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s
y *
(A
C*. Eisen in vcnU . Ve la. fosse sctilpsit.
LES
BEAUX ARTS
REDUITS
A
UN MÊME PRINCIPE-
£x noto fîcium fequar.
Hor. Ait. Poe'c.
A PARIS,
Chez DURAND , Libraire , rue S. Jacques ,
à S. Landry & au Griffon.
M. DCC. XL VI.
Avec Approbation & frivilége du Roi*
MONSEIGNEUR
LE DAUPHI
-=gl
ONSEIGNEUR,
aij
C* E S T fous les dufpices des
beaux Arts que cet Ouvrage afc
paroître devant vous. Cette recom*
mandat ion ne peut êfre indifférente
auprès des Grands Princes , qui
doivent aux Arts les premières le-
çons de vertu , le goût de la vraie
gloire , ejr fefpérance de vivre dans
la Pcflérité. Ce qui redouble ma.
confiance, MONSEIGNEUR,
c'ejl que l'Ouvrage , en lui-même ,
co ititnt des principes que vous
aïmez, par préférence. Tout s'y ré-
duit au goût du vrai , dujtmple >
au goût de la Nature parée de /es
grâces , fans la moindre ajfcla-
tion. Ce goût qui contient le ger-
me de toutes les vertus , vous Jii
ami des Arts , des que vous pâles
les connoure. Vous les avez, culti-
vés avec le plus grand fut ces , @*
-vous continuez, de les regarder
toujours avec une honte , quiprou*
<ve que C amour que vous avez, pour
eux, cfi dans votre caractère, Ainfi^
MONSEIGNEUR , tandis
quun Père augufie va fe couvrir
dune nouvelle gloire > pour forcer
l'Europe a recevoir la paix ; vous
vous faites un plaifir ci animer
tous les Arts a célébrer fes ex?
ploits , & à les retracer dans des
m o nu mens durables. BieK-lot , fi
pour fat isfaire votre ardeur hé-
roïqueil, vous cft libre de le fui-
vrc au milieu de fes victoires ,
vous irez, profiter encore de fes
grands exemples ; ejr faire voir
aux Nations , que vous êtes- digne
Fils d'un Rot , qui fc ait en même-
tems 'vaincre fes Ennemis x & fi-
faire adorer de fes Sujets*
Je fuis avec le plus profond
refpecl ,
ONSEIGNEUR
Première Partie.
\1.
Seconde Partie.
Ou on Etablit le Principe de
l'Imitation par la nature et
PAR LES LOIX DU GoUT*
Troisième Partie.
ou le principe de limitation
EST VERIFIE^ PAR SON APPLICA-
TION AUX DIFFERENS ArTS.
Section
DES CHAPITRES.
Section Première.
Section Seconde.
Section Troisième.
LES
L^
Il
LES BE AR
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REDUITS
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A UN PRINCIPE.
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I — *WIIII I I I 1.^m
—
Première Partie.
^v;j Lmanière
régne de
peutraiter
d'ordrelesdans
beauxla
.* A On
Arts. Jugeons-en par la Poëfie,
2 I eaix Arts
croit er onner des idées juftes en
difani .» elle embrafïe tous les Arts :
c'eft , it-on , un compofé de Pein-
ture de, Muiique & d'Eloquence.
Comme l'Eloquence , elle parle :
elle prouve : elle raconte. Comme
la Mufique , elle a une marche ré-
glée des
, tons , des cadences dont
le mélange forme une forte de con-
cert. Comme la Peinture , elle def-
fine les objets : elle y répand les
couleurs : elle y fond toutes les
nuances de la Nature : en un mot ,
elle fait ufage des couleurs & du pin-
ceau :elle emploie la mélodie & les
accords : elle montre la vérité } Se
fait la faire aimer.
