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LA LOI NATURELLE,
AVEC DES PREFACES
DES NOTE S, &c.
A GENEVE,
AVEC A P PR O B A 5T I 0 N,
ET PERMISSION.
v
(a)
A V I S
DES EDITEU R S.
JQ Es Copies aujsi tronquées qu'infidèles de ces deux Poe-
mes s'étant répandues dans Paris, elles y ont été bien-
tôt imprimées. Nous reparons cet inconvénient fréquent
& inévitable, en publiant cet Ouvrage avec des Notes
utiles, & des Préfaces de /'Auteur, comme un échantil-
lon de la grande édition que nous avoitf annoncée ; nous
osons ajfurer qu'on reconnaîtra dans ces Poèmes les senti-
ments répandus dans la HENRIADE, &? dans plus d'un
ouvrage philosophique. Un esprit qui respire l'adoration
t
d'un Etre Suprême, Rattachement aux Loix, amour du
Genre humain, la tolérance, & la bienfaisance.
NOUS nous flattons de donner dans quelques mois ( du
même Auteur ) l'Essay sur PHistoire générale depuis Char-
lemagnc jusqu'à nos jours. Cest un ouvrage d'une grande
étendue, bien différent des petits morceaux décousus qui
ont couru mal - à - propos fous son nom, & qu'on a intitu-
lés non moins maUà-propos HISTOIRE UNIVERSELLE.
PRE-
PREFACE
D E
L'.AUTEU R.
SI jamais la question du Mal Physique a mérité Pat-
tention de tous les hommes, c'est dans ces événe-
ments funestes qui nous rappellent à la contemplation
de nôtre faible nature, comme les pestes générales quî
ont enlevé le quart des hommes dans le Monde con-
nu , le tremblement de terre qui engloutit quatre-cent-
mille personnes à la Chine en 1699. celui de Lima &
de Callao, & cn dernier lieu celui du Portugal & du
Royaume de Fez. L'axiomc, Tout est bien, paraît un
peu étrange à ceux qui font les témoins de ces désas-
tres. Tout est arrangé, tout est ordonné, faus doute,
par la Providence,- mais il n'est que trop sensible, que
tout depuis longtems n'est pas arrangé pour nôtre bien-
être préíènt.
Lorsque Pillustre Pope donna son EJsay surthomme,
& qu'il dévelopa dans ses vers immortels les sistêmes
de Leibnite, du Lord Shastersburì, & du Lord Bolling-
A q brohe,
4 P RE FA CE
hrohe, une foule de Théologiens de toutes les Commua
nions attaqua ce sistème. On se révoltait contre cet
Axiome nouveau que Tout est bien, que l'homme jouit
de la seule mesure du bonheur dont soii être soit susceptible
&c... II y a toujours un sens dans lequel on peut con-
damner un écrit, & un sens dans lequel on peut Pa-
prouver. II serait bien plus raisonnable de ne faire at-
tention qu'aux beautés utiles d'un ouvrage, & de n'y
point chercher un sens odieux. Mais c'est une des im-
perfections de notre nature, d'interpréter malignement
tout ce qui peut être interprété, & de vouloir décrier
tout ce qui a du succès.
On crut donc voir dans cette proposition, Tout est
bien, le renversement du fondement des idées reçues.
Si Tout est bien, disait-on, il est donc faux qiie
la nature humaine soit déchue. Si Pordre général exi-
ge que tout soit comme il est, la nature humaine n-a
donc pas été corrompue i elle n'a donc pas eu besoin
de Rédempteur. Si ce Monde tel qu'il est, est le meilleur
des Mondes possibles, on ne peut donc pas espérer un
avenir plus heureux. Si tous les maux dont nous som-
mes accablés font un bien général, toutes les Nations
policées ont donc eu tort de rechercher Porigine du
mal Physique & du mal Moral. Si un homme mangé par
les bètes féroces fait le bien-être de ces bêtes, & contri-
bue à Pordre du Mondej si les malheurs de tous les
particuliers ne font que la fuite de cet ordre général
& nécessaire j nous ne sommes donc que des roues qui
fer-
D E VA V TE V R. ï
scívcnt à faire jouer la grande machine} nous ne som-
mes pas plus précieux aux yeux de DIEU que les ani-
maux qui nous dévorent.
