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PARALELLE PREFACE

DES ANCIENS ÉKf l i Icn n’cft plus naturel n j


JET D E S M O D E R N E S . plus raifonnable que d’a­
voir Beaucoup de vénération
EN CE QU I REGARDE
pour toutes les chofcs qui ayant
LE S A R T S E T LES SCIENCES, un vray mérite en elles- mefrnes,
D 1 J L O G V E S. y joignent encore ccluy d’eftre
Arec le Poemedu Siècle de Louis le Grax» ? anciennes. C’eft ce fcntimcnt
Et une Epiftre eu Vers lur le Genxe. fi jufte & fi univcrfcl qui re­
f at M. P e r r a u l t ^ f Academie double l'amour & Ir refpcdfc
Francoifi, que nous avons pour nos An-
ccftrcs , & c’eft par là que les
Loix & les Couftumcs fc ren­
dent encore plus autentiques
& plus inviolables. Mais com­
A PARIS, me <j*a toûjours cfté le deftin
Chez J ean B a p t i s t e C oi gnaro^ des meilleures chofes de deve­
imprimeur du Roy,& de l'Académie FrançoiE^
rue S. Jacques , à la Bible d’or. nir mauvaifes par leur excès,
ôc de le devenir à proportion
M. D C L X X X V I i l .
'diVZC PRiriLëQZ DV &OY'
de leur excellence. Souvent
»4
P R E F A C E . PREFAC E.
cette vénération il louable dans y apportèrent leur acquirent
fes commenccmens, s’eil chan­ pendant leur vie beaucoup de
gée dans la fuite en une fuperf- gloire & de réputation,leurs ou­
rition criminelle , & a pafle vrages furent admirez de la po£
mefmc quelquefois jufqu'à l’I* terité qui en fit fes plus chères
do latrie. Des Princes extraor­ delices , & qui les honnora de
dinaires par leurs vertus firent mille loüanges fans bornes &
le bonheur de leurs Peuples, & fans inclure. Le refpcâ: qu’on
remplirent la Terre du bruit de eut pour leur mémoire s’aug­
leurs grandes aâions : Ils furenfc menta tellement, qu’on ne vou­
bénis pendant leur v ie, & leur lut plus rien voir en eux qui fc
mémoire fut révérée de la po£. reffentit de la foiblcfic humai­
terité , mais dans la fuite des ne , & l’on en confiera tout
temps on oublia qu’ils croient jufqu a leurs deffauts. Ce fut
hommes, & Ton leur offrit de aiT t qu’une choie euft cite fai­
l ’encens & des fâcrifices. Le te ou dite par ces grands hom­
mefmc chdfc cft arrivée au3 mes pour dire incomparable,
hommes qui ont excellé les pre­ & c’cil mefmc encore aujour-
miers dans les Arts & dans les d’huy une cfpccc de Religion
Sciences. L’honneur que leur parmy quelques Sçivans de
fieele en rcçcut, & futilité qu’ils préférer la moindre produc-
p re f j ce: PREFACE.
*ion des anciens aux plus beaux cômpofoicnt cette illuftre a£
Ouvrages de tous les modernes. femblée parurent en cftrc affez
J’avoue que j'ay cfté b le(Té d’u­ contents, hors deux ou trois
ne telle injuftice , il m’a paru amateurs outrez de l’Antiquité,
tant d’aveuglement dans cette qui témoignèrent en eftrc fort
prévention & tant d’ingratitu­ offenfez. O n cfpcroit que leur
de à ne pas vouloir ouvrir les chagrin produiroit quelque ciu
yeux fur la beauté de noftrc tique qui defabuferoit le pu-
Siècle à qui le Ciel a départi blic j mais ce chagrin s’eft éva­
mille lumières qu’il a refufécs à poré en proteftations contre
toute l’Antiquité,que je n’ay pû mon a tte n ta t,^ en paroles vai­
m’empefeher d’en cftrc emû ncs & vagues. Il eft vray qu’un
d’une véritable indignation : célébré Commentateur m a
C'a cfté cette indignation qui foudroyé dans la Préface de
a produit le petit Poème du fes Notes , où ne me jugeant
iicclc de LOUIS LE GRAND, pas digne d’eftre feul l'objet de
qui fut lu à l’Academie Fran- fon indignation , il s’adrcfle à
çoife le jour qu’elle s’aflcmbla tous les profanes qui fe conten­
pour rendre grâces au Ciel de la tent comme moy de révérer les
parfaite gucrifon de fon augu- Anciens fans les adorer, & là,
itc Protecteur. Tous ceux qui du haut de fa fcience il nous
à uij
p r é f a c é : P RE F J CE.
rraitc tous de gens fans goufi & dues que de les renverfer. En
fans autorité. Le moyen de ré- dernier lieu il a paru une allé­
pondrcàdcsraifonsfi claires & gorie fous le titre d'Hiftoirc
fi convaincantes. Enfuitc il a Poétique, où l’Auteur fc réjoüit
paru un Livre fait exprès pour aux dépens des vieux & des nou­
détruire les erreurs contenues veaux Auteurs, ôc va droit à fon
datvs mon Poëme -, on a ouvert b u t , à l’éloge des deux grands
le Livre, & on a vû qu’il ne fai- Modernes. Je ne trouve point
foit rien de ce qu’il promettoit* à redire qu’il foit prcfquc par
Il prouve que les Anciens cf- tout d’un fentiment contraire
toient de très-grands hommes j au mien, rien n’eftplus permis
& que fi quelquesfoiblcflcs leur ny plus agréable que la divcrfi-
(ont échapées, * il ne faut pas té d’opinions en ces matières ;
s*en prendre à eux, mais à leur mais je ne puis luy pardonner
fiecle dont le peu de politeiTe de ne m'avoir pas entendu, ou
ne leur permettoit pas de mieux d’avoir fait fcmblant de ne me
faire. A y-je dit autre chofc, ôc pas entendre ; il me fait dire * en
ne me femble-t’il pas que l’Au­ la perfonne des Avocats d'au-
teur de ce Livre ay t voulu plu- jourd’huy que l'éloquence pa-
toft affermir mes erreurs preten» roift autant à prouver la fervi-
* Difeeurs fu r la Anciens, fn -, 9}- & loi» * Sijftirt lehxtjm, f*j. |ji,
âr
PREFACE. PREFACE.
tude d un égoût qu’à défendre* plaifir à entendre j mais l’Au-
la canfc du Roy Dcjocarus. J’ay tcur n’a pas fongé à en dire une
die tout le contraire, & je me feule, ôc s’eft contenté de déci­
fois plaine de ce que nos Avo*- der de tout à fa fantaifie par la
cats au lieu d’avoir l’avantage bouche de fon Apollon. Com­
comme Cicéron de plaider pour me chacun a le ficn, on luy
des Rois y ou comme Demof- fournira un aufli grand nom­
thene , pour la défenfe de la bre de décidons toutes con­
liberté publique : matières ou traires quand on voudra s’en
l'Eloquence peut déployer firs donner la peine.
grandes voiles, ils ne fonemi- Il ne refte plus qu a répondre
fcrablcmcnt occupez q u i re­ à l’homme aux Fa&ums qui m’a
vendiquer trois filions ufurpez donné un coup de dent félon
liir un héritage , ou à prouver fes forces. Il m’a fait fouvenir
la fcrvuudc d’un égoût*, fujets de ce petit diable donc parle
extrêmement difgracicz pour Rabelais' qui ne fçavoit grêler
la grande éloquence : Cette Cot­ que fur le perfil j car n’ayant pu
te de négligence ou ce peu de trouver rien à reprendre dans le
bonne foy > m’a autant déplu corps de mon Poème,il s'eft jet­
que de bonnes raifons contre te fur la marge , où j’ay dit en
mon opinion x m’auroient £air parlant du Méandre, que ceffc
P RE F A C E. P RE F J C E.
un Fleuve de la Grcce, qui rc~ Thcflaiic , & l’autre la Grèce*
tourne pluficurs fois fur luy- proprement dite. Il s*cft enfui- *
mème. Il maccufe d’avoir ig­ te étendu à l’Epire , à la M a-«
nore que le Meandre cil un ccdoine , à fille de Crète 5c à «
fleuve de 1*Afic mineure, & que tout ce qu’il y a d’Illcs aux en- «
j’ay fait en cela une bcvûë virons. On l’a donné encore à *
cpouventablc ; mais il n’a pas la Sicile 5e aune partie de l’Ita- «
vû qu’il en a fait luy - meme lie qui furent appelées U grande a
une bien plus grande, en nous Grcce *,& enfin il paffa dans 1*A- «
montrant qu’il ne fçait pas que fie dont une partie fut nom-*
cette partie de 1*Afic mineure mée la Grcce jifiaticfuc. Il eue
où paife le Méandre, s’appelle encore trouvé dans un autre
U Grcce ^{latique. Pour s’inf- endroit du mefme Auteur, que «
truirc de ce point de Géogra­ la Grèce Afiatique comprend «
phie , il n’avoit qu’à lire Clu- la M yfie, la Phrygic, l’Eolic, «
verius , où Ton apprend les l’Ionie, la Doridc, la Lydie
premiers élcmcns de ccttc fcicn- la Carie. Puifque le Meandre
» ce. Le nom de Grcce , dit cet arrofe prcfquc toutes ccs Pro­
* Autheur , fc donna prcmic- vinces, ay-jc eu tort de l’appel-
* rement à deux pais cnfcmble f lcr un Fleuve de la Grèce. Si
» dont l’un s’efl depuis appelle la j’avois dit que le Méandre cfl
PREFACE. PREFACE'.
*n Ficuvc de Phrygic comme de nommer la Seine fleuve i â
l'a die Ovide, ou de Lydie ou la France, parce que la France
de Carie comme Pont die plu- enferme tous les Païs par Quel­
fieurs autres Poètes , qui ont le paffe, & où fc trouve fa four-
tous droit de n’cftre pas fort c e , fon cours & fon embou-
cxa&s en pareilles rencontres, cheurc. Si l'on veut pouffer la
y aurois fait la mcfme chofe que chicane plus loin & me repro­
fi je difois que la Seine eft un cher de n’avoir pas ajouré au
fleuve de Champagne, de Bour- mot de Grèce l'épithctc d*Afia­
ogne ou de Normandie. Si tique , je répondrav que cela
f 'unautre cofté je Pavois qua­ n’eftoit nullement ncccffairc.
lifié fleuve d'Afie j c'efl: comme Quand on dit queBias, Héro­
fi j'avois dit que la Seine cft un dote, Efope & Galien font qua­
fleuve d'Europe. Il a donc fallu tre des plus grands hommes que
pour parler juilc que jcl'ayeap- la Grcce ayt produits, s’avilc-
pclc neuve de la Grèce Afiati- t\»n de marquer que c'cft la
que ou de la Grèce firaplemenr, Grèce Afiatique dont on parle,
parce que la Grèce Afiatique quoy que ce foie dans cette Grè­
comprend toutes les Provinces ce que ces quatre grands per-
où il fait fes tours & les retours, Ibnnages ont pris naiffancc. Il
de mcfme que je ferois obligé faut d'ailleurs confiderer que
P R E F A C E. PREFACE.
iîans ma note marginale, il né plus dépourvu encore de vérité
s’agit point de Gjavoir quel cft que de vray fcmblance. Tant
le Païs où pafTe le M éandre, d’honneftes gens m’ont dit d’un
mais feulement d’apprendre au air gracieux & fort obligeant,
Lecteur, s’il ne le fçait pas, que ce leur fcmbloit,quc j’avois bien
c’eft un fleuve qui retourne plu- défendu une mauvaife caufc,
lîcurs fois fur luy-mcfmc. que j’ay voulu leur dire en pro-
Quand on examinera encore fc & d’une maniéré à ne leur
de plus pi es toutes ces critiques, en lailTer aucun doute , qfc’il
on conviendra qu’elles ne méri­ n ’y a rien dans mon Poëmc
tent pas de plus amples répon- que je n’ayc dit fericufement.
fes, aufli n*cft-cc pas à l’occa- Q u’cn un mot je fuis ircs-con^
fion des Auteurs qui ont écrit vaincu que G les Anciens font
contre moy que j’ay travaillé cxceller.s , comme on ne peut
à ces Dialogues, ce n’a efte que pas en difeonvenir, les Moder­
pour defabufer ceux qui ont nes ne leur cèdent en rien , &
cru que mon Poème n’eftoit les furpiflent mcfmc en bien
qu’un jeu d’efpnt, qu’il ne con- des ebofes. Voila diftin&c-
tcnoit point mes véritables ment ce que je penfc & ce que
fentimens, & que je m’eftois di- je prétends prouver dans mes
yerti à foùtcmr un paradoxe Dialogues.
o
PREFACE. P R E F J CE .
J’avoüc que peu de gens fe­ de partie de ceux qui la don­
ront perfuadez que le feul zelt nent * je veux dire un cer­
de la vérité me poufle à ce tra« tain peuple tumultueux de Sça-
vail, & qu’on s’imaginera plus vans , qui enteftez de l'Anti­
volontiers que j’y fuis attiré par quité , neftiment que le talent
le delir de dire quelque chofc d’entendre bien les vieux Au­
d’extraordinaire * mais il y a teurs ; qui ne fe recrient que fur
long-temps que mathefe n’efl: l’explication vray - fcmblablc
plus nouvelle, Horace & Ci­ d’un paflage obfcur, ou fur la
céron l’ont avancée de leur ceftitution heureufe d’un en­
tem ps, où l'enteftemeni pour droit corrompu j & qui croyant
ks Anciens n’eftoit pas muin-i ne devoir employer leurs lu­
dre qu’il l’eft aujourd’huy , elle mières qu’à pénétrer dans les
a cflé foûtenue enfuite par une tenebres des livres anciens y re­
infinité d’habiles gens que la gardent comme frivole tout ce
prévention n’avoit pas aveu­ qui n’eft pas érudition. Si la foif
glés , & je ne pretens rien à la des applaudiflcmcns me pref-
grâce delà nouveauté. J’afpire foit beaucoup, j’aurois pris une
encore moins à m ’acquérir par route toute contraire & plus ai-
là de la réputation, puilque je fée. Je me ferois attaché à com­
blette les fcntimcns d’une graar menter quelque Auteur cclebr*
P RE F J C e: r R EF ACE.
& difficile , j’aurois cfté bief! aurois données : J’aurois enco­
mal-adroit ou bien ftupidc * fi re eu le plaifir de dire mofl
parmi les differens Cens que peu­ Perfe, moja Juvenal, mon H o­
vent îecevoir les endroits obfi- race ; car on peut s'approprier
curs d’un ouvrage confus & em* to u t Auteur qu’on fait réim­
barafle , je n’avois pu en trou­ primer avec des Notes , quel­
ver quelques-uns qui euflenc ques inutiles que (oient les N o­
échappé à rous fes Interprétés 7 tes qu’on y ajoûte.
ou redrefler mcfmc ces Inter­ J'ay encore moins prétendu
prètes dans quelques faufles ex­ convertir cette nation de Sça-
plications. Une douzaine de vans. Quand ils fcroicnc en état
Notes de ma façon méfiées de goûter mes raifons , ce qui
avec toutes celles des Com­ n ’arrivera jamais, ils perdroicnt
mentateurs précédons qui ap­ trop à changer d’avis, &ia de­
partiennent de droit à celuy qui mande qu'on leur en feroit fc-
commente le dernier , m’au- roit incivile. Ce (croit la meC-
roient fourni de temps en temps mc choie que fi on propofoit un
de gros volumes, j’aurois eu la deen general des monnoyes à
gloire d’efire cité par ces Sça- des gens qui auroicnt tout leur
v a n s, Se de leur entendre dire bien en argent comptant,Se rien
du bien des Notes que je leur en fonds : que dévie ndroient
P R E r ACE. PREFACE'. y
leurs trcfors de lieux communs paiferoit fur le ventre malgré
6c de remarques ? Toutes ces roue le latin 6c tout le grec dont
richcflcs n'auroient plus de ils font herilTcz. Comme ce font
cours en l’état qu’elles fo n t, il gens incapables pour la plü-
faudroit les refondre , 6c leur
donner une nouvelle forme 6c } >art d'aucun autre cmploy dans
c m onde, 6c que leur travail
une nouvelle empreinte 5 ce épargne quelquefois bien de la
qu’il n’y a que le genie fcul qui peine à ceux qui étudient, il
puifle faire , & ce génie - là ils cft bon quils ayent une haute
ne l'ont pas. Cela ne feroit pas idée de leur condition, 6c qu'ils
raifonnablc, il faut que tout en vivent fatisfaus.
homme qui peut dire à propos Si j'ay le malheur de déplai­
& mcfmc hors de propos , un re à cette cfpccc de fqavans,
vers de Pindarc ou d*Ana­ il y en a d'un ordre fuperieur
créon, ayt quelque rang dittin- qui joignant la force 6c la beau*
guc dans le monde : quelle con- té de l'efprit à une profonde
fufion fi cette forte de mérité érudition, ne feront pas fâchez
venoit à s’anéantir > Le moin­ qu'on attaque une erreur fi in*
dre homme d’efprit 6c de bon jurieufe à leur ficelé, 6c qu’on
fens feroit comparable à ces tache à lever des préventions
S^avansilluftrcs, & mcfmc leur qui mettant le moindre des A n .
PRÉFACÉ. P R E F A C E .
cicns au dcffus du plus habile les beaux Arts & toutes les
des M odernes, cmpcfchc qu’on Sciences, de voir à quel degré
ne rende à leur mérite la jufticc de perfe&ion ils font parvenus
qui luy eft duc. Ils ne me blâ­ dans les plus beaux jours de
m ent point de vouloir faire l’antiquité, & de remarquer en
honneur à noftrc ficelé, puiC- meme temps ce que le raifon-
que c’eft fur eux - mcfmes que nement & 1*expérience y ont
doit rcjallir une partie de cet depuis ajoûté , & particulière­
honneur , & je ne puis blcfler ment dans le Siecle où nous
que certains efprits jaloux qui fommes. Cependant quoy que
aiment mieux ne point égaler ce deffein n’ayc prcfquc point
les Anciens ny mcfinc les fur- de bornes & qu’il s’en faille
pafler, que de rcconnôiftrc que beaucoup que je puifle y fuflù
cet avantage leur eft commun re, je fuis leur que j'en diray
avec des perfonnes qui vivent aflez pour convaincre quicon­
encore que ofera fe mettre au défi
Si je fuis blâmable en quel­ lus de la prévention & fe fervir
que chofe, c*cft de m'eftre en­ de fes propres lumières. Qui
gagé dans une encreprife au fçait d'ailleurs, fi quand j’auray
deflus de mes forces j car il s’a­ rompu la jglacc, fi lorfque j’au-
git d’examiner en détail tous ray efiuye le chagrin des plus
P R E FACE. P R E F A CE.
emportez, de qu’une infinité de dans leurs marches, dans leurs
gens d’cfprit de de bon fens qui campemens, dans les attaques
n ’avoient peut-eftre encore ja­ de les dérenfes des places, dans
mais fait de reflexion ferieufe leurs combats de dans leurs ba­
là-deiTus, fc déclareront pour tailles ; de luy voir expliquer
le parti que je tiens, il ne s’é­ comment l’invention de l'ar-
lèvera pas d’cxcellens hommes tilleric , a change infenfiblc-
qui trouvant le terrain préparé, jnent toute la face de la guer­
viendront mettre la dernière re , par quels degrez cet Art
main à mon entreprife, de trau s’eft perfectionné au point où
ter à fonds cette matière dans nous le voyons prefentement,
toute fon étendue. Quel avan­ de comment on s’en cft fait des
tage ne fcra-cc point alors de règles fi certaines de fi prccifcs,
voir par exemple un homme qu’au lieu que les plus vaillans
parfaitement inftruit de ce qui de les plus adroits peuples du
regarde l’art militaire, nous di­ monde paffoient autrefois dix
re toutes les maniérés dont les années au fiege d’une Ville
hommes fc font fait la guerre qu’ils croyoient aller prendre
depuis le commencement du en y arrivant > aujourd’huyun
monde , les differentes métho­ General d’armée fc croiroic
des que les Anciens ont tenues prefquc deshonnoré , fi ayant
P R E F J CE. P R E F A C E.
invcfti une Place qui fuivant crofeopes, on a découvert une
le calcul qu'il en a fait ne doit efpece d'immenfité dans les
refifter que vingt jours, il en grands corps 6c dans les petits,
mettoie vingt-cinq ou vingt- qui donne une étendue prcfquc
fix à s'en rendre le maiftre. Quel infinie à la Science qui les a pour
plaifir de voir d'une autre part objets. Il en fera de mcfmc de
un excellent Philofophe nous ceux qui feront voir la differen-
donner une Hiftoire exacte du cede laNavigation des Anciens,
progrès que les hommes o n t qui n’ofoient prcfquc aban­
fait dans la connoifiance des donner les rivages de la Me­
chofcs naturelles > nous rap­ diterranée , avec celle de nos
porter toutes les differentes opi­ jours , qui s'eft tracé des rou­
nions qu’ils en ont eues dans la tes fur l'Océan auifi droites &
fuite des tem ps, 6c combien aufli certaines que nos grands
cette connoiüance s’eft aug­ chemins pour paifer dans cous
mentée depuis le commence­ les lieux du monde. Il n'y a
ment de noftrc ficelé , & prin­ point d'Art ny de Science où
cipalement depuis l’ctabhflc- non feulement ceux qui en ont
ment des Académies de France une connoiftance parfaite, mais
6c d'Angleterre , où par le fc- ceux qui n'en ont qu'une légè­
cours des Tclcfcopcs 6c des My- re ceinture ne puiffent démon-
P R E f J C E . PREFACE.
trcr quils ont rçccu, depuis le j'introduits dans mes Dialogues
temps des Anciens, une infinité habiles, au point que je le fup-
d’accroiflemens confiderablcs. p o le , dans tous les beaux Arts
Le premier des Dialogues pûflcnt voir les Bâtimens de
que je donne prefentement, Ver failles fans parler de TAr­
traite de la prévention trop fa­ chitecture,
vorable où on eft pour les An­ Les Dialogues fuivans trai­
ciens , parce que j'ay crû de­ teront de l'Aftronomic , de la
voir commencer par détruire Géographie, de la Navigation,
autantquil meferoit poffiblc* de la Phyfiquc, de la Chymic,
ce qui empefehera toujours de des Mechaniques 6e de toutes
porter un jugement équitable les autres connoiflanccs, où il
fur la queftion dont il s’agit. eft incontcftable que nous l’em­
Le fécond Dialogue parle portons fur les Anciens , pour
de l'ArchitcCturc & defesdeux de là venir à l'Eloquence & à
compagnes infeparablcs , la la Poefic , où non feulement
Sculpture & la Peinture : L’Ar­ on nous difputc la préfcancc,
chitecture eft un des premiers mais où l'on prétend que nous
Arts que le befoin a enfeigné fommes beaucoup inferieurs.
aux hommes, & il eftoit pref- Cette méthode fournira une
que impofliblc que ceux que induction tres-naturcllc, que
€ ni)
P R E F J C*E. P R E F A C P.
fi nous avons un avantage vi- TEpître qui traite du Genie,
liblc dans les Arts dont les fc- parce qui ly entre paroccalïon
crcts fc peuvent calculer & mc- aiverfeschofcsfurlc mefmc fu-
furer, i l ny a que la feule im- jct. J'avois envie de retrancher
pollibilité de convaincre les quatre vers de cette Epiftre.
gens dans les chofcs de goût C'eft fur la fin où je parle ainfi
& de fanraific * comme font à M. de Fonrcnclle.
les beautez, de la Poëfic 2e de De l’Eglogut * en tes vers , éclate le merise>
l'Eloquence qui empefehe que Sans qu'il eu confie rien aufameux Tbeocrite
nous ne foyons reconnus les Q ui jamais nefit plaindre un amoureux défisse*
Maîtres dans ces deux Arts D'un ton f i délicat. f i galant d r fi fin,