La Poëfie embraffe toutes fortes
de matières : elle fe charge de ce
qu'il y a de plus brillant dans l'Hif-
toire : elle entre dans les champs de
la Philofophie : elle s'élance dans
les deux , pour y admirer la marche
des Aftres ; elle s'enfonce dans les
REDUITS A UN PRINCIPE. ^
àbymes , pour y examiner les fecrets
de la Nature : elle pénètre jufque
chez les morts , pour y voir les ré-
compenfes des jultes & les fupplices
des impies : elle comprend tout l'U-
nivers. Sice monde neluifuffit pas,
elle crée des mondes nouveaux ,
qu'elle embellit de demeures en-
chantées ,qu'elle peuple de mille
habitans divers. Là , elle compofe
les êtres à fon gré : elle n'enfante
rien que de parfait : elle enchérit
fur toutes les productions de la Na-
ture : c'eft une efpece de magie :
elle fait illufion aux yeux, à l'imagi-
nationà, Tefprit même , & vient à
bout de procurer aux hommes , des
plaifirs réels , par des inventions chi-
mériques. C'eft ainfi que la plupart
des Auteurs ont parlé de la Poëfie.
Ils ont parlé à peu près de même
des autres Arts. Pleins du mérite de
ceux auxquels ils s'étoientAilivrés
j ,
ils nous en ont donné des deferip--
4 Les bea ux Arts
tions pompeufes , pour une feule
définition précife qu'on leur deman-
doit définir
les ; ou s'ils ont entrepris
. comme la naturede ennous
cil
d'elle-même très-compliquée , ils
ont pris quelquefois l'accelfoire pour
leffentiel , & l'effentiel pour l'ac-
cefîbire. Quelquefois même entraî-
nés par un certain intérêt d'Auteur,
ils ont profité
matière , & nousde l'obfcurité
ont donné dedesla
idées , formées fur le modèle de
leurs propres ouvrages.
Nous ne nous arrêterons point ici
à réfuter les différentes opinions ,
qu'il y a fur l'effence des Arts , &
fur-tout de la Poefie : nous com-
mencerons parétablir notre princi-
pe ,& s'il eft une fois bien prouvé ,
les preuves viendrontqui l'auront établi
laréfutation , de-
des autres
fentimens.
fë&âè&â
REDUITS A UN PRINCIPE. f
CHAPITRE I.
CHAPITRE IL
CHAPITRE III.
CHAPITRE IV.
CHAPITRE V.
■■■aaiHÈHM
déduits A un Principe. 41
inent qu'il ne bleiïe point le goût,
mais qu'il le flatte , & le flatte au^
tant qu'il peut être flatté.
Cette remarque s'applique égale-
ment àla Poefie. La parole qui eft
fon infiniment ou fa couleur, a chez
elle certains dégrés d'agrément qu'el-
le n'a point dans le langage ordinai-
re : c'eft le marbre choifi , poli , &
taillé , qui rend l'édifice plus riche,
plus beau , plus folide. 11 y a un cer-
tain choix de mots , de tours , fur-
tout une certaine harmonie réguliè-
re qui donne à fon langage quelque
chofe de furnaturel qui nous charme
& nous enlevé à nous-mêmes. Tout
cela a befoin d'être expliqué avec
plus d'étendue
troifiéme Partie. , & le fera dans la
CHAPITRE VI.
r^-i^-^MM
Ki(.>,.-;t.lfrt
A UN PRINCIPE.
Seconde Partie.
Ou on Etablit le Principe de
l'Imitation par la nature et
PAR LES LOIX DU GoUT.
CHAPITRE I.
le bon, parce
faux ou le mauvais où ils ne lentir
qu'elles croyent font
point en effet.
Une intelligence eft donc par-
faite ,quand elle voit fans nuage ,
& qu'elle distingue fans erreur le
vrai d'avec le faux , la probabilité
d'avec l'évidence. De même le Goût
eft parfait aufîi, quand, par une im-
preflion diftin&e , il fent le bon &
le mauvais , l'excellent & le médio-
cre ,fans jamais les confondre, ni
les prendre l'un pour l'autre.
Je
ce :lapuis donc dedéfinir
facilité l'Intelligen-
connoître le vrai
& le faux, & de les diflinguer l'un
de l'autre. Et le Goût : la facilité de
fentir le bon , le mauvais , le médio-
cre ,& de les diflinguer avec certi-
tude.
58 Les beaux Arts
Âintft j vrai & bon , connoiftancc
& goût , voilà tous nos objets &
toutes nos opérations. Voilà les
Sciences & les Arts.
