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Décembre 2011
Directeurs de mémoire
Jean-François Blassel
Guillemette Morel-Journel
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Un nouveau chapitre dans l’œuvre
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de Toyo Ito
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Induire la nature dans la forme ire
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Joan Sidawy
Mémoire de master
Matières à penser
Décembre 2011
Directeurs de mémoire
Jean-François Blassel
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Guillemette Morel-Journel
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Introduction 5
Préalable 7
Influences 7
Premières oeuvres 11
Le tournant de Sendai 11
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1. Le projet comme milieu 13
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1.1 La symbiose avec la nature, une nature "spontanée" et opulente 13
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1.2 La métaphore du jardin 14
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1.3 La quête d'un espace fluide, une architecture comme séquence spatiale 15
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1.4 L'architecture comme intérieur, l'espace souterrain 17
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1.5 Une conception japonaise de l'espace, espace en mouvement 19
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1.6 Une dissolution des limites entre dedans et dehors, blurring 25
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architecture
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1.7 La densité de l’espace to 25
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2. Le projet comme corps 29
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Conclusion 47
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Références bibliographiques 49
Introduction
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Aujourd’hui, l’enjeu de la soutenabilité replace le thème de la nature au cœur du
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débat architectural.
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Depuis ses débuts, l’architecte japonais Toyo Ito construit son discours autour de
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métaphores naturelles telles que le jardin de lumière, le jardin des vents et le
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jardin des puces électroniques. Ce recours à l’image du jardin exprime l’aspiration
to
à une architecture malléable et perméable à son environnement mais qui reste
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plus récentes. Cette période voit Toyo Ito accéder à des commandes de plus en
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plus importantes en même temps qu’il développe une nouvelle liberté formelle
d’inspiration naturaliste. L’influence de la nature dans ces derniers projets se
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décline sous plusieurs formes : dans la conception des structures, dans la relation
des bâtiments à leur milieu, dans la perception corporelle qu’ils proposent aux
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usagers.
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Dans quelle mesure s’inscrit-il dans une continuité avec la culture japonaise de la
nature et dans une lignée architecturale nippone ?
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On peut se demander si la nature n’est pas devenue un simple outil pour produire
une forme.
La notion de nature étant toujours une construction culturelle, il s’agit d’étudier le
discours de Toyo Ito mais aussi l’influence de la culture japonaise dans son œuvre,
une culture qui recherche une symbiose avec la nature.
« Je pense que l’espace de la ville contemporaine est encore incapable d’échapper
à la grille moderne. C’est un environnement artificiel, fondamentalement
moderne. Maintenant, on parle de problèmes environnementaux, mais l’espace
n’a pas changé dans l’absolu. L’espace qui contient la fluidité de la nature nous est
nécessaire. Bien que Sendai fût une architecture isolée, ce que je voulais
accomplir c’était un espace libre semblable à la nature. » , Toyo Ito , 2004.
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Kikutake, Isozaki, et d’analyser ses premières œuvres et le tournant de Sendai.
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Ensuite on s’intéressera aux pistes de travail suivantes pour explorer trois volets
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qui semblent se détacher dans son approche projectuelle : la spatialité,
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l’intégration structure-espace et la recherche des règles de génération de la
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nature. On analysera:
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Le projet comme milieu
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Le projet comme corps
Le projet comme processus
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Nous nous concentrerons sur un corpus extrait de cette production :
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- le projet Vestbanen à Oslo : vers un système formel intégrateur, to
cristallographie.
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Une architecture intégrée dans le paysage avec une structure en coque qui
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développe une nouvelle méthode d’analyse structurelle qui conduit à des formes
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architecturales nouvelles.
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intégratrice.
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Il s'agira pour nous d'interroger ces bâtiments dans leur rapport à la nature et
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d'essayer de montrer à travers ces exemples concrets qu'il existe une vision
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TAKI Koji, « A conversation with Toyo Ito », El Croquis, n°123, 2005, p.13.
Préalable
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Influences
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Il est nécessaire de commencer par comprendre le contexte culturel dans lequel
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se développe l’œuvre d’Ito.
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Il admet que ses premières œuvres étaient en continuité avec l’architecture
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moderne.
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contexte local.
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Comme le dit Hans Ulrich Obrist dans Projet Japan: "Au Japon, comme je le vois, il
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jusqu'à Toyo Ito pour qui toute architecture est une extension et un "épiderme"
de la nature, et en avant encore jusqu'à SANAA, puis Junya Ishigami et Sou
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Kiyonori Kikutake
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Toyo Ito travaille de 1965 à 1969 dans l’agence de Kiyonori Kikutake (1928), l’un
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des co-fondateurs du groupe Métaboliste qui se développa dans les années 1960.
Kikutake, en tant que planificateur urbain, conçoit des nouveaux concepts de
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TAKI Koji, « A conversation with Toyo Ito », El Croquis, n°123, 2005, p.8.
KOOLHAAS Rem, OBRIST Hans Ulrich, Project Japan: Metabolism Talks..., Taschen, Cologne,
2011, p.21.
Un nouveau chapitre de l’oeuvre de Toyo Ito · Joan Sidawy
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vital en continuelle transformation et tentèrent de dépasser le concept d’œuvre
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architecturale bien définie en proposant une architecture comme une structure
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«métabolique». Kawazoe, théoricien du groupe, définit l’utilisation de ce terme
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biologique en affirmant que «le dessin et la technologie ne sont rien d’autre
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qu’une extension de la vie humaine».
