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République VII : Allégorie de la Caverne

Socrate — [514] Figure-toi des hommes dans une


demeure souterraine, en forme de caverne, ayant sur
- ἰδὲ γὰρ ἀνθρώπους οἷον ἐν καταγείῳ οἰκήσει
toute sa largeur une entrée ouverte à la lumière. Ces σπηλαιώδει, ἀναπεπταμένην πρὸς τὸ φῶς τὴν
hommes sont là depuis leur enfance, les jambes et le εἴσοδον ἐχούσῃ μακρὰν παρὰ πᾶν τὸ σπήλαιον
cou enchaînés, de sorte qu'ils ne peuvent bouger ni ἐν ταύτῃ ἐκ παίδων ὄντας ἐν δεσμοῖς καὶ τὰ
voir ailleurs que devant eux, la chaîne les empêchant σκέλη καὶ τοὺς αὐχένας, ὥστε μένειν τε
de tourner la tête. αὐτοὺς εἴς τε τὸ [514β] πρόσθεν μόνον ὁρᾶν,
κύκλῳ δὲ τὰς κεφαλὰς ὑπὸ τοῦ δεσμοῦ
La lumière leur vient d'un feu allumé sur une hauteur, ἀδυνάτους περιάγειν φῶς δὲ αὐτοῖς πυρὸς
au loin derrière eux. Entre le feu et les prisonniers ἄνωθεν καὶ πόρρωθεν καόμενον ὄπισθεν
passe une route élevée. αὐτῶν, μεταξὺ δὲ τοῦ πυρὸς καὶ τῶν δεσμωτῶν
Imagine que le long de cette route est construit un ἐπάνω ὁδόν, παρ' ἣν ἰδὲ τειχίον
petit mur, pareil aux cloisons que les montreurs de
παρῳκοδομημένον, ὥσπερ τοῖς θαυματοποιοῖς
marionnettes dressent devant eux, et au dessus
πρὸ τῶν ἀνθρώπων πρόκειται τὰ
desquelles ils font voir leurs merveilles.
παραφράγματα, ὑπὲρ ὧν τὰ θαύματα
δεικνύασιν.
Glaucon — Je vois cela. - ὁρῶ ἔφη
Socrate — Figure-toi maintenant le long de ce petit - ὅρα τοίνυν παρὰ τοῦτο τὸ τειχίον φέροντας
mur des hommes portant des objets de toute sorte, ἀνθρώπους [514ψ] σκεύη τε παντοδαπὰ
qui dépassent le mur, et des statuettes d'hommes et ὑπερέχοντα τοῦ τειχίου καὶ ἀνδριάντας [515α]
d'animaux, en pierre, en bois et en toute espèce de καὶ ἄλλα ζῷα λίθινά τε καὶ ξύλινα καὶ παντοῖα
matière. Naturellement, parmi ces porteurs, les uns εἰργασμένα, οἷον εἰκὸς τοὺς μὲν
parlent et les autres se taisent. φθεγγομένους, τοὺς δὲ σιγῶντας τῶν
παραφερόντων.
Glaucon — Voilà, un étrange tableau et d'étranges - ἄτοπον ἔφη λέγεις εἰκόνα καὶ δεσμώτας
prisonniers. ἀτόπους.
- ὁμοίους ἡμῖν, ἦν δ' ἐγώ, τοὺς γὰρ τοιούτους
Socrate — Ils nous ressemblent, répondis-je. Penses-tu
πρῶτον μὲν ἑαυτῶν τε καὶ ἀλλήλων οἴει ἄν τι
que dans une telle situation ils n'aient jamais vu autre
ἑωρακέναι ἄλλο πλὴν τὰς σκιὰς τὰς ὑπὸ τοῦ
chose d'eux mêmes et de leurs voisins que les
ombres projetées par le feu sur la paroi de la caverne πυρὸς εἰς τὸ καταντικρὺ αὐτῶν τοῦ σπηλαίου
qui leur fait face? προσπιπτούσας.
