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Anna VAN DEN KERCHOVE

Laboratoire d'eètudes sur les monotheèismes


UMR 8584

CHRONIQUE: LES ORACLES CHALDAIë QUES,


CINQUANTE ANS APREéS HANS LEWY

Les Oracles chalda|ëques sont souvent citeès mais demeurent,


malgreè les articles qui leur sont consacreès, le parent pauvre des
eètudes sur l'Antiquiteè. Depuis l'importante monographie de
Hans Lewy publieèe en 1956 et reèeèditeèe par M. Tardieu en 1978
º reèeèdition eèpuiseèe depuis plusieurs anneèes º, ils ne furent
l'objet d'aucune nouvelle eètude. A© l'occasion du cinquantieéme
anniversaire de la publication de cet ouvrage fondamental, les
professeurs Helmut Seng (Universiteè de Constance) et Michel
Tardieu (Colleége de France) ont organiseè le premier colloque
international consacreè aé ces textes : û Die Chaldaeischen Ora-
kel : Kontext, Interpretation, Rezeption ý, qui s'est deèrouleè aé
Constance du 15 au 18 novembre 2006. Tout en se voulant un
hommage aé Hans Lewy, il s'agissait aé la fois de donner un eètat
des lieux de la recherche sur les Oracles chalda|ëques et de mettre
en Ýuvre une dynamique heuristique sur ces textes. Reèunissant
des chercheurs allemands, franc°ais, italiens et ameèricains, le col-
loque preèsenta dix-huit contributions couvrant une large
peèriode, depuis l'eèpoque de reèdaction des Oracles chalda|ëques
jusqu'aé leur reèception moderne.
Dans un premier temps, les participants se sont attacheès aé
replacer les Oracles chalda|ëques dans leur contexte historique,
culturel et religieux. Le titre meême sous lequel cette collection
de vers est connue depuis l'Antiquiteè est significatif et suscita
beaucoup d'interrogations, notamment l'adjectif û chalda|ë-
que ý. Ce terme est au cÝur des preèoccupations d'I. Tanaseanu-
Do«bler (Bayreuth), qui, en posant la question du chaldeèen
comme sage ou charlatan, dresse un tableau de l'image des chal-
deèens dans la litteèrature greèco-romaine d'eèpoque impeèriale. A.
Wintjes et Fr. Graf s'inteèressent, quant aé eux, aé l'arrieére-plan
historique de l'emploi du terme û oracle ý. A. Wintjes l'eètudie
chez Porphyre, en particulier la manieére dont les oracles s'inteé-
grent dans l'Ýuvre du philosophe. Fr. Graf se tourne vers une
autre collection importante d'oracles, plus tardive, celle de la
Theèosophie de Tu«bingen, et il reprend la question de la cateègorie

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des û oracles theèologiques ý et de la theése d'un changement