comme dans tous les autres. Qiioy que je fois perfuadé


J’ay crû que je devois joindre que ces Vers ne difent rien que
à ces deux premiers Dialogues de très-véritable , ncantmoins
le Poème du ficelé de Louis le comme le nom de Theocritc
G r a n d , non feulement par­ porte dans Tefprit de ceux qui
ce qu’il en cft la caufc , mais ne le connoiflcntque de réputa­
parce que la leûure en cft en tion, une idée de pcrfc&ion en­
quelque force necefTairc pour tière en fait d'Eglogucs, je crai-
bien entendre Tétât de la quef- gnois d'attirer fur moy l'indi­
tion. Y y ay encore fait ajouter gnation du Public ïtnais il vient
P RE F ACE, P R B P A C E.
deparoîtrcde* une tradu&ion des fantez , à condition qu’on «
en vers françois de ce fameux nommcroitfinccrcmcntlesper- «
Poète qui m'a bien mis l’cfpric fonnes à qui on les beuvoit, fa «
en repos là-dcfliis. Qujmd le Maiftrcflc ne voulut jamais rien «
Public aura vû parluy • mcfmc dire -, qu’un des conviez luy «
ce que c’cft que Thcocritc , je ayant dit en plaifantant qu’elle «
fuis leur qu’il trouvera que ma avoir vû le loup Si que c'cftoit «
loüangc n'cft guère outrée, Si ce qui l’empefehoit de parler <«
qu'il ne faut pas cftrc fort dé­ ( plaifanterie qu'il faifoit mali- «
licat, fort galant Si fort fin pour cieufemcnt, parce qu'elle avoir*
l'eftrc plus que cet Auteur. Il un Amant qui fe nommoit le «
fuflu qu'on life la quatorzième Loup) elle devint rouge Si parut «
de fes Eglogues, Si qu'on voyc avoir tant de feu dans les yeux •«
de quelle forte l’amour y cil qu'on y auroit allumé un flam- «
traité. H introduit un jeune beau. Il ajoute que la raillerie «
Amant qui frit récit d'un ré­ ayant continué quelque temps, «
galé qu’il a donné dans fon jar­ elle fc mit à pleurer comme un «
din à fa Maiftrcflc Si à trois ou enfant qu'on arrache d'entre les «
» quatre de fes amis. Cet Amanc bras de fa mere, Si que là-dcflus *
« ait que (ur la fin du repas la tranfporté de rage Si de jaloufie «
'•compagnie s’dlancmife à boire il luy avoic donne deux grands «
* *l)r Mi. Je L.
P R E F J C R. P RE F J C S.
» foufflets j & que comme elle g a-' turc qui ne doit point eftre
» gnoit la porte en trouflant les exprimée. Mais outre que ces
» habits pour mieux courir r il luy exeufes fopt trcs-mauvaifes, je
*• avoir reproché qu'elle faifoit fouftiens que ce n’a jamais
*>parc à un autre de Tes plus ten­ cfté les mœurs d’aucune N a­
dres careflcs. V oicy de qucllefor- tion , non pas mefme des Iro-
te la traduction Françoifc expri­ quois , de donner des Souf­
me cette derniere circonftancc. flets à une Maiftreffe quon
* Pourmoy que tu cannoisfut ft foudain de rage* regale chez foy, & qu’un tel
De deux pefans fottûcts je couvris fon vifage ; outrage cft bien moins naturel
Ht commepour mieux fu ir retroujfant fes habits qu’il n’eft contre Nature : En
£llegagnoit la forte Gr quittait le logis. tout cas cet emportement n’eft
A h !je te déplais donc mecriay-je, Tratjlrejf<> point de nature à eftre mis dans
V n autre dans tes bras jouit de ta tendreffe. un Eglogue.
On dira que c cftoient les Je ne comprens pas comment
mœurs de ce temps - là. Voila ceux qui font à la tefte du parti
de vilaines mœurs, & par con­ des Anciens , Souffrent qu’on
séquent un vilain lîeclc bien donne au Public de Semblables
different du noftrc. On dira en­ traductions : Le moyen de les
core que cela exprime bien la foûtenir bonnes, & de foûte-
N ature, oüy, une vilaine Na- mr en mcüne temps les Origi-
*PR E F A C E . E X T R A J T DV ? RIVILEGE
d u R oy .
naux. Tout cc qua dit & que
fijauroit jamais dire M . de Fon- Ar Lettres Patences de Sa Majefté ,
tenelle contre Theocritc , ne
PSeptembre
données à Verfailles le z$. jour de
1688. (Ignées par le Roy en
luy fera jamais tant de tort que ion Conlèil B o u c h e r . Il eft permis au
(leurJ e a n B a p t i s t e C o i g n a r d ,
cette traduction. La prudence Imprimeur ordinaire du Roy à Paris , d’im­
vouloir qu’on tint cachez * les primer , vendre & débiter pendant le temps
agrément inexprimables de cer de huit années , un Livre intitulé ParalcfU
des Anciens & des Modernes en ce qui re­
Auteur, & fur tout qu’on ne les garde les A rts & les Sciences , Dialogues
expofalt pas à un ficelé comme compolez par 1« (leur P e r r a u l t de
i’Academie Françoife : Avec défenfes à
le noftre *>dont legoufl ejl gaflé & tous autres d’imprimer, vendre & débiter
malade5& dont il cftcjt difficile de ledit Livre , fur les peines portées à l’O­
riginal dudit Pnvielge.
redrejfer les travers. Ces traduc­
tions de Poètes grecs font con­ Regijtré fu r le Livre de la Communauté
tre la bonne politique. des Imprimeurs & Libraires de P aris, le
5. jour d'OEtobrc 1688.
R s devaient cesAuteurs demeurerdans leurg rec9 Signe J . B. C o i gnard Syndic.
E t fe cernenter du rejpec
Achevé d’imprimer pour la première fois
De la Gent qui forte fende : le 30 O&obrc 1688.
D'unf f avant Traducteur en a beau faire choix
C’ejt les traduire en ridicule
Que de Us traduire en Franfoiss
m Préfacé de h T raduâion de Theocrite de Mx,
de L. pag. x. J pag. t . Je 4 . e pag. t.
(
PARALELLE
DE S A N C I E N S
ET DES M O D E R N E S
EN CE Q U I R EGA RDE LES ARTS
ET LES S C I E N C E S .