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De son passage chez Kikutake, Ito retiendra l’imagination constructive, la
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systématisation modulaire et l’idée de croissance organique mais la pensée
urbanistique métaboliste ne déteindra pas sur lui.
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Arata Isozaki to
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Comme l’a décrit Arata Isozaki (1931) pour première fois en 1970, une « hypothèse
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Dans les années 1970, dans ce monde « irrationnel », chaque architecte se crée sa
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du jardin de lumières, elle joue sur sa forme à travers un système modulaire de voûtes
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d'aération d'un centre commercial en créant des artificielle à fin de minimiser son impact. La
effets lumineux qui répondent aux stimulations partie émergente faite de minces voûtes se veut
environnantes. aérienne
Kazuo Shinohara
A partir des années 1950, Kazuo Shinohara (1925-2006) débute une remise en
question des principes fondateurs de l’architecture moderne et du rationalisme. Il
considère l'abstraction à partir de formes traditionnelles.
Selon Shinohara, la conception spatiale japonaise est très différente de celle de
l’espace occidental, c’est un « espace du mouvement » caractérisé par la division
spatiale en des divisions plus petites. Par opposition à l’espace tridimensionnel et
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statique occidental, c’est un espace plein de mouvements et de changements, un
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changement continu tel une promenade sinueuse dans un jardin de pierres.
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Il cherche à revenir sur les fondements de la tradition japonaise basés non plus
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sur son apparence mais sur son sens.
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Son travail se concentre après sur le « Cube » et « l’Espace fissure ». Contrairement
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au Cube utilisé par les Modernistes à connotation de production industrielle, le
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Cube de Shinohara représente l’anti-espace, la neutralité, rythmée par la présence
des « Espaces fissures » caractérisés par fentes de lumières et des ouvertures
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zénithales.
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Les espaces minimalistes et le traitement en blanc des intérieurs de Shinohara
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marqueront fortement Ito.
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Premières Œuvres
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Toyo Ito naît en 1941 à Séoul en Corée. Il obtient son diplôme en 1965 à
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Toyo Ito crée sa propre agence en 1971, URBOT. Il réalise pour commencer
plusieurs maisons dont la maison White U en forme de « U » et renfermée sur elle-
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La tour des vents de 1986 et ses anneaux lumineux prolonge l’idée d’une
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visuelle.
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«La Médiathèque de Sendai est un millefeuille de forêt urbaine.» Toyo Ito, 1995.
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en même temps qu’ils servent à la circulation des flux de personnes, d’air et de
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lumière. Ce volume transparent d’une superficie de 21600m² est un nouveau type
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d’infrastructure culturelle qui regroupe en un seul lieu une médiathèque, une
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galerie d’art, une bibliothèque et un centre d’informations pour les citoyens.
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La médiathèque de Sendai constitue une synthèse des réflexions théoriques d’Ito
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et de sa quête d’un espace fluide tel qu’on pourrait trouver dans un
environnement naturel.
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L’édifice définit un nouveau modèle de médiathèque adapté au XXI siècle par sa
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liberté programmatique. Sa transparence traduit la volonté d’en faire un
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prolongement de l’espace urbain.
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que les murs disparaissent, les colonnes deviennent des tubes de lumière qui
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oscillent dans l’espace, les dalles deviennent de fines plaques et la façade une
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peau qui s’adapte selon l’orientation et les fonctions intérieures. Les trois
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éléments que sont les tubes, les plaques et la peau semblent indépendants les
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Les volumes évidés des tubes constituent un nouveau type qui sera développé
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dans les projets de Vestbanen et de Taichung. Ce type s’insère dans une recherche
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et de la structure.
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1.1La symbiose avec la nature, une nature « spontanée »
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et opulente
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La conception japonaise de la nature est héritée du shintô, religion animiste, la
plus ancienne du Japon. La cosmogonie shintô du type engendrement/devenir ire
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est différente de la cosmogonie judéo-chrétienne et chinoise où tout débute par
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La nature est perçue comme un flux perpétuel qu’il ne faut pas entraver. Comme
le souligne le japonologue allemand Günther Nitschke :
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« Le Japon étant d’une échelle si petite, tout concept humain prononcé d’ordre
constitue proportionnellement à sa dimension et sa force, une interruption aux
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flux de la nature. » 10
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C'est ainsi que la notion de nature au Japon est aussi liée au concept de
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phénomène et du flux.
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BERQUE Augustin, Le sens de l’espace au Japon : vivre, penser, bâtir, Paris, Edition Arguments,
2004, p.19
NUSSAUME Yann, Réflexion sur l’importance du milieu en architecture. Tadao Ando et Shin
Takamatsu face au désordre de la ville japonaise, Thèse de Doctorat, mars 1997.
10 NUSSAUME Yann, Anthologie critique de la théorie architecturale japonaise : le regard du
milieu, Ousia, 2004, p.306. « Ma, le sens japonais du « lieu » », 1966.
14 Un nouveau chapitre de l’oeuvre de Toyo Ito · Joan Sidawy
rapport direct avec le sentiment de la nature, cette réalité première. De ce fait, elle
procède sans doute de l’animisme shintoïque. (…) La réalité, au Japon, n’est qu’un
flux perpétuel : celui du monde historique et phénoménal. »11
Il s’agira de montrer comment Toyo Ito s’inscrit dans cette appréhension
phénoménale du monde, un monde perçu comme flux perpétuel dans lequel
l’architecture se fait tourbillon.