Glaucon — Comment cela se pourrait-il s'ils sont forcés - Πῶς γάρ, ἔφη, εἰ ἀκινήτους γε τὰς κεφαλὰς
de rester la tête immobile durant toute leur vie? ἔχειν ἠναγκασμένοι [515β] εἶεν διὰ βίου ;
Socrate — Et pour les objets qui défilent n'en est-il pas -Τί δὲ τῶν παραφερομένων; οὐ ταὐτὸν τοῦτο ;
de même?
Glaucon — Sans contredit. - Τί μήν;
Socrate —Mais, dans ces conditions, s'ils pouvaient se Εἰ οὖν διαλέγεσθαι οἷοί τ' εἶεν πρὸς
parler les uns aux autres, ne penses-tu pas qu'ils ἀλλήλους, οὐ ταῦτα ἡγῇ ἂν τὰ ὄντα αὐτοὺς
croiraient nommer les objets réels eux-mêmes en νομίζειν περ ὁρῷεν;
nommant ce qu'ils voient?
- ἀνάγκη.
Glaucon — Nécessairement.
- Τί δ' εἰ καὶ ἠχὼ τὸ δεσμωτήριον ἐκ τοῦ
Socrate — Et s'il y avait aussi dans la prison un écho
καταντικρὺ ἔχοι; ὁπότε τις τῶν παριόντων
que leur renverrait la paroi qui leur fait face, chaque
fois que l'un de ceux qui se trouvent derrière le
φθέγξαιτο, οἴει ἂν ἄλλο τι αὐτοὺς ἡγεῖσθαι τὸ
mur parlerait, croiraient-ils entendre une autre voix, à φθεγγόμενον ἢ τὴν παριοῦσαν σκιάν;
ton avis, que celle de l'ombre qui passe devant eux?
Glaucon — Non par Zeus. - Μὰ Δί' οὐκ ἔγωγ' ἔφη.
Socrate — Assurément, de tels hommes n'attribueront [515ψ] Παντάπασι δή ἦν δ' ἐγώ, οἱ τοιοῦτοι
de réalité qu'aux ombres des objets fabriqués. οὐκ ἂν ἄλλο τι νομίζοιεν τὸ ἀληθὲς ἢ τὰς τῶν
σκευαστῶν σκιάς.
Glaucon — De toute nécessité.
- Πολλὴ ἀνάγκη ἔφη.
Socrate — Considère maintenant ce qui leur arrivera
- Σκόπει δή, ἦν δ' ἐγώ αὐτῶν λύσιν τε καὶ
naturellement si on les délivre de leurs chaînes et
ἴασιν τῶν τε δεσμῶν καὶ τῆς ἀφροσύνης, οἵα
qu'on les guérisse de leur ignorance. Qu'on détache
l'un de ces prisonniers, qu'on le force à se dresser τις ἂν εἴη εἰ, φύσει τοιάδε συμβαίνοι αὐτοῖς ·
immédiatement, à tourner le cou, à marcher, à lever ὁπότε τις λυθείη καὶ ἀναγκάζοιτο ἐξαίφνης
les yeux vers la lumière. En faisant tous ces ἀνίστασθαί τε καὶ περιάγειν τὸν αὐχένα καὶ
mouvements il souffrira, et l'éblouissement βαδίζειν καὶ πρὸς τὸ φῶς ἀναβλέπειν, πάντα
l'empêchera de distinguer ces objets dont tout à δὲ ταῦτα ποιῶν ἀλγοῖ τε καὶ διὰ τὰς
l'heure il voyait les ombres. μαρμαρυγὰς ἀδυνατοῖ καθορᾶν ἐκεῖνα ὧν