T > I A L O G V E S.
D E LA P R E V E N T I O N
en faveur des Anciens.
PREMIER DIJLOGVE.
| E n D a n T les beaux jo u rs
| de ce dernier Printemps le
______! P refident....... l’Abbé
& le Chevalier........refolurent de fe
donner le plaifir de voir exa&ement
toutes les. beautés de Verfailles, &
d ’y mettre le temps que demande
une aufli grande $c auffi vafte entre­
p r it. Labtènce du Roy qui croît
allé vifiter Luxembourg & les au­
tres dernieres conqucftes, leur fem-
bla favorable pour leur detfein , &
PARALELLE quoiqu’ils n’ignoraflent pas qu’elle
A
TdralcSe des Anciens & des Modernes. 4
ôteroit a ce Palais la plus grande de Ravoir inventer, travaillent con­
partie de Ion éclat $elle les déter­ tinuellement à remplir par la lec­
mina neanmoins à ne pas difïèrer, ture le vuide de leur imagination
parce qu’elle leur donneroit les fterile, qui n’ayant point reçu de la
moyens de tout voir avec plus de nature l’idée du beau qu’elle inu
facilite & moins d'interruption. Ce prime au fonds de l'ame de ceuç
font trois hommes d’un mérite (ingu. qu’elle aime, s’en font foit une for
lier chacun en leur efpece, mais d*un les premières choies qu’on leur a
caradére d'efpnt fort diffèrent, afluré ctrebeîles, & qui, de peur de
I_e Prelident eft un de ces fçavans *fotromper, font refoius de me rien
hommes qui foniblent avoir vécu trouver digne de ‘leur eftime que
dans tous les iiécles , -tant il eft bien ce qui fora conforme aux modèles
inftruit de tout ce qui s*y eft fait qu’on leur a propofoz. U Abbc peut
&Cde tout ce qui s'y eft dit. L’amour auiîi ctre regarde comme un hom­
extrême qu’il a eu dés fa jeunefle me fçavant, mais plus riche de fos
pour toutes les belles connoiffan- propres penfées que de celles des
ces, luy a foie concevoir une telle autres. Sa fcience eft une frience ré­
cftime pour les Ouvrages des An­ fléchie Scdigerée par la méditation^
ciens ou il les a puifoes, qu'il ne croit les chofos qu’il dit viennent quelque,
pas que les Modernes ayent jamais fois de fos le&ures • mais il fe les eft
tien lait,ni puiflènt jamais rien foire tellement appropriées qu’elles foin,
qui en approche. La fcicncc n’cft bient originales, & ont toute la gnu
pas la feule chofc qui le rende re­ ce de la nouveauté. Il a pris foin de
commandable, il a auiîi beaucoup de cultiver fon propre fonds, & coiiu
gcnie contre l’ordinaire des grands me ce fonds eft fertile, il en rire par
amateurs de l’antiquité, qui, foute deirequentes réflexions mille pexw
Aij
4 TaraUHe des Anciens dr des Modernes . J
fées nouvelles, qui quelquefois fem- bics. Ils avoient déjà difputé plu-
bienc d’abord un peu paradoxes , heurs fois à l’occaflon du Poème du
mais qui étant examinées fe trou­ lle c le de L o u i s l e G r a n d ,
vent pleines^ de fens 2c de vérité. fur le mérité des Anciens. Le P ren­
Il juge du merirc de chaque choie dent avoir toujours foûrenu qu’en
en elle - même fins avoir égard ni quelque A rt 5c en quelque Science
aux temps , ni aux lieux , ni aux que ce foit ils l’emnortoicnt infini-,
perfonnes, 2c s'il cftime beaucoup ment fur les Modernes. L ’Abbc
les Ouvrages excellons qui nous réf­ avoir foùtenu le contraire fort vi-
rène de l’antiquité , il rend la même goureuièmcnc, 6c le Chevalier fe
juftice à ceux de nôtre hecle • per- ibucianr peu de ce qui en peut êrre,
fuade que les Modernes vont auiîî n’avoit fongé qu’à direlà-deflus des
loin que les Anciens, 2c quelquefois plaifantenes qui le divertiflcnt. Mais
au delà, foit par les mêmes routes, dans le voyage qu’ils firent à Ver-
foit par des chemins nouveaux 2c failles, ils épuiferent en quelque for­
difFerens. Le Chevalier tient corn, te la m atière, excitez qu’ils étoient
me le milieu entre le Prcfidcnc 2c parles beaux ouvrages tant anciens
l’Abbé. Il a de la fcience 2c du gé­ que modernes dont cePalais cft orne.
n ie, non à la vérité dans le même A peine furent- ils hors de la ville
degré , mais il y joint beaucoup de que la c o n v e n tio n commença à
vivacité d’efprit 6c d’enjouement. peu prés en cette maniéré.
Le different caractère cfcfprit de
V A B B E\
ces trois hommes les rend de diffe­
rent avis prefque fur toutes cho- Je vous avoue, Mr. le Prefident
fes , ce qui forme entr’eux une in­ que je ne puis m’empechcr de vous
finité de co ntentions fo rt agrea- envier le plaifir que vous allez avoir
A iij
€ Tirait Hé des Anciens & des Modernes* ?
dans la veiie d'un palais ou il y a
L' A B B S*.
pour vous cane de beauccz toutes
nouvelles. C ’êft que je connois v ô tre pafl
fîon demefurce pour roue ce qui eft
LE P RES IDE NT .
étranger & éloigne, car vous êtes
Vous me direz tout ce qu’il vous parfaitement François de ce côté-là.
plaira, mais je doute que Verlàiîles
LE P R E S I DE NT .
vaille jamais Tivoli ni Frcicati.
Il eft vray que nôtre N ation &
L* A B B i*.
toujours etc acculée d'aimer les
J ’admire vôtre prévention. Il y Etrangers julqu’à la manie.
* plus de vingt ans que vous n’a.
vcz etc à Vcriailles , & vous pro­ L’ A B B E\
noncez hardiment en faveur des bel­ Ce n'eft pas encore tan t l'am our
les maifons d’Italie , attendez que des Etrangers qui vous rend injulle ,
vous l’ayez vu. Mais j'ay tort. Quoi, que l’amour des Anciens.
que Vcrlàiilcs renferme lêui plus de
beautés que cinquante Tivoli & au­ LE P R E S I D E N T .
tant de Freicatimis enlenibie, il per- C om m ent, l’amour des Anciens t
dra toujours la caufe dans votre
Cfprit. L’ A b B g*.
O üv,l'am our des Anciens!Quand
LE P R E S I D E N T .
vous avez vû T iv o li, ce n'a point
Pourquoy m’eftimez-vous 11 in*, été la beauté de fes fontaines 9
jufte? de fèseafeades, de lèsftatucs & de
fes peintures qui vous ont charm é,
JX TaraitHé des Anciens & des Modernes. $
ç'a été la feule penfée que Mceccnas part dans la beauté de Frefcati que
s’y écoit promené plufieurs fois avec tous fes jets d'eau 5c toutes fes caf-
Augufte ; vous vous êtes imaginé les cades.
voir enfemble dans les memes en­ LE C H E V A L I E R .
droits où vous vous reposez , vous Le fouvenir d'avoir pafle le temps
y avez joint Horace qui leur re- agréablement avec mes amis dans
citoit quelqu’une de fes O des, Sc une maifon de campagne pourroic
peut-être avez-vous récité cette me la faire aimer plus qu’une autre j
O de pour vous reprefenter mieux mais je ne m'aviicrois jamais de la
ce que vous étiez bien aife de vous trouver plus belle que Verlàilles,
imaginer j toutes gcs idées agréables parce que M axenas ou Cicéron s'y
fe font jointes à celles des jardins 5c iêroient promenez.
des fontaines , 5c comme elles fe
V A 3 B E\
font formées en même temps dans
vôtre e fp rit, elles n’y reviennent C ’eft que la tendreiîe que vous
Jamais l’une fans l'autre , de force avez pour vos amis n’approche point
que c’eft bien moins Tivoli que vous de celle que M. le Prelident a pour
aim ez, que le fouvenir de Maccenas, les Anciens.
d'Auguifce 5c d’Horace. La même
L E CH E V A L I E R .
choie eft arrivée à Frcfcati j vous y
avez vu Cicéron au milieu de fes Je voy bien que le voyage ne fe
amis , agitant ces queftions fçavan- fera pas fans en venir aux mains plus
tes dont la lecture fait encore au- d’une fois fur nôtre grande queüion
jourd’huy nos delices, 5c je fuis feur de la préférence des Anciens fur les
qu'à vôtre égard l'éloquence de Ci­ M odernes, ou des Modernes fur les
céron entre pour une plus grande Anciens.
A v
10 Partielle des Anciens & des Modernes. f|:
L ' ABBE1.
L’ AB B S*.
Le lieu où nous allons ne me fera
pas defavantageux , il me fournira Nous verrons tout cela fu ries
ranc de preuves par les beaux ou­ lieux, mais-je foûdens par avance
vrages donc il eft rempli, de la fuffî- qu’on fait tous les jours des chofes
fànce des hommes de nôtre fiecle , tres-excellentes fans le fecours de
que je n’auray pas de peine à en pla­ l’imitation , $c que comme il y a
cer quelques-uns au defius ou du encore quelquediftance entre l’idée
moins d codé des plus grands hom­ de la perteàion 5c les plus beaux
mes d’encre les Anciens. ouvrages des Anciens , il n’efl pas
impoflîble que quelques ouvrages
LS P RES I DENT.
des Modernes ne (ê mettent entre
Ec moy je le prensautfi volontiers deux, & n’âpprochent plus prés de
pour le champ de bataille qui ne cette idée.
peut que m'être favorable &. à l’hon­
LE C H B V A L I E R.
neur de l’Antiquité que je dcfens,
puifque fes plus grandes beautés Voulez-vous bien que je vous difè
confiftent dans l’amas précieux des la vérité *il y a de la prévention de
.figures antiques & des tableaux an. part & d’autre.
ciens qu’on y a portez, & que le
L’ AB BS*.
furplus de ce Palais ne peut erre
confidcrable qu’autant que les ou­ Il peut y en avoir un peu de mon
vriers qui y ont travaille ont eu l’a- côté. Je connois tant d’exceilens
drefïè de bien imiter dans leurs ou­ hommes en toute forte d’Arrs & de
vrages la grande Sc noble maniéré- Sciences, & j'ay contracté une ami­
des Anciens, tié fi étroite avec eux, qu’il Ce peut
A vj
Il Paraît/U des Anciens & d*s Modernes. 15
faire que je ne fuis pas to u t-à -fa it dire adorable s car enfin en quoy
équitable, 5c que pour les voir d’un confifte l’adoration finon à rccon-
peu trop près , 2c les Anciens d’un noitre une perfection infinie dans ce
peu trop loin v je ne juge pas fai- qu’on adore , & à s’y foùmettre tel­
nemenc de la véritable grandeur de lement q u e , contre le témoignage
leur mente j mais quelle comparai- de fes fens 5c de fa raifon , on y
fon peut-il y avoir de la prévention trouve tout admirable , 5c même
où je puis erre avec celle où l’on d’autant plus admirable que l’on
eft pour les Anciens. Car enfin quel­ 11e le comprend pas. N 'e ft- ce pas
que eftime que je fade des ouvra, ià cette difpofition rcfpedueufe où
ges de nôtre liecie, j’y trouve des font preique tous les Sçavans 6c
défauts 2c meme dans quelques-uns rous les Partifans zelez de Anti­
des défauts très-confiderables, mais quité. Pour en être convaincu , il
les vrais amateurs des Anciens afsfi­ ne faut que voir ce nombre infini
rent qu’ils ont atteint à la derniere d’interprètes qui tous l'encenfoir
perfection , que c’eft une témérité à la main s’épanchent en louan­
d’y vouloir rien trouver qui fe refièn- ges immodérées fur le mérité de
te de la foibleiTe humaine, que tout leurs A u teu rs, 5c regardent com­
y eft divin, que tout y eftadorable. me des oracles les endroits obfcurs
qu’ils n’enrendent pas. Il n ’eft point
1 E PRESIDENT.
de torture qu’ils ne donnent à leur
Quand on dit adorable, on veut cfprit pour en trouver l’explica­
dire très-beau, très - b o n , très - ex­ tion , point de fuppofitions qu’ils ne
cellent. f fient pour y faire entrer quelque
l ’ A B B E\ fens raiîonnabie, 5c tout ceia pour
Quand on dit adorable } on veut ùe pas avouer que quelquefois leur
14 Pm ile lie des Anciens dr des Modernes. 15
Auteur ne s’eft pas expliqué heurcu- mune avec tous les autres Interprè­
(êmenrj car c’eft un biafphcme qu'ils tes. C’eft un plaifîr de voir à quelles
n'otent proférer. allégories ces Interprètes ont re­
LE CHEVALIER. cours quand ils perdent la tram on­
tan e, cela va quelquefois jufqu'à
Ce n'eft pas fans en avoir quel­ dire que le fecrct de la pierre philo-
quefois bonne envie. Torrentius ex­ fophale eft caché fous les tenebres
pliquant cet endroit d'H orace, où fçavantes âc myfterieufes de leurs
il d ir que Memphis eft exempte des allégories.
neiges de la Scytie , 5c trouvant que
LE P R E S I D E N T .
ce n'eft pas une choie fort remar­
quable que les neiges de Seycie ne Cependant les Commentateurs
tombent pas à Mémphys ;je repren­ dont vous parlez fuivenc le confiai
drais cecy volontiers, dit-il, il un de Quintilien, homme d’un fi grand
autre que nôtre Horace ferait avi- fens dans ces matières , qu’il n'eft
fc de le dire. pas poffible de le trom per en le fiii-
L’ A B B £\
vant *. II vaut mieux, dit-il, trouver <•
tout bon dans les Ecrits des Anciens, «
Torrentius n'a pas raifen dans le que d'y reprendre beaucoup de cho- «•
fond, car on pourrait fort bien dire fes. *
que nous n'avons point en France L* A B B E*.
ni les grandes chaleurs de l'Afrique N*en dcplaiiè à Quintilien , ort
ni les grands froids de la Norvège. ne doit point trouver tout bon
Mais on n ’en découvre pas moins dans un Auteur quand tout n ’y eft
cette vénération demefuréc qu'il a pas b o n , j'aime mieux en croire
pour les Anciens, 5c qui luy eft com-
j6 T arde lie des Anciens dr des Modernes. 17
C icéron, 5c me regler fur Tes avis croque oblige par là profeifion de fai­
touchant i’eftime que je dois faire re valoir les anciens , 5c d’imprimer
« des Anciens. Mon lentiment a toû- dans l'efpric de fes Ecoliers un prou
„ jours cté , dix ce grand * O rateur, fond relpcck pour les Auteurs qu’il
» que nous fommes plus fages dans les leur propofoit comme des modèles.
» choies que nous inventons de nous- Mais pour vous montrer que le re­
■„ mêmes que n ’ont été les G recs, & proche d’adorer les Anciens n’eft pas
* qu’à l'égard de celles que nous avons une choie nouvelle , Horace vôtre
„ prifes d’eux , nous les avons rendu cher Horace s’en eft plaine forte­
„ meilleures qu’elles n’étoient, lor£ ment dans i'epître qu’il adrelleà Au-
, que nous les avons jugé dignes d’ê- gulte. Les Romains, dit-il,ont cres-
” rre l’objet de nôtre travail". Ce fen- grande railon de preferer leur Em­
" ciment de Cicéron eil un peu con­ pereur à tous les Héros de Grece5c
traire à celuy de Quintilien j & l'O ­ d’Italie, mais ils ont tort de n’eflimer
rateur n ’a pas pour les Anciens la les autres hommes qu’autant qu’ils
meme vénération que le R heteur, font éloignez ou de leur païs ou de
mais il eft aifé de voir que cette di- leur ilecle, 6c de regarder les Ouvra­
verfiré d'avis dans ces deux grands ges des Poètes anciens avec la mê­
hommes vient de la diverilté àe leurs me vénération qu’ils regardent les
conditions ôc de leurs emplois. Ci­ Loix des douze tables 5c les Livres
céron ctoit un Conful qui n’ayant des grands Pontifes.
aucun interet à louer les anciens
LE P R ES I DENT .
Auteurs >en parloir en galand hom­
m e , 5c comme il le penloic.. Quin- H orace Ce m oquoit, 5c tout cela
tiiien croît un Rheteur 5c un Peda- ne doit être regardé que comme
* C u. At Onu. une raillerie ingenieufe 5c agréable.
xfr Paraleûe des Anciens <$• des Modernes. r 9
t* A B B E*. nombre des années qu’il y a qu’ils -
Il le moquoic afsurément. Ecoiu ne font plus au monde. Voilà ce que «
Z tons-le parler*. Un A uteur, dit-il, penfoit H orace fur ce fujet, 2c de
• quieft m ort il y.a cent ans, doit-il quelle forte fon indignation s'eft ex­
» être mis entre les Auteurs anciens 2c pliquée.
» parfaits, ou entre les Aureurs mo- L E CHEVALI ER.
» dernes 2c méprifabies ? Un Auteur Cette indignation luy eft com­
.> cft ancien 2c excellent quand il a mune avec bien des gens qui n’é-
» cent ans. Mais s’il s’cn manque un toienc point dupes non plus que luy.
» mois ou deux, faut-il le mettre au Martial * entr’autres l’a exprimée
u nombre des Anciens venerables,ou agréablement en plufîeurs de les
•»parmi les nouveaux donc on le mo- Epigrammes. J*en ay traduit unç
*. que prelèntem ent, Ôc dont toute la qu’il faut que je vous dilè.
» pofterité fe moquera i Un mois ou Pourquey f i peu fiuvern Chomme tout qu'il
•»deux 2c même toute une année ne
•• doiepas empêcher qu’on ne le place refptre
* honorablement parmi les Anciens. Tronve-t’ti qui le Uni eu qui daigne le lire i
» Cela m’étant accordé j’ôceray une Ce si l ’humeur de i ’Enzne, i mon cher Régulas*
« année 8c puis une autre année , D’aimer meins les vivons que ceux qui m
* comme qui arracheroic poil à poil fine plus.
» la queue d’un cheval, 8c conron- alinfi du grand Pernpèe en vante le Pertiqm i
» dray en diminuant toujours ce grand
- amas de temps , celuy qui n’eftime E t des vieux battmens la firutbere rufliqm*
• les Auteurs que quand ils font morts, En face de Firgtle Enmus fu t l—è
g, 8c n’en mefure le mérite que par le Des Rieurs de fin temps Hemertfus jeie,\
X.efif I. * Uk. Y. Iftp. X.
20 Taraielle des Anciens & des Modernes. n
Rarement le Theatre applaudit à Afenandm lloire qui eft fçiic de tout le mondc^
mais puifque vous I*ignorc7 , il faut
A fa Corinne feule Ovide parut tendre.
vous la conter. Michel-Ange Archi­
Qjfavez. vous donc mon Livre a vous bâter tecte , Peintre & Sculpteur, mais fur
ft f c n > tout Sculpteur ex cellent, ne pou­
2 t la gloire aux Auteurs ne vtent qu après vant digerer la préférence conti­
leur mort. nuelle que les prétendus connoifl
leurs de Ion temps donnoicnt aux
r A ü B E*. Ouvrages des anciens Sculpteurs fur
Les Poètes ne font pas les feuis tous ceux des M odernes, & d’ail­
qui ont eu du chagrin de cette in- leurs indigne de ce que quelques-
juftice, ÔCVjui i’ont témoignée. Les uns d’entr'eux avoient ofé luy dire
Orateurs , les Peintres, les M uii. en face que la moindre des figures
ciens & les Phiiofophes memes en antiques croit cent fois plus bel­
ont donne des marques en mille le que tout ce qu’il avoit fait & fc-
rencontres. Mais rien n’eft plus plai. rott jamais en fa vie , imagina un
fant fur ce fujet que le tour que joua moyen leur de les confondre. II
Michel-Ange aux Curieux de ion lit fecretement une figure de mar­
tem ps, amateurs cropzelcz de l'ao» bre , où il épuifà tout (on Arc
tique. Sc tout Ion genie. Apres l’avoir
conduite a fa demierc perfection,
LE CHEVALIER..
il luy cafla un bras qu'il cacha ,
Quel cour ? Ce donnant au refte de la figure
par le moyen de certaines tein­
L'ABBE*.
tures roufifes qu’il /çavoir faire, la
Yous m’étonnez, c’eft une hi- couleur vcnerable des ftatues an-
n P i r a i elle des Anctens& des Modernes. %%
tiques, il alla luv-même la nuit l’en, qui manquoit. O n fe mit à rire de
foiiir dans un endroit où l'on de­ cette p ro p o rtio n , mais on fut bien-
voir bien-tôc jetter les fondemerrs furpris lorlque Michel-Ange ayant
d'un édifice. Le temps venu, & les apporté ce bras , & Payant pre-
ouvriers ayant trouvé cette figure fenté à l’.épaule de la figure il s'y jou
en foüillant la terre , il le lit un gmt parfaitem ent, Ôc ht voir que le
concours de Curieux pour admi­ Sculpteur qu'ils eflimoient iï infe­
rer cette merveille incomparable. rieur aux anciens , éroit le Phidias
Voilà la plus belle choie qui le te lePoliclete de ce chef-d'œuvre.
foie jamais v ue, s'écrioit-on de tous 1E CHEVALIER.
côtés. Elle efl de Phidias difoient
les uns- elle efl dePolicletedifoient L ’hifloire femble faite exprès*
les autres5 qu’on efl éloigné, di- mais on ne guérira jamais l'entête­
foient-ils tous de rien faire qui en ment où l'on efl pour l'antique.
approche $ mais quel dommage qu’il L’ A B B E ’.
luy manque un bras, car enfin nous
n’avons perfonne qui puiffe reflau- D e toutes les préventions, il n’y
rcr dignement cette figure. Michel- en a point qui faffe plus de plaifir
Ange qui éroit accouru comme les êcdont on s'applaudifle davantage,
autres, eut le pîaifir d’entendre les dans la penfée qu'on v o it, ou du
folles exagérations des Curieux, &. moins qu’on efl ellimé voir ce que le
plus content mille fois de leurs in- commun du monde ne voit pas* auffi
îultes qu'il ne Pauroit été de leurs n'oublie-t'on rien détour ce qui peut
louanges, dit qu’il avoit chez luy augmenter la vénération pour l'an,
un bras de marbre qui peut-être tiq u itc, ou empêcher qu'elle ne di­
pourrait fervir en la place de ceiuy minue. Vous n'avez peut-être pas
*4 ParaleSe des Anciens & des Modernes. if
remarqué une ruiè donc les Gram­ blés hardidles iont admirées dans
mairiens ié fonc avifez pour couvrir leurs Ouvrages , autant feroient-
les défauts des anciens A uteurs, qui clles blâmées dans les livres de$
eft devoir donné le nom honorable Ecrivains ordinaires.
de âgure à toutes les incongruicez
LS P R E S I D E N T .
& à toutes les extravagances du dif.
cours. Quand un Auteur dit le con­ Il eft vray que les figures donc
traire de ce qu’il falloir dire , on vous parlez étant mal employées ,
nomme cela une antiphrafe j quand font des fautes confiderables j mais
ilfe donne la licence de mettre un combien de fois Demofthcne, Ci­
cas pour un au tre, c’eft une antjp- céron 2c les autres grands Orateurs
tofe , ôc on appelle hyperbate une fe font-ils fervis heureufemenc de
parenthefe infupportable de dix cm quelques unes de ces figures.
douze lignes * de forte que quand
L ' A B B E\
de jeunes Ecoliers s’étonnent de
voir un Ancien qui extravague ou J ’en conviens , mais ce qui me
qui fait quelque incongruité , on fâche c’eft que quand on rencontre
leur dit qu’ils fe donnent bien de de pareilles chofes dans des Auteurs
garde de le blâm er, & que ce qui modernes, on ne dit point que ce
les choque n’eft pas une faute, mais lont des figures, on dit nettement
une figure des plus nobles 2c des que ce font des fottifes, des incon-
plus hardies. Ce qui eft de piaifant, gruitez , 2c on leur donne le nom
c ’eft qu’en même temps on les aver­ qui leur convient naturellement*
tit de ne s’en pas fervir, que c’eft peut, on s’imaginer une plus grande
un privilège refervé pour les grands marque de prévention ? Quand oa
to m m es, 2c qu’autanc que ces no- trouve dans les A nciens/clés en-
$
i6 PataUlie des Anciens & des Modernes. XJ
droits plats 5c communs, voila, dit- chofes u'une cfpccc toute différente
on , la pure nature , voila ce facile lî de celles que l’on écrit aujourd’huy,
difficile 5c cette preciculé mediocfû 5C c\i\ d’un ton foibie 5c ordinaire
té qui ne peut être trouvée ny ad* qu’on récite <c qui vient des Mo­
mirée fuififammcnt que par les e£. dernes.
prits du premier ordre j que fi on
LE CHE^ALTER.
tombe fur des endroits obfcurs 5c
intelligibles,on les regarde comme Le Preildent Morinct difeouranc
les derniers efforts de i’efpric hu. il y a quelques jours, de Pindare avec
main 5c comme des chofes divines un de les amis, 5c ne pouvant s’epui-
que la profondeur des myfteres 1er fur les ioüanges de ce Pocce ini­
qu’elles renferm ent, 5c nôtre foi* mitable, lé mit à prononcer les cinq
bielle nous rendent impénétrables : ou fix premiers vers de la première
Sur le fait des Modernes on prend de lès Odes avec tant de force 5c tant
le contre - pied , ce qui s’y trouve d'cmp halé que fa femme qui étoic
de naturel 5c de facile pafic pour prefence 5c qui eft femme d’efprit,
b as, foibie 5c ram pant, 5c ce qu’on ne put s’empêcher de luy demander
y rencontre de noble 5c de lubli. l’explication de ce qu’il témoignoit
me efl traité de Phœbus 5c de ga. prendre tant de plaiîir i prononcer.
limatias infupportable. Il n’eft pas M adame, luy dit-il, cela perd toute
jufqu’à la prononciation où cette là grâce en paffant du G rec dans le
prédilection outrée pour les An- François. N 'im porte, luy dit-elle,
cicns ne parodié vitiblement. C ’eli j’en verray du moins le léns, qui
d ’une voix Tonnante 5c clevée qu’on doit être admirable. C*eft le com­
prononce tout ce que l'on cite mencement , luy d it-il, de la pre­
des Anciens, comme il c'ctoit des mière Ode du plus fubUme de cous
135 ParaUde des Anciens & des Modernes, ty
les Poètes. Voicv comme il parle. fie que Por brille comme le feu pen­
» * L'eau eft tres-bonne à la venté fie dant la n u it, eft-ce une raifon de
.* Por qui brille comme le feu durant contempler ou de ne contempler pas
0» la nuit éclate merveillcufemcnt par- un autre aftre que le Soleil pendant
»»my les richefîès qui rendent l’hom- le jour? D e chanter ou de ne chdn-
•» me fuperbe. Mais mon cfprit, fi tu ter pas les combats des jeux Olym­
« délires chanter les combats ne con- piques ? Je vous avoué que je n ’y
»• temple point d'autre aftre plus lu* comprens rien. Je ne m’en étonne
mmineux que le Soleil pendant le jour pas,Madame, dit le Prefident, * une *
•»dans le vague de Pair, car nous ne infinité de trcs-fçavans hommes n’y «
••fçaurions chanter de combats plus ont rien compris non plus que vous. ««
• iiiuftres que les combats Oiympi- Faut-il trouver cela étrange. C 'eft
.» ques. Vous vous mocquez. de m o y , un Poëcc emporté par fon enthou-
iuy dit la Prefidente. Voila un gali­ fiafine qui foutenu par la grandeur
matias que vous venez de faire pour de fes penfées fie de les exprefiions
vous divertir bje ne donne pas fi ai- s’élève au dcftlis de la raifon ordinai­
fémcnc dans le panneau. Je ne me re des hommes-, 6c qui en cet état
mocque point, iuy dit le Prcfidenc profore avec rranfport tout ce que
fie c’cft votre faute fi vous n'étes la fureur Iuy irifpire. C et endroit eft
pas charmée de tant de belles divin fie Pon eft bien éloigné de rien
chofes. Il eft v ray, reprit la Prefi­ faire aujourd'huy de (êmblable. Af-
dente , que de Peau bien claire, de furém ent, dit la Prefidente, fie Pon
l’or bien luifant Ôc le Soleil en plein s'en donne bien de garde. Mais je
m idy, Ibnt de fort belles choies 5 voy bien que vous ne voulez pas
mais parce que Pciu cil cres-bonne m’expliquer cet endroit de PindaïC,
&fi»4'Qd, X3 * înm.Umâ. tfi/t. sd / » H # r -
$0 ?ardette des Anciens & des Modernes. 3r
cependant, s’il n’y a rien qui ne fè pour nôtre caufe. On fixait la jufteile
puiile dire devant des femmes, je ne de leurdifeernement pour les choies
voy pasoùcftla plaifanterie de m’en fines 2c délicates. La fenfibilité qu’el­
faire un myftere 11 n’v a point de les ont pour ce qui eft clair, v if, na­
piaifantene ny de myftere, luy dit turel 2c de bon fens, 2c le dégoût fil-
le Preiidcnt. Pardonnez-moy , luy bit qu’elles témoignent à l’abord de
dit-elle , fi je vous dis que je n ’en tout ce qui eft obficur, languifiant ,
croy rie n , les Anciens étoient gens contraint 2c embarraile. Quoy qu’il
fages qui ne difoient pas des chofes en fo it, le jugement des Dames a
où il n’y a ny fens ny raifon. Quoy paru d’une fi grande conféquence
que pût dire le Prelidentelle perlifta à ceux de vôtre p arti, qu’ils n’ont
dans la penfée,2c elle a toujours cru rien obmis pour le m ettre de leur
qu’il avoit pris plaifir à le mocquer c ô té , témoin cette traduction fine
d’eile. 2c dclicate des trois plus agréables
Dialogues de Platon qui n'ont été
%L E P R E S 1 DE N T.
mis en nôtre langue que pour leur
Je ne penfe pas que ce foit un grand faire aimer les Anciens, en leur fai-
reproche à un Poëce comme Pinda- fan t voir ce qu’il y a de plus beau
re de n’être pas entendu par Ma­ dans leurs Ouvrages. Malheureule-
dame la Prefidente M o n n e t, ny ment cela n’a pas réüffi 2c de cent
qu’en general le goût des Dames femmes qui ont commencé à lire ces
doive décider nôtre conteftation. Dialogues, il n’y en a peut, être pas
quatre qui ayent eu la force de les
L’ A B B£\
achever.
S’il ne l’a décidé pas entièrement
il eft du moins d’un grand préjugé
& ftraielie des Anciens & des Modernes.
>eut-on rendre , finon que les dia-
LE P R ES I DENT . Îogues de Platon font ennuyeux 5c
T a n t pis pour elles ôt tant pis pour que ceux de Lucien font divertiflàns
le Tradudeur. & agréables.
L' ABBE*. LE P R E S I D E N T .
A regard du T ra d u d e u r, il n’y a La raifon qu’on en peut rendre
point de fa faute, jamais perfonne n’a c’eft que Platon traite des queftions
mieux pris ny mieux rendu le fens de Philofophie fort abftrufes & fort
d ’un A uteur, il luy conferve toutes épi îeufês, matière qui n’eft pas à
fes grâces , & il fait parler Platon l'uiage de tout le m onde, & moins
comme il eût fait s’il eût écrit en nô­ encore des Dames que des hommes,
tre langue. Mais fuppofons que par & que Lucien fait des contes pour
une nèceffité inévitable il y ait to u ­ rire dont tout le monde eft tres-ca-
jours du déchet à une trad u d io n , pable.
cela peut-il aller à rendre ce qui eft LE CHEVA L I E R .
agréable 5c divertiflànt dans r.ne Vous ne fçavez donc pas que les
langue , defagreable & ennuyeux trois Dialogues qui ont été traduits
dans l’autre. Quand les dialogues fontl*Euthyphron,le grandHyppias,
de Lucien ont été traduits ôt don­ & PEuthydemus, & qu’ils ont é té
nés au public, même dans les pre­ choifis comme les plus propres pour
mières tradudions qui êtoient peu plaire aux Dames 5c à route la Cour,'
c o rre d e s, les Dames y ont pris du Les Sçavans qui en firent le choix
plaifir. Quand on leur adonné ceux crurent que fi les Lettres Provin­
de P laton, tres-bien traduits elles ciales , qu’ils prétendent n’eftrc que
s’y font ennuyées, quelle raifon en
54 Tarait lie des Anciens & des Modernes. 3y
ces copies très - imparfaites de ce» nemens des Sophtftes, dont i'abfur-
divins Originaux , ont eu tant de dice n’eft que trop claire fie trop évi­
fuccez dans le m onde, rien ne feroit dente , fie il en rapporte un fi grand
mieux reçu que ces trois Dialogues. nombre qu’on s’ennuye à mourir ,
Je ne fçay pas ce qu’en a penfë Ma- pendant une heure fie davantage
dame..................pour qui cette tra. que durent les impertinences de ces
du&iort a été particuliérement faite^ Sophiiies, toutes de la meme efpecc
mais jefçay qu’ils ont fort ennuyé la fie iur le même ton.
plus grande part des autres Dames.
LE P R E S I DE NT .
Ce n’eft point la matière qui a rebuté
pour eftre trop relevée, ou trop ah- Je vous le répété encore une fois,
ftrufe,ii n’y a rien de plus familier que malheur aux Dames qui s’ennuycnc
ces trois Dialogues. Platon fait voir dans la lecture dés-plus beaux Ou*»
dans le grand Hyppias que la beau­ vrages qu’il y aie au monde.
té ne confifte pas dans une belle
LE CHEVALIER.
fille, dans une belle cavale , dans
mie belle lyre, dans une belle mar­ Vous pouvez dire aufli malheur
m ite , dans une belle cuillier à p o t, aux hommes, car je ne m’y fuis pas
quoy qu’elle foit de figuier, ny dans moins ennuyé qu’une Dame. Mais
aucune autre belle chofeen particu­ pour vous montrer que quand la
lier , après quoy il finit tout co u rt, prévention ne s’en mêle point fie
fans dire en quoy le beau confifte y que le bon fens agit tout feul, on
ce qu’on croit néanmoins aller ap­ peut n’admirer pas plusieurs Ouvra­
prendre. Dans les deux autres Dia­ ges des Anciens. Dites-moy , s'*5
logues, il fait voir les mauvais raifoxw vous p la ît, Moniteur de Racan ifç l
B vj
$6 îd/iiulle des Anciens c!r des Modernes. 37
toit-il pas homme de bon lens 6c de tes des autres Epigrammes. Mon-
bon goût, il a fait des Ouvrages qui lieur de Racan bailla la telle 6c crue
ont cité trop efiimez,meme des plus devoir fe rendre à un homme qui en
fçavans, pour en dilironvenir. Un de Ravoir plus que luy. A quelques
les amis luy avanc explique un jour jours de.là ils furent invites à un re­
un grand nombre des Epigrammes pas où l’on fervit une fouppe fore
dei’Antologie, car Monficur de Ra- m aigre, fort peu fàlcc, 6c qui n’é-
can ne fçavoic ny Grec ny L atin, il to it, à la bien définir, que du pain
fut furpris de voir qu’à la réferve de trempé dans de l’eau chaude. Le
cinq ou fix de ces Epigrammes où il deffenlêur de l’Antologie qui avoic
y a beaucoup d’efp rit, 6c de quel­ tallé de la fouppe, demanda à M on-
ques-unes qui font pleines d’ordu- lieur de Racan ce qu’il luy en fem-
xes, toutes les autres (ont d’une froi­ bloit. je ne la trouve pas à mon gré,
deur 6c d’une infipidicc inconceva­ luy rép o n d it-il, mais j e n’ofe pas
bles. Comme il en témoignoic fon dire qu’elle elt m auvaile, car peuc-
étonnement , on luy dit qu’elles eftre ell-ce une fouppe à la Grecque,
avoient une grâce mervcilleufe en Cela fut trouvé plaifant de toute la
leur langue, qu’à la vericc elles ri’a- compagnie, & il fallut que les plus
voient rien qui piquait le goult, mais zélés pour l’antiquité en ri fient com.
que c’dlo it le genie de ces fortes me les autres.
d’ouvrages panny les G recs, en un
mot que c'eltoient des Epigrammes LE P R E S I D E N T .
à la Grecque dont la (implicite 6c la
cjaïvcrc euoient mille fois préféra­ Moniteur de Racan avoir fkn$
bles à coût le fel & à toutes les poin. doute de l’efprit 6c faifoic de beaux
v ers, mais ce n ’écoic pas un homme
38 Parafelie des Anciens & des Modernes. 39
qui le fut forme !e goull par la lectu­ qui en avoit autant que pcrlbnne
re des bons livres, ny par le com­ du monde , c’cit Jules Ceiar Sca-
merce des plus fçavans hommes de liger.
fon liecie.
LE P R E S I D E N T .
l* a B B E\ Je reeufe Jules Celâr Scaligcr en­
C ’eft pour cela que Ion témoi­ core plus que Monlieur de R acan ,
gnage , de même que celuy des il eft vray qu’il croit f^avant ÔCqu’il
D am es, doit avoir plus de force, avoit habitude avec les plus grands
en pareille rencontre il faut voir hommes de Ion liecie , j’ajouteray
ce que peniênt naturellement les même que c’étoit un très-b e l e£.
perfonnes de bon gouft 5c de bon p r i t , qu’il a écrit de très-bonnes
efprit, 5c ce que penferoient audi chofes fort ingenieufes, fort fpiri-
tous les fçavans qui ont du gouft fi tuclles, 5c qui ont plu extrêmement,
la prévention ne les avoit pas gâtez, mais c’étoit un homme qui n’avoit
car entre Monlieur de Racan 5c le pas de gouih
plus profond des Critiques,fuppofe
L’ ABBE' .
que ce Critique ait du fens ,je n’y
trouve autre différence lors qu’il Il n’avoit pas de gouft, 5c vous di­
s'agit du jugement d’une Epigram- tes qu’il a écrit des choies qui ont
m c , linon que ce Critique peut eftrc pl il extrêm em ent, comment cela
prévenu 5c que Monlieur de Racan le peut-il faire ?
ne i’eftoit pas. M ais parce que vous
LE P R E S I D E N T .
m’objedercs toujours que Monlieur
de Racan n'avoit aucune érudition, Pour vous convaincre de ma
je vais vous donner un homme proportion qui vous étonné j je n’ay
40 VdraUlîe des Anciens & des Modernes. 4ï
qu’une choie à vous dire. Ce * bon v o ir, mais félon la force 8c le genie
homme a fbucenu que Mufée eft que l’on y trouve. Cependant, j’ap-
meilleur Poëce qu’H om ere, que fbn peilerois plutoft cela avoir du gouft
ftile eft plus p oli, plus agréable, que de n’en avoir pas j car il en faut
plus châtié, 8c qu’il ferme fes vers davantage y pour juger par foy-
d’une maniéré plus noble 8c plus même 8c avec connoiflance , que
nombreule. Mais ce qui eft de piai- pour fe conformer aveuglement au
fane c’eft que ce Mufée l'auteur'de jugement des autres.
la fable de Leandre 8c d'H ero , donc LE C H E V A L I E R .
il fait tant de cas, n’eft pas le M ufée.
qui a précédé Homere , comme Vous verrez que Scaliger écoit
il le croyoic,mais un Poëce du temps un homme qui s’avifoic de trouver
des Empereurs Romains. A prés cela, un Auteur beau, parce qu'il en étoic
voyez quel fondement on peut foi­ charm é, ou de le trouver agréable
re fur le jugement d’un tel criti­ parce qu’il prenoit grand plaifir à
que. le lire, au lieu de confulter foigneu-
icment ce que les fages Critiques en
L'ABBE*. avoienc d it, 8c de regler par là ce
E t qu’importe en quel temps ait qu’il luy en fêmhioic.
vécu ce Mufée. Mais je commen­ LE P R ES I DENT.
ce à comprendre ce que vous vou­
lez dire pour n'avoir, pas degouft* Vous penfez vous mocquer,mais
cîeft de n’eftimer pas les auteurs il n’y a rien de plus perd leux que de
félon l'ordre des temps ou félon vouloir décider de fon chef en pa­
le rang qu’ils font en poflèffiond'a- reilles matières.
? SttÜ$%. Fut, l ü j '**l l *
4* taraliBe des Anciens & des Medcrnes. 43
L’ Af l B B’. LE PLESI DENT.

