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SEQUENCE N°4 : IDEES NOIRES de Franquin, une œuvre satirique

CORRIGE DU TRAVAIL SUR LA PEINE DE MORT :


ANALYSE DES PLANCHES 18 ET 30

P 18 : « Tout est bien qui finit bien »

Rappel méthodologique :
Il s'agissait tout d'abord de décrire et de
résumer la planche puis de s'arrêter sur l'effet
de chute de la dernière vignette. Vous deviez
dans un premier temps montrer que vous aviez
parfaitement compris le récit et identifié les
personnages avant de passer à l'analyse, à
l'interprétation ou plus largement à la
présentation de votre réflexion.

La planche est constituée de 6 vignettes dont la


dernière est la plus large et la plus importante
car elle donne son sens à la bande-dessinée. La
première vignette constitue ce que l'on pourrait
appeler « l'exposition ». On y présente quatre
personnages parmi lesquels le lecteur identifie
à son uniforme un gendarme qui pousse devant
lui celui qui, les bras ligotés, semble être son
prisonnier. Ce dernier refuse d'avancer malgré
les reproches paternalistes de son gardien
(« Allons ne faites pas l'enfant ») et l'urgence
de la situation (« dépêchons, c'est l'heure »)
rappelée par un des deux autres accompagnateurs. Ce vers quoi se dirigent les personnages
n'est pas dévoilé et reste hors champ ; cependant un aperçu global de la planche (une planche
est toujours lue ainsi : d'abord globalement puis dans le détail des vignettes) a pu nous
permettre d'en deviner l'issue fatale et d'identifier le prisonnier comme un condamné à mort.
La deuxième vignette place les personnages dans une situation comique car le verglas, élément
perturbateur, enlève toute solennité à la scène.
Sur la vignette 3, la péripétie amorcée à la vignette précédente, la tentative de fuite du
prisonnier, est vite avortée, le fuyard chute (comique de gestes) et s'assomme. Dès lors,
l'inquiétude des accompagnateurs du condamné (en général, le juge, le procureur, un médecin et
le bourreau ici réduits à deux personnes pour la lisibilité et la compréhension de la planche) se
lit sur leurs visages, dans leurs gestes et dans leurs propos : ils craignent pour la vie du
condamné. L'ultime vignette, la plus large de la planche, le cadrage s'étant lui-même élargi à un
plan d'ensemble, présente enfin au lecteur le but du déplacement troublé par le verglas : la
guillotine au pied de laquelle un prêtre joue avec son crucifix comme avec le modèle réduit d'un
avion.
Franquin dénonce ainsi par l'absurde l'absurdité et les contradictions de la peine capitale.
Sur un mode humoristique mais non dénué d'arguments, il critique le fait que la mort du
condamné importe moins que sa mise à mort. Sa vie pour laquelle tremblaient ses
accompagnateurs n'avait en fait aucune valeur, seul importait le fait que la décapitation ait bien
lieu. Ce qui fait dire à l'un des témoins « tout est bien qui finit bien » formule ici d'une cynique
bêtise et d'un égoïsme forcené.
P 30 : « La loi est formelle »

Dès la première vignette de la planche, un


magistrat et plus précisément un juge que l'on
reconnaît à sa coiffe, sa robe et son hermine,
rappelle la loi du « sang pour le sang » (= loi du
talion = « oeil pour oeil, dent pour dent ») :
toute personne qui en tuera volontairement une
autre aura la tête tranchée. Il s'adresse au
condamné qui, les mains liées derrière le dos,
l'écoute tête baissée. En arrière-plan, le
lecteur retrouve la même satire religieuse qu'à
la planche 18 : un prêtre joue à l'avion avec son
crucifix et cette attitude puérile disqualifie sa
présence. Il ne peut être d'aucune utilité
(comme dans le Dernier jour d'un condamné de
Victor Hugo) et ne devrait pas cautionner par
sa présence un acte qui contredit le premier
des dix commandements : « tu ne tueras
point ». La guillotine apparaît à la vignette 3 et
la contre-plongée renforce l'intensité
dramatique de la scène. Le lecteur assiste à
l'exécution silencieuse et la trivialité des pensées du bourreau (« une bonne chose de faite »)
contraste avec les sentiments que cette
exécution est censée inspirer (cf. le texte de V.
Hugo en prolongement de la séquence). Enfin, la
dernière présente en un plan d'ensemble une
chaîne sans fin de guillotines avec un effet
saisissant de perspective (les lignes de fuites
passant par le sommet des échafauds et le
chapeau de chaque bourreau ne se rejoignant
que hors champ). La loi étant formelle, chaque
bourreau doit en effet être à son tour
guillotiné.
Franquin rappelle ainsi le paradoxe de ce
« meurtre légal » que constitue selon lui la
peine capitale et qui ne sera aboli qu'en 1981 en
France. Le bourreau est bien, si l'on pousse à
son terme le raisonnement de la loi, un
meurtrier. En outre, cette planche nous
interroge non seulement sur l'absurdité de la
peine de mort mais aussi sur la différence
entre la légalité et la légitimité. Ce qui est
encore légal en France en 1977 peut être déjà
considéré comme illégitime et absurde.

Poursuivez la réflexion avec la planche 41 ci-dessus.

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