Voilà les conclusions qu'on tirait du Poëme de Mr,
Popei & ces conclusions mêmes augmentaient encor la
célébrité & le succès de Pouvrage, Mais on devait l'en-
vifager fous un autre aspect, II fallait considérer le re£
pect pour la Divinité, la résignation qu'on doit à ses
ordres Suprêmes, la laine Morale, la tolérance, qui font
Pâme de cet excellent écrit. C'est ce que le Public a fait 5
& Pouvrage ayant été traduit par des hommes dignes de
le traduire, a triomphé d'autant plus des critiques qu'el-
les roulaient fur des matières plus délicates..
C'est le propre des censures violentes, d'accréditer
les opinions qu'elles attaquent. On crie contre un livre
parce qu'il réussit, on lui impute des erreurs. Qu'ar-
rive-t-il? Les hommes révoltés contre ces cris, pren-
nent pour des vérités les erreurs mêmes que ces criti-
ques ont cru apercevoir. La censure élève des fantômes
pour les combattre, & les Lecteurs indignés embrassent
ces fantômes.
Les critiques ont dit} Leibuitz t Pope, enseignent 1e
Fatalisme : & les partisans de Leibuitz & de Pope ont
dit} Si Leibuitz & Pope enseignent le Fatalisme, ils out
donc raison; & c'est à cette Fatalité invincible qu'il faut
croire.
Pope avait dit, Tout est bien, en un sens qui était
A 3 très
6V PREFACE
très rcccvablc, & ils le disent aujoimlhui en uti sens
qui peut être combattu.
L'Autcur du Poëme fur le déíastre de Lisbonne ne
combat point Pillustre Pope, qu'il a toujours admiré
& aimé } jl pense comme lui fur presque tous les
points} mais pénétré des malheurs des hommes, il
s'élève contre les abus qu'on peut faire du nouvel axio-
me , Tout est bien. II adopte cette ancienne & triste véri-
té reconnue de tous les hommes, qu'il y a du mal sur
la Terre il avoue que le mot Tout est bien pris dans
,*
A 4 POE-
POEME
SUR LE DESASTRE DE LISBONNE,
OU EXAMEN DE CET AXIOME,
TOUT EST BIEN.
O Malheureux mortels ! ô Terre déplorable !
O de tous les fléaux assemblage effroyable !
D'inutiles douleurs éternel entretien!
Philosophes trompés, qui criez, Tout est bien,
Accourez : contemplez ces ruines affreuses,
Ces débris, ces lambeaux, ces cendres malheureuses,
Ces femmes, ces enfants, l'un fur l'autre entassés,
Sous ces marbres rompus ces membres dispersés}
Cent mille infortunés que la Terre dévore,
Qui sanglants, déchirés, & palpitants encore,
Enterrés fous leurs toits terminent fans secours
Dans Phorreur des tourments leurs lamentables jours.
Aux, cris demi-formés de leurs voix expirantes,
Au spectacle effrayant de leurs cendres fumantes,
Direz-vous, c'est Peffct des éternelles Lòix,
Qui d'un DIEU libre & bon nécessitent le choix ?
Direz-vous, en voyant cet amas de victimes,
DIEU s'est vengé» leur mort est le prix de leurs crimes?
Quel
POEME SUR LE DESAST.DE USB. 9
Quel crime, quelle faute ont commis ces enfants,
Sur le sein maternel écrasés & sanglants ?
Lisbonne qui n'est plus, eut-elle plus de vices
Que Londre, que Paris, plongés dans les délices ?
Lisbonne est abimie, & l'on danse,à Paris.
Tranquilles spectateurs, intrépides esprits,
pe vos.frères mourants contemplant les naufrages,
Vous recherchez en paix les causes des orages}
Mais du fort ennemi quand vous sentez les coups,
Devenus plus humains vous pleurez comme nous.
Croyez-moi, quand la Terre cntr'ouvre ses abîmes,
Ma plainte est innocente, & mes cris légitimes.
.
Partout environnés des cruautés du fort, :
Ne
10 POEME SUR LE
Ne pouvait nous jettor dans ces tristes climats,
Sans former des volcans allumés fous nos pas?
Borneriez-vous ainsi la Suprême Puissance?
Lui défendriez - vous d'exercer fa clémence ?
L'éternel Artisan n'a-1-il pas dans ses mains
Des moyens infinis tout prêts pour ses desseins ?
Je désire humblement, fans offenser mou Maître,
Que ce gouffre enflammé de souphre & de salpêtre
Eût allumé ses feux dans le fond des déserts.