Je laiffe à la Métaphyfique pro-
fonde àdébrouiller tous les reiîorts
fecrets de notre ame, & à creufer les
principes de Ces opérations. Je n'ai
pas belbin d'entrer dans ces difcuf-
fions fpéculatives , où Ton elt aufïï
obicur que fublime. Je parts d'un
principe que peribnne ne contefte.
Notre ame connoît , & ce qu'elle
connaît produit en elle un fenti-
ment. La connoifiance efl: une lu-
mière répandue dans notre ame : le
ientiment eft un mouvement qui IV
gite. L'une éclaire : l'autre échauffe.
L'une nous fait voir l'objet : l'autre
nous y porte , ou nous en détourne.
Le Goût elt donc un fentiment.
Et comme , dans la matière dont
il s'agit ici , ce ientiment a pour ob->
jet les Ouvrages de l'Art; & que les
BÉMOi ■■
REDUITS A UN PRINCIPE. 5"p
Arts , comme nous l'avons prouvé ,
ne font que des imitations de la belle
Nature; le Goût doit être un fenti-
ment qui nous avertit fi la belle Na-
ture eft bien ou mal imitée. Ceci iç
développera de plus en plus dans la
fuite.
Quoique ce fentiment paroiffe
partir brufquement «Se en aveugle ; il
eft cependant toujours précédé au
moins d'un éclair de lumière , à la
faveur duquel nous découvrons les
qualités de l'objet. Il faut que la
corde ait été frappée , avant que de
rendre le fon. Mais cette opération
efl 11 rapide , que fouvent on ne s'en
apperçoit point : & que la raifon ,
quand elle revient fur le fentiment, a
beaucoup de peine à en reconnoître
lacaufe. C'eft pour cela peut-être
que la fupériorité des Anciens fur les
Modernes eft fi difficile à décider*
Ç eft le Goût qui en doit juger : &
à fon tribunal , on fent plus qu'on
ne prouve.
€o Les beaux Arts
C H A PITRE IL
FreuvesdeRaisonnement.
CHAPITRE III.
Preuves tirées
du deCoût.
l ' Hifioire même
E iv
72 Les beaux Arts
les Arts ; & fur ce fonds fi beau ,
(1 jufte , fi conforme aux loix du
Goût & du Sentiment , on vit chez
eux la toile prendre le relief & les
couleurs de la Nature , le bronze
& le marbre s'animer fous le cifeau.
La Mufique , la, Poëfie
r Architecture , l'Eloquence
enfantèrent aulfitôt,
des miracles. Et comme l'idée de
la perfection , commune à tous les
Arts , fe fixa dans ce beau fiécle ;
on eut prefque à la fois dans tous
les genres des chef- d'oeuvres qui
depuis fervirent de modèles à toutes
les Nations polies. Ce fut le premier
triomphe des Arts.
Elle,Rome
connutdevint
toutesdifciple d'Athènes,
les merveilles de
la Grèce. Elle les imita : & fe fit bien-
tôt autant eftimer par ^s ouvrages
de Goût , qu'elle s'étoit fait craindre
par (ts armes. Tous les Peuples lui
applaudirent:& cette approbation fie
voir que les Grecs qui avoient été
KEDUITS A UN PRINCIPE. 73
perfectionnés en s'approchant de la
Nature ; ils vont fe corrompre & fe
perdre en voulant lafiirpalTer. Les ou-
vrages ayant eu pendant un certain
tcms le même degré d'affaifonnement
& de perfection , &le goût des meil-
leures chofes s'émouflant par l'ha-
bitude ,on a recours à un nouvel
Art pour le réveiller. On charge la
Nature : on l'ajufte : on la pare au
gré d'une fauiîe délicatefTe : on y
met de l'entortillé , du myftère , de
la pointe : en un mot de l'affecta-
tion ,qui eft l'extrême oppofé à la
groifiereré : mais extrême , dont il eft
plus difficile de revenir que de la
grofïiereté même. Et c'eft ainiî que
ïe Goût Se les beaux Arts périffent
en s'éloignant de la Nature.