Il femble que vous parliez de l'E­ Vous dirés ce qu’il vous plaira,mais
criture fainte, ou des Conciles, 6c ces Anciens profanes que vous trai­
quel péril court un homme tel que tez fi cavalièrement font vos Maif-
Sealiger en jugeant du mérité de tres malgré que vous en ayés, 6c les
Mufée ÔCd’Homere, Je ne fuis pas Maiftres en tout pais 6c en tout
Scaliger, il s’en faut beaucoup • ce­ temps ont été eftimez en fçavoir
pendant je ferois bien fafché de plus que leurs difciples.
m ’abftenir de dire ce qu’il m*en fem­ L* A B B E*.
ble. A l’égard des Livres facrez ,
j’ay une re te n u s, un refpeék 6c une Je fuis bien aile, que vous ayez
vénération qui n’ont point de bor­ avancé cette m axim e, car c’eft ce
nes , & de là vient (ans doute que qu’on nous oppofo tous les jours, ce
j ’en ay moins pour les anciens Au* font nos Maiftres, dit-on, en pariant
teurs profanes. La grande fourni f- des Anciens, 6c l’on croit par là fer*
fion où je tiens mon efprit pour des mer la bouche à tous les Modernes,
ouvrages infpirez de D ieu, le loin Il cft vray que tant qu’un Maiftre
que j’ay de le faire renoncer fans enfoigne fon difciple, il en fçait plus
celle à les propres lumières & de le que luy, mais quand il eft au bout
ranger fous le joug de la foy f o n t. de (à foience 6c que le difciple non-
que je luy donne enfuite toute feulement là épuifee mais s’eft enri­
liberté de penfer 6c déjuger ce qu’il chi de mille autres connoiflànces
luy plaît de ces grand Auteurs donc fur la même matière , (bit par la
vous dites qu’il eft fi dangereux d’o- lecture, foit par la méditation, y a-
fer décider par foy-meme. t-il quelque inconvénient qu’il fur-
44. ToraleÜe des Anciens & des Modernes. 45
paile ce Maiflre. Suivant vôtre prin­ vitieules de ceux qui les ont enfin*
cipe vous ne fqauriez pas plus de gnez.
latin que ce bon homme chez qui LE PRESIDENT.
vous dem euriez, dont la fciencc n’a Vous voyez cep en d an t, le loin
jamais été au delà du Rudiment ôc qu'a eu l’Antiquité de nous marquer
de la Syntaxe de Delpautere. Ce les maîtres que les grands perlon-
n ’eft point des Pédagogues que vient nages ont eus dans leurs érudes ,
aux jeunes gens l’habileré qui les parce qu’elle a confidcré la fciencc
diftingue de leurs compagnons, 5c comme une lumière 5c une lampe
qui en fait de grands perionnages. qu'ils fe font donnez les uns aux
Si la curioficé nous portoit à vou­ autres demain en main.
loir connoître ceux qui ont enfei-
L’ A B B E\
gne les hommes extraordinaires que
nous avons aujourd’huy parmy J ’ay remarqué cette genealogie
nous, O rateurs, P oètes, Peintres, de Içavans , mais je i’ay confide-
Sculpteurs, Muficiens , après avoir rée comme une recherche hi(to­
bien travaillé à deterrer les Mai lires rique qui conduit la mémoire &
obfcurs chez qui ces grandes lumiè­ non pas comme un arrangement
res ont commence d ’éclore , nous qui réglait le mérité de ces grands
ferions étonnez de la diltance pref. hommes. Je n'ay pas crû non plus
que infinie qui lèparcics uns des au­ que leur do&rine fut toujours la
tres. Nous trouverions peut-ctre en­ même lumière 5c la même lan u
core qu’une des plus grandes louan­ pe qui eût paÛe de main en main.
ges de ces excelicns hommes elt de Q u’on examine Platon & Arifto-
s’ellre garentis ou de s*cftre défaits te dont l’un eft le m aître 5c l’au­
des faux principes 5c des affectations tre le difciple, p e u t-o n dire que
4.6 Tarât?IU des Anciens dr des Mêdemes. 4 7
leur doctrine 5c leurs fênrimcns Ibphes de fuite qui ayent enlèigné
foienc la même choie >Il n’eft rien la même doârine ou du moins ihr
de plus different. Platon eft un gé­ les mêmes principes, la railon n'en
nie tres-vafte 5c qui fouvent a des eft pas difficile à trouver, c’eft que
faillies admirables au de-là ,*ce fem- l’idee d’excellent homme 5c l’idce
ble, des forces de l’efprit humain , de copifte (ont deux idées incom­
niais diffus en paroles, inégal, fans patibles. J ’eftime infiniment Mon.
ordre 5c (ans méthode, A riftote, au fleur Deicartes , mais il s’en faut
contraire, non moins fort degenie, beaucoup que j’aye la même véné­
eft fuccint , précis 5c méthodique, ration pour les meilleurs de lés dis­
en forte que le difciple bien loin d’a­ ciples qui charmez de quelques ap­
voir imité fon maître 5c marché fur parences de vérités très-bien ima­
fes traces , femble s’être applique ginées par Monfleur Deicartes ,
à fuivre une autre route ôc à pren­ croyent voir clairement 5c diftinc.
dre le conrrepied de lés maniérés -, tement la maniéré ineffable d’ope-
il s'eft donné autant de peine à def- rer de la nature que les hommes ne
ccndrc dans le détail 5c dans l'exa- comprendront jamais en cette vie.
<fte connoillànce des moindres cho­ C ar * le Seigneur a livré le monde à
ies de la N atu re, (ans pompe 5c (ans leur difpute , à condition qu’ils ne
ornement de paroles, que l’autre a devineront jamais les véritables re£
pris plaiflr à s’élever par des difeours forts qui le meuvent, 5c c’eft peut-
iîiblimes 5c fleuris, au deffus de ces être dans cette perfliaflonque Mon.
mêmes choies, 5c de n’en regarder fleur Dcfcartes a donné fl agréa­
de loin que les premières idées, 5C blement 5c fl fàgement le nom de
les proprietex metaphyflques. Vous Roman philofbphique, à les plus
ne verrez point deux grands Philou + 2 fc ltfc * f. j . v .i
'4 8 fuiraitlie des Ancien* & des Modernes. 4p
fublimes 5c plus profondes médita* LE PRESIDENT.
rions.
Vous en direz ce qu’il vous plaira,
LE PRESIDENT.
mais il faut qu’un jeune homme Ce
C e que vous avancez là efl tres- propose quelque modèle excellent
propre pour autorifer une infinité dans Ces études 5c il ne le peut trou­
de jeunes gens à quitter l'étude des ver que dans les beaux ouvrages des
bons livres 5c l'imiration des bons Anciens.
m odèles,pour s'abandonner à leurs LS CHEVA LIER.
refveries, afin de devenir par là des
originaux finguliers 5c inimitables. Je fçay un moyen bien facile 5c
bien feur pour vous mettre d'ac.
L’ ABB E\
cord , c*eft de convenir, comme il
N e craignez point cela,,cette ten­ eft rres-vray, que c’eft nous qui foin,
tation ne prendra point à ceux qui mes les Anciens.
naiflent fans genie , 5c qui n'ayant LE PRESIDENT.
rien chez eux trouvent fi bien leur
compte à piller les autres. A l'égard L’expedient feroit merveilleux 11
de ceux qui ont le don de refver 5c l'on pouvoic en même temps eflre
de m éditer, il ne leur arrivera ja­ Ancien 5c M oderne, c’eft à dire,
mais de mal d'avoir digéré par la cftre 5c avoir efte tout enfembie.
m éditation, ioit les penfees qui naif L E CH EVA L I BR.
fène de leur propre fonds, (oit cel­
les qui leur viennent de dehors, par Il faut que je m'explique , n'cft-il
U convocation ou par la leéturc. pas vray que la durée du mon le
cit ordinairement regardée comme
^ Partielle des Anciens & des Modernes. jr
celle de la vie d'un hom m e, qu’elle a Pcres ont plus de fcience qu’eux,
eu Ton enfance, fa jeunelTe 5c Ion âge’ 5c s'imaginant que leurs bifayeuh
parfait, & qu’elle cil prefencemenc en avoicnr beaucoup plus encore, ils
dans fa viciilelle. Figurons-nous de ont infenfiblemenc attaché à l'âge
meme que la N ature humaine n'efl une idée defuififancc 5c de capacité
qu'un feul homme, il cil certain que qu’ils fo forment d'autant plus gran­
cet . homme auroïc été enfant dans de qu'elle s'enfonce de plus en plus
l'enfance du monde,adolefcent dans dans les temps éloignez. Cependant
(on adolefcence , homme parfait s’il ell vray que l'avantage des peres
dans la force de ion â g e , ôc que lur les enfans 5c de tous les vieillards
prcfcntemcnt le monde 5c luy fe­ fur ceux qui font jeunes, conûilc uni.
raient dans leur vieillcfTe. Cela fup- quement dans l'experience , on ne
pofë nos premiers pères ne doivent- peut pas nier que celle des hommes
iis pas être regardez comme les en- qui viennent les derniers au monde,
fans ôc nous comme les vieillards 5c ne (bit plus grande 5c plus confom-
les véritables Anciens du monde ? mee que celle des hommes qui les
ont devancez ; puifque les derniers
L ' Â B B E*.
vernis ont comme recueilli la focccfl
C ette idée eft tres-jufte, mais l’u- lion de leurs ptedecefleurs, 5c y ont
fage en a difpoic autrement. A i’c- ajodté un grand nombre de nou­
gard de la prévention, prelque uni- velles acquilicions qu'ils ont foires
vertèlle où on eft , que ceux qu'on par leur travail 5c par leur étude.
nomme Anciens font plus habiles
LE PRESIDENT.
que leurs fuccciTeurs, elle vient de
ce que les enfans voyant ordinaire­ Vous fçivez que ce qui prouve
ment que leurs Pcres 5c leurs grands- trop ne prouve rien. Selon votre rai»
C ij
PâTAleS: de s Anciens & des Modernes. \s
ibnnement les hommes du neuviè­ s’évanoui (lent pour un temps &
me & du dixiéme fiécle auroienc été qu’on voye regner en leur place l'i­
plus habiles que cous ceux de l'anci. gnorance & la barbarie. O n peut
quitc , quoique l'ignorance & la comparer alors les fcienccs & les
barbarie n'ayenc pas moins régné arts à ces fleuves qui viennent à ren­
dans ces deux fiecles, que la fcience contrer un gouffre où ils s'abîment
& lapoliteflè dans celuy d’Augufte. tout à coup ; mais qui après avoir
coulé fous te rre, dans l'etenduë de
L ' A B B E*.
quelques Provinces trouvent enfin
Il n'eft pa« malaifé de répondre à une ouverture , par où on les ea
cette obje&ion. Quand on dit que voit refïbrtir avec la meme abon­
les derniers temps doivent l'empor­ dance qu'ils y croient entrez. Les
ter lur ceux qui les precedent, cela ouvertures par où les Sciences &
fc doit entendre quand d'ailleurs tou. les Arts reviennent fur la Terre
tes chofes font pareilles , car lors font les régnés heureux des grands
qu’il furvient de grandes & longues Monarques qui en rérabliflant le
guerres qui ravagent un pais, que les calme & le repos dans leurs Etats
hommes font obligez d’abandonner y font refleurir toutes les belles
toutes fortes d’études pour fc ren­ connoifîànces. Ainfi ce ireft pas
fermer dans Je foin preilnnt de de£. aflez qu'un ficelé foit pofterieur à
fcndre leur vie}lorfque ceux qui ont un autre pour eftre plus excellent,
vu commencer la guerre font morrs il faut qu’il foie dans la profpcrité
& qu’il vient une nouvelle généra­ & dans le calme, ou s'il y a quelque
tion qui n'a été élevée que dans le guerre qu'elle ne fè fade qu'au de­
maniemenc des armes , il n’eft pas hors. II faut encore que ce calme 5c
xtrange que les Arcs & les fcienccs cctcc profperitc durent longtem ps
C iij
54 Ptraielie des Anciens & des Modernes, jf
afin que le fïccie ait le loifïr de mon­ r e , ceux qui o n t été faits immé­
ter comme par degrez à fa demiere diatement après les guerres de la
perfcétton. Nous avons dit que dans ligue ne peuvent prefque (e fouffrir
la duree gcneraledes temps depuis la tant ils font inform es, ceux qui ont
création du monde jufqu'à ce jour, fuivi m éritent quelque louange, 5c fi
on diftingue ditfêrens âges > on les l’on n'y trouve pas encore beaucoup
di(lingue de même dans chaque fie- de corredion , on y voit du leu 5c
cle en particulier, lors qu’à i’iiluë de la hardiefie. Mais ce qui s\l4
de quelques grandes guerres on com­ fait pour le Roy fous tes ordres de
mence tout de nouveau à s'inftruire Monfieur C o lb e rt, a du feu 5c de la
Sc à fe polir. Prenons pour exemple corrc&ion tout ensemble , 5c mar­
le ficelé où nous vivons. On peut que que le fiede droit deflors dans
regarder comme fon enfance le fa force pour les beaux Arts. La
temps qui s'eft palTé depuis la fin Sculpture s’eft encore perfectionnée
des guerres de la ligue jufqu'au com­ depuis, mais peu confidcrablemenr,
mencement du Mimftere du Cardh- parce qu'elle eftojc déjà arrivée à
nal de Richelieu, l’Adolefcence eft peu prés où elle peut aller. Si nous
venuë enfuice 5c a vu naître i*Aca­ voulons examiner l'Eloquence 5c la
demie Françoife }l’âge viril a fucce- Poëfie , nous trouverons qu’elle»
d é , & peut-être commençons-nous ont m onté par les mêmes degrez.
à entrer dans la vieillefle, comme Au commencement du fiecic touc
fcmblent le donner à connoiftre le écoit plein de jeux d'dpric 5c dans
dégoût qu’on a fouvent pour les les vers 5c dans la proie. C’étoit
meilleures chofes. On peut fe c m . une abondance de pointes d’An-
vaincre de cette veriré fenfible- rirhdcs , de Rebus , d'Anagram-
ment par les ouvrages de Sculpta- mes , d’Acroiliches , & de cent
C iiij
5^ Partielle des Anciens & des Modernes. 57
autres badineries puériles. Il ne faut doient comme des perles & des dia.
que lire lesjulietres, les Nervefcs .5c mans qui fêmez çà 3c là dans le dif.
les D*. faîteaux, où il y a miile choies cours, luy donnoicnt à leur gré un
qu'on ne pardonncrpic pas aujour. éclat 3c un prix ineftimable. Voicy
d’huy à des enfans. Quelque temps comment un Avocat commença fon
apres on le dégoufla de toutes ces playdoier en parlant pour fa fille.
gennileiles, 3c ièlon ia coutume des Cette fille mienne , Meilleurs , eft
jeunes gens qui ont bien étudié , on heureufe 3c* maiheureufe tout en.
voulut faire voir qu'on étoit fçavant fl*mbieT heureufe, qusdem, d'avoir
5c qu'on avoir lu les bons livres. Ce epoufe le fîeur de ia Hunaudiere
ne furent plus que citations dans les gentilhomme des plus qualifiez de
Sermons, dans les Playdoiers 3c dans la Province 5 maiheureufe autem d’a.
tous les livres qu'on donnoit au Pu­ voir pour mary le plus grand chica­
blic. Quand on ouvre un livre de neur du R oyaum e, qui s'efl ruiuc
ce tcmps-lâ on a de la peine à juger en procez 3c qui a réduit cette pau­
s'il eft L atin, G rec, ou François, 3c vre femme à aller de porte en porte
laquelle de ces trois langues elle le demander fon pain que les Grecs
fond de l’ouvrage, que i’on a brodé appellent ton arton.
des deux autres. L’ A B B É.
LE C H E V A L I E R . Us ne fongeoient qu'â paroiftre
Ils étoient fiai (esd'inferer du Latin Sçavans 3c dans cette envie ils fai-
dans leur François que lorfqu'ils n’a- foient fouvent leurs difeours moitié
voient pas en main de beaux p a (Fa­ François & moitié Larin. Cicéron,
ges , ils y m ettoient au moins de pe­ dans une de lés Epi ftres, ad Atticum,
tites particules latines qu’ils rcg tr- difoic un autre A vocat, demande f i
TataUIU des Anciens ç r des Moderne/,
w bonus peut demeurer in civitate loir trop bien taire. Avec le temps
qui porte les armes contra pamam. on a connu que le bon lèns étoit la
L a mode des citations a dure long­ partie principale du difcours , qu'il
temps & leur épanchement immo­ falloit lè renfermer dans les bornes
déré fur tous les difcours a efté tel de (a matière , n’appuyer que fur les
que le grand genie & le bonfèns de raifons & les conlequences qui en
Monsieur le Maiftre n’ont pu em­ nailient naturellement, 5e ny ajou­
pêcher quelles n’ayent inondé lés ter des ornemens qu’avec beaucoup
plus excellera playdoiers. Le fie ci e de retenue 5e de modération j parce
devenu un peu plusfage, & les Avo­ qu’ils cefient d’eftre ornemens des
cats failant refiexion que du latin qu’on les met en abondance. Il en
ainû entre-m éfié dans du François eft arrivé de même dans la P oc lie ,
ne rendoit pas une eaufé meilleure -, où les pointes trop recherchées onc
qu’un beau partage de Cicéron you Elit place au bonfens ,êe qui eft par­
un vers élégant d’Horace n’éroienc venue à làtisfaire la raifon la plu»
pas une raiïbn de leur adjuger leur fêvere, & la plus ex a d e, après qpioy
demande >fe dégoût tcrenr des cita­ il n’y a rien à faire davantage. Ainfi
tions inutiles $c le retranchèrent comme notre liécle eft poftericur à
dans leur fujet r les autres Orateurs tous les au tres, & par conféquenc
& tous les Ecrivains firent la même le plus ancien de tous , que quatre-
chofe, mais parce qu”on n’arrive pas vingts ans de repos dans la France
d’abord à la perfeâaon qu’on ié pro­ ( car les guerres étrangères ne trou­
pose, les penféesbnllantes & peu fo­ blent point te repos des Arts & des
ndes , marques de feu de la jeun elle Sciences} luy ont donné cette ma­
continuèrent d’éclater avec excez , turité & cette perfection où je viens
& on faifoit encore mai pour vou- de faire voir qtfïl-eft parvenu, pour-
C vj
€o fa r ait île des Anciens & des Modernes. 6i
quoy s’éronner fi on le prefcrc a d’eflre vray du temps de Cicéron. Il
tous les autres ficelés ? fe peut donc fort bien faire que les
auteurs François du temps de Lam­
1E PRESIDENT.
bin 3c de Patferat le cedaflcnt de
Ce raifonnement eft fort ingé­ beaucoup aux Grecs 3c aux Latins ,
nieux ,m ais j* vous feray voir que 3c que ceux d'aujourd’luiy non-fèulc-
pluficurs fçavans Auteurs de ce fie-, ment les égalent, mais les iurpaflenc
cle ont déclaré qu'il ne pouvoic y en bien des choies.
avoir de comparaifon entre les An­
LE P R E S I DE NT .
ciens 3c les Modernes.
Je m'étonne qu’ayant entrepris la
l ’ ABD EV
caufe des Modernes contre les An­
Il faut fçavoir en quel temps ces Au­ ciens , vous vous foyez retranche
teurs ont ccrir, s'il y a feulement cin­ dans nôtre fié cle, 3c que vous n'ayez
quante ou foixanre ans qu’ils le font pas voulu fortifier vôtre parti des
expliquez de la forte ils ont eu rai Ton grands perfonnages du liecle prece­
& jeme range deleuravis.SilesPafie- dent, par exemple, du TafTe 3c de
rats,lcs Lambins 3c les Turnebes ont l'Ariofte pour la Poëfie $ de R a­
pluseftimé les ouvrages des Grecs 3c phaël , du Titien 8c de Paul Veron-
des La tins,que les ouvrages François nefe pour la Peinture, 3c particuliè­
de leurs temps, je les loué de leur bon rement des deux Scaligers, de T ur-
gouft,mais ce qui étoit vray alors ne nebe, 3c de Cafaubon pour la con-
ï'eft plus aujourd’huy. Il étoit vray noiflancc des belles lettrcs, 3c la vafte
du rems d’Ennius 2c de Pacuve que étendue du fçavoir j vû même que
lés Romains n’approchoient pas des quelques-uns de ces grands perfon-
anciens Grecs , mais cela a celle nages vivoienc encore au commcq.
fAraldîe des Anciens dr des Modernes.
cernent de nôtre fîccic ^ car atfïiré- nebesy fit des Cafàubons, pour l’em­
ment vous ferez foible de ce cofté- porter fur les anciens. Il eft vray
l i , fit bien loin de trouver atijour- que les hommes que je viens de nom­
tfhuy quelqu'un que vous publiez mer croient de tres.grands perion-
oppoler à V arron, qui a toujours efté nages, mais on peut dire qu’ils doi­
regardé comme un prodige de Scien­ vent une grande partie de leur ré­
c e , vous ne ti ouverez perfonne qui putation à la profonde ignorance du
égale même les médiocres Scavans commun du monde de leur ficelé ,
du dernier fiêcle. laquelle n’a pas moins (èrvi à les fai­
re briller que la fcience donc ils
L ' A BB
croient ornez r Ils ont paru comme
Je pourrai s faire ce que vous dires, de grands arbres au milieu d’une
mais je n’ay pas beloin de ce fe. terre labourée r ait lieu qu’en ce
cours parce que je pretensque nous remps-cy où la Science eft commune
avons auiourd’huy une plus parfaite fit triviale, les Sçavans ne (onr plus
connoi (lance de tous les Arts fit de regardez parray la foule , ou ne le
toutes les Sciences y qu’on ne Ta font que comme de grands chefncs
jamais euë. Je me paflèray fort bien dans une foreft. C ’eft un cftèt de
du Taflic fit de l'Ariofte quand il I*impre(Iion fie de l'abondance des
s’agira de la Pociîe *de même que de livres, qu'elle nous a donnée : ce
Raphaël du T itien , fie de Paul Ve- qu’on peut dire avoir eu quelque
ronnefe, quand il fera question de forte changé la face de la lirteratuu
la Peinture. Pour ce qui eft de l’éru­ rc. Lorsqu’il n’y avoit que des m a.
dition , nous avons des Sqavans par- nuferirs ou peu de livres im prim ez,
my nous qui m’empefeheront d’a­ ceux qui ctudioientjapprenoient par
voir befoin des Scaligers, des Tur- coeur prefque tout ce qu'ils lifoienr,
$4 TdralelU des Anciens & des Modernes.
parce qu’il falloir rendre les manuf- rentes, O n lé contente de lire les
crits 6c mefme les livres qu’on leur Auteurs avec beaucoup de foin &
avoit preftez. Une bible eftoit un de réflexion y6c même on ne s’amu-
herirage que peu de gens pouvoient fe plus gueres à en faire de longs ex­
a v o ir, les Peres de l’Egîife ne fè traits comme nous faiftons encore
trouvoient 6c encore féparcment , dans nôtre jeunefle , coutume ve­
que dans quelques grandes Biblio­ nue du temps où les livres eftoienc
thèques, 5c il en eftoic de mefme de rares. L’abondance des livres a ap­
tous les Auteurs un peu conùdera- porté encore un autre changement
bles. Cetre obligation d’apprendre dans laRepubiique des lettres,qui eft
par cœur les falloir paroi lire beau­ qu’autrefois il n’y avoir k s Sça-
coup fçavans • mais nuifoic au fonds vans de profbfGon qui ofaflent porr
de l’étude en leur oftanc une partie ter leur jugement jiir les ouvrages
de leur temps qu’ils auroienr plus uti­ des A uteurs, a qui iis donnoient or­
lement employé à la reflechon 6c à dinairement beaucoup de loüanges
la méditation. C’eft aujourd’hui tout i la charge d’a u ta n t, 6c qu’aujour-
le contraire, on n'apprend prcfque d’huy tout le monde s’en mefle.
plus rien par c œ u r, parce qu’on a O n a vu par le moyen des traduc­
ordinairement à fol les livres que l’on tions ce que c’eftoit que les Grecs 6c
lit, où l’on peut avoir recours dans les Romains, 6c que d’eftre fçavanc
le beioin, 6c dont l’on cite plus feu» n’eftoit pas une chofe qui rendift
rcmenc les pacages en les co p ian t, un homme d’un autre efpéce que les
que fur la foy de la mémoire, comme autres. De-là il en eft arrivé qu’il n’y
on faifoic autrefois, ce qui eft caufe a prefque plus de Dames ny de Cour,
qu’on voit fouvcnc le même p a t ri fans qui ne jugent des ouvrages
fage cité en plu&eurs façons dific- d’ifprit 6c qui n’en jugent plus cruel-
66 Taraielle des Anciens des Modernes. Qy
lemcnt que les Sçavans, ne crai­ une incongruité dans la langue c’el-
gnant point que Ton leur rende la toit donner un fonffict à Ronfard.
pareille -y& de-là vient qu'on admire Il eft vray que les chofcs ont bien
très-peu de choies, ôc que l’approba­ changé depuis j car dés que le com­
tion publique eft h difficile a obte­ mun du monde a commencé à fç~-
nir. Ronfard fêul me peut fcrvir de voir quelque cho'e , la Poche de
preuve. Quand il commença à don­ Ronfard a paru h étrange , quoi­
ner lès Poches, Jean d’Aurat Poëre que ce Poëte eiit de l’efprit & du
Royal , B aif, Belleau , Jodele & genie inhnim enr, que du comble de