L’ethnologue Araki Hiroyuki évoque la préséance que la culture japonaise accorde
au milieu plutôt qu’à l’individu qui s’y trouve ou – ce qui va de pair – à
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l’abstraction de principes universels.
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« Dans l’architecture japonaise prévaut un mécanisme de pensée qui tient
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consciemment ou inconsciemment à un espace vide, un état suspendu, ou à une
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sorte de tabula rasa dans un système, empêchant ainsi d’établir une histoire et
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une théorie. Ainsi koto dama [l’écriture japonaise] et shizen fonctionnent comme
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un phénomène transcendant dans la culture japonaise.»12
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Face à ce qui semblerait une absence de tradition théorique au Japon, chaque
architecte paraît produire sa propre théorie à partir d’une sorte de tabula rasa.
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Dans le cas de Toyo Ito, il s’agira de voir comment cette vision japonaise de la
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nature vient orienter sa démarche architecturale, comme un thème qui vient
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transcender tous les autres.
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certain champ de notre expérience à fin de structurer un autre champ d’un type
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Isozaki pour première fois en 1970, une « hypothèse imaginaire » a surgi et est
devenue « l’essence de l’édifice, donnant naissance et s’infiltrant dans tous les
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aspects du projet. »
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Ito utilise la métaphore d’une manière complexe et avec des strates multiples,
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Ito écrit sur « l’architecture comme jardin » ou sur « l’architecture comme courant
d’eau » et aussi comme « architecture aurale », c’est-à-dire, une architecture
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comme son. En décrivant ses œuvres, Ito utilise souvent des analogies. C'est la
métaphore du jardin qui semble le mieux synthétiser son architecture.
Il dit : « J’ai toujours considéré mon architecture comme un jardin », à prendre non
dans un sens littéral, comme forme, mais en tant que métaphore suggestive, qui
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« L’édifice comme filtre, senseur et vortex des flux naturels et artificiels,
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énergétiques et électroniques, qui habitent l’espace architectonique. » El Croquis,
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n°123.
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Chez Toyo Ito, la fluidité spatiale est un thème récurrent. Il la justifie par une
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analogie avec les flux naturels et les flux d’information. La fluidité spatiale renvoie
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à un espace non-compartimenté et non-directionnel. Elle inclut l’idée d’instabilité,
d’espace dynamique et de relation directe avec l’environnement immédiat.
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« Je voudrais créer une architecture qui serait telle un tourbillon qui apparaît
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lorsque on plonge un bâton dans un courant d’eau. Ce n’est pas le bâton que je
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veux créer... mais le tourbillon.»
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« Introduire de la fluidité dans l’architecture sert à faire circuler de l’air frais dans
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Ito, 1995.13
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C'est l'expérimentation de cette fluidité qui prime dans les espaces intérieurs
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Toyo Ito souhaite libérer l’habitant de l’enclave des murs et le laisser trouver son
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complètement consommée.15
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Elle doit retrouver un « ordre naturel », et d’établir des relations avec les éléments
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naturels.
En parallèle, il y a une recherche d’espaces aux états instables, qui peuvent être
propices au mouvement et au flux. Il y une tension entre le flux d’espace et la
stabilité.
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Pour Toyo Ito, l'architecture est liée à l'expérience d'un espace intérieur, à l'image
de la grotte.
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Toyo Ito tente d’expliquer sa vision de l’espace à partir de son expérience étant
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enfant :
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« J’ai grandi dans une vallée, ainsi j’ai toujours eu une impression similaire à celle
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d’être dans un trou. Je suis né sur le continent, à Séoul, en Corée, et puis on m’a
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jeté dans ce trou avant que je ne sois assez grand pour comprendre ce qui se
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passait autour de moi. Ainsi, je crois que j’ai toujours eu l’impression d’être à
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l’intérieur de quelque chose. Passer du temps près d’un lac, entouré de
montagnes, dans une nature si intéreure… Il se peut que mon désir de regarder
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depuis l’intérieur soit lié à cette expérience. », Toyo Ito, entretien avec Sou
ire
Fujimoto.16 to
« Je pense que nous les japonais nous considérons les concepts spatiaux dans un
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Une architecture sans extérieur qui fait référence à la grotte : « en tant que trou
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creusé sous le sol, une grotte naturelle n’a pas d’extérieur. » La qualité spatiale est
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génératrice reliée en quelque sorte avec l’idée de la grotte et d’un espace qui
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coule comme un liquide. Je reviens toujours là, peu importe ce que je fais. Et j’ai
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transparent, mais il subsiste toujours une image semblable à celle d’un flux de
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liquide laiteux. Parfois, j’essaie d’abandonner cette image pour produire des
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« Pour nous japonais, l’espace est ambigu, comme l’air et la lumière coule entre