Ce fut toujours par ceux qu'on
76 Les beaux Arts
appelle heaux efprits que la déca-
dence commença. Ils furent plus
funeftes aux Arts que les Goths , qui
ne rirent qu'achever ce qui avoit été
commencé par les Plines & les Se-
neques , & tous ceux qui voulurent
les imiter. Les François font arrivés
au plus haut point : auront-ils des
préfervatifs affez puiffants pour les
empêcher de defcendre ? L'exemple
du bel-efprit eft brillant , & conta-
gieux d'autant
être moins plus à ,fuivre.
difficile qu'il eli peut-
Ki'taaBMi r rriiwfli
CHAPITRE IV.
CHAPITRE V.
CHAPITRE VI.
G îîj
102 Les beaux Arts
CHAPITRE VIT.
I. Conséquence.
CHAPITRE VIII.
II. Conséquence.
Les Arts étant imitateurs de là
Nature y ccft par la comparai] ron
' quon doit juger des Arts.
Deux manières de comparer.
CHAPITRE IX,
III. Conséquence.
Le Goût de la Nature étant le même
que celui des Arts, il h y a quun-
feulGout qui s'étend à tout , &
même fur les mœurs,
CHAPITRE X.
entr geselles
d'efprit.& ]La fyrnmétrie
avec le tout des
, eftparties
auifï
pséceffaire dans la conduite d'une
a&ïon morale que dans un tableau.
Cet amour eft une vertu de l'ame
qui fe porte à tous les objets, qui ont
raj port à nous , «Se qui prend le nom
de Goût dans les chofes d'agrément,
6c redent celui de Vertu lorsqu'il s'a-r
I es moeurs. Quand cette partie
eft négligée dans l'âge le plus ten-
dre , on fent allez quelles en doi-
vent être les fuites.
Si on jugeoit des goûts ôc des
pallions des hommes, moins par leur
c bjet & par les forces qu'elles font
mouvoir pour y arriver, que par le
trouble qu'elles portent dans l'ame i
REDUITS A UN PRINCIPE. 12 J
I
t^i Les beaux Arts
point encore , il vaut beaucoup
mieux les abandonner pour toujours,
que d'occaflonner par l'obftinatioii
une fuite de fentirrîens qui pourroit
faire perdre à Famé fa gayeté «Se fa
douceur , deux vertus qu'aucun ta-
lent de l'efprit ne fauroit payer.
On peut tenter un autre voye.
Les taïens font aufli variés que les
befoins de la vie humaine ; la Nature
y a pourvu : & en mère bienfaifan-r
te , elle ne produit aucun homme ,
fans le doter de quelque qualité uti-
le, qui lui fert de recommandation
auprès des autres hommes. C'eft cet-
te qualité
cultiver , fiqu'il fautvoir
on veut reconnoître &
fructifier les
foins de l'éducation. Autrement, on
va contre les intentions de la Nature
qui réfifte conflamment au projet,
Sç le fait prefque toujours échouer*
LES BEAUX ARTS
REDUITS
A UN PRINCIPE.
Troisième Partie.
Ou LE PRINCIPE D F. LIMITATION
EST VERIFIE* PAR SON APPLICA-
TION AUX DIFFERENS ArTS.
SECTION PREMIERE.
j?Art
DANS Poétique
lI M IT ATest
1 ON renferme'*
DE LA
belle Nature.
CHAPITRE I.
moyen'
REDUITS A UN PRINCIPE. I4Ç
moyen foient la même chofc ; car il
s'agit ici de précifion.
Tenons -nous- en donc à l'imi-
tation, qui eft d'autant plus proba-
ble, qu'elle renferme l'enthouiiaf-
me, la ficlion , la verfification même ,
comme des moyens néceiTaires pour
imiter parfaitement les objets. On
l'a vu jufqu'ici , & on le verra de
plus en plus dans le détail qui va
fuivre.
CHAPITRE II.
CHAPITRE III.
CHAPITRE III.
is e m imine y
Cunfi cuiqu fuus vocu difcr certo &c*
que
Cadence frejfée.
Cadence dottce.