quelques autres crièrent miracle à i’honfieur où elle eftoit , elle eft
Câuiè de Pcniuîtioa qui parotftoit tombée dans le dernier mépris.
■dans tes ouvrages.
IX CHHVALIESt.
L X CHEVALIEl.
Je m’en étonne & de ce qu'ils Quand R onftrd a commencé i
n ’avoient pas plutoft horreur de briller dans le monde il n’y avoir
l’inhumanité avec laquelle ce Pocte peut-eftre pas à Paris t douze carof.
écorchoit rous leurs bons amis îes, douze tapiflèries, ny douze fçi-
Grecs & Latins. vans hommes , aujourd’huy toutes
les maifons font rapiUecs, toutes les
L* A B BE'. rues (ont pleines crembarras, Ôc on
Vous avez raifon, cependant leur auroit peine à trouver une perfbnne
approbation emporta les fuffrages qui n’en fçût pas allez pour juger
de la C o u r, de la V ille, & de tou­ raifonnablement d’un ouvraee d’efl
te la France, jufqucs là qu’il p\hTa prit.
en commun Proverbe que de faire
a 'Fûtalde des Anciens & des Modernes. 69
prendre , en ont tant éclairci qui
L* A B B E*.
eftoienc obfcures, ou ignorées , &
T out a change en même tem ps, où l’on n’a pas moins fait de nou­
mais j’oubliois à répondre fur le fait velles découvertes dans les Sciences
de Varron. D ites-m o y , je vous & dans les A rrs, que dans toutes
p rie, quelle pouvoir être la feien- les parties de l’Univers, faites y bien
ce de ce Romain , en eomparai. reilecbion & jugez par-là quelle eft
fon de celle de nos Sçavans? Avez- vôtre prévention pour les Anciens.
vous bien fait réflexion qu’il ne LH P R E S I D E N T .
penetroit peut-eftre pas dans Té-
tendue de mille années au-deflus de Je n’ay rien dit de Varron , que
luy, qu’il ne connoifloit pas la cen­ ce qu'en difenc tous les Sçavans
tième partie du globe de la T e rre , Hommes qui en ont parlé.
& qu’il n’y a prefquc point d’A rt ny L’ A BBE\
de Science dont les bornes ne fuf-
fent dix fois plus rdTerrces qu’elles Comme la plufpart de ces Sça-
ne le font aujourd’huy. Il ell vray vans Hommes eftoient du nombre
que Varron îçavoit tout ce qu’on des Anciens, ils ont pu parler de
peut fçavoir , c’eft le témoignage la forte 5 car de leur temps il pou.
qu’en rend l'Anriquiré , mais tout voir être vray que Varron ftift le
ce qu’on pouvoit (çavoir en ce plus Sçavant Homme qui eaft ja­
temps-là, peut il avoir quelque pro­ mais é té , mais ceux d’entre les Mo­
portion avec ce qu’on fçair en nos dernes qui ont tenu le mcfme lan­
jours, où dix.fêpt fiedes & davanl gage ont eu t o r t , cette proportion
ta g e , qui fe font écoulez depuis , ayant cefTé d’eftre vraye avec le
ont ajouté tant de chofes à ap- temps. Voila peut-eftre la princi-
jo târalcie des Anciens n & d es Modernes, j t
paie caufe & la plus excufàble en de du Louvre, l’Arc de Triomphe f
meime temps de la prévention trop èc les merveilles de Verlâilles ont
favorable où l'on eu non-feulement rendu certe proportion nou-fèule-
pour ce qui eft antique, mais pouf ment fauiTe, mais ridicule.
tout ce qui commence à devenir L’ A B B E*.
ancien , car le témoignage authen­
tique de nos Anceftres qui étoit Combien y a c-il de tableaux, de
vray quand ils l’ont rendu, demeu­ figures,de bulles & d'autres choies
re toujours vivement gravé dans femblables dans chaque ville, dans
nôtre imagination & y fait une im- chaque E glile, dans chaque Com­
preiïïon beaucoup plus forte que le munauté & mefine dans chaque fa­
progrès des Arts & des Sciences qui mille , qui par tradition & de main
ne nous frappe pas de mcfme, quoy en main font venues jufqu’à nous,
que tres-conllderable , parce qu’il avec la réputation de chef-d’œuvres
ne le fait que peu à peu & d'une merveilleux, qui prefentement n'ont
maniéré imperceptible. plus rien de rccommendabie que
leur ancienneté. Il y a eu un temps
LE CHE V A L I EE. où cette réputation eftoit jufte &
Il y a bien des gens qui atfîirent bien fon d ée, mais il s'eft fait depuis
encore que la Fontaine faint Inno­ tant de chofes excellentes de la
cent cft le plus beau morceau d*Ar­ niefrne nature que quand on nous
chitecture & de Sculpture qu'il y ait montre ces anciens ouvrages nous
.en France. Cela eftoit vray quand fommes bien moins furpris de leur
ils l’ont oüy dire à leurs Peres* Mais beauté que de i’eftime qu’on en a
les beaux ouvrages qui ont parû fixité. Je veux bien que ceux à qui il
depuis, le Val-de-Grâce, la raça- n’cft pas donné de juger par eux.
7i PorAlelie des Anciens & des Modernes. 73
mefines s’en tiennent à ce qu’ils ont
LE P R E S I D E N T .
o üy dire à leurs pères , mais je ne
puis foufFrir que des gens fins , ou J’en demeure d’acco rd , mais avec
qui prétendent l’eflre , parlent le tout cela voudriez-vous comparer
mefme langage 6c ne fe l'oient pas le plus habile de vos horlogers
appeîçùs du progrès prodigieux des avec le premier inventeur de la
Arts 6c des Sciences , depuis cin. montre.
quante ou fbixante ans , d’autant
l ’ A B B E\
plus qu’il n’eftpas moins naturel aux
Sciences 6c aux Arts de s’augmen­ J ’avoue que c’eft une grande
ter 6c de fe perfectionner par i’é- loüange 6c un grand mérité aux An-
tu d e, par les reflexions , par les ciens d’avoir eitc les Inventeurs des
expériences 6c par les nouvelles dé­ Arts , 6c qu’en cette qualité ils ne
couvertes qui s’y ajoutent tous les peuvent eftre regardez avec trop
jo u rs, qu’il cft naturel aux fleuves de refpeéti Les Inventeurs, comme
de s'accroître ôc de s’élargir par les dit P la to n , ou comme il l’a pu dire,
fourccs 6c les ruifleaux qui s’y joi­ car cela e t de fon ftile, font d’une
gnent a mefurc qu’ils coulent. nature moyenne entre les Dieux 6 c
L Br C H E V A L 1 E 1 . les hom m es, 6c fouvent meme ont
é té mis au nombre des Dieux pour
Ce f.Toit un plaifîr de voir la pre­ avoir inventé des chofes extrême­
mière montre qui a e t c faite , je ment utiles. Cependant il eft bon
ne croy pas qu’on la p u t voir fans d’examiner fi les Anciens ont plus
rire , car je fuis atu ré qu'elle reflcm- de part que les Modernes à la gloire
bloit plus à an tourne-broche qu’i de l’invention. Il fut loüablc aux
une montre. premiers hommes d’avoir conlbruit
Le
D
74 TâYdette des Anciens & des Modernes. 7c
ces toits ruftiques dont parle Vitru- ques 5c ces premiers batteaux on
v e , qui compofez de troncs d’arbres trouveroic que ceux qui les ont faits
efpacez en rond par embas 5c atièm- n'en font pas, à le bien prendre, les
biez en pointe par enhaut eftoient premiers inventeurs, qu’ils doivent
couverrs de joncs 5c de gazon • com­ leur apprentiflage en fait d’Archi-
me il eftoit preique impofîibie de tedurc à divers animaux, dont les
ne pis s’imaginer quelque chofë de tanières 5c particulièrement celles
fcmblable dans la pref&nte necel- des Caflors font d’une flruclure
fité de fe deffendre des injures de mille fois plus folide 8c plus inge-
l ’a ir , ces premiers édifices 5c l’in- nieufe que les premières habita­
duftrie avec laquelle ils eftoient tions des hommes ; 8c qu’une co­
confirmes ne peuvent gueres dire quille de noix nageant fur l’eau
comparez avec les Palais magnifi­ peut leur avoir donné l’invention
ques des fieclesfuivans,5c avec l'arr & le modèle de la première barque.
merveilleux qui a ordonné de leur Il en efl de même de la à dure des
flru&ure. Ceîuy qui le premier s’a­ toiles 8c des étoffes où ils ont eii
v ili de creulèr le tronc d'un arbre l’Araignée pour maîtreffe^ de la
Zcde s'en foire un b atteau, pour tra- chaffè dont les Loups 5c les Renards
verfer une rivière , mérité aflure- leur ont enfêignc toutes les adreffes
menc quelque loüange, mais ce bat­ 5c toutes les rules * en forte néan­
teau 5c la maniéré dont il fut creu. moins que ce n ’a elle qu’aprés un
fé ont-ils rien qui approche des fort long-temps que les hommes ont
grands Vaiffeaux qui voguent fur elle aulli habiles qu’eux à ménager
i'O cc an , ny de leur fabrique admi­ leur courfe 5c à fe relayer les uns
rable. Si l'on vouloir même exami­ les autres. O n voit par-là que cette
ner de prés ces premiers coics rulti- gloire de la première invention n’efl
D ij
■jé Paraleâe des Anciens & des Modernes. 77
pas A grande qu’on fè l'imagine. en un quart d’heure. Combien de
Mais quelle proportion peut-il y petits reflorts tirent la loye à eux
avoir entre ces inventions premiè­ puis la laiflènt aller pour la re­
res qui ne pouvoient échapper à prendre enfuite 2c la faire palier
l'indullrie naturelle du befoin 2c d’une maille dans l’autre, d’une m a­
celles que les réflexions ingenieulês niéré inexplicable, 2c tout cela fans
des hommes des derniers temps ont que l’Ouvrier qui remue la machi -
fi heureufêment trouvées. Prenons ne y comprenne rien , en fçache
pour exemple la machine à faire des rien , 2c même y fonge feulement 5
bas de foye. Ceux qui ont a {fez de en quoy on la peut comparer à la plus
genie, non pas pour inventer de fêm- excellente machine que Dieu ait
blables choies , mais pour les com­ faite, je veux dire à l’homme dans
prendre , tombent dans un profond lequel mille operations differentes
étonnement à la vue des reflorts fc font pour le nourrir 2c pour le
prefque infinis dont elle eft compo. confèrver fans qu’il les com prenne,
lce 2c du grand nombre de fes di­ fans qu’il les connoiflè 2c même fans
vers 2c extraordinaires mouvemens. qu’il y longe. Confiderons encore
Quand on voit tricoter des bas, on cette maclune qui a elle inventée
admire la foupleflê 2c la dextérité pour faire quinze ou vingt pièces
des mains de l’Ouvrier , quoy qu’il de ruban tout à la fois. Tour en eft
ne faite qu’une feule maille àla fois, agréable 2c furprenanr. O n voit
qu'eft-ce donc quand on volt une vingt petites navettes chargées de
machine qui forme cent mailles foye de couleurs differentes qui paC
tout d*un coup , c’eft à-dire, qui fent 2c repaflènt d’elles, mefmes ,
fiât en un moment tous les di- comme fi quelqueeiprit les animoic,
yers mouvemens que font les mains entre le; trames du ru b an , lefqucl.
D iij
78 Psralelle des Anciens & des Modernes. 79
les de leur coté le croifcnt & fe LB P R E S I D E N T .
recroifent à chaque fois que pailént
les navettes. O n eil furpris en meline J ’avoue que nôtre fiecle eft fé­
temps de voir que les rubans fe tour­ cond en inventions & en fecrets ,
nent fur leur rouleau à mefure qu’ils mais combien penfez-vous qu’il s’en
le f o n t, pour ne pas venir interrom ­ eft perdu d’admirables dans la fuite
pre , en m ontant trop h a u t, le mou­ des temps • de forte que faifant com-
vement réglé des navettes. Quand penfiition de ce qui fe trouve avec
on conûdere la Higelfe de tous ces ce qui fe p e rd , les Anciens l'empor­
mouvemens , on ne peut trop ad­ teront toujours fur nous par L'inven­
mirer celle derinventeur qui a don­ tion première de tous les Arts que
né la vie à toutes les pièces de cette nous leur devons.
machine , par une feule roué que l ’ A S B E\
tourne un e n fa n t, & que du vent
ou de l'eau tourneroient aulE bien Pancirole a compofé un rraitré
& avec moins de peine. Il eft bien fur cette matière qu'il a intitulé ,
fafeheux & bien mjufte qu'on ne Des Antiquités perdues & des cho-
içache point le nom de ceux qui fes nouvellement trouvées. J’ay pris
ont imaginé des machines fi mer- plaifir à examiner qu'elles croient ces
veilleufes *pendant qu'on nous force Antiquitez p e r d u é s j’en ay trouvé
d'aprendre celuy des inventeurs de de trois fortes. Les unes font cho­
mille autres machines qui fe prefen- ies qui la plufpart ne font preique
tent fi naturellement à l'cfprit, qu'il plus en uiàge, comme les Cirques,
fuffifoit d’eftre venu des premiers au les A m phithéâtres, les Bafiliques ,
monde pour les inventer. les Arcs de T rio m p h e, les Obelif-
q u e s, les Bains publics , & divers
$o Vardelie des Anciens & des Modernes. Si
autres baflimens femblables, les au­ grands Bains,mais la propreté de nô-
tres font chofès que l’on a négligées rre linge 8c l’abondance que nous en
pour en avoir recouvré de meilleu­ avons, qui nous difpenfent de la fèr-
res de mefme efpece, telles que font virude infupportabie de fe baigner
les Beiiers, les Catapultes, les T rire- à tous momens, vallent mieux que
mes, la Pourpre 8c le Papier fait d’d. tous les bains du monde. Pour la
corce d’arbres. Les autres enfin font fécondé efpece d’Antiquitez per­
choies purement fabuieufès, comme dues , les Anciens ne peuvent pas
le verre malléable , 8c les miroirs ar- en tirer beaucoup de gloire, puif.
dens d’Archimede, qui brtiloient des qu’elles ont été obligées de ceder
Vaideaux fur mer, à quarante ou cm. la place à de plus belles 8c de meil­
quante pas de difiance. A l’égard de leures inventions j ainfi l’on a ccflc
la première efpece de ces Antiquitez de Ce fervir de Béliers 8c de C ata­
je conviens qu’elles ont donné beau­ pultes , pour Ce fervir de Bombes
coup d’éclat 8c de grandeur à leurs 8c de C anons, 8c l’on n’a plus fa­
ficelés, mais il ne dent qu’à nous briqué de Trirem es, parce que nos
d’en faire de femblables, 8c mefme Galeres font d’un meilleur ufage.
de plus magnifiques } témoin l'A rc Il y a quelques années que le célé­
de Triomphe qu’on a commencé ÔC bré Meibomius vint à Paris pour
lequel, fi l’on l’acheve fur le modei- propofër au ftoy le rétablifîemenc
le que nous en voyons, furpafTera de ces Tr>emes , qu’il prétendoic
tous ceux des Anciens, puifque ce- avoir retrouvées. Monfieur le Mar­
luy de C on(lantin,le plus grand de quis de Seignelay écouta fa propo­
tous , pafleroit, ou peu s’en faut , rtion. Après diverfès conférences
par defious fa principale arcade. Il ou Meibomius expliqua fes pen-
ne tient auffi qu’à nous de faire de fées autant qu’il le voulut, un le
D v
Si £draleSe des Anciens & des Modernes. 85
convainquit que nos Galeres en la ci or ces d’arbres qui venoient d’E­
maniéré qu’elles (ont conftruites £c gypte , a fait place à nôtre papier
cquippées, font infiniment plus pro­ ordinaire, beaucoup plus beau 5c
pres pour la navigation Ôc pour la dont l’abondance eft d’une ublité
guerre que les Triremes des An­ inconcevable. Ce n’a été que l’excel­
ciens 5c qu’on n’a quitté tout cet ern. lence des choies nouvellement dé­
baras de rames 5c de rameurs les couvertes qui a aboli i’ulàge des an­
uns au défiais des autres, que parce ciennes qui leurétoientfèmblabies.
que des rames poiees toutes iùr la Si le fucre a chafle le miel de defius
même ligne 5c appuyant toutes fur toutes les tables un peu délicates 7
l’endroit qui leur elt le* plus avan. 5c l’a condamné à ne plus lêrvir que
tageux, ont incomparablement plus dans la M edecine, ce n’eft pas que
de force 5c de facilité à le mouvoir le miel d’aujourd’huy ne foit auiïl
qu’en quelqu’autre fituation que ce doux que celuy d’autrefois 5c qu’il
puifle être. O n a ceflc de le tour­ n’ait encore les melmes quaiitez qui
menter après la pefche de ces poil! luy ont atnré tant de louanges, mais
fons dont les Anciens broient leur c'efl que le fucre eil encore plus doux
pourpre, parce qu’on a trouvé le plus agréableêc d’une propreté beau,
fêcret de préparer la cochenille 5c coup plus grande. Q uant aux cho­
d ’en faire nôtre écarlate mille fois ies imaginaires 5c tebuleufès qui
plus vive 5c plus brillante que tou­ n’ont jamais fubfifté que dans la
tes les pourpres anciennes, dont la creance du peuple 5c dans les livres
plus belle n’étoit qu’une efpece de de quelques Hiftoriens qui ont re­
violet rougeâtre 5c enfoncé. D e la cueilli indifièremment ce qu’ils ont
mefinc façon le papier des Anciens oüy dire, telles que font le fecret
qui le fabriquoit avec de certaine) du verre malléable 5c les machines
D vj
^4 Pardielie des Anciens & Modernes. 85
d’Archimede , on n’en peut tirer fon prix ôt fans laquelle le fecret
d’autre confequence linon que les ne feroic plus d’aucune utilité ny
Anciens n’avoient pas moins le don d’aucun mérité. Mon fleur D efcar-
de mentir que les Modernes. tes a dém ontré que les prétendus
miroirs d’Archimede font impoflï.
LS PRESIDENT.
blés, ôc il n’ell pas moins aife de dé-
Cela eft bien aife à d ire, 5e voila m onflrer l’impoffibilité morale d’en­
un moyen admirable de rejetter tout lever de deflus les murs d’une ville,
ce qu’on voudra. de grands vaifïêaux de guerre qui
font en mer.
L' A B B E*.
LE P R E S I D E N T .
Quand il y a demonftration qu'u­
ne ebofe eft împotflble, a-t-on tore Vous me perm ettrez d'en douter,
de la rejetter comme faufle éc fdbu- mais combien de fècrers fê font
leufe ? On démontrera fans peine perdus entièrem ent, fans qu'il en
que le verre ne peut fouffrir la pé­ foie demeuré aucune trace.
nétration de (es parties les unes dans
les autres ? ce qu’il faudroit qu’il luy L'JW B B E\
arrivait fous les coups de marteau , C ’eft mauvais figne pour ces fc-
pour eftre malléable. Comme il ell crets là , 6c il ne faut accufer de
compofé de corpufcules extrême­ leur perte que leur peu d’utilité ou
ment fiers & rangez en ligne droite leur peu d’agrément.
pour faciliter la tranfparence, il eft
LE PRESIDENT.
certain qu’il ne peut endurer cette
compreilion fans fe catlèr, ou fans Il ne vous refte plus qu'à dire que
perdre la tranfparence qui fait touc ce font les Modernes qui onr appris
86 VâTâlclle des Anciens & des Modernes. 87
aux Anciens cous les Arts 5c toutes ajouté la P en d u le, 6c d’avoir en­
les Sciences. fin te rendu cette Pendule portati­
ve , inventions adm irables, que nous
L’ A B BE\ devons à l’iiluftre Monfieur H u -
J’avoue que les Anciens auront guens , font quelque choie de plus
toujours l’avantage d’avoir inventé fpirituel 5c de plus ingénieux que
les premiers beaucoup de chofes, l’invention toute nue de la première
mais je foùciendray que les M oder. montre. Je foùtiendray encore plus
nés en ont inventé de plus fpiri- fortement 6c fans que perlonne ofe
tuelles & de plus merveilleuses. Je s’y oppofer, que ces premières mon­
demeureray d’accord que les A n­ tres n’approchoient nullement de la
ciens ont été de grands hommes 5c juftefie 6c de la propreté de celles
mefine fi vous le voulez, qu’ils ont qui Ce font par les moindres de nos
eu plus de genie que les Modernes horlogers. C ar il faut diftingucr
quoy qu’il n’y ait aucun fondement l’ouvrier de l’ouvrage, 6c fuppofé
ny aucune raifon de le croire ainii y que les inventeurs euilent eu plus
mais je diray toujours qu’il ne s’en- de genie que ceux qui ont ajouté à
fuivroic pas que leurs ouvrages fufi. leurs inventions , cela n’empêche
Sent plus excellens que ceux qui fe pas que les ouvrages derniers faits
font aujourd’huy. Je veux bien , ne foient plus beaux 6c plus accom­
par exemple, que l’inventeur de la plis que les ouvrages de ceux qui
première montre dont nous avons ont commencé , parce que ceux-
p a rié , ait eu plus de genie 5c qu’il cy ne fe fàifoient qu’en eflayant 5c
mérité plus de loüangcs, que tous en tafton n an t, 6c ceux-là avec une
les horlogers qui font venus de­ pleine connoiilance 6c une longue
puis -, mais je précens que d’y avoir habitude à les bien faire. C’eft faute
88 f dfnielle des Anciens & des Modernes, 89
d’avoir fait cette diftm&ion que plu. d’excellens genies parmy la foule
fieurs Sçavans le font élevez mai à des efprits communs 5c ordinaires,
prouos contre l’Auteur du Pocme je croy que nous convenons tous
de Louis le Grand , 2c l’ont accule ce ce prin cip e, car rien n’eft plus
d’avoir manque dercfpeclenvers les deraifonnable, ny mefme plus ridi­
Anciens. Il loue les Anciens, mais cule que de s’imaginer que la N atu­
il ne loué pas tous leurs ouvrages re n’ait plus la force de produire
2c il ufc incline d’un tel ménage­ d’auili grands hommes que ceux des
ment pour eux, que quand il oie , premiers liecles. Les Lions 5c les
par exemple, trouver quelque chofe Tigres qui le promènent prefente-
à redire dans les Poëmes d’Homcre, ment dans les deferts de l’A frique,
il ne s’en prend qu a fon fiecie qui font conftamment aufli fiers 5c aufli
ne luy permettoit pas de faire mieux cruels que ceux du temps d’Alexan­
2c non pas à fon genie qu'il traite de dre ou d’Augufte, nos rofesont le
valle , d’immenfe 5c d’inimitable. mefme incarnat que celles du (iecle
Ils n’ont pas compris afTurémentle d’or , pourquoy les hommes fe-
Syfteme qu’il é ta b lit, quoy qu’il roient-iîs exceptez de cette réglé
foit très clair. Il pôle pour fonde­ generale. Ainü quand nous faifons
ment que la N ature eft immuable 5c la comparaifon des Anciens fie des
toujours la même dans fes produc. Modernes , ce n’eft point fur Pex-
tio n s, 5c que comme elle donne ccllence de leurs talens purement
tous les ans une certaine quantité naturels, qui ont été les mefrnes 5c
d’excellens vins, parmi un trcs-grand de la mefme force dans les excel­
nombre de vins médiocres fie de lons hommes de tous les tem ps,
vins foibles, elle forme aufli dans mais feulement fur la beauté de leurs
tous les temps un certain nombre ouvrages 5c fur la connoitîanccquV.s
Taraient des Anciens & des Modernes. 91
ont eue des Arcs & des Sciences où luy a donné Ion fait en deux paro­
il le trouve,telon les diflferens fiecles, les, car on a dit lentement que luy 6c
beaucoup de différence 6c d'inéga­ tes femblables étoien t gens fans goût
lité. Car comme les Sciences 6c & fans autortie. Cela eft bien fuc-
les Arts ne font autre choie qu’un c in t, 6c ne répond gueres à ce que
amas de refle&ions , de réglés 6c de l’on faifoit efperer au public. D e ces
préceptes, l’Auteur du Poëme foù- deux paroles il y en a une qui ne dit
tient avec raifon, 6c je le foùtiens rien , ou du moins qui n’cft autre
fortement avec luy , que cet amas, chofe que l’énonciation du fait
qui s’augmente neceflairement de dont il s’agit j car la queftion eft de
jour en jo u r, eft plus’grand plus on teavoir fi ceux qui eftiment beau­
avance dans les temps ; fur tout coup tes Modernes 6c qui n’adorent
lorfque le Ciel donne à la Terre pas les A nciens, ont du gouft ou
quelque grandi Monarque qui les s’ils n*en ont pas, là-deffus , on fe
aim e, qui les potege & qui les fa­ contente de dire que ce font des
vorite. gens fans g o u ft, c’eft redire la pro-
pofition ôc non pas la prouver.
LE PRESIDENT.
LF. c h e v a l i e r .
Cela eft le mieux du m onde, ce­
pendant vôtre homme du Poëme de C ’eft la prouver , mais à la ma­
L o u i s l e G r a n d a trouvé à niéré de celuy qui prouvoit qu’une
qui p arler, 6c on luy a donné fon Comedie ctoit dereftable , parce
fait en deux paroles. qu’elle étoit deteftable.
L’ A B B E*. l ' A B B E\