deux choses. » Toyo Ito.17
16 FUJIMOTO Sou, « Espace liquide et espace fractal », El Croquis, n°147, 2009, p.6-20.
17 NUSSAUME Yann, Anthologie critique de la théorie architecturale japonaise : le regard du milieu,
Ousia, 2004, p.441
18 Un nouveau chapitre de l’oeuvre de Toyo Ito · Joan Sidawy
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2. Jardin de pierres
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« Mon sentiment essentiel à propos de « l’espace » dans la nature c’est qu’« il est
plus confortable que l’espace à l’intérieur d’une architecture ». En fait, j’ai toujours
souhaité en quelque sorte avancer vers le « confort d’espace » qu’a la nature, et
cela bien avant Sendai. Qu’est-ce que j’entends exactement par « confort qu’a la
nature » ? Ma réponse à cette question a consisté en des imageries de « fluidité
d’espace sans murs » et « d’ondulations dans la topographie » générant « des
distinctions de lieux ». Prenant celles-ci comme des sortes de métaphores et les
transposant dans l’architecture comme « espaces ». »
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L’espace se veut flottant et aérien. Le « sens du lieu » substitue l’idée d’un espace
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fermé délimité par quatre murs.
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Selon Kazuo Shinohara, la conception spatiale japonaise est très différente de
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celle de l’espace occidental, c’est un « espace du mouvement » caractérisé par la
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division spatiale en des divisions plus petites.
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Une spatialité privilégiant l’asymétrie et minimisant les perspectives, où chaque
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aire avec sa logique intrinsèque l’emporte sur les lignes et leur logique
ire
intégratrice et centralisatrice, où les zones intermédiaires, horizontales et
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enveloppantes prévalent sur les confrontations nettes et les coupures verticales,
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jardin de pierres.
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Parlant des tubes structurels de la Médiathèque de Sendai, Toyo Ito dit : « Les
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tubes sont souvent comparés aux arbres d’une forêt mais ils sont aussi comme les
au de
objets d’un jardin japonais, où l’espace est créé par le mouvement autour de
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Dans cet empilement de plateaux homogènes, les tubes, au-delà de leur image,
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imposent leur présence et polarisent les espaces créés, aussi bien en tant que
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est celle d’une série d’espaces qui auront des continuités horizontales et
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3. Opéra de Taichung
Parcours aléatoire et relations visuelles
changeantes. Niveau R+6.
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des formes vivantes et semble ainsi saisir la sensibilité japonaise et plus
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particulièrement celle de l’architecture de Toyo Ito quand il dit :
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« Comme des tourbillons de poussière soulevés par le vent qui passe, les vivants
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tournent sur eux-mêmes, suspendus au grand souffle de la vie […], oubliant que
ne
la permanence même de leur forme n’est que le dessin d’un mouvement. Parfois
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cependant se matérialise à nos yeux, dans une fugitive apparition, le souffle
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invisible qui les porte. » H. Bergson.20
à
s
Comme l’explique Fuhimiko Maki21, quand il s’agit de construire le territoire, on
ire
peut distinguer l’attitude occidentale qui aurait été influencée par « les cultures
to
du désert », de l’attitude japonaise. La fondation du territoire en Occident est
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centre, un pivot cosmique qui articule un territoire étendu avec les Eléments,
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notion japonaise d’oku, qui peut être décrite succinctement comme le sens de la
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ressentir une telle subtilité non seulement à travers la lumière mais à travers le
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Un nouveau chapitre de l’oeuvre de Toyo Ito · Joan Sidawy
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Le projet comme milieu 23
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3- boîte noire de 200 places un cours d'eau tout en reprenant le motif des
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ovoïdes.
L'analyse de la coupe nous montre la
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porteuse.
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La question des limites est une question délicate pour Toyo Ito.
Par blurring architecture, Ito entend une architecture caractérisée par une
interpénétration et une continuité entre l'intérieur et l'exterieur, il s'agit de rendre
la frontière entre l’architecture et la ville ambiguë, de la rendre floue.
Mais comme il le dit lui-même:
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« La situation parfaite serait qu’il n’y ait pas d’extérieur, mais c’est impossible, alors
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j’ai toujours des difficultés pour exprimer l’extérieur. Il arrive un moment où je
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coupe la condition d’expansion intérieure et je me persuade que ceci n’est pas
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l’extérieur mais une simple coupe tranversale. » entretien avec Sou Fujimoto.22
ne
Il parle par la suite de limite fractale pour permettre un nouveau dégré de
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souplesse au bâtiment:
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« Nous réfléchissons à l’idée de limite fractale, ce qui pourrait assouplir les
relations avec le milieu environnant. »23
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Prenons l'exemple de l'opéra de Taichung, le périmètre de l’édifice est tel une
ire
ligne de coupe, c'est une façade quasi immatérielle qui vient sectionner le
to
bâtiment. Le mur devient écran. Ce qui pose la question de la matérialité :
rri
Si la façade est tel un écran et n’a pas d’épaisseur, ne nie-t-elle pas sa matérialité ?
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Encore selon Bergson, les « choses » ne seraient qu’une coupe dans le flux du
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mouvement : « Choses et états ne sont que des vues prises par notre esprit sur le
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devenir. Il n’y a pas de choses, il n’y a que des actions. […] Les choses se
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métamorphose.
au de
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Inauguré en 2005, le parc Grin Grin se situe sur une plateforme artificielle de 15ha
ou ec
22 FUJIMOTO Sou, « Espace liquide et espace fractal », El Croquis, n°147, 2009, p.6-20.
23 FUJIMOTO Sou, op.cit.
24 BERGSON Henri, L’Evolution créatrice, éditions A. Robinet, in Oeuvres, 1907, p.755.
26 Un nouveau chapitre de l’oeuvre de Toyo Ito · Joan Sidawy
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matière fondue, liquide… L’espace composé par des plans vitrés n’a pas de
structure précise sinon qu’il s’élève telle une colonne de glace qui commencerait à
fondre dans l’air. » Toyo Ito, 200425.