Ont-ils
fiere rendu I'efprit , ce n'eft plus cjueponf-
Que cette Majefté fi pompeufe & fi fiere
Dont l'éclat orgueilleux ctonnoit l'Univers,
Et dans ces grands tombeaux où leurs âmes
hautaines
Font encore les vaines ,
Ils font mangés des vers. M/ilher&e.
Miv
184 Les eeaux Arts
Et Rouffcau :
CHAPITRE IV.
pas.
réduits a un Principe. 201
cher enfuite dans l'Hifloirc quelque
fait intéreiïant , dont la vérité mife
avec le fabuleux , puifTe ajouter un
nouveau crédit à la vraifemblan-
ce ', & enfin impofer les noms aux
A&eurs
Minerve ,, Tancrede
qu'on appellera
, Henri , leAchille
Grand. ,
Ce fyftême peut s'exécuter : per-
sonne n'en doute. De même qu'on
peut dépouiller un fait de toutes Tes
circonftances , & le réduire en ma-
xime ; on peut auffi habiller une
maxime , & la mettre en fait. Cela
fe pratique dans l'Apologue , & peut
fe pratiquer de même dans tous les
autres Poëmes. Je crois même que
ce fyftême , tout métaphyfique qu'il
eft , ne doit être ignoré d'aucun
Poète , & qu'on peut en tirer de
grands fecours pour l'ordre & la
diftribution d'un ouvrage. Mais que
dans la pratique , il faille commencer
par le choix d'une maxime ; cela efl
d'autant moins vrai , que l'efTence
202 Les beaux Arts.
de l'action ne demande qu'un but ,
quel qu'il foit. Ce fera, fi Ton veut,
de mettre un Roi fur le Trône , d'éta-
blir Enée en Italie , de gronder un
Fils défobéiiTant. La maxime de mo-
rale ne manque point de fe trouver
au bout ; puifqu'elle fort naturelle-
ment de tout fait, hiitorique ou fabu-
leux ,allégorique ou non. (<*)
CHAPITRE V.
Sur la Tragédie.
CHAPITRE VI.
Sur la Comédie.
M
REDUITS A UN PRINCIPE. 221
roit faire rire ceux qui ont le cœur
bien fait : un retour ïecret fur eux-
mêmes leur feroit trouver plus de
charmes dans la compafiion.
Le Ridicule dans les mœurs eft
donc Amplement , une difformité qui
choque la bienféance, l'ufage reçu,
ou même la morale du monde poli.
C'eft alors que le Spectateur caufîi-
que s'égaye aux dépens d'un vieil
Harpagon amoureux, d'un Monfieur
Jourdain Gentilhomme * d'un Tar-
tuffe mal caché fous fon maique.
L'amour-propre alors a deux plaï-
firs : il voit les défauts d'autrui , &
croit ne point voir les fiens.
Le Ridicule le trouve par tout j
dit La Bruyère : il eft fouvent à côté
de ce qu'il y a de plus férieux : mais
il eft rare de trouver des yeux qui
fâchent le reconnoître où il eft , &
plus rare encore de trouver des Gé-
nies qui fâchent l'en tirer avec déli-
cateffe , & le preienter de manière
2.22 Les beaux Arts
CHAPITRE VIL
Sur la Taft orale*
oj^Jr ^rfo
ÎUj
£•28 Les beaux Arts
^fc— — — ^— — — — — ■^t»
CHAPITRE VIIL
Sur V Apologue,
— "«■»«"»=
réduits a un Principe. 23?
mes néceflaires pour s'infirmer : ôc
comme les goûts font différens , fé-
lon les kgcs ôc les conditions; elle
veut bien jouer avec les Enfans :
elle rit avec le Peuple : elle parle en
Reine avec les Rois , & diftribue ainfi
fes leçons à tous les hommes : elle
joint l'agréable à l'utile , pour atti-
rer àelle ceux qui n'aiment que le
plaifir, & pour récompenfer ceux,
qui n'ont d'autre vue, que de s'in-
ftruire.
L'Apologue doit donc avoir une
adion, de même que les autres Poè-
mes. Cette a&ion doit être une , in-
téreffante : avoir un commencement,
un milieu, une fin ; par conféquent
un prologue , un nœud, un dénoue-
ment : un lieu de la fcène , des Ac-
teurs ,au moins deux , ou quelque
chofe qui tienne lieu d'un fécond.