Vous avez raifon de dire qu’on C ’eft te mefme raifonnement 6c


fi far alelie desAnciens & des Modernes. 93
la mefmc logique. Pour l'autre pa­ tion de celle de D ieu même.Par tout
role que ce font gens fans autorité, ailleurs la Raifon peut agir en Couve.
on ne voit pas bien ce que cela li­ raine 5c uièr de lès droits. Quoy
gnifie , apparemment on a voulu d o n c , il nous fera deflèndu de porter
dire que ce ne font pas des perfbn- nôtre jugem ent fur les Ouvrages
nes d'aflcz grand poids parmy les d'H om ere 5c de V irgile, de DemoC
gens de lettres, ou qui ayent compo- thene ôc de C icéron, 5c d'en juger
lé des ouvrages aflèz conlîdérables comme il nous plaira j parce que
pour en eftre crûs fur leur parole. d'autres avant nous en ont jugé à
Mais d'où vient-on pour s’imaginer leur fantailie ? Rien au monde n'eft
qu'un homme , quel qu'il foie , plus déraifonnabie.
doive aujourd'huy en eftre cru fur
LE P R E S I D E N T .
ià parole. U y a long-temps qu’on
ne Ce paye plus de cette forte R ien au monde n ’eft plus raifon-
d'autorité, & que la raifon, eft nablc , que de s'en tenir aux cho­
la lèule monnoye qui ait cours ies jugées. T oute l’Antiquité a con.
dans le commerce des Arts 5c des facré des livres par fon approbation 5
Sciences. L'autorité n'a de force il ne nous refte qu'à nous rendre
prelèncement 5c n'en doit avoir que aflèz habiles, pour voir les beautez
dans la Théologie 5c lajurilpruden- admirables dont ils font remplis 5c
ce. Quand Dieu parie dans les fain- qui leur ont m érité les foffrages de
tes Ecritures,ou par la bouche de fon tous les flecles.
Eglifè, il faut baifler la tefte 5c fe fou-
L ' A B B É\
mettre. Quand le Prince donne les
loix il faut obéir 5c rcvererl'jutorité E t moy je fuis perfuadé que la
dont clics partent, comme une por- liberté loiiable qu'on Ce donne
54* Tarnielle desAnciens & des Modernes. 9 y
aujourd’huy de raisonner fur tout les plus beaux endroits d’Hippocra­
ce qui eri du reflort de la Raiion, eit te 5e de Galien , que pour eflre
une des chofes dont il y a plus de habile A ftronom e, c etoit affëz de
lùjet de felicicernôtre fiecle. Autre­ fçavoir bien fon Ptolom ée, fans qu’il
fois il foffifoit de citer Ariftore pour fuit befoin d’obferver les A flres. en
fermer la bouche à quiconque au. un m ot que ce n’étoit point les
roit ofé foiicenir une proportion Sciences qu’il falloir étudier en el­
contraire aux fentimens de ce Phi- les-mêmes , mais feulement les Au­
lofophe. Prefentement on écoute teurs qui en avoient écrit. Je n’au-
ce Philosophe comme une autre ha­ rois pas de peine à vous citer plu-
bile hom m e, ce fa voix n’a de crédit fîeurs grands perfonnages du temps
qu’aurant qu’il y a de raifon dans paffé qui ont ailuré form ellem ent,
ce qu’il avance. O n croyoit encore qu’il étoit inutile de confoiter la
autrefois que pour bien fçavoir la N a tu re , foit pour la Phyfique, foit
Phyfique il n’écoit point neceiTai- pour la Medecine y qu’elle avoit ré­
re d’étudier la N ature ny fa ma­ vélé tous fes fecrets au fçavant Ari(l
niéré d’operer , que les expérien­ toce 5e au divin H ip p o crate, 5e que
ces croient choies frivoles èe qu’il toute nôtre étude fe devoit renfer­
fuffifoit de bien entendre Ariftote mer à puifer dans les écrits de ces
& les Interprètes * que la Medecine grands hommes , les verriez que
ne s’apprenoit point à voir des ma­ nous cherchons. Ils croyoient que
lades , à faire des diflc&ions, à exa­ le temps de tro u v er, d’imaginer 5e
miner les caufes & les effets des de penfer quelque chofe de nou­
maladies, ny les vertus & les pro- veau , ou d’une maniéré qui fuit
prictez des rem edes, mais feulement nouvelle, eftoit p a ile , que ç’avoit
a lire & à bien apprendre par cccur é té un privilège accordé feulement
96 PdraleÛc des Anciens & des Modernes. f j
à ces grands genies, 6c qu'il ne nous 6c d’Angleterre 6c jetter les yeux
refloic plus pour notre partage, que fur les beaux ouvrages des Acadé­
la gloire de penetrer dans leurs mies de ces deux grands Royaumes
penlees & de nous enrichir des pré­ pour eflre convaincu que depuis
cieux rrefors dont la N ature leur v'ngt ou trente ans,il s'eft fait plus
avoir etc fi liberale. Mais les choies de découvertes dans la fcience des
onr bien changé de face. L’orgueïl- chofes naturelles, que dans toure
leux defîr de paroiftre Sçavanc par l’étenduë de la fçavante Antiquité.
des ciranons,a fait place au dehrfage Je ne fuis pas furpris que de vieilles
de Tettre en effet par la connoiflan- gens hors d'âge à recevoir de nou­
ce immédiate des ouvrages de la velles idées , perfiftenc dans leurs
N ature. O n a étudié la N ature anciennes préventions , Ôc aiment
mefme pour la connoiflre, & com­ mieux s’en tenir à ce qu’ils ont lu
me Il elle euftété bien aifê qu'on fuft dans A riftote, qu’à ce qu’on veut
revenu à elle après ravoir quittée leur faire comprendre fur leurs
6c négligée fi longtemps pour écou­ vieux jours. Je ne m’étonne pas non
te r ceux qui en parioient fans l’a. plus que la pluipart des Maiflres és
voir bien connue. Il n’eft pas croya­ Arts tiennent de toute leur force
ble quel plaifir elle a pris à le com­ pour les Anciens qui les font vivre.
muniquer à ceux qui Pont recher, Mais je ne puis comprendre corn-
nient des hommes qui ne font point
chce Ôc qui luy ont donné tous leurs
fo in s, elle leur a ouvert mille tre- encore dans un âge trop avancé, &
à qui il ne revient rien de certe p ré­
fors 6c revelc un nombre infini de
vention , ne veuillent pas ouvrir les
myfteres qu’elle avoit tenus cachez
yeux fur des verirez incontcflables 5
aux plus lages des Anciens. Il ne
que les uns nient encore la areu.
faut que lire les Journaux de France
6c
9g ParJeile des Anciens & des Modernes. 99
fanon du fang dans les Animaux 3c ncllre decle parvenu en quelque for­
celle de la levé dans les Plantes s te au fommet de la perfè&ion. E t
que les autres fé rangent encore du comme depuis quelques années le
colle de Ptolomée contre Galilée 3c progrez marche d’un pas beaucoup
Copernic 5 3c tout cela de peur d'a. plus le n t, 5c paroifl: prcfqueimper­
voüer qu’on en fçait plus que n'en ceptible , de melme que les jours
fçavoienr les Anciens. N ’eft-ce pas femblent ne croiftre plus lors qu’ils
préférer les veftemens tout ufez de approchent du foiltice jj*ay encore
lés anceftres à des habits tout neufs la joye de penfér que vrai-lémbla-
beaucoup mieux faits 3c mille fois blement nous n’avons pas beau­
plus magnifiques, ou li vous me per­ coup de choies à envier à ceux qui
m ettez de le prendre d’un ton plus viendront après nous.
haut , aimer mieux regretter les LE P R E S ID E N T .
oignons d’Egypte , que de fe nour­ Vous vous trompez beaucoup
rir de la Manne nouvellement Tom­ dans vollre calcul, li vous croyez
bée du Ciel. Pour moy , je vous qu’il n’y ait que les vieilles gens 3c
avoué que je m’eftime heureux de les Maiflres es Arts qui foient d’un
connoiflre le bonheur dont nous fentimenr contraire au vollre.
jouïflons, 5c que je me fais un très-
grand plailir de jetter les yeux fur L* ABBE*.
tous les lîecles precedens, où je voy Je fçay qu’il y a encore uneinfL
la naiflance 5c le progrès de toutes nité de gens qui fe déclarent pour
ch o ies, mais où je ne voy rien qui les Anciens contre les Modernes.
n’ait reçu un nouvel accroiflément Les uns fuivent en cela l’impreiTion
3cun nouveau lullre dans ie temps où qu’ils ont reçue de leurs Regens &
nous fommes. Je me réjouis de voir demeurent Ecoliers julqu’i la morC
i oo Paralede des Anciens & des Modernes. ici
fans s’en appercevoir. Les autres de n’dlim er qu’eux-mefmes 5c leurs
confervent un amour pour les Au­ ouvrages , donnent toute forte de
teurs qu’ils ont lus eftant jeunes , louanges aux Anciens pour fo difl
comme pour les lieux où ils ont penfer d'en donner aux Modernes.
pafle les premières années de leur LE C H E VA L I E R .
vie j parce que ces lieux 5c ces Au­
teurs leur remettent dans refpric les La raifon en efl toute frejfe ,
idées agréables de leur jeunefTe j En m érité , en efp rit, en bonnes qua­
quelques-uns ayant ouy dire qu’on lités* ,
aime les Ouvrages des Anciens à On fiu ffre mieux cent morts au deffns
proportion de refpric 5c du gouft de fa tefie ,
que l’on a , fe tuent de dire qu’ils g u u n fe u l vivant 2 fe s cofez*.
(ont charmez de leurs Ouvrages. L’ A B B E * .
Pluûeurs cafchenc de mettre par là
à plus haut prix l'avantage qu’ils Vous avésmis le doigt deffos, 5c
prétendent avoir d'entendre parfai­ c’eft ce qui m 'irrite, car je ne doute
tement ces excellens A uteurs, où point que beaucoup de ceux qui
ils s'imaginent puifer les bonnes témoignent eftimer tant les Anciens
chofes dans leur vraye fource, 5c ne s'efUment encore plus eux-mêmes.
les voir dans le centre de la lumiè­ LE CH E V A L I E R .
re pendant que le refie des hommes
eft dans la fange 5c dans l'obfcurité. Il n'eft rien de plus vray 5c je me
D ’autres enfin plus politiques en­ fuis donné le plaifir plus d'une fois
core ayant confidere qu’il eft ne- de m’en aUurer par moy-mefme. Vos
ceflàire de loiier quelque chofe en Comédies, difois j e , à l’u n , vallent
ce m onde, pour n'eftrc:pas acculez mieux que toutes celles de l’Ancù
lo i Para!elle des Anciens & des Modernes. 103
quité.!VosEpigrammes, difois.jc, à quelque eftime pour les Anciens.
l’autre me îémblent plus vives & L’ A B B E\
plus piquantes que celles de Martial
& de Caruie. QV on nous vante tant Je ne dis pas c e la , j'eftime aurant
que Ton voudra , difois-je encore a que perfonne les Anciens & leurs
un autre ,Juvenal & H o race, ce Ouvrages * mais je ne les adore pas,
que vous compofez a un Tel , une & j- ne fuis point perfuadé qu’on
force 2c un agrément qu’on ne trou* ne farte plus rien qui en approche.
ve point dans leurs ouvrages. Vous Le mépris qu’on auroit pour leurs
vous mocquez , me repondoit-on. ouvrages feroit injufte , il y en a
Je ne me mocque point , repliquois- de trés-excellcns & qu’on ne peut
j e , il y a dans vos écrirs une faci­ pas ne point admirer fans eftre
lite , une corre&ion & une jufteiTe ftupide ou infenfible. Ce mépris
que les Anciens n’ont jamais attra­ feroit encore d’une coniequence
pées. Je vous avoue, me difoit- on , très - perilleufè pour la Jeunerte à
que j’y ay pris de la peine & que qui on ne fçauroit imprimer trop
cela m’a courte. Li-deiïus je poufl ae refped pour les Auteurs qu’on
fois ma pointe & à la troifiéme bat­ leur eufeigne , mais je voudrois
terie de mes loüançes, on ne man- qu’on gartïaft quelque modération
quoit point de le rendre & de dans les éloges qu’on leur donne &
m’en donner plus que je n’en de­ qu’on euft un peu moins de mépris
mandas. pour les Modernes. A l’égard des
jeunes gens qui étu d ien t, je fouhai-
1E P R ES 1 D E N T .
terois qu’a prés les avoir élevez juC
A vôtre com pte, ce fera déformais qu’aux dernieres Clartés , dans une
une honte d un galant homme d'avoir profonde vénération pour les An-
104 fatale lie er/ Anciens dr des Modernes, ioy
ciens, on commençait lorfque leur ncs n’ayent portez à un plus haut
jugement fêroic formé,à leur en Faire point de perfection. C ’elt un pro­
voir & le fort & le foible, & qu’on blème que je m'offre de foutenir
leur infinuaft qu’il n’eft pas impolîî- quand il vous plaira.
ble, non - feulement de les égaler, LE PR ESID EN T.
mais d’aller quelquefois au delà en
évitant les mauvais pas où ils font J'accepte cette offre très-volon­
tombez , car s’il eft dangereux de tiers , quoy que je fois convaincu du
donner de la préem ption aux jeunes contraire, car l'examen de ce pro­
gens, il eft plus dangereux encore blème ne peut eftre que tres-diver-
de leur abbattre le courage, en leur tiliant & tres-urile * ainfi quan d . . . .
difant qu’ils n’approcheront jamais LE CHEVALIER.
des Anciens , & que ce qu’ils feront
de plus beau fera toujours au def. Nous voicy dans la grande ave­
fous de ce qu’il y a de plus médiocre nue de Verlàilles. Il laut avouer
dans les ouvrages de ces grands hom­ que l'abord de ce Chafteaueft agréa­
mes. Quoy quai en (oit je crov avoir ble , & que l'or de ces combles qui
fait voir que cette grande preference brille de tous coftez a quelque cho*
qu’on donne aux Anciens fur les le de bien riant.
M odernes, n’eft autre chofe que
L ’ A B B E ’.
l'effet d’une aveugle & injufte pré­
vention , nous defeendrons quand Quelque agréable que fbic cette
vous voudrez dans le détail & j*c£ façade que nous voyons , celle qui
pere faire voir qu’il n’y a aucun Art regarde les jardins eft d'une beauté
ny aucune Science ou mefme les An- toute autrement noble & magnifi­
ciens ayent excellé ,que les Modér­ que.
106 Pdf ale lie des Anciens & des Modernes. 107
l’avis n ’eft pas à m cp rilcr, & que
LE PRESIDENT.
l’amateur zélé des Anciens n'en de­
Cela eft dans les réglés de toute meurera pas moins d'accord que le
bonne compolïcion , où il faut que jufte défenfcùr des Modernes.
les choies aillent toujours en aug.
m entant 2c en encherilTanc les unes
fur les autres.
L ' A B B E*.