Je respecte mon DIEU, mais j'aime PUnivers:
Quand Phomme ose gémir d'un fléau si terrible,
11 n'est point orgueilleux, hélas ! il est sensible.
Les tristes habitans de ces bords désolés,
Dansl'horreur des tourments seraient-ils consolés,
Si quelqu'un leur disait } Tombez, mourez tranquiles,
Pour le bonheur du Monde on détruit vos aziles ;
D'autres mains vont bâtir vos palais embrasés >
D'autres Peuples naîtront daHs vos murs•. écrasés}
Le Nord va s'enrichir de vos pertes fatales,
Tous vos maux font un bien dans les Loix générales $
DIEU vous voit du même miil que les vils vermijfaux,
Dont vous ferez la proye au fond de vos tombeaux?
A des infortunés quel horrible langage!,
Cruels ! à mes douleurs n'ajoutez point Poutrage.
Non, ne présentez plus à mon coeur agité
Ces immuables loix de la nécessité, ;
deux Principes
t toutes les solu- enseigner ce que Pefprit humain
tions qui fe présentent à Pefprit ne saurait comprendre»
humain dans cette grande din\«
DESASTRE DE LISBONNE. i?
Je ne conçois pas plus comment tout serait bien:
Je suis comme un Docteur, hélas ! je ne sai rien.
Platon dit qu'autrefois Phomme avait eu des ailes,
Un corps impénétrable aux atteintes mortelles}
La douleur, le trépas, n'aprochaient point de lui.
De cet état brillant, qu'il diffère aujourdhui!
II rampe, il souffre, il meurt ; tout ce qui naît, expire j
De îa destruction la Nature est PEmpire.
Un saibl e composé de nerfs & d'ossements
Ne peut être insensible au choc des éléments j
Ce mélange de íàng, de liqueurs, & de poudre,
Puis qu'il fut assemblé, fut fait pour se dissoudre. *
Et le sentiment promt de ces nerfs délicats
Fut soumis aux douleurs ministres du trépas.
C'est là ce que m'aprend la voix de,la Nature.
J'abandonne Platon, je rejette Epìàtre.
Bayle en fait plus qu'eux tous: je vais lè consulter:
La balance à la main, Bayle enseigne à douter, b
Assez sage, assez grand pour être sans système,
II les a tous détruits & sc combat lui-même:
Semblable à cet aveugle en butte aux Philistins,
Qui tombá fous les murs abattus par ses mains.
Que, peut donc de Pesprit la plus vaste étendue!
Rien : le livre du Sort se ferme à notre vue.
L'homme étranger à soi, de Phomme est ignoré.
Que snis-je? où íuis-je? où vai-je? & d'où suis-je tiré? t
Ato*
b Voyez les notes à la sin du Poëme.
í Voyez les notes à la fin du Poëme.
16 POEME SUR LE
Atomes tourmentés fur cet amas de boue,
Que la mort engloutit, & dont le fort se joue,
Mais atomes pensants, atomes dónt les yeux
Guidés par la pensée ont mesuré les CieUx\
Au sein de Pinfini nous élançons notre être,
Sans pouvoir un moment nous voir & nous connaître.
Ce monde, cc théâtre, & d'orgueil & d'erreur,
Est plein d'infortunés qui parlent de bonheur.
Tout se plaint, tout gémit en cherchant le bien-être 5
Nul ne voudrait mourir j nul ne voudrait renaître.
Quelquefois dans nos jours consacrés aux douleurs,
Pau la main du plaisir nous essuyons nos pleurs.
Mais le plaisir s'envole & paflò comme une ombre.
Nos chagrins, nos regrets, nos pertes font fans nombre.
Le passé n'est pour nous qu'un triste souvenir 5
Le présent est affreux, s'il n'est point d'avenir,
Si la nuit du tombeau détruit Pètre qui pense.
Un jour tout sera bien, voilà notre espérance;
Tout est bien aujourdhui', voilà Pillusion.
Les Sages me trompaient, & DiEU seiil a raison.
Humbje dans mes soupirs, soumis dans ma soufrance,
Je ne m'éléve point contre la Providence. %
NO,
(18)
NO TES.
st DIEU tient en main la chaîne, & n'est point e}ichaiuê$
a La chaîne Universelle n'est pas, comme on l'a dit, une gra-
dation suivie qui lie tous les êtres. II y a probablement une distance
immense entre Phomme & la brute, entre Phomme & les sub-
stances supérieures •, il y a l'Infint entre DIEU & toutes les substan-
ces. Les Globes qui roulent autour de nôtre Soleil n'ont rien de
ces gradations insensibles, ni dans leur grosseur, ni dans leurs
distances ni dans leurs Satellites.