Ces A&eurs auront un caractère éta-
bli foutenu
, , ôc prouvé par les dif-
cours ôc par les moeurs ; ôc tout cela
Piv
£32 Les beaux Arts
à l'imitation des hommes , dont les
Animaux deviennent les copiftes , Sç
prennent les rôles chacun , iuivant
une certaine analogie de caractères :
Un Agneau fê défalteroit
Dans le courant d'une onde pure :
Voilà un Afteur avec un caractère
connu, & en même-tems le lieu de
la fcène. :
Un Loup (ùrvint à jeûn , qui chcrchoic
avanture ,
Et que la faim en ces lieux attiroit :
CHAPITRE IX.
Voilà
toute l'objection propofée dans
fa force.
toute-
BEDUITS A UN PRINCIPE. 141
toute-puifïancc , la bonté infinie de
l'Etre fuprême , & qui s'écrie dans
renthoufiafme : Cœli enarrant glo~
riam Dei , & opéra ejus annuntiat
firmamentiim %
Les Cieux inftruifenc la Terre
A révérer leur Auteur }
Section Seconde.
Sur la Teinture.
Qiv
248 Les beaux Arts
nuance les couleurs : en un mot , qui
régie laCoinpolition , le Defïeing , le
Coloris. Ainfi , nous n'avons qu'un
mot à dire fur les moyens , dont Je
fert la Peinture pour imiter & expri-
mer la Nature.
En iiippoiant que le tableau idéal
a été conçu félon les régies du Eeau ,
dans l'imagination du Peintre : fa
première opération pour l'exprimer,
ou le faire naître , efl le trait : c'eft
ce qui commence à donner un être
réel & indépendant de l'efprit , à
l'objet qu'on veut peindre , qui lui
détermine un efpace jufle , & le ren-
ferme dans tes bornes légitimes :
c'eft le DeiTeing. La féconde opéra-
tion ,eft de pofer les ombres & tes
jours , pour donner de la rondeur ,
de la faillie , du relief aux objets ,
pour les lier eniemble , les détacher
du plan , tes approcher , ou les éloi-
gner du Spectateur : c'eft le Clair-
obfcur. La troifiéme eft d'y répan-
recuits A un Principe. 245)
idre les couleurs, telles que ces objets
, dela les
nir ces couleursdans
les porteroicnt nuancerd'u-,
Nature,
de les dégrader félon le befoin, pour
les faire paroître naturelles : C'eft le
Colons. Voilà les trois dégrés de
l'expreiTion pittorefqne : & ils font
fi clairement renfermes dans le prin-
cipe général
laiffent lieu àdeaucune
l'imitation , qu'ilsmê-
difficulté ne
me apparente. A quoi fe réduifent
toutes les régies de la Peinture ? à
tromper les yeux parla reiTembîance,
à nous faire croire que l'objet eft
réel , tandis que ce n'eft qu'une
image. Cela eft évident. Paiïons à
la Mufique & à la Danfe. Nous
traiterons ces deux Arts avec un peu
plus d'étendue ; mais cependant fans
fortir de r)otre objet, qui eit de prou-
ver que la perfection des Arts dé-
ture. pend de l'imitation de la belle Na-
2$o Les beaux Arts
Section Troisième,
Sur la Musique et sur la Danse.
CHAPITRE L
BAlUilMfe;
réduits À un Principe. 2J9
foutenir , amener, lier, les différen-
tes paillons que TArtifle veut expri-
mer.
Je conclus 20. Que il le Ton de
la voix & les Geiles avoient une fi-
gnification avant que d'être mefurés ,
ils doivent la conferver dans la Mufi-
quc & dans la Danfe , de même que
les Parolesconferventlaleur dans la
Verfification ; 3c par conféquent ,
que toute Mufique 3c toute Danfe
doit avoir un fens.
