérôme est la force de
sanctification de la divinité, qui habite le corps du Christ
ressuscité. L'efficience de la mort est naturellement liée à celle
de la résurrection et ne fait qu'un avec elle 4. Dieu, par la mort
du Christ, s'est tout réconcilié (il s'agit encore de l'Église oh

r. M. - A. WAGENFUEHRER, Die Bedeutung Christi fier IVelt and Kirche, Leipzig,


194x, p. 61 sqq., commence également la 4" strophe avec 18 b ( mais supprimeTV,ç
6rx~rata` en 18 a et donne à 2wlia le sens de . cosmos .). Cf. E. PERCY, Die
Probleme, p. 75, n. 21. C'est à peu près la position de Kacsemann et de
E. LOIIMEYER, Der Brief an die Kolosser, Goettingue, 1930.
2. Les expressions parallèles (cf. LIDDELL-SCOTT) recommandent de compren-
dre iv zâas comme masculin.
3. Pour la construction, cf. E. PERCY, ibid., p. 76, n. 22.
4. On aurait donc tort, semble-t-il, de tabler sur la succession des efficiences
pour dire que l'habitation du plérôme se rapporte à l'incarnation.
CHAPITRE II

LA RÉVÉLATION DU MYSTÈRE DU CHRIST

i. - Message, évangile et mystère. - Hymne. - Actions de grâces.


- Interprétations de l'Ancien Testament. - Développements théolo-
giques.
2. - L'ignorance du mystère avant les temps chrétiens. - La révé-
lation a aux apôtres et prophètes à. Importance de l'appel des Gentils. -
Rôle privilégié de Paul dans la dispensation du mystère ; sa connais-
sance privilégiée. - L'accès des Gentils à la connaissance du mystère. -
Le Christ est la réalisation du mystère, et sa connaissance est progrès
de la vie chrétienne. - Conclusion : le rôle de la connaissance dans le
christianisme. Gnose et célébration de la Cène.

Le terme mystère, avec un accompagnement littéraire


approprié très fourni, caractérise les épîtres de la captivité et
domine leur vocabulaire.
Le message chrétien du salut parle Christ s'appelle désormais
le mystère de Dieu (génitif sujet) ou le mystère du Christ
(génitif objet). Une connaissance plus profonde du plan divin
infiniment sage, infiniment riche, justifie ce terme de mystère'.
Mais en même temps que l'attention, fixée sur le plan divin,
l'admire et l'approfondit, la connaissance du Christ, porteur
et réalisateur du mystère, se fait plus pénétrante. La christo-
logie trouve même quelques nouvelles formules.

§ I - LE MILIEU LITTÉRAIRE

i. Paul a prêché la mort du Christ, sa résurrection, sa


parousie, à certains moments surtout la mort : il l'a affichée

r. Il nous semble que le sens le plus proche se trcnive dans l'apocah pti. lue.
Cf. i;. SlorrtreRc, 1)er Meiaschenso&n, p. rot-ii.5.
304 LE MYSTÈRE DU CHRIST LA RÉVÉLATION DU MYSTÈRE Dû CHRIST 305
aux yeux des Galates, il l'a annoncée aux Corinthiens comme « en mystère a. Rien ne nous empêcherait de croire que Paul,
l'antithèse du judaisme et de la philosophie païenne.
écrivant Rom. et I Cor. après son séjour à Éphèse, subisse l'in-
Le message paulinien se distinguait du message chrétien ordi- fluence du vocabulaire auquel il s'est habitué en Asie 1.
naire par l'accent placé sur le salut des Gentils (Gal., 1, 6, etc.). Paul parle du mystère du Christ (Eph., III, 4, Col.,, Iv, 3),
C'est là, simplement, l'évangile du Chtist (Rosit., xv, ig, etc.).
c'est-à-dire du mystère dont l'objet est le Christ ou plutôt le
Paul continue à parler dans les épîtres de la captivité de l'évan- salut apporté par le Christ ; du mystère de Dieu (Col., 11, 2),
gile, Piiil., 1, 5, etc., de l'évangile du salut des Gentils (Éph., I,13).
c'est-à-dire de son plan secret que Dieu nous révèle, du mystère
Le mystère ne se différencie point, pour le contenu, de l'évan- de la volonté divine (Eph., 1, 9) et plus simplement du mystère
gile ; on fait connaître (Yvtilol~ew) l'évangile comme on fait
ou du mystère caché (Eph., 111, 9). Le mystère vise donc le
connaître le mystère, on a part à l'évangile (Éph., in, 6) comme
plan de Dieu qui réalise l'économie universelle du salut. Mais
au mystère (Col., 1, 27) ; Paul parlera du « mystère de l'évangile »
en outre, parce que la réalisation de ce plan est l'eeuvre du
(Éph., vl, ig). Le même Christ ou le même salut par le Christ
Christ, et que le plan divin s'est concrétisé dans le Christ -
est annoncé, bonne nouvelle, et en même temps mystère si l'on on est presque tenté de dire parce que le Christ est la sagesse de
considère la sagesse profonde du plan divin qui nous est Dieu, comme il est son image - une révélation du plan du salut
manifesté. est en même temps une révélation portant sur la personne du
Dans la Première épître aux Corinthiens, la connaissance Christ et sur sa manière de réaliser le plan divin. La personne du
approfondie du plan divin du salut s'appelant la sagesse de Dieu Christ est identifiée avec son eeuvre. Il en est du Christ comme de
ou la sagesse de Dieu en mystère; une distinction se marquait Dieu, nous le contemplons lui-même dans son eeuvre. L'appro-
vis-à-vis de l'évangile ou du message : ce n'était qu'aux « par- fondissement de la sotériologie sera donc en même temps
faits » que Paul pouvait exposer la sagesse chrétienne révélée, approfondissement de la christologie ; les formules sotériolo-
connaissance plus approfondie, révélation dans l'Esprit. On giques et christologiques seront enchevêtrées dans l'énoncé du
semblait indiquer deux manières d'atteindre l'objet du message. mystère.
Le salut par le Christ, ou simplement le Christ, est objet du mes- Nous ne voyons pas de raison d'opposer les énoncés et de dis-
sage ou de l'évangile dans toute .présentation du christianisme ; tinguer aussi fortement que le fait M. Dibelius 2 la formule
il est destiné à être l'objet de la sagesse chrétienne ou du mys- XPtctiôs Év û(~iv (Col., 1, 26 sq., Il, 2 ; Iv, 3 ; cf. I Cor., 11, 6 sq.),
tère pour les chrétiens qui se livrent à l'action de l'Esprit. En c'est-à-dire le mystère eschatologique mystique (celui qui est
antithèse avec la sagesse (la philosophie) grecque, le christia- év XPict~ a part à la 8ôEa eschatologique) et un autre mystère
nisme se présentait comme sagesse de Dieu, pour les spirituels'. qui regarde l'admission des Gentils (Eph.,1, 9 ; 111, 3 sq., 9 sq.) g.
Maintenant, l'antinomie entre le message et le mystère est 2. Les énoncés du mystère s'expriment dans un style parti-
disparue. Tous les chrétiens sont censés pénétrer le mystère., culier, solennel, hiératique, « liturgique ». Nous soupçonnons
C'est peut-être dans ses l glises d'Asie que saint Paul s'est que le Christ et le mystère sont au centre d'une liturgie, et que
habitué à parler du message chrétien comme d'un « mystère » la langue chrétienne s'est assimilée une technique propre au
qui a été révélé par Dieu et que les Apôtres et les chrétiens culte. Le style des hymnes, païens, juifs, chrétiens, même des
pénètrent. Si nous laissons de côté les passages où mystère hymnes en prose a son galbe spécial ; il en est de même des
s'applique à une révélation déterminées, on ne peut rapprocher formules d'action de grâces ou des prières. Le style enchevêtré
des épîtres de la captivité que Rom., XVI, 25 et I Cor., 11, 7,
1. Pour ce qui regarde l'importance de la connaissance (la gnose) dans le
christianisme primitif, cf. J. DuPONT, Gnosis. Dans la 1r• aux Cor., deux thèmes
x. La mise au point ne se faisait pas attendre: tous les chrétiens doivent être sont juxtaposés: x) la connaissance doit le céder à l'agapè et le message chrétien
des spirituels. se borne à la croix; 2) nous possédons cependant une véritable « sagesse •. Dans
2. Dans I Cor., ii, x il vaudra mieux lire Etapr;ptoy: Dieu témoigne de sa
les épltres de la captivité, Paul s'en tient au second thème : la gnose est la per-
sagesse et de sa puissance ; cf. R. ASTeva, Die Verhiindigung des Wortes im fection de la vie chrétienne. Pour le mystère paulinien, voir D. DEDEN, Le
Urehristantum, Stuttgart, 1939. p. 628 sq.; E. PERCY (Die Probleme, p. 81 sq.) . Mystère P paulinien, dans Ephemer. theol. lovanienses, xii: (x936), p. 405-442.
préfère lire pu c-np toy (cf. J. Weiss, Allo), dont l'attestation est solide (P 4• S A 2. Die neun hleinen Briefe, Tubingue, 1913, p. 76.
C etc.). 3. E. PERCY, Die Probleme, p. 380.

Théologie de saint Panl, 20.


306 LE MYSTÈRE DU CHRIST LA RÉVÉLATION DU MYSTÈRE DU CHRIST 307

des épîtres de la captivité, ces redondances, ces expressions dant jusqu'à nous ; la seconde décrit la réalisation du mys-
synonymiques accumulées, la succession des relatives et des tère, la rédemption et les dons de sagesse et d'intelligence qui
participes n'est sans doute pas sans relation avec les usages nous font pénétrer sa connaissance ; et le mystère consiste à
liturgiques. tout « récapituler » dans le Christ, les choses qui sont dans le ciel
ia Les hymnes. et les choses qui sont sur la terre (on notera en passant la res-
semblance avec la formule de l'hymne de Col.) Une deuxième
Il ne s'agit pas à vrai dire d'exercices poétiques. Ce sont section de la liturgie est formée par deux nouvelles strophes,
ces hymnes dont font mention les deux indications parallèles plus petites, mais construites sur le même type', antithétiques
Eph., v, ig et Col., III, 16 : des hymnes inspirés, spirituels. Les
entre elles : la première parlant de la prédestination des juifs,
dons charismatiques ont pris ce nouvel aspect en Asie, la patrie la deuxième de l'appel des Gentils et du baptême qui les ont
des hymnes. On se souviendra par exemple du rhéteur Aelius marqués du sceau de l'Esprit de la promesse.
Aristide qui compose ses hymnes en prose, dictés par les dieux. Dans l'épître aux Colossiens, l'action de grâces prend de nou-
Est-ce par hasard aussi que Pline le Jeune signale le chant des
veau forme liturgique, avec le mystère comme objet, à partir
hymnes en Bithynie et que des hymnes nous apparaissent dans
de I, 12 jusque I, 23 ; au centre de cette liturgie s'insèrent les
le sillage des épîtres de la captivité et dans l'Apocalypse, donc deux strophes de l'hymne au Christ. A partir de v. 21, l'action
toujours en connexion avec l'Asie Mineure ?
de grâces pour le mystère s'applique aux Colossiens, les Gentils
Nous avons analysé au ch. i l'hymne de l'épître aux Colossiens,
ils étaient étrangers à Dieu, maintenant ils ont été réconciliés
le seul qui soit consacré plus directement à la description du dans le corps de chair du Christ, par sa mort, et sont maintenant
mystère du Christ. Les hymnes qui chantent la carrière du « saints » devant lui, pourvu qu'ils restent fondés sur la foi de
Christ, surtout Phil., il, 6-u, nous paraissent appartenir moins
l'évangile.
immédiatement au cycle littéraire du mystère, compris au sens
Une prière, dans Eph., I, I7-23, développe des thèmes sem-
plus formel, comme nous essayons de le définir. Le culte du blables : que Dieu donne aux chrétiens la connaissance du
Seigneur jésus déborde la formule d'un secret de la sagesse
mystère, - celui-ci est la richesse de gloire de leur héritage
divine révélé aux hommes dans le Christ et un hymne comme
parmi les saints, - résultat de ce qui fut accompli par Dieu
celui de Phil. monte d'un autre horizon.
dans le Christ : sa résurrection, son exaltation au-dessus des
2 0 Actions de grâces. Puissances, sa promotion comme tête de l'Église.
Les actions de grâces épistolaires, dans les épîtres de la Dans une autre prière, Eph., iii, i4-ig, Paul demande pour ses
captivité, s'étirent et prennent un galbe liturgique. Il est assez correspondants la foi (que le Christ habite dans leurs ceeurs
vraisemblable qu'elles conservent des échos des actions de par la foi), la charité et avec elles, la connaissance du mystère.
grâces eucharistiques.
Le plus bel exemple nous est fourni par le début de l'épître 3' Interprétations de l'Ancien Testament.
aux Éphésiens, r, 3-rq.. Après l'introduction :« Béni soit le Dieu et Deux textes de l'Ancien Testament fournissent à saint Paul la
Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ... » l'action de grâces se base de développements concernant le mystère. Le premier
prolonge dans une composition rythmée, de ce style redondant vient d'Is., LvII, ig~ : « il a annoncé la Paix à ceux qui sont
si particulier, propre à ces liturgies. Le morceau se divise aisé- loin et la paix à ceux qui sont près » (Eph., II, z7). Paul
ment, comme on ferait d'un hymne (et on ne s'étonnera pas de enchaîne : les Gentils étaient privés du Christ, étrangers à la
voir action de grâces et hymne arétologique en prose rythmée
se confondre) en strophes qui s'enchaînent
et se répondent. r. Ellès commencent toutes deux, comme la 2e grande strophe, paf -_v w
Une première section de l'hymne se développe en deux (la première grande strophe présentait la variante iaO ,,O_... w Un refrain
grandes strophes. La première, s'ouvrant par xa9w; â;_Z~Î;MT0 revient dans la première strophe et les deus dernières : e pour la louange de sa
ç Év aû7ril (v. 4), nous annonce l'élection dont nous avons été gloire r (vv. 6, 12, 14) D'autres r,pétitions cou=ine zao~,~'~v,~:v(v. 7,V. 14)
relient les strophes entre elles.
l'objet avant la création du monde, élection à la sainteté, dans 2. Ce même texte est . uti1i é pur ;aint Pierre pour faire prévoir l'appel des
la qualité de fils de Dieu, la charité de Dieu pour son Fils s'éten- Gentils, Act., u, 39-
308 LE MYSTÈRE DU CHRIST LA RÉVÉLATION DU MYSTÈRE DU CHRIST ,'3 09
cité de Dieu (T~s7soltzelaç roù'Iepa-~l), privés des promesses, où l'on s'attache aux éléments du monde et non au Christ ;
sans espérance, sans Dieu ; maintenant, « d'éloignés a qu'ils à cette mention du Christ se lie une longue énumération de
étaient, ils sont « proches n. Le Christ est notre « paix n, qui prédications qui rappellent à la fois l'hymne et les actions de
a réuni les deux groupes de l'humanité en un seul, qui a détruit grâces
le mur de séparation, la Loi, cause d'inimitié, etc. Désormais,
En lui habite la plénitude de la divinité c corporellement a,
il n'y a plus qu'une cité, qu'un temple spirituel et la clef de
et vous êtes c remplis a en lui.
voûte est le Christ (11, 11-22). Lui qui est la tête de toute Principauté et Puissance,
Un texte de Ps. LXVIII, ig est aussi l'occasion d'un dévelop- en qui vous avez été circoncis de la circoncision non de main d'homme...
pement christologique. « Montant dans les hauteurs, il a ensevelis en lui dans le baptême,
mené les captifs. en captivité, il a donné ses dons aux hommes A en qui vous êtes ressuscités par la foi et la force de Dieu qui l'a ressus-
(Eph., Iv, 7-16). Les paroles du Psaume sont remises dans le cité des morts,
grand contexte christologique. Paul y voit, semble-t-il, un et vous qui étiez morts dans vos péchés et l'incirconsision de votre chair,
parallèle au chant du Serviteur, et une esquisse de la carrière il vous a fait vivre avec lui,
vous remettant toutes vos fautes,
du Christ. Pour remonter dans les hauteurs le Christ a dû
effaçant la cédule de notre dette qui était contre nous...
descendre - peut-être s'humilier - dans les bas-fonds de cette il l'a supprimée
terre' ; maintenant il est remonté dans les hauteurs, au-dessus la clouant à la croix.
de tous les cieux, pour y devenir le plérôme 2 qui va tout Dévêtant les Principautés et les Puissances,
combler de sa plénitude ; il nous donnera ainsi ses dons, les il les a exposées publiquement
charismes qui sont distribués dans l'Église et construisent triomphant d'elles sur sa croix (11, 9-r5).
son corps spirituel. A la fin de son exé èse, Paul développe
le thème que le Christ est la tête de l'L~glise et qu'il en fait La carrière du Christ et l'eeuvre qu'il a accomplie, les effets
la cohésion. de cette oeuvre sur le monde, tel est l'objet du mystère, du
même mystère qui est le déroulement du plan divin par le
40 Développements théologiques. Christ. Le Christ est donc en même temps l'objet du mystère,
Des développements théologiques sur le mystère parsèment et celui qui en développe les péripéties pour ramener le monde
nos deux épîtres. Dans Eph., 11, i-1o, après la prière pour le à l'unité.
progrès dans la connaissance du mystère, Paul rappelle à ses L'unité était au point de départ du monde, dans la création
correspondants ce qu'ils étaient dans leur vie antérieure, dans par le Christ : elle est au point d'arrivée, unité rétablie par la
leur vie de péché, sujets « du Prince des puissances de l'air u, croix. Deux implications principales, l'une visant les Puissances,
de l'esprit qui agit maintenant dans les incrédules ; et Dieu les a l'autre les Gentils. Les Puissances ont été créées par le Christ
fait vivre avec le Christ, ressusciter avec lui, trôner avec lui et vaincues par lui ; les Gentils ont été replacés dans l'ordre
dans le ciel. des promesses auxquelles les juifs seuls avaient part. Mainte-
Un peu plus loin, III, 1-13, le rappel de sa propre vocation nant, le Christ - et tout ce que signifie sa présence - leur
lui fournit l'occasion de définir et de développer un des aspects appartient.
du mystère ; les Gentils sont cohéritiers des promesses, ils Hymnes, actions de grâces et prières, exégèses, ces genres
possèdent les richesses insondables du Christ et la connaissance littéraires sont à des degrés divers liturgiques. Hymnes et
du mystère. actions de grâces le sont par définition. Les exégèses faisaient
Dans l'épître aux Colossiens, 11, 6-15, saint Paul met en garde déjà partie du service synagogal et il est possible que certaines
les chrétiens contre les fausses doctrines, traditions humaines, exégèses de Paul soient nées au cours de la célébration de la
Cène.
r. Plutôt que de penser â la descente aux enfers. Voir W. BIRDER, Dir, Vorstel- Parce que genres littéraires liturgiques, ils sont en ces débuts
lung uon der Hcallenjahri Jesu Christi, Zurich, rg4g, p. 8o-go. sous l'influence des charismes. La liturgie de la Cène n'est-elle
2. La résurrection et son exaltation font habiter en lui le plérôme de la divinité. pas le lieu favori de leur déploiement ?
320 LE MYSTÈRE DU CHRIST LA RÉVÉLATION DU MYSTÈRE DU CHRIST 311

Il n'y a pas à hésiter pour les hymnes, dont nos épîtres, leur connaissance appartiennent en effet au monde nouveau.
elles-mêmes, témoignent du caractère inspiré. On fera une place à part aux prophètes de l'Ancien Testa-
Pour les actions de grâces, il nous suffira de rappeler la ment. Ils ont connu le mystère mais n'ont pu le révéler que sous
vieille règle de la Didachè : c Pour les prophètes, vous leur des symboles. Nous, aujourd'hui, nous pénétrons leurs symboles.
permettez de rendre grâces tant qu'ils veulent n (Did., x, q). Mais dans la mesure où ils connaissaient le mystère, les pro-
Quant aux exégèses, il faut se rappeler ue les apôtres ont phètes étaient, dans le monde ancien, des précurseurs, et leurs
reçu le don charismatique d'interpréter l'Écriture (Lc., xxiv, prophéties anticipaient. Ils étaient des chrétiens avant le temps.
44-48 ; cf. Jo., XII, 16 1 ) et que ce charisme persistera longtemps
2 0 Les dispensateurs du mystère, ce sont aujourd'hui, - le
dans l'Église des premiers siècles et prendra le nom spécifique de vüv de saint Paul, - les Apôtres et prophètes (per modum
« gnose u (I Clem., Barnabé).
unius) ; le mystère « a été révélé par l'Esprit à ses Apôtres et
Nous devrions sans doute étendre le bénéfice de ces consta- prophètes, à ses saints : les Gentils sont cohéritiers, sont
tations aux passages de saint Paul que nous rangeons dans la incorporés, participent à la réalisation de la promesse dans le
catégorie moins précise des développements théologiques.
Quand l'Apôtre se vante. de sa pénétration du Mystère, il Christ jésus par l'Évangile n (Eph., 111, 5-6). Saint Paul vise
les chefs du christianisme, les Douze, Jacques de Jérusalem,
entend parler d'une connaissance qui lui est révélée par Dieu lui-même.
dans des formes charismatiques. Car l'appel des Gentils est une pièce maîtresse du mystère.
L'incorporation des Gentils, leur greffe, - destinée à fournir
§ II - LES PHASES DANS LA RÉVÉLATION DU MYSTÈRE
un gourmand, - sur l'olivier du peuple saint va constituer
l'Église. L'Église sera le mystère devenu visible ; les Puissances,
Le mystère est donc un secret divin qui se révèle par l'Esprit à qui le secret a été caché, seront forcées de le contempler,
Saint, spécialement au cours de la liturgie, dans des hymnes, dans l'apparition de l'Église.
des actions de grâces, des effusions de gnose. Révélation du 31 Suivons toujours le mouvement de la pensée paulinienne
mystère, dispensation du mystère, communication des richesses dans Eph., iii. Dans cette économie, cette révélation du mys-
divines, connaissances des richesses, communication de la tère, Paul occupe une place de choix, unique. A lui, le dernier
connaissance, toutes ces notions vont de concert. Sans pousser de tous les saints, il a été donné la grâce d'annoncer aux Gentils
très loin les précisions, afin de conserver la saveur paulinienne l'insondable richesse du Christ, et ainsi de constituer l'Église
des textes, nous distinguerons la révélation proprement dite dans sa complexité de réalisation multiforme de la sagesse de
du mystère aux apôtres chrétiens, la dispensation du mystère, Dieu (III, 8-11).
et enfin sa connaissance par tous les chrétiens. Selon les principes : à un tel rôle doit correspondre un degré
I. Révélation du mystère aux Apôtres. de connaissance supérieur. Paul ne recule pas : «Vous pouvez,
en me lisant, connaître ma pénétration dans le mystère
La révélation du mystère correspond à l'histoire du salut du Christ... e (III, 4).
et décrit les étapes de cette histoire. Exposons d'abord,, en résumé,
les points de la théologie paulinienne (Eph., iii, 1-iq ; Col., i, II. Paul, dispensateur du mystère.
2 5 -2 9)
1o Avant les temps chrétiens, c'est l'ignorance du mystère. Ce rang, ce rôle, cette connaissance lui permet de parler du
Le mystère est caché aux siècles antérieurs, caché aux Puis- mystère avec autorité. Et maintenant, c'est encore pour ce
sances qui régissent le monde ancien. Les biens chrétiens et mystère qu'il est prisonnier (Eph., iii, 1). Le voici dans son rôle
de suppliant ; avec une puissance nouvelle et l'efficacité que
donne à sa prière sa dignité de prisonnier consacré au mystère,
:. . Après la résurrection, ils se souvinrent que cela était écrit sur lui ». Dans prisonnier pour le mystère, il supplie et prie pour ses chrétiens.
le style lohannique, le R souvenir à suppose une illumination de l'Esprit, faisant
comprendre une parabole qui jusque là était obscure et comme oubliée.
Que demanderait-il sinon la connaissance du mystère : c afin
31 2 LE MYSTÈRE DU CHRIST LA RÉVÉLATION DU MYSTÈRE DU CHRIST 313
que vous puissiez comprendre avec tous les saints la largeur et sance du plan divin et connaissance des biens du salut pro-
la longueur, la hauteur et la profondeur a (III, 18 '). gressent de concert, comme si la définition du Christ
Ainsi donc, la persécution dont Paul est victime est liée au coïncidait avec la conception du plan divin, comme si le Christ
plan du mystère a, pour l'utilité des Gentils. C'est pourquoi, était la sagesse de Dieu réalisée'.
dans sa dignité de prisonnier du Christ, à leur bénéfice, Paul L'élément « connaissance n joue désormais un grand rôle
peut faire sa prière a sacerdotale n et solennelle, sûr d'être dans la vie chrétienne. Au niveau du « discours de la croix s,
exaucé. Cette prière s'achève sur la demande : qu'ils puissent Paul insistait sur l'efficience de la mort du Christ. Aux parfaits,
connaître avec tous les saints, la dimension de l'amour du il réservait les espoirs de la « sagesse de Dieu n en mystère.
Christ et ainsi être achevés selon la plénitude de Dieu. Mais l'accent ne portait pas là-dessus ; l'apôtre mettait en
III. La connaissance du mystère par les Gentils. garde contre un excès dans l'usage des charismes de connais-
sance, inférieurs à la charité.
Le mystère était ordonné à l'entrée des Gentils dans l'Église.
Désormais, la sagesse de Dieu qui nous fait connaître le
Cela, les siècles antérieurs l'ignoraient, aussi bien les hommes
mystère paraît l'élément important de la vie chrétienne. Le
que les Principautés et Puissances célestes 3 ; à celles-ci, le
christianisme, dirait-on, se fonde aussi sur la connaissance du
mystère est révélé par l'Église, manifestation de la sagesse
plan divin. Il n'est donc plus simplement une religion de salut,
multiforme de Dieu et qui réunit juifs et païens. Mais la connais-
où par la foi et les sacrements nous sommes conformés au Fils
sance du mystère, ordonnée à la possession des biens du salut,
de Dieu. La connaissance approfondie de cette conformation
anticipation et prémices de ces biens, appartient de droit à
et de la sagesse de Dieu qui nous la révèle devient un élément
tous les chrétiens sans exception. Ils connaissent dès mainte-
essentiel de la vie chrétienne, à côté de la foi et de la charité ;
nant toutes les richesses qui leur sont réservées avec la voie
le chrétien est tenu de progresser dans cette connaissance et
mystérieuse et admirable suivie par Dieu pour la leur com-
ce progrès entraîne le progrès de toute son existence de chrétien.
muniquer et cette « connaissance n (É7rLTvwea;) 4 est déjà
Le Christ, n'est pas seulement force de Dieu ou charité, il est
contemplation de la gloire du Christ. Le Christ est la a réalisa-
tion n de la Sagesse et des biens divins contenus dans celle-ci. également Sagesse qui se communique à notre intelligence.
C'est par évolution normale dans . l'usage des charismes
Les charismes que les chrétiens reçoivent, particulièrement
les hymnes inspirés 5, les font progresser dans cette connaissance; que nous en sommes arrivés là. Les charismes, dans l'épître
aux Corinthiens, étaient présentés comme accessoires, subor-
Paul prie souvent pour que leurs progrès s'accroissent sans cesse,
donnés essentiellement à la charité, et toujours en passe de
et qu'ils arrivent ainsi à la plénitude du chrétien parfait.
déviation. La règle de la foi au Christ a Jésus est Seigneur 3,
Conclusion. devait sauvegarder le christianisme contre les excès des « spi-
Le Christ et son oeuvre de salut nous apparaissent dans une rituels n, des infiltrations du paganisme étant toujours à redou-
lumière de plus en plus nette. Connaissance du Christ, connais- ter. Actuellement, Paul a déposé toute crainte. Ce n'est plus
du côté de l'usage des charismes chrétiens qu'il met en garde
les chrétiens de Colosses, c'est contre des théories théologiques
r. Sur ce passage, cf. J. DUPONT, Gnosis, p. 476-489.
2. Col., 1, 24 précise la pensée: Paul achève les restes des tribulations du Christ
humaines qui opposent au Christ une religion d'anges et des
dans sa chair pour le corps du Christ, l'Église. Les tribulations de la fin des temps pratiques religieuses inférieures. Que l'on donne aux principes
sont tombées sur le Christ, mais elles continuent aux temps présents en attendant
la parousie et Paul, en sa qualité de ministre du Christ pour les Gentils, voit sa
souffrance acceptée en rançon pour leur salut.
3. C'est dans la littérature apocalyptique que nous trouvons les parallèles les 1. Paul ne procède cependant pas comme pourrait le faire un alexandrin, en
identifiant le Christ avec l'hypostase a sagesse r déjà connue. Au contraire, il
plus proches de ce thème de l'ignorance des secrets par les anges; cf. E. S JOEBERG,
ne tient pas compte de cette perspective et on peut à peu près dire qu'il l'exclut.
Der Menschensohn, p. rot-rrs. C'est là aussi que la révélation des secrets appar-
tient au bonheur des justes (ibid., p. ro6 sq.). C'est par une série d'identifications concrètes : sagesse de Dieu, économie du
salut, biens divins, couvre du Christ, personne du Christ que les termes Christ et
4. Sur le terme
1 é7rtyvwatç, cf. J. DUPONT, Gnosis, p. 47 sq.
sagesse s'unissent, par voie concrète. La personnification de la sagesse sera un
S. Éph., V, 9 ; Col., 111, r6.
résultat de la christologie, non un présupposé. Cf. p. 207 sq.
31 4 LE MYSTÈRE DU CHRIST
chrétiens, et donc aux charismes, leur pleine activité ; les
charismes seront les meilleurs auxiliaires du véritable chris-
tianisme qu'ils approfondiront. Mais aussi, les charismes ne
sont pas en Asie ce qu'ils étaient à Corinthe. Il n'est plus
question du don des langues, ni même de prophétie. Nous
entendons parler au contraire de psaumes, d'hymnes et ceux-
ci chantent le Christ. Les formules christologiques ont acquis CHAPITRE III
assez de stabilité pour servir de frein à la fantaisie. De parler
du Christ, de réfléchir à l'eeuvre, qu'il a accomplie et à la L'EXPOSÉ DU MYSTÈRE
transformation que la vie chrétienne nous apporte ne peut
qu'éveiller en nous les activités divines'.
Nous avons remarqué le caractère liturgique de tous les
développements dus aux charismes. Dans le concret, ce sont r. - L'unification du monde par le Christ. - L'unité à, l'origine. -
des hymnes et des prières, des actions de grâces ou des oraisons. La dispersion et la scission avant le Christ : causes, désordre actuel ;
C'est là que se perfectionne la description du mystère du Christ. païens et juifs.
Serait-il imprudent de supposer une relation avec la célé- 2. - Récapitulation dans le Christ.
bration de la Cène ? Une perspective s'ouvrirait alors devant 3. - Corps du Christ et plérôme. Le vocabulaire stoïcien. Notre par-
ticipation au plérôme. L'Église plérôme.
nous. Les mêmes formules de « gnose », de connaissance du 4. - Le Christ, commencement, mais hors-série. Primauté du Christ
Christ, caractérisent la liturgie de la Didachè. Nous les retrou-
dans la création ; dans l'ordre de la Résurrection des morts.
vons dans les prières de Clément de Rome, à l'allure si liturgique, 5. - Le Christ image de Dieu : comme homme « céleste », en tant que
et dans des passages analogues du martyre de Polycarpe ; ce ressuscité ; par droit de nature ; dans l'acte de la création.
dernier document du moins nous ramène aux Églises d'Asie.
On connaît la thèse dé Lietzmann qui oppose à la liturgie des
Églises pauliniennes, christologique, celle de la Didachè, qui Nous parcourons dans ce chapitre divers points de vue
rend grâce pour la nourriture « spirituelle ». N'y aurait-il pas auxquels saint Paul :.e place en définissant le mystère du
des distinctions à faire ? Les actions de grâces de la Cène, en Christ, c'est-à-dire l'oeuvre mystérieuse que Dieu a accomplie
Asie, remerciaient Dieu pour la connaissance du mystère; par lui, sbn efficience, et par suite l'idée que nous nous faisons
est-ce loin de l'action de grâces « pour la vie et la connaissance du monde soumis à son action, en même temps que la connais-
que tu nous as fait connaître par jésus ton enfant » (Did., Ix, 3)? sance que nous acquérons de lui sous le signe de son efficience.
Les épîtres de la captivité marquent dans la liturgie et la
théologie un approfondissement de l'élément révélation et
connaissance, dans la direction de la théologie johannique. § I - L'UNITÉ DU MONDE PAR LE CHRIST

Le monde créé par Dieu, venu de l'unité tend vers l'unité


r. Cf. E. PERCY, Die Probleme, p. 309-312 ; J. Duro\T, Graosis, p. 483 - 528.
(E:5 8E0~ Ô TOCTPO, .y OJ -.Oc i..iL`~OL...1). Le Christ est instrument

d'unité. Ceci n'est pas nouveau dans la théologie de saint


Paul. Mais à la hauteur du mystère, - et c'est ce qui légitime
l'étude actuelle, - l'unité a pris des proportions cosmiques a,

r. I Cor., vin, 6
z. W. L. Kxoa, Si Paul and the Church of the Gentiles, p. 55-89 (le Christia-
nisme paulinien devient a mystère » au sens grec, et philosophie, pour expliquer
le cosmos).
316 LE MYSTÈRE DÙ CHRIST L'EXPOSÉ DU MYSTÈRE 317
englobant non seulement l'oikouménè, mais même le cosmos et ajuster nous-mêmes ces trois éléments qui sont conçus et
avec ses Puissances, nous contemplons en même temps les voies exprimés de points de vue hétérogènes. En particulier, Paul
mystérieuses d'une sagesse paradoxale, que Dieu a suivies ne s'est pas prononcé nettement au sujet des Puissances.
pour ramener le monde à l'unité après l'avoir créé dans l'unité. Une formule est du moins latente dans sa pensée : les mal-
Ainsi, l'idée d'unité ou d'unification religieuse totale, de versations des Puissances ont exacerbé l'hostilité des nations
retour à Dieu de ce qui est parti de lui, est au centre même du païennes et surtout de leur philosophie à l'égard du vrai Dieu,
mystère. C'est en la supposant au fond de la pensée de saint dans l'idolâtrie et l'immoralité. Mais où saint Paul a-t-il cherché
Paul que nous nous expliquons le plus aisément que les expres- à se représenter clairement l'origine de l'hostilité des Puis-
sions du mystère puissent prendre des formes si différentes, sances mauvaises ? On peut cependant en tirant la conséquence
mettant en avant tantôt l'unification religieuse des juifs et de ses principes, affirmer que puisque celles-ci ont été créées
Gentils ou bien corrélativement l'accession des Gentils aux biens au début par le Christ, leur hostilité à l'oeuvre divine et à l'unité
du salut, tantôt la donation du Christ aux Gentils, tantôt ne peut s'expliquer que par une ignorance qu'elles ont acceptée
l'entrée des Gentils dans l'ensemble des valeurs spirituelles et voulue. Nous devons en tout cas renoncer à faire intervenir
représentées par le Christ, tantôt la soumission des Puissances dans la théologie de Paul un soi-disant dualisme d'origine
cosmiques, ou la victoire du Christ. Toutes ces formules qui gnostique ou mythologique. Sa pensée évoluait dans le cadre
sont pour nous de vieilles connaissances, parce que nous avons du monothéisme juif, qui deviendra l'orthodoxie chrétienne.
assisté à leur naissance, viennent désormais se réunir autour 2. Nous sommes plus à l'aise pour décrire le désordre qui
de ce centre constitué par l'idée de la réintégration totale de règne actuellement dans le monde divisé entre juifs et palens 1,
l'unité religieuse par le Christ. Il est tout aussi naturel que Paul, monothéistes et idolâtres. Cette coupure de l'humanité cons-
dans les énoncés du mystère, -eprenne des expressions déjà tituait un scandale pour la pensée des juifs hellénistes. Familier
utilisées, même usées, et modifie rr..ême parfois leur signification. avec l'idéal de l'unité politique et cosmique née de la civilisation
1o L'unité est au point de départ du monde. Elle est marquée grecque, Paul ne peut pas ne pas sentir la situation tragique du
par l'unité de Dieu (EZç 8soç) et par celle du Christ qui participe monde divisé ; en juif monothéiste, il l'apprécie selon les prin-
à l'unité essentielle. Le monde provient du Dieu un et de l'unique cipes religieux. Les païens sont séparés du vrai Dieu, et portent
Seigneur (I Cor., viii, 6). Symbolisant cette unité, il y a ac un là responsabilité de cette séparation. Dieu se révélait à eux dans
homme s au début de l'humanité. la. création, les hommes n'ont pas voulu le reconnaître et, la
L'unité, qui est l'origine, est aussi le but, la fin de la création. philosophie aidant, ils ont dénaturé l'image de Dieu dans
Le monde a été créé pour le Christ (Col., 1, 16), qui doit rester l'idolâtries. A l'aspect négatif : les païens ne connaissent pas
l'unique Seigneur et faire la cohésion de l'ensemble du cosmos. Dieu (I Thess., iv, 5 ; Gal., iv, 8), ils n'adorent point le Dieu
Il est la clef de voûte de tout l'édifice : par le Christ le monde vivant et vrai (I Thess., 1, 9), ils sont des sans Dieu (EQh.,
avait sa fin ultime en Dieu, l'unité première et dernière. il, 12), correspond un aspect positif : ils adorent des dieux
2 0 Avant le christianisme, il ne restait rien de l'unité pri- qui ne le sont pas par nature (Gal., iv, 8), des soi-disant dieux
mordiale du monde. La pensée de Paul s'intéresse davantage (I Cor., vnl, 5). Ils ont multiplié ces dieux mensongers qu'ils
à l'état de dispersion qu'à la manière dont s'est produite la appellent des dieux et des seigneurs, les cherchant dans le ciel
première scission, la séparation du principe d'unité qui était et sur la terre (I Cor., viii, 5). Dans le concret : idoles muettes
Dieu.
z. A cet adjectif correspondent dans la langue paulinienne deus termes,
i. Pour se représenter cette scission, trois éléments sont en "Ea'X-lv¢4; et l`8vq. Pourla signification exacte de ces termes voir H. Wtxniscff,
ligne : a) le péché du premier homme qui introduisit dans le art. "EX),Y)Y, dans Theolog. Wasrterb., u, p. 501-514, et K. L. SCHMIDT art. €8voç,
monde la mort et le péché ; b) le désordre de l'humanité qui, ibid., p. 362-369. Les É 8vri, selon le vocabulaire de l'Ancien Testament vulgarisé
par le judaïsme, désignent les non-juifs, comme tels, les c incirconcis •, ceux dont
créée pour connaître Dieu, s'est abaissée à l'idolâtrie et à
la religion est ce que nous appelons le paganisme. Nous rendons le terme tantôt
l'immoralité ; c) l'intervention de Puissances mauvaises. par païens, tantôt par Gentils.
Si nous voulons construire une synthèse, nous devons assembler 2. Rosa., t, 19-23.
318 LE MYSTÈRr DU CHRIST L'EXPOSÉ DU MYSTÈRE 31 9