>
Pope dit que Phomme ne peut savoir pourquoi les Lunes de Jit'
.
\
ître n'agit 'UmaU rigoureusement* Ainsi on n'a uucune raison d'as-
lure*
.
N 0 T E.& î9
suret qu'un atome de moins sur la Terre, serait Ia cause de la de£
truclionde la Terre,
H en est de meme . des événements. Chacun d'eux a ía caula
dans l'événement qui précède*, c'est une chose dont aucun Philo-
sophe n'a jamais douté. Si on n'avait pas fuit l'opération Célariert»
ne à la mère de Ctfir, Céjur n'aurait pas détruit la République;
il n'eût pas adopté Ottave, &. Otiave n'eût pas laissé l'Empire à ïï-,
bère. Maximiiun épouse l'héritiére de la Bourgogne ÒC des Pays
bas, & ce mariage devient la source de deux-cent ahs de guerre. -
Mais que GJjaf ait craché A drcite ou à gauche que rhéntiérc
de Bourgogne ait arrangé fa coëssure d'une manière> ou d'une autre,
cela n'a certainement rien changé au lystême général.
U y a donc des événements qui ont des effets, ik. d'autres qui
n'en ont pas. II en clt de leur chaîne comme d'uu arbre généalo-
gique i on y voit des branches, qui s'éteignent à la première généra-
tion, & d'autrts qui continuent ia race Plusieurs événements res-
tent fans filiation. C'est ainsi que dans toute machine, il y a des
.essets nécelKurci au mouvement, & d'autres tsiets indirlérents qui
font la fuite des premiers, & qui ne produisent rien. Les touës d'un
carosse servent à le faire marcher ; mais qu'elles fassent voler un
peu plus ou un peu moins de poussière, le voyage se fait égale-
ment. Tel est donc Tordre général du Monde, que les chaînons
de la chaîne ne seraient point déranges par un peu plus ou un
peu moins de matière, par un peu plus ou un peu moins d'ir-
régularité.
La chaîne n'est pas dans un plein absolu ', il est démontré que
les corps Célestes font leurs révolutions dans Telpace non résistant.
Tout ì'espace n'est pas rempli. II n'y a donc pas une fuite do
corps depuis Un atome jusqu'à la plus reculée des Etoiles. Il
peut ionç y avoir des intervalles immenses entre les Êtres sensibles,
comme entre les insensibles. On ne peut donc assurer que lhom-
nie soit nécessairement placé dans un des chaînons attachés l'un à
l'autre par une fuite non interrompue. Tout est enchaîné, ne veut di-
re autre choie, sinon, que tout est arrangé. DIEU est la Cause & lo
Maître de cet arrangement, Le fopìier d'HbweVp était J'eícjave des
Destins, mais dans une Philosophie plus épurée,DIEU est le Maî-
tre des Destins. Voyez Ciatke Ttaité de t'exìjhnce de Di£U.
-
' m
. .
NO TES. 2t
son entre les mains de la jeunesse *, on se déchaîne contre Bayle.
Pourquoi ? c'est que les hommes sont inconséquents, c'est qu'ils
font injustes.
B 3 PRE-
PREFACE
S U R LE
POEME D E LA XO I
NATURELLE.
ON lait assez que cc Poème n'avait point été fait
pour être public: c'était depuis trois ans un se-
cret cutre un grand Roi & TAutcur. II n'y a que trois
mois qu'il s'en répandit quelques copies dans Paris, &
bientôt après il y fut imprimé plusieurs fois d'une ma-
nière aussi fautive que les autres ouvrages qui font par-
tis de la même plume.
11 serait juste d'avoir plus d'indulgence pour un écrit
secret tiré de l'obscurité où son Auteur Payait condam-
né» que pour un ouvrage qu'un Ecrivain expose lui-
même au r^rand jour. II serait encor juste de ne pas
juger le Poëme d'un Laïque comme on jugerait une
Thèse de Théologie. Ces deux Poèmes font les fruits
d'un arbre transplante. Qiielques*uns de ce$;ftuits peu-*
veut
PREF. SUR LE POEME DE LA LOI NAT %%
LÀ
L A
LOI NATURELLE i
P O E M E
EN Q_U ATRE PARTIE S.