Que crois tu donc qu'il répondra si quelqu'un vient [515δ] τότε τὰς σκιὰς ἑώρα, τί ἂν οἴει αὐτὸν
lui dire qu'il n'a vu jusqu'alors que de vains fantômes, εἰπεῖν, εἴ τις αὐτῷ λέγοι ὅτι τότε μὲν ἑώρα
mais qu'à présent, plus près de la réalité et φλυαρίας, νῦν δὲ μᾶλλόν τι ἐγγυτέρω τοῦ
tourné vers des objets plus réels, il voit plus juste? ὄντος καὶ πρὸς μᾶλλον ὄντα τετραμμένος
Si, enfin, en lui montrant chacune des choses qui
ὀρθότερον βλέποι καὶ δὴ καὶ ἕκαστον τῶν
passent, on l'oblige, à force de questions, à dire ce
παριόντων δεικνὺς αὐτῷ ἀναγκάζοι ἐρωτῶν
que c'est, ne penses-tu pas qu'il sera embarrassé, et
ἀποκρίνεσθαι ὅτι ἔστιν; οὐκ οἴει αὐτὸν
que les ombres qu'il voyait tout à l'heure lui paraîtront
plus vraies que les objets qu'on lui montre
ἀπορεῖν τε ἂν καὶ ἡγεῖσθαι τὰ τότε ὁρώμενα
maintenant? ἀληθέστερα ἢ τὰ νῦν δεικνύμενα;
Glaucon — Beaucoup plus vraies. - Πολύ γ' ἔφη.
Socrate — Et si on le force à regarder la lumière elle- [515ε] - Οὐκοῦν κἂν εἰ πρὸς αὐτὸ τὸ φῶς
même, ses yeux n'en seront-ils pas blessés? N'en ἀναγκάζοι αὐτὸν βλέπειν, ἀλγεῖν τε ἂν τὰ
fuira-t-il pas la vue pour retourner aux choses qu'il ὄμματα καὶ φεύγειν ἀποστρεφόμενον πρὸς
peut regarder, et ne croira-t-il pas que ces dernières ἐκεῖνα ἃ δύναται καθορᾶν καὶ νομίζειν ταῦτα
sont réellement plus distinctes que celles qu'un lui τῷ ὄντι σαφέστερα τῶν δεικνυμένων;
montre? - Οὕτως, ἔφη.
Glaucon — Assurément. - Εἰ δέ, ἦν δ' ἐγώ, ἐντεῦθεν ἕλκοι τις αὐτὸν βίᾳ
Socrate — Et si, reprise-je, on l'arrache de sa caverne, διὰ τραχείας τῆς ἀναβάσεως καὶ ἀνάντους,
par force, qu'on lui fasse gravir la montée rude et
καὶ μὴ ἀνείη πρὶν ἐξελκύσειεν εἰς τὸ τοῦ ἡλίου
escarpée, et qu'on ne le lâche pas avant de l'avoir
φῶς, ἆρα οὐχὶ ὀδυνᾶσθαί τε [516α]ᾇ ἂν καὶ
traîné jusqu'à la lumière du soleil, ne souffrira-t-il pas
ἀγανακτεῖν ἑλκόμενον, καὶ ἐπειδὴ πρὸς τὸ
vivement et ne se plaindra-t-il pas de ces violences?
Et lorsqu'il sera parvenu à la lumière, pourra-t-il, les
φῶς ἔλθο,ι αὐγῆς ἂν ἔχοντα τὰ ὄμματα μεστὰ
yeux tout éblouis par son éclat, distinguer une ὁρᾶν οὐδ' ἂν ἓν δύνασθαι τῶν νῦν λεγομένων
seule des choses que maintenant nous appelons ἀληθῶν ;
vraies? - Οὐ γὰρ ἄν, ἔφη, ἐξαίφνης γε.