dans la pratique oraculaire.
Une lecture attentive des Oracles chalda|ëques permet de repeè-
rer un certain nombre de pratiques rituelles tout aé fait speècifi-
ques, dans un contexte contemporain oué les cultes, qui diffeérent
les uns des autres tout en partageant certaines interrogations
et preèoccupations communes, se multiplient. S. Iles Johnston
reprend des mateèriaux bien connus et les soumet aé un nouveau
questionnement pour eèclairer en quoi consistent les rites teèlesti-
ques, avec l'accent sur l'animation des statues. L. Bergemann
compleéte cette approche en s'inteèressant aé l'incubation et aé la
photagogie chez Jamblique ainsi qu'aux relations aé eètablir avec
les Oracles chalda|ëques. Cependant, si cette collection de vers est
souvent rapprocheèe des eècrits jamblicheèens, elle l'est moins
d'autres corpus eècrits et / ou transmis aé la meême eèpoque. Plu-
sieurs chercheurs ont ouvert divers dossiers en ce sens. M. Zago
s'interroge ainsi sur ce qu'il en est de l'usage linguistique des
û noms barbares ý dans les Papyrus Magiques Grecs et les Ora-
cles chalda|ëques, tandis qu'A. Van den Kerchove compare le
mode de reèveèlation chez ces derniers et dans le traiteè attribueè aé
Hermeés Trismeègiste, Corpus hermeticum I. L. Soares revient sur
la question des liens eèventuels entre les Oracles et Plotin aé partir
de l'eètude de l'emploi du terme amphistomos aé la fois dans les
Oracles chalda|ëques et le contexte poleèmique antignostique du
traiteè 32 de Plotin. Ce parcours s'acheéve avec J.-D. Dubois qui
reprend la question deèjaé souleveèe par M. Tardieu des rapproche-
ments entre les Oracles et les valentiniens. Il aborde cette ques-
tion par le biais de la forme de la matieére dans la deèmiurgie.
Dans un deuxieéme temps, les chercheurs se sont inteèresseès aé
un aspect particulier des Oracles chalda|ëques, tout d'abord en
relation avec des deèbats actuels. En dehors du titre, la question
de l'auteur (ou des auteurs) est sujette aé deèbat, et P. Athanas-
siadi revient sur la figure de Julien le Theèurge. Elle se demande
s'il s'agit d'une figure historique ou d'un mythe, et sa reèponse
est : les deux, selon des modaliteès diffeèrentes. G. Sfameni Gas-
parro part de cette collection pour revenir sur la cateègorie histo-
rico-religieuse treés deèbattue du û monotheèisme pa|ëen ý. Ensuite,
les chercheurs en viennent aé l'exeègeése de vocables ou de theémes
chalda|ëques. H. Seng propose une interpreètation d'un terme
chalda|ëque, amphiphaeés, et Ph. Hoffmann s'interroge sur la
triade chalda|ëque Eèroês º Aleétheia º Pistis, reprise et adapteèe
ulteèrieurement par plusieurs neèoplatoniciens. Enfin, M. Tardieu
commente l'oracle de la pierre Mnizouris et en donne une nou-
velle interpreètation.

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les oracles chalda|ë ques 311

La reèception des oracles ne se limite pas aux neèoplatoniciens


grecs. Ainsi, furent-ils eègalement connusch dans l'Occident
latin, comme en teèmoigne Martianus Capella, eètudieè par Ch.
Tommasi Moreschini. Cette posteèriteè ne s'est pas non plus arreê-
teèe avec la fin de l'Antiquiteè, puisque ces vers ont reègulieérement
inteèresseè les savants posteèrieurs. L. Hoffmann analyse ainsi la
manieére dont ils ont eèteè rec°us aé l'eèpoque byzantine. Ce voyage
dans le temps se poursuit avec Cl. Moreschini qui eètudie la
reèception de cette collection aé la Renaissance et se cloêt avec
l'eètude de D. Susanetti sur les poeétes Ezra Pound et William
Butler Yeats.

Toutes les questions abordeèes sont au cÝur de deèbats non


reèsolus aé l'heure actuelle mais auxquels les chercheurs partici-
pant au colloque apportent leur contribution, dont les conclu-
sions parfois divergentes reèveélent la vitaliteè de la recherche sur
cette collection de vers. Ces chercheurs posent de nouvelles
questions et mettent sur le devant de la sceéne d'autres corpus
qui sont treés peu mis en relation avec les Oracles chalda|ëques et
qui permettraient pourtant de les eèclairer un peu plus, graêce aé
une meilleure compreèhension du contexte dans lequel ils ont eèteè
eècrits et des interactions culturelles. Ce colloque montre
l'ampleur du travail qu'il reste aé mener, la richesse et l'impor-
tance de cette collection. Il devrait ainsi preèluder aé une renais-
sance des eètudes sur les Oracles chalda|ëques, avec, en premier
lieu, un veèritable travail eèditorial, afin de donner une nouvelle
eèdition des fragments qu'il faudrait classer selon leur prove-
nance et publier en incluant le contexte dans lequel chaque ora-
cle a eèteè citeè.

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