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réseau de relations entre objets, tel que le verrait un tiers témoin de ma vision, ou
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un géomètre qui la reconstruit et la survole, c’est un espace compté à partir de
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moi comme point ou degré zéro de la spatialité. Je ne le vois pas selon son
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enveloppe extérieure, je le vis du dedans, j’y suis englobé. Après tout, le monde
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est autour de moi, non devant moi » (…) L’expérience d’un milieu est celle d’un
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continuum, d’une « substance » dans laquelle les formes ne sont pas perceptibles
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comme si elles étaient géométriquement pures et régulières, comme si elles
résultaient d’une stéréotomie. », 26
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Bergson, lui, pense l’intuition comme une connaissance immanente au
ire
mouvement qu’elle observe. Elle « adhère à son objet ». to
C’est une façon de connaître non par « survol » et par distance, mais par
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nos yeux ».
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Si on transpose cette idée à l’œuvre de Toyo Ito, il s’agirait de « faire corps » avec
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série de cavités qui nous englobent. Elles forment une séquence continue que
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« C’est une connaissance par images, à conditions que ces images soient
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entendues comme des choses à la fois singulières et fluides : fluides, parce que
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La fluidité de l’architecture de Toyo Ito est celle du vide mais aussi celle du plein et
ou ec
25 CORTES Juan Antonio, « Au-delà du mouvement moderne, au-delà de Sendaï / Toyo Ito et la
recherche d’une nouvelle architecture organique », El Croquis, n°123, 2005, p.16-42.
26 MERLEAU-PONTY Maurice, L’Œil et l’Esprit, 1960.
27 DIDI-HUBERMAN Georges, MANNONI Laurent, Mouvements de l’air : Etienne-Jules Marey,
photographe des fluides, Paris, Editions Gallimard, 2004, p. 264.
29
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L’architecture de Toyo Ito fait preuve d’une empathie inhérente entre le corps
M
humain et les tensions expressives dans les éléments des bâtiments. Ces formes
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organiques traduisent au-delà d'une volonté esthétique, une recherche sur la
s
corporalité de l'architecture. Il s'agit de prendre en compte le corps humain dans
l'espace et l'architecture comme un corps. ire
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2.1
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L’espace de Toyo Ito est un espace habité. C’est un espace à parcourir, où les
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l’espace. C’est un espace intérieur, où l’on peut se sentir contenu par des formes
t d lle
peut introduire ici la distinction que fait l’architecte Akihisa Hirata entre l’animal
au de
chose de plus primitif, une sorte d’abstraction qui aurait encore un sens du
m 'a
28 HIRATA Akihisa, « Considering the City and Architecture from the perspective of
contextualism and Algorithms: Yoshiharu Tsukamoto x Akihisa Hirata», Japan Architect, n°77,
2010, p.5.
30 Un nouveau chapitre de l’oeuvre de Toyo Ito · Joan Sidawy
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philosophie au réel, l’homme est au monde, le monde est habité.29 Elle s’oppose à
la philosophie traditionnelle qui se détache du monde pour l’appréhender, qui est
en quelque sorte hors du réel.
Le thème de la corporalité est une notion-clé de cette philosophie. L’homme n’est
pas une pure conscience, il a un corps et c’est ce corps qui l’inscrit dans le réel.
« Mon corps est le médiateur du monde perçu, seul réel, et non le négateur d’un
prétendu monde en soi », dans L’Œil et l’Esprit.30
Par analogie, la spatialité japonaise évoque cette idée d’un espace « vécu » qu’on
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appréhende avec le corps et l’esprit plutôt qu’un espace « à lire » qui ne parle qu’à
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l’esprit, dont il s’agit de comprendre la géométrie et les proportions.
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2.2Les deux ordres de Henri Bergson, l’identité géométrique
ne
face à la ressemblance vitale
ar
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La philosophie de la connaissance par l’intuition d’Henri Bergson (1859-1941)
peut nous permettre d’approfondir ce sujet. En effet, dans L’Evolution créatrice,
à
s
Bergson substitue aux apories philosophiques de l’ordre et du désordre, l’idée
ire
qu’il y a deux espèces d’ordre. to
Il y a un ordre par « détermination réciproque nécessaire des éléments
rri
extériorisés les uns par rapport aux autres » ; c’est un ordre par juxtaposition
te
sur la possibilité de prévision ; le second est « vital », donc imprévisible. Dans l’un,
oi vi
le temps est schématisé selon l’homogénéité spatiale, autrement dit il est nié.
Dans l’autre, « une irrétrécissable durée fait corps » avec tout et « rend la
dr la
géométrique. Mais c’est une géométrie particulière, qui tient plus de la logique
en rc
Bergson semble plus à même de décrire les bâtiments d’Ito. En effet, les surfaces
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indissociable plutôt qu’un collage d’éléments isolables. Ce sont des formes qui
évoquent une sorte de vitalité naturelle plutôt qu’un artifice. Chez les
Métabolistes, la nature est appréhendée comme “changement”, ils cherchaient à
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Les visiteurs circulent entre les maquettes à Maquette en taille réelle du moule de la toiture
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grande échelle sur un sol ondulé fait de buttes et courbe du crématorium de Kakamigahara.
de creux où se reposer.