(I Cor., xil, 2), dieux anthropomorphes des Grecs ou zoolâtrie les choses du ciel et les choses de la terre, les choses visibles
égyptienne (Rom., I, 23), divinités astrales (I Cor., VIII, g), et les choses invisibles, les trônes, les dominations, etc. avaient
culte des souverains (I Cor., viii, 5 ; vraisemblablement II été créées dans le Christ (Col., I, 16). A la plénitude des temps,
Thess., 11, 4), Paul fait allusion à toutes ces formes d'une ido- Dieu récapitule tout dans le Christ. Le mot « récapituler n
lâtrie toujours la même, qui transporte aux créatures l'hommage sipifie ici restaurer sous le chef du Christ l'unité perdue
dû au seul créateur (Rom., I, 25). l'Eglise est son corps, les Puissances sont soumises à sa
La position des païens en face du monothéisme et de sa domination.
morale a pour antithèse les privilèges du judaïsme, peuple Saint Irénée (Adv. haer., I, io, i), dans un symbole de foi,
élu pour garder la Loi de Dieu, sa connaissance et son culte. commente notre texte : « l'Esprit Saint annonça par les pro-
Mais nous savons aussi que Paul, depuis qu'il était chrétien, phètes... la parousie (du Christ jésus Notre-Seigneur) pour
appréciait les choses un peu différemment. Juifs et païens « récapituler tout » et ressusciter toute chair de toute humanité,
étaient moins séparés qu'il ne paraissait. Les uns et les autres pour que devant le Christ jésus Notre-Seigneur, Dieu, sauveur
étaient pécheurs; les uns et les autres avaient besoin du Christ. et roi, selon la volonté du Père invisible, « tout genou fléchisse
La Loi n'était pas l'ceuvre parfaite que les juifs se figuraient. au ciel, sur terre et dans les enfers et que toute langue le
Elle les soumettait à des pratiques matérielles qui voisinaient confesse ...» C'est en effet à la parousie que la récapitulation
trop avec le paganisme. Elle multipliait leurs transgressions. sera réalisée définitivement. Mais suivant le mouvement
Juifs et paiens étaient obligés, par le désordre même, de se ordinaire de la pensée paulinienne, elle pourra s'anticiper, -
retourner vers le Christ. Les juifs ne pouvaient rien espérer et ce semble bien être le cas dans le passage de Eph., I, io,-
de la Loi pour obtenir la justice de Dieu, la vraie justice ; dans la vie chrétienne présente, commandée déjà par la mort
la Loi les tenait sous une sujétion préparatoire à l'avènement et la résurrection du Christ. Le thème de la réconciliation,
du Christ. Les crimes des paiens attiraient sur eux la colère parallèle à celui de la récapitulation, est lié en effet à la mort
de Dieu, et la miséricorde répondait à l'excès du mal. du Christ sur la croix 1. A ce moment, la Loi, le péché, la chair,
L'oeuvre du Christ consistera à refaire l'unité primiti-e, tout ce qui divise, est anéanti, et déjà le Christ célèbre son
à recommencer ce qui avait existé au début. L'unité sera triomphe sur les Puissances.
eecuménique (juifs et païens seront de nouveau réunis), cosmique Donnant le branle à une autre manière de comprendre la
(les Puissances seront privées du pouvoir sur le cosmos et sur récapitulation, en l'appliquant cette fois à la création, saint
les hommes), eschatologique (son rétablissement marquera Irénée écrit ailleurs, III, 18, 7 : « Lorsque (le Fils de Dieu)
la naissance du monde nouveau). Il y a parallélisme, non équi- s'est incarné et s'est fait homme, il a récapitulé en lui la longue
valence entre l'unité restaurée et l'unité primordiale. Car série des hommes (longam hominum expositionem in seipso
l'unité primordiale appartenait au monde premier, ancien, et recapitulavit), nous donnant le salut en une fois (in compendro),
partait du Christ créateur. La deuxième unité part du Christ pour que nous retrouvions en Jésus-Christ ce que nous avions
ressuscité, sauveur, et appartient au monde nouveau et définitif. perdu en Adam, savoir l'image et la ressemblance de Dieu » 2 .
Sans doute, le thème de la rédemption par la mort du Christ
n'est pas exclu du contexte, mais l'idée de la récapitulation
§ II - LA RÉCAPITULATION DANS LE CHRIST
est cependant transportée sur l'incarnation. Ceci n'est plus
Paul emploie dans le contexte théologique du mystère du paulinien. C'est Irénée première manière qu'il faut entendre.
Christ, Eph., I, 9-1o, le verbe « récapituler' ». Dans les disposi- La « récapitulation» n'est qu'une formule globale de la rédemp-
tions prises par Dieu pour l'accomplissement (al~pwp) des tion et du triomphe de la parousie.
temps, il décida de tout « récapituler » dans le Christ, et ce qui
se trouve dans le ciel, et ce qui se trouve sur la terre. Au début,
z. La paix universelle était la marque de l'âge nouveau pour l'hellénisme et
l'idéal remontait à Alexandre, cf. W. L. KNOX, The « Divine Hero » Chrisiology,
z. Sur le sens de ce terme, ci. H. SCHLIER, art. 3var:ya?,o:dotuae, dans Theolog. P. 244•
WaWarb., iii, p. 681 sq. 2. Cf. J. Gaoss, La divinisation du Chrétien, p. rgz.
320 LE MYSTÈRE DU CHRIST L'EXPOSÉ DU MYSTÈRE 321

III - CORPS DU CHRIST ET PLÉRBME ressuscité (Col.., i, 1g ; Col., il, 9). Telle semble bien être la
portée de l'énigmatique 6cwua-~ ~~xi5; de Col., 11, 9 1 . Dom Jacques
i. Le corps ressuscité, « spiritualisé » du Christ peut être Dupont a d'ailleurs retrouvé, avec une pénétration remarqua-
considéré comme le lieu où se concentre la puissance sanctifi-
ble,tout le complexe d'idées et de formules stoïciennes auxquels
catrice de la divinité'. Là, concentrée, elle devient le foyer
s'apparente le vocabulaire paulinien: corps, plérôme, aÙ6.,r uoa,
irradiant sur le monde. La conception paulinienne du « plérôme n totalité, unité 2 . L'univers est un tout organisé, un corps, un
paraît exprimer ce schéma. plérôme. Saint Paul transpose et modifie profondément tout
Le mot n'est sûrement pas étranger à la langue religieuse de le vocabulaire. Pour les stoïciens, il s'agit toujours de garantir
Paul, puisqu'on le lit dans la Septante et que lui-même (I Cor.,
l'unité et la dignité du monde ; la pensée part du monde.
x, 26) cite le Ps. xxiv, i : « Au Seigneur appartient la terre Pour saint Paul, la pensée descend de Dieu en passant par le
et « tout ce qui la remplit Pw~aa 2) ». L'expression, très fré-
Christ. La source de l'unité ou de la plénitude est Dieu. De
quente dans l'Ancien Testament, des temps qui « s'accomplis- Dieu, le plérôme vient se fixer dans le Christ, plus précisément
sent », fournit une autre occasion de se servir du substantif dans le corps ressuscité du Christ (ew~.atiexw_).
le plérôme du temps ou des temps (Gal., Iv, 4 ; Eph., 1, 10).
2. Au « plérôme » de puissance spirituelle contenu dans le
D'ailleurs, le mot, avec des sens très divers, apparaît fré- Christ, nous avons tous à nous alimenter, à nous « remplir »
quemment dans la langue hellénistique. Complément, accom-
« pour que vous soyez remplis en ce qui concerne tout le plé-
plissement, plénitude, totalité, total, somme : on comprend rôme de Dieu » (Eph., iii, ig 3 ). Le plérôme de Dieu, c'est-à-dire
qu'il prenne tous ces sens qui ne sont pas inconnus à saint
ses richesses spirituelles, la charité et l'immensité de cette
Paul.
charité dont la connaissance est inépuisable. Ou encore
Cependant, en cinq passages, les épîtres de la captivité « par l'unité de la foi et de la connaissance » du Fils de Dieu,
emploient le mot avec insistance, pour désigner la concen- nous parvenons à l'âge adulte, à la mesure d'un âge qui atteint
tration dé la puissance sanctificatrice divines. le « plérôme » du Christ », nous participons donc aux richesses
C'est assez compréhensible, on songe à aligner l'usage spirituelles contenues et concentrées dans le Christ (Eph.,
paulinien sur celui de la gnose, où « plérôme » désigne l'en- Iv, 13). Nous comprendrons de la même façon que nous soyons
semble des éons émanés du dieu suprême 4 . Mais ne faut-il « remplis » en lui (Col., ii, 1o) ; « remplis » de la connaissance
pas résister à cette suggestion ? Le « plérôme » n'intervient que de la volonté (de Dieu) en toute sagesse et intelligence spiri-
dans les systèmes gnostiques de la seconde moitié du deuxième tuelle (Col., 1, 9) ; « remplis » de l'Esprit (Eph., v, 18). Cf. jo.,
siècle ; de quel droit reporter le vocabulaire un siècle plus tôt 1, 16 : de sa plénitude nous avons tous reçu.
en Asie mineure, sous prétexte de certaines analogies dans la De même que l'Église est le corps du Christ, parce que la
soi-disant religion syncrétiste des juifs de Colosses avec la puissance spirituelle qu'il est désormais se réalise en elle, elle
gnose ? Paul a bien pu ajuster un mot d'usage courant à son sys- pourra s'appeler « le plérôme » du Christ, de celui qui « devient
tème théologique afin de marquer le rôle intermédiaire essen- plénitude en tout en tous » (Eph., 1, 23). La « plénitude » du
tiel du Christ dans l'ordre de la sanctification. Toute la force de Christ, participée, se réalise en tous et l'Église peut se concevoir
sanctification de la divinité, qui tend à s'épanouir dans le comme un lieu de concentration, un plérôme.
monde, est venue se concentrer dans le Christ, dans son corps La plénitude du Christ déborde de l'Église et des hommes ;
comme l'Esprit du livre de la Sagesse, il « remplit » l'univers,
1. Cf. supra, p- 2z3-
(cf. Eph., iv, io). Dans Col., I, 1g, il semblerait que la récon-
2. Le substantif icX~pw~ta n'est employé par la Septante que dans cette
formule ou ses équivalents.
3. Col., I, 19; II, 9 ; ÉPA., 1, 23; III, 19; IV, 13- 1. Cf. E. PERCY, ibid., p. 9q ; J. DUPONT, Gnosis, p. 423-
4. E. PERcv parle à ce sujet d'un axiome de la critique. Lui-même trouve 2. Gnosis, p- 420 -493-
invraisemblable que saint Paul ait emprunté aux Colossiens un terme de cette 3. La coVrection de P °«, B, 33 est intéressante : 'iva -Xy~pwe~ Tsxv sô
importance (Die Probleme, p. 76 sq.). Ci. G. BORNKAMDI, Die Haeresie des Kolos- 7}.~ow(.La :oû 6eoû. Le sens serait : pour que toute la plénitude (spirituelle)
serbrieJes, dans Tkeolog. Literatursei$Ung, LXXIII (1948), col. 14. de Dieu soit accomplie (33 ajoute: « en vous i).

Théologie de saint Paul.


L'EXPOSÉ DU MYSTÈRE 323
322 LE MYSTÈRE DU CHRIST
2. Le Christ est premier dans la création. Le monde invisible
ciliation par le Christ soit un effet de sa « plénitude » et la réconci-
liation s'étend à l'ensemble du cosmos. On remarque ainsi, des Puissances et le monde visible ont été crées en lui : et ainsi
dans les épîtres de la captivité, une tendance, - contrariée une imitation de Dieu passe dans le monde créé, car le Christ est
par la doctrine de la Rédemption, celle-ci restant strictement l'image du Dieu invisible. Mais pour que cet influx de ressem-
limitée aux hommes, - à étendre le plér8me du Christ, c'est- blance s'exerçât, il fallait, puisque le Christ est une personne,
à-dire la sphère de dilatation de sa puissance spirituelle, jus- qu'il participât à la création en tant que cause efficiente
qu'au cosmos, les Puissances célestes y comprises. De bons toutes choses ont été créées par lui ; et elles sont créées pour lui,
exégètes interprètent dans ce sens Eph., i, io ; 1, 22 sq., et elles tendent vers lui, pour réaliser par lui leur fin qui est de
ils iraient jusqu'à considérer l'Église comme un organisme manifester Dieu.
Tout ceci sur le plan non simplement naturel, - car il
spirituel enveloppant les anges'.
serait difficile d'isoler cette création par le Christ, dans le
C'est une extrémité à laquelle nous ne voudrions pas nous
Christ, et vers lui, de ce que nous appelons aujourd'hui un
résoudre. Les Puissances sont soumises au Christ, mais la
Rédemption vise les hommes seulement et l'Église, dans le ordre surnaturel, -mais sur le plan d'une création première,
celle du temps et du monde présent. Bien que l'intention
christianisme primitif, est trop concrètement encore « le
peuple » de Dieu pour qu'on puisse y mêler les anges. Tout première ait été contrariée, le Christ reste celui en qui tout
au plus pourrait-on concéder que le plér8me du Christ, dans un a cohésion, de qui les choses dépendent d'une dépendance
sens plus large, prendrait sous son influence - de sanctification intrinsèque*; la créature ne peut se soustraire à son domaine.
Dans l'ordre de l'éon nouveau, il y a aussi un commencement.
pour l'Église, de domination pour les Puissances - l'univers,
Le Christ est premier, non plus par la création, mais par sa
hommes et Puissances. En style philonien, le Christ serait
Seigneur pour les anges et Dieu pour les chrétiens. résurrection qui l'établit le commencement absolu, le premier-
né des morts, celui qui est « premier » parmi tous.
Cependant, cet ordre de l'éon nouveau et céleste existait
§ Iv. LA PRIMAUTÉ DU CHRIST. dans la pensée de Dieu avant la création du monde. Nous
étions déjà dans le Christ, en lui nous étions images de Dieu,
i. Le Christ est « le commencement ». Son origine le place
auprès de Dieu. Tous les êtres qui ne sont pas Dieu sont créés nous avions l'élection, nous étions destinés à nous « développer »
par lui; Paul n'a pas songé à cette distinction imaginée par jusqu'à acquérir la perfection finale, l'acquisition de la qualité
Héracléon entre le monde créé, le cosmos, et un MUY qui ne de fils. La réalisation a commencé dans le temps, dans l'ordre
serait pas créé. Toute créature, même si elle est dans le ciel, si elle des choses créées, lorsque l'éon futur a fait irruption dans le
appartient au monde futur, trouve un intermédiaire entre elle monde présent par le Christ ressuscité'.
et Dieu, et c'est le Christ. Cet intermédiaire n'est pas simple- 3. Le Christ est chef de file dans la résurrection des morts.
ment le premier de la série'. Il est hors série, car il est celui qui Ainsi doit se dérouler l'événement eschatologique ; d'abord
crée, celui qui vivifie, qui sanctifie. C'est en ce sens qu'il est pre- le Christ, puis ceux qui lui appartiennent, qui, par la foi et
mier; la qualité de premier se développe donc en primauté le batpême, ont uni leurs destinées à la sienne pour ressusciter
les choses dépendent de lui. De l'idée de primauté, on passe à avec lui, à sa suite, pour former le cortège de « saints » prévu
celle de cohésion : les choses ont en lui leur principe d'unité. pour le scénario de la parousie. Tel est l'ordre des choses déter-
Nous ne distinguerons pas nettement entre ces notions qui sont miné par Dieu.
intégrées l'une dans l'autre : origine, rang, primauté, cohésion, Nous ressusciterons avec lui, après lui, parce qu'il est ressus-
cité et que nous sommes la série obligée des morts appelés
unité.

i. Cf. L. CxRFAux, La Théologie de l'Église, p. 255 - 257; J. DuPONT, Gnosis, z. Cf. H. H088R, Die RechtfntigungsverhiUndigung des Paulus nach neuerer
in, p. 680.
P. 447-453; H. SCHLIER, art. xeçpa)arj, dans Theolog. WowWb., apwrdroxoç Forschung, Gutersloh, 1940, p. 94 sq. : même sans l'hypothèse du péché de
2. Dans le contexte des-idées pauliniennes, il faudra comprendre l'homme, la justification aurait été la fin de l'histoire humaine selon le plan de la
adaMq xr(aswç (Col., z, z5) d'une manière comparative : premier-né avant sagesse divine.
toute créature. Cf. E. PxRcy, Die Problene, p. 68 sq.
324 LE MYSTÈRE DU CHRIST L'EXPOSÉ DU MYSTÈRE 325
à ressusciter. Il nous faut ajouter: et nous ressusciterons comme du mystère, en ce sens qu'elle a une face tournée vers les rela-
lui, à son image. Le thème se développe longuement : notre tions du Christ avec Dieu.
corps de gloire sera à l'image du corps ressuscité du Christ. Trois contextes différents nous fournissent l'expression du
Les puissances hostiles seront anéanties dans le triomphe Christ image de Dieu.
du Christ- à la Parousie ; c'est leur manière d'être soumises et
intégrées par l'ordre final. io L'homme céleste, image de Dieu.
L'ordre de la Résurrection est déjà commencé et nous lui Il est naturel de rencontrer le thème de l'image dans le
appartenons déjà. Nous sommes ressuscités avec le Christ, contexte de l'homme céleste, opposé au premier homme.
placés sous son influence de vie ; une vie à l'image de la sienne, Le premier homme fut créé, d'après la Genèse, à l'image de
identifiée avec la sienne, se manifeste en nous. Dieu. Saint Paul connaît bien cette doctrine de la Genèse.
Diverses métaphores viennent colorer l'idée de cohésion L'homme, déclare-t-il, est l'image et la gloire de Dieu (I Cor.,
de toutes choses dans le Christ. La plupart d'entre elles se sont XI, 7 : cf. Gen., I, 26-28). Cette première ressemblance, si elle
développées dans le cadre de l'Église. Les chrétiens, unis en se cantonnait dans l'ordre de la nature, ne serait qu'une ombre,
Église, constituent le corps du Christ ; ils sont l'édifice dont le un symbole de la véritable ressemblance, à laquelle Dieu nous
Christ est la pierre d'angle ou la clef de voûte ; l'Église est a prédestinés (dans l'ordre du salut) pour devenir « conformes
l'épouse du Christ. à l'image qu'est son Fils » (Rem., viii, 29).
Dans les épîtres de la captivité, pour indiquer sa primauté Mais Paul a surtout perçu l'antithèse entre le premier homme
sur tous les chrétiens, le Christ est appelé la tête de l'Église. (et notre état de participation à l'état du premier homme) et
C'est par la tête que se fait l'unification du corps humain ; l'homme céleste (avec notre participation à ses prérogatives). La
cette idée plutôt que celle de l'influx de vie provenant de la participation s'exprime par la formule « image » : nous portons
tête, est marquée dans le développement de la comparaison l'image de l'homme terrestre, nous porterons l'image de l'homme
de Col., ii, i9 ; la métaphore est parallèle à celle de la clef de céleste (I Cor., xv, 49). La ressemblance avec le premier homme
voûte d'un édifice'. - qui s'identifie avec l'homme capable de pécher et même
pécheur - est envisagée comme une déchéance plutôt que
comme un honneur ; cet homme terrestre, ainsi conçu, n'est
§ v - L'IMAGE DE DIEU pas « image » de Dieu'.
Notre ressemblance avec Dieu nous viendra de notre parti-
En définissant le Christ « image de Dieu », saint Paul le met en cipation à l'homme céleste. Celui-ci est vraiment l'image de
relation avec le monde. Le Christ imprime au monde le sceau Dieu. C'est le contexte de la création dans la Genèse et l'an-
divin. Il est donc indiqué que nous rattachions cette notion à un tithèse avec l'homme terrestre (auquel la Genèse attribue le
chapitre qui se place au point de vue des relations du Christ prédicat d'image) qui amène Paul à introduire l'idée que le
avec le monde ; d'autant plus que Paul lui-même a introduit Christ est l'image de Dieu, la vraie image que l'homme ter-
la formule « image de Dieu » dans l'énoncé du mystère. restre n'est pas (car cette image n'est pas de l'ordre créé), et
Cependant, notre formule déborde le thème proprement dit à exprimer notre état chrétien par la notion d'image de Dieu.
Ce mouvement d'idées est encore très visible dans Col.,
III, 9 sq. (« rejetant le vieil homme avec ses actions, et revêtant
z. J. DuPONT, Gnosis, p. 440-450, analyse finement la documentation, surtout
stoicienne, pour conclure que l'image du Christ-tête du corps ne vient pas du
milieu stoïcien où baigne le thème ordinaire de aiul ta, mais est fortement influencée 1. Dans la tradition juive, Adam n'a pas perdu, par son péché, le privilège
par l'esprit sémitique. « Et alors même qu'il (saint Paul) recourt à des explica- de la ressemblance avec Dieu (cf. G. XITTEL, art. sîxwv, dans Theolog.
tions physiologiques nettement hellénistiques ( Éph., iv, z5-16 ; Col., ii, r9),
Wc;rterb., II, p. 391). Adam a engendré des hommes à son image, et donc à
c'est encore l'idée de prééminence et de gouvernement que paraît évoquer pour l'image de Dieu. Le rapprochement est fait explicitement à l'occasion de la
lui cette notion de képhalè, principe d'organisation et d'unité plutôt que source naissance de Seth, Gen., v, 1 sq. Paul semble prendre le contre-pied de cette
de l'énergie vitale à (ibid., p. 449).
doctrine, pans plus se préoccuper de ce qu'il a écrit en I Cor., xi, q.
L'EXPOSÉ DU MYSTÈRE 32^7
326 LB MYSTi Rl', DU CHRIST
est Fils de Dieu et Seigneur de droit, parce qu'il est le premier-
l'homme nouveau, renouvelé dans la connaissance « à l'image m
né; il n'acquiert manifestation publique de ces titres et effi-
de celui qui l'a créé n), L'antithèse est entre la première création
et l'ordre de l'élection à la grâce. Le vieil homme est notre cience vis-à-vis de nous que par son exaltation lors de sa résur-
rection. C'est alors qu'il est a Fils de Dieu en puissance » et
nature, connotant sa participation à Adam (Adam non-image) ;
que lui est octroyé le Nom au-dessus de tout nors. C'est à ce
l'homme nouveau est le chrétien, avec connotation de la
moment aussi qu'il est image capable de nous communiquer
participation au Christ, l'homme nouveau par excellence.
la ressemblance avec Dieu, dans l'intermédiaire de son corps
Notre transformation à la ressemblance de l'homme nouveau
ressuscité et glorifié.
devient notre vraie création, et ainsi se vérifie l'oracle de la
Deux passages de la Seconde épître aux Corinthiens sont
Genèse que nous sommes créés à l'image de Dieu 1 .
C'est donc le rapport avec la Genèse qui rappelle ici que parallèles
le Christ est l'image de Dieu. Mais saint Paul prend soin de II Cor., III, 18 : « Nous tous qui contemplons comme en un miroir, à
face découverte, la « gloire du Seigneur ., l'image par excellence', nous
nous dire que ce n'est pas par création que le Christ serait
sommes transformés de gloire en gloire, à savoir par l'efficience du
image de Dieu. Il rejette explicitement l'exégèse qui attribue Seigneur de l'Esprit A.
la qualité d'image à un homme créé en premier lieu et qui II Cor., Iv, 4 : « (le dieu de ce siècle a aveuglé les pensées des infidèles)
serait comme l'homme spirituel (l'idée de l'homme, trans- pour qu'ils ne voient pas dans sa lumière éblouissante l'illumination
posée dans l'ordre religieux) de Philon. L'Homme nouveau, de l'évangile de la gloire du Christ, qui est l'image de Dieu a.
qui est à l'image de Dieu, n'est pas une créature. Il appartient Les chrétiens contemplent l'éclat de la gloire du Christ.
à l'ordre eschatologique (ô ëaxazo; ' ABxu) (I Cor.,.Xv, 45), il Sans doute, ce n'est pas encore le face-à-face de l'éternité
est « spirituel u au sens fort du terme, participant de Dieu,
(cf. I Cor., xili, 12), c'est cependant une vraie contemplation,
il est d'origine céleste (I Cor., xv, 46 sq.). Sa définition d'image où la lumière éclatante de la figure du Christ, en même temps
de Dieu lui vient de sa relation transcendante avec Dieu. que nous le regardons, tombe sur nous en nous illuminant et
Ainsi donc, ce premier thème en suppose un autre où le en nous transformant en elle. Nous sommes transformés
Christ est image de Dieu à cause d'une relation avec Dieu en l'image que nous contemplons. Cette image, c'est l'image
qui n'est pas de l'ordre de la création. par excellence, le Fils de Dieu.
20 Le Christ en gloire, image de Dieu. Le parallèle du thème « image » avec celui de Kyrios est
Un second thème est donc appelé par le premier. C'est par le suggéré par le premier passage. Celui que nous contemplons
droit de sa propre nature, - non plus en opposition avec le est a le Seigneur n ; nous contemplons sa gloire, car il est le
premier homme, - que le Christ est image de Dieu. Nous fou- Seigneur de gloire (cf. I Cor., II, 8) ; et il est le Seigneur ressus-
lons déjà, vraisemblablement, le terrain de spéculations du cité manifestant sa puissance de sanctification (Rom., I, 4)-
judaisme sur la sagesse, image de Dieu. La gloire de Dieu 2,
communiquée au Christ, le constitue image 3. 30 Le Christ-limage dans la création.
La position, à cet étage, est parallèle à celle que nous cons- L'affirmation de Col., I, 15 est très nette ; le Christ est
tatons pour les formules Fils de Dieu et Seigneur. Le Christ intéressé dans la création en sa qualité d'image de Dieu. Le
thème précise le rôle d'intermédiaire (800.) que le Christ a joué
r. Nous avons fait remarquer ailleurs que ce raisonnement de saint Paul dans la création. Les analogies nous conduiraient au milieu
suppose, à l'arrière-plan, une exégèse bien connue de la Genèse où l'on trouve sapientiel.
deux hommes, l'homme image de Dieu et l'homme façonné.
2. Les notions d'image et de gloire sont connexes, cf. I Cor., xi, 7.
3. L'Homme primitif de la gnose est image de Dieu, Poim., 12. Cf. C. CLEMEN, r. Nous prenons l'accusatif r}iv aûrrly elxdva comme apposition à T~v Sd~av.
C'est peut-être la solution la plus simple d'une difficulté grammaticale. Le sens
ReUgionsgesekichtliche Erklaerung des Neuen Testaments, Giessen, r9o9,p. 262 sq.
Le parallèle n'a pas influencé saint Paul, pas plus que celui de l'inscription de ne serait guère changé si nous rapportions l'accusatif (modal) à l eialioprfou1iFOa
Rosette C. I. G., 4697,3 où Ptolémée Epiphane est intulé eîxwv ywQa Toû Ocdç. Rappelons-nous la presque équivalence de « gloire • et • image a. Mais « la gloire
Les accointances littéraires de Paul sont avec la Sagesse juive et l'exégèse de la est une notion moins précise que l'image. « La gloire . est un éblouissement sans
Genèse. image distincte. L'image dessine la figure.
328 LE MYSTÈRE DU CHRIST

Deux grands thèmes sont donc en présence. Le Christ est


image de Dieu dans sa préexistence, et il est image (manifestée
en gloire) dans sa glorification. De même, le monde reçoit
une double empreinte du Christ image : une première dans sa
création, une seconde dans l'ordre du salut. La théologie
valentinienne qui enseignait que le Logos avait donné aux
pneumatiques une première « formation », lors de la création', CHAPITRE IV
avait le tort, en introduisant le démiurge, de couper définiti-
vement l'eeuvre de la création de l'ceuvre de la « spiritualisa-
tion » ; sinon, elle aurait illustré la pensée de l'Apôtre. FILS DE DIEU
La création par le Christ, image de Dieu, établissait le monde
en puissance de soumission et tous les hoinmes en attente
d'élection. Dès la création, le monde matériel soupirera vers le r. - Le a Fils de Dieu n manifesté à la parousie ; le « Fils de Dieu » et
terme non entrevu par lui, mais connu du créateur, qui est la Passion. Première « mission n : intervention dans la création ; dans
l'adoption des enfants de Dieu. Lorsque le monde aura été notre « filiation n.
2. - Le Père et le Fils.
soumis à la « corruption » par l'intervention des Puissances
3. - Héritage chrétien et apports nouveaux. - Influence de l'Ancien
du désordre, ce sera un état violent, contre nature, et l'on
Testament. - Les théories d'une origine paienne : culte des souverains
soupirera vers la libération. Nous assistons dans ce chapitre et syncrétisme. - Influence de la philosophie.
au travail théologique de la pensée paulinienne. Elle va du Christ
au monde et du monde au Christ ; du Christ à l'oeuvre du salut
et de l'eeuvre du salut au Christ. Les éléments de la construction L'expression est loin d'être aussi fréquente dans les épîtres
appartiennent au donné primitif de la christologie; les formules que les termes « Seigneur » et « Christ ». Elle n'est pi un nom
sont partiellement influencées par la théologie juive et le stoï- propre comme Christos, ni un nom appellatif ordinaire comme
cisme. La synthèse porte la marque d'une intelligence profonde Kyi ios.
et extraordinairement lucide. Saint Paul nous a dit lui-même Chaque fois qu'on l'emploie, c'est avec l'intention de détermi-
dans le chapitre précédent tout ce qu'il doit aux charismes. ner les rapports de Dieu avec le Christ en exprimant, par
ces rapports, le bien fondé ou la nature des interventions divines
La construction paulinienne s'oppose vraisemblablement par le Christ.
à un syncrétisme judéo-oriental préludant aux gnoses. Rien
ne montre mieux l'indépendance de l'Apôtre vis-à-vis d'un
tel mouvement : , il lui oppose sa propre théorie, qu'il appuie § I - LES INTERVENTIONS DU FILS DE DIEU
de matériaux pris au judaïsme sapientiel ou à l'apocalyptique I. A la Parousie.
et au stoïcisme vulgairé. Mais faut-il exclure que cette soi-disant
gnose ait utilisé elle-même ces matériaux ? i. Nous possédons dans I Thess., I, g sq. le résumé du dis-
cours de propagande que saint Paul adressait aux païens.
L'Apôtre rappelle en effet à ses correspondants comment il
z. Heracléon commentait dans ce sens Jo., 1, 4 (Fragm. 2, FoERSTER).
les abordait et comment, en l'écoutant, ils se sont convertis,
quittant les idoles « pour servir le Dieu vivant et vrai et at-
tendre des cieux son Fils, qu'il a ressuscité des morts, jésus
qui nous délivre de la colère à venir ».
Paul a parlé d'abord du Dieu du monothéisme juif. Nous
connaissons les détails du thème. On y raccorde (déjà dans le
thème de propagande juif, dont les chrétiens ont hérité)
330 LE MYSTÈRE DU CHRIST FILS DE DIEU 331

l'annonce du jugement. Les chrétiens précisent : le jugement Le Fils de l'homme apparaît à Étienne debout, déjà levé de
aura lieu à la parousie, dont le héros sera jésus, « le Fils de son trône où Dieu l'a placé, parce que le moment du jugement
Dieu », disait l'Apôtre aux Thessaloniciens, que nous attendons menace les juges. Dans la vision de Paul, le Fils de Dieu anti-
du ciel. - Dieu l'ayant ressuscité des morts, - pour nous cipe en quelque sorte sa parousie glorieuse, et la prépare par
délivrer de la colère qui vient. l'évangélisation des Gentils".
L'idée de la parousie attire l'expression « Fils de Dieu ». 3. Nous retrouvons le titre Fils de Dieu dans la grande des-
Celui qui viendra, jésus, se trouve dans le ciel, dans la gloire cription de la parousie de I Cor., xv, 23-28. Le Christ « remettra
de Dieu. Cependant, sa qualité de Fils de Dieu déborde de son la royauté à Dieu, qui est son Père » (tic) 8eW xai. matipi) (v. 24),
état actuel de gloire, puisque sa résurrection est déjà en rapport « alors le Fils lui-même sera soumis. à celui qui lui a tout soumis
avec elle. On s'attendrait à voir employer le titre Kyrios, afin que Dieu soit tout en tous » (v. 28).
comme dans la description de la parousie, ou mieux encore Paul appuie sa description de la parousie sur deux textes de
« Fils de l'homme » puisqu'il est question implicitement du Psaumes : Ps. cx, 1 et VIII, 7. Le début du psaume messia-
jugement et de la colère à venir. Saint Paul aurait-il perçu un nique cx est une pierre d'assise de la théologie apostolique
rapport verbal entre « Fils de l'homme » et « Fils de Dieu 1 ? » cf. Mt., XXII, 44 : Mc., XII, 36: Le., xx, 42 sq ; Act., II, 34 sq.,
Rappelons d'ailleurs dès maintenant que le Fils de l'homme, Hébr., I, 13. On le lisait en esprit messianique, ce qui équivaut
dans le livre d'Hénoch, est aussi Fils de Dieu et que le chris- à dire eschatologique et on y voyait décrite l'intronisation
tianisme avait déjà vraisemblablement remplacé le titre Fils céleste du Messie Fils de Dieu (1-3). Le Ps. VIII a également
de l'homme par celui de irai, BEOU. Ce titre Fils de l'homme été lu comme prophétie messianique ».
appartient à ce type de vocabulaire apocalyptique que le L'exégèse des Psaumes fournit l'occasion de prononcer le
christianisme primitif abandonne très tôt. Il était particu- nom de Fils. Après avoir cité ses textes, Paul prend le style
lièrement étrange et impossible à conserver dans le monde des du commentateur: « quand le texte dit : tout est soumis, il est
églises pauliniennes. évident que c'est à l'exclusion de celui qui lui a tout soumis.
2. C'est encore à un contexte apocalyptique que nous fait Et quand il lui soumettra tout, alors le Fils lui-même (ce Fils
penser l'apparition de jésus que nous avons analysée à propos dont parle le psaume cx, 3 : « Je t'ai engendré avant l'étoile du
de la résurrection. Paul raconte sa vocation dans les termes matin », se soumettra à celui qui lui a tout soumis » (I Cor., xv,
où il se l'est formulée à lui-même : « Lorsqu'il a plu à celui qui 27 sq.).
m'a mis à part dès le sein de ma mère et qui m'a appelé par son Tel est sans doute un des tout premiers contextes où le titre
don, de révéler son Fils en moi (â7roxa~ûûactt 'ro'v uLôv avrou Év de Fils de Dieu s'est appliqué au Christ. Les Psaumes messia-
Épol)pour que je l'annonce parmi les Gentils (eûa e~G~w~a~ niques II et cx, décrivant le Règne glorieux du Christ, insis-
Ev roZ, ëOveatv) » (Gal., I, 15 sq.) taient sur le thème de la génération du Messie par Dieu son
« Révéler » est le terme technique des apocalypses. La vision
fut donc une « apocalypse ». Le ciel s'ouvre et le «Fils de Dieu » 1. Il est possible qu'on ne doive pas faire attention à év ép (, qui remplacerait
se manifeste et descend. On imaginera, suivant le récit très aisément un datif. Cependant, nous sommes tentés par un rapprochement
circonstancié du Livre des Actes, une vision lumineuse, l'appa- avec II Thess., i, 1o • lorsqu'il viendra pour être glorifié dans ses saints et se
rendre admirable dans tous les croyants .. Le sens de la préposition est ici local
rition d'un être céleste glorieux qui n'est sans doute pas sans autant qu'instrumental: à la Parousie, la gloire du Seigneur jésus s'étend
analogie avec la vision d'Étienne : « Regardant au ciel, il vit jusqu'à ses saints et les englobe. De même dans la révélation de Damas, la gloire
la gloire de Dieu et le Fils de l'homme debout à la droite de visible du Fils de Dieu envelopperait Paul, deviendrait comme présente désor-
Dieu, et il dit : je vois les cieux ouverts et le Fils de l'homme mais et même visible en lui et Paul serait l'intermédiaire pour révéler, à son tour,
la gloire du Christ aux Gentils (remarquer le jeu de la préposition: év élio(,
debout à la droite de Dieu » (Act., vii, 55 sq.).
év TOLÇ govsecv).
2. Mt., xxi, 16, Notre-Seigneur cite le v. 3 (« de la bouche des enfants et de
ceux qui sont allaités j'ai préparé une louange •) à l'occasion des enfants qui
1. Cf. J. DUPONT, « Filius meus es tu •,l'interprétation de Ps., ii, 7 dans le l'acclament dans le temple, immédiatement après son entrée triomphale (joyeuse
Nouveau Testament, dans Recherches de Science religieuse, xxxv (1948), p: 524 sq. entrée messianique) à Jérusalem.
FILS DE DIEU 333
332 LE MYSTÈRE DU CRRIST
Celui-ci a une double face. Pour les juifs, il signifie la délivrance
Père. Les chrétiens se sont représentés de cette manière le
de la Loi ; pour nous tous, c'est l'élévation à la qualité de fils
Christ exalté en gloire par sa résurrection. Ils recoupaient
de Dieu. La délivrance de la Loi est en rapport avec la mort
ainsi d'ailleurs l'enseignement de jésus. Saint Paul est plongé
dans ce mouvement de conceptions primitives. du Christ, suivant le thème paulinien ordinaire, mais notre
adoption est seulement en rapport causal avec la mort et avec
Si la notion de Fils de Dieu et l'idée du Règne messianique
la résurrection, et dépend formellement de la qualité de Fils
et de la glorification de jésus s'appellent entre elles, cela ne
que possède le Christ.
veut pas dire qu'elles s'identifient. Pour la communauté primitive
comme pour saint Paul, la qualité de Fils de Dieu est mise en L'antithèse fils de femme et Fils de Dieu, de même que l'idée
relief et manifestée par la résurrection et l'exaltation, elle de mission, nous montre que l'on songe à une qualité intrinsèque
n'est pas créée en ce moment ni encore moins décernée de du Christ. C'est en vertu, pour ainsi dire, de cette qualité, qu'il
est envoyé ; il est dans la nature des choses que le Fils fasse
l'extérieur, comme un simple titre décoratif.
l'oeuvre de son Père.
II. Dans la Passion. L'épître aux Romains, VIII, 3 sq. nous fournit un parallèle
Les synoptiques et même saint jean nous ont conservé ce assez proche. Le mouvement général de la phrase-est pareil
thème primitif où le Fils de l'homme, qui viendra dans sa Dieu a envoyé son Fils afin que nous soyons sauvés. Mais les
gloire, doit d'abord souffrir de la part des hommes, s'identi- précisions sont différentes
fiant avec le Serviteur de Dieu d'Isaie. On dirait, ici encore, Cas ce que la Loi ne pouvait faire, en étant incapable à cause de la chair,
que Paul remplace Fils de l'homme par Fils de Dieu. Le Fils Dieu ayant envoyé son propre Fils
de Dieu nous a été donné par Dieu son Père : « celui qui n'a dans la ressemblance de la chair de péché et au sujet du péché,
pas épargné son propre Fils, mais l'a livré pour nous tous » a condamné le péché dans la chair,
afin que la justification de la Loi s'accomplît en nous,
(Rom., VIII, 32). Le sacrifice d'Isaac et la paternité d'Abraham
qui ne marchons pas selon la chair, mais selon l'Esprit.
sont à l'horizon et ainsi la paternité divine, sans quitter l'ordre
des réalités transcendantes, se charge d'émotion. Nous retrou- L'ceuvre à accomplir était de condamner le péché, de le
verons le même trait dans la théologie johannique (Jo., III, r6).
supprimer de la vie humaine. La Loi en était incapable, car elle
Par la mort de son Fils, Dieu nous réconcilie avec lui (Rom.,
ne dépasse pas la puissance de la chair. L'oeuvre a été accomplie
v, io). Répondant à l'amour de son Père, le Fils de Dieu nous
par le Fils de Dieu, qui a été envoyé dans la ressemblance
a aimés et s'est livré pour nous (Gal., II, 20).
d'une chair de péché, - dans une chair réelle, qui est celle des
III. La première « mission ». hommes pécheurs, - et qui restait toujours le Fils de Dieu,
présent dans cette nature de péché, de sorte que Dieu donc a
Z. Déjà la présence du Christ dans le monde, avant la grande
pu condamner le péché dans la chair (par la mort du Christ
Parousie, dans la Parousie obscure, comme dit saint Justin,
qui fut l'anéantissement du corps portant en soi la chair et le
a été le résultat d'une première députation. Le Fils de Dieu
péché) et nous permettre, le péché vaincu par la victoire de
a été envoyé dans une humanité pour faire ceuvre de salut,
la vie, de vivre selon l'Esprit et d'accomplir cette fois la justice
car, afin de pouvoir mourir d'une mort salutaire, il devait
qu'on poursuivait en vain sous la Loi.
devenir l'un entre nous
Le Fils de Dieu est au-dessus de la chair, il appartient à
Lorsque vint la plénitude des temps,
l'ordre de l'Esprit. Saint Paul a dit explicitement au début
Dieu envoya (€ a.s€aTeeÀev) son Fils,
né fils de femme, de l'épître, qu'il a reçu la puissance de Fils de Dieu et l'activité
devenu sujet de la Loi, spirituelle sanctifiante par la résurrection des morts (Rom., I, 4).
afin de racheter ceux qui sont sous la Loi, Momentanément, avant sa résurrection, en vue du péché
afin que nous recevions la qualité de fils (Gal., iv, 4 SI-)- et de la destruction du péché, il ne manifeste pas sa puis-
sance selon l'Esprit. Il est cependant Fils de Dieu selon sa
Le Fils a donc été ici-bas en vertu d'une mission reçue de son
Père, et c'est en vertu de cette mission qu'il apporte le salut. nature et envoyé en tant que Fils, ce qui précisément rend
334 LE MYSTÉRE DU CHRIST FILS DE DIEU
335
possible la condamnation du péché et l'oeuvre du salut 1. son Fils à celle du Fils qui se livre est habituel à saint Paul,
L'adresse solennelle de l'épître aux Romains reprend briè- il est inspiré par le chapitre Lui d'Isaïe.
vement l'idée de la mission dans l'humilité de la chair, pour lui 2. Le thème de la mission du Fils de Dieu est fourni à saint
opposer la puissance de la résurrection 2 . La résurrection Paul par la tradition chrétienne. Dans la parabole de. la vigne
prépare la parousie et à vrai dire, appartient déjà par antici- (Mt., xxi, 33-46 et parallèles), le propriétaire envoie en dernier
pation à la mission glorieuse, puisque le Christ ressuscité, lieu son Fils. Le thème est très fréquent dans le IVe évangile
glorieux, manifeste déjà sa puissance spirituelle dans le monde. et revient dans la Ia Johannis. Il s'y prolonge parfois, comme
L'antithèse Fils de Dieu devenu homme (ici devenu fils de dans la parabole de la vigne, par l'idée explicite de la mort
David) se double de l'antithèse selon la chair et selon l'Esprit. et du salut ; plus souvent, quand jean développe les images
L'évangile (le message de la bonne nouvelle) de Dieu, qui de lumière et de vie, il s'en tient à l'idée de mission et d'appa-
avait été annoncé (aPosnr~Y ( Xa7o) comme un premier évangile rition du Fils de Dieu sûr terre. Le thème de la mission du Fils
par les prophètes dans les écritures saintes, avait pour objet se retrouve équivalemmentdans la déclaration divine du baptême
le Fils de Dieu. La pensée se porte d'abord sur la situation du (Mt., III, 17 et par.) et de la Transfiguration (Mi., XVII, 5 et par.').
Christ, en état de Fils de Dieu, au-dessus de toute mission tempo-
relle. Ce Fils de Dieu est devenu « issu de David » (mû (FYol.LÉY0u IV. Dans la création.
Ex emipp aTos àa nS) selon la chair, en attendant d'être manifesté Le développement hymnologique de Col., 1, 15-2o se rattache
comme « Fils de Dieu possédant sa puissance, en vertu de la à la mention du « Fils bien-aimé », « par lequel nous avons
résurrection des morts, selon l'Esprit sanctificateur n. Le « Fils rédemption et remise des péchés n (ceci est encore formellement
de Dieu n ressuscité est, - ce qu'il n'était pas avant, - force l'oeuvre du Fils de Dieu) (v. 13 sq.). Il expose donc des notions
divine agissant dans l'humanité. unies à celle de la filiation. C'est en tant que Fils que le Christ
Il y a par ailleurs un parallélisme étroit entre l'adresse de est l'image du Dieu invisible, engendré avant toute création '
Rom. et le grand passage christologique de l'épître aux Philip- de sorte que tout a été créé par lui.
piens,11, 5-11. Si l'expression « Fils de Dieu n n'est pas employée
ici, la formule Ev ppTr, BFoû û7sâpxwv n'en est sans doute que V. Dans notre filiation.
l'équivalent. L'état du Fils de Dieu dans son humanité est Constitué Fils de Dieu en puissance, Esprit vivifiant, le
largement développé et prépare, par antithèse, la mise en Christ avec son corps ressuscité est notre « image n. Dieu l'avait
valeur de l'exercice de la puissance. Autre variante : le thème prédestiné à ce rôle de toute éternité et il nous avait prédes-
spécial de l'envoi par Dieu est remplacé par celui de l'accep- tinés, en lui, a devenir nous-mêmes des fils de Dieu. « Ceux qu'il
tation par le Christ de l'humiliation de la vie humaine et de sa a connus le premier et avant toutes choses, Dieu les a prédes-
mort sur la croix. Ce passage de la volonté de Dieu qui livre tinés à devenir semblables à l'image de son Fils pour que celui-
ci soit le premier-né de nombreux frères n (Rom., VIII, 2q).
Il nous a donc appelés à la « communion n avec son Fils (I Cor.,
z. Il reste un écho lointain du même thème, l'envoi en ce monde du Fils de I, g). A ce titre nous recevons « l'Esprit de son Fils dans nos
Dieu, dans II Cor., i, zg-2o. Le thème est adapté assez curieusement, d'une coeurs, qui crie (en nous) Abba, Père n ( Gal., iv, 6). Nous avons
façon presque forcée, à un contexte où Paul se défend contre certains reproches
entendus à Corinthe. A voir les changements successifs dans ses plans de voyage, part à son héritage (Gal., IV, 7), car il est l'héritier de toute
on pourrait croire qu'il se laisse guider par des mobiles purement humains et que chose, cf. Rom., viii, 17 ; Hebr., 1, 2 ; Eph., V, 5. Comme cet
son activité reste au plan humain, où il y a changement, oui et non alternati-
héritage est un royaume, Dieu nous transfère, dès ici-bas,
vement, sur un même sujet. Au plan où vit saint Paul, il n'y a pas de changement,
car son discours reflète le Christ, qui est vérité, assurance des promesses divines;
« dans le royaume du Fils de son amour n (Col., 1.13)-
Dieu l'a affermi, avec les Corinthiens, sur le Christ. . Le Fils de Dieu ., explique-
t-il, n'est pas i devenu • oui et non, mais le oui est devenu en lui.
2. Toû bptuOEvToç après Toû YEvo~Livou. Envoi dans la chair, et déclaration z. Dans ce cas de la Transfiguration, l'identification est faite entre Fils de
publique du Christ comme Fils de Dieu ne sont pas des événements du même Dieu et Fils de l'homme (Mt., xvrc, g, z2). Pour la signification du thème de
ordre. l'envoi, cf. M.-J. LAGRANGE, ɢftre aux Galates, p. 102, cf. p. zof.
336 LE MYSTÈRE DU CHRIST FILS DE DIEU 337