E X O R D I:. '
Mais
*6 P 0 EME S V R LA
J\íais Pope approfondit ce qulls ont effleuré,
D'un esprit plus hardi, d'un pas plus assuré»
II porta le flambeau dans l'ab'une de l'ètre,
£t .Phomme avec lui seul apprit à se connaître,
L'arc, quelquefois frivole, & quelquefois divin,
L'art des vers est dans Pope utile au genre humain.
Que m'importe en eJfet que le flatteur iVOtfave»
Parasite discret, non moins qu'adroit esclave,
Du lit de sa Glicére^ ou de Ligurinust
En Prose mesurée insulte à Crifpinus,
Que Boileau répandant plus de sel que de grâce.
Veuille outrager Qninaut, pense avilir le Tasfex
Qii'il peigne de Paris les tristes embarras,
Ou décrive en beaux vers un fort mauvais repas :
II faut d'autres objets à votre intelligence,
De l'Esprit qui vous meut vous recherchez l'essence»
Son principe, fa fin, & surtout son devoir,
Voyons fur ce grand point ce qu'on a pù sçavoir,
Ce que l'erreur fait croire aux Docteurs du vulgaire,
Et ce que vous inspire un DÏEU qui vous éclaire.
Dans le fond de nos coeurs il faut chercher ses traits:
Si DIEU n'est pas dans nous, il n'exista jamais.
Ne pouvons-nous trouver l'Auteur de nôtre vie
Qii'au Labyrinthe obscur de la Théologie?
Orìgène & Jean Scot sont chez vous sans crédit,
La Nature en fait plus qu'ils n'en ont jamais dité
Ecartons ces Romans qu'on appelle systèmes,'
Et pour nous élever descendons dans nous-mêmes.
PRE-
10 J NÂTVREILE. '- a?
PREMIERE PARTIE
DIEU a donné aux hommes les idées de la jus
tice & la conscience four les avertir, corn*
5
trie il leur a donné tout ce qui leur est né~
ceffaire, Cest là cette Loi Naturelle fur la*
quelle la Religion est fondée. Cest ce seul
principe qiion développe ici Von ne parle que
de la Loi Naturelle, & non de la Religion
(ír de ses augustes Mistcrcs,
a Ç Oit qu'un Etre inconnu, par lui seul existant ,
>3 Ait tiré depuis
peu TUnivers du néant,
Soit qu'il ait arrangé la matière éternelle ,
Qu'elle nage eu son sein, ou qu'il régne loin d'elle $
Que Pâme, ce flambeau souvent si ténébreux,
Ou soit un de nos sens, ou subsiste íans eux:
Vous êtes fous la main de ce Maître invisible.
Mais du haut de son Trône obscur, inaccessible,
Quel hommage, quel Culte exige-1-il de vous?
De fa grandeur Suprême indignement jaloux,
Dès louanges, n'es voeux, flattent-ils fa puissance?
EJl-ce le peuple altier, conquérant de Bisance,
Le tranquile Chinois, le Tartare.indompté,
Avons - nous fait nôtre aine ? avons - nous fait nos sens ?
L'or qui naît au Péroul Por qui naît à la Chine,
Ont la même nature, & la même origine:
L'Artifah les façonne, & ne peut les former.
Ainsi l'Etre éternel, qui nous daigne animer,
Jetta dans tous les coeurs une même semence.
Le Ciel fit la vertu} l'homme en fit i'apparence.
II peut la revêtir d'imposture & d'erreur}
II ne peut la changer ; son Juge est dans son coeur.
SECON-
LOI NATURELLE, 3t
SECONDE PARTIE,
Réponses aux objections contre les principes d\h
ne Morale universelle, Preuve de cette vé«
rite,
J'Entends avec Cardan, Spinosa qui murmure.
Ces remords, me dit-il, ces cris de la Nature,'
Ne font que l'habitude, & les illusions,'
Qu'un besoin mutuel inspire aux Nations.
Raisonneur malheureux, ennemi de toi-même,'
D'où nous vient ce besoin ? pourquoi l'Etre Suprême
Mit - il dans notre coeur à l'intérèt porté
Un instinct qui nous lie à la société ?
Les loix que nous faisons, fragiles,, inconstantes,
Ouvrages d^un moment, sont par-tout différentes j
Jacob chez les Hébreux put épouser deux soeurs, *
TROISIEME PARTIE.