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Le projet comme corps 33
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l’homogénéité a tendance à endormir les gens dans une espèce d’état
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catatonique. Ma propre position est radicalement opposée à cela. »
-V
Il s’agit de « créer des espaces plus organiquement complexes par ce que j’appelle
-la
la «grille émergente. » Toyo Ito.
ne
Trois scientifiques japonais ont remporté en 2008 le prix Nobel de physique pour
ar
leurs recherches sur la symétrie brisée dans la physique subatomique. Les
M
particules subatomiques que l’ont croyait jusqu’alors parfaitement symétriques
sont en réalité des symétries brisées. Il est maintenant prouvé que ces « brisures »
à
s
viennent à créer des fluctuations et une richesse qui contribuent à différents
ire
phénomènes de la nature. to
Par analogie, Toyo Ito est en quête d’un ordre qui viendrait briser la grille
rri
subatomiques.
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On est comme dans un aquarium. Ce qui est primordial est la sensation de fluidité
is e
Toyo Ito cherche à assouplir le plan du sol dans une architecture où le plan du sol
m 'a
et celui de la toiture viennent parfois se confondre comme dans le parc Grin Grin.
cu e d
32 ITO Toyo, « Transparent (the) Urban Forest », Japan Architect n°19, 1995, p.77.
33 LUCAN Jacques, Composition, non-composition, Lausanne, Presses Polytechniques et
universitaires romandes, 2009, p.574-575.
34 FUJIMOTO Sou, « Espace liquide et espace fractal », El Croquis, n°147, 2009, p.6-20.
34 Un nouveau chapitre de l’oeuvre de Toyo Ito · Joan Sidawy
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2004
La recherche d'une continuité organique:
le mobilier du Centre d’arts scéniques de
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« Je pense que le sol horizontal crée une tension chez les gens. (...) Je pense que
l’ordonnance de l’espace est ce qui introduit une tension chez les gens et c’est
pour cela que je veux rendre les limites du sol imprécises. Je suis très intéressé par
les situations où les limites se dissolvent. »35
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Taichung, les planchers sont horizontaux mais comme les murs structurels sont
a
courbes, on a l’effet d’assouplissement du plan du sol.
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2.5Recherche d’une continuité organique, intégration espace-
ne
structure, fusion des surfaces
ar
M
Les constructions récentes de Toyo Ito se caractérisent par leurs formes
organiques. Cette liberté formelle peut sembler gratuite mais elle s’appuie sur une
à
s
réflexion structurelle. Ainsi, l’expression organique passe par une recherche de
ire
continuité structurelle. La création de formes continues nouvelles est utilisée pour
to
leur potentiel formel et paysager. On observe notamment que la structure devient
rri
surface. Chez Ito, cela se traduit par un vocabulaire de rubans en béton armé
te
comme dans les projets du Parc Grin Grin et de l’opéra de Taichung et de maille
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découpé, qu’elle ponctue plutôt qu’elle ne le définit. Dans les projets de Toyo Ito,
t d lle
l’espace.
Le projet de l’opéra de Taichung, conçu avec l’ingénieur Cecil Balmond, sera le
dr la
tirant parti de leurs qualités intrinsèques. Toyo Ito se pose contre le mouvement
t s hit
appuyant ses formes organiques sur une vérité structurelle. Il y a une exigence
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exigence, l’édifice devient un objet qui se suffit à lui-même et s’explique par lui-
même.
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3. Projet Vestbanen
Maquette conceptuelle: un réseau de lignes
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d’une oreille.
Il s’agit de trouver ce moule élémentaire, qui par sa répétition, puisse définir et
supporter par lui-même l’étendue spatiale, configurer et supporter de manière
équivalente les espaces situés de part et d’autre de celui-ci, de sorte que les
espaces soient tout deux positifs. Pour que cela se réalise, les deux parties du
moule doivent être identiques - la forme et la contreforme qu’il délimite - et celui-
ci doit se matérialiser à la fois comme enveloppe et structure. Volume, structure et
espace se fondent en une même forme.
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C’est un réseau flexible de vases communicants qui a été tranché sur les quatre
a
côtés pour former une boîte rectangulaire. On retrouve le thème de la corporalité
-V
naturelle de l’architecture : sorte de tissu, la structure induit la nature.
-la
« L’effet structurant » se confond avec « l’effet enveloppant ».
ne
Inverser la tradition de situer l’architecture dans la nature. Au lieu de cela, l’œuvre
ar
d’Ito cherche à « induire la nature dans la forme construite ».
M
Système formel intégrateur
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2.6
s
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La géométrie, la structure et le volume sont intégrés au sein d’un système formel
to
dit intégrateur. Cela n’empêche pas la liberté et l’aléatoire dans le développement
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remplacées par des tubes organiques. Mais l’indépendance des éléments pose
t d lle
version plus aboutie des tubes de Sendai, cette fois liée à l’image de la
m 'a
L’édifice devient un objet qui se suffit à lui-même et s’explique par lui-même. D’où
le sentiment d’évidence que l’on peut ressentir lorsqu’on regarde les images du
magasin Tod’s ou de l’Opéra Métropolitain de Taichung.