§ II - LE PÈRE ET LE FILS
III - LES ORIGINES DE LA FORMULE
Saint Paul ne parle jamais du « Fils» d'une manière absolue, I. Héritage chrétien et apports nouveaux.
comme le fera la théologie postérieure, qui oppose le Père
et le Fils dans l'unité de la nature divine. Le Fils n'est pas un Z. La doctrine qui s'exprime dans la formule « Fils de Dieu »
nom propre comme Christ, ou un nom appellatif jouant le est essentiellement chrétienne. Jésus-Christ se savait uni à
rôle de nom propre comme « Seigneur ». On entend toujours Dieu par les liens de la filiation. « Filiation » est l'expression
indiquer les rapports du Christ avec Dieu. Régulièrement, humaine d'une relation ineffable. Dans sa prière, telle que les
« Fils » est suivi du génitif (Dieu) ou d'un pronom ou adjectif synoptiques, puis saint jean nous l'ont conservée, nous
possessif équivalent. Il faut suppléer la détermination là où entendons les effusions d'un Fils pour son Père. Au baptême
elle n'est pas explicite'. Ces rapports ne se limitent pas aux et à la transfiguration, la révélation divine correspond à son
rapports transcendants de Père et Fils, mais sont ceux de Dieu attitude envers Dieu. Les démons témoignent à leur façon,
et du Christ et englobent le Christ dans son oeuvre sur le monde en contre-façon, de la révélation divine et peu à peu jésus
et les chrétiens. Dans l'expression de Col., I, 15, rpcù7Ôtioxo; consent à laisser transparaître à l'extérieur quelque chose de
râa^s x,taew_, l'adjectif définit les qualités du Fils en rapport sa vie divine ; il livre son secret dans une pédagogie prudente,
avec Dieu créateur; il a une face tournée vers la transcendance d'abord enveloppée dans la formule apocalyptique araméenne
et une autre vers la création 2 . « Fils de l'homme ».
Corrélativement, on n'entend jamais le Père d'une manière Nous voyons la communauté apostolique conserver précieu-
absolue, on songe à la relation de Dieu soit avec les chrétiens, sement, sans le développer beaucoup, l'enseignement du Maître.
soit avec le Christ (non simplement le « Fils »). Père accompagne Elle possède très vif le sentiment que, par jésus, les chrétiens
régulièrement « Dieu » qu'il détermine. Quelques exceptions sont les enfants du Père céleste. Elle prie comme jésus priait
s'expliquent par l'influence de l'usage liturgique où on invoquait notre Père, abba ! Elle appelle jésus, dans sa liturgie, en
Dieu par son titre de Père 3 . Les formules normales sont Dieu reprenant les formules d'Isaïe, « l'enfant » de Dieu. Elle récite les
notre Père ou Dieu, le Père de Notre-Seigneur 4. Il faut suppléer Psaumes messianiques : Dieu appelle le Messie son Fils, il
l'une ou l'autre de ces relations lorsque « Dieu le Père » paraît l'a engendré de toute éternité.
sans détermination ; nous ne croyons pas que saint Paul ait
2. A saint Paul était réservé le développement théologique
jamais supposé, à la manière stoïcienne, une relation de Dieu
de la formule. Il a su ce que les chrétiens faisaient du Messie,
en tant que Père avec le monde.
Nous ne trouverons jamais par conséquent, « Père » et « Fils » le plaçant en gloire auprès de Dieu. La vision du chemin de
Damas se présente à lui en ce moment ; il comprend, dans la
employés dans une même phrase et s'opposant (personnes
lumière divine, que ce jésus qui lui apparaît en gloire est le
divines). L'antithèse normale est Dieu et Seigneur, qui s'am-
« Fils de Dieu ». Avec la doctrine théologique, l'expression,
plifie en « Dieu notre Père » et « le Seigneur Jésus-Christ », etc.
dès ce moment, s'est imposée à lui. L'illumination qu'il a reçue
va se développer en théologie du « Fils de Dieu ».
r. I Cor., xv, 28 (si ô uid; est primitif) ; Col., 1, 13 (Toû u10û •'r",C diàacr,C On peut supposer que les spéculations apocalyptiques sur le
a)TG5). Fils de l'homme n'étaient pas inconnues à Paul. Nous savons
2. Nous avons signalé le méme cas pour 6ixwv et nous ferons une remarque par l'apocalypse d'Esdras que cet être transcendant se re-
analogue pour xupcoç.
présentait comme Fils de Dieu, et d'autre part, il est à peu
3. Rom., viii, 15 ; Gal., iv, 6 ; Ëph., iii, 14 (ÉPIL, u, r8 se ramènera à ce même
cas). près sûr que, déjà à ce niveau de la doctrine apocalyptique, le
4. Cf. p. 354 sq. « Fils de l'homme », l'être céleste que Daniel avait contemplé,
5. Sur ce thème stoïcien de la paternité de Dieu à l'égard du monde ou de s'était identifié au Messie des psaumes. Mais ce qui aurait été,
« tout •, cf. J. DuPONT, Gnosis, p. 340 sq. On suppléera, I Cor., via, 6 (sic
8eôc 5
pour Saul de Tarse, simple matière dialectique devient, au
aat~p) la relation avec • nous » et avec • le Seigneur Jésus-Christ n. Dans Épk.,
iv, 6 on lira irtavTiuv au masculin (tous les chrétiens). moment de sa conversion, certitude de foi révélée et'spéculatiorf
Théologie de saint Paul. 22.
FILS DE DIEU 339
338 LE MYSTÈRE DU CHRIST
vivante, qui va imprégner et transformer toute sa vie religieuse. pensée plus métaphysique se dévoile surtout dans l'intervention
Nous avons montré comment la plupart des contextes où du Fils lors de la création du monde.
paraît l'expression « Fils de Dieu » avaient été fournis à saint A cause des rapports essentiels qui existent entre le Père et le
Paul par la tradition chrétienne antérieure. Il en est de même Fils, le Fils a été cause efficiente de la création, uni au Père.
sans doute du mouvement d'idées qui approfondit la formule « Il est premier-né avant toute création, « en lui 1 » tout dans
et passe d'une notion perçue par analogie aux rapports humains les cieux et sur la terre a été créé, les choses visibles et les choses
de paternité et de filiation, à une notion plus métaphysique. invisibles » (Col., I, 15 sq. ; cf. I Cor., viii, 6). Les Puissances
Par une sorte d'anthropomorphisme impossible à éviter, célestes sont de l'ordre des choses créées, donc par lui (ibid.,
et qui repose d'ailleurs sur la révélation que le Christ nous a 16). Il est l'image du Père.
faite de ses propres sentiments et de ceux de Dieu pour lui, Il est, dans son intervention, la cause finale médiate de
saint Paul transpose d'abord jusqu'à Dieu les sentiments de la la création (Col., I, 16) ; celle-ci a référence essentielle à la gloire
paternité humaine'. Dieu aime son Fils. Il l'aime au moment du Père (I Cor., viii, 6), mais le Fils est sur la route qui mène à
où il le livre à la mort pour nous, et de ceci nous concluons au cette gloire: le Père n'est pas manifesté par la création sans que
mystère de l'amour de Dieu pour les hommes : « (Dieu) n'a pas cette louange ne soit d'abord celle du Fils. Enfin, le Fils est en
épargné son propre Fils, mais l'a livré à la mort pour nous a principe la cohésion des choses créées, les unissant entre elles et
avec Dieu (Col., I, 17).
(Rom., VIII, 32) ; « alors que nous étions encore ennemis,
nous avons été réconciliés à Dieu par la mort de son Fils P On peut, sans crainte de se tromper, indiquer le judaisme
(Rom., v, io). Le Fils de Dieu est « le Fils bien-aimé » Col., hellénistique et ses spéculations sur la sagesse comme ayant
I, 13, et Eph., I, 6 2 .
aidé saint Paul à dégager les grandes lignes de cette christologie
Transposition encore des notions humaines d'héritage et de cosmique
délégation. Le Fils est l'héritier des biens de son Père. Il est
délégué, envoyé par son Père pour des missions de confiance. TI. Influence de l'Ancien Testament et du judaïsme.
Ce sera l'ceuvre de notre salut. La parousie dépasse cependant Cette influence est continue aussi bien sur le christianisme
une simple mission de confiance : Dieu envoie son Fils pour primitif que sur saint Paul. Elle est primordiale. Jésus lui-même
tenir sa place, en qualité d'héritier de sa Royauté. Il a tout remis exprime son message et son expérience unique sous des for-
entre ses mains. Il l'a placé à sa droite et lui délègue, comme à mules qui ont été préparées dans la révélation antérieure et là
son Fils et héritier, toute autorité, pour dominer et juger. même où il doit dépasser essentiellembnt ces formules, il les
La conscience du Christ est celle d'un Fils. « Parce que vous conserve.
êtes Fils, Dieu a envoyé dans vos coeurs l'Esprit de son Fils L'influence littéraire de l'Ancien Testament sur le Nouveau
criant : Abba, Père» ( Gal., iv, 6 ; cf. Rom., viii, I5). L'Esprit- nous révèle une préparation voulue par Dieu. L'enseignement
Saint exprimera en nous les sentiments de fils qui sont ceux des prophètes et les formules de la théologie juive postérieure
du Fils de Dieu pour son Père. Celui-ci a pour son Père la défé- acheminaient vers l'intelligence de la révélation chrétienne et
rence (cf. Phil., il, 7) et la soumission d'un Fils. celle-ci, par conséquent, suivant l'économie divine, emprun-
Ces rapports venus des comparaisons humaines cherchent terait les formules préparées.
à exprimer une réalité métaphysique. La formule de la géné- Dans la ligne du messianisme national, le Roi Messie est Fils
ration, elle, manifeste cette réalité profonde, à comprendre en de Dieu s. Nous pouvons laisser de côté les origines lointaines et
harmonie avec la foi monothéiste de saint Paul. Ce tour de

r. Il ne faut sans doute pas opposer Èv a-itâ) (emploi séinitisantde Èv, avec sens
instrumental) de Col., r, rs et 8L'oû de I Cor., viii, 6. Mais la particule Èv indique
:. Pour saint Paul la relation humaine de père à fils est avant tout une rela-
mais il y a une autre outre la cause instrumentale, la cause exemplaire (notion liée à sîrt,)V).
tion d'amour, ci. I Thess., u, u ; I Car., iv, rs ; Gal., iv, 2 ;
2. On pourrait cependant aussi admettre un contact direct de saint Paul
note : Paul par exemple est père parce qu'il a fondé l'église de Corinthe ou qu'il
avec le stoïcisme vulgarisé.
a le droit de reprendre.
3. Cf. G. DALMAN, Die Work Jesu, Leipzig, x898, p. 2x9-248.
2. Cf. E. TrssERANT, Ascension d'Isaïe, Paris, rgo9, p. 8 sq.
LE MYSTÈRE DU CHRIST FILS DE DIEU 341
340
la signification primitive de cette formule bientôt acclimatée en ainsi la constitution de la théologie paulinienne'. Les textes
Israël. A cause de l'élection, tous les Israélites sont fils de pauliniens nous ont révélé des voies qui passent par le chris-
Dieu et le roi évidemment a des raisons particulières d'escomp- tianisme primitif. Et le christianisme primitif lui-même, s'il
ter la bienveillance et la protection divines. La formule tient reprend les formules de l'Ancien Testament et du judaïsme,
aux entrailles de la religion d'Israël, même si des croyances leur donne un contenu tout nouveau.
ou le protocole d'Égypte et de Babylone sont l'atmosphère III. Origine pat"enne ?
où baigne la pensée de ]'Ancien Testament.
Lorsque les Septante traduisirent les psaumes messianiques, Peut-on négliger toutes les indications littéraires qui révèlent
ils attribuèrent aux formules exprimant la paternité divine les dépendances et la formation des thèmes, comme aussi
vis-à-vis du roi un sens mystérieux qui dépassait la pure méta- toutes les vraisemblances naissant du milieu assez fermé où le
phore. Le Ps. 11, 7 prononce : « Dieu m'a dit : tu es mon Fils, christianisme s'est développé et où la pensée elle-même de
je t'ai engendré aujourd'hui ». Le Ps. c x reflète la même saint Paul s'est exprimée et, appliquant à la formule « Fils
théorie en la précisant: « Du sein, avant l'étoile du matin, je de Dieu » une méthode que l'on a cru avoir imposé avec succès
t'ai engendré ». Ces passages ont retenu l'attention des chré- au titre Kyrios, décréter que l'expression Fils de Dieu, elle
tiens. Ils y ont trouvé des confirmations de leur christologie aussi, n'est qu'un emprunt des chrétiens au monde hellénistique
naissante. païen ?
Les Septante, dans le Livre d'Isaïe, traduisirent ébed Jahvé Ce serait descendre trop bas que de comparer le Fils de
d'une manière normale par naiç Osoû : l'expression hébraïque Dieu des chrétiens avec les nombreux « Fils de Dieu » dont
marquait une intimité avec Dieu que Uû~o5 n'aurait pas rougissait la mythologie païenne. Les objections de Celse
rendue. Les chrétiens, surtout dans leur liturgie, appelèrent ont fait leur temps. 'Mais on recourt encore volontiers au
jésus de ce titre. Ils le comprennent dans le sens « d'enfant de culte des souverains 2 . E. Lohmeyer rapporte au syncrétisme
Dieu », à peu près synonyme de « Fils de Dieu ». Ce serait une les fortunes parallèles des titres Kyrios et Fils de Dieu dans le
confusion, renouveleé des judéo-chrétiens hérétiques, de se culte et dans le christianisme. G. P. Wetter notera lui-même
figurer deux théologies, l'une partant de la notion de « Fils », l'analogie de sa construction avec celle que Bousset a montée
l'autre, de celle de « serviteur », « Fils » et « enfant » représentent pour le titre Kyrios (p. 2o, n. i).
des nuances de la même conscience chrétienne. « Fils » sera plus L'expression usô5 Oeoû apparaît dans les inscriptions et les
métaphysique, « enfant » reste toujours plus psychologique'. papyri à l'adresse d'Auguste. On est d'accord pour reconnaître
Le serviteur de Dieu d'Isaïe, même s'il n'est pas dès le début qu'elle traduit le divi filius des inscriptions latines, et l'on sait
une hypostase littéraire du Messie davidique, a été confondu le sens de celles-ci. Auguste veut rattacher ses honneurs à
avec celui-ci dans le judaïsme apocalyptique et le christianisme. ceux de César apothéosé et devenu divus 3. Rien n'autorise à
Il en va de même du Messie transcendant des apocalypses. donner à la formule utô5 8eoû un sens différent, quand les Grecs
Étre transcendant, proche de l'homme, il s'intitule désor- l'emploient à Pergame ou à Alexandrie 4. En général Ozzô;
mais « Fils de Dieu z ». Cette liaison de la formule des Psaumes
avec la figure eschatologique a pu contribuer à son 1. Die Entstehung der Pautinischen Christologie, p. 97-2x8.
approfondissement. 2. A. DEISSMANN, Licht vom Osten, P. 25o. G. P. WETTER, Der Sohn Gottes,
Gcettingue, 1g16, p. 18-20; E. LoHMEYER, Christ uskult u:nd Kaiserkull, P. 24-54.
Ne concluons pas que saint Paul, pour construire sa théologie, 3. Auguste est divi fclius sur les inscriptions depuis 40 avant jésus-Christ
n'a eu qu'à prendre au messianisme un schème tout fait et à ( C. I. L., Il p. 5o).
l'appliquer au Messie jésus. M. Brückner peut se représenter 4. Inscription: Pergame 381 ; papyri: B. G. U., I, 174, 2 (7 ap. J.-C.) B. G. U.,
11, 543,3 (27 av. J.-C.). Pap. Soc. Ital., I, 36 a ; x, 1150,2 ; Pap. Tebtunis, 11, 382,
21 ; Pap. Fayüm Towns 89, 2. On comparera P. Oxyrh. xii, 1453, 11 «Je-Ù; Îz -/
OEOÔ). Qu'on veuille marquer un lien de parenté avec César, cela ressort de

1. Athénagore emploie encore le mot dans la formule trinitaire ; cf. J. parallèles avec d'autres formules, cf. B. G. U.,I, 74, 4, à propos de Marcus et Verus
LEBREToN, Histoire du dogme dé la Trinité, II, Paris, 1928, i'. 496 sq. 0_oû Toxïxvoû Iixo0lroû ~YYovoc ou encore: Pap. Oxyrh., 240, 4 et 253, 17-18
0. Acôç'EXEUO. SE Û. uidç.
2. G. DALMAN, ibid., P. 221.
LE MYSTÈRE DU CHRIST FILS DE DIEU 343
342
gieuse unique où un homme était uni à la divinité au point
signifie que le souverain est arrivé au rang de dieu par ses
bienfaits. Il est un dieu présent sur terre; Aeo,i utô; précise d'être en droit d'exprimer ses relations avec elle par la for-
sa divinité tient à ses relations spéciales avec César qui a mérité mule que Dieu est son Père.
Pour autant qu'on puisse en juger, il n'y a rien de pareil dans
l'apothéose.
G. P. Wetter suppose cependant que les appellations « Dieu », l'expérience religieuse, - pour autant qu'il y aurait expérience
« Fils de Dieu », a Divus » sont équivalentes et expriment le religieuse, - des magiciens gnostiques et des prophètes de
sentiment religieux des masses qui voient dans l'empereur Celse. Quelle lumière le parallèle peut-il jeter sur le christia-
nisme et quelle pourrait être la dette de la grande église envers
un représentant terrestre de la divinité'. Nous pensons qu'il
y a ici une confusion. S'il s'agit de ce que les masses compren- de petites sectes nées après elle 1 ? Une expérience riche et pré-
cise comme celle de jésus vient d'un autre horizon et ne s'ex-
nent, il est possible que les idées y soient très vagues. Il est
plique pas par de pauvres élucubrations sans contenu déterminé.
possible que les intelligences de certains chrétiens aient plongé
Nous traiterons plus loin de l'hypothèse du syncrétisme
dans l'amalgame syncrétiste. Mais les inscriptions et les papyri,
oriental, qui sublime aujourd'hui les hypothèses antérieures.
dès qu'ils s'élèvent à un certain niveau littéraire, gardent
les nuances et les précisions. Et les chrétiens qui restent en
IV. Influences de la philosophie.
contact avec les membres dirigeants des grandes communautés
savent à quoi s'en tenir. La doctrine chrétienne et celle de On peut soupçonner sur la théologie de l'Apôtre certaines
saint Paul est essentiellement conditionnée par le monothéisme, influences de la philosophie grecque. Des notions philosophiques
et ceci empêchera toujours les collusions avec le paganisme courantes, devenues bien commun du monde civilisé, se sont
polythéiste. Même s'il ne s'agissait que de la fortune de l'expres- si intimement amalgamées avec la révélation qu'il est désormais
sion, le paganisme aurait pu fournir tout au plus l'occasion impossible de les en dissocier. Elles sont la langue dont Dieu
d'abandonner « Fils de l'homme » et de s'en tenir à « Fils s'est servi pour nous parler.
de Dieu ». Platon distinguait du monde des idées, dans lequel se trouve
On a suggéré une autre hypothèse d'antécédent avec influ- le Dieu suprême et invisible, le monde visible, le monogène,
ence. Bousset et Reitzenstein, suivis par Wetter, ont attiré dieu a sensible », image du Dieu intelligible. Ce deuxième
l'attention sur un texte de Celse. Celui-ci aurait rencontré dieu deviendra l'Aine du monde et le Logos. Les juifs alexan-
en Syrie et en Palestine des magiciens-prophètes dont le drins appliqueront des thèmes analogues à la sagesse 2 et le
discours de propagande commençait par les formules : ëyi) o rabbinisme à la Loi 3 . L'analogie de la révélation avec ce lieu
Aso; elutt 7, 8eoû 7rai, i, 7cveûua Ae7.ov 3. D'abord, que 7sa7ts AEOÛ commun philosophique amènera des contacts et ceux-ci
soit synonyme de « Fils de Dieu », ce n'est pas si clair, car ces remontent peut-être jusqu'à saint Paul. On pressent l'influence
prophètes pourraient être des serviteurs des divinités orientales d'un thème stoïcien du logos sur l'idée paulinienne de la
et se vanter de leur consécration à leur culte. Mais admettons cohésion des choses dans le Christ ; de même, la distribution .
la synonymie. De fait, comme Origène le remarque, on retrouve des prépositions entre le Père et le Fils prête à certains rappro-
dans les cercles gnostiques des affirmations de ce genre et chements avec le Portique 4 .
la tradition nous en a conservé des exemples.
Mais est-on sûr que le christianisme ne soit pour rien dans la
vogue de ces formules ? La situation est celle-ci : avec ces r. Il ne faut cependant pas que la vogue des études psychologiques ou existen-
prophètes divins, nous sommes dans la légende et les nuages tialistes, qui expliquent aujourd'hui le phénomène de la gnose par son intuition
fondamentale, fassent oublier la nécessité de la critique historique des sources.
d'une tradition sans consistance ; le christianisme, au contraire, Les expressions contrôlables de cette soi-disant intuition fondamentale sont
nous a conservé les souvenirs très précis d'une condition reli- livrées au flot mouvant et de l'histoire et de la documentation.
2. Prov., via, 22 sqq., etc.
3. STRecic-BILL., iii, p. 626 ; u, p. 353 sqq.
4. Cf. p. 234 ; et d'une manière générale, J. DUPONT, Gnosis, p. 329-335
r. Op. cit., p. 19.
2. Ibid., p. 4. 419- 493•
CHAPITRE V

LE SEIGNEUR

r. - La théorie de Bousset. - Les réponses. - Kyrios dans le chris-


tianisme primitif. - Liaison du titre avec la dignité royale de jésus. -
Réaction sur les souvenirs évangéliques.
2. - Legs de la communauté primitive à saint Paul. Acclamation et
confession de foi. Le titre et la Parousie. - Le titre et la vie mortelle
du Christ.
3. - Application au Christ du « Kyrios » de la Bible. - « Dieu, mon
Père et le Seigneur Jésus-Christ ». - 6sGç et K ,~ o-.oç. Le Nom au-dessus
de tout nom.

Le titre Christos ou bien fait fonction de nom propre, ou


bien, s'il conserve quelque chose de sa valeur d'appellatif,
embrasse tout ce que nous pouvons penser de jésus, ou peut-
être mieux désigne sa personnalité telle qu'elle se révèle aux
chrétiens. Saint Paul parle en effet pour des Grecs, et ceux-ci
ne pouvaient attacher au terme Christos la signification
concrète correspondante au mot hébreu ou araméen qui
désigne le roi messianique, l'oint de Dieu. Au contraire, dans
la langue paulinienne, Kyrios restera toujours un appellatif
ou, même si l'on en fait une sorte de nom propre et le nom même
de Dieu, ne cessera de marquer la nuance avec laquelle il
s'applique au Christ 1 .

r. Nous avons écrit sur le dème Kyrios, soit dans l'Ancien, soit dans le Nou-
veau Testament, une série d'études dont on trouvera la synthèse à l'article
Kyrios du Dictionnaire de la Bible, Supplément, v, col. 200-228.
346 LE MYSTÈRE DU CHRIST LE SEIGNEUR 347
une action de grâces eucharistique née peut-être déjà à Jérusa-
§ I - AVANT SAINT PAUL
lem et décrivant l'élévation du Fils de l'homme après l'humi-
I. La théorie de Bousset. liation de la croix. Sur ce terrain apocalyptique, « Kyrios »
désignerait le Fils de l'homme dans sa fonction de domination
I. On a beaucoup écrit sur l'appellation « Seigneur» depuis
universelle, cosmique et divine. Le Fils de l'homme, explique
le livre de Bousset Kvrios Christos 1 .
La thèse était très radicale. Le titre religieux Kyrios, d'origine Lohmeyer, est une conception vieille de plusieurs siècles dans
le judaisme, transposition du mythe oriental de l'Anthropos.
orientale, aurait servi à désigner très spécialement les divinités
Le serviteur de Dieu d'Isaïe, aussi bien que la figure messia-
placées au centre du culte de cercles « mystiques 2 ». Les petites
nique du Livre de Daniel, la matérialiseraient. Le titre Kyrios
communautés chrétiennes hellénistiques, antérieurement à
saint Paul, se seraient mises à traiter jésus comme un de ces serait donc d'origine juive mais avec des racines dans le syncré-
dieux du paganisme. Saint Paul aurait reçu d'elles à Antioche, tisme oriental. Ce n'est qu'en apparence le contre-pied de la
thèse de Bousset : d'un côté comme de l'autre on applique au
ou à Tarse ou à Damas, avec le vocable Kyrios, ses idées
Christ un thème religieux venu du dehors et le titre a valeur de
mystiques et le fondement de toute sa théologie.
titre divin dès le début.
E. Lohmeyer a repris et corsé cette thèse. Ce serait bien à
Antioche qu'il faudrait chercher l'origine du culte du Seigneur 2. A ces théories fort aventureuses on oppose souvent une
jésus ; c'est là, en terre hellénistique, que la bonne nouvelle réponse simpliste. Ce titre Kyrios donné à jésus serait le nom
juive, la foi messianique de la communauté primitive s'est propre que Dieu portait dans l'Ancien Testament : dire que
transformée pour devenir l'évangile du « Seigneur » Jésus- jésus est Kyrios, c'est affirmer sa divinité puisqu'il reçoit
Christ, Fils de Dieu. Cette formule, la bonne nouvelle de l'appa- le nom propre que Dieu s'était réservé, Kyrios-Adonaï-Jahvé 1.
rition d'un homme qui est Seigneur et Fils de Dieu, n'était On doit pourtant se demander si l'usage du titre Kyrios ne
alors, nous dit-on, qu'un thème passe-partout exprimant le révélerait pas quelques complications dignes de nous arrêter.
besoin religieux de l'humanité. On voulait posséder sur terre Ces complications mêmes permettent peut-être d'opposer aux
un représentant concret de Dieu ; le thème s'appliquait tantôt théories de Bousset et de Lohmeyer une construction solide et
aux sauveurs célestes, tantôt aux sauveurs terrestres, les raisonnée. Ainsi, suivant W. Foerster 2 , les racines du titre
souverains. C'est ainsi que jésus reçut chez les chrétiens le Kyrios se trouveraient dans l'usage, qu'on avoue être assez
titre de « Seigneur » et de « Fils de Dieu » quelques dizaines restreint, de l'appellation Mari (employé en même temps que
d'années après qu'on les eût attribués à César Auguste en annon- Rabbi) à l'adresse de Notre-Seigneur durant sa vie de prédica-
çant la bonne nouvelle impériale. On ne prétend pas d'ailleurs teur itinérant. Décisive aurait été la résurrection du Christ.
que le christianisme aurait emprunté directement au culte des A partir de ce moment jésus est devenu le Seigneur pour ses
souverains, mais le culte de jésus serait le pendant exact du disciples, leurs rapports personnels avec le Maître en ont été
culte des empereurs et des rois orientaux. La symétrie devien- ravivés et scellés, et devinrent désormais purement religieux,
dra antagonisme, les persécutions sommeront les chrétiens le Christ étant élevé à la droite de Dieu. Grande aussi aurait été
de choisir entre le Kyrios Christos et le Kyrios Caesar '- l'influence du Ps. ex. Nous avions proposé une théorie qui
Revenant sur ses pas et cherchant à déterminer le centre insiste sur la
signification de dignité royale contenue dans le
littéraire primitif où le titre de Kyrios se serait attaché à jésus, titre Kyrios et fait partir l'usage chrétien technique du titre
E. Lohmeyer croit le découvrir dans l'hymne christologique proclamé à l'adresse du Christ ressuscités.
des Philippiens 4. Saint Paul aurait conservé dans l'épître aux
Philippiens cet hymne qui détonne dans son style et qui serait
x. K. Pizuamm, Herrscherkult and N. T., dans Bibliea, ix, 9 (x928), p. 3-25;
129-142 ; 289-301.
1. W. BousszT, Kyrios Christos, Gcettingue, 1913; 2e édition, 1921. 2. Herr ist Jesus, Gutersloh, 1924 ; art. Kdptoç dans Tkeolog. Warterb., n1,
2. Op. cit., 2e édition, p. 98. p. 1038 - 10,56; ro8x-ro98.
3. E. LoHMEYER, Christuskult and Kaiserkult, Tubingue, 1919. 3. Le titre e Kyrios . et la dignitd royale de Jesus (I) dans Revue des Sciences
4. Kyrios Jesus. Cf. Galilaea nd Jerusalem, Gattingue, x936, p. for. pkilos. Ci thdolog., XI (1922), P. 40-71 ; (II) ibid., x11 (1923), P. 125-153.
348 LE MYSTÈRE DU CHRIST LE SEIGNEUR 349

II. Kyrios dans le christianisme ¢rimiti/. rellement cette dignité dont le Christ est désormais revêtu
« Dieu a fait Seigneur et Christ ce Jésus que vous avez crucifi(• »
i. On s'accorde maintenant à reconnaître que le titre Kyrios
(Act., 11, 36). On s'accorde assez généralement à reconnaître
est fourni à saint Paul par le christianisme auquel il vient
s'agréger et plus précisément par le christianisme palestinien. à ce texte des Actes une saveur archaïque.
Nous avons conservé dans nos souvenirs chrétiens l'acclama-
Si l'on écarte l'hypothèse de Lohmeyer, on ajoutera que notre
tion cultuelle araméenne mara-nall:a (I Cor., XVI, 22 ; Didachè,
titre représente une doctrine intrinsèque au christianisme,
io, 6 ; cf. I Cor., XI, 26 ; Apoc., xx11, 2o) qui sans aucun doute
voire son intuition fondamentale'. Nous avons insisté plus
fait allusion à la parousie. Dans la vision de saint Étienne,
que - ne le font Cullmann, Feerster, K. Pruemm, etc. sur la colo- le Christ apparaît dans l'attitude de sa venue finale ; la prière
ration royale de cette souveraineté, l'expression araméenne
du martyr, x~otE ' lfisoû (Act., VII, 59), donne à jésus le titre
Marana qui correspond à Kyrios possédant une signification solennel qui convient à la circonstance. On fera le rapproche-
technique dans le protocole royal, et jésus intronisé par sa
ment avec l'invocation ou l'acclamation qui doit assurer le
résurrection étant vraiment roi 2.
salut lors de la venue du Christ (Mt., VII, 22, cf. Act., 11, 20-21).
Les écrits du Nouveau Testament conservent le souvenir de
Les paraboles eschatologiques de saint Matthieu, dans lesquelles
cette liaison primitive entre le titre et la dignité royale de jésus.
la parousie est toujours à l'horizon, emploient volontiers le
Saint Marc, qui est si réservé dans l'usage de Kyrios, même
comme simple formule de politesse, place sur les lèvres de terme Kyrios (voir spécialement Mt., XXIV, 42-50).
jésus, lors de l'entrée à Jérusalem (qui est une joyeuse entrée 2. Par un phénomène compréhensible, l'usage du titre a
royale ou messianique), un Kyrios solennel, lorsque jésus réagi sur les souvenirs évangéliques, et on en vint à parler du
précisément réclame la monture dont le prophète Zacharie a « Seigneur jésus » en songeant à sa manifestation temporelle.
parlé pour l'entrée du roi dans sa ville ( Mc., XI, 3). Tel est l'usage de l'évangile de Luc et de celui de jean. Le titre
Le titre est normalement en rapport avec la résurrection et n'a plus valeur bien déterminée d'épithète ; il désigne jésus
la parousie. La résurrection intronise le Messie dans sa fonction dans la représentation concrète que les chrétiens se font de leur
de Christ ou de roi messianique ; le Christ exalté, placé à la Sauveur. Dans le monde araméen cependant, à cause des
droite de Dieu, est le souverain dont nous attendons la venue, attaches avec Marana, on constate encore que le titre connote
la joyeuse entrée solennelle. L'épithète Kyrios marque natu- la royauté du Messie (cf. Lc., I1, ri ; 1, 43) ; peut-être l'expres-
sion « le frère » ou « les frères du Seigneur » doit-elle à ces idées
une part du prestige qui a fait son succès'.
1. Cf. O. CULLMANN, Les premières confessions, p. 46- 51-
2. On se reportera aux articles cités p. 347. Nous concluions notre enquête par Une autre réflexion va d'ailleurs modifier le sens du titre.
ces mots : . L'habitude d'appeler le Souverain a Seigneur », Kyrios, est un trait Le Christ est le Seigneur en tant que lieutenant de Dieu,
de moeurs orientales, qui a passé dans la langue grecque à l'époque de l'hellé- exerçant la souveraineté qui appartient à Dieu ; le terme
nisme, sous_ l'influence des idées orientales. Nous retrouvons partout en Orient le Kyrios, qui était le nom propre de Dieu dans l'Ancien Testa-
titre a Seigneur a presque toujours sous la forme a notre Seigneur A, donné aux
rois. Chez les Araméens en particulier, marana, maran est essentiellement un ment, évoquera naturellement le caractère divin du Sauveur.
titre royal, désignant exclusivement le roi régnant, jamais un dieu ou un roi Les synoptiques ont conservé une controverse de jésus avec
admis à l'apothéose. II y a opposition entre maran et élaha. On a conscience, les docteurs de la Loi roulant sur ce thème (Mc., XII, 35-37
clans le monde gréco-romain, - disons à Alexandrie, pour éviter de trop généra- et passages parallèles). Mais il était donné à saint Paul d'in-
liser, - de la valeur du terme syrien maran ( Philon d'Alexandrie). Le titre Kyrios,
employé par les Gréco-Romains, en Orient, à l'adresse des rois, n'a par lu i-même sister dans sa théologie sur cette promotion du titre.
aucune relation avec le culte. Il reste un titre appartenant à tous les souverains. Nous retrouvons, dans l'usage paulinien du titre Kyrios, des
Attaché à la personne des empereurs, il a pris un sens encore plus spécial, dans souvenirs des diverses étapes par lesquelles il a passé : preuve
la langue du peuple, signifiant concrètement • l'empereur s. Encore ici, il est
resté souvent un simple titre d'honneur, ou plutôt de fonction, appartenant péremptoire que Paul dépend des communautés primitives
au souverain par le seul fait de la dignité impériale, sans qu'on puisse voir de lien et même du christianisme de Jérusalem.
nécessaire et essentiel entre l'appellation Kyrios et le culte impérial. Il y a,
chez les Grecs, la même distinction entre Kyrios et Theos qu'entre maran et élaha
des Araméens a. x. Le titra Kyrios, 11, p.` 140-143.
350 LE MYSTÈRE DU CHRIST LE SEIGNEUR 351
§ II - LE LEGS DE LA COMMUNAUTÉ PRIMITIVE A SAINT PAUL dans toute sa gloire. Dans les passages de ces épîtres qui traitent
de la parousie, le terme x~ptoç-revient si régulièrement que l'on
I. Kyrios Jesus. perçoit un appel entre les deux expressions « parousie n et « Sei-
La foi de la communauté primitive s'exprime dans la formule gneur n. Ainsi dans la première épître il est question de « l'es-
Jésus est Seigneur. Telle est la force de la résurrection et sa pérance du Seigneur b I, 3 ; Cf. II, ig ; de la « parousie du Sei-
signification: Dieu a fait Seigneur celui que les juifs avaient gneur», III, 13 ; IV, 15 ; V, 23 et cf. II, Ig ; II Thess., I, 7 ; II, I ;
rejeté. Il est la Pierre de la construction nouvelle, il est le de « la rencontre (icaiwmet., terme technique pour la parousie)
Seigneur du Royaume de Dieu. du Seigneur A, IV, 17. De même, la formule « le jour du Seigneur »
Les lettres pauliniennes font écho à la foi commune. La est stéréotypée, V, 2 ; cf. II Thess., II, 2 ; I Cor., I, 8 ; v, 5 ;
confession de foi est exprimée parla formule xUpto5 'Irleoûs 1 II Cor., I, 14 1.
Nous avons d'ailleurs montré plus haut que le scénario de
dans Rom., x, g et I Cor., XII, 3 2. Dans Phil., il, 11, nous enten- la parousie dépendait en partie de la description hellénistique
dons une acclamation plutôt qu'une confession de foi, mais la des joyeuses entrées, et dans celles-ci le titre Kyrios joue son
formule est identique. Dans d'autres textes, la liaison que la
foi primitive a établie entre la résurrection et le titre Kyrios rôle 2.
est encore perceptible (Rom., IV, 24; I Cor., lx, I ; II Cor-, IV , 14)- III. Le titre « Kyrios u et jésus dans sa vie mortelle.
Il faudrait aussi tenir compte de l'importance que Paul attribue
au nom du Seigneur Jésus, I Cor., v, 4- Saint Paul ne désigne pas uniquement par le titre « Kyrios
C'est encore à la communauté primitive que saint Paul doit le Messie céleste et transcendant ou le Fils de Dieu. Nous
la titulature complète du Christ, Notre-Seigneur Jésus-Christ. entendons souvent résonner une autre note : le Seigneur, c'est
Il est vraisemblable que « Notre Seigneur » y conserve son allu- jésus dans sa vie mortelle, le maître de doctrine ou celui qui
sion archaique à la souveraineté du Christ. Le parallèle avec la a donné sa vie pour les siens. Parfois même le terme suggère
titulature araméenne de Petra est assez significatif. 3 comme une intimité avec le Christ telle que l'ont vécue les
premiers disciples (cf. I Thess., il, 15). Rappelons surtout
II. Le titre « Kyrios » et la parousie. les passages où saint Paul parle de l'imitation du Seigneur
(I Thess., I, 6 ; cf. Iv, 2) et ceux où il s'appuie sur ses enseigne-
Les épîtres aux Thessaloniciens donnent l'impression que ments (I Cor., vil, 10, 15 ; Ix, I ; XI, 23). Les formules « les
le titre « Kyrios n y est en rapport étroit avec l'idée de parousie. frères du Seigneur n ou « le frère du Seigneur n, Gal., i, Ig, sont
« Le Seigneur en personne (aûtiôe ô xiiptos), au signal, à la voix empruntées à la communauté apostolique et font penser au
de l'archange, à la sonnerie de la trompette de Dieu n, descendra Christ dans son existence terrestre.
du ciel (I Thess., Iv, 16). Comprenons : le Seigneur en personne,
le Seigneur dans l'exercice de la charge qui est la sienne. Il est
en effet le juge des vivants et des morts, le roi qui se manifestera § III - LE NOM DIVIN

On a beaucoup spéculé sur les noms divins dans le judaisme3.