Glaucon — Il ne le pourra pas, du moins au début. - Συνηθείας δὴ οἶμαι δέοιτ' ἄν, εἰ μέλλοι τὰ
Socrate — Il aura, je pense, besoin d'habitude pour ἄνω ὄψεσθαι καὶ πρῶτον μὲν τὰς σκιὰς ἂν
voir les objets de la région ῥᾷστα καθορῷ, καὶ μετὰ τοῦτο ἐν τοῖς ὕδασι
supérieure. D'abord ce seront les ombres qu'il τά τε τῶν ἀνθρώπων καὶ τὰ τῶν ἄλλων
distinguera le plus facilement, puis les images des εἴδωλα; ὕστερον δὲ αὐτά · ἐκ δὲ τούτων τὰ ἐν
hommes et des autres objets qui se reflètent dans les τῷ οὐρανῷ καὶ αὐτὸν τὸν οὐρανὸν νύκτωρ ἂν
eaux, ensuite les objets eux-mêmes. Après cela, il ῥᾷον θεάσαιτο, προσβλέπων τὸ τῶν [516β]
pourra, affrontant la clarté des astres et de la lune, ἄστρων τε καὶ σελήνης φῶς, ἢ μεθ' ἡμέραν τὸν
contempler plus facilement pendant la nuit les corps ἥλιόν τε καὶ τὸ τοῦ ἡλίου.
célestes et le ciel lui-même, que pendant le jour le - Πῶς δ' οὔ ,
soleil et sa lumière. - Τελευταῖον δὴ οἶμαι τὸν ἥλιον, οὐκ ἐν
Glaucon — Sans doute. ὕδασιν οὐδ' ἐν ἀλλοτρίᾳ ἕδρᾳ φαντάσματα
Socrate — À la fin, j'imagine, ce sera le soleil, non ses
αὐτοῦ ἀλλ' αὐτὸν καθ' αὑτὸν ἐν τῇ αὑτοῦ
vaines images réféchies dans les eaux ou en quelque
χώρᾳ δύναιτ' ἂν κατιδεῖν καὶ θεάσασθαι οἷός
autre endroit, mais le soleil lui-même à sa vraie place,
ἐστιν.
qu'il pourra voir et contempler tel qu'il est.
- ἀναγκαῖον, ἔφη.
Glaucon — Nécessairement. - Καὶ μετὰ ταῦτ' ἂν ἤδη συλλογίζοιτο περὶ
Socrate — Après cela il en viendra à conclure au sujet αὐτοῦ ὅτι οὗτος ὁ τάς τε ὥρας παρέχων καὶ
du soleil, que c'est lui qui fait les saisons et les années, ἐνιαυτοὺς καὶ πάντα ἐπιτροπεύων [516ψ] τὰ ἐν
qui gouverne tout dans le monde visible, et qui, τῷ ὁρωμένῳ τόπῳ, καὶ ἐκείνων ὧν σφεῖς
d'une certaine manière, est la cause de tout ce qu'il ἑώρων τρόπον τινὰ πάντων αἴτιος.
voyait avec ses compagnons dans la caverne. - Δῆλον, ἔφη, ὅτι ἐπὶ ταῦτα ἂν μετ' ἐκεῖνα
Glaucon — Évidemment, c'est à cette conclusion qu'il ἔλθοι.
arrivera. - Τί οὖν; ἀναμιμνῃσκόμενον αὐτὸν τῆς πρώτης
Socrate — Or donc, se souvenant de sa première οἰκήσεως καὶ τῆς ἐκεῖ σοφίας καὶ τῶν τότε
demeure, de la sagesse que l'on y professe, et de
συνδεσμωτῶν οὐκ ἂν οἴει αὑτὸν μὲν
ceux qui y furent ses compagnons de captivité, ne
εὐδαιμονίζειν τῆς μεταβολῆς τοὺς δὲ ἐλεεῖν;
crois-tu pas qu'il se réjouira du changement et
plaindra ces derniers?
Glaucon — Si, certes.
- Καὶ μάλα.

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