On peut s’interroger sur l’épaisseur minimale des matériaux, sur la question de la
matérialité.
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L’œuvre récente de Toyo Ito envisage la nature comme processus que ce soit à
M
travers le modèle architectural de l’arbre qu’en tant qu’outil de travail.
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Synthèse entre la dynamique générative et l’abstraction
ire
3.1
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« Il s’agit d’une aspiration très différente de celle de l’Expressionisme qui imitait
rri
celle-ci est une aire où s’opère une synthèse entre la dynamique générative et
ut d
Ito est en quête d’une « nouvelle abstraction » qui inclurait les sens du toucher, de
oi vi
l’architecture du XXe siècle. L’abstraction est celle d’une forme naturelle mais aussi
au de
repose dans l’idée qu’Ito envisage son architecture comme une condition
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37 TAKI Koji, « A conversation with Toyo Ito », El Croquis, n°123, 2005, p.6-15.
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Ito rêve de pouvoir créer des arbres. Les arbres représentent un idéal qui, naissant
d'une simple graine, vient croître de manière harmonieuse dans son
environnement. Cette harmonie de la forme vivante est due à sa croissance
continue dans le temps et tient à des relations relatives entre les parties.
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«C’est une manière assez métaphorique de le dire, mais la création de bâtiments a
a
souvent été pour moi une façon de recréer des forêts. Je pense les bâtiments pas
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tant comme des constructions mais comme des choses naturelles comme les
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jardins, les bois, les forêts et les cours d’eau.» Toyo Ito, 199538.
ne
Le modèle architectural et structurel de l’arbre est aussi utilisé par le japonais
ar
Isozaki dans ses productions les plus récentes comme le centre de conventions au
M
Qatar.
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La logique derrière les décisions formelles
s
3.3
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La collaboration avec les ingénieurs Mutsuro Sasaki, Cecil Balmond et Masato
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Toyo Ito.
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La liberté acquise par Ito est permise par les procédés actuels de génération de la
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Ce sont des géométries qui bien qu’euclidiennes sont de type non-linéaire, parfois
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géométriques.
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«La technique de design qui rend possible cette structure est totalement unique,
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appelée la méthode d’analyse de forme. D’abord, une forme est choisie, dont les
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alimentations à ce processus sont inter changées plusieurs fois entre les designs
architecturaux et structurels. Finalement, on obtient une architecture avec une
do col
38 ITO Toyo, « Transparent (the) Urban Forest », Japan Architect, n°19, 1995, p.76.
39 SASAKI Mutsuro, Morphogenesis of Flux Structure, AA Publications, Londres, 2007, 111 p.
42 Un nouveau chapitre de l’oeuvre de Toyo Ito · Joan Sidawy
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méthode d’optimisation structurelle évolutive étendue tridimensionnelle (3D
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Extended Evolutionary Structural Optimisation) qui utilise les principes
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d’évolution et d’auto-organisation des êtres vivants. Ceux-ci sont adaptés d’un
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point de vue technique, pour générer des formes structurelles rationnelles par le
ne
biais d’un ordinateur.
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Ces nouvelles méthodes de conception sont de nature à créer un nouveau
M
paradigme qui supplanterait le mouvement moderne.
« Une série de projets que j’ai commencé à qualifier de structures de «flux». J’en
à
s
viens de plus en plus à penser que ce type d’architecture, avec une structure qui
ire
coule et se fond, est en passe de devenir une méthode importante, au-delà
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modernisme et de la pratique contemporaine. », Mutsuro Sasaki.40
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Dans cette collaboration étroite avec les ingénieurs, Ito apparaît comme le poète
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« J’imagine toujours des choses lisses et soyeuses, comme les nuages qui n’ont
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pas une forme évidente. Et ce qui est en jeu n’est pas de leur donner directement
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Dans l'opéra de Taichung, bon nombre des effets sont le résultat d’un léger
déplacement de la grille des espaces circulaires du bâtiment entre les différents
dr la
étages. Les surfaces courbes relient les zones circulaires irrégulières entre les
au de
La clé semble être la tolérance, qui permet que les lignes d’un bâtiment soient
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Il s'agit de créer une structure qui intègre des niveaux extrêmement subtils de
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Ce nouveau courant organique s'appuie donc sur une logique structurelle comme
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de la bibliothèque.
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4. Johnson Wax, Frank Lloyd Wright, 1939 3. Projet pour l'Université Nationale de
Vue intérieure de l'espace de travail et ses Taïwan, 2006
É
En 2010, Toyo Ito écrit un article intitulé : « les algorithmes ne sont rien de plus
qu’une opportunité pour créer une architecture qui respire. ».
Le bâtiment est vu comme un organisme vivant. Les formes plastiques organiques
sont dessinées non pas comme imitation de la nature mais comme résultat d’un
processus de croissance. Le terme processus désigne ici l’utilisation de règles
génératives définies à partir d’algorithmes qui développent des géométries plus
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ou moins complexes.
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Par définition, l’algorithme est une suite finie de règles opératoires à appliquer
-V
dans un ordre déterminé à un nombre fini de données afin d’effectuer un calcul
-la
numérique en un nombre fini d’étapes. Le terme d’« algorithme » en lui-même ne
ne
se limite pas à la génération de la forme par un ordinateur autonome ; ça a le sens
ar
plus large de « processus logique ».