:. - Cette formule n'est pas Kyyrios Chrisios, parce que Chrisios ne devint nom Le christianisme hérite de cette tendance. Bâti sur les données
propre que dans le christianisme postérieur. L'antithèse de Lohmeyer entre pauliniennes, le début de l'épître aux Hébreux, pour prouver
Kyrios Christos et Kyrios Caesar n'explique pas la genèse du titre. O. CULLNANN,
Les premières confessions, insiste aussi sur la relation de la formule Kyrios la supériorité du Christ sur les anges, lui attribue, d'après
Christos avec les persécutions : « Il est possible que la formule Kyrios Christos
n'ait été forgée que dans la persécution pour être opposée au Kyrios Kaisars(p. 21).
Sur l'usage et le sens de Kyrios dans la communauté primitive cf. Le titre Kyrios, 1. Nous rencontrons dans les seules épîtres de la captivité l'expression ` le

n, P. 128-143; W. G. KÛEXMEL, Kirchenbegrijj and Geschichtsbemussisain, p. jour du Christ ».


x3-16. 2. E. PETERsoN, Die Einholung des Kyrios, passim.
2. O. CULLUANN rapporte encore ce passage aux persécutions, malgré le 3. Les spéculations de Philon sur Theos et Kyrios ont leurs parallèles dans le
contexte où il s'agit de l'usage des charismes (ibid., p. 22). judaisme palestinien. Elles s'appuient en partie sur la liturgie juive. Dans les
3. Voir Le Ntrs • Kyrios 4 1, p. 52-56. sphères magiques, on sait le rôle joué par les noms.
352 LE MYSTÈRE DU CHRIST LE SEIGNEUR 353
l'Écriture, trois noms incommunicables : Fils de Dieu, Dieu, modifient l'exégèse : il estime que, dans ces cas déterminés,
Seigneur 1 . pour des raisons très précises et qui viennent de l'économie
Est-ce saint Paul qui a pris l'initiative de rapprocher le chrétienne, le Christ a pris la place du « Seigneur » de l'Ancien
xùptos chrétien du Nom que la Bible grecque réservait à Dieu ? Testament 1.
L'affirmation serait audacieuse, tant le christianisme, dès sa A cette catégorie de textes appartiennent en premier lieu
naissance, était persuadé du caractère divin du Christ et par là ceux qui se rapportent à la parousie. Paul n'innove pas. Les
inclinait à comprendre son titre royal comme affirmant une apocalypses chrétiennes s'inspiraient déjà des théophanies de
souveraineté absolue et divine. Le Messie n'est pas un roi l'Ancien Testament. En outre, le texte de Joël, III, 5 et celui
quelconque, mais le substitut de Dieu, exerçant la fonction d'Isaïe, xxvIII, 16, qui établissent le salut sur la foi et sur
divine essentielle, le gouvernement du monde (« monde » au l'invocation du « Seigneur », avaient déjà été appliqués au
sens de l'otxou~iév-rl et aussi au sens de Cosmos) et par là parti- Christ par la communauté primitive. On se souviendra toujours
cipant aux privilèges de Dieu, dont le privilège du Nom. La que le titre divin Kyrios a été transféré au Christ, dès le début,
controverse au sujet du Ps. c x (le Seigneur a dit à mon Seigneur) sur le terrain de la parousie, manifestation de la gloire et de la
indique que ces spéculations s'appuyent sur l'enseignement souveraineté du « Seigneur ». Dieu a remis aux mains du Christ
du Maître. On tiendra compte aussi de l'usage du texte de Joël, le jugement, la puissance, son Nom devant qui tout fléchit le
III, 5, dans Act., II, 21 (cf. I Cor., I, 2). Quoiqu'il en soit, si genou, que toute langue confesse et en qui seul on obtiendra le
Paul n'a pas eu l'initiative de ce rapprochement, il en a fait salut.
le thème de développements systématiques. En conduisant son peuple et en constituant sa communauté
autour de Moïse, Dieu préparait déjà l'Église ; il songeait à
I. Application au Christ des textes de l'Ancien Testament. elle et les événements de l'Ancien Testament, surtout ceux du
Il ne faudrait pas parler d'une règle constante suivie par saint désert, esquissaient l'histoire future. Le Christ était donc
Paul, suivant laquelle il aurait régulièrement substitué à présent dans ces figures et l'attitude du peuple vis-à-vis du
l' Adonaï de la Bible le Seigneur des chrétiens 2 . Saint Paul se « Seigneur » était déjà, figurativement, attitude vis-à-vis du
soumet plus que cela à la lettre de l'Ancien Testament. Dès Christ. C'est donc à juste titre qu'on pouvait transférer les
qu'il cite explicitement ou virtuellement et surtout quand il textes sur le Seigneur Christ. Saint Paul d'ailleurs est très
précise et aligne ses références avec exactitude, comme dans modéré dans.l'application de cette exégèse.
l'épître aux Romains, là où il veut prouver sa thèse par l'Écri- Enfin, le Christ a été porteur de la gloire et de la sagesse de
ture, il conserve à « Seigneur» sa valeur de nom propre désignant Dieu. Puisque la sagesse de Dieu lui est incorporée, on peut
Dieu (le Père). Il n'y â que peu d'exceptions à cette règle 3 . sans aucun doute songer à lui quand la Bible parle de la pensée
Ce n'est que lorsqu'il n'argumente plus sur le texte, mais le du Seigneur ou de la gloire que les vrais sages mettent dans le
cite par réminiscence, qu'il applique au Christ les expressions Seigneur.
de l'Ancien Testament. Nous rangeons dans cette catégorie Dieu restera « le Seigneur » suprême. C'est lui qui parle
« la table du Seigneur », « la crainte du Seigneur », « la parole dans les Écritures et Paul (Rom., xli, iq, etc.) insiste même sur
du Seigneur», « la gloire, la face, le jour du Seigneur 4 ». ce thème en introduisant à plusieurs reprises, dans ses textes,
Il y a des contextes où saint Paul introduit consciemment, un ÀiyFt xUpto; solennel 2. De même, ce qui regarde l'initiative
dans la lettre de l'Ancien Testament, une lecture chrétienne. de la création, de la justification ou du salut est le privilège
Il le fait à bon escient, pour des raisons « théologiques » qui inaliénable de Dieu : Paul ne songera pas à abandonner, pour
les textes qui affirment ce privilège, le sens primitif de l'Ancien
1. O. MiesEL, Der Brief an die Hebraeer, Geettingue, 1949, P. 54-56. Testament. Dieu est l'origine, comme il est la fin suprême
2. J. BoxsiRvax, Exégèse rabbinique et exégèse paulinienne, Paris. 1939, P. 377- (I Cor., viii, 6). Mais puisque le Christ est celui « par qui c
3. Nous avons fourni la preuve de cette assertion: « Kyrios » dans les citations
Pauliniennes de l'Ancien Testament, dans Ephem. theol. lovanienses, xx (1943).
P. 5-17• x. Ibid., p. 9-i5.
4. Ibid., p. z5 sq. 2. Cf. ibid., P. 7 Sq.
Théologie de saint Paul. 23.
354 LE MYSTÈRE DU CHRIST LE SEIGNEUR 355
les choses ont été créées et « par qui » nous recevons le salut Christ » ; 111, 13 « en présence de Dieu notre Père, lors de la
(ibid.), les chrétiens ont le droit de lui transférer certains parousie de notre Seigneur jésus » ; II Thess., il, 16 ; I Cor.,
textes de l'Ancien Testament qui ont parlé du « Seigneur » viii, 6, etc.
prophétiquement, de telle manière que c'était le Christ qu'ils Paul aime dire : « Dieu, le Père de notre Seigneur jésus-
désignaient en fait. E. Percy a noté, pour les épîtres de la capti- Christ » ; cela se vérifie spécialement dans les formules de
vité, une tendance généralé à transposer sur le Christ des bénédiction : II Cor., 1, 3 (« Béni soit Dieu, le Père de notre
privilèges divins 1. Seigneur Jésus-Christ, le Père dé miséricorde et de toute conso-
lation ») ; Eph., 1, 3 ; Rom., xv, 6 (« glorifiez Dieu, le Père de
II. Dieu notre Père, et le Seigneur Jésus-Christ. notre Seigneur Jésus-Christ »).1
La constance avec laquelle saint Paul emploie dans toutes D'autres formules encore juxtaposent « Dieu » et « Père »
ses épîtres et dès les lettres aux Thessaloniciens, l'antithèse en entendant cette dernière expression de la relation avec
Dieu (le Père, ou notre Père, ou le Père de Notre-Seigneur) Notre-Seigneur : I Cor., xv, 24 « il remettra le royaume à Dieu,
et le Seigneur Jésus-Christ, aussi bien dans les adresses des son Père (JEgi xc't ara-,P:) ; II Cor., XI, 31 « Dieu, le Père
lettres que dans les actions de grâces, suffirait a montrer comme du Seigneur Jésus » ; Gal., i, i « par Jésus-Christ et Dieu son
il a perçu le christianisme lors de sa conversion : une religion Père qui l'a ressuscité des morts », cf. Rom., VI, 4. On remar-
fondée sur le monothéisme juif mais qui désormais appellera quera la relation avec la résurrection, Gal., i, i ; Rom., VI, 4
Dieu « Notre Père », sous l'influence de la révélation du Christ, (cf. I Thess., 1, io).
et qui ajoutera à la foi monothéiste la foi au Christ, « le Seigneur » Une telle relation n'est possible que si Dieu, le Père, et le
Jésus-Christ. Seigneur se situent au même niveau de pensée, appartiennent
Les adresses des épîtres, avec exception pour I Thess., à la sphère divine et possèdent l'un et l'autre les attributs de la
renferment la phrase stéréotypée : « que la grâce et la paix divinité. Dieu n'agit plus, et nous n'avons plus accès à Dieu
vous soient accordées de la part de Dieu, notre Père, et du que par l'intermédiaire du Seigneur. Des formules vont d'ail-
Seigneur jésus-Christ 2 ». Mais cette même épître aux Thessa- leurs préciser.
loniciens offre une compensation en écrivant « à l'église des
Thessaloniciens en Dieu le Père et le Seigneur Jésus-Christ » III. nsôs et KÙPtos.
(formule reprise dans la IIe épître). La domination du Messie est une domination divine. Dans le
L'antithèse reparaît régulièrement dans les actions de grâces, christianisme, le Messie n'est pas un roi ordinaire, le Messie
tantôt sous une forme, tantôt sous une autre : foi... charité... national que beaucoup de juifs attendaient ; c'est le Messie
« espérance de notre Seigneur Jésus-Christ à la face de notre céleste de l'apocalypse, le Fils de l'homme de Daniel, un être
Dieu et Père » (I Thess., 1, 3) ; « selon la grâce de notre Dieu surnaturel qui joue ici-bas, sous sa forme humaine, un rôle
et du Seigneur Jésus-Christ » (II Thess., 1, 12) ; « je rends grâce divin. C'est bien ainsi que jésus lui-même avait conçu sa mission
à mon Dieu par Jésus-Christ » ( Rom., 1, 8, cf. I Cor., 1, 4, 9 ; et que les premiers chrétiens l'ont comprise. L'apparition sur
II Cor., 1, 3). Elle réapparaît encore dans le corps des épîtres le chemin de Damas est celle du Fils de Dieu, de cet être céleste
I Thess., iii, ii : « Dieu, notre Père 3 et notre Seigneur Jésus- dont on attend la révélation.

r. Die Probleme, P.-315-


Seigneur Jésus-Christ, et Dieu, notre Père (ô OEÙq & aar~p r,ilwv) qui nous aime et
2. Nous lisons fort régulièrement âaô Osoû aarpôç r,ir.wv rai xupioo 'lrj aou'
nous a donné, par sa grâce, consolation et bonne espérance..- » ; cf. I Cor., vin, 6.
Xptaroû (II Thess., 1, 2 ; Rom., 1, q ; 1 Cor., r, 3 ; II Cor., 1, 2 ; ÉPh., 1, 2 ;
r. Le P. Lagrange traduit: u le Dieu et Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ»
Phil., 1, 2 ; Col., 1, 2, contre Nestle). Pour Gal., 1, 3, il vaut mieux lire avec
et note: » on a essayé de détacher OE6ç : c Dieu, qui est le Père du Seigneur », mais
P16 t. r. D G aao Oeou atarpoç xas xuptou A&.wv Iylaou Xpcarou. le sens naturel est u le Dieu et Père du Seigneur (cf. ÉPI:., 1, Iq - ô OEÔÇ roü
3. aûrôç,eà ô 0EÔç xai aa:i'lp r, wv. Le P. Lemonnyer traduit « notre Dieu et
ru~ioü r,Ftïuv'I. X.: Dieu du Christ, comme ayant créé son humanité; Père,
Père ». Frame de même. Mais aûroç,emphatique, s'explique peut-être mieux en
parce que le Père a engendré le Fils » (p, 345). Les commentateurs sont partagés
laissant Dieu comme nom propre absolu ; il ne .reste dès lors qu'à prendre xai
(cf. Sanday-Ileadlam, p. 396 sq.) Le texte de ÉPh., 1, Iq est isolé ; d'une façon
comme explicatif. Notre lecture est approuvée par II Thess., ri, x6: . que notre
régulière, ~ OEriç est absolu.
35 6 LE MYSTÈRE DU CHRIST LE SEIGNEUR 357
Par le fait même, la souveraineté rneiquée par le titre monde. Theos est la source première de toutes choses et le
« Seigneur » n'est pas une souveraineté politique ordinaire. Le terme final de l'humanité sauvée ; le' Christ manifeste qu'il
Christ règne à la place de Dieu, son règne met en eeuvre le règne est KGptoç et acquiert la kyriotès sur le monde en partici-
de Dieu. pant à l'acte créateur ; le terme, notre salut en Dieu, s'obtient
Partant de ce point, on fera assez naturellement une démarche en lui, le Seigneur.
ultérieure. Étant donné l'importance du nom et que le nom Dans I Cor., xii, 4.-6, trois appellations : Esprit, Seigneur
correspond non seulement à la fonction d'un être mais aussi et Dieu se comparent entre elles. A ces trois noms correspondent
à sa nature, ne faudra-t-il pas dire que ce nom de Kyrios que trois principes qui régissent divinement, de manière différente,
porte maintenant le Christ lui a été cédé par Dieu et que par les charismes chrétiens. Ceux-ci même peuvent s'appeler de
conséquent ce nom possède, au sens fort, valeur divine, façon différente, suivant leur relation avec les trois principes,
marquant la fonction et même la nature du Christ ? En d'autres charismes comme manifestations de l'Esprit, services comme
termes, le nom de Kyrios sera celui que Dieu portait dans inspirés par le Seigneur, opérations si l'on songe que c'est
l'Ancien Testament. Dieu qui agit dans ces dons, mais tout est charisme et tout est
Le nom Kyrios qui distingue le Christ du Père, celui-ci étant don de l'Esprit et de Dieu par le Seigneur (cf. II Cor., XIII,13 ;
lieds, ne le distingue pas du Père comme un être qui ne serait pas Éph,, Iv, 5).
Dieu. Il y a deux noms divins, 9edç et xupLoç. L'apôtre pense
là-dessus comme toute la théologie juive ; il connaît les spécu- IV. Le Nom au-dessus de tout nom.
lations sur les noms divins. Philon par exemple enseigne La spéculation paulinienne fait encore un pas en avant dans
que les appellations Theos et Kyrios désignent des puissances l'épître aux Philippiens, II, 9-11. On affirme maintenant très
divines distinctes de Dieu et cependant identifiées à la divinité. explicitement que le nom attribué au Christ est le nom ineffable
Pour lui, Kyrios représente la puissance royale et Theos la qui appartenait à Dieu dans l'Ancien Testament et qui mani-
puissance bienfaisante. Les Rabbins spéculaient d'une manière festait sa puissance. « C'est pourquoi Dieu l'exalta et lui donna
analogue sur les noms Iahvé (Adonaï) et Elohim, y retrou- le Nom au-dessus de tout nom, pour qu'au nom de Jésus tout
vant des hypostases de la miséricorde et de la justice divines 1. genou fléchisse parmi les êtres célestes, terrestres et infernaux
Saint Paul connaît le parallélisme des deux noms divins, et que toute langue confesse, à la gloire de Dieu le Père, que
car il écrit en I Cor., viii, 5 sq. : « Il y a au ciel et sur la terre des Jésus-Christ est Seigneur » (Phil., 111, 9-11). Deux points nous
soi-disant dieux. De fait, les dieux et les seigneurs foisonnent. paraissent hors de doute
Mais pour nous il n'existe qu'un Dieu, le Père, de qui viennent i. Le nom est comme une personnification ; il atteint le
toutes choses et vers qui nous allons et un Seigneur jésus- fond d'un être, marquant sa puissance, son rôle, sa nature.
Christ de qui sont toutes choses et par qui nous allons ». Comme
2. Le nom par excellence, ro ovo~La tiô û7cèp 7râv ôvokta, dé-
la période grecque est construite, les soi-disant dieux se décom-
signe le nom mystérieux qui est le fond dernier de l'être divin.
posent en des theoi et des Kyrioi. Kyrios est donc épithète
divine (quelle que soit l'application exacte du terme dans le Ce nom au-dessus de tout nom est-ce vraiment ou est-ce tout à
paganisme ; que saint Paul ait pensé aux héros ou à des dieux fait Kyrios ? On peut au moins en douter.
d'association ou à des divinités orientales ou à des souverains Au Livre des Actes où agit dans l'Église, par les miracles, le
apothéosés). Paul place dans la même sphère divine le Dieu nom qui appartient au Christ, celui-ci apparaît beaucoup
unique et le Seigneur qui est le Christ et il partage entre le plus comme une chose mystérieuse que comme un nom déter-
Theos et le Kyrios les « Noms » de la divinité, et ainsi la notion miné. Saint Pierre fait ses miracles « au nom de Jésus-Christ s,
de la divinité que nous exprimons par ses rapports avec le ce qui signifie à peu près « par la ai force présente » de Jésus-
Christ a (Act., III, 6-16). On demande en effet aux apôtres
1. A. MARMORSTEIN. Philo and the Nama of God damjeurimQuarlerly Revi",
ax (11931 /1932), p. 296-806; W. FOIRSTER, art. x;')pcoç, dans Theolog. WarUrb.,
Irr. P. r083. 11. Voir W. BOUSSET, Die Religion des JxdmWsna, P. 309.
35 8 LE MYSTÈRE DU CHRIST LE SEIGNEUR .i59
en quelle paissance ou en quel nota avez-vous fait ces miracles i ndicible'. On pourra dire que le terme Kyrios, si on fait de
(IV, 7) ? La question suppose l'équivalence entre la puissance celui-ci un nom propre, lui correspond, en ce sens qu'il marque
et le nom, et saint Pierre explique : il n'y a pas d'autre nom précisément la domination et que la soumission totale est notre
donné sous le ciel aux hommes, qui doive procurer le salut manière de nous comporter en face du nom divin. Ou
(Cf. Iv, 12). Il est toujours question dans le Livre des Actes du bien encore, et peut-être plus exactement, que le terme Y~p~o;
nom de jésus ou de Jésus-Christ et dans aucun cas rien ne fait est à la fois exotérique et ésotérique. Exotérique pour sa
penser au nom Kyrios. Ceci a son importance. Saint Luc ne signification de souveraineté divine ; ésotérique, parce qu'il
connaitraît-il donc rien de la théologie paulinienne ? correspond traditionnellement au tétragramme et qu'ainsi
De même , dans l'épître aux Hébreux, le nom «hérité »par le s'attache à un nom humain le caractère de mystère lié au
Fils pourrait au concret être celui de « Fils de Dieu », et peut- tétragramme, et même le thème du nom ineffable.
être est-il préférable de ne point préciser. Le nom est la dignité
du Christ, supérieure à celle des anges et de toutes les créatures.
La valeur du nom, dans l'antiquité, dépasse de beaucoup i. Le thème de l'impossibilité de nommer Dieu et du Mystère du Nom n'est
ce qu'il représente pour nous aujourd'hui. Il suffit de songer pas inconnu du judaïsme hellénistique. Nous le retrouvons chez les Pères apolo-
gistes ( H. B1ETENHARD, art. cité, P. 249). Serait-il impossible qu'il ait touché
à son rôle dans la magie : le nom est une véritable hypos-
saint Paul ?
tase de « puissance ». Il représente et extériorise un être, exprime
et réalise son activité'. Un texte comme celui de Philon,
De confusione linguarum, § 145 nous transporte dans un monde
d'idées bien différent du nôtre. Le logos premier-né, l'aîné
des anges, l'archange, porte des noms nombreux
Il s'appelle en effet : commencement, nom de Dieu, Logos,
l'homme à l'image de Dieu, le voyant, Israël. «Le nom de Dieu »
constitue donc une chose en soi, au-delà de l'expression que lui
donnerait un mot humain qui le désigne.
Parce que le Christ jésus a reçu le Nom au-dessus de tout
nom, « au nom de jésus tout genou fléchit et toute langue
confesse que jésus est Seigneur » ( Phil., II, 9). Dans la phrase ôtil.
xûpto; 'l-11aoû; Xpretio; on s'accorde à faire jouer au mot xûpto;
le rôle d'attribut. Nous sommes en face d'une acclamation :
xvpto; est le mot principal, la dignité spécialement affirmée.
Mais xupeo; coincide-t-il avec le Nom au-dessus de tout nom ?
La construction même de la phrase est opposée à cette
hypothèse. Pour que l'acclamation finale ne soit pas une pure
tautologie, il faut que le nom de jésus exprime une dignité
qui sera source de l'adoration et de la confession de sa souve-
raineté. Le nom au-dessus de tout nom est la racine de la souve-
raineté ; il ne peut être rv pto.-, qui exprime précisément cette
souveraineté ; on cherchera plutôt, bien au-delà du titre
Kyrios, une réalité plus profonde, un « Nom » inaccessible,

z. H. BIETENHARD, art. tivo ~ta, dans Theolog. Wcerlerb., V, p. 250 sq.


CHAPITRE VI

NOMS ET TITULATURE DU CHRIST

i. - « Christ » n'est pas un simple nom propre. La théorie de J. Weiss.


Nécessité de la nuancer. - « Christ » et l'idée messianique ; la perspec-
tive du Livre des Actes. - Lisage de Ckristos dans les épîtres suivant
les différents contextes. 'Message et apostolat; foi, justification, vie ;
Christos et l'Ancien Testament.
2. - L'emploi du nom « Jésus ». « Le Seigneur jésus » et « Notre Seigneur
jésus » dans des contextes et des formules archaïques.
3. - Le Christ Jésus, Jésus-Christ dans les différentes épîtres. Stabi-
lité de la formule « dans le Christ jésus». Les termes moins figés et déco-
lorés que dans notre vocabulaire d'aujourd'hui.
4. - « Le Seigneur Jésus-Christ » et « Notre Seigneur Jésus-Christ n.
- La formule longue est primitive ; la formule brève au service de l'anti-
thèse Theos-liyrios. - Apparition de la formule liturgique : Jésus-
Christ Notre Seigneur.
Conclusion.

La christologie de saint Paul, avec ses phases diverses, se


reflète dans la manière dont s'emploient les noms propres
oui désignent le Christ et la titulature qui accompagne ces noms.
Nous nous justifions ainsi de placer ce chapitre en finale.

§ I - CHRIST

« Christ n est le mot vedette des épîtres. Il est répété plus de


400 fois,
. tandis que « Jésus », est employé moins de 200 fois.
Même si « Christ u n'était qu'un simple nom propre, comme on
le dit couramment, il vaudrait la peine de préciser sous quel
angle il désigne jésus. Est-ce un homme, jésus de Nazareth,
qui l'a reçu pour faire son entrée dans le monde paien, un peu
comme Saul porte le nom de Paul, en tant que citoyen romain ?
Ne désignerait-il pas plutôt un être céleste qui, appelé « Christ s
362 LE MYST~RE DU CHRIST NOMS ET TITULATURE DU CHRIST 363
dans sa préexistence, fut nommé jésus clans sa vie terrestre en l'appellatif et le nom propre. « Christ » est. appellatif non seule-
attendant de porter le notn-titre Kyrios? Mais le terme «Christ», ment dans la Lxx, Ps. II, 2, dans Ps. Sal., 17, 36 ; 18, 6, 8 et
qui a été un appellatif, ne conserverait-il pas souvent, sous la dans divers passages des évangiles, Actes et Apoc., mais encore
plume de saint Paul, une saveur d'appellatif ? Ne faudrait-il dans les formules hri aoû; ô XPtte'r6;, Act., v, 42 (texte reçu) ; Ix, 34
pas expliquer par là qu'il soit lié à certaines formules (t. r.) ; I Cor., iii, ii (t. r.) ; I Jo., v, 6 (t. r.) et ô XP~atôs'Ir~aoû;
déterminées ? Act., V, 42 ; XIX, 4 (t. r.). Bauer est d'avis que certains textes
forment transition entre cette première spécification de sens
I - « Christ » nom propre. et la seconde où « Christ » est nom propre : tout en conservant
I. Il y a une théorie classique: « Christ » serait devenu dans sa signification de « Messie », d XPtatiô; s'y applique déjà à jésus
le christianisme d'expression grecque un simple nom propre, d'une façon toute particulière, désignant nommément « le Messie
qui n'éveillerait donc plus aucune idée déterminée. Jésus », Cf. Mt., XI, 2 ; Act., VIII, 5 ; IX, 2o (t. r.) ; Rom., IX, 3,
Voici comment s'en expliquait J. Weiss 1 . C'est à Antioche 5 ; I Cor., I, 6, 13, 17 ; Ix, 12 ; x, 4, 16; II Cor., il, 12; IV, 4 ;
que la religion du Christ reçut sa pleine signification en tant Gal., I, 7 ; VI, 2 ; Eph., II, 5 ; III, 17 ; V, 14 ; Phil., I, 15 ; Col., I,
que religion du « Seigneur » céleste (cf. Act., xi, 2o). La commu- 7 ; II, 17 ; II Thess., III, 5 ; I Tim., v, II, etc. Cette liste contient
nauté qui s'y fonda n'avait pas connu jésus dans sa vie terrestre. de fait, pour nos épîtres, tous les passages où Paul emploie
Ce fut donc une toute nouvelle étape dans la voie suivie par le le simple XPta rO; avec l'article. Par contre, lorsque dans la for-
christianisme ; on oubliait peu à peu l'aspect messianique mule simple XPtatiô; ou les formules composées 'IAeoûs XPee,d;
eschatologique ; corrélativement, le mot « Christ » perdait sa etXPLe-rô; ' 4aoû;,l'article estabandonné, onconsidérera XPtteroç
valeur de titre, ne marquant plus la dignité de Jésus, et devenait comme nom propre. La règle est évidemment trop rigide,
purement et simplement nom propre. C'est ainsi que, suivant étant donné l'usage tout facultatif de l'article dans la langue
Act, XI, 26, les fidèles d'Antioche reçurent, de leurs compa- grecque hellénistique.
triotes, le surnom de « chrétiens » : on les considérait comme une Les excursus sur Rom., I, I de Lietzmann et de Sanday-
secte, une faction attachée à un personnage du nom de Christ. Headlam, sont également nuancés. Pour Lietzmann, la for-
On dira plus tard, de la même façon, d'après le nom des fauteurs mule « Jésus-Christ » est la transposition de la confession de foi
d'hérésie, les Basilidiens, les Valentiniens, les Ariens. Il est de la communauté primitive, « Jésus est le Messie », « Messie »
même fort probable qu'on prononçait « Chrestianoi » plutôt ayant bientôt perdu sa valeur d'appellatif. La formule, inver-
que « Christianoi » 2. « Christ » était inoui comme nom propre, sée XPia,ô; 'Irlcoû; qui se rencontre au génitif et en composition
alors que « Chrestos » (utile) était bien connu. Les chrétiens avec la préposition Év (l'inversion aurait une raison gramma-
d'ailleurs avaient pris l'initiative de se désigner eux-mêmes ticale : les cas obliques du nom 'Iryaoû; n'ayant que l'unique
par leurs relations avec le « Christ », dans une confession forme'Inaoû, on préfère commencer par le terme XPratiô; qui
solennelle de leur foi : nous, les « chrétiens », nous sommes du distingue génitif et datif) n'est possible que parce que « Christ »
Christ (1 Cor., III, 23 ; Rom., viii, 9) ou les serviteurs du Christ a d'abord été appellatif avec signification de « Messie ».
(I Cor., VII, 22). L'excursus de Sanday-Headlam explique l'inversion XPttarô;
2. Que « Christ » ne soit plus qu'un simple nom propre, et 'Irlaoû; d'une tout autre manière. Dans les en-tête des pre-
qu'on n'entende plus d'écho de sa valeur appellative dans nos mières épîtres (1 Thess., I, i ; Gal., i, i), Paul écrit « Jésus-
épîtres, c'est sflrement exagéré. Beaucoup d'exégètes apportent Christ » ; dans les épîtres de la captivité et les pastorales au
des correctifs à la théorie. contraire « Christ jésus ». Il y a hésitation dans la tradition pour
Le lexique de Bauer distingue deux spécifications de sens I et II Cor., et Rom. On interpréterait les faits comme suit : à la
période où il écrivit les lettres aux Corinthiens et aux Romains,
l'apôtre changea son habitude et préféra le « Christ jésus » ;
z. Développement à lire dans Das Urchristentum, Geettingtie, 1917, p. 127 sq. dans cette dernière formule, « Christ » ést plus nettement nom
2. On trouverait une indication en ce sens dans Suétone, Vita Claudii, 2,5 propre que dans la première, jésus Christ, où « Christ » conserve
(impulsore Chresto). encore quelque chose de sa valeur appellative.
364 LE MYSTÛRE DU CHRIST NOMS ET TITULATURE DU CHRIST 365
3. Paul n'est évidemment pas sans savoir que la Bible comme Philon, une soumission de la pensée au service de Dieu,
grecque (surtout le Ps. Ii, si familier au christianisme primitif), il ne minimise pas comme lui les espérances de l'avenir 1 . Il a
les psaumes de Salomon et les chrétiens ont traduit par Xp.QTÛg dû attendre avec plus d'enthousiasme que l'Alexandrin le
le nom appellatif hébreu ou araméen que nous transcrivons Messie, mais sans doute un Messie essentiellement religieux,
grossièrement par notre mot français « Messie ». Est-il vrai- qui viendrait « sauver n 2. Philon n'attendait qu'un prophète
semblable que le terme qu'il emploie régulièrement pour dési- et était-il très convaincu ?
gner le Messie jésus (le Christ Jésus, comme nous disons encore), Nous ne serons pas loin de compte en disant que Paul espérait
soit devenu sous sa plume un simple nom propre, rien de plus ? en un Messie qui viendrait réaliser les promesses de l'Ancien
II distingue évidemment Christ et jésus et il n'emploie pas les Testament et étendrait aux nations la foi monothéiste 3 . Il
termes l'un pour l'autre. Il dit « Jésus a où il faut. Quand il espérait peut-être, dès avant sa conversion, dans un jugement
écrit Xp.ctôs Irleoûs ou 'Ir~aoû; Xpvmoô-, ou bien ô xup.oz r' uc-i eschatologique assez prochain dont le Messie serait l'instrument
'IAo oû5 Xp.ero;, n'y aurait-il pas des nuances ? Si Xp.cTo; était et il n'ignorait pas le mouvement des apocalypses. Il espérait
un simple nom propre, pourquoi ne dit-il jamais ô xuc.o.- Xp.7TÔ; sûrement la résurrection des morts pour ce moment
en face de ô xûp.os i ? eschatologique.
2. Nous ne sommes sûrs de ses doctrines messianiques
II - L'idée messianique et Xp.gTÔ;. qu'au moment où il s'est rallié à la foi chrétienne et aux idées de
i. Quelle idée Paul se faisait-il du Messie de l'Ancien Tes- la communauté primitive. Celles-ci peuvent avoir été, dans une
tament et du judaïsme, et du Messie qui est devenu l'objet de la certaine mesure, en antithèse avec ses idées antérieures ; elles
foi chrétienne ? peuvent, sur certains points, les avoir confirmées.
Il feint d'ignorer le messianisme national. Il est le féal sujet En tout cas, avec son entrée dans le christianisme coïncide
de Rome. Il sait les dangers auxquels l'exposerait une propa- sa foi à la résurrection de ce jésus que les chrétiens proclament
gande simplement imprudente 2. C'est peut-être en partie à le Christ à cause même de la résurrection. Le Christ est donc
la situation délicate de la propagande « messianique n chrétienne pour lui aussi Celui que Dieu a ressuscité des morts, pour en
en terre romaine, en ce temps où couve la guerre juive et où faire le coryphée de la résurrection finale et le juge de la
la révolte battait pavillon messianique, qu'il faut attribuer la parousie. Celui que Dieu a ressuscité était son Fils, envoyé
réserve avec laquelle il parle du Royaume de Dieu, ou du pour mourir dans une mission de salut. Toutes ces idées ont dû
royaume du Christ. Et cependant, il rappelle que le Messie est catalyser instantanément sous le coup de la vision de Damas.
de race royale, d'après les prophéties de l'Ancien Testament s. Il Paul a reçu en même temps la lumière pour lire en chrétien
connaît donc les perspectives à la Mis religieuses et nationales l'Ancien Testament. Le Christ qui lui apparaissait « lui a ouvert
que les Prophètes laissent entrevoir. l'intelligence pour comprendre les Écritures a et il a su qu'il
A-t-il jamais partagé en fait les espérances nationales de était écrit que le Christ devait souffrir et ressusciter des morts
l'auteur des Psaumes de Salomon, pharisien comme lui ? Ce le troisième jour, et qu'on prêcherait en son nom la pénitence
n'est guère vraisemblable. Pharisien de la dispersion, Paul pour la rémission des péchés à toutes les nations«. Nous pouvons
doit être plus proche, en un sens, de Philon d'Alexandrie ; il concrétiser davantage et songer que le texte fondamental
spiritualise le culte et toutes les espérances de l'Ancien Testa- où il faut lire la mort et la résurrection du Christ et même
ment d'une manière plus radicale que les Psaumes de Salomon. la prédication aux nations, est Isaie Lili (passage principal
Mais d'autre part, il ne voit pas avant tout dans le judaïsme,
z. F. GRÉGOIRE, Le Messie chez Philon d'Alexandrie, dans Ephem. theol.
lovanienses, XII (1935), p- 28 - 50.
x. Exception apparente, Rom., xvi, z8 : -rïp rupitp i,~t!v Xptarj~. Le sens 2. Cf. Act., XIII, 23, 26.
appellatif de x,ioto; est très appuyé; il faut traduire: c ils ne serrent pas notre 3. Ad., xIII, 23-24, 26, 46-47-
souverain, le Christ, mais leur ventre ».
4- Cf. Le., XXIV, 45-47. Lue, le disciple de Paul, est seul des évangélistes 3
2. Cf. Ad., xvil, 7. nous représenter de cette manière l'illumination des Apôtres lors des apparition
3. Rom., I, 3. Cf. Act., xtll, 23. du Christ ressuseité.
366 LE MYSTÈRE DU CHRIST NOMS ET TITULATURE DU CHRIST 367
du « Serviteur » de Dieu). Ce passage n'aurait-il pas été un trait latif, indique toujours concrètement la personne du Christ.
de lumière lors de sa conversion et n'est-ce pas là que Paul aurait Mais on ne peut accepter sans nuances une telle proposition.
lu son appel d'Apôtre des nations ? La conversion de l'eunuque « Jésus » est aussi un nom propre ; on perçoit immédiatement
de la Candace d'Ethiopie roule sur l'interprétation de la même que son usage limite la pensée tout autrement que XpteTÔq.
prophétie 1 . Quand on dit jésus, on songe au Christ dans sa vie mortelle.
Luc nous décrit dans le Livre des Actes la première activité Quand on dit « le Seigneur », on songe à sa vie de ressuscité et
évangélique de Paul, quand il entreprenait de convertir ceux à sa présence dans la communauté. Pour indiquer la personne
de sa race ; tout son effort se portait à leur démontrer, par les qui commence sa carrière dans l'éternité et la continué dans sa
Écritures, que jésus était le Christ, c'est-à-dire précisément présence parmi nous, on dira le Christ.
celui que les Écritures annonçaient, dont particulièrement Il est donc légitime de conclure que le mot « Christ » s'impose
elles avaient prophétisé la mort et la résurrection. en certains contextes, non seulement parce qu'il est l'unique
A Damas, « il prêchait jésus dans les synagogues, que terme assez général pour être un passe-partout, mais parce
celui-ci est Fils de Dieu... affirmant qu'il est le Christ » (Act., que sa signification fondamentale s'y harmonise.
ix, 2o-22). A Antioche de Pisidie il explique : « de la race de Nous envisagerons donc certains contextes où l'emploi du
David, selon la promesse, Dieu a envoyé à Israël comme Sauveur terme XptTrog conserve un rapport vraisemblable avec le sens
Jésus » (XIII, 23) ; sa mort, sa résurrection, la prédication aux appellatif du terme.
Gentils se sont passées selon les Écritures (XIII, 29-47). A la
synagogue de Thessalonique, pendant trois sabbats consécutifs, io Le message et l'apostolat.
« il explique les Écritures, révélant que le Christ doit souffrir
Paul rappelle aux Corinthiens quel fut son message quand
et ressusciter des morts et que (ce Christ qui doit souffrir et
il arriva chez eux.
ressusciter) c'est le Christ $ Jésus que j e vous annonce» (xviI, 2-3).
A Corinthe, « il affirme que jésus est le Christ » (XVIII, 5), il le Les juifs demandent des miracles
et les Grecs cherchent la sagesse ;
démontre par les Écritures (XVIII, 28). Dans son discours au
mais nous, nous annonçons un Christ crucifié,
roi Agrippa, à Césarée, il résume son enseignement, conforme
scandale pour les juifs,
à ce que les prophètes et Moise ont annoncé: que le Christ devait folie pour les Gentils,
souffrir et que, le premier de la résurrection des morts, il devait mais pour les appelés, juifs ou Grecs
annoncer la lumière au peuple (juif) et aux Gentils (XXVI, 22-23). Christ force de Dieu et sagesse de Dieu (I Cor., 1, 22-24)-
Il serait difficile de récuser le témoignage si vraisemblable
On ne traduit pas vraiment pareil morceau oratoire. Nous
et si constant de saint Luc. Le message dut s'adapter au monde
païen. Mais est-il possible que Paul, en parlant du « Christ », avons rencontré le P. Allo en écrivant d'abord : « un Christ
crucifié ». C'est forcer la note, car nous faisons ainsi passer
ait fait abstraction totale de la signification que ce terme
à l'avant-plan le sens formel du terme, qui nous paraît rester
possédait pour un juif ?
plutôt encore à l'arrière-plan, bien qu'étant plus souligné
III. L'usage de Xp.aTÔg dans les épîtres. que d'habitude. A l'avant-plan, « Christ » est plutôt toujours,
La ?ensée pourrait se présenter à l'esprit que Paul emploie concrètement, le Christ jésus.
Xp.eToç là où il n'a aucune raison d'employer « Fils de Dieu »
ou « Seigneur ». Il y a une part de vérité dans cette manière
t. « On discute, écrit J. Weiss, s'il faut traduire « un Alessie crucifié e ( Luther
de voir, puisque Xp.TTôç, s'avoisinant au sens d'un nom propre, le Christ crucifié, den gexreuzigten Christ) ou « le Christ en tant que crucifié n.
ou bien ne gardant qu'une réminiscence d'un sens appel- L'omission de l'article devant Xptatdv ne peut pas être invoquée comme preuve
de la première hypothèse (cf. v. 17) ; tout au plus s'appuierait-on sur ce qui suit
immédiatement: 'Iouôa(ot; ~r~v vrlv8aXov. Pour les juifs, en fait, un Messie
r. Aet.,v1tt,30-35. . crucifié était une contradiction (Lightfoot). Mais il n'est pas encore dit pour cela
2. Texte de B. Nous saisissons sur le vif le passage de la première spécification que Paul lui-même aperçu ici X?tardç comme nonseit appellativum plutôt que
à la deuxième (nom propre). comme itnmen proprium ; et s'attendait-il à ce que ses lecteurs comprennent le
368 LE MYSTÈRE DU CHRIST NOMS ET TITULATURE DU CHRIST 369
L'omission de l'article est générale dans toute cette belle x'P'JYuaL 'l. X. (Rom., XVI, 25) ; tiô ~ur'Paov -V05 XPacsoü
période oratoire, sauf pour .o:; x~,rzo ; où l'article a toute sa (Eph., III, 4 ; Col., Iv, 3).
valeur et doit être souligné (les élus, le groupe déterminé Les verbes correspondants, indiquant que Paul songe
choisi parmi les Hellènes et les juifs). Elle est suggestive et l'objet du message évangélique, nous ramèneront encore à
nous révèle que tous les substantifs doivent être entendus sans l'expression « Christ » : évangéliser là où le Christ n'a pas été
aucune détermination qui écarte l'attention du sens formel nommé (Rom., xv, 20) ; évangéliser l'incompréhensible richesse
miracle, philosophie, scandale, folie, force, sagesse se posent du Christ (Éph., 111, 8) ; annoncer (xnpueeertv) le Christ : « si
et s'opposent de tout le poids de leur signification formelle. le Christ est annoncé en tant qu'il est ressuscité des morts e
« Christ » est entraîné dans ce mouvement d'antithèses et s'y (I Cor., xv, 12) ; « nous ne nous annonçons pas, mais (le)
insère aussi avec sa signification formelle. Pour s'en rendre Christ jésus, le Seigneur' ; quant à nous, nous nous présentons
compte, il suffit de lire la période soit en ajoutant l'article comme vos serviteurs en considération de jésus » (II Cor.,
avant Xp., soit en remplaçant Xp. par Immédiatement Iv, 5) ; « ils annoncent (xa~aYY~~~ouaw) le Christ » (Phil., 1, 15,
le ton déclamatoire baisse, les contrastes sont moins nets. 1 7) ; (le) Christ est annoncé (Phil.,1,18). Tout ceci justifie l'affir-
Quand le mot « Christ » est répété à la fin de la période (« Christ mation d'une règle assez constante : l'objet du message, c'est
force de Dieu »), on sent qu'il désigne plus personnellement le « le Christ ».
Christ jésus en qui la puissance de Dieu et sa sagesse sont Il est fort vraisemblable que, dans tous ces cas, il y ait encore
manifestées. chez saint Paul la perception plus ou moins vague de ce que fut
D'autres formules sous-entendent le message aux Gentils. le message évangélique dans le monde juif ; on annonçait dans
Paul écrit régulièrement EUa"~ -~ ~.:~Y TGj XP;7zoû (I Thess.,111, 2 ; les synagogues que le Messie était venu en jésus, le Christ
Rom., xv, 19 ; I Cor., 1x, 12 ; II Cor., 11, 1;2 ; lx, 1 3; 14, x, Jésus ; c'était « annoncer le Christ ».
Cf. Iv, 4 ; Gal., 1, 7 ; Phil., 1, 27). On notera la constance avec Au message est liée la proposition de la mort et de la résurrec-
laquelle est employé « Christos » (non « Seigneur » ni « Jésus y) 1 tion du Christ. Dans ce cas cependant, on entendra générale-
et l'usage aussi constant de l'article 2. On rapprochera de cette ment « Christ » comme nom propre. (Le) Christ est mort (omis-
première formule -ô uxP::iPwv -.o" (I Cor., 1, 6) ; -ro' sion de l'article) (I Cor., VIII, il: ; xv, 3 ; Gal., 11, 21 ; Rom.,
v, 6,8 ; xiv, 9, 15 ; cf. I Cor., v, 7 ; Gal., ni, 13). On parlera
des souffrances du Christ (avec l'article) (II Cor., 1, 5). Même
usage à propos de la`résurrection (I Cor., xv, z2-23). Dans ce
terme autrement qu'au v. 17 ? En outre, le contenu du message doit être cho- dernier passage, « Christ » est employé 7 fois à propos de la
quant (bien que d'une autre manière) pour les païens eux-mêmes ; et ils n'ont
aucun intérêt à la conception du Messie à (p. 32). Nous ne prétendons pas que Xo.
résurrection, 6 fois comme sujet (sans l'article) une fois à
soit ici nomes appellativum pur et simple. La langue de Paul est assez riche et l'accusatif (Dieu a ressuscité le Christ) avec l'article et 3 fois
souple pour que, dans un même mot, au moment où il le prononce, passent plu- dans l'expression « dans le Christ ». Et c'est le seul nom propre
sieurs courants de pensée superposés. Le P. Allo commente sa traduction employé. « Christ » comme sujet (résurrection) revient encore
• Un Christ crucifié, l'alliance de ces deux mots paraît en tout temps et en tous
pays un contraste et une absurdité intolérables, soit aux « Juifs » grossiers qui y
Rom., VI, 4, 9 et comme accusatif Rom., viii, il: (avec article) ;
voient la condamnation de leurs espoirs charnels de bien-être et de domination cf. au même verset : « Celui qui a ressuscité des morts le Christ
réalisés dans leur Messie, soit aux raisonnables c Hellènes s qui se disent que se jésus ».
faire prendre et exécuter comme un vulgaire brigand n'est vraiment pas le Quand il s'agit de recevoir de Jésus-Christ la mission,
moyen de fonder une philosophie ou un système religieux à l'usage des gens sensés
et comme il faut » (Première épître aux Corinthiens, p. 18).
r. L'exception de II Thess.,1, 8 (l'évangile de Notre Seigneur jésus) s'explique
à cause du contexte apocalyptique, ci. v. 7:1 la révéiatio:i du Seigneur jésus . ;
v. r2 c le nom de :Votre Seigneur jésus a. Il y a aussi la règle que Paul insiste r. Xp tasôv lri ooûv xûp aov. La formule inversée Jésus-Christ est très fortement
attestée (P " SACD, versions latines). Remarquons en passant que si, dans une
volontiers sur une même expression dans un contexte déterminé.
formule semblable, x6p coç peut voir son sens appellatif souligné (l'antithèse avec
2. L'usage de l'article pourrait provenir, en partie, du génitif, mais sa rdgula- serviteur), il pourrait bien se faire que Xptosdç, dans le composé Jésus-Christ,
rité est remarquable. conservât quelque résonance de sa signification d'appellatif.