Que les hommes ayant pur la plupart défiguré,
par les opinions qui les divisent, le principe
de la Religion Naturelle qui les unit 9 doi-
vent se suporter les uns les autres.
lent donner leurs sentiments par- il n'est ici question que des Cul-
ticuliers pour des loix ge'néra- tes e'trangers, comme on Pa dé-
les. clare' au commencement de U
* ( Chaque homme ) signifie première Farde»
clairement chaque particulier qui
1,0 1 NATURELLE, 37
L'autre a du Dieu Brama désarmé la colère ;
Et pour s'être abstenu de manger du lapin,
Voit le Ciel entr'ouvert, & des plaisirs fans fin,
Tous traitent leurs voisins d'impurs & d'infidelles.
De Chrétiens divisés les infâmes querelles
Ont au nom du Seigneur aporté plus de maux,
Répandu plus de sang, creusé plus de tombeaux,
Que le prétexte vaiu d'une utile balance
N'a déíolé jamais PAUemagne & la France.
Un doux Inquisiteur, un crucifix en main,
Au feu par charité fait, jetter son prochain,
Et pleurant avec lui d'une fin si tragique,
Prend pour s'en consoler son argent qu'il s'applique,
Tandis que de la grâce ardent à se toucher,
Le peuple en louant DIEU danse autour du bûcher.
On vit plus d'une fois, dans une sainte yvresse,
Plus d'un bon Catholique, au sortir de la Messe,
Courant sur son voisin pour Phonneur de la foi,
Lui crier, Meurs, impie, ou pense comme moi.
Calvin & ses suppôts guettés par la Justice,
,
Dans Paris en peinture allèrent au supplice.
Servet fut en personne immolé par Calvin.
Si Servet dans Genève eût été Souverain,
II eût pour argument contre ses adversaires *
Fait serrer d'un lacet le cou des Trinìtaires.
Ainsi d'Arminius les ennemis nouveaux
En Flandre étaient Martyrs, en Hollande bourreaux.
D'où vient que deux-cent ans cette pieuse rage
C 3 De
3S POEME SUR LA
De nos Ayeux grossiers fut Phorrible partage ?
C'est que de la Nature on étouffa la voix}
C'est qu'à fa Loi sacrée on ajouta des Loix}
C'est que Phomme amoureux de son sot esclavage
,
Fit dans ses préjugés DIEU même à son image.
Nous Pavons fait injuste, emporté, vain, jaloux,
Séducteur, inconstant, barbare comme nous.
Enfin grâce en nos jours à la Philosophie,
Qui de PEurope au moins éclaire une partie,
Les mortels plus instruits en font moins inhumains:
Le fer est émoussé les bûchers font éteints.
,
Mais si le Fanatisme était encor le Maître,
Que ces feux étouffés feraient promts à renaître !
On s'est fait, il est vrai, le généreux effort
D'envoyer moins souvent ses frères à la mort.
* On brûle moins d'Hébreux, dans les murs de Lisbonne 5
Et même le Muphti, qui rarement raisonne,
Ne dit plus aux Chrétiens que le Sultan soumet,
Renonce au vin * barbare, & crois à Mahomet*
f Mais du beau nom de chien ce Muphti nous honore ,*
Dans le fond des Enfers il nous envoyé encore.
Nous le lui rendons bien: nous damnons à la fois
Le peuple circoncis vainqueur de tant dé Rois,
Londres, Berlin, Stockolm, & Genève, & vous-même :
Vous
* On ne pouvait prévoir a- ma trop souvent des bûchers;
lors que les flammes détruiraient t Les Turcs appellent indif-
une.partie de cette ville mal- féremment les Chrétiens Jnsidê*
heureuse, dans laquelle oh allu- let & Chien:,
h 0 1 NATUREL L E, M
Vous êtes, ô grandi Roi l compris dans Panathême,
En vain par des bienfaits signalant vos beaux jours,
A Phumaine raison vous donnez des secours,
Aux beaux Arts des palais, aux Pauvres des aziles,
Vous peuplez les déserts & les rendez fertiles.
De fort savants esprits jurent fur leur salut, *
Qye vous êtes fur Terre un fils de Belzébut.
Les vertus des Payens étaient, dit-on, des crimes.
Rigueur impitoyable! odieuses maximes!