M
Comme le dit Akihisa Hirata: « Je crois qu’un bâtiment peut être considéré de la
même manière qu’une plante qui pousse d’une graine. L’algorithme étant un
à
s
principe générateur qui détermine comment cette graine va croître. »
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Il s'agit alors d'établir des valeurs initiales pour les critères de conception.
to
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Les algorithmes ont donné des compositions spatiales fondées sur des grilles non
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Les colonnes sont arrangées selon un algorithme de double spirale dit naturel car
on le retrouve dans la nature.
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Il s'agit de s’étendre à partir de règles locales, sans contrôle du haut vers le bas à
au de
On voit donc qu'une architecture contemporaine qui utilise les technologies les
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« La nouvelle technologie n’est pas opposée à la nature mais elle est, au contraire,
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Conclusion
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Inspiré par la culture japonaise qui recherche une symbiose avec la nature, Toyo
M
Ito interprète la notion de nature de manière contemporaine à travers des formes
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architecturales organiques.
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L'environnement est appréhendé comme un continuum qui pénètre dans le
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bâtiment, l'enveloppe se fait la plus mince possible. L'idéal étant de développer
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dans l'avenir une architecture qui respire, à travers une peau qui aurait une
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« Maintenant, mon intérêt se porte sur l’architecture qui ressemble aux formes
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A travers les oeuvres d'Ito, la nature est interprétée comme condition spatiale
oi vi
Cette architecture, par ses formes aux références naturelles, aspire à reconnecter
l'homme avec des sensations corporelles primitives.
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aux règles de la nature d'un point de vue purement scientifique, Ito se démarque
t s hit
41 ITO Toyo, « Algorithms Are Nothing More Than an Opportunity to Create Architecture that
Respires », Japan Architect, n°77, 2010, p.36.
49
Références bibliographiques
ARAYA Masato, « The Piled-up Shell Structure », A+U, n°417, 2005, p.112-113.
BERQUE Augustin, Le sens de l’espace au Japon : vivre, penser, bâtir, Paris, Edition
Arguments, 2004, 227 p.
CHIRAT Sylvie, « Un architecte en quête de fluidité », Construction Moderne, n°124, 2006,
p.32-35.
CORTES Juan Antonio, « Au-delà du mouvement moderne, au-delà de Sendaï / Toyo Ito et la
e
llé
recherche d’une nouvelle architecture organique », El Croquis, n°123, 2005, p.16-42.
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DIDI-HUBERMAN Georges, MANNONI Laurent, Mouvements de l’air : Etienne-Jules Marey,
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photographe des fluides, Paris, Editions Gallimard, 2004, 361 p.
-la
FARAUD Angeline, SEYER Joachim, Architectures structurelles : assemblage et continuité,
ne
mémoire de fin d’études, enseignant Jacques Lucan, Champs-sur-Marne, 2007, 56 p.
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FUJIMOTO Sou, « Espace liquide et espace fractal », El Croquis, n°147, 2009, p.6-20.
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HIRATA Akihisa, « Ghent and TOD’s : Coincidence of Opposites », A+U, n°417, p.114-115.
ITO Toyo, « Vortex and Current. On Architecture as Phenomenalism », Architectural Design,
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vol. 62, nº 9-10, 1992, p.22-23.
s
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ITO Toyo, « Transparent (the) Urban Forest », Japan Architect, n°19, 1995, p.76-113.
to
ITO Toyo, « The Lessones of Sendai Mediatheque », Japan Architect, n°41, 2001.
rri
ITO Toyo, « Algorithms Are Nothing More Than an Opportunity to Create Architecture that
te
ITO Toyo, The New « Real » in Architecture, http://www.operacity.jp, site internet de l’exposition
réalisée à la Tokyo Opera City Art Gallery, 2006.
ut d
r
'a &
MOSTAFAVI Mohsen, « Toyo Ito’s new nature and the artifice of architecture », El Croquis
dr la
NUSSAUME Yann, Réflexion sur l’importance du milieu en architecture. Tadao Ando et Shin
ou ec
OUROUSSOF Nicolai, « Inside His Exteriors », The New York Times, 2009. http://www.
nytimes.com/2009/07/12/arts/design/12ouro.html?pagewanted=1&_r=2&ref=arts,
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Résumé
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Toyo Ito, architecte japonais né en 1941, développe depuis ses débuts une
M
architecture sensible à son environnement à travers des thèmes comme la
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fluidité, l’éphémère ou l’immatérialité.
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Mais au-delà de ces thèmes, il semble que la clé de son architecture soit la notion
de nature. Ito revendique vouloir recréer des environnements naturels, des forêts,
to
ou alors de construire des édifices à l’image des arbres.
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à moitié enterré pour se fondre dans le paysage, la partie émergente étant faite
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Cette étude prend comme postulat que cette réalisation est un tournant non
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seulement dans la carrière de Toyo Ito mais surtout dans sa manière de concevoir
l’architecture.
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notion de nature.
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fonde sur la notion de nature qu’il s’agit d’imiter non pas seulement à travers des
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formes organiques mais par le biais d’une conception holistique qui intègre des
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considérations spatiales et structurelles.
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La structure inédite de Sendai apparaît finalement comme la naissance de ce
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paradigme sur lequel se base maintenant la démarche d’Ito. Celle-ci tend vers une
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nouvelle liberté formelle toujours plus proche des formes vivantes à travers ce
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qu’il appelle une architecture qui respire.
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