Théologie de saint Paul. 24.


370 LE MYST~RE DU CHRIST NOMS ET TITULATURE DU CHRIST 371
l'apostolat, Paul emploiera encore régulièrement le terme
oeuvres de la Loi, car, par les ceuvres de la Loi, aucune chair ne
« Christ ». Le lien avec l'objet du message n'est à peu près pas sera justifiée. Que si, alors que nous cherchons à être justifiés
perçu, « le Christ » est la personne qui porte ce titre ou ce nom. dans (le) Christ, nous sommes nous aussi, rangés parmi les
L'article tombe régulièrement. « Christ » ne m'a pas envoyé
pécheurs, est-ce donc que (le) Christ, serait ministre de péché ? »
pour baptiser mais pour évangéliser (1 Cor., 1, 17) ; apôtre (s) de
( Gal., 11, 1 5 -17)-
« Christ » 1 : serviteurs de «Christ » (1 Cor., iv, 1) 2 . On ne peut pas
Si nous avions été en ce moment des auditeurs de Paul,
ne pas remarquer la constance de deux formules (où Xp.est de part nous n'aurions pas entendu prononcer le mot « Christ a sans
et d'autre au génitif) : eûayy9~LoY tioù Xptortioû et Xpt(Tioû en percevoir le sens formel'. « Christ » conserve une nuance
D'un côté c'est le génitif objet et de l'autre, le d'appellatif. Nous paraphraserions comme suit : sachant
génitif sujet; mais cela seul légitimerait-il l'usage ou l'omission que personne n'est justifié par la Loi, mais au contraire par la
de l'article ? Ne serait-ce pas que lorsque Christ est objet du foi de jésus, en qui on reconnaît le Christ, nous aussi, nous
message, il est encore plus ou moins perçu comme appellatif, avons cru au Christ jésus (à la réalisation des promesses,
tandis que celui qui envoie l'apôtre est le Christ personne ? symbolisées par le mot « Christ »), en Jésuu2 .
Nous retrouvons le même contexte, évoluant autour du
20 Foi, justification, vie 3 .
mot Christ, dans Gal., v, 2-6: « Si vous acceptez la circoncision
A cause de la liaison interne de la foi avec le message et sa (le) Christ ne vous sera d'aucune utilité. Et j'atteste une fois
proposition, - le terme « Christos » désignera également l'objet de de plus, à quiconque se fait circoncire, qu'il est tenu d'observer
la foi et son principe. L'apôtre propose son message : « Jésus toute la Loi. Vous vous êtes séparés du Christ, vous tous qui
est le Christ » et le fidèle répond par « la foi au Christ jésus ». cherchez votre justice dans la Loi, vous êtes déchus de la grâce...
Cette dernière formule ne suppose-t-elle pas, et donc, jusqu'à Car dans le Christ jésus, ni la circoncision, ni le prépuce n'ont
un certain point, ne marque-t-elle pas encore que c'est en tant de valeur, mais la foi agissant par la charité ». C'est toujours
que Christ que jésus sauve par la foi en lui ? la même opposition entre le Christ et la Loi, le « Christ » est le
La foi au Christ intervient dans les controverses avec les principe de la justice et il l'est pour la place qu'il occupe dans
judéo-chrétiens: aux oeuvres de la Loi s'oppose la foi au Christ. le plan divin, étant venu remplacer la Loi. Autour du terme
Paul esquisse la discussion: « Nous sommes nés juifs, nous autres, joue toute une théologie qui colore le nom propre. D'une
et non point pécheurs d'entre les Gentils. Sachant que l'homme manière générale, le terme « Christ » est lié à la a foi » comme
n'est pas justifié par les oeuvres de la Loi, mais qu'il lui faut il l'était à la présentation du message.
recourir à la foi de Jésus-Christ, nous avons cru aussi au Christ
En Rom., III, 22-26, nous rencontrons successivement
Jésus 4, pour être justifiés par la foi du Christ, et non par les
a foi de Jésus-Christ » (v. 22), «rédemption qui est dans le Christ

r. II Cor., xt, 13; I Thess., il, 7 ; cf. à7coc roXoç XP. 'I., II Cor., I, r ;
Éph., I, r le et 2e. Si on a choisi I,>Iaou XPtarou pour le ro,il faudra donc admettre XPta-
et Col., I, i. Tov I-naouv (représenté d'ailleurs par les témoins qui nous ont fourni la
2. Rom., xv, r6 : ministre du Christ Jésus ; encore première leçon) pour le 2°.
Rom., xv, 17 ; II Cor.,
III, 3 : ÉTrLoToX~ XPtaToû ; II Cor., II, IS :. XPtaToû eûwôiâ.
r. Paul, en écrivant aux Galates, se remet dans la situation d'Antioche.
3. Documentation très abondante dans W. FCERSTER, Herr ist Ce n'est pas l'avis de tous les commentateurs (cf. Lagrange) mais l'hypothèse
fesus.
4. Von Soden, contre Nestle, lit, comme nous l'avons fait, « la foi de jésus- explique bien la véhémence du passage. Saint Paul reproduit, au début de la
Christ au lieu de « la foi du Christ jésus «. On ne peut douter que cette leçon
. tirade, l'apostrophe à Pierre. Il comprend donc ses mots comme les judéo-
doive être préférée quand on considère attentivement la tradition manuscrite' chrétiens les comprendraient, et non en songeant aux Galates ou aux païens en
1° XPtarou ir~aou B A 33 Victorinus. général.
lr~aou XPtaTou P46 S C t. r. D G.
2. Schlier commente : « En s'attaquant à la justice obtenue par l'observance
2" haouv XPtarov P4« B 1133. des préceptes, qu'il déduit au contraire de la foi au Messie-Jésus, il enterre en
XPtarov Iy)aouv A S C t. r. I) C:. même temps la foi juive à la Loi, lie l'attente eschatologique au Messie venu en
Au Io, la leçon XP.1. n'a aucune probabilité, B et S (le Sinaïticus) se neutralisant,
jésus et fait reconnaître le Dieu unique d'Israël comme le Dieu du Messie-
A et 33 n'ayant pas une autorité suffisante devant l'accord de P+" S, t. r., D et
jésus n (Der Brief an dit Galater, p. g7). Il introduit dans le mot Christ la notion
G. On remarquera que, sauf P4«, tous les témoins intervertissent les éléments de messianique.
372 LE MYSTÈRE DU CHRIST NOMS ET TITULATURE DU CHRIST 373
Jésus » (v. 24), a justifiant celui qui est selon la foi de jésus » la Loi, vers lui toute la Loi ancienne tendait, aussi bien par ses
(tiôv ix adQ.swç 'Ireoû) (v. 26). L'exception confirme la règle prophéties que par son économie.
au v. 26, à la fin du développement, saint Paul pose le fait L'impuissance de la justice de la Loi préparait un système
chrétien dans son moment temporel: Ev tiw vûv xa.Ey, ce qui plus efficace et déjà s'ouvrait une espérance vers le Christ
évoque dans sa pensée le nom propre « Jésus ». (Rom., x, 5 -7)-
Nous lisons encore : « la foi de Jésus-Christ » (Gal., III, 22), L'Ancien Testament déborde la Loi. Quand il raconte par
c la foi dans le Christ jésus » ( Gal., 111, 26; Col. ,I, 4 ; Cf. EPII., III, exemple les événements de l'Exode, l'histoire de l'Église du
ii sq.) ; « le Christ habite par la foi dans nos coeurs » (Eph., iii, désert, il a en vue l'événement chrétien, et il le préfigure. Nous
1[7) ; a la justice par la foi au Christ » (Phil., III, g) ; « la foi au rencontrons ainsi le Christ annoncé sous la figure de l'agneau
Christ » (Col., il, 5). Cf. I Tim., III, 13 ; II Tim., I, 13 ; IIl, =5. pascal (I Cor., v, 7). Il y avait une présence mystérieuse du
De la foi et de la justification par la foi, on passe au concept Christ dans la pierre du désert (I Cor., x, 4) 1.
de sanctification et de vie dans le Christ, Cf. I Cor., xv, 22 ; Par delà et au-dessus de la Loi, il y avait le Testament reçu
Rom., VIII, 2 ; I Cor., I, 2 ; II Cor., v, 1 7 (Si quelqu'un est dans par Abraham de la bouche de Dieu. Dieu avait promis au patriar-
le Christ, il est une nouvelle créature). Le Christ vit en nous. che : « toute la terre que tu vois, je te la donnerai, à toi et à ta
Le a Christ » fournit donc maintenant le cadre (principe, ins- descendance, x7.1 -â) erFPUad hou » ( Gen.,XIII,15).
trument, etc.) où se réalise la sanctification et la vie chrétiennes. Paul fait remarquer lesingulier e:.€Pua-n. L'expression désigne
On sait l'usage que saint Paul a fait de la comparaison du «corps » le Christ É~,tv Xpt=de), qui est le véritable sujet de la
quand il envisageait l'unité chrétienne sous l'angle de l'unité promesse d'Abraham (Gal., III, r6). Il l'est à la fois comme
de vie produite dans l'ensemble des chrétiens par l'unique Messie envisagé par l'Ancien Testament (sens appellatif) et
principe de leur sanctification (I Cor., vI, rs ; XII, 27 ; Rom., comme ce Messie que fut le Christ jésus (nom propre).
XII, 5 ; Eph., Iv, 12 , Col., II, =7)- Or il écrit régulièrement En Rom., lx, 4 sq., énumérant les privilèges des juifs, Paul cite
le corps du Christ (le corps dans le Christ, Rom., xii, 5), les pour terminer la promesse du Christ « selon la chair » (É; wv ô
membres du Christ (I Cor., vi, I5). Lorsqu'il n'envisage que XPre-60'; :ô xa:â e~cPxa).L'expression «selon la chair»,sans détri-
l'usage eucharistique, il écrit au contraire : le corps et le sang ment de la signification technique qui l'oppose à xa.à Tcveûua,
du Seigneur, I Cor., xI, 27 1 . indique une relation de consanguinité. Paul vient de parler
immédiatement auparavant de ses compatriotes selon la chair,
3. « XP~e~ô; » et l'Ancien Testament.
les juifs (Rom., Ix, 3 ; cf. XI, 14); ' XPter'; signifie ici le Messie
Dans l'antithèse vôuoç - XotGTGC„ en vertu même de l'anti- national, descendant de leurs rois, promis aux juifs; le terme
thèse, XPtmrôç est mis en rapport avec l'Ancien Testament. n'a guère que sa valeur appellative.
Si le Christ est principe de justice et de salut, en lieu et place
de la Loi ancienne, on peut définir le chrétien comme un homme
40 La préexistence du Christ.
soumis à la « Loi » du Christ (ÉYvoltoy^ Xpurr0, I Cor., Ix, 21)
remplaçant désormais la Loi juive. L'Ancien Testament fournit à saint Paul l'idée de préexis-
Saint Paul a marqué plus explicitement, par quelques tence, en ce sens que le Christ prévu pour Israël a été préparé
principes, les positions réciproques de la Loi et du Christ. de toute éternité et a existé de toute éternité dans les desseins
Avec le Christ, la Loi est consommée: tié~oç de Dieu. Ce personnage qui devait venir accomplir l'oeuvre de
Yàp vouoû XpteTÔç Dieu s'appelait, dans la pensée de Dieu, son Christ. Nous savons
(Rom., x, 4). La Loi avait comme mission de préparer le Christ
elle fut notre pédagogue vers le Christ, Gal., III, 24 sq. C'est comme l'apocalyptique juive a concrétisé cette idée de préexis-
dire que le Christ était en vue quand Dieu établit le système de

r. Le premier de ces textes dit Xo, le second ô Xp. La raison en est assez visible.
r. Le début du passage xi, 23: . Le Seigneur Jésus, la nuit où il fut livré... s Dans le premier cas, l'attention tombe directement sur jésus immolé sur la
donne le ton. Paul n'emploiera dans le passage que le nom Kyrios. Il parlera croix ; dans le second, nous traduirons presque par r le !Messie » ; l'affirmation
du c corps du Seigneur s et de la R mort du Seigneur s (XI, 25 sq.). . est plus théorique.
37 4 LE MYSTÈRE DU CHRIST NOMS ET TITULATURE DU CHRIST 375

tence jusqu'à faire du Christ, devenu le Fils de l'homme de L'Apôtre se réfère alors, implicitement, à la manière de dire
Daniel, un être préexistant. de la communauté de Palestine, de ceux qui ont été les témoins
Ayant renoncé à l'expression Fils de l'homme et puisque de Jésus. C'est ainsi qu'il exprimera sa foi « en jésus mort et
d'autre part Kyrios vise l'exaltation et que « Fils de Dieu » est ressuscité » (I Thess., IV, 14) ; il parlera des «stigmates de Jésus »
épithète et ne joue pas vraiment le rôle d'un 'substantif, il ( Gal., vi, I7); de « la mise à mort (v~xpw6w) de jésus » (II Cor.,
restait à saint Paul de suivre la ligne de l'Ancien Testament Iv, io). Le contexte, où il est question de la mort du Christ et
et des apocalypses et d'appeler ô Xptatiô; le Christ préexistant, de la foi, expliquerait aussi Rom., III, 26 ( ,;ztaTt; 'lr;eoû). Le nom
exerçant son activité salutaire à partir de sa préexistence. Le de jésus est lié à la résurrection, I Thess., i, io (avec la parousie).
Christ sera Celui qui vient accomplir dans le monde l'eeuvre de Le terme se trouve ailleurs en relation avec le message apos-
Dieu. tolique (II Cor., IV, 5 ; XI, 4), avec la foi qui s'appuie sur le
En dehors de l'Épître aux Hébreux (I, 9) qui applique au message (Eph., Iv, 21) ou avec la confession de la foi (I Cor.,
Christ le texte de Ps. XLV, 7, il n'y a qu'un passage dans XII, 3).
nos épîtres où XpttaTÔ; fait penser à une «onction ». C'est en En tout, une dizaine de passages se répartissent dans toutes
II Cor., I, 21 : « celui qui nous affermit avec vous dans le Christ, les épîtres ; on les synthétisera en disant que ces textes nous
et qui nous a oints, c'est Dieu, qui nous a aussi marqués d'un ramènent toujours à des formules primitives : le nom de
sceau et nous a donné, à titre d'arrhes, l'Esprit dans nos ceeurs » « Jésus » représente le fait historique et une réminiscence des
(ô 8è ~s~attôv r,ux;... ei.; Xp~e~ôv xa% yptaa; r;uâ; 9sô;). débuts du mouvement chrétien. On reçoit une impression très
On dirait que cette phrase rapproche intentionnellement directe du sens concret et vivant que conserve ce nom propre
Xpr.S-.d; et ,p. -. Si les chrétiens sont oints de l'Esprit c'est en entendant parler, I Thess., II, 15, des juifs « qui ont ajouté
parce que le Christ l'a été le premier (cf. Hebr., I, 9). L'onction des le meurtre du Seigneur jésus à celui des prophètes». C'est la
chrétiens a lieu au baptême (acppaY~eâp.evo;,x. ,. ~.) 1. L'onction communauté primitive qui exprime directement son ressenti-
du Christ se reportera au moment de sa résurrection ( cf. Rom., ment contre les juifs.
I, 4), lorsqu'il fut sacré « Fils de Dieu en puissance de sancti-
fication ». Cette onction est le principe de l'onction chrétienne.
II. Le Seigneur Jésus ; notre Seigneur jésus.
D'autre part, le sacre du Christ comme Fils de Dieu en puissance
de sanctification suppose une mystérieuse onction d'éternité, La place des mots est régulière dans ces deux formules xupto;
correspondant à la qualité de Fils de Dieu 2. 'Ir~eoû; et 6 xuptto; r, lucôv 'Irleoû;. La première est une accla-
mation qui devient profession de foi', la deuxième est comme
une formule protocolaire familière. Toutes deux nous ramènent
II - JÉSUS ET LE SEIGNEUR JÉSUS
au vocabulaire de la communauté primitive. Elles se rapportent
I. Jésus. presque toujours aux données essentielles de la foi : la parousie,
la mort, la résurrection, l'enseignement de Jésus reçu de la
Il est rare que Paul dise « Jésus » sans plus. Il le fait cepen- tradition apostolique, la puissance du « Nom ».
dant quelquefois, ordinairement dans un contexte qui rappelle La Parousie : I Thess., ii, i9 ; III, 13 ; II Thess., I, 7 et 8 ;
la foi primitive, soit la parousie, soit la mort et la résurrection. II Cor., I, 14.
La résurrection : I Cor., ix, i (la vision de saint Paul qui fut
r. L'exégèse ne remarque ordinairement que cette liaison et essaie d'expliquer
celle de jésus ressuscité et élevé dans la gloire: 'I-~eoûv tiôv
par le rite du baptême l'emploi du verbe ypiw (cf. E.-B. ALLO, ad loc.). Mais xuptov r,uiilv zopaxa) ; II Cor., IV, 1 4 ; Rom., Iv, 24.
pourquoi l'emploi de deux verbes synonymes yp'Qaç, v~paYtax~.EVOç ? La mort : I Thess., II, 15 (considérée essentiellement comme
2. Nous appuierions cette exégèse sur le développement de la christologie
le fait).
chez les Pères Apostoliques. Le Christ, chez Justin, est roi et grand prêtre
(Dial., 34, 2), considéré comme tel. Le nom même Xptvrdçpossèdeune significa-
tion mystérieuse, à l'égal du nom 6eôç et désigne d'un mot humain qui n'est pas
un vrai nom une réalité inexprimable (II APol., 6, 2). 1. 1 Cor., XII, 3 ; Rom., x, 9 ;_cf. Phil., u, 9.
376 LE MiiSTÈRE DU CHRIST NOMS ET TITULATURE DU CHRIST 377
L'enseignement de jésus, connu par la tradition apostolique la sphère de la foi ou de la vie chrétienne profonde (1, 2 ; 1, 30 *-
I Thess., Iv, I et 2 (« nous vous exhortons dans le Seigneur
IV, 15 ; Iv, 17 (suivant P°e, S, C, 33) ; xv1, 24). L'expression
jésus », c'est-à-dire suivant sa doctrine ; « les préceptes que jésus Christ se présente I Cor., il, 2 (connaître jésus Christ, qui
nous vous avons donnés par le Seigneur jésus », en vous confor- est l'objet du message : Jésus est le Christ) ; III, ix : le fondement
mant à son enseignement) ; cf. I Cor., XI, 23 (« j'ai reçu par de la communauté est jésus Christ , II Cor., i, ig (allusion au
tradition du Seigneur » à propos de l'institution de la Cène). message) ; xui, 5 (même allusion).
Nous ramènerons à ces cas Rom., xiv, 14 : « Je sais, et je suis
sûr dans le Seigneur jésus que rien n'est impur par soi-même », L'épître aux Galates est riche en exemples et instructive.
en se référant à l'enseignement de l'évangile, Mc., vu, 14-23 ; Le titre x+o5 y est très rare (2 fois seul; 3 fois en composition
Mt., xv, 10-20. avec jésus Christ). En revanche, Christos (seul) plus de 2o fois ;
Le nom : II Thess., 1, 12 ; I Cor., v, 4 « au nom du Seigneur et une douzaine de fois en composition avec jésus. La. situation
jésus Christ, nous étant réunis, vous et mon esprit, avec la puis- commande d'ailleurs l'usage des noms; nous sommes en pleine
sance du Seigneur jésus ». La puissance du Seigneur jésus est lutte contre les judaisants, et l'antithèse Loi-Christ (justice
présente dans l'assemblée délibérante ; elle est concrétisée dans par les oeuvres de la Loi, ou par la foi du Christ) domine la pensée
« le nom » que l'on invoque. de Paul.
D'autres formules sont également archaiques, soit que La distinction entre jésus Christ et Christ jésus reste fuyante,
Paul reprodiüse une expression du christianisme primitif, sauf que Paul est fidèle à la formule « dans le Christ jésus ».
soit qu'il parle du Seigneur jésus à la manière chrétienne Pour dire la foi chrétienne, il écrit: la foi du Christ jésus (11,16)
ordinaire. Ainsi : la grâce du Seigneur jésus soit avec vous, ou en Christ jésus (v, 6) et la foi de jésus Christ (11,16 ; III, 22) ;
I Cor., XVI, 23 ; Rom., XVI, 2o, et pour le second cas, I Thess., il dit: croire au Christ jésus (et, Xp. 'l., il, 16).
III, II et Phil., II, Ig i. Paul pense concrètement à jésus (le Christ manifesté en
jésus) quand il dit iv, 14 « vous m'avez reçu comme un
ange de Dieu, comme le Christ jésus » ; et de même quand il
§ III - (LE) CHRIST JÉSUS; JÉSUS CHRIST
rappelle sa prédication : « devant vos yeux a été affiché jésus
Notre formule n'apparaît que deux fois dans la Première (le) Christ crucifié », et encore en faisant allusion à une révéla-
aux Thessaloniciens sous la forme « dans le Christ Jésus ». tion reçue « de jésus (le) Christ » (1, 12). En parlant de son
Elle s'applique « aux églises de Dieu qui sont en Judée dans le apostolat, dans l'adresse, il écrit, non plus comme aux Corin-
Christ jésus » (II, 14) ou bien à « la volonté de Dieu sur nous thiens, « apôtre du Christ jésus », mais « Paul, apôtre non pas
dans le Christ jésus » (v, 18). Elle définit la sphère de la religion des hommes ni par l'intermédiaire des hommes, mais par
prêchée par saint Paul, la religion « chrétienne ». Les Églises jésus (le) Christ et Dieu le Père qui l'a ressuscité des morts »I.
de Judée, par leur foi au Christ jésus, sont séparées du judaïsme. L'expression « dans le Christ jésus » s'applique directement
La volonté de Dieu fait adhérer les Thessaloniciens à la foi du à la foi (III, 26) ou à la justification (par la foi) : 111, 14 2 ; v, 6.
Christ jésus qui s'exprime par la prière et la joie continues. Le sens s'approfondit en III, 28 ; « il n'y a plus ni juif ni Grec,
« Christ jésus » se rencontre dans l'adresse de I et II Cor : s car vous tous vous êtes un (la créature nouvelle unique, parce
« Apôtre du Christ jésus ». L'objet du message apostolique qu'identifiée à l'un qui est le Christ) dans le Christ jésus 8 ».
est le Christ qui s'est manifesté en jésus. La formule iv Xpto-cw
'I4laoü revient cinq fois dans la Ire aux Corinthiens, définissant
z. On pourrait noter que, suivant le parallélisme verbal : 'I-1eoû %p«oû
xai 96oû =rp6ç,'Iqaoû et 96oii sont les noms propres, Xpearoû et eatpdç des
épithètes.
r. Il faudrait aussi tenir compte du fait que la parousie est l'horizon de toute o. Avec P" A C t. r. D G contre la recension alexandrine B S : texte de
là première épître aux Thessaloniciens et que saint Paul y emploie plus volon. von Soden contre Nestle.
tiers Kyrios (x3 fois) que Christos (3 fois). 3. Pour v, 24 et vi, z2, nous abandonnons la leçon de Nestle ; nous lisons, v,
a. Pour I Cor., malgré les hésitations textuelles, la forme paraît garantie 24, of SÈ ToG %pcaroû: ceux qui appartiennent su Christ (la source de notre vie
par l'accord de P6°, B, D, etc. nouvelle) et vi, z2, la croix du Christ.
37 8 LE MYSTÈRE DU CHRIST NOMS ET TITULATURE DU CHRIST 379
L'épître aux Romains traite en partie le même sujet que n'oserions affirmer que jésus Christ est davantage « nom
l'épître aux Galates, en se plaçant elle aussi au point de vue propre » que Christ jésus. Dans l'une et l'autre expression,
de la grande controverse avec les judéo-chrétiens. jésus ou Christ peuvent reprendre leur autonomie; les éléments
Il apparaît peut-être plus clairement que la forme jésus combinés sont moins décolorés qu'aujourd'hui.
Christ est celle qui vient naturellement aux lèvres de saint
Paul (exception faite pour l'expression stéréotypée : « dans le
Christ jésus »). Nous la trouvons 9 fois contre Christ Jésus 4 IV - LE SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST ET NOTRE SEIGNEUR
fois. Il s'agit ordinairement du message : i, i « serviteur de JÉSUS-CHRIST 1
jésus Christ' » (pour l'apostolat) ; 1, 6, « appelés de Jésus La forme longue complète, titulature du Christ, est exprimée
Christ » (la vocation par le message) ; il, 16, « Dieu jugera les trois fois dans I Thess., 1, 3 ; V, 9 ; V, 23, toujours à propos de la
secrets des hommes suivant mon évangile, par jésus Christs » ; parousie, qui est « la parousie de Notre Seigneur jésus Christ ».
XVI, 25, « le message de jésus Christ » (ici le génitif est un
C'est donc « Notre Seigneur », épithète formelle très expressive
génitif d'objet). En 111, 22, nous retrouvons l'expression : la dans ce contexte, qui donne le ton. Jésus ou jésus Christ est le
foi de jésus Christ. Deux fois, le contexte est la liturgie : 1, 8 nom propre désignant Notre Seigneur, notre Souverain (ma-
« Je rends grâce à mon Dieu par jésus Christ» et surtout, plus rana) que nous attendons. Même phénomène dans II Thess.,
solennel, Rom., XVI, 27.
11, I3, 11, 1:4 ; 11, 16 ; III, 6 3 . Cette formule longue pourrait être
Il semblerait que la forme « le Christ jésus » accentue l'idée bien traditionnelle ; la formule brève, I Thess., i, Z, ; II Thess.,
de confession du Christ : vi, 3, « baptisé au Christ jésus » 1
i, Z et 1, 2 serait commandée par le parallélisme avec 8eôs roVr J~p:
(à rapprocher de Gal., 111, 22, « croire au Christ jésus »). Pour La Première épître aux Corinthiens conserve le lien de la
le reste, comment trouver une nuance entre « serviteur de formule longue « Notre Seigneur Jésus-Christ » avec la parousie
jésus Christ » de i, i et « ministre du Christ Jésus », xv, 16 ? 3
1, 7, 1, 8 ; xv, 57 (la victoire) ou avec le nom (1, 2), comme II
« Dans le Christ jésus » revient 6 fois. Rom., III, 24 « ré-
Thess., III, 6 ; cf. _Act., xV, 26.
demption qui est dans le Christ jésus » ; vi, ii ; viii, i et viii,
La formule brève apparaît en 1, 3 dans son contexte ordinaire
2 (vie dans le Christ). Il s'agit du Christ jésus qui récompensera « de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus-Christ »
Paul en xv, =7 ; en VI, 3 : « dans le Christ jésus » signifie dans
(sans article avant xupGou). On ramènera à ce cas celui de
l'exercice de la mission reçue.
vi, ii : au nom du Seigneur (avec l'article, à cause de l'article
L'usage dans les épîtres de la captivité est en général moins devant ôvoua) Jésus Christ et de l'Esprit de, notre Dieu ».
significatif. En viii, 6, nous trouvons une explication théologique: xupto;
La construction Év Xp. 'l. est stable. L'absence régulière de et 8eôs sont comme deux Puissances de Dieu.
l'article tant avec Xp. l. qu'avec 'I. Xp. indique une tendance à Deux cas sont irréguliers en apparence. D'abord 1, 9 : « Dieu
réunir les deux noms pour constituer une sorte de nom propre est fidèle par qui vous avez été appelés en union avec son Fils
composé. Cependant, cette combinaison est moins figée qu'elle jésus Christ, notre Seigneur ». Le nom jésus Christ est appelé
ne l'est pour nous, les éléments étant interchangeables (alors d'abord par l'expression « son Fils »; on ajoute Notre Seigneur
que nous ne disons plus couramment que Jésus-Christ). Nous par attraction, à cause de l'idée de la parousie (cf. 1, 8). Puis,

i. S t. r. G. i. La différence entre la formule longue (avec & xuptoq fj ~~xwv) et la formule


2. A t. r. D etc. courte (avec ô x io toç) se ramène souvent à une question de grammaire (comme en
3. Pourquoi Paul dit-il, xv, 5 : « être d'accord entre vous selon le Christ Jésus'? général la distinction entre b x~otoç et ô x ,~otoç Legreclaisse volontiers
Peut-être pourrait-on dire que la formule xatâ Xp A. équivaut à la forme courante tomber le pronom possessif. L'emploi de ce dernier dans certains cas indique-
iv Xp.'I;,Paul joue sur les prépositions, plutôt que de les répéter; c'est pourquoi rait un décalque de l'araméen sous-jacent. Cf. Le titre « Kyrios s et la, dignité
il écrit: ypoveiv év àXÀ~Xot4; (expression toute faite) xatâ Xp.'l(aulieu de évXO. royale de jésus, ri, p. 143 sq.
'l., ce qui ferait une répétition de prépositions peu élégante). En v111, 34 le texte
2. B a écourté en supprimant -i,(ewv. Nous choisissons le texte long.
est très incertain. Mieux vaudrait peut-être choisir la leçon Xptatdq.
3. Même remarque.
380 LE MYSTÈRE DU CHRIST NOMS ET TITULATURE DU CHRIST 38,
xv, 31 : la gloire que j'ai dans le Christ jésus, Notre Seigneur. Seigneur, que nous invoquons sous ce titre, et que nous nom-
L'expression dans le Christ jésus est stéréotypée; on lui ajoute mons, comme des sujets et des serviteurs, Notre Seigneur jésus
Notre Seigneur de nouveau à cause de la parousie' ; les chré- le Christ. Nous pourrions rappeler l'analogie avec la titulature
tiens sont la gloire de Paul pour le jour de la parousie. des cours araméennes, sur le modèle :-« Notre Seigneur Arétas,
La Seconde épître auxCorinthiens nous fournit deux exemples roi des Nabatéens » 1.
de la formule longue, I, 3 et viii, 9 (avec nouveau contexte, Entre Jésus-Christ et Christ jésus, Paul perçoit une diffé-
ce qui montre qu'elle est simple formule de style) et la forme rence ; le point de départ de la pensée, quand on dit « Jésus-
brève ordinaire I, 2. Christ », est cet homme, jésus, que Dieu a ressuscité et à qui
Remarquons spécialement iv, 5 : « Nous ne nous prêchons il a fait reconnaître la dignité et le rôle du « Christ », sauveur
pas nous-même, mais Jésus-Christ 2, (qui est) le « Seigneur », messianique. Au contraire, quand nous disons « Christ Jésus »,
tandis que nous sommes ses « serviteurs ». « Seigneur » est notre pensée part du Christ préexistant qui s'est manifesté
ici complément attributif. dans un homme, jésus de Nazareth. La constance de la formule
L'épître aux Galates nous fournit deux fois la formule longue « dans le Christ jésus » s'explique en grande partie par l'usage
VI, =4 ( « la croix) et vi, 18 (« la grâce ») ; la forme brève revient qu'on en fait : elle remplace souvent notre adjectif «chrétien»,
dans le contexte ordinaire de l'adresse. d'ailleurs très accentué dans le sens théologique ; ce qui fait
L'épître aux Romains présente les exemples accoutumés de mettre en avant « Christ », le nom qui dit la puissance et le rôle
la forme longue v, x ; v, ii ; xv, 6. L'inversion des termes salvifique du Christ.
en I, 4 s'expliquera encore par l'attraction que « Fils de Dieu » Les noms et les expressions se sont ternies au cours des siècles
exerce sur « Jésus Christ ». Nous restons en pays connu avec et nous hésitons souvent devant l'effort nécessaire -pour leur
vi, 23 : « vie éternelle en Christ jésus notre Seigneur » et viii, rendre leur première fraîcheur. Un styliste et un théologien
39 : «_ charité de Dieu en Christ jésus notre Seigneur.» Mais comme Paul, et un homme qui savait ce que des mots comme
voici que nous apparaît pour la première fois la formule qui %pwro;, xûptoç signifient, employait à bon escient toutes
sera adoptée par la liturgie : « par jésus Christ notre Seigneur » ces formules que nous délavons dans une grisaille.
v, 21, (la grâce règne en vie éternelle par jésus Christ notre
Seigneur »). La forme brève est à sa place ordinaire et dans son
contexte ordinaire I, 7. r. L. CHRFAUE, Zs tifre Kyrios, r, p. 52 sq. Cf. p. 350.