M
260 Les beaux Arts
CHAPITRE IL
ni de proportion
bandonne aux favans ThéorisesJ'a-,
mathématique.
ces fpéculations , qui ne font que
comme le grammatical fin , ou la
dialectique d'un Difcours , dont je
puis fentir le mérite , fans entrer dans
ce détail. La Mufique me parle pat
nm
réduits a un Principe. 263
des tons : ce langage m'eil naturel :
fi je ne l'entends point , l'Art a cor-
rompu lanature , plutôt que de la
perfectionner. On doit juger d'une
d'un tableau. Je
vois dans, comme
mufique celui-ci des traits & des
couleurs dont je comprends le fens;
îl me flatte , il me touche. Que di-
roit-on d'un Peintre , qui Te conten-
teroit de jetter fur la toile des traits
hardis , & des maiTes des couleurs
les plus vives , fans aucune reflem-
blance avec quelque objet connu ?
L'application fe fait d'elle-même à
la Mufique. II n'y a point de difpa-
rité ; & s'il y en a une , elle fortifie
ma preuve. L'oreille , dit -on , eft
beaucoup plus fine que l'œil. Donc
je fuis plus capable de juger d'une
mufique, que d'un tableau.
J'en appelle au Compofiteur mê-
me :quels font les endroits qu'il apr
prouve le plus , qu'il chérit par pré-
férencauxquels
e, il revient fans cefTe
Riv
■—■——
jmge.
Il y a des fons dans la Nature qui
répondent à fon idée , fi elle efl mu-
ficaie ; & quand le Compofiteur les
aura trouvés , il les reconnoîtra fur
le champ : c'eft une vérité : dès qu'on
la découvre , il femble qu'on la re-
çonnoiiïe , quoiqu'on ne Tait jamais
vue. Et quelque riche que foit la.
nature pour les Muficiens . fi nous
ne pouvions comprendre le fens des
exprefiions qu'elle renferme , ce ne
feroit plus des richeffes pour nous.
Ce feroit un idiome inconnu, & par,
conféquent inutile.
La Mufique étant fignificative
dans la fymphonic, où elle via qu'une
demi-vie , que la moitié de fon être ,
que fcra-t'elle dans le chant , où elle
devient le tableau du cœur humain l
Tout fentiment , dit Ciceron 3 a un
■——■■■■■—■
«K>
270 Les beaux Arts
CHAPITRE III.
CHAPITRE IV.
O U o i q u e la Poèfie , la Mufique
& la Danfe fe fcparcnt quelquefois
pour fuivre les goûts & les volontés
réduits a un Principe. 283
des Iiommes ; cependant comme la
Nature en a crée les principes pour
être unis , & concourir à une même
fin , qui eft de porter nos idées &
nos fentimens tels qu'ils font , dans
l'efprit & dans le cœur de ceux à
qui nous voulons les communiquer;
ces trois Arts n'ont jamais plus de
charmes , que quand ils font réunis :
Cumvaleant multùm verba per fe,
& vox propriam vim adjiciat ré-
bus, & geftus motufque fignificet
alicjuid , profeèld perfeâïum quid-
dam , cum omnia contint fieri ne-
cejfe efi. Quintil. x. 3.
Ainfi lorfque les Artiftes féparè-
rent ces trois Arts pour les cultiver
& les polir avec plus de foin , cha-
cun en particulier ; ils ne durent ja-
mais perdre de vue la première infti-
tution de la Nature , ni penfer qu'ils
piaffent entièrement fe palier les uns
des autres. Ils doivent être unis , la
Nature le demande, le goût l'exige :
284 Les beaux Arts
mais comment : & à quelle condi-
tion C'en1
? un traité dont voici la
bafe , & les principaux articles.
11 en eft des différens Arts , quand
ils s'unifient pour traiter un même
fujet , comme des différentes parties
qui fe trouvent dans un fujet traité
par un feul Art : il doit y avoir un
centre commun , un point de rap-
pel ,pour les parties les plus éloi-
gnées. Quand les Peintres & les Poè-
tes représentent une action ; ils y
mettent un Acteur principal qu'ils
appellent le Héros , par excellence.