Gazettier clandestin, dont la platte acreté
Damne le Genre-humain de pleine autorité,
Tu vois d'un oeil ravi les mortels tes semblables,
Paitris des mains de DIEU pour le plaisir des Diables,
N'es-tu pas satisfait de condamner au feu
Nos meilleurs citoyens Montagne & Montesquieu?
Penses-tu que Soa-ate, & le juste Aristide,
Solon, qui fut des Grecs & Pexemple & le guide,
Penses-tu que Trajan, Marc-Aurèle, Titus,
Noms chéris, noms sacrés, que tu n'as jamais lus,
C 4 Auxt
* On respecte cette maxime*. l'Archevêque Unelon, Vcus étés
hors de fEglise point de salut: damné? Et un Roi de Portugal
mais tous les hommes Censés écrirait-il à un Roi d'Angleter-
trouvent ridicule & abominable re qui lui envoyé des secours í
que des particuliers osent em- Mon frère > vous irez c) tout les
ployer cette sentence généra- Diables ? La dénonciation des
le & comminatoire contre des peines éternelles à ceux qui ne
hommes qui font leurs supérieurs pensent pas comme nous, est une
& leurs Maîtres en tout genre: arme ancienne qu'on laisle sage-
les hommes raisonnables n'en u- ment reposer dans l'arfenal, Sc
sent point ainsi, L'Archevêque dont il nVst permis à aucun par-
Ttlhtson aurait-il jamais écrit à ticulier dé si} servir.
40 POEME SUR LA
Aux fureurs des Démons sont livrés en partage,
Par le DIEU bienfaisant dont ils étaient l'ìmage ?
Et que tu feras, toi, de rayons couronné,
D'un choeur de Chérubins au Ciel environné,
Pour avoir quelque tems, chargé d'une besace,
Dormi dans l'ignorancc » & croupi dans la crasses
Sois sauvé, j'y consens} mais Pimmortel NeMon,
Mais le sqávant Leibnitz & le sage Adijson,
b Et ce Locke,'cn un mot, dont la main courageuse
A de PEsprit humain posé la borne heureuse}
Ces Esprits qui semblaient de DIEU même éclairés,
Dans des feux éternels feront-ils dévorés?
Porte un arrêt plus doux, prens un ton plus modeste,
Ami, ne prévien point le jugement Céleste,
Respecte ces mortels, pardonne .a leur vertu.
Ils ne t'ont point damné t' pourquoi les damnes-tu?
A la Religion discrètement fidèle,
Sois doux, compatiíìaut, fige, indulgent comme elle}
Et faus noyer autrui songe à gagner le port t
Qui pardonne a raison, & la colère a tort.
Dans nos jours passagers de peines, de misères,
Enfansçlu même DIEU, vivons du moins en frères,
Aidons-nous l'un & l'autre à porter nos fardeaux.
Nous marchons tous courbés fous le poids de nos maux}
Mille ennemis cruels allîégeiit notre vie,
îoujeurs par nous maudite, & toujours si chérie:
Notro
b Voyez les Notes à h ím du Poçme*
LOI NATURELLE. 41
Notre coeur égaré, sans guide & fans appui,
Est brûlé de désirs, ou glacé par l'ennui.
Nul de nous n'a vécu fans connaître les larmes.
De la Société les secourables charmes
Consolent nos douleurs au moins quelques instans:
Remède encor trop faible u des maux si constans.
Ah ! n'empoisonnons pas la douceur qui nous reste !
Je crois voir des forçats dans un cachot funeste,
Se pouvant secourir, l'un sur l'autre acharnés,
Combattre avec les fers dont ils font enchaînés.
QUATRIEME PARTIE.
Cest au Gouvernement cì calmer les malheureuses
disputes de l'école qui troublent la Société,
* Cé h*est pâ$ à dire que cha» dons» lis jouissent de ces privi-
que ordre de í'Ëtat n'ait ses dis- lèges dans tout pays t mais h
tinctions, ses privilèges indispèn* Loi générale lie également tout
sablement attachés à ses ibncr le monde.
LOI NATURELLE. *f
Sont tous également les membres de PEtat.
De la Religion Pappareil nécessaire,
Confond aux yeux de DIEU le Grand & le Vulgaire;
Et les civiles Loix, par un autre Hen,
Ont confondu le Prêtre avec le Citoyen.
La Loi dans tout Etat doit être universelle.
Les mortels, quels qu'ils soient, sont égaux devant elle»
Je n'en dirai pas plus fur ces points délicats.