Cette enquête fastidieuse n'est peut-être pas sans fruit.


Elle nous permet quelques mises au point.
Paul a reçu de la communauté primitive le nom de « Jésus »
encore tout chargé des souvenirs de la vie temporelle du Messie
« Jésus » et ~ resté le nom propre par excellence du Christ.
Il hérite en plus la titulature complète « Notre Seigneur
jésus Christ ». Nous avons vu celle-ci liée encore, au début
de l'activité épistolaire de Paul, à son contexte naturel de la
parousie. Notre Seigneur jésus Christ, c'est jésus qui était
le Christ de Dieu et qui, par sa résurrection, a été constitué en
dignité de roi et souverain céleste et que nous proclamons

r. On remarquera en passant combien la formule tv %Ptcrîp'I7)=5 reste


concrète.
2. Avec Pl'SACDlat.
CHAPITRE VII

LA CHRISTOLOGIE PAULINIENNE (SYNTHÈSE)

r. - La théologie paulinienne tendant vers une définition de la a divi-


nité n du Christ. - Amorce d'une spéculation sur Theos et Kyrios. -
Génération éternelle. - Nature a divine n. - Image de Dieu. - Le Christ
Dieu: légitimité de la formule; la règle paulinienne. -Le texte de Rom.,
ix, 5. - Dans les épîtres pastorales.
z. - Saint Paul unifie le plan de la christologie primitive. - Réemploi
de matériaux primitifs. - Progrès de la synthèse paulinienne : apports
de l'Ancien Testament et du judaïsme, surtout apocalyptique.
Influence du stoïcisme vulgaire. - Le problème de l'influence de la
religion hellénistique. - L'idéologie de la gnose et du mythe de
l'Anthropos. - L'intuition fondamentale de la christologie paulinienne.
Conclusion générale.

§ I - LA DIVINITÉ DU CHRIST

Le défi lancé parle christianisme au judaïsme n'est pas tant


le messianisme du Christ que sa divinité. Ce fut là la pierre
d'achoppement. La divinité du Christ entrait en conflit avec le
monothéisme juif. Elle parut souvent une concession volon-
taire ou inconsciente aux formes religieuses du paganisme.
Cependant toute la foi de la communauté chrétienne fut portée
par cette certitude qui s'imposait à elle du dedans, de l'intérieur
même de toute sa vie : le Christ est Seigneur, il est désormais
le centre du culte et l'origine de toute sanctification, car il a
accompli l'oeuvre salutaire. Paul ne se distingue nullement sur
ce point de la communauté apostolique. Mais Paul est théolo-
gien. Non seulement le mouvement de sa théologie, comme nous
avons essayé de le rendre fidèlement dans nos trois livres, ne
s'expliquerait pas sans la certitude sous-jacente que le Christ
se trouve placé dans la sphère divine, mais sa pensée tend
38 4 LE MYSTÈRE DU CHRIST LA CHRISTOLOGIE PAULINIENNE
385
vers une définition exacte du rôle et de la personne du Christ- Christ recevant, dans son humanité, les hommages de tout
Dieu. le cosmos et acclamé comme « Seigneur ». D'ailleurs,
ro L'eeuvre de salut par le Christ a été celle de Dieu. Sa mort même dans l'état de son élévation, une phrase mystérieuse
de Phil. : « Dieu lui donna le Nom au-dessus de tout nom »,
et sa résurrection accomplissent le dessein de Dieu. Lui-même
s'identifiait avec ce dessein : Dieu le livrait par amour et il suppose qu'il est introduit, plus loin que sa dignité de Seigneur,
se livrait par le même amour. Il accomplira le jugement de dans l'intimité inaccessible de la subsistance divine. Une créa-
Dieu à sa parousie ; sa gloire est la gloire de Dieu. En réflé- ture franchirait-elle le seuil de ce sanctuaire ? Le. Christ n'y
chissant plus intensément à la sagesse mystérieuse qui préside introduit son humanité que parce que sa personne ne l'a jamais
à l'ceuvre du salut, on en arrive aux formules que nous avons quitté. Nous dépassons ce que fut l'histoire temporelle du
étudiées à propos du « mystère » chrétien :. cette sagesse qui Christ et pénétrons dans son état d'éternité.
ramène le monde à l'unité s'est manifestée déjà dès la création
dans l'intervention du Christ. Le Christ accomplit toute l'ceuvre II. Fils de Dieu.
de sagesse ; le plan de sagesse, en se réalisant, le manifeste lui-
Nous avons vu la théologie paulinienne remonter de la notion
même, si bien qu'on est tenté de dire qu'il est la sagesse même
du Fils de Dieu se manifestant dans la gloire et la puissance
de Dieu, celle-ci étant son statut d'existence et son origine.
de sa parousie vers une filiation éternelle. C'était la seule solu-
2o Le don que le Christ apporte au monde, étant devenu tion possible du problème théologique'. Le Fils de Dieu est
la sagesse, la justice, la sainteté, la vie, est un don divin et engendré dans la demeure inaccessible aux créatures, dans
s'identifie avec sa personne. l'éternité. Saint Paul a exprimé cette idée dans la formule
30 Les noms, les titres, les fonctions du Christ nous obligent « Premier-né avant toute créature ».
à préciser ses relations transcendantes avec Dieu. C'est le sujet L'Apôtre corrige le schéma que lui fournissait la littérature
qui va nous retenir. Nous n'avons d'ailleurs d'autre ambition sapientielle. Celle-ci employait volontiers le verbe « créer » à
que de reprendre les ébauches des chapitres précédents et propos de la sagesse, se contentant d'affirmer que la sagesse est
de montrer la convergence de leur dessin. première à un rang privilégié, et cependant créature: « le Seigneur
m'a créée comme le commencement de ses voies » $. Le Christ
I. « Seigneur ». qui crée et qui est un être personnel ne peut se prêter aux illo-
gismes d'une hypostase telle que la sagesse ; celui qui possède
Saint Paul n'a pas suivi la suggestion de Philon ou du une vraie personnalité créatrice ne peut être créé. Conformément
judaisme rabbinique pour qui Theos et Kyrios représentent des d'ailleurs à l'expression traditionnelle « Fils de Dieu » et à
Puissances de Dieu, tandis que Dieu, inaccessible, reste au- l'affirmation de l'Ancien Testament, Paul réserve au Christ
delà de ces Puissances. la notion de « génération ». A la différence de, vocabulaire répond
Dans toute sa théologie, le nom Theos désigne, non pas une une notion théologique. Celui qui est dans l'éternité, en face
Puissance, mais la « personne » de Dieu, qui s'appelle encore le du Père, ne peut être créé, l'idée de création impliquant commen-
Père. « Dieu », ou « le Père », c'est la même personne divine, cement, introduction dans le temps. Si le Christ est commence-
l'unique personne de Dieu dans la vision de l'Ancien Testament. ment, âF %, c'est en tant qu'il se tourne vers le temps. Mais c'est
Or voici que le « Seigneur », une autre personne, s'inscrit à précisément sa présence à l'éternité qui lui permet d'être, acti-
côté de Theos. Certes, la foi chrétienne a vu le Christ glorifié vement l'initiateur des êtres du temps.
avec son humanité avant de le considérer dans l'isolement de Rappelons que le rapprochement de XptT-o% et de P• dans
sa divinité'. Mais on ne peut se contenter de contempler le II Cor., i, 2r, nous a suggéré une exégèse analogue'.

1. O. CULLMANN dit justement: • C'est à partir de la dignité de Ryrios ressus. 2. Nous • raisonnons s là où évidemment Paul a des intuitions inspirées.
cité du Christ que le chrétien du premier siècle parle de son origine divine et plus z. Prov., viii, zs - 23 ; cf. Eccb., r, 4, 9 ; xxiv, 9-
tard de son retour . (Les premières conjessians, p. 47). 3- Cf. p. 374•
Théologie do saint Pan). 25.
38 6 LE MYSTÉRE DU CHRIST LA CHRISTOLOGIE PAULINIENNE 387
du Dieu invisible, le premier-né avant toute créature, parce que
III. 'Ev Ntop?~j ©e0û. en lui ont été créées toutes choses dans le ciel et sur la terre,
les choses visibles et les choses invisibles » (Col., I, 15 sq.).
La formule solennelle par laquelle commence l'hymne de
La rencontre entre les notions d'image, de monde créé,
l'épître aux Philippiens, si elle nous révélait tout son mystère, d'invisibilité de Dieu, de monde visible et invisible, évoque
nous permettrait sans doute d'affirmer que saint Paul a été
immédiatement un milieu platonisant, tel le judaisme
exactement commenté par les Pères, quand ils donnent à uopcp~
alexandrin 1.
le sens de « nature » 1 . Nous avons essayé de circonscrire le sens
Nous songeons au parallèle de notre texte avec les dernières
de l'expression. Le Christ, ayant son être en Dieu, possède un lignes du Timée, 92 c a. Simple parallèle verbal, évidemment,
droit de nature aux privilèges de Dieu 2 . En d'autres termes, si
puisque c'est le monde visible ou le ciel ou l'âme du monde qui
l'on réfléchit qu'il faut au Christ un titre à l'existence, et
est, pour Platon, le monogène, l'image du monde invisible et le
que ce titre ne peut se trouver en dehors de la « nature» divine,
dieu intelligible. Avec Philon le parallèle est beaucoup plus
on sera amené à le chercher précisément dans la [.opcp -~, dans une
réel. « Images » de Dieu sont le nombre sept, la monade, la
manière d'être qui appartient à Dieu et lui est communiquée. On sagesse céleste (celle-ci est àpx-À xal stxi)y xa't o'paett, OF-Où, Leg.
arrive ainsi à inclure dans le terme ppc? , ce que nous exprimons
All., I, 43), le voû5 céleste, le Logos.
par le mot théologique de « nature ». Il ne suffit même pas de
La parenté avec le Livre de la Sagesse est plus importante,
dire que ppcp -~ représenterait la gloire de Dieu dont le Christ était
d'autant que Paül pourrait s'en être inspiré à la lettre, et
enveloppé dans sa préexistence. Pour s'envelopper de la gloire qu'en tout cas, le milieu alexandrin explique suffisamment la
de Dieu, il faut « être », et il n'y a place, dans l'ordre de l'éternité, parenté de Paul avec Platon. Le meilleur commentaire de la
que pour une existence en « nature » de Dieu.
phrase des Colossiens est probablement Sap., vii, 25 sqq., où les
termes émanation, reflet, miroir, voisinent avec « image ».
IV. Image de Dieu. La Sagesse est émanation de la gloire de Dieu, reflet de la
lumière éternelle, miroir de son activité, image de sa bonté.
Formule propre à saint Paul, inconnue de la toute première L'attention se porte sur la notion même de Sagesse, sur ce qui
tradition, cette affirmation prendra place dans la théologie et constituerait sa personnalité si elle était vraiment hypostase.
s'identifiera plus ou moins avec la notion du Logos. Saint Paul Nous pourrons dire que le fait d'être image constitue le Christ
oriente déjà la christologie vers des spéculations plus philoso- dans sa réalité de personnes.
phiques.
Le thème de l'image se trouve en réalité au terme de deux
voies ascensionnelles. Si l'on remonte du Christ glorifié vers le V. `0 i7A 7Câ.v'CWV Oeôs.
Christ préexistant ou mieux éternel, celui qui est image de Dieu,
avec puissance transformante, dans la gloire de son élévation et i. Que le Christ, image de Dieu, s'appelle ou non « Dieu »,
de son intronisation céleste, l'est aussi et d'abord par droit de ne peut changer l'orientation de la christologie paulinienne.
naissance éternelle. Les expressions « être dans la forme de Dieu » Celui qui est l'image de Dieu, recevant du fait d'être reflet
« être semblable à Dieu » sont en fait à peu près synonymes et se et image du Père sa propre subsistance, est « Dieu » selon notre
rapportent à l'état du Christ antérieur ou supérieur à son incar-
nation. D'autre part, et très explicitement, saint Paul place le
thème de l'image au sommet du mouvement de remontée à I. H. KLEINKNECHT, art. E',xwv, dans Theolog. Wterlerb., u, p. 386 sq.
2. dôE ô rda~.oç oürw ~ïuov ÔpaTbv Tâ ôpaTà arEpt€Xov, Eirwv Toâ vo~TOÛ (SC
partir de la création. Toutes choses ont été créées dans le Christ, ~cpou) OEbç aia0r(rdç, ixÉYcaToç xai xptTroç xz?,),:aroç TE rai TEÀECiuTaroç YÉ Yo-
qui est, avant toute création, l'image de Dieu : « Il est l'image vsv Eiç oûpavbç Sas jovo YEvr,ç c~v. Nous reproduisons ie texte de KLEINKNEC$T,
ibid., p. 386, suivant A. E. TAYLOR, A Cvmmentary On Plato's Timceus (1928),
p. 646 sq.
1. Cf. p. 290 sq. 3. M.-J. LAGRANGE, Les Origines du dogme paulinien de la divinité du Christ
2. J. BEIIM, art. f~opYri, dans Theolog. Wœrterb. Iv, p. 76o. dans Revue biblique, XLV (1936), p. 20-25.
388 LE MYSTÈRE DU CHRIST
LA CHRISTOLOGIE PAULINIENNE 389
manière actuelle de parler. Il ne portait pas ce « nom » selon
la manière de Paul, car pour celui-ci « Dieu » indique la per- de la foi nouvelle, s'amorcer une distinction entre la personne
sonne divine qu'il appelle le Père et que nous-mêmes aujourd'hui de Dieu (de Dieu le Père) et sa nature ou ses attributs. Saint
entendons encore souvent en disant Dieu 1 . Paul connaît les soi-disant dieux du paganisme (I Cor., vin, i ;
Cf. x, 2o) qui ne sont pas dieux ir par nature ,» (Gal., iv, 8).
Paul n'a pas changé en effet ses manières de parler de Dieu. Les païens eux-mêmes peuvent contempler la puissance de Dieu
Le Dieu (le Père) qui l'a appelé au christianisme est le Dieu
et sa majesté, le 8eiov qui se manifeste à travers la création,
de l'Ancien Testament, « son Dieu 2 ». Il conserve la confession
-ce sont les attributs de Dieu, visibles dans la contemplation,-
et l'acclamation solennelle sis Oeoq. Il conserve les tournures
et ils auraient pu remonter ainsi jusqu'à la connaissance de
de l Ancien Testament, quand il prend Dieu à témoin, quand Dieu (le Dieu personnel). Dans la révélation chrétienne, Dieu
il parle du Dieu de paix 3, du Dieu de patience et de consolation a,
nous communique sa gloire (I Cor., Il, 7). Nous avons accès
etc. ou quand il accole au nom divin une doxologie, quand il
aux abîmes de sa richesse, de sa sagesse, de sa connaissance
parle du jugements. Qu'il se place dans l'hypothèse de sa
(Rom., XI, 33). Songeons encore à ce plérôme de la divinité
foi ancienne ou de sa foi nouvelle, il ne connaît qu'un seul
qui habite dans le Christ ressuscité. On distingue donc entre
et même Dieu, qui désigne désormais pour lui la personne de
la personne, celui qui veut, qui conçoit des plans, qui crée,
Dieu, le Père.
qui envoie son Fils, son Esprit, etc. et la nature ou les attributs,
Ce n'est pas seulement une pratique, c'est une règle que Paul les manières d'être de cette personne.
a codifiée. Nous avons un seul Dieu, le Père, et un seul Sei rleur, Et d'autre part, si l'homme de mensonge peut se placer au-
Jésus-Christ. Le Christ n'est pas ô 9F,6.-, mais il est ô uto; rou dessus de tout ce qui se dit Dieu, s'installer sur le trône de Dieu
9soû, l'image de « Dieu », celui qui porte le nom que « Dieu » dans son temple et se dire « Dieu » (le Dieu vrai et unique)
s'était réservé dans l'Ancien Testament et qu'il a maintenant (II Thess., Il, 4), le Christ ne pourrait-il, lui qui a hérité du
cédé à son Fils avec son propre pouvoir. Au moment où ces nom divin Kyrios, recevoir aussi ce nom suprême ? Un autre
appellations conservent encore leur fraîcheur et toute leur signi- empiète sur les droits divins, mais non le Christ de Dieu.
fication concrète, il est impossible, sans une sorte de contradic-
tion, d'appeler le Christ « ô Beôç, Dieu ». Il est le Fils de « Dieu ». 2. Rien ne s'opposerait en théorie à cette dévolution du
Cependant, le terme 8so; dit autre chose que la personne titre, pourvu qu'il ne signifie plus que la divinité sans désigner
de Dieu. Il signifie aussi la manière d'être de la divinité et Dieu le Père. Mais il y a la règle que Paul suit et qu'il a codifiée.
représente la nature et les attributs de Dieu. On voit très bien, Pour affirmer qu'il viole sa propre règle, il faudrait des textes
aussi bien sur le terrain de l'Ancien Testament que sur celui très évidents.
Le texte de Rom., ix, 5, le seul qu'on cite dans les premières
épîtres, est-il assez clair pour affirmer que Paul a, une fois au
x. A l'équivoque portant sur le nom R Dieu = se joint une confusion concer- moins, dérogé à son habitude ? Nous ne le pensons pas, malgré
nant la personnalité. Le Dieu de l'Ancien Testament est une personne, est
éminemment une personne, un être avec qui on noue des relations personnelles, les bonnes autorités et les bonnes raisons qu'on peut apporter
un être qui agit avec une initiative de personne. Ce Dieu personnel n'est pourtant en faveur d'une autre exégèse.
pas simplement et sans nuances la personne du Père si on l'oppose, avec la Nous sommes à première vue en présence d'une doxologie,
connaissance du mystère trinitaire, à celle du Fils et de l'Esprit-Saint. ô civ é7A 1s&YTUw 8SÔ5 EÙXOYA'rô; siç TOÛÇ xiwvaç, Paul
z. Rom., x, 8 ; II Cor., xxx, 21 ; Phil., x, 3 ; IV, 9, PhileM, 4- a continué l'usage des synagogues. Dans le contexte d'allure
3. Rom., xv, 33, xvi, 2o ; I Thess, v, 23 ; Phil., iv, 9 ; I Cor., xxv, 33-
4. Rom, xv, $. juive qui commence Rom., I, 18, parlant du « créateur a, il
3. Surtout Rom., xx, 1-16 est à lire. Paul y développe la notion juive du Dieu ajoute : ô; Éetiiv sûlorTo'; si; tioû; atwva;, â1xvjv (v. 25). Dans
juge souverain. Il a parlé comme il le faisait avant sa conversion et comme les II Cor., XI, 31, dans une phrase où il en appelle au témoignage
juifs ; brusquement, il revient à son message chrétien ; Dieu jugera les actions de Dieu, le Père du Seigneur jésus, il intercale : o wv sùloynToç
secrètes des hommes : suivant mon évangile, par Jésus-Christ. Le message et; roù, alcwaç. La formule est ferme. En outre, il arrive à
spécial de Paul consiste à anrioncer que c'est Jésus-Christ, le ressuscité, qui
tiendra les . assises du jugement dernier (cf. T Thess., x, xo ; Rom., x, 1-3)- saint Paul, en commençant l'action de grâces de ses lettres,
d'imiter la doxologie : eÙloyntiôç o 6eô; xal =%-~p Toû xup(ou
LA CHRISTOLOGIE PAULINIENNE_ 391
39 0 LE MYSTÈRE DU CHRIST

i; tuûwv 'I. X., II Cnr., 1, 3 ; Epll., 1, le possédons et le connaissons comme celui qui étant Dieu,
3 ; cf. I Pelr., 1, 3. D'autres
doxologies' remplaçant E UoY/1TO; par Uya sont plus éloignées est béni dans tous les siècles'.
de notre cas. Les difficultés cependant ne manquent pas. Pourquoi une
doxologie, au lieu d'un développement plus normal de D'anti-
Faut-il rapporter notre doxologie à Dieu ou bien au Christ ? thèse ? On comprend à la rigueur qu'on transporte sur le Christ
Les Pères penchent généralement à l'attribuer au Christ ; une formule doxologique. Mais on souligne en même temps
cependant, ils ne font pas état de ce texte dans les controverses que le Christ est ÉTLI 7rx•rrwy Oso;. Pourquoi choisir cette formule
à cause de l'incertitude qui plane quand même sur l'exégèse 2 .
Les modernes ont tendance à revenir à cette exégèse inouie au lieu de Fils de Dieu, ou Seigneur au-dessus de tout,
etc. ? Sans compter que 6EÔ; devient appellatif z et n'est plus
traditionnelles.
nom propre au sens régulier. On adoucirait évidemment le
On a beaucoup écrit sur le texte. On a essayé des remanie- caractère insolite de tout le morceau en coupant la phrase
ments : devant la solidité de la tradition textuelle manuscrite, après E J A -1râ rrwv : « Le Christ est au-dessus de tout. Que Dieu
ce n'est pas prudent. On se rabat sur la ponctuation et on coupe en soit béni ». Mais il aurait fallu écrire E UoYriTo; AEÔ; s. Quant
la phrase de diverses manières 4 . à lire « celui qui est au-dessus de tous, Dieu béni dans les siècles D
A nous en tenir à des constatations plus obvies, les plus cela n'arrange rien 4.
sûres, il nous semble qu'il faut garder avant tout, à toute la Si l'on rapporte la doxologie à Dieu, on va se représenter
phrase, le caractère de doxologie. Le parallèle avec II Cor., autrement le mouvement de la pensée. Paul vient d'énumérer
XI, 31 est frappant, cette doxologie commençant comme la les privilèges des juifs. Toute gloire en soit rendue au Dieu qui a
nôtre par 6 (Sv et se continuant par Eû~o~-r~TÔ; : (Dieu), « celui favorisé son peuple élu, et auquel on a pensé continuellement à
qui est béni dans tous les siècles ». D'après ce parallèle, nous propos du culte, du testament, et des promesses, celui qui,
devrions traduire Rom., lx, 5 : « celui qui, Dieu au-dessus de étant le Dieu au-dessus de tous - et non seulement désormais
tout, est béni dans les siècles ». le Dieu des juifs (cf. Rom., III, 29) - est béni dans les siècles I
A l'appui de l'exégèse traditionnelle qui attribue la doxo- C'était l'exégèse de Diodore de Tarse : « Le Christ (selon la
logie au Christ, il v aura surtout à insister sur ceci. La période chair) leur appartient, mais Dieu ne leur appartient pas, il
où Paul énumère les privilèges des juifs se termine sur Xpt=o; est sans distinction le Dieu au-dessus de tous. C'est pourquoi les
xwTa aapxa. Cette formule requiert son antithèse xa-râ 7rveuNta juifs ont perdu tous leurs privilèges 5 ».
et nous paraphraserions : celui que les juifs ne pouvaient A vrai dire, rien ne s'oppose à laisser à Dieu sa doxologie
connaître et posséder que selon la chair, nous, chrétiens, nous habituelle et par là même à lui conserver, selon la règle, son
propre nom Osog. Nous éviterons le grand inconvénient de
changer le vocabulaire paulinien.
:. Gal., t, 5; 11 Tim., iv, 18; Rom., x1, 36; Éph., 111, 21; I Tim., t, 17. Cf. O. 3. La christologie des épîtres pastorales développe sur plus
CULLMANN, Le culte, p. 22. d'un point celle des grandes épîtres et des épîtres de la capti-
2. SANDAY-HEADLAM (p. 234) citent une liste importante de Pères. On y
ajouterait au moins Théodore de Mopsueste (K. STAAB, p. 143) et Gennade
de Constantinople (ibid., p: 387). Si Photius songeait au Père dans son Contr.
1. On fait valoir, corrélativement, que la doxologie, si on la rapporte
à Dieu,
Malt., 111, 14 (cf. SANDAY-HEADLAM, p. 234), il attribue la phrase au Christ dans
son commentaire (K. STAAB, p. 156). En revanche, pour l'attribution à Dieu, commencerait asyndeton, cf. HUBY, p. 327.
11 faut citer, à côté de Diodore de Tarse (SANDAY-HEADLAM, p. 234 et K. 2. Prédicat qui signifie la nature divine, comme dans le début du prologue
STAAB, p. 96), Apollinaire de Laodicée (K. STAAB, p. 67).(Suivant-E. STAUFFER, johannique, HUBY, p. 328 sq.
dans Theolog. Warterb., iii, p. 106, Eusèbe aurait appliqué la doxologie au 3. Cf. LAGRANGE, P. 22'7.
Père). 4. Cette traduction - non au-dessus de toutes choses - est recommandée
3. E. STAUFFER, Theolog. Waerterb., u1, p. 106 ; Sanday-Headlam, Lagrange, parle parallèle avec É¢h.,1v,6: Eiç 9sôç xai 7sariio advrwv (de tous leshommes)
Huby, Prat. Voir aussi A. DURAND, La divinité de Jésus-Christ dans saint Paul, ô éTi ad&vswv xai atà 7tâvTwv xai èv aaQev.
Rom., ix, 5, dans Revue BibL, 1903, p. 550 sq. En sens contraire Lietzmann, 5. i t aÙTWV, cfr~atv, 5 XotŒT6ç' 9sôç U OÙ Nt6vov aÙTiuv, â)J.à xotv~ éal
P. 90. ardtvrwv kaTÎ. 9E6ç. ( K. STAAB, p. 96). Théodore de Mopsueste reprendra cette
4. Voir les commentaires. explication, mais en l'appliquant au Christ.
39 2 LE MYSTÈRE DU CHRIST
LA CHRISTOLOGIE PAULINIENNE 393
vité 1. Nous ne nous étonnerons donc pas d'y rencontrer une
que lui fournissait la communauté chrétienne et l'a transformé
formule comme lae?âv-.,.av -rr;; Sô -roü ~ü~Y~3~o~~ 9EO - xa:
cwripo; -rr, uwv Xp.czov 'Ireoû. Le titre lx€Ya; en gardant ses lignes primitives.
9eo; est frappé La communauté chrétienne exprimait dans sa foi comment
par analogie avec les formules du culte i mpérial, et 9 w est
Dieu était intervenu en ressuscitant le Christ ; comment la
épithète, non pas nom propre.
mort et la résurrection de Jésus de Nazareth l'avaient constitué
dans son rôle de Sauveur ; comment jésus était prédestiné à
§ II - LA CONSTRUCTION THÉOLOGIQUE ce rôle, parce qu'il était le Christ de Dieu et la manifestation de
ce Fils de l'homme préexistant qui était venu réunir sa commu-
L'aeuvre du Christ, notre salut par sa mort et sa résurrection nauté et la sauver en vue du jugement et de la résurrection des
était en même temps l'eeuvre de Dieu, non seulement parce que morts.
Dieu accomplissait ainsi sa volonté, parce que le Christ lui Saint Paul unifie le plan et prolonge certaines lignes. Toutes
était uni de façon à ne faire avec lui qu'un principe d'action. les données, qu'elles soient l'expérience de la communauté
« Dieu était dans le Christ, se réconciliant le monde ou proviennent de l'enseignement de jésus et de ses mi-
n (II Cor.,
v, ig). Les dons de justice, de sanctification et de vie que nous racles se concentrent dans la notion du Christ ressuscité.
recevons sont dons de Dieu, et nous les recevons dans notre Car, si on a connu le Christ dans sa vie mortelle, comme les
adhésion et notre union au Christ. Si nous obtenons par le Apôtres de Jérusalem, cette vie mortelle n'existe plus comme
Christ justice, sagesse, vie, c'est que le Christ participe aussi telle, elle est absorbée et doit être absorbée dans l'évidence
étroitement qu'il est possible à ces attributs de Dieu. Et enfin, de la gloire du Christ ressuscité, Fils de Dieu. Fils de Dieu, c'est-
cette union du Christ à Dieu comme principe d'activité et à-dire, manifesté, dans sa gloire, son efficience et son existence
comme participant à ses attributs ne peut s'expliquer que par de Fils de Dieu, par la résurrection. Fils de Dieu, c'est-à-dire,
le mystère de la personne du Christ. « Dieu est dans le Christ s se Fils de Dieu préexistant, existant dans l'éternité de Dieu,
résout finalement dans cette proposition : Dieu est dans l'être manifesté Fils de Dieu, parce qu'il est Fils de Dieu.
du Christ. Sur ce fondement, le Christ ressuscité, va s'élever l'édifice.
Telle est l'intuition fondamentale de la christologie pauli- Le premier étage nous montrera l'oeuvre du salut: la parousie,
nienne : là ou il y a le Christ, il y a Dieu, et Dieu se communique la résurrection, la mort salutaire. Le second étage, regardant
par le Christ: Cette intuition fondamentale s'est développée le salut réalisé, justice, sagesse, vie des chrétiens en continuité
- sans cesser d'être religion, sans perdre le contact avec le de dépendance avec le Christ agissant dans l'humanité qu'il
Christ et Dieu, - en une théologie qui déroule devant nous sauve, nous habituera à regarder le Christ dans ses attributs
des paysages variés. Après avoir détaillé le paysage, il nous faut divins. Le couronnement de l'édifice sera le mystère de l'unité
le considérer d'un regard unique. La comparaison de l'édifice, du Christ avec Dieu, unité avant le déroulement du temps chré-
qui a l'avantage d'être paulinienne, nous rendra plus de service tien, unité dans le temps chrétien, unité après la parousie ;
que celle du paysage. Paul s'est comparé lui-même au la même unité avec Dieu, qu'elle soit celle du Christ dans sa
constructeur. préexistence, ou dans sa vie mortelle, ou dans sa gloire dé
ressuscité manifestant avec éclat, dans une humanité glorifiée,
I. Le Plan de la construction. ce qu'il est dans sa divinité.
Nous avons détaillé la construction en élévation, étage par II. Les matériaux.
étage, assise par assise. Telle qu'elle est, elle ne ressemble à rien
d'autre ; elle est l'oeuvre d'un chrétien, théologien converti r. Comme le plan, les cordons de pierre qui vont assurer
du judaïsme qui a repris en main le plan encore assez simple la cohésion de l'édifice et souligner ses lignes maîtresses viennent
du christianisme commun.
Jésus est le Seigneur. Saint Paul répète l'affirmation fonda-
1. C. Srtcp, Les Épftres pastoraks, Paris, 1947, P. mentale. Jésus, ressuscité parce qu'il est le Christ de Dieu ou
CLIX-ci,xv.
le Fils de Dieu, est désormais le centre de la vie religieuse du
394 LE MYSTÈRE DU CHRIST LA CHRISTOLOGIE PAULINIENNE 395
peuple de Dieu, l'Église. C'est lui qui sanctifie, qui donne la contraire, a fourni plus d'un thème, en particulier pour décrire
puissance aux siens, qui vit dans l'Église et dans la vie des
le Christ du mystère. L'influence du courant apocalyptique
fidèles. Résurrection, présence du Christ glorifié dans sa commu- s'exerce à deux moments principaux : au début de la carrière
nauté, retour promis d'une parousie attendue, Paul partage la de saint Paul, quand il se représente, comme les premiers chré-
foi de tous. tiens, le Christ de la résurrection et de la parousie, et lorsqu'il
Le Christ est mort pour nos péchés. Saint Paul reprendra la s'oppose au syncrétisme des Colossiens. Si la question du dosage
formule, la développera de bien des manières. Mais l'essentiel a son importance, on devra dire que Paul doit beaucoup à
était donné au point de départ.
l'apocalypse.
On retrouve dans la christologie paulinienne les perspectives
juives de l'avenir: le Messie fils de David, le Serviteur souffrant, 3. Comme influence directe et consciente, on peut songer
également au vocabulaire de stoicisme populaire. Paul emprunte
le Fils de l'homme. La synthèse était réalisée dans le christia-
des mots, un style, quelques thèmes.
nisme au moment où Paul se convertit ; il l'a acceptée et en a fait
le point de, départ de sa théologie. Dès le début, le Christ est un 4. Ceci nous amène à envisager le problème de l'hellénisme.
être transendant, Fils de Dieu, qui a été envoyé sur terre Pour diverses raisons, on en est venu à mieux délimiter le do-
pour mourir, ressusciter, qui est maintenant glorifié et reviendra maine des influences immédiates de la religion hellénistique.
luger. Il ne pourrait être question que d'influences inconscientes.
Pour saint Paul, la foi de la communauté apostolique a été Car Paul s'oppose doublement au paganisme, comme juif et
entérinée par Dieu dans la révélation du chemin de Damas. comme chrétien.
La théologie paulinienne marque cependant un progrès sur Ces influences inconscientes, pour certains exégètes contem-
celle de communauté primitive, et elle entraîne le progrès de la porains, seraient prépondérantes. La théorie des « mystères»
foi commune. Elle est une source de lumière pour tout le grecs conserve ses partisans attardés. Le culte des souverains
christianisme et le christianisme accepte qu'il en soit ainsi. qui fournit ses épiphanies et ses divinisations, est à peine démodé
Aucun des Apôtres ne réagit contre Paul sur le terrain de la et cherche d'ailleurs à se survivre en s'amalgamant au syncré-
théologie : sa construction appartient à la foi commune. tisme oriental, soit à la manière de Lohmeyer, soit à la manière
Ses apports nouveaux sont évidemment importants et de W. L. Knox.
nombreux. Nous les avons détaillés en cours d'enquête. D'où 5. La critique doit cependant se rendre compte de l'antago-
viennent les nouveaux matériaux mis en oeuvre ? nisme foncier qui existe entre l'expression du paulinisme et
celle d'une religion hellénistique. D'autre part, malgré la diver-
2. On songe en premier lieu à l'Ancien Testament et au sité des matériaux et l'impossibilité d'un contact immédiat,
judaisme. L'Ancien Testament s'interprète selon une méthode on constate que la christologie proprement dite des premiers
qui tient du rabbinisme et du judaisme alexandrin, qui est en chrétiens s'agence parallèlement à des formations religieuses
même temps de tradition chrétienne et qui ne laisse pas d'être hellénistiques : un homme divin descend sur terre pour (souffrir
en contact avec le sens profond du texte sacré. La pensée pauli- et) sauver l'humanité. D'où le dessein de trouver un milieu
nienne est ainsi pétrie par la révélation de l'Ancien Testament. unique où baigneraient à la fois les religions hellénistiques,
Le judaïsme exerce son influence, soit qu'il l'impose directe- le judaisme apocalyptique et alexandrin et le christianisme
ment, soit plutôt qu'il l'insinue par le biais des textes de la on nomme la gnose et le syncrétisme oriental.
Bible. Arrivée à ce point, la critique a cessé d'être une discipline
Nous avons dû remarquer surtout les contacts du paulinisme historique et se dissout en une idéologie à base d'histoire. On
avec les doctrines apocalyptiques. Le contact était déjà plus peut certes comparer le christianisme avec une gnose alexan-
qu'amorcé dans la communauté primitive ; la théologie pauli- drine, comme l'ont fait autrefois Steck et Van Manen 1 ou une
nienne continue le mouvement. Les contacts avec la tradition
juive palestinienne, qui deviendra le rabbinisme, ne sont pas
très notables pour le fond. Le,judaisme hellénistique, au i. A. SCHWEITZER, Geschichte der paulinischen Forschung, Tubingue, igiz
P. 103.
LA CHRISTOLOGIE PAULINIENNE 397
396 LE MYSTÈRE DU CHRIST
de l'univers hellénistique ; l'historien ne rencontre rien
gnose orientale comme le mandéisme. Mais on entend autre de pareil dans la conscience qui se traduit dans les
chose. Au-delà des religions tangibles, on suppose l'existence
textes. Si l'on veut qu'ils se soient survécu dans une
d'un vaste mouvement de gnose embrassant tout le syncrétisme
réalité mystérieuse parce qu'inconsciente, et que cette réalité
gréco-oriental, avec prédominance des éléments orientaux, qui mystérieuse imprime une direction parallèle à toutes les cons-
constituerait le terrain commun oh naissent et s'alimentent tructions religieuses que nous saisissons dans l'histoire, c'est,
les diverses formations religieuses.
cette fois, la vraie hypothèse. Mais elle est tellement coupée
C'est là une simplification outrancière du problème historique. des textes et des faits qu'elle révèle sa vraie nature d'idéologie.
Cette gnose orientale n'a jamais «. existé n d'une existence
Ce caractère d'idéologie s'accentue si on prétend fournir la
propre ; un mouvement n'a de consistance que dans les forma- raison suffisante de l'évolution historique, de manière à rendre
tions religieuses concrètes. Si on projette dans le passé une image superflue, ou impossible, une autre hypothèse : l'engagement
formée des ressemblances qu'il faut expliquer; il ne s'agit que
dans les vicissitudes de l'histoire et la complexité des faits et des
d'une image irréelle. En même temps, on définit la gnose par des idées d'une autre réalité mystérieuse, mais mystérieuse parce que
procédés qui dépendent de méthodes psychologiques beaucoup surnaturelle, qui donne son sens au christianisme et, dans une
plus qu'historiques ; on prétend retrouver, - par une intros- certaine mesure, à des formations religieuses qui l'ont préparé.
pection dans l'âme moderne, - l'intuition primitive qui serait
à la base des gnoses et se serait traduite dans un mythe. On III. L'intuition fondamentale.
prétend connaître ce mythe original qui doit expliquer tant de Le système théologique de Paul, comme Wrede l'a écrit', ne
choses : l'Homme céleste qui descend dans la matière, puis se peut se séparer de sa religion. Sa théologie est sa religion. Sa
constitue le propre sauveur des parcelles de soi qui s'y sont théologie n'est que l'expression intellectuelle de sa religion et
dispersées'. On peut douter que l'on ait vraiment prouvé
d'une intuition religieuse qui la sous-tend d'un bout à l'autre,
que le mythe soit assez ancien et déterminé. D'autre part, des principes aux formules. Mais nous croyons avoir montré
quantité de gnoses ne possèdent pas le mythe de l'Ànthropos ; que ces principes et ces formules sont fournis par des faits
leur mythe de chute est tout différent, tel celui de la sophia, et concrets, la Bible, des idées religieuses bien déterminées, voire
on est à peu près certain que le mythe de la sophia, parallèle à quelques formules philosophiques, tous matériaux qui reçoivent
celui de l'Anthropos, ne dépend pas de celui-ci. Il n'y aurait de leur place dans la construction pour exprimer exactement
commun que l'idée de descente et de chute d'un être céleste. « l'intuition n.
Enfin, en dehors de quelques formations gnostiques tardives, Cette intuition n'est pas la mystique grecque ordinaire des
et qui pourraient être influencées par le christianisme, on « mystères u, beaucoup trop vague et trop éloignée de la
cherche en vain dans quelle formation ancienne déterminée christologie chrétienne. Ce n'est pas la mystique du culte des
le mythe de chute aurait été le centre d'une religion. Il faut souverains, inexistante. Ce n'est pas l'intuition de gnose qu'on
multiplier les hypothèses dans le vide, si l'on veut vraiment placerait à la base du mythe de l'Anthropos, car elle n'est pas
posséder un `milieu religieux unique, s'étendant de l'Orient à plus solide que le mythe. L'hypothèse de l'eschatologie ne peut
l'Occident, qui soit la religion de l'Anthropos céleste. s'étirer au point de tout expliquer.
D'ailleurs, le mythe de l'Anthropos à lui seul ne suffit pas ; Reste donc l'hypothèse d'une intuition authentiquement
on le combine avec un autre mythe, celui de la fête du Nouvel an chrétienne et qui est celle que nos textes nous ont suggérée
et de l'intronisation royale, qui aurait aussi déferlé sur tout dès le début : l'œuvre de salut du Christ, les bienfaits de sa
l'Orient. Ceci n'ajoute rien à la solidité de la première hypothèse. présence manifestent et incluent sa divinité. « Dieu s se révélait
Même si les deux mythes reconstruits par les modernes « dans le Christ a 2 .
étaient vraiment très anciens, pour exercer leur influence
il faudrait encore qu'ils aient subsisté dans la conscience
r. W. WREDE, Paulus (Religionsgeschicktliche Volksbucher), Tubingue, z9o4
2. Cf. l'.. Ho.~KYNs -\. DA%'SY, The Riddle of the New Tesiam^ktt, Londres,
:. Un très grand nombre d'études modernes vont dans ce sens. Cf. Suppl.Diet. 1931, P. 228 Sq.
de la Bible, art. Kyrios.
CONCLUSION GÉNÉRALE