Verfàilles eft fort régulier en ce


p o in t, non-feulement les baftimens
fe furpaflent en beauré à indure
qu’on les découvre, mais ces mef-
mes baftimens , quelques beaux 5c
fuperbes qu’ils fuient, le cèdent en
fuite aux merveilles incroyables des
jardins, à qui rien n'eft comparable
dans le relie du monde.
LE CHEVALIER.

Cela eft tres-vray, mais je ferois


d'avis de nous munir de quelque
rafraifehiflement avant que de nous
em barquer dans noftre longue &
laborieufe entreprife. Je croy que
ioS faraleUt 109
PARALELLE
E PIG RA M M E DE M A R T IA L,
DES A N C I E N S
donc la Tradudiou eft au conv. ET DES M O D E R N E S
mcnccmenc du precedent Dia­ EN CE Q J J I REGARDE
logue.
L’ A R C H I T E C T Ü R E ,
Ejfe quid hoc dicam » v iv u quod fam a kc- LA S C U L P T U R E ,
gaeur, E T LA P E I N T U R E .
E t fito , quod rom s temporo Lethrr amot ?
H t fitn t invidio nim im m , Régule > mores , SECOND D I A L O Q V E.
Semper m antiques proférât ilU n tvu .
L’ A B B F.\
Sic veterem » ingrati Pompeti quorimus m u
hrjm , ( *Avoue que je ne comprens
| point comment des gcnsd’eC
Sic loudont , Cotuli vilio templo , fines,
____ I prit fe donnent tan t de peine
Ennius efi leüus fidvo rib i, Rom* , M ar ont » pour Ravoir exactement de quelle
E t fit* rifem nt fiuulo Moeonidem, maniéré le Palais d'Augufte eftoit
Rétro coremut ploufire Theotro Afenondro : c o n itru it, en quoy confi Ilote la
Norot N ofinem filé Corin no fumm, beauté des jardins de L ucullus, &
uelle ctoic la magnificence de ceux
fo s témen%i nofi n , ne ftjh n o te libellé , Q c Semiramis s 2c que ces mefmes
Sipoft fs té vente glorié » non propero.
gens d’efprit n*ayenc prefquc pas de
Mort, tfipnm , X . b ^ v , éd **•& « *, curiofité pour Veriàüles.
uo fa r alelie des Anciens & des Modernes. m
tent qu’on la regarde n ’eft pas fi
LE PRESIDENT. grande, mais ces deux portiques de
Je voy bien que ce reproche tom­ colonnes Doriques,l’Architecluredu
be fur moy. Mais les affaires que mefme ordre qui régné par tout 6c
j’ay trouvées en arrivant de la Pro­ la richefte des toits dorez la rendent
vince m’ont empêché d’avoir plu­ beaucoup plus belle. Là font les O f­
tô t le plaifir que je me donne au- ficiers principaux que leurs charges
jourd’huy. 6c la nature de leurs emplois obii-
gent d’être plus proches de la per-
I* AB BE * .
fonne du Roy. C ette troifiéme cour
Point du to u t, Verfailles n’eft ny où l’on monte par quatre ou cinq
ancien ny éloigné , pourquoy le marches , 6c qui eft toute pavée de
preflèr de le voir \PuKque vous êtes m arbre, eft encore , comme vous
donc un étranger en ce pais-cy & voyez, moins grande 6c plus magni­
qu’il y a vingt-deux ans que vous n’y fique que les deux autres , les bafti-
-êtes venu, je vais faire le métier du mens qui l’environnent ornez d*Ar­
Concierge & vous dire le nom 6c chitecture 6c de Bifftes antiques ,
l’uiage de chaque piece que nous comprennent une partie du petit
verrons. C ette première cour eft appartement du Roy , d’où l’on
fort vafte, comme vous v o y ez, ce­ paiTe à ces grands 6c fuperbes ap-
pendant tous les bâtimens qui font partemens donc vous avez tant oüy
aux deux co tez, ne font que pour parler dans le monde.
les quatre Secrétaires d'Etat. L a LE CHEVAL IER.
féconde cour où nous allons e n tre r,
6c que fepare cette grille d o ré e , Puifqu’il nous eft permis de com­
donc le deflcinêc l’execution meri- mencer par où nous voudrons,
112, fa r d e Ht des Anciens &•des Modernes. 11$
com mençons, je vous prie , par le vu de plus beau en ce genre-là. Vous
grand efcalier , aulïi bien e ft-c e voyez bien que ce font les neuf
par là qu’on fait entrer les Etran­ Mufes diverfement occupées à con-
gers un peu confîderabies qui vien­ iàcrer à l’immortalité le nom du
nent la première fois à Verfailles. Monarque qu’elles aiment 5c qui fait
C et efcalier eft ünguiier en fon déformais l’unique objet de leur ad.
elpece. miration.
LE PRESIDENT. LE CHEVALIER.

Vous avez raifon, cecy eft tres- J’aime à voir dans ces Gallcries,
magnifiquc. où l’ccil eft trom pé, tant la Pcrfpe-
dive y eft bien obfervée, les diver-
L’ ABBE*
fes Nations des quatre parties du
La richcflè des marbres 5c l’éclat de monde qui viennent contempler les
cette baluftrade de bronze dore qui merveilles de ce Palais 6c fur tout y
vous furprend , ne font rien en com- admirer la puifTance 6c la grandeur
paraifon de la Peinture du plafond. du Maître. La fierté de cet Efpagnol
un peu mortifiée de ce qu’il voit,
LE PRESIDENT. me fait plaifir, je n'aime pas moins
Ce plafond frappe agréablement la furprife du Hoilandois, mais les
la v û ë , & me fait fbuvenir de ces lunettes de ce Monfeignor étonné
beaux morceaux de Frefque que j’ay de voir quelles gens nous Tommes
vus en Italie. prefentement dans tous les Arts ,
me réjoui fient extrêmement.
L’ A B B E\

Je fuis leur que vous n’avez rien


1*4 Ptraielie des Anciens (jr des Modernes. ilj
L’ A BB E\
dtvroient moins eftre appeliez des
marbres que des agates. Vous re­
Entrons dans la première picce gardez cette figure avec grande at­
du grand appartem ent , 8t avant tention , il eft vray qu'elle eft anti­
que de l'exam iner, avançons un peu que 5c fort belle , c'eft Cincinnatus
pour voir l'enfilade. qu'on va prendre à la charuë, pour
commander l'armce Romaine. Je
LE PRESIDENT.
confens que vous l'adm iriez, mais
Cecy eft gran d , 5c furpaflè ce que je vous demande en grâce que le
je m'en eftois imaginé. Quelle pro- piaifir de la voir ne vous degoufte
fufion de marbres , que ces plan­ pas entièrement du Moderne, & que
chers , ces lambris 5c ces revefte- vous daigniez jetteries yeux fur les
mens de croifées font magnifiques. peintures de ce plafond.
L ' A B B E ’. L E PRESIDENT.

Il faut rem arquer que les marbres Ces peintures font jolies. C ette
de toutes les pièces de cet apparte­ Venus au milieu des trois G "aces
m ent font diffèrens les uns des au* n'cft pas mal deffignee. Les Héros
tr è s , 5c vont toujours en augmen. & les Héroïnes de ces quatre coins,
ta n t de prix 5c de beauté. Ceux de qui liez de chaifnes de fleurs, re­
la pièce où nous Tommes 5c des gardent la Deeflè avec rcfped 5c
deux qui fûivent, (ont marbres tirez en pofture fupplianre , font aflez
du Bourbonnois 5c du Brabant j bien leur e ffet, 5c il y a quelque en­
enfuite font les marbres du Lan­ tente dans la composition de ce
guedoc 5c des Pyrénées, puis ceux plafonds.
ci'Italie, 5c enfin ceux d'Egypte qui
1IG Taralclle des Anciens & des Modernes. 117
Planctte qu’ils accompagnent, 8C
VA B B E*- qui font aulfi tellement femblables à
Encore eft-ce beaucoup que vous celles de fa Majefté , que l'on y
ne ie trouviez pas deteitiblc. L’ap­ voit en quelque forte toute l’hiftoire
partement où nous fornmes 8c celuy de fon régné , fans que fa Perfonne
qu’occupe Madame la Dauphine , y foie reprefentée.
eftoienc originairement de lèpr piè­ LE PRESIDENT.
ces chacun , mais l’admirable Gal-
lerie que nous allons voir en a em­ Je voy ce que vous dites. Voila
porté quelques-unes. Le nombre de Augufte qui reçoit cette célébré
fept donna la penfée de conlacrcr Ambalfade des Indiens , où on luy
chacune de ces pièces à une des prefènta des animaux qu’on n'avoit
feptplanettes. La Salle des Gardes point encore viis à Rome. Je voy
fut deftinée à M ars, l’Antichambre là delfous les célébrés Ambalfudes
à M ercure, la Chambre au Soleil , que le Roy a reçues des régions les
le Cabinet à Saturne , 8c ainli des plus éloignées, ptolomée que voila
autres. Le Dieu de la Planctte eft au milieu des Sçavans, 8c Alexandre
reprefenté au milieu du plafond qui ordonne icy à Ariftote d'écrire
dans un char tiré par les animaux l’hiftoire naturelle, fonc penfer aux
qui luy conviennent, 8c eft environ­ grâces que fa Majefté répand fur
né des attributs , des influences 8c les gens de lettres , 8c à tout ce
des genies qui luy font propres. qu’Elle a fait pour l'avancement
Dans les tableaux des quatre faces des Sciences.
des codez font reprefentées les L’ AB B E \
actions des plus grands hommes de
l’Antiquité qui ont du rapport à la Vous avez pu voir dans la Salle
U$ Totalelie des Anciens & des Modernes.
des G antes, où nous venons de paf.
LB P R E S I D E N T .
ter, des Héros qui defFont leurs en­
nemis, d'autres qui prennent des Vil­ Je n'ay pas cru leur faire to rt.
les, &d'autres qui reviennent triom­ Mais voila un beau Paul V eronefe,
phant. Il eft encore plus aifé d'en ce font les Pèlerins d'Emaüs.
taire l'application. L’ A B B E * .
LB CHEVALIER.
Ce tableau eft tres-beau 6c d'une
Voicy des vafes d'orfevrerie qui grande réputation -, mais je vous prie
m entent apurement d’eftre regar­ de ne regarder pas moins celuy qui
dez ,& qui le mentent encore plus luy eft oppofé en fymmerrie $ c'eft
par la beauté de l'ouvrage que par la fiunille de Darius de Moniteur le
la riche fie de la matière. B run, car nous aurons à parler de
ces deux Tableaux.
LB PRESIDENT.
LE PRESIDENT.
* CœUtum divin i opus Alcimedontis.
Je les connois tous d eu x , nous
LE CHEVALIER. n'avons qu'à pourfuivre. Voila le
Point du to u t, ccs vafes font d'un faint Michel 6c la fointe famille,
maiftre Orfevre à Paris, 6c à Dieu qu'en dites.vous?
ne plaifè qu'on aille comparer les L’ ABBE*.
ouvrages du (leur Baflin avec ceux
du divin Alcimcdon. C e font deux pièces incompara­
bles , 6c toute l'Italie n'a prefquc
* Ouvragt t'ftli dit divin Alàmdtn. VirgiL rien qu'elle leur puiflè oppoier.
K!*t. J.
120 fa r d élit des Anciens & des Modernes, m
fous le voile agréable d’une inge-
LE PRESIDENT.
nieufe allégorie.
Voicy un beau Sallon 5c un beau LE CHEVA LIER.
point de vue ! D ’un codé le fuperbe
appartem ent que nous venons de Il y a prés d’une heure entière que
traverfèr , de l’autre une gailerie nous fommes à regarder les diffe­
qui me femble enchantée , 5c des rentes beautez de cette gailerie, 5c
deux autres codez une vue admi­ je fuis feur qu’il nous en ed échappé
rable , 5c qui donne fur les plus plus de la m oitié, ces beautez font
beaux jardins du monde. ■népuifables 5c on ne peut les voir
toutes dés la première fois. Paffons
L ’ A B B E ’. dans le grand appartement de Ma­
Ce Sallon-cy ed le Sallon de la dame la Dauphine.
G u erre , celuy que nous trouverons L ' A B B E’.
à l’autre bout de la gailerie ed le
Sallon de la Paix. Coniiderez bien, Cet appartement ed compofé des
je vous p rie, le mouvement, le «rou­ iuefines pièces que celuy du Roy ,
ble 5c l’agitation qui fe trouvent toute la différence qu’on y peut re­
marquer , c’ed que dans l’un on a
dans toutes les figures de ceTableau,
reprefenté les hauts faits des H éros,
afin que vous ayez plus de plaifir à
6c dans l’autre , les belles actions
contempler le repos, la douceur, 6c
des Héroïnes.
la tranquillité des perfon nages de
celuy de la Paix. Entrons dans la LE P RE SI DE NT .
Gailerie 5c appliquons-nous à y dé­
je voy que ces Héroïnes font au/ïî
couvrir les principales a&ions de
rangées fous les Plancrtes qui prefî-
L o u is le G r a n d à demi cachées,
ious
12ih Tarale lie des Anciens & des Modernes. 123
dent aux qualitez <Sc aux actions qui mieux , pour voir toujours choies
les ont rendu ceiebres dans le mon­ nouvelles, palier par le grand cor­
de. Nous en venons de voir de fages, ridor pave de marbre qui leur 1ère
de magnifiques Ôc de fçavances j en de dégagement.
voicy qui le font fait admirer par la
L* A B B E’ .
valeur. Ce deflein ne me dépiaill
pas. Ce corridor nous mènera au petit
appartement du Roy. C’eft là que
1* A B B B*.
vous aurez contentement, vous qui
Tournons à droite. aimez les beaux Tableaux, vous n’en
le P R ES I D E N T .
avez peut - ellre jamais tant vu, ny
de li beaux dans tous vos voyages.
Quelle prodigieufè fuite d’ap-
LE PRESIDENT.
partemens •
L’ A B B E\
Vous me tenez parole, voicy allu-
rement un grand nombre d’origi­
Je doute qu’on en ait jamais vu naux excellens, Sc qui méritent tous
de pareille. C’ell une des ailles du a’eftre regardez avec grande at­
grand corps de logis que nous ve­ tention.
nons de voir, on achevé de ballir
L ’ A B B E*.
Üautre qui luy fait fymmetrie.
Si vous voulez bien jerter les yeux
L E CHEVA LI ER.
fur le plafond de cette gallerie peut
Nous pourrions retourner fur nos ellre en ferez vous content.
pas avec plaifir danstoutesles pièces
de ces appartem ens, mais il vaut
Fij

T Z T
U4 TardlclU des Anciens & des Modernes. ny
IE PRESIDENT. LE PRESIDENT.