Le Ciel ne m'a point lait pour régir les Etats,
Pour conseiller les Rois, pour enseigner les Sages*
Mais du port où je fuis, contemplant les orages,
Dans cette heureuse paix où je finis mes jours,
Eclairé par vous-même, & plein de vos discours,
De vos nobles leçons salutaire interprète,
Mon esprit suit le vôtre, & ma voix vous répète.
Que conclure à la fin de tous mes longs propos?
C'est que les préjugés sont la raison des sots}
11 nc faut pas pour eux se déclarer la guerre :
PRIE*
4$ POEME SUR LA LOI NATURELLE,
PRIE R £
O DIEU! qu'on méconnaît, Ô DIEU! que tout annonce,
Entends les derniers mots que ma bouche prononce 5
Si je me fuis trompé, c'est en cherchant ta Loi}
Mon coeur peut s'égarer, mais il est plein de toi:
Je vois fans m'allarmer PEtcrnité paraître,
Et je ne puis penser qu'un DIEU qui m'a fait naître,
Qu'un DIEU qui sur mes jours vcrla tant de bienfaits,
Quand mes jours sont éteints, me tourmente à jamais.
ïsr o TES.
a Soit qiCnn Etre inconnu, &c.
a DtKU étant un Etre infini, fa nature a du" Être inconnue à
tous les hommes, Comme cet ouvrage est tout philosophique il >
h Et
NO TES. 4?
b Et ce Locke, en un mot, dont la main courageuse
A de Pesprit humain posé la borne heureuse »
NOTE
N 0 T ES. 49
C'est peut - être la première fois qu'on a dît que le système des
fiPope était celui du Lord Shastersburi ) c'est pourtant
une vérité
incontestable. Toute la partie physique est presque mot à mot
» -
clans la première partie du Chapitre intitulé Les Moralistes^ Section
»
3» MUEH 1SÀLLBGD IN ANSUWER TO $HO\VE &C O»t» heaUCOUp hl
Çêponàre à
ces plaintes des défauts de la Nature, Comment est - elfe
sortie si impuissante & si défectueuse des mains d\m être parfait! Maîs
je nie qu'elle soit défectueuse..,. Sa beauté résulte des contrariétés Ô\
h concorde universelle nait t
d'un combat perpétuel..... il sam que chu*
£tte être soit immolé à d^utrest les végétaux aux animaux\ les an't*
maux à la terre, ... & les loix du pouvoir central & de la végéta*
iion qui donnent aux corps céhfes Uur poids & leur mouvements
ne seront point dérangés pour íamour d'un chétif & faible animal,
qui tout protégé qu'il est par m mêmes loix fera bientôt par elles ré*
duit en pottjjiére.
Cela est admirablement dit.' & cela n'empêche pas que l'ilíusí
Ure Docteur Mark dans son Traité de l'Ëxistence de DIEU ne dP
se que lè Genre humain se trouve dans un état eò tordre naturel
\des choses de ce Monde efl manifestement renversé. Page 10. Tome I f»
%. édition, traduction de Mr. Ritotien cela n'empêche pas que
l'homme ne puisse dire5 je dois être ausii cher k mon Maître,
îrnoi être pensant & sentant, que les Planètes qui probablement
he sentent point î cela n'empêche pas que les choses de ce mon-'
'de ne puissent être autrement, puisqu'on nous aprend que Perdre
A été perverti» & qu'il fera rétabli: cela
n'empêche pas que Io
.mal Physique & le mal Moral ne soient une chose Incomprèhen-
&>k à ('esprit humain; cela n'empêche pa» qu'on ne puisse revo-
I> que£
0 X 0 T ES,
quer en doute le Tout est kient en respectant ShastersburiÌ-Sí Pó§i%
dont le systêmc a d'abord été attaqué comme suspect d'Atheïfi
me , Sc est aujourdhui canonisé.
La partie morale de ì'estai fur l'homme de Pope, est auíïi tou/3
entière dans Shastersburi, à í'articlc de la recherche fur la vertu,
te
au second volume des Camstéristìct, C'est -K\ que l'Auteur dit que
l'intcrêc particulier bien entendu fait l'întérêt général. Aimer le
bien public & le nôtre eíl non feulement possible » mais insépa-
parable To be tvell affcfted touvards the publick hitertst and onet
own it not only consistent but inséparable. C'est là ce qu'il prouve
dans tout ce livre» Sc c'est la base de toute h partie morale dé
>