On ne constate pas de véritable évolution dans la christologie


paulinienne, en ce sens que les matériaux principaux restent les
mêmes à travers les épîtres. Cela provient de ce que les fonde-
ments de cette théologie étaient fixés dés le début de même
que ses moyens d'expression essentiels : legs de la communauté
chrétienne, formules de l'Ancien Testament et du judaïsme,
vision du Ressuscité.
D'autre part, on a l'impression qu'on ne peut pas synthétiser
de la même manière la pensée de l'Apôtre aux différentes
étapes de sa carrière. Il nous a paru qu'on pouvait distinguer,
suivant ces étapes, trois niveaux successifs pour lesquels les
centres d'intérêt, autour desquels se construit la synthèse,
sont nettement différenciés. Nous avons donc procédé en consé-
quence. Le premier niveau de la pensée paulinienne, avant l'a-
postolat de Corinthe, se révèle dans les épîtres aux Thessalo-
niciens et la finale de la Première aux Corinthiens. Il est archai-
que, très proche de la christologie de la communauté primitive,
telle que nous pouvons la restituer d'après le Livre des Actes et
les évangiles synoptiques. Le second niveau est vraisembla-
blement en rapport avec le séjour de l'Apôtre à Corinthe ;
nous croyons retrouver ses formules dans les grandes épîtres. Le
troisième niveau s'établit durant le long apostolat en Asie
mineure, surtout à Éphèse ; il est très naturel de demander ses
caractéristiques aux épîtres de la captivité.
io Les deux épîtres aux Thessaloniciens sont centrées sui la
parousie du Christ et sur sa résurrection. Le chapitre xv de la
Première épître aux Corinthiens continue à s'intéresser à ces
deux thèmes, plus d'ailleurs à la résurrection qu'à la parousie.
Suivant le schéma primitif du symbole de foi, on ne sépare
pas la mort de la résurrection. Ainsi s'indiquait un premier
centre d'intérêt, l'œuvre du salut chrétien, dont le Christ est
« acteur u. En gros, une sotériologie qui développe les points
principaux des formules de foi primitives : nous attendons la
400 LE MYSTÉRE DU CHRIST CONCLUSION GÉNÉRALE 401

parousie du Christ, que Dieu a ressuscité ; le Christ est mort monde d'un principe religieux nouveau constituant une nouvelle
pour nos péchés et Dieu l'a ressuscité. Notre premier livre a religion. Ce principe religieux, c'est la puissance et la munifi-
voulu montrer comment ces éléments primitifs se sont agencés cence de Dieu présente dans le Christ. Tel est le centre d'intérêt
et développés dans une première synthèse paulinienne. Un au second niveau de la christologie paulinienne.
premier chapitre donnait le ton en étudiant le message de salut Un point de départ littéraire nous est fourni par les débuts de
des débuts du christianisme. l'épître aux Romains et de la Première épître aux Corinthiens.
On attend le salut futur, la parousie, qui sera le signal de Nous y voyons comment saint Paul présentait le message chré-
notre résurrection. La résurrection du Christ est en rapport avec tien en antithèse avec les idées fondamentales du judaïsme
sa parousie, elle en est le premier acte. Le message se centre et du paganisme.
donc bientôt sur la Résurrection. C'est, nous semble-t-il, la carac- En antithèse avec le judaïsme : il prend position contre
téristique de la sotériologie paulinienne à ce premier niveau ; les juifs et les judéo-chrétiens. L'oeuvre du Christ a mis fin à
la résurrection du Christ est tout à fait à l'avant plan : d'un l'économie de la Loi, nous appartenons à une nouvelle économie
côté prélude de la parousie, de l'autre, introduction dans le où le Christ, moyennant la foi que nous avons en lui, est auteur
monde présent des exigences et des forces sanctificatrices du de « notre justice ».
monde futur. Par là, le salut n'est plus simplement à venir, En antithèse avec la philosophie grecque. Des chrétiens de
il est déjà présent. Nous avons souligné, dans l'analyse des Corinthe seraient tentés de placer la religion chrétienne (le mono-
formules pauliniennes consacrées à la résurrection, la péripétie théisme, les expériences « spirituelles ») sur le pied de philoso-
essentielle, lorsque l'efficience de la résurrection du Christ phies mêlées à des mouvements religieux comme l'orphisme
s'introduit déjà dans nos vies. et les cultes mystérieux ; Paul proteste avec véhémence. Le
C'est pourquoi le Règne du Christ est aussi conçu non seule- christianisme est essentiellement acceptation de l'efficience du
ment comme futur, dans la parousie, mais déjà réalisé dans le Christ. S'il y a en lui un élément de sagesse, c'est « sagesse »
présent. Le Christ règne dès maintenant. C'est pourquoi encore de Dieu qui nous est donnée par l'Esprit et qui a pour objet
la théologie de la mort rédemptrice se développe en marquant le Christ et les biens futurs que nous recevrons en lui.
son efficacité actuelle. Le salut chrétien s'approfondit d'ailleurs dans une vie nou-
Nous avons terminé le premier livre par un chapitre consacré velle. Celle-ci, nous l'avons vu, est efficience de la résurrection
à l'incarnation. Il nous fallait expliquer la position exacte de du Christ. Saint Paul va développer en les conjuguant ces deux
thèmes : le Christ est désormais le Christ spirituel, et il nous
saint Paul sur ce point. Sa théologie attribue une telle impor-
communique sa propre vie de sainteté. Certaines affirmations
tance à la résurrection que la présence du Christ dans le monde,
avant sa résurrection, se dessine plutôt en antithèse avec son massives de la critique nous ont obligé à préciser les rapports
état de glorifié. Toute efficience sanctifiante commence à la du Christ spirituel avec l'Esprit-Saint.
D'autre part, notre vie est une participation à la vie du Christ;
résurrection ; l'incarnation n'a de sens que parce qu'elle rend
présent dans le monde un « Christ selon la chair D, qui sera ceci nous amène a critiquer une autre formule approximative
par là capable de mourir pour ressusciter et accomplir dans son qui, prenant à la lettre des expressions pauliniennes, prétend
corps mortel l' œuvre salutaire. Corrélativement à cette position que Paul superpose au Christ personnel un Christ mystique qui
théologique, peut-être pour des motifs très personnels, saint vivrait dans la vie de tous les chrétiens. Il nous a semblé que
nous devions maintenir fermement le principe que la mystique
Paul n'ajuste pas à sa synthèse christologique les enseigne-
ments et les miracles du Christ. On notera ici la différence avec ne crée pas un « Christ mystique ». Mieux vaut en rester à la
la théologie de saint-Marc et avec celle de saint jean. Saint Marc formule simple: participation de vie à la vie du Christ ressuscité.
reconnaît la manifestation divine dans les miracles saint Le Christ mystique serait un Christ collectif : autre formule
Jean dans l'enseignement. que l'on combine avec celle du second Adam et de l'Église corps
du Christ. Sans nier que la pensée paulinienne touche à sa péri-
20 De l'efficacité actuelle de la résurrection et de la mort phérie à ces thèmes, nous ne voyons pas que l'intelligence de
du Christ se développe la conception de la présence dans le la théologie historique gagne à élaborer une synthèse en les pla-
Théologie de saint Paul. 26.
40.2. LE MYSTÈRE DU CHRIST CONCLUSION GÉNÉRALE, 403
çant au point de départ. Ces constructions sont peut-être plus l'attention se porte sur la personne du Christ, toute cette force
conformes à nos manières de penser qu'à celle de saint Paul. intérieure qui menait le développement émerge en pleine
On les préfère dans d'autres camps pour ramener le paulinisme lumière ; les titres du Christ prennent toute leur signification
à un syncrétisme oriental où la théorie de l'Anthropos serait Fils de Dieu, Seigneur. Nous abordons directement dans notre
en vedette, et élargir à l'infini la notion de « gnose n. Mais le dernier chapitre le thème de la divinité du Christ. C'est l'occa-
paulinisme ne s'est pas construit à l'aide de matériaux de gnose sion de toucher au problème des origines de la christologie.
et sur le plan des gnoses. Nous avons conclu que la christologie paulinienne était le
3 0 Le troisième niveau de la pensée paulinienne nous fournit fruit de la révélation. La solution plus moderne, qui noie l'idée
la synthèse christologique la plus complète, qui remploie sur un d'une intervention immédiate de Dieu (le fait chrétien, incarna-
plan nouveau les matériaux des constructions précédentes. Le tion du Fils de Dieu, révélation de lui-même dans sa doctrine
centre d'intérêt est cette fois fourni par l'idée de « mystère u ; et ses miracles, mort et résurrection, révélation de l'âge apos-
la manière dont Dieu a réalisé le salut révèle une sagesse tolique y compris les révélations très spéciales dont Paul fut
e secrète n dont le Christ est l'objet en même temps qu'il est favorisé) dans une manifestation du syncrétisme oriental qui
celui qui la réalise. dominerait, en ce moment de l'histoire, tout l'horizon religieux,
L'attention se porte désormais moins sur l'eschatologie et procède d'une idéologie inadéquate à l'explication de la christo-
la sotériologie, moins sur la présence du Christ dans le monde logie paulinienne. Saint Paul a construit sur la révélation du
que sur la personne du Christ. Nous avons donc réservé pour Christ, impliquée dans la foi de la communauté primitive, et
notre troisième livre les problèmes fondamentaux de la christo- sur ses propres révélations et lumières inspirées, qu'il savait
logie, mêlant au développement du mystère les thèmes qui consciemment en harmonie avec tout le mouvement chrétien.
mettent en relief la personne du Christ : dans le concret, sa divi- Sa construction n'est pas celle d'un syncrétiste,- comme les
nité. élucubrations gnostiques nous en dévoilent, - mais d'un chré-
tien inspiré qui élabore des traditions et des révélations éclairant
Un chapitre préliminaire analyse les hymnes au Christ, ce
phénomène littéraire qui paraît propre aux Églises d'Asie. ces traditions.
Nous étudions ensuite, successivement, les thèmes de la révé-
lation et de la connaissance du mystère, tant dans leurs formes
littéraires que dans la conception spéciale du christianisme
que suggère cette formule. Les Apôtres, Paul surtout, ont été
chargés de révéler le mystère chrétien, et sa connaissance
constitue un bien essentiel de la vie chrétienne.
Pour exprimer le contenu du mystère, nous sommes obligés de
définir les rapports du Christ avec le monde. Le Christ unifie le
monde, juifs et paiens d'un côté, monde des Puissances de l'autre,
et ramène tout à l'unité en Dieu. Cette oeuvre, qui n'est qu'un
retour à l'unité d'origine, nous permet de pénétrer dans le mys-
tère de la personne du Christ, l'image de Dieu.
Les chapitres suivants reprennent, sous l'angle de vision de la
personne du Christ, ces noms et attributs que nous avons ren-
contrés jusqu'ici sans jamais leur consacrer vraiment toute notre
attention. C'est la divinité du Christ qui est en jeu. Sans la foi
en la divinité du Christ, sous-jacente à l'eschatologie, à la soté-
riologie et à la. mystique, le développement de la christologie
paulinienne n'aurait ni base ni principe, ni raison d'être. Lorsque
BIBLIOGRAPHIE

ALLO, E.-B. Première Épître aux Corinthiens. Paris, 1935.


- Seconde Épître aux Corinthiens. Paris, 1937
AMioT, F. Saint Paul, Épître aux Galates, Épître aux Thessa-
loniciens. Paris, 1946.
BoNs1RvEN, J. L'Évangile de Paul. Paris, 1948.
- Exégèse rabbinique et exégèse paulinienne. Paris,
1928.
BORNKAMM, G. Die Haeresie des Kolosserbriefes, dans Theologische
Literaturxeitung, LXXIII (1948), col. 11-20.
BOUSSET, W. - GRES5MANN, H. Die Religion des Judentums. Tubingue,
1926.
BRUECKNER, M. Die Entstehung der paulinischen Christologie.
Strasbourg, 19o3.
BULTMANN, R. Bchenninis - and Liedfragmente im ersten Petrus-
brief, dans Coniectanea Neotestamentica, XI
(1947). P• 1-14•
- Theologie des Neuen Testaments. Tubingue, 1948.
CERrAux, L. Le titre c Kyrios à et la dignité royale de Jésus (I),
dans Revue des Sciences philosophiques et théo-
logiques, XI (1922), P. 40-71 ; (II) ibid., XII
(1923), P• 125-153.
- c Kyrios • dans les citations pauliniennes de l'Ancien
Testament, dans Ephemerides theologica+ lova-
nienses, XX (1943), P• 5 - 17•
- La Théologie de l'Église suivant saint Paul. Paris,
1948.
- L'hymne au Christ-Serviteur de Dieu (Phil., II,
6-11 = Is., LII, 13-LIII, 12), dans Miscellanea
historica Alberti De Meyer, Louvain, 1946.
CULLMANN, O. Le Retour du Christ. Neuchâtel, 1945.
- Christ et le temps. Neuchâtel, 1947.
- Les premières Confessions de foi chrétiennes. Paris,
1948.

0 Nous ne reprenons que les ouvrages ou articles cités plus fréquemment


et en abrégé dans notre étude.
4of> BIBLIOGRAPHIE AUTEURS MODERNES 407

DAVIES, W. D. Paul and Rabbinical Judaism. Londres, 1948. SJCEBERG, E. Der Menschensohn im lEihiopischen fenochbuch.
DEISSNIANN, A. Licht vom Osten. Tubingue, 1923. Lund, 1946.
DESCAMPS, A. Les justes et la justice dans le christianisme primitif. SPICQ, C. Les Épîtres pastorales. Paris, 1947•
Louvain, 195o. STAAB, K. Pauluskommentare aus der Griechischeu Kirche.
DIBELIUS, M. An die Thessalonicher I-II, An die Philipper. Munster-en-W., 1933
Tubingue, 1937. STAUFFER, E. Die Theologie des Neuen Testaments. Gütersloh,
DUPONT, J. Gnosis. La connaissance religieuse dans les épîtres 1948•
de saint Paul. Louvain, 1949• STRACK, II. L. - BILLERBECK, P. Kommentar zum Neuen Testament
FOERSTER, W. art. Kotos. dans Theologisches Woerterbuch, III, aus Talmud and Midrasch. Munich, 1922-1928.
PP. 1038-1056 ; 1081-1095- VOLZ, P. Die Eschatologie der jiidischen Gemeinde im neutes-
GROSS, J. La divinisation du chrétien d'après les Pères grecs. tamentlichen Zeitalter. Tubingue, 1934.
Paris, 1938. WEISS, J. Erster Korintherbrief. Gcettingue, 191o.
KIRCHGAESSNER, A. Erlcesung and Sünde im Neuen Testament. Fribourg-
en-Br., 1g5o.
KNOX, W. L. Saint Paul and the Church of the Gentiles. Cambridge,
1939•
KUEIIMEL, W. G. Kircheubegrie and Geschichtsbewusstsein in der
Urgemeinde and bei Paulus. Zurich-Upsala, 1943• AUTEURS MODERNES
- Mythische Rede and Heilsgeschehen im Neuen Tes-
tament, dans Coniectanea Neotestamentica, XI
( 1 948). PP- 109-131. Abbott, T. K., 134, 233. Buechsel, F., 54. 108, 109, 110,
- Das Bild des Menschen im Neuen Testament. Zurich, Adam, K., 266. 115, 247.
1948. A110, E: B., 37. 38, 43. 46. 68, Bultmann, R., 15, 25, 36, 44 , 54.
LAGRANGE, M.-J. Épître aux Romains. Paris, 1916. 129, 136, 137, 182, 197. 199- 80, 113, 116, 120, 135. 136,
- Épître aux Galates. Paris, 1942. 261, 304, 367, 368, 374• 142, 144, 222, 240, 270, 281,
LEBRETON, J. Histoire dit dogme de la Trinité, I. Paris, 1927. Althaus, P.. 59. 288, 298.
LEENIIARDT, Fr. J. Le baptême chrétien. Neuchâtel, 1946. Amiot, F., 34, 37, 39, 41. Buri, F.,-107.
LIETzNIANN, H. An die Roemer. Tubingue, 1928. Arvedson, T., 277, 283.
LOTI \iEYER, E'. Christuskult and Kaiserkult. Tubingue, 1919. Asting, R., 304. Casel, O., 92.
- Kyrios Jesus. Eine Untersuchunzu g Phil1
. , 5-11, Cerfaux, L., 16, 18, 36, 40, 49, 67,
dans Sitzungsberichte der Heidelberger Akademie Bachmann, Ph., 182. 76, 77, 78, 82, 103, 106, 113,
der Wissenschaften, Philos.-histor. Kl., 1927- Baehrens, Aem., 35• 116, 119, 122, 162, 164, 165,
1928, 4. Heidelberg, 1928. Bandas, R. G., 124. 167, 172, 185, 195, 198, 214,
NOACK, B. Bardenhewer, O., 114. 216, 219, 227, 229, 244, 247.
Satanas and Soteria. Untersuchungen zur neutes-
tamentlichen Da?monologie. Copenhague, 1948, Bartscll, H. W., 66. 252, 253, 255, 257, 259, 26r,
NORDEN, E. Iiauer, W., 362, 269. 262, 263, 264, 270, 283, 285,
Agnostos Theos. Leipzig, 1913. 288, 322, 345, 347, 349, 350.
CEPKE, A. Das nette Gottesvolk. Gütersloh, 1g5o. Behm, T., 98, 386,
Benoît, P., 9, 183, 185, 288. 352, 353, 379, 381, 396.
PERCY, E. Die Problegne der Kolosser- and Epheserbriefe. Lund, Clemen, C., 253.
1946. Bieder, W., 3o8.
Bientenhard, H., 43, 358, 359• Campenhausen, H. F. von, 58.
PETERSON E. Die Einholung des Kyrios, dans Zeitschrilt für Cornely, R. 112, 143, 162, 179.
Blaeser, P., 143. 16q.
systematische Theologie, VII (1929), pp. 682-702. Bonsirven, J., 8o, 1o9, 164, 352. 197.
PRAT, F. La théologie de saint Paul. Paris, 1929. Bornhaeuser, K., 285, 289. Cullmann, O., 16, 19, 21, 29, 37.
SANDAY, W. - HEADLAàf, C.Epistle to the Romans. Edimbourg, 1go9. . Bornkamm, G., 79, 3'20. 41, 43, 44, 47, 51, 53. 77. 83.
SCALIER, H. Der Brief an die Galater. Gcettingue, 1949. 96, 102, 119, 217, 223, 262,
Bousset, W.. 78, 195, 219, 34 2 ,
SCHWEIZER, E. Das Leben des Herrn in der Gemeinde and ihren 268, 269, 279, 283, 34 8, 350.
346, 347 , 357.
Diensten. Zurich, 1946. Bréhier, E., 195, 200. 3 8 4, 390.
Brueckner, M., 39, 341. Curtius, 1-., 192-
408 AUTEURS MODERNES AUTEURS MODERNES 409

Dall, N. D., 143- Grundmann, W., 44. 1o5, r67. Lohmeyer, E., 21, 71, 283- 284, Sagnard, F. M. N., 202.
Dalman, G., 339. 340- Gunkel, H. 9. 291, 293, 294, 296, 300, 341• Sanday, W. -Headlam, A. C.. 143,
Davies, W. D., 43, xx5, 2o8, 219, Guntermann, Fr., 43. 247, 250, 255, 355, 363, 390.
346. 347. 348, 350-
256. Gutbrod, W., rr8, r6g. Loisy, A., 251. Sanders, L., 287.
Deden, D.. 305. Gutjahr, F..S., 182. Loofs, A., 292. Schelkle, K. H., 1o5.
Deissmann, A., 30, 31. xo8, 250. Schlier, H., 40, 107, xx8, x64, x65,
284, 289, 341- 173, 244, 251, 253, 318. 322,
Hanse, H., 41. Malevez, L., 266.
Deissner, K. 69. 371-
Havet, J., 253- Marmorstein, A.. 356.
De Lagarde, A., 20o. Schmid, J., 4x-
Hermann, J., 115. Maurer, Chr., r6g.
Delling, G., 32, 46, 66. Schmid, Lothar, 34.
Hirsch, E., 59. Meinertz, M., 134.
Descamps, A., 23, 24, 102, 103, Schmid, W.. 192.
Hofer, H., 323- Menoud, Ph. H., 63.
281, 282: Schmidt, K. L., 77, 216, 262, 317.
Ho'skyns, E. - Daviy, N., 397- Michel, O., 160, 352.
Dibelius, M., 37, 134. 11 91, 192, Schneider, C., 44.
Huby, J., 68. 390, 391- Moe, O., x r 6.
288, 289, 291, 294, 297, 305- Schütz, R., 284, 288.
Hulsbosch, A., 112. Moore, G. F., 1g5.
Dittenberger, W., 3o,31. Schweitzer, A., 43, 395.
Hunter, A. M., 135. Mundle, W., 113.
Dodd, C. H., 146- Schweitzer, W., 77.
Druwé, E., 93- Schweizer, E., 215, 254, 271, 272.
Duncan, G. J., 290. Jeremias, Joach., 34, 104, 114,183, Nélis, J., 25. 90- Scott, C. A. A., 11o, 116.
Dupont, J., 42, 82, 136, 137, 191, 186, 264, 28r, 284, 2g0. Noack, B., 40, 77, 8o, 82. Seeberg, A., 116.
JOÜOn, P. 290. Nock, A. D., 1o. Sjoeberg, E., 4, 32, 45, 204, 244.
192, 197, 204, 290, 292, 305,
Norden, E., 18, 281, 298. 257, 285, z95. 303, 312-
312. 314. 321. 322, 324, 330.
336. 343. 383- Kaesemann, E., 25, 299, 300. Spicq, C., 52, 76, 392.
Durand, A., 390. Kirchgaessner, A., 105, 107, r'3. Oepke, O., 31, 34. 62, 129, 160, Staab, K., 134, 174, 178, 18o, x9o,
Kittel, G., 34, 76, 325. 259, 266, 293. 248, 390, 391-
Eck, O., 76. Klausner, J., 135- Osty, E., 185- Staehlin, O., 201.
Elert, W., xo8. Kleinknecht, H.. 387. Stauffer, E., 9, 23, 24, 41, 132,
Enslin, M. S., 1x6. Knabenbauer, J., 37- Percy, E., 76, 79, 87, 89, 91, 110, 135, 390-
Euler, K. F., 290, 296. Knox, W. L., 119, 151, 203, 207, 111, 118, 207, 264, 300, 304, Steck, 395.
280, 296, 297, 305, 319. 305. 314, 320, 321, 322, 354- Strack, H. L. -Billerbeck, P., 40,
Feine, P., 222. Kuemmel, W. G., 43, 53. 54, 58, Peterson, E., 34. 35, 37, 351- 44, 166, 167, 183, 195, 343.
Festugières, A. J., 36, 63. 60, 64, 66, 1113, 124, 135, 174, Pfaff, E., 10.
FOerster, W., 36, 78. 172, 328, 347, 179, 210, 221, 229, 244, 282, Pohlenz, M., 191, 192. Taylor, V., 116, 387.
348. 356. 370- 350. Prat, F., 37. 109, 134, 14 6, 177. Thomas, J., 226.
Fraeynuin, M., 264. 179, 182, 234, 288, 390. Tiililx, O., 234.
Frame, J. E;, 37, 354- Preiss, Th., 218, 282. Tillmann, Fr., 134.
Lagrange, M. J., 87,143, 162, x65,
Fridrichsen, A., 192, 262, 263. Procksch, O., Jog, 159, 218, 219, Tisserant, E., 282, 296, 338.
171. 174. 178, 197. 25r, 253,
Funk, F. X., 36. 226, 256. Tobac, E., 256.
335, 355, 371, 387, 390, 391-
Lebreton, J., 2o6, 340. Pruemm, K., 174, 347, 348- Twisselmann, W., 253.
Gaugler, E., 15. Leenhardt, Fr. J., 103, 220,'221, Phythian-Adams, W. J., 256.
Geffcken, J., 199. 252,253,268. Van Imschoot, P., 219.
Gelin. A., xog. Rawlinson, A. E. J., 135. Van Manen, 395-
Leipoldt, J., 6r.
Gewiess, J-, 293- Lemonnyer, A., 37, 71, 234, 354- Reitzeinstein, R., 342. Vincent, M. R., 291.
Giblet, J., x8r, 211. Levie, J., 177- Rengstorf, K. H., 50, 271. Violet, B., 34-
GOguel, M., 43, x83. Liechtenhan, R., 136, 192. Resch, A., 145, 146. V01z, P., 30, 32, 34, 39. 57. 67-
Goossens, W., 244, 257- Lietzmann, H., 26, 68, 87, 113, Riemann, O. -Gcelzer, H., 114. VOsté, J. M., 37
Grégoire, Fr., 365. Riesenfeld, H., 34, 36, go, 99.
x62, 250, 251, 314,, 363, 390.
Gressmann, H., 78. Rigaux, B., 40, 42. Waaning, N. A., 216.
Lindeskog, G., 262, 263, 267.
Gross, J., 133. 319. Ringgren, H., 219. Wagenführer, M. A., 3OO.
Lofthouse, F., 137-
410 RÉFÉRENCES AUX ÉPITRES PAULINIENNES RÉFÉRENCES. AUX ÉPITRES PAULINIENNES 411
Weinel, H., 219, 220. Wiencke, G., 99, ii6, 135. 4 161 19 111, 112, 177-
Weiss, J., 68, 182, 196, 206, 304, Wikenhauser, A., 234- 161
5 178,263
3 62, 367. Windisch, H., 143, 145, 294, 20 239
317• 6-8 170
Wendland, P., 227. Wingren, G., 141. 6 241 21 zo6, 178, 180,
Wetter, G. P., 341, 342. Wrede, W., 397. 7-8 161 239. 240. 38o
7 113 22-23 210
8-11 113 VI 86.247. 252
11-16 171 VI 1-14 240
u sq. 162 2-11 86
12 162,172 2 105,106
13-17 165 3-11 93
RÉFÉRENCES AUX TEXTES
15 117 • 175 3-5 214
DES ÉPITRES PAULINIENNES
I6 b-18 163 3 sq. 251
16 x62, 172, 239 3 103. 237. 247.
(ainsi que du Livre des Actes et de la 1a Petri)
17 - 19 61 249. 250. 252.
17 161 378
Rom. I61 4
19-20 67. 1 03. 355,
I 1 24 6o, 62, 66, 75 369
2
4I8.389 350.375• 5-8 86
1-8 15 3 25 25, 26, 86, 1o5 5 27, 69, 87
1 '4 157 II 1-16 388 6 Io5, 1o6, 212
V-VI 239-241
363,378 12-15 175 7 1o6, 112
V Ill, 182, 187
2- 6I3,
8 27, 69, 87, 1o6
211,281
1 11 0 , 380
3 4• 1 5-16
4 389 2 110,239 9 369
127-164-364 16 32, 378 1o Io5, 246
12, 18, 65, 69, 3 51
4 25 162
51. 100, 220 11 237, 2 247.
127, 128, 5
222, 26 163,18 z23 48250U, .378
236, 243, 327, 28 sq. 163
III-XII 23 8 611 369 12 212 .
333, 374. 38o 13 sq. 240
5 271 III 9 1o6, 174
8 100, 105,369 239
6 378 14 241 3 1o6, 239
9 sq. 86 14
7 260 - 354,380 20 117 15-23 2 3 1 , 2 40
8 11
354. 378. 388 z1-IV, 25 238239
- 10-21 159, 177180
- 15 239
14-32 18 21-26 1,112,
8 168 16 106
1o-I1 1 10
16 sq. 154 21-22 159 18 106
16 10 69,332,338
15, 16 21 52, 155, 170 380 19-20 Io6
17 240 11
22-26 371 19 230,240
12-21 68
18-20 197 22 378 20 Io6
18 105, 155,
I2 1 1/ , 1 7 8
202, 23-26 114 22 sq. 240
13 178
389 24 sq. 25, 108 22 106, 227
14 178, 179, 182,
1 9 - 23 197,317 24 155. 239. 372. 187, 293 23 220, 247, 380
19-22 155 378: VII 118, 171, 24I
19 sq. 1gz 15 177. 178. 179.
25 g8, Ioa, fo6, 11 3 x86,239 I-6 117
20 121, 198 26 372, 375 16 ' 4 88, 117, 185,
21-23 112,177-179
197 27 sq. a39 213 '
38, 68, 180, 239
21 197, 198, 240 17
29 391 18-19 I8o 5 sq. 117
22 198 IV 161'
18 112, 167, 177, 6 241
23 318 3 160; 17o 178, 240 7-25 118, 174, 210
412 RÉFÉRENCES AUX ÉPITRES PAULINIENNES 41 3
RÉFÉRENCES AUX ÉPITRES PAULINIENNES
I COR.
7 175 23 r30
8-9 175 X 1-3 338
11 117 I 2 sq. 262 6 sq. 155,305
1 16 231, 235, 26o, 6 121,199
14 107, 210 3-8 2
170 261, 352, 372, 7-10 x96
22 183 3 170
23 106 377,379 7 304-389
4 1 70 , 372 52, 75, 78. 119,
24 212 3 354,379
5-7 373 4-7 217 155, 2o6. 327
25-VIII, 11 242 5 170
25 210 4 217.354 9 195
9 20, 21, 6o, 62, 5 130 xo-x6 218,'220
VIII
35 0, 375 6 363-368 10 52, 155
1 252-378 13 261 220
2-4 7 50, 53, 379 11
242 16 285 8 32, 233, 351, 12 205
2 220, 372, 378 XI 8 223
3-4 112, 128, 211, 379 14 194
11 16
9 217, 221, 335, 16 222
333 14 373 x8 222
3 210, 212,213 16 228 354, 379
6 13 97. 103, 252, III 1-3 203
210,212 27 113 210
7 sq. 212 363 1
33 130. 197. 389 17-25 122 6 1 74
8-11 242 36 390
9-11 218 XII 17 97, 363, 367, 11 363,377
1 116, 231
9 220,362 368, 370 13 32
5 372 x8-III, 23194, 195 16 sq. 232
10 212, 220, 242 6 223
11 52, 62, 69, 369 x8 154, 193 16 218,220
12 50 121, 195 18-23
1 4-1 7 167 19 19 194
353 20 155, 195. 198 19 195
15 145, 167, 218, XII, 11-14 4 8, 53 21 18, 155, 170, 20 195, 198
241, 336, 338 11 16, 51 192, 196, 198 22-23 go
17 69. 98, 335 14 212 23 362
18-39 51 XIV 9 22-24 123-367
26, 47, 76, 369 22 224 IV 1 370
18 5r, 52 -11 286
19-21 52 23 155 6 174
14 145, 376 24 2o6 8-313 53
21 1o8, x67 15 100, 105, 174,
22-27 52 25 155, 203 8 38-71
270,369 26-31 195 9-13 124
22 52 17 220
53, 1o8, 241 26-29 122,201 15 338.377
23 XV 3 142
29 26 z96 17 377
167, 325, 335 5 388 196, 285 V
30 52 27-31 4 350,376
6 355,38o 28-31 151 5 32-78,351
32 100, 332, 338 8 143 30 108, 134, x89, 7-8 123
34 21, 26, 44, 75, r6 116, 232, 370. 115, 369. 373
116, 378 220, 224, 235, 7
378 VI 9-11 231
35-36 124 252, 377
17 370,378 31 122 9 sq. - 76
38-39 8o 19 304, 368 II 1-5 123,201 11 218, 227, 236,
38 9o 20 369
39 220, 38o 388 I sq. 194 239,379
33 12-20 70
1 304
3 3 63,373 XVI x8 75,364 14 62,68
4 sq. 373 20 2 377
51. 53, 78. 376, 15 69,372
5 127, 164, 363, 4 194. 217
388 6-x6 1194 x6-x8 212
389 , 390 25 304. 369, 378
6-8 166 6-13 204 17 214,222,223
27 378
414 RÉFÉRENCES AUX ÉPITRES PAULINIENNES RÉFÉRENCES AUX ÉPITRES PAULINIENNES 415
1g sq. 213, 232, 235 24 sq. 20-28 33.42-46 42-44 64
144
20 107, 213, 233 24 214 20 66 44 -49 181
VII 143 25-27 98 21 sq. 66, 68, 181 45 6r, 213, 215,
5 78 25 sq. 372 21 1 8 6,336 222, 243, 326
6 143 26 104, 214, 349 22 178 46 sq. 326
Io 34. 143, 351 27-32 104 23-28 331 47 182,186
12 34. 143 27 98, 214, 372 23 31, 66 49 68, x67, 325
14 228 XII I-3 24-28 297 50 210
254, 269
1.5 351 2 78, 318 24 42. 43. 78. 143. 51 - 57 42-46
Ig 163, 175 20, 217, 218, 350 199. 331. 355 51-52 42
3
22 362 25 75 51 34
375
23 107 4.-6 218, 242, 26 44,296 54- 57 44
254.
25 34, 143 357 27 sq. 331 57 379
29 - 31 49, 53 4 217 27 186
34 231 5 254 28 42. 43. 331 XVI 22 51.349
VIII 1 389 217 31 38o 23 376
7
5 sq. 356 8 217 40 186 24 377
5 317, 318 9 217
6 202, 315, 316, II 217
II Colt.
336, 339, 353, 12 237, 253-255,
355,379 13 98, 185, 214,
11-13 Ioo 222, 249, 250, I 1 370 17 220, 221
I1-I2 270 252 2 354. 380 18 67. 75, 220, 327
11 105, 369 3-6 51 IV 4 75,327, 363, 368
27 372
IX I 59, 66, 75, 350, 28-29 271 3 162, 354. 355. 5 21-369,375
35 1 , 375 XIII 99,284 380,390 7-10 124
II 210 8 sq. 5 89.98.369 7 137
53
12 363. 368 12 7 x6 Io-I2 89
327
14 144 XIV 32 223 14 32. 50. 75. 351. 10-II 124
15 293 33, 388 375 10 98,220, 245, 375
21 372 XV Ig-2o 334 II 246
17, 29, 43, 6o,
X 1-1I 260 19 377 12 245
65, 68, 96, 159,
2 252 21 sq. 2x8 14 51, 62, 66, 75.
212
3-5 104 I-II 21 374,385 350- 375
95
4 363, 373 1-7 6o 22 53.223. 241 1,5 124,380
11 51 I II il 78 16 x83
21
16-21 104 2 I2 363,368 17 52
21, 372
16 98, 363 I5 370 18 52
3-8 21,58
20 77, 115, 199, 2 4- 1 40 III 3 370 V 1-19 70
3 -7
389 21, 25 4-V, 10 52 2 52
3-5
¢6 320 4-6 137 4 212
3 sq- 61,62
XL 1 142 6 218, 220 5 53
3 369
7 291, 292, 5-8 7-18 70 12 sq. 137
325. 25
326 8 II 8 220 14 - 15 137
18 291 II 12-18 271 14 105, 263
21
23-25 96 12-23 I4-18 218 x6 137, 205, 211
369
23 140, 144. 1 5-1 7 169 - 17 220, 252, 372
351, 12 21, 47, 369
221 18-19 110
37 2 , 376 15 62 16
4i6 RÉFÉRENCES AUX ÉPITRES PAULINIENNES RÉFÉRENCES AUX ÉPITRES PAULINIENNES 417
18 137 Io 31 23 117, z66,174 21-31 166,169
19 110, 113, 392 14 368 24 11 7,174 21 107, 16g
21 128,140,239 XI 1-6 263 26-27 252. 23 164
VI 2 16 2 sq. 262, 266 26 I65, 251. 372, 24-25 117
4-10 124 2 231 377 29 178,210
14 239,38o 4 375 27 Sq. 372 31 118
15 78 7 295 27 237, 247, 249. `. 1 107
16 218, 219 23 370 250, 25i, 252
18 38o 14 78 28 252. 377 2-6 371
6 163, 377
VII 6 sq. 31 21 355 IV
124 117 14 z 210
10 16 23-29 1 -3 16-25 3o
VIII 9 130, 133, 140, 38 9, 390
XII r6 sq. 212
280,292,380 31 2 sq 3 3 8, 232, 332
16 212
21 388 4 r32, 140, 174,
II I78 29 212
XIII 218 320
IX 3 293 21 76
26, 89 5 138
3 368 4
5 22 0- 377 6 24 sq. 241
145, 218, 335,
X 8 13 2x8, 221, 357 24 377
175 336, 338
7 166, 335 VI 2 145, 363
GAL. 8-11 198 8 210
8 317,389 Io 49, 51, 53
1 2-3 217 13 210 12 377
355-363
3 354 2 241 14 377 15 163
4 ZOO 3-5 161 21-32 163 17 375
5 390 5 47
304 6 sq. x63
7 363, 368 6 16o, 170
EPH.
12 377 8-14 164
15 sq. 11, 59, 330 8 164 1 1 370 21 80,286
15 219 10 170 22 sq. 322
x6 11 354
11 170 3_ 14 30 6 23 320.321
1g 351 12 170, 171
11 3 355,390 11 1-10 308
4 220 13 22, 23, 107, 118,
4 233.306 2 77
14 292 129, x65, 213,
6 307,338 3 212
1 5-17 371 369 7 98,108,109, 113, 5 sq. 27,88
15 sq. 159 14-29 165
115. 307 5 87,363
15 227 14 219,377 9-10 318 8 87
16 377 I5-I8 117, 172
9 305 10 184
18-20 118 15 172 10 319, 320, 322 11-21 308
18 1I8, 244 x6 164, 172,373 12 307 12 50,317
1y sq. 88,240 1g sq. 173
19 13 16, 304 13 98, 110
117,244 19 174 14 53.108, 307 14-18 184
20 xoo, 116, 220, 21 173
27-23 307 14 Sq• 119
2 44 , 2 45-332 22 173, 372, 377, 17 162, 223, 355
21 15 184,213
2 45,379 378 20-23 44 ' 16 110, Ili, 1I5,
!11 252 23-IV, 7 166 20-21 79 185,213
2-5 210 23-25 273 20 21, 44, 61, 75 27 307
Théologie de saint Paul. 2r.
•!aaa ln!ss Op x$o!OKj

sri Oz SzI 'III 'OII zz-Iz 90S'ggz'g68-882 Sbz IV


£Zb 61 Io£ Ez-Iz 'I8z '6LZ , ' SZI II-9 I6z 'bs iz
ZL£'£g£'III LI £IZ £gZ s b&I Oz
£Iz '6L SI 'Szi 'III '86 , 6Z oz zbi •bs S tri zz-oz
SZI 'Loi ti Sil zz-oz b££ '£6Z 'Lgz zzz 'OZZ 61
£iz'£il £i Iz£ 'oz£ ' b£i 61 'SSZ '£RZ '6ZI iI-S 6g£ Si
gil fi -£i SZI SI Lgz 'bgz ' £gz £ 69£ '£gz Il
611 «1111 SI-£i 6££ Li £8z z 69£
iz'SZI'£oi'Le zr 6££'6I£'gi£'6Z 91 £gz 'zzz i II '£9£ 'z6z '£gz Si
Le - bc zi 9££ 'Lz£ 'zz£ SI bzi 'z£ oi
riz ii Lg£ '6££ -bc Si £gz o£ 64 Ii-6
iz£ '6L oi S££ '66z I6z'bsZ 6z 98Z L
iz£ 'oz£ 'b£i 6 'TOP-888 '6Lz oz-SI gg£ '£8Z Lz bzi 'z£ 9
60£ SI-6 Szi'£II «Soi I£ '9i gz bo£ S
go£ SI-9 g££ i6z bz gg£ £
ZL£ S '9££ '£bi 'og 'gz £i Sbz £Z b5£ z
So£ z II S££ -bs £i
'ztxd
66z 'z9z 'Szi zi
b0£ 'SZI LZ • LO£ £z-z I
SO£ -bc 93 Iz£ 6 z9z I£-SZ Iz£ 'oz£ £I
oz£ 6z-Sz £g£ L bo£ 61 zL£ zi
zi£ 'sri '68 bz Sri S gb Si-Fi Zzz 11
Szi £z zL£ 6L zi IZ£ oi
££z zz *S£ z 61 il go£ 91-L
£0£ iz oL£ i gb OZ-01 9££ g
81 z IA LS£ S
' z00 I8z z£ biz -F AI
981 '£gi -bc I£ o6£ it
z£z 9z iz£ 'oz£ 61
ozz 61 !'ST 9 £gz 'S£z -bc gz zi£ Ri
ozz oI £9i £ ooi Sz VL£ '£g£ LI
gg£ 6 ozz i III S£z -bc 6z £81 LI-91
ozz L z£z Lz-Sz 9U -Fi
gii 9 9L£ 61 £gz ft-zz £0£ 61-bi
bzI S bzI 'Iâ 'z£ gI go£ 61 011 zÎ
ozz b gzz SI Iz£ si ZL£ - bc ii
£S 'IS •bs 16Z £i £9£ bI So£ 'bs 6
61, 6-b I£ 'gi zi S££ ' zgz '9L S 69£
AI 8
£iz ' ni iz o5£ 'SL 'Iz II ibl'Sii 1 00 1 71 11£ 11-8
16Z 'bzi 96Z 'ggz oi IbI I }O£ 9
`oÇ '££ 'iz 'g1 oz SL£ 'SS£ 'L6z 001 z-I A il£ 9-S
SSZ iz-LI '98Z 'bgz 'Ig 6 £il Z£ 69£ 'II£ 'SO£
Szi oz-bi LS£'9gz II-6 601 o£ SO£ - bc £
69 oI bgz 'ibi '6zi g bSI fz-zz II£ I
Szi 'g6 '06 -bc oz g££'bgz'6zi L SL£ it go£ £I-I
ZL£ 'bgi 6 Lgz -bc L 861 61-11 01£ 61-1 III
Soz g 6gz S£z gi S8z 'z£z - bc iz
IS ii-g 'Lgz 'ggz 'bgz 9 bz£ 9i-Si g££'Sgi Si