C'eft ce Héros qui eft dans le plus
beau jour , qui eft Tarne de tout ce
qui fe remue autour de lui. Quelle
multitude de Guerriers dans l'Ilia-
de !que de rôles différens dans Dio-
mede, Ulyfle , Ajax , Hector, &c.
il n'y en a pas un qui n'ait rapport à
Achille. Ce font des dégrés que le
Poëte a préparés , pour élever notre
idée jufqu'à ta fublime valeur de fou
enduits A un Principe. 28$
Héros principal : Tintervale eût été
moins fenfible , s'il n'eût point été
mefuré par cette efpèce de grada-
tion de Héros , & Tidée d'Achille
moins grande & moins parfaite fans
la comparaifon.
Les Arts unis doivent être de même
que les Héros. Un feul doit excel-
ler ,& les autres refier dans le fé-
cond rang. Si la Poëfie donne des
Spectacles ; la Mufique & la Danfe
(a) paraîtront avec elle ; mais ce
fera uniquement pour la faire va-
loir, pour lui aider à marquer plus
fortement les idées & les fentimens
contenus dans les vers. Ce ne fera
point cette grande Mufique calcu-
lée ,ni ce gefte mefuré & caden-
cé qui offufqueroient la Poëfie , &
lui déroberoient une partie de l'at-
tention de(es Spectateurs ; mais une
(a) La Danfc ne fi- i efl: pris dans fa plus
gnific
Gefte jiciainfi
que cel'Arc du JI grande étendue.
terme
m
Voici ment
l'autre
dans la qui
mêmele fuit
fcéneimmédiate-
:
Hélas ! fî jeune encore,
Par quel crime ai je pu mériter mon malheur?
Ma vie à peine a commencé d'éclorc ,
Je tomberai comme une fleur
FIN.
ïïi
TABLE
DES MATIERES.
A quelle condition. 44
45
TABLE DES MATIERES.
Arts de trois efpcccs. 6
Arts inventés par les hommes & pour les hom-
mes ,quelles conféquences tirer de ce prin-
cipe. S
Arts , doivent choiiîr les exprefïïons aufîï- bien
que les objets. 40
Leurs définitions. 41
Arts , en naiflànt avoient befoin d'éducation ,
de même que les hommes. 70
Comment ils périiTent. 7J
B
M
DES MATIERES. »47
jyivifioK I, de fa Poe'fic en Epique & Dra-
matiquefur
, quoi fondée. 1+6
Divijion II. fondée fur le même principe.
%$
c'eft. 50
Fonds de Vo'éfie , fubhfte fans Vérification.
T A B L E
Imiterde, ceTf que zoo
}etc é, re,c'efL
Jtrvenal y ci-té.
M
M'
Mafujue , contenait autrefois la Dante , la
Vérification, L» Déclamation. zjo
Elle doit toujours avoir un fens. r6x
Elle a des exprefïiorre qu'on ne peut nom-
ma. i-6g
On h peut comparer au drfeours. i f, j
Deux fortes de Mufique. %66
Toutes deux comparées à la Peinture: i&id.
Mefître , Mouvement _, Mendie , Harmonie ,
s'uniiTent également sv%c les paroles , les
tons, les geftes , & forment la Veriïfïca-
tion , la vraie Mufique & la Danfe. j£
N
o
o
B/ets désagréables dans la Nature ,
plaifent pins dans les Arts , que les ob-
jets agréables : pourquoi. 97,
Occajton , qui fît naître les Arts, £7
Opéra, ce qu'il doit être. m
^M $M& p^-Ml ;£*££
DES MATIERE S.
Ouvrages des Arts , ne font que des re/îem-
blanccs. 14
P
TABLE
Anacréomïques. ibid,
Pourquoi Virgile a fait emporter Creufe par an
prodige, 16}
T'rjj'e , définie par oppofition à la Poe'fic. 147
87
Q
I Erence cité. .• r
Tout lié dans les Arts comme dans îa Nature.
JLu Euxts.
APPROBATION.
EXPLICATION
DU FRONTISPICE
et des Vignettes.
frontispice.
PHedre & Socrate aiïîs fous un plane ,
lifent une Diflertation fur le Beau ïiift
x*mv. Suie: tiré de Plat. Dial. Phcdr.
FLEURON.
Wà
* XV
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loir,
THej.PAMLGETTycaWF^
UBRARY
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