6zi, sHNKZIKI xava saxllav xav saoxaup" SaNNHINIZ11Vd Sd?LLIda Xlly Sa~A~N 3~?I 9IV
420 RÉFERENCES AUX ÉPITRES PAULINIENNES RÉFARENCES AUX ÉPITRES PAULINIENNES 421
111 1 21, 44, 61, 75. 325 8 39.368.375 4 318.389
125 10 184 9 39, 293 5 40
3 sq. 87. 88. 123, 125, 11 162 10 32. 39, 331 8 31, 39, 41. 45
246 13 ir3 II sq. 229 9 31 . 41
4 31, 75 16 3o6 11 49 10-12 41
5 198 24 75 12 354.368.376 13 37 9 230, 234
9 sq. 125, 184, 185, IV 3 305.369 11 41 14
1-12 33 16 354, 355, 379
1 THESs.
1 39, 351, 379 111 1 34
1 1 262, 3 6 3-379 2 2 32, 217, 351 5 63
351. 376
3 5 0, 5 1 - 351,354, 3-8 227 3-12 38-42 6 79
379 3 sq. 229 3 41
5 217 3 234
6 142, 217, 351 4 234
8 34 1 Tint.
5 317
9 sq. 47 7 sq. 230
9 sq. 234 1 11 90
3173 IV 1 77
17,120, 262,270, 7
17 V 11 363
329 8 218, 219, 223 11 15 186 14 163
9 317 13-18 29, 33-38, 51 111 13 372 VI 3 146
10 19. 59, 62. 66, 13 50
16 211. 279. 281- 13 36
355, 375, 388 14-18 30
1I 282 14 31
7 370 14 20, 25, 47, 86,
II sq. 49 60, 66, 97, 102,
11 338 11 Tim.
240.375
12 229 15-18 33 I 1o 31 III 15 372
15 34. 144. 351 IV
14i6 13 372 1 19,31
370121 16 75. 350 18 32 8 31, 32
14 376 17 34, 36, 351 II 20 I62 18 76,390
15 25, 62, 97, 140, 18 38
351, 375 V 2 32, 351
19 30, 50, 75, 2X7, 4-8 48 TIT. PHILEM.
36i8, 375 sq . 32
111 11 13 31, 67 4 388
2 5 32
11 354, 376 8 48
12 sq. 49 9 sq. 240 II3ER.
13 3r,75,229,351. 9 16- 379
355-375 10 27, 105 1 1-3 31 VI 6 103
IV 65 18 376 2 131, 335 VIII 1 44
1 sq. 229 19 217 3 44, 281 X 12 44
1 144,376 9 374 RI 23 144
23 3 1 - 49,229,234,
2 sq. 143 13 44, 331 ~II 44
351, 379, 388

II Tiuss, ACT. Ar.


I 379 7-r2 33, 38-42 I 3 62,98 16 sq. 136
2 354,379 7-10 41 11 34 16-18 53
4 51 7 39, 75.351. 368, 21 sq. 58 20-21 349
6 51 375 II 14-36 22 21 261. 35,2
422 RÉFÉRENCES AUX ÉPITRES PAULINIENNES
CITATIONS DE L'ANCIEN TESTAMENT 423
23-24 22 35 23
23 28 366 3 6s
18, 22, 23.97 IX 14 261
XIX 4 363 17-18 12
33 53,295 20-22 366
XX 35 34 22-23 366
34 sq- 331 20 11-363 XXVI 6-8 10 23 12,98
34 21»44,75 34 363
36 20, 97, 349 X 34-43 22
39 307 39-40 22 I PETR.
41-V. 42 164 39 22
Ig 40 ' 23, 24, 6z, 62 I 3 390 21 98
6-16 357 41 63 7 P 22-24 281
12-26 22 42 18,19 13 31 24 128
13-15 22, 23 XI 20 362 15 sq. 228 III 18-22 298
13 23 26 362 18-21 g1 18 98,2811
14 282 29 18 1g 232 22 44
1,5 62 , 97 XIII II 6-8 264 IV 5 1g
1 139
17 sq' 23. 24 16-41 22, 23 12 32 13 31, 67
18 98 21-25 288 V 1 67
23-24 365
19-21 1g 23 364, 36.5. 366
20 19, 153 26 36,5
22 219
2 9-47 366
25 S1. 153 29-30 22
4 58 29 24
7 3,58 30 62 CITATIONS DE L'ANCIEN TESTAMENT*
8-12 22
33 62. 61
10 22, 62, 97
34 -37 61
11 sq. 1 54 XII, 3 164
37 62 GsN.
11 23 XIII, 15
46-47 365 164,373
I2 358 47 12,286 XV, 5 163
96 XV, 6 160,161
23-30 XIV 15-I7 I8
24-30 23
I5 192 XVII, 5 163
33 58 XXII, 18 164
16 sq. 198
30 22, 23, 62
16 121 Lav. XVIII, 5 171
31 20,295
53 XV DRUT. XVIII, 15 219
32 26 379 V'V' I , z2 23
42 363 XVII 2-3 366
Ps. II, I sq. 96
1 137 3 9g 7 12,61.340
2 137 7 36 364 VIII, 7 44.75.331
5 363 63 22 - 31 18 XXXII, 1 sq. 16z
7 3 23 - 1g1 I5
7
52 97,282 23 191 L-•
LXVIII , 1g 308
55 sq. 330 26 18 CX, 1 . 44, 6I. 75. 331, 340. 352
55 2459,75 27 198 Is. XI, 4 39
56 44 30-31 18 XXVIII, 16 353
59 349 30 198 XLII, I 2
VIII 5 363 31 18, 121. 2z sq. 2 ,286, 2g5
XLV,
10 206 32 63 XLIX, 286,295
7
30-35 3- 34 121
32 sq. 294 XVIII 5 366 *Nous indiquons ici les textes plus importants visant la- Christologie.
424 INDEX ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES INDEX ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES 425
LIII, 22-23, 44, 61, 97- 98. 104-105, 129, 284-288- Couronne, So. Fils de Dieu, 311-12 ; z66; 329-343
365-366 Création, 42 ; 52 ; 101 ; 185 ; 202 ; 385-
LVII, 19 111, 307 238: 255-257: 300: 316 ; 322- Fils de l'Homme, 54 ; 294 ; 330 ;
JosL III, 5 260-261, 352-353 323 326-328 ; 335: 339. 332 ; 337 ; 347-
JON. II, r 61 Croix (discours de la), 99 ; 120- Foi, 57-58 ; 60 ; 102 ; 172 ; 269-
124 ; 193-194 ; 203- Voir : Mort 270.
HAB. II, 4 170
du Christ. Foi d'Abraham, 160-161 ; 370-372.
Culte, 23 1-2 33; 267-269; 279; 305- Frère du Seigneur, 351.
308 ; 346-
Gentils, 311-312 ; 316. Voir: Paga-
nisme.
Démons, 77 ; 80 ; 109 ; 227. Voir Gloire, 51-53 ; 66-67 ; 70 ; 75 ; 327-
Puissances.
Gnose, 320 ; 326 ; 328 ; 395-397•
INDEX ALPHABÉTIQUE DES MATIÉRES Dieu (le Père), 336 ; 354-355-
Grâce, 238-241.
Discours du Livre des Actes, 22 ;
Grecs, 189.
61 ; 153-154-
Abraham, 3100 ; 117 ; 160-169 Discours de propagande, 17-19
Cène, 36; 96; 103 - 104; 214; 267- Hérésie de Colosses, 78-80 ; 328.
120-121 ; 154-156 ; 191-193
261 ; 332. 268 ; 314. Héritage, 165-r66 ; 338.
198-199 329.
Achat, 107-110. Voir : Rédemp- Chair, 212. Voir : Corps. Homme (vieil), 183-187.
Disciples, 137.
tion. Chair-Esprit, tog-215. Homme céleste, r82 ; 186-187 ;
Divinisation, 132 - 133-
Adam (nouvel), 57 ; 71 ; 167 ; Charismes, 215-217 ; 241; 268-269; 257 ; 266 ; 325-326 ; 396-397•
176-187 ; 261-263. 271-272 ; 309-310 ; 312-314- Voir : Adam ; Anthropos.
Actions de grâces, 306-307 ; 347- Charité, 99-loi ; 145 ; 270 ; 332 ; Échange, 132. Homme primitif, universel. Voir
Adonai, 352 ; 356• 338• Écritures, 22-24 ; 39 ; 6o-61 ; 169- Anthropos.
Allégorie, 163; z6j ; 169. Christ (nom ; nom propre), 362- 171 ; 193-196 ; 219 ; 263 ; 270- Hymnes, 279-301 ; 306.
Ancien Testament. Voir : Écriture. 374- 271 : 307 - 308: 326 ; 331-332 ; Humanité du Christ, 14 0-1 4 1 -
Anges, 82. Voir : Puissances. Christ selon la chair, 127-130- 339-341 ; 352-354 ; 366 ; 372-
Anticipation, 52-55 ; 69. Christ selon l'Esprit, 209-236. 373 ; 394- Image de Dieu, 324-328 ; 386-387.
Antéchrist, 39-42 ; 45-46: 81- Christ et sagesse, 206-207. Église, 76-77 ; 81-82 ; 233 ; 250 Imitation, 97 ; 100 ; 1 4 1-1 4 2; 283;
Anthropos, 71 ; 135 ; 176 ; 182 ; Christ-substance, 243-255- 254 ; 259-272'; 321-322. 287.
186-187 ; 257 ; 266 ; 396-397- Christianisme primitif, 18-24 ; 58 ; Elohim, 356. Incarnation, 127-146 ; 319.
Voir : Adam ; Homme. 76 ; 96 ; 331-332 ; 337-338 ; Éon nouveau, 323. Voir : Siècle Intronisation royale, 396-397.
Antithèse, 22-24 ; 26-27 ; 85 ; 89 ; 348-349- Voir : Communauté présent.
primitive. Épiphanie, 31. Jésus, 374 ; 381-
90-91 ; 123 : 125 ; 127-130 ; Circoncision, 161-164 ; 172. Épouse du Christ, 263. Jésus-Christ et Christ-Jésus, 376-
177 ; 180 ; 183 ; 210-212 ;
Colère, 175-176. Eschatologie, 43 - 44 ; 46 ; 54-55 379-
224 ; 280-281 ; 298 ; 325 ;
Communauté messianique, 54-55 ; 66 ; 151 ; 230 ; 365. Jour du Seigneur, 32.
333-334 ; 354- 260. Espérance, 49-53 ; 270- Joyeuse entrée, 35-37 ; 348.
Apocalyptique, 31 ; 34 ; 39 Communauté primitive, 57 ; 60- Esprit, 215 ; 222-223. Judaïsants, 171 ; 182 ; 370-371-
46. Voir : &1r0xaÂv=w. 61 ; 113 ; 135: 142 ; 259-260 ; Esprit-Saint, 52-53 ; Iraq ; 205 ; judaïsme, 159-160 ; 189 ; 193 ;
Apostasie, 39-40. 337 ; 374-375: 392 -394 20-222 ; 241-242 338 ; 357. 226; 228 ; 270-271 ; 318 ; 339-
Ap6tres (Apostolat), 137-138 ; Confession de foi, 33 ; 147 ; 350• Essénisme, 226. 341 ; 394-395-
271 : 311 ; 370• Construction céleste, 264. Évangile - ( message apostolique), Judaïsme alexandrin, 18 ; 326.
Controverses, 99 ; 370-37=- 157 ; 304 ; 370- Judaïsme apocalyptique, 78.
Corps. 63-65 ; z8i ; 185-186. Évangiles, 146 ; 349- Judaïsme hellénistique, 339 ; 387-
Bapt6me. 92-93 ; 96 ; 10e-3103 Corps du Christ, 212-213 ; 250 ; Judaïsme rabbinique, 356 ; 384-
Exégèse. Voir : Écritures.
214 ; 247-252 ; 267-268. Judaïsme syncrétiste, 120. Voir
253-254 ; 262-263 ;'264-266 Exhortations, 47-49 ; 53-
Bénédictions, 3164-165. 320-322. Expiation, 112-116. Hérésie de Colosses. .
426 INDEX ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES INDEX ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES 427
jugement, 19 ; 37-38 ; 41 ; 46 ; Paganisme, 8r ; 119 ; 197-198 Résurrection des morts, 34 ; 42- Stofcisme, 395•
52. 202 ; 227-228 ; 317-318- 43;57;x-69;71;87;181; Symbole, 2r ; 60 ; 92 ; 96 ; 319-
Juifs, 170-171 ; 211. Paix, ixo-iii. 323- 324- Voir : Confession de foi.
justice (justification) 111-112 ; Palme, 36. Revêtir, 165 ; 1184 ; 252-253. Symbolisme, 248 ; 252.
118-119'; 159-188 ; 233-234 ; Parabole (mystère), z3z ; 3zo. Richesses, 130; 281 ; 321.
238-239 ; 241-242 ; 281-282 ; Paraboles évangéliques, 48 ; 73• Royaume de Dieu, 73, 75, 151 ; Témoignage, 22 ; 24 ; 57-58 ; 60.
37 0-372. Pardon des péchés, 113. 255.364• Temple, 232 ; 235.
Parole du Seigneur, 33-34 ; 143- Royauté du Christ, 348.
Testament, 172-173.
Kénose, 130. 144- ThOologia naturaBs, 1192 - 197-,
Kérygme, 21. Voir: Message. Parousie, 29 ; 65-68 ; 9z -zII ; 120 ; Sacrifice, 113-116 -
201-202.
217 ; 229 ; 233 ; 329-332 ; 349 ; Sainteté, 225-236.
Théologie johannique, 11112 ; z3z ;
350-351 ; 353• Sagesse, 52 ; 122 ; 189-208 ; 218 ;
Libération, zo6-107 ; I Io ; 1118. 310; 314 ; 332 ; 335•
Paternité d'Abraham, 161-164, 312-323.
Liberté, 106- 107- Tradition, 24-25 ; 60 ; 95-97; 136 ;
Péché, 105-117 ; 127-129 ; 174- Salut, 15-16 ; 65 ; 153-154-
Liturgie. Voir : Culte. 139•
175 ; 179• Sang. 98 ; 1115.
Loi, 116-rig ; 139 ; 144-145 ; 159 ; Tribulations, 51 ; 53•
Persécutions, 38-39 ; 51 ; 76 ; 81 ; Sas, 45 ; 77 ; 811. Voir: Démons.
i65-1166 ; 1169-1176 ; 372-373- Trinité, 242 ; 357•
96-97; 121 ; 312. Seigneur, 20 ; 31 ; 33-36 ; 65 ; 75 ; Type, 161 ; 164 ; 176-187 . 353•
Philosophie, 190-201 ; 204-205 ; 130; 140; 327 ; 384-385-
Message, 20-22 ; 47 ; 121 ; 124 ; Troisième jour, 6r.
343• Seigneur Jésus, 375 -376•
153 ; 157 ; 280 ; 304 ; 367-369- Philon d'Alexandrie, 146 ; 192 ; Soigneur(Le)jésus-Christ et Notre-
Messie, 54 ; 337 ; 339-340 ; 355- 226 ; 356 ; 364-365 ; 384 , 387- Seigneur Jésus-Christ, 379-380. Vie, 239-2411.
356 ; 364-366- PlérOme, 134 ; 185 ; 300 ; 320-322• Serviteur de Dieu, 57 ; 283-298. Vie (dans le Christ, etc. ») 7o ; 230-
Messianiques (temps), 121. Préexistence, 373 -374- Siècle présent et siècle futur, 53- 231 ; 237-258 ; 372•
Miracles, 131. Voir : Charismes. Prémices des morts, 66. Vision de Damas, 10-12 ; 58-59 ;
55 ; 74•
Mission du Fils de Dieu, 332-335- Prière, 307 ; 312. Souverains (culte des), 341 -342 ; 330-331 ; 337 ; 355 ; 365 ; 394•
M0190, 261 ; 353• Voir : Loi. Primauté du Christ, 322-324. Visions du Christ ressuscité, 58-59.
346 ; 395-
Monde, 74 ; 324• Promesse, 165-167.
Monde (unité du), 315-318. Prophètes, 176 ; 2118-2ig ; 22s
Mort, 44 ; i 18. 3rz.
Mort du Christ, 95-125. Prophètes paiens, 342-343.
Mort et résurrection, 85-93 ; 140 ; Psychologie, 175.
161 ; 181 ; 213. Puissances. 44- 46 ; 77-83 ; 109 Ouata, 115.
Mystère, 74 ; 151 ; 281-282 ; 303- èydm1. Voir : charité.
111;119-120;1199;282;310 dytOC, 226-227 ; 231.
314 ; 315-328. 312 ; 3 1 7 ; 322; 324. &pApTgl&a• rob. t?wta%-4 Ptov, 114-115.
Mystères (paiens), 92 ; 395• dpama, 24-25 ; 105.
Mystique, 156-157 ; 243-255 ; 397• Rachat, 107-109 ; zz8. Voir &v ( Mp t. 62. xevdm, 129.
Mythe, 207. Rédemption. 8aÀ vTgatÇ, 36-37 ; 351-
Mythe gnostique, 119-120. XUPMdm, 76.
Récapitulation, 3i8-3ig. dtsoxaÀd=w, I1 ; 31 ; 59 ; 330-
Mythologie, 341. xdptoc, Voir : Seigneur.
Rédemption, 107-110 ; 124-125 ; daroxaTata2d:aam, 1Io.
177• dip:atÇ, 113-
Nom, 356-358. ILOPwj, 206; e90-291 ; 386•392-
Règles du Seigneur, 143,
Nom du Christ, 142 ; 296-297- Règne du Christ, 43 -44 ; 44 ; 73- J~asTtra). 250-252.
Nom divin, , 35z-359• 83 ; 262 ; 364. Wk. 190 ; 1199 ; 205 ; 210 ; 215 .
62. 220.
Nouveau (race nouvelle), 255 - 257- Résurrection, - 62-65. C v'q, z63.
Voir : Création. Résurrection du Christ. 22 ; 42 ; Eacuhpta, zo6-107.
Nouveau Testament, 218. , ; 213 ; uaK Oeoü, 330 ; 340 ; 342- .
57-71 ' 124 ; 133-134 1Rtaxoa-/, 32.
237-238 ; 243 ; 347-3 84,. Voir zaowsmya. zo6.
Obstacle, 40-41- Mort et résurrection: OtdC. 350-357 ; 387-390- 19dPEaW, 113-
428 , INDEX ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES

aapp-l aia, 106. awpa, 98. Voir : corps.


adtax6)» 97-98. awpartx (à c, 321.
ireaofrl ag, 50.
a)1,4pwp.a, 320. talr£tV641, 129.
aveûp.a. Voir : Esprit. -r€lcÇ, 43.
Wveup.aTlx6~, 222-223.
'KPOT6T0x0Ç, 322 ; 336. TABLE DES MATIÈRES
uldç ©eoû, 341- 342.
ûtrâvTIaiç. Voir : dnra m(r tç.
cckpZ. Voir : chair. ûa&pXo), 291-292.

Préliminaires....................................... 7

LIVRE PREMIER
LE CHRIST « ACTEUR » DU SALUT
CHAP. I Thèmes littéraires traditionnels......... 17
§ i Le message primitif ............................. 17
1. L'annonce du jugement du Christ . .......... 17
2. Message du règne du Christ . . . ............. 20
§ 2 La a tradition » sur la mort et la résurrection du
Christ ...................................... 21

CHAP. II La Parousie ............................ 29


§I Description de la Parousie ...................... 29
I. Le terme a parousie » et ses équivalents ....... 2 9,
2. Le scénario de la Parousie .................. 33
A. I Thcss., IV, I3-18 ...................... 33
B. II Thess., 1, 7-12 ; 11, 3-12 ............... 38
C. I Cor., xv, 20-28 ; 51-57 ................. 42
§ 2 Orientation de la vie chrétienne vers la Parousie .... 47
1. Message et confession de foi................. 47
2. Exhortations ............................. 47
3. L'espérance chrétienne..................... 49
§3 Anticipation de la Parousie dans la vie chrétienne ... 52

CHAP. III La Résurrection du Christ . . ............ 57


§ 1 La foi à la Résurrection......................... 57
1. La vision du Christ ressuscité ............... 58
2. La foi de la communauté .................. 6o
3. La Résurrection et les Écritures . . .......... 60
§ 2 Notion de la Résurrection ...................... 62
I. Le vocabulaire primitif ..... . .............. 62
A. a Dieu a ressuscité le Christ des morts » ..... 62
B. a Le Christ est ressuscité » ............... 62
2. Résurrection corporelle et spirituelle ......... 62
TABLE DES MATIÈRES 431
430 TABLE DES MATItRES
C. La mort du Christ et les Puissances cos-
§ 3 Théologie de la Résurrection .................... 65 miques ............................... 119
1. Résurrection et eschatologie . ............... 65
2. La Résurrection du Christ, principe de notre $4 Le discours de la croix ......................... 120
résurrection future......................... 67 §5 Importance de la théologie de la rédemption....... 124
3. L'efficience actuelle de la Résurrection du Christ 69
CHAP. VII L'Incarnation du Christ ............... 127
V Le Règne du Christ .................... 73 §1 Le Christ selon la chair ......................... 127
1 Les épisodes du règne .......................... 1. La théologie paulinienne de l'incarnation ..... 128
73 2. Contrastes avec la théologie subséquente ..... 130
2 Le règne actuel................................ 75 3. Acheminement vers la théologie d'incarnation?. 132
3 Le règne du Christ et les Puissances .............. 77 § 2 La vie mortelle du Christ . ......................
1. L'hostilité des Puissances .................. 135
77 1. Paul théologien ........................... 135
2. Soumission des Puissances au règne du Christ.. 82 2. Le polémiste ............................. 136
3. Paul didascale ............................ 139
CHAP. V Mort et Résurrection .................. 85 A. Mort et résurrection du Christ............ 140
§ 1 Formules théologiques ......................... 85 B. L'humanité de jésus ................... 140
1. Application à la résurrection future ......... 86 C. L'imitation de jésus .................... 141
2. Application à la vie chrétienne .............. 86 D. Les noms......................... ... 142
3. Application à la liberté vis-à-vis de la Loi..... 88 E. Prédication de jésus ................... 142
4. Application à la vie apostolique ............. 88 F. Les règles du Seigneur .................. 143
§ 2 Portée théologique............................. 90- G. Quelques points de la doctrine............ 144
Synthèse ..................................... 147
CHAP. I La mort du Christ . .................... 95
1 Le développement de la théologie de la croix ...... 95 LIVRE II
1. Contacts avec la tradition primitive ....... 95
A. Lieux littéraires ....................... 95 LE DON DU CHRIST
10 La tradition sur la mort du Christ ..... 95
20 La célébration de la Cène ; le baptême . 96 CHAP. I Thèmes littéraires .................... 153
30 A propos des persécutions ............ 96 §1 justice de Dieu et Sagesse de Dieu ............... 153
B. Le vocabulaire ......................... 97 § 2 Formules « mystiques » ......................... 156
2. Occasions du développement paulinien ....... 98 $3 Message du Christ « spirituel » ................... 57
§ 2 La « charité » de Dieu et du Christ . .............. 99
3 3 .L'efficience de la mort du Christ ................. for CHAP. II Le Christ, notre justice ............... 159
1. Efficience ontologique ..................... zoz §1 La justice d'Abraham et le Christ ................ 160
2. Effets particuliers et efficacité correspondante.. 104 1. La foi d'Abraham ......................... 160
A. La mort du Christ et le péché ........... 105 2. La paternité d'Abraham.................... 161
10 La mort du Christ supprime l'état de 3. Les bénédictions .......................... 164
péché .............................. 1o6 4. Promesses et héritage ............ ........... 165
a) Libération ....................... 1o6 5. Fils de Dieu .............................. 166
b) Achat, rachat (rédemption) ........ 107 Synthèse ..................................... r68
2" Réconciliation avec Dieu ............. 110 § -2 La Loi et le Christ .......................... . . . r69 i
3" L'expiation des péchés ............... 112 i. L'Écriture annonce le Christ ................ - 169
a) Le pardon ....................... 113 2. Le rôle de la Loi ........................... 171:
b) Valeur sacrificielle expiatoire de la L'antithèse « typologique » Adam-Christ .......... 176
mort du Christ .................. 113 §3
z. Dans l'épure aux Romains ................ . 177
B. La mort du Christ et la Loi .......... t . . 116
432 TABLE DES MATIÈRES TABLE DES MATIÈRES 433
2. Dans la Première épître aux Corinthiens ..... 181 §3 La race nouvelle et le Christ ......... ........... 255
3. Dans les épîtres de la captivité ............. 183 I. Une nouvelle création . .................... 255
Synthèse ..................................... 187 2. Le Christ collectif ......................... 257
Conclusion .................................... 257
CHAP. III Le Christ, notre sagesse ............... 189
§ i La rencontre avec la philosophie ................. 191 CHAP., VI Le Christ et l'Église ................... 259
§2 La philosophie humaine......................... 193 § i La iïotion d'Église ............................. 259
1. Condamnation de la sagesse humaine ........ 193 1. Église, peuple et communauté du Christ ..... 259
A. L'Écriture condamne la sagesse .......... 193 2. Épouse du Christ et construction céleste ..... 263
B. L'échec de la sagesse ................... 196 3. Corps du Christ ........................... 264
C. Condamnation par l'expérience chrétienne . 201
§2 La vie de l'Église .............................. 266
2. La sagesse humaine et le Christ ............. 201
I. Le Baptême et l'Eucharistie ................ 267
§3 La Sagesse de Dieu............................. 203 2. Les charismes ............................ 268
1. Participation des chrétiens à la Sagesse de Dieu. 203 3. La foi, l'espérance, la charité................ 269
2. La Sagesse chrétienne et le Christ ........... 205 4. La lecture de l'Ancien Testament ........... 270
§3 La constitution de l'Église ......... . . ........... 271
CHAP. I V Le Christ selon l'Esprit ................ 209 Synthèse ..................................... 273
.§ I L'antithèse christologique ...................... 209
I. Application au Christ de l'antithèse c chair-
esprits . .................................
2. L'antithèse et le « corps . du Christ ..........
209
212
T2 LIVRE III

§2 Le Christ e Esprit a............................. 1 LE MYSTÈRE DU CHRIST


215
I. Le Christ et l'Esprit-Saint (personnel) . ...... 216 CHAP. I Les hymnes christologiques . . . ........ 279
2. Le Christ . spirituel s ...................... 222
§ I Les hymnes sur la carrière du Christ.............. 280
§3 Le Christ, notre sanctification ................... 224
1. L'hymne de I Tim., III, 16.................. 281
1. Sainteté ancienne et sainteté nouvelle ....... 225 2. L'hymne au Christ-Serviteur de Dieu (Phil., 11,
A. Notion et vocabulaire .................. 225
1=11).................................. 283
B. L'impureté païenne .................... 227
A. Authenticité paulinienne ................ 283
C. La sainteté du judaïsme . ............... 228
B. La source principale .................... 284
D, La sainteté chrétienne..........,........ 229
C. Analyse exégétique ..................... 288
2. La sainteté et le Christ .................... 234
§2 Hymne sur l'ceuvre du Christ (Col., 1,.15-20)....... 298

CHAP. V - Le Christ, notre Vie ................... 237


CHAP. II La révélation du Mystère du Christ . . .. 303
§1 Grâce (justice), Esprit (sanctification), Vie du Christ. 238
z. Justice et grâce (ROM., III, 21-IV, 25) ........ 238 § I Le milieu littéraire ............................. 303
2. Grâce et Vie (Rom., v-vi) . ................. 239 1G Les hymnes .............................. 306
3. Justice - Vie - Esprit ...................... 241 2() Actions de grâces ......................... 306
§2 La vie du chrétien et le Christ ................... 242 3' Interprétations de l'Ancien Testament ....... 307
1. Le Christ a cause n de la vie chrétienne ....... 242 40 Développements théologiques .............. 308
2. La théorie du Christ-substance .............. 243 §2 Les phases dans la révélation du mystère ......... 310
A. Le Christ vivant en nous................ 244 1. Révélation du mystère aux apôtres .......... 310
B. Vivre dans le Christ ; le baptême au Christ. 246 2. Paul, dispensateur du mystère .............. 3 1,
C. e Le Christ . (le corps du Christ) dans I C, or., 3. La connaissance du mystère par les Gentils ... 312
xII, r2 ................................. 2,53 Conclusion .................................... 3i2,
434 TABLE DES MATIÈRES TABLE DES MATIÈRES 435
CHAP. III L'Exposé du Mystère .................. 325 3. L'usage de XptœT6ç dans les épitres ......... 366
§I L'unité du monde par le Christ . ................. 323 xo Le message et l'apostolat ................ 367
§2 La récapitulation dans le Christ ................. 328 20 Foi, justification, vie ................... 370
30 « Xptos6ç » et l'Ancien Testament ........ 372
§ 3 Le corps du Christ et le plérôme . ................ 320 40 La préexistence du Christ ............... 373
§4 La primauté du Christ ......................... 322 §2 Jésus et le Seigneur jésus ...................... 374
§5 L'image de Dieu ............................... 324 1. Jésus .................................... 374
io L'homme céleste, image de Dieu ........... 325 2. Le Seigneur Jésus ; notre Seigneur jésus ..... 375
20 Le Christ en gloire, image de Dieu .......... 326 376
§3 (Le) Christ jésus; Jésus-Christ ..................
30 Le Christ-image dans la création ........... 327
§4 Le Seigneur Jésus-Christ et Notre Seigneur Jésus-
Christ ...................................... 379
CHAP. IV Fils de Dieu .......................... 329
§ I Les interventions du Fils de Dieu ................ 329 CHAP. VII La christologie paulinienne (synthèse) ... 383
I. A la Parousie . ............................ 329 §I La Divinité du Christ .......................... 383
2. Dansla Passion ........................... 332 1. « Seigneurs ..............................
3. La première « mission s .................... 332 384
2. Fils de Dieu .............................. 385
4. Dans la création........................... 335
5. Dans notre filiation ....................... 3. ' Ev wop?,~ 9soü .......................... 396
335 4. Image de Dieu ............................ 386
§2 Le Père et le Fils .............................. 336 5. '0 W advTtuv es6ç....................... 387
§3 Les origines de la formule ...................... 337 § 2 La construction théologique..................... 392
1. Héritage chrétien et apports nouveaux ....... 337 I. Le plan de la construction ................. 392
2. Influence de l'Ancien Testament et du judaisme 339 2. Les matériaux ............................ 393
3. Origine païenne ?......... ................. 341 3. L'intuition fondamentale ................... 397
4. Influences de la philosophie................. 343
Conclusion générale................................. 399
CHAP. V Le Seigneur .......................... 345
§I Avant saint Paul .............................. 346
i. La théorie de Bousset ..................... 346
2. Kyrios dans le christianisme primitif ........ 348
2 Le legs de la communauté primitive à saint Paul.... 350
I. Kyrios jésus ............................. Bibliographie ..................................... 405
350
2. Le titre « Kyrios « et la parousie............. 350 Auteurs modernes ....................... .......... 407
3. Le titre « Kyrios s et jésus dans sa vie mortelle. 351
Références aux textes des épitres pauliniennes, Act., et Il'
§3 Le nom divin ................................. 351
1. Application au Christ des textes de l'Ancien Petri ........................................... 410
Testament ............................ 352 Citations de l'Ancien Testament ....................... 423
2. Dieu notre Père, et le Seigneur Jésus-Christ... 354
3. 9e6ç et Mptoç. .......................... Index alphabétique des matières . ..................... 424
355
4. Le Nom au-dessus de tout nom ............. 357

Christ........................................ 36I
I. « Christ »nom propre ................... .... 362
2. L'idée messianique et Xp cr6ç ....... .... 364
S
COLLECTION LECTIO DIVINA
4. C. Spicq Spiritualité sacerdotale d'après saint Paul.
6. L. Cerfaux Le Christ dans l a théologie de saint Paul.
8. L. Bouyer La Bible et l'Evangile.
11. M. E. Boismard Le Prologue de saint Jean.
12. C. Tresmontant Essai sur la pensée hébraïque.
. 13. J. Steinmann Le prophète Ezéchiel.
14. Ph. Béguerie, J. Leclercq,
J. Steinmann Etudes sur les prophètes d'Israël.
15. A. Brunot Le génie littéraire de saint Paul.
16. J. Steinmann Le livre de Job.
17. L. Cerfaux et J. Combler L'Apocalypse de saint Jean lue aux chrétiens.
19. C. Spicq Vie morale et Trinité sainte selon saint Paul.
ACHEVÉ D'IMPRIMER 20. A. M. Dubarle Le Péché originel dans l'Ecriture.
LE 5 OCTOBRE I()6$ 22. Y. Congar Le mystère du Temple.
PAR OFFSET-AUBIN 23. J. Steinmann Le prophétisme biblique des origines à Osée.
A POITIERS (VIENNE) 24. F. Amiot Les idées maîtresses de saint Paul.
25. E. Beaucamp La Bible et le sens religieux de l'univers.
26. P.-E. Bonnard Le Psautier selon Jérémie.
27. G. M. Behler Les paroles d'adieux du Seigneur.
28. J. Steinmann Le livre de la consolation d'Israël et les Prophètes du
retour de l'exil.
29. C. Spicq Dieu et l'homme selon le Nouveau Testament.
30. M. E. Boismard Quatre hymnes baptismales dans la première Epltre de
Pierre
31. P. Grelot Le couple humain dans l'Ecriture.
32. J. Dupont Le discours de Milet.
33. L. Cerfaux Le chrétien dans la théologie paulinienne.
34. C. Larcher L'actualité chrétienne de l'Ancien Testament d'après le
Nouveau Testament.
35. A.-M. Besnard Le Mystère du Nom.
36. B. Renaud Je suis un Dieu jaloux.
37. L. M. Dewailly La jeune église de Thessalonique.
39. L. Legrand La virginité dans la Bible.
40. A. M. Ramsey La gloire de Dieu et la Transfiguration du Christ.
41. G. Baum Les Juifs et l'Evangile.
42. B. Ray Créés dans le Christ Jésus.
43. P. Lamarche Christ vivant.
44. P. B. Bonnard La sagesse en personne annoncée et venue, Jésus-Christ.
45. J. Dupont Etudes sur les Actes des Apôtres.
46. H. Schller Essais sur le Nouveau Testament.
D: L.,4-1968. - Edileur, nO4.572.-- Imprimeur, ni) 47. G. Minette de Tillesse Le secret messianique dans l'Evangile de Marc.
2.o68.
Imprimé en France. 48. Milos Bile Trois prophètes dans un temps de ténèbres.
49. Gilles Gaide Jérusalem voici ton roi.

Vous aimerez peut-être aussi