C ette Peinture eft gracieufe & Ce Voila une grande


O étendue de baf.
defïènd contre la fouie de ces Ta» tunens »
bleaux admirables , qui femblent L ’ A B B £*.
avoir entrepris de l’effacer. Elle eft de deux cens toifes 3c
davantage.
L ' A B B E\
LE PRESIDENT.
Defcendons dans les apparte-
mens bas. La Sculpture qui orne ces bafti-
LE PRESIDENT.
mens me piaift autfi beaucoup.
L’ ABBE*.
Voicy encore une étrange profu-
fion de m arbres, il ne fe peut rien Vous remarquez bien , (ans
de mieux entendu pour un appar­ d o u te , qu’on a eu foin que toutes
tement deftine à des bains. Cette les figures , tous les bas reliefs, 2c
cuve de jafpe a pour le moins dou­ tous les autres ornemens , euffent
ze pieds de diam ètre, & vingt per- rapport au Soleil qui fait le corps
fonnes s’y pourroient baigner à la de la devifè de (a Majefté ; jufques-
fois. là que comme le cours du Soleil
L ' A B B E\
qui fait l’année , eft un image de
la vie de l’homme , on a oblèrvc
Sortons ,je vous prie, un moment que les mafques qui font dans les
fu • le parterre pour vous faire voir clefs des arcades, en reprefentaffent
la face des baftimens de ce coftédi. tous les âges. Le premier maique eft
d’un enfant de cinq ans ou environ,
F iii
lié TaraitIle des Anciens &des Modernes. 117
le fécond d'une fille de dix ans ; le à noftre iiecle, mais je loutiens qu'ils
troifiéme d'un garçon de quinze, fit en font encore davantage aux fic­
ainii desaucres en avançant toujours elés anciens * parce que s’ils ont
de cinq ans en cinq ans,hom m e & quelque chofe de recom m cndable,
femme alternativement jufqu'au der. ce n’cft que pour avoir cfté bien
nier , qui eft un vieillard de cent copiez fur les baftimens qui nous
ans accomplis. relient de l’A nriquiré, fie que quel­
ques beaux qu’ils (oient, ils le font
IB CHEVALIER.
encore moins que ces melines bafti­
Je remarque fort bien tout ce la. mens qui leur ont fervi de moJeik*.
mais je remarque encore mieux que
L’ ABBE* .
le Soleil eft fort ardent, fie que nous
ferions bien de rentrer dans ce beau C ’eft dequoy je ne demeure nul­
cabinet des bains , pour y attendre lement d’accord , je loutiens que
commodément Theure de la pro­ le véritable mérité de nos ouvrages
menade. d*Architecture ne leur vient point
L ' A S B E\
d’eftre bien imitez fur l’A ntique,
fie je loutiens encore que bien loin
Entrons, nous ne fçaurions trou, d’eftre inferieurs aux baftimens an­
ver un réduit plus agréable. Et ciens, ils o nt fur eux toutes fortes
bien que vous femble de tout cecy. d'avantages.
LE PR ES I DENT. LS PRESIDENT.
J'avoue, que les beaux morceaux Cela le peut-il d ire, fans une ef­
d’Archite&urc, que nous venons froyable ingratitude envers les In­
de voir, font beaucoup d’honneur venteurs de i'A rchite& ure, fi un
F iiij
u8 îayaUHc des Anciens & des Uodetfies, 119
baftiment n’avoit ny colonne*; , ny de mefine que les figures de Rhéto­
piiaftres, ny architraves, ny frifes, rique le prefencent à tout le mon­
ny corniches, & qu'il fuft tout uni, de, & que c'eft un avantage égal à
pourroit.on dire que ce fuft un beau tous ceux qui veulent parler • il en
morceau d’Archite&ure. eft de mefine des cinq Ordres d'Ar-
l ' A B B E\
chitechire qui (ont également dans
les mains de tous les Archicedes.
N o n aflurément. Et comme le mérité des Orateurs
n’eft pas defe fervir de figures, mais
LE PRESIDENT.
de s’en bien fervir : La loüange d’im
C ’eft donc à ceux qui ont invente Archire&e n’eft pas auffi d'employer
ces ornemens, qu'on eft redevable des colonnes, des piiaftres Sc des
de la beauté des édifices. corniches, mais de les placer avec
jugem ent, & d'en compofèr de
L’ ABBE* .
beaux Edifices.
Cela ne cunclud pas. Si dans un
tE PRESIDENT.
difeours il n’y avoic ny métaphores ,
ny apoftrophes, ny hyperboles, ny Il n'en eft pas des ornemens de
aucune autre figure de R hétorique, l’Architecture comme des orne­
ce difeours ne pourroit pas eftre re­ mens du difeours. Il eft naturel à
gardé comme un ouvrage d'Elo- l’homme de faire des figures d e
uence, s’enfuit-il que ceux qui ont Rhétorique , les Iroquois en fo n t,
2 onné des réglés pour faire ces figu­
res de Rhétorique, fuient préféra­
U plus abondamment que les meil­
leurs Orateurs de l'Europe. Mais
bles aux grands O rateurs, qui s'en ccs memes Iroquois n’employenc
font fervis dans leurs Ouvrages. C ic pas des colonnes , des architraves
F v
130 ParaleMe des Anciens & des Medernes. 151
5c des corniches dans leurs bati- roits , leur piedetail fur le billot
mens. qu’on m ettoit delTous, 5c leur cha­
piteau fur les feuillages dont ils or-
v ABBE' .
noient le haut de ces troncs d’ar­
Il e t vray qu’ils n’employent pas bres. L'A rchitrave reprefentc cette
des colonnes 5c des corniches d’or, première p o u tre , qui pofoit fur les
dre Jonique ou C orinthien, dans colonnes rutiques donr je viens de
leurs habitations, mais ils y cm. parier. La Frife reprefentc i'épaifl
pioyent des troncs d’arbres qui (ont f;ur des poutres, comme on le voit
les premières colonnes dont les ditinâem en t dans l’ordre Dorique,
hommes le. font fervis, 5c ils don­ oùlestriglyfcs marquent l’extremité
nent à leurs toits une faillie au delà des poutres, 5c les metopes la ditan-
du mur qui forme une efpece de cor­ ce qu’il y a d'une poutre à l'autre.
niche femblable à celle qui dans les La Corniche reprefentc lcpaifTeur
premiers temps ont fervi de modeile du plancher, la faillie du toit 5c tou­
a routes les autres qu’on a depuis tes les pièces qui la compofenr $
enjolivées. car il e t aife de voir que lesmodil.
Ions ne (ont autre chofe que les
LE PRESIDENT.
bouts des chevrons de la couver­
Ce que vous dites e t vray , tous ture. Mais il y a la forme agréable
les membres d’Architecture ont elle 5c les ju te s proportions qui ont é t é
form el fur la reflèmb lance des piè­ données à tous ccs ornemens d*Ar­
ces de C harpenterie, dont les pre­ chitecture , dont on ne peut trop
mières maifons ont e t c contraires. admirer la bcaurc,5c pourlcfquelLs
Les colonnes ont é t é faites fur les on ne peut aufîi trop ioücr les grands
troncs d'arbres qui foutenoienc les hommes qui les ont inventées.
*3* VardeSe des Anciens & des Modernes, ifi
font, elles plairoient également.
Va fi B E*.
L ' A B B F.
n’a efté qu'avec bien du temps
6c peu à peu , que ces Ornemens Il eft vray que * Virruve dit quel­
ont pris la forme que nous leur que p a r t, que comme la Nature a
voyons. Ainfi on ne peut pas dire ai un grand foin de garder de juftes
que certains hommes en particulier proportions pour la formation dit
en foient véritablement les premiers corps de l’hom m e, il faut de mefine
inventeurs. D ’ailleurs fi fa forme que l'Architecte s’étudie beaucoup
de ces ornemens nous fcmble belle, à bien proportionner coûtes les par­
ce n’eit que parce qu’il y a long­ ties de fon baftimenc , mais il ne dit
temps qu’elle eft reçue , 6c il eft point là qu'il en doive regler les
certain qu'elle pourroit eftre toute proportions fur celles du corps de
differente de ce qu’elle eft, 6c ne l’homme. C'eft prefque fur cette
nous plaire pas m oins, fi nos yeux feule propofirion mal entendue que
y eftoient également accouftumcz, font fondez tous les myftcres des
proportions des membres d’Archi­
LS PRESIDENT.
tecture. Quoy qu'il en fo it, je ne
Si la figure de ces ornemens eftoic voy que la colonne qui puifTe avoir
purement arbitraire, ce que vous quelque rapport au corps humain j
dites pourroit eftre écouté , mais mais encore quel rapport ? La plus
toutes les proportions des baftimens courte des colonnes, qui eft la T oil
ayant elle prifes, comme le dit Vi- cane, a fepe fois (a grofleur 6c davan­
tru v e , fur la proportion du corps tage , 6c l'homme le plus grand 6c le
hum ain, on ne peut pas dire que il plus menu qu’il y a it, ne l'a pasqua-
elles cftoienc autres qu’elles ne crcfois. * Kim i i.tk.1.
TaraUlU des Anciens & des Modernes. 137
Jonique , & ceux des Dceftls vier­
LE P R E S I D E N T .
ges , comme Minerve & Diane ,
Cela eft vray , mais comme le a ordre Corinthien,
diamètre ou la groflèur de la colon,
L A B B E\
ne le prend au pied de la colonne,
la grofleur ou le diamètre de i’hom- Cela eft très bien penfe, cc a elle
me fe prend aulfi en A rchitedure, dit en beau G rec & en beau L atin,
fur ia meiure de Ion pied. mais ce ne font que des reflexions de
gens qui ont raifonné fur les orne-
L ' A B B E*.
mens de l’Architc&ure après qu’ils
Cela n’a aucune raifon , car bien onteftéfaits,m ais c e n ’eft point ce
loin que la longueur du pied d’un qui en a dererminc les mdures. Ce
homme Toit la mefure de fa grof- n’a efté d’abord que le Ample lèns
feur , elle n’en eft au plus que la commun qui en failant des colon­
moitié. nes a rejetté celles qui eftoient ex-
celfivemenc longues ou exceffive-
LE PRESIDENT.
ment courtes * les unes parce qu’el­
C ependant, les colonnes D ori­ les n’avoient pas une force fuffiiànte
ques ont efte proportionnées fur la pour le fardeau qu*on leur deftinoir,
caille de l'homme, les Joniques i'ur les autres parce qu’elles avoient une
la taille des femmes, & les C orin. abondance de matière & un cxcez
chiennes fur celle des jeunes filles. de force inutiles , & qu’elles occu-
D e là vient mcfme que les Temples poienc trop dé place. Mais comme
des Dieux eftoient ordinairement entre ces deux extrem itez, il y a
d'O rdre Dorique , ceux des D ee£ un grand nombre de proportions
les comme Junon & V cfta, d’ordre dont le bon fens s’accommode éga^
? .traiefie des Anciens & des Modernes, 137
lem cnt, & donc pas une ne blefîë ble , c'eft indépendamment de la
les yeux , ce n'a elle autre choie convention des hommes & de l’ac-
que le choix fortuit des premiers couftumance de l'oreille , qu’une
baflifleurs qui a achevé de les dé­ oclave ou une quinte doivent eflre
terminer i l'accouflumance de les précifement compofées d'une cer­
voir en de beaux Edifices , leur a taine diflance de to n s, en forte que
donné enfuire cette grande beauté pour peu que cette diflance foie
qu'on admire. trop grande ou trop p etite, l'oreille
ei? eil choquée en quelque pays du
LE PRESIDENT.
monde que ce fo it, & dans quelque
N ullem ent. Ce qui leur donne ignorance qu'on puifle eflre de la
cette beauté parfaite, dont les yeux Mufique. Il n'en eft pas ainfî des or­
un peu inftruits dans l'Archixe&ure nemens d’Architecture, qui peuvent
font charmez , c'eit d'avoir attrapé eflre un peu plus grands ou un peu
un certain point que la N ature leur ce plus petits , les uns à l'égard des
prefcric, de mcfme que nous voyons autres , & plaire égalem ent, com­
dans la Mufique qu'une ociive ou me on le peut voir dans les ouvrages
une quinte frappe agréablement merveilleux des grands Archite&es
l'oreille, quand l’un ou l'autre de de l'Antiquité qui plaifènt tous ,
ces accords a rencontré la jufle quoy que leurs proportions foienc
diflance des tons qui le compoiênr, tres-dittèrentes les unes des autres.
O n peut encore remarquer qu'en
l ' A B B E\ quelque mode qu'une picce de Mu­
La comparaifon des ornemens de fique foie compofée, Lyd Vn, Phry­
l’A rchitecture, avec les accords de gien ou D orien, l’octave, la quinte
la Mufique n'cifc nullement receva. àL les autres accords font toujours
.J }$ Paralelie des Anciens & des Modernes. 13 9
de la mefme étendue. II n’en eft que ce qui doit eitre horizontal le
>as ainfi des colonnes , ny de tous (oit de mefme, que le fort porte le
J es autres ornemens de i*Architec­ foible, que les figures carrées (oient
tu re , qui changent de proportion bien carrées, les rondes bien ron­
felon l’ordre où ils font employez -, des , 2c que le to u t (bit taillé pro­
car ils font plus délicats 2c plus fe~ prement , avec des arreftes bien vi­
veltes dans l'ordre Ionique que dans ves 8c bien nettes. Ces fortes de
le D o riq u e , 8c plus encore dans le beautez font de tous les goufts, de
Corinthien que dans l'ionique. Cet­ tous les pays 8c de tous Tes temps.
te diverfitc de proportions aflîgnée U y a d’autres beautez qui ne font
à chaque ordre marque bien qu'el­ qu'arbitraires , qui plaifent parce
les font arbitraires,8cque leur beauté que les yeux s’y (ont accouftum ez,
n'eft fondée que fur la convention 2c qui n'ont d'autre avantage que
des hommes 8c fur l’accouftumance. d’avoir efté préférées à d’autres qui
Pour mieux expliquer ma penfée je les valoient bien , 8c qui auroient
dis qu’il y a de deux fortes de beau- plu égalem ent, fi on les euft choi-
tez dans les Edifices -, des beaurez fies. D e cette efpece (ont les figures
naturelles 2c poficives qui plaifcnt 8c les proportions qu'on a données
toujours , 8c indépendamment de aux colonnes, aux architraves, fri-
l’ufege 8c de la mode j de cette forte fes, corniches 8c autres membres
f o n t , d'eftre fort élevez 8c d'une de l’Archite&ure. Les premières de
vafte érendué , d’eftre baftis de ces beautez (ont aimables par elles-
grandes pierres bien lices 5c bien mefmes, les fécondes ne le (ont que
unies, dont les joints (oient prefque par le choix qu'on en a fa it, 8c pour
imperceptibles, que ce qui doit eftre avoir efté jointes à ces premières ,
perpendiculaire le fuit parfaitement, dont elles ont re ç u , comme par une
Î40 Paraleüe des Anciens & des Modernes . 141
heureufc contagion un tel don de LE P R ES I D E N T .
plaire, que non feulement elles plai-
fcnt en leur compagnie , mais lors Si cela eltoic ainfî, comme les
mcfme qu’elles en font feparées. modes des habits changent de temps
en te m p s, les ornemens d*Archi­
LE CHEVALIER. tecture devroient changer de meL
Il en eft donc de ces ornemens me ; cependant depuis qu’ils ont
d*Architecture, comme de nos ha­ efké inventez par les G recs, on ne
bits , dont toutes les formes 2c les voit pas qu’ils ayent changé de for­
figures font prefque également bel­ me. Ils font toujours en poflèifioa
les en elles-mefmes -y mais qui ont de p la ire. Ôc bien loin que le temps
un agrément extraordinaire, lorf. ait diminué quelque chofe de leur
qu’elles font à la m o d e, c'eft id ir e , beauté 5c de leur agrém en t, comme
lorfque les perfonnes de la Cour il arrive dans tout ce qui n ’eft beau
viennent à s’en (èrvir * car alors la que par la mode, on peut dire qu’il
bonne mine, l’agrément & la beau­ en a redoublé la grâce 2c la beauté.
té de ces perfonnes femblcnt paifer
L ’ A b b e *.
dans leurs, habits &. de leurs habits
dans tous ceux qui en portent de C ette différence vient de ce que
fem b labiés. les habits ne durent pas autant que
les Edifices , 8c particulièrement
L ' A B B E\
ceux où l'A rchitedure employé fes
Juftement , rien ne peut mieux ornemens les plus confidérables. Si
expliquer ma penféc. les chapeaux, par exemple, duroienc
fept ou huit cens an s, ils ne chan­
g e a ie n t pas plus fouvenc de figure
141 Paralelle des Anciens & des Modernes, 143
que les chapiteaux des colonnes. naire des m odes, qu’on ne peut plus
Ce qui foie que nous les voyons tan- fouffrir la forme plate Sc écrafée
toft plats & tantoft pointus, c’cft du vieux chapiteau Corinthien. Il en
qu’on en change trois ou quatre eft de mefme au chapiteau Ionique
fois par a n , & que pour foire voir qui a plu très'- long - temps avec fès
qu’on ne porte pas toûjours le mef. deux rouleaux en forme de baluk
m e , on luy donne une forme nou­ très, mais qui n’oferoit plus paroître
velle j car delà vient la fobite révo­ avec cette coëfïîire antique, Sc qui
lution des modesj mais les bafti- eft obligé d’avoir prefontement fos
mens tiennent form e, Sc lorfqu’on quatre coftez fomblables en quel­
en conftruit de nouveaux, on les que compofition d’Archite&ure ,
rend les plus femblables que l*on qu’il ait à fc trouver. Je pourrois
peut à ceux qu’on trouve faits Sc vous foire voir que prelque tous les
qui plaifont , afin qu’ils ayent le autres ornemens des Edifices ont eu
mefme don de plaire , Sc voila ce le mefme fo rt, ce qui montre bien
qui perpétué la mode des ornemens que leur beauté principale n’eft fon­
dont iis font parez. Avec tout cela dée que for l’ufage Sc fur ^accou­
cette mode ne lai fie pas de changer tumance.
avec le temps. Le chapiteau Corin­
LE P R E S I D E N T .
thien n'eftoit dans fon origine que
d*un m odule, c'eft-à-dirc, qu’il n cC Il eft pourtant fi vray qu’il y aune
toit guercs plus haut que large. O n certaine proportion déterminée
y a ajoufté infenfiblement julqu’à un dans tous ces ornemens qui en foit
fixiéme de module , Sc cette forme la fouveraine beau té, que les Archi-
plus égayée a tellement contente tedes ne s'occupent nuit Sc jour
ks yeux , fuivant le privilège ordi- qu’à la recherche de ces juftes Sc
144 Paraleile des Anciens & des Modernes. 14$
prccifes proportions s & que quand le charmer dans cette colonne, fie
iis font allez heureux pour les ren­ plus on fiippofoic en luy une profon­
contrer , leurs ouvrages donnent de connoiHance des myitérés de
aux vrais connoi(leurs un plaiiir Sc i’A rchiredure.
une fahsfacfcion inconcevable. L ' À B B E\
1* A B B E\ Si ces fortes de proportions dan*
O n prétend qu’entre les colon­ l’Architecture avoient des beautez
nes qui font au Palais des Thuille- naturelles , on les connoiftroit nsu
n e s , il y en a une qui a cette pro­ turellem ent, $c il ne faudroit point
portion tant defïrée , & qu’on va d'étude pour en juger. D 'ailleurs,
voir par adm iration, comme la feule elles ne fèroient pas differentes ju £
où i’Archite&e a rencontré le point qu'à l’infini , comme elles le font
imperceptible de la perfection. On dans les plus beaux Ouvrages qui
dit mcfmc qu’il n'y a pas longtemps nous reftenc de l'antiquité & dans
qu’un viel Architecte s’y fàifoit con­ les Livres des plus excellent A rd u ,
duire tous les jours, & padoic là deux te&es.
heures entières atlis dans là chaifei LE P R E S I D E N T .
contempler ce chef-d’œuvre.
Il efl vray que les proportions
LE CHEVALIER.. font differentes 5c dans les Bâcimens
Je ne m’en étonne pas, il Cerepo- anciens & dans les Livres d'Archite-
foic «.{autant, 5c dans un lieu cres- d u re , mais c'efl en cela que paroift
agreable. II s’acquerroit d’ailleurs la grande fuffîfance des Architectes.
une grande repuranon à peu de frais, Ce n'a pas eflé à l’avanture qu’ils les
car moina on voyoit ce qui pouvoir ont variées, mais par des raifoos &
14$ fd rd eâ c des Anciens & des Modernes. 147
des réglés d’optique qui les ont obtt. L’ A B B £*.
gez d'en ufor ainfi. Q uand un Bâti­
ment fo conliruifoit au devant d'u­ Q ue direz.vous fi je vous prouve
ne grande place , & qu'il pouvoit demonftrativement que les Anciens
par confoquent eltre vu d e fort loin, Architectes n’ont jamais eu la moin­
ils donnoient beaucoup de faillie à dre de ces belles penfoes que vous
leurs Corniches , parce que i’éloi- leur attribuez. Ils devroientfuivanc
gnemenc les rapetifloit à la vue j & ces principes avoir donné plus de
lorfqu’un Edifice ne pouyoit eflre diminution aux petites colonnes
««gardé que de p ré s, ils donnoient qu’aux grandes , parce que ces der-
peu de faillie à ces mefines Corni­ meres le diminuent davantage à
ches , parce qu'eftanc vues en def. l’œil par leur h auteur, cependant
fous, elles ne paroifloient que trop les colonnes du Tem ple de Faufti-
faillantes pour peu qu'elles le fuC n e , celles des Thermes de D io d e-
font. Ainn bien loin que les Archi- tien , & celles du Temple de laC on.
«e&es lorfqu'ils en ont ufé de la for­ corde qui o nt trente & quarante
te , fe foient départis des véritables pieds de hauteur , font plus dimi­
proportions, ils n'ont au contraire nuées à proportion que celles des
fait autre chofo que de s'y confor­ Arcs de Titus f de Septimius & de
m er , en réparant par leur indulirie Conftantin , qui n’ont que quinze
ce qui fo. perdoit par la differente ou vingt pieds to u t au plus. Suivant
fituation aes lieux , en quoy on ne ces mefines réglés d’optique, les fof-
peut trop adm irer, 3c le foin qu'ils fices, ou pour parler plus intelligi­
ont eu de conferveri l’œil les veri- blement , les defibus des Corniches
rables proportions, & l'adreflè fin. devroient d ir e relevez lorfque l’E­
guliore dont ils fc font ftrvis pour y difice fe peut voir de lo in , & ne l’ef-
parvenir^ G ij
148 Partielle des Anciens & des Modernes. Ï49
tre pas lorfqu'ii ne le peut voir que moindre choie aux proportions ,
de tort prés j neantmoins au Porti­ foit dans les Ouvrages u'Archire-
que du Panthéon dont l'alped peut cfcure, foit dans ceux de Sculpture.
eftre aflez éloigné , le dedous des
LE CHEVALIER.,
Corniches n'eil point relevé, & il
l'eftdans le dedans du Tem ple , oit Je ne comprens pas ce que vous
l'afped eft necelïairement fort pro- dites. Quoy , vous voudriez par
che. Les Anciens étoient trop (âges exemple que le Cheval qu'on a mis
& rrop habiles pour donner la-de­ fur le haut de l'Arc de T riom phe,
dans -, car h la faillie excefîivc d'u­ ne fuft pas plus grand qu'un Che­
ne Corniche fait un bon effet quand val naturel èc à l’ordinaire.
le Bâtiment eft vu de loin , elle doit L ’ A B B E\
faire un effet defagreabie quand il
eft vû de prés. Quel avantage y Je n'ay garde de dire rien de fèm-
a-il à faire qu'un Ldifice paroi (Te blable , ce feroit manquer contre
beau quand on en eft éloigné, s'il les réglés de la proportion , de ne
paroift laid quand on en approche ? pas m ettre un fort grand Cheval
Il ne faut jamais fe mefler d'aider fur un aulîi grand piedeftail que
l'œil en pareilles rencontres, il eft l’eft l’Arc de Triom phe , quand je
fi jufte & lï fin dans tes jugemens, dis qu'il ne faut pas changer les
il fçait fi preciiemcnt par une lon­ proportions, je n'entends pas par­
gue habitude ce qu'il doit ajourer ler de la proportion qu'un tout doit
ou déduire à la grandeur d’un objet avoir avec un autre to u t, un Che­
fuivant le lieu & la diftance dont il val avec fon piedeftail, une figure
le v o it, que c'eft luy nuire au lieu avec fa niche, une colonne avec les
de luy aider que de changer la membres d'architcdure dont elle
G iij
150 Tdrdette des Anciens & des Modernes, iji
cil couronnée , mais de la propor­ voy encore tous les jours d’autres
tion des parties d’un tout encr’el- Curieux qui allèrent que les bas re­
îes melmes, d’un bras avec un bras, liefs du haut de la colonne Traja-
ou d’une jambe avec une jambe dans ne font plus grands que ceux du
Ja mefme figure. Je dis , par exem­ bas de la mefme colonne, parce que
ple , qu’il ne faut pas faire un des cela devroit eilre ainfi, fuivant les
bras plus long que l’autre , parce beaux préceptes qu’ils débitent *
que ce bras ell tellement difpofé cependant on peut voir au Palais
que l’on le voit en racourci , ou Royal où font tous ces bas reliefs,
pour quelqu’autre raifon que ce qu’il n’y a aucune différence des
paille eilre. Il y a des Curieux fi uns aux autres pour la hauteur.L’œil
entoilez de ces beaux fecrets d’op­ n’a pas befoin d’ellre lécouru en
tique , 5c fi ailés de les débiter, que pareilles rencontres $ de quelque
je leur ay oiiy foutenir qu’une des loin qu’on voye un homme on juge
jambes de la Venus T celle qui ell de fa taille. Ün Charpentier qui
un peu pliée eftoit plus longue que voit d’em-bas une poutre au faille
celle qui ell droite 8c fur laquelle d’un Bâtiment , dit làns fc trom ­
la figure le loûtient, parce, dilént- per combien elle a de pouces en
ils , qu’elle fuit à l’oeil, 8c que le quarré , 8c un enfant mefme ne fe
Sculpteur judicieux luy a rendu ce trompe point à la grolleur d’une
qu’elle perd pour élire vue de cette pomme ou d’une poire qu’il voit au
forte. Je les ay mefurces toutes deux haut d’un arbre.
fort exaélement, 8c les ay trouvées
LB CHEVALIER.
telles qu’elles m’ont toujours paru,
je veux dire parfaitement égales Je comprens prefencement ce que
& en longueur 8c en grolleur. Je vous dites, je trouve comme vous
G iiij
vp. TârédelU des Anciens & des Modernes. 155
que le fècours qu’on veut donner i à Athènes un Sculpteur nommé Al-
l’œii quand il n ’en a que faire, eft ce camene fi eftime pour fes Ouvra­
qui le fait tomber en erreur au lieu ges , que Phidias qui vivoit dans le
de l’en tirer. incline tem ps, pcnfli en mourir de
jaloufie : Mais ce Sculpteur to u t
L* A B B E\ habile qu'il ctoit , ne fqavoic ny
Je pourrois confirmer cetre vg. G-ometrie ny Perfpc&ivc, fciences
rite par une infinité d’autres exem. que Phidias pofiedoic rres-parfaite-
p ie s, mais j’aime mieux vous ren­ ment. Il arriva que les Athéniens
voyer à la Préfacé & au dernier curent befoin de deux figures de
C hapitre de * l’Ordonnance des Minerve qu’ils vouloicnt pofèr fiir
cinq efpcces de colonnes , qui trai­ deux colonnes extrêmement hau­
te amplement de l’abus du chan. tes i ils en chargèrent Phidias 6c Ai-
gem ent des proportions , Sc qui catnenc comme les deux plus habi­
répond parfaitement i i’Hiftoire les Sculpteurs de leur ficelé. Alca-
des deux Minerves qu’on allégué mcnc fit une Minerve délicate 6C
ordinairement fur ce fu jet, 6c que icvelce , avec un vifage doux 6e
je voy que vous vous préparez de agréable , tel qu'une belle femme
m e dire. le doit avoir , & n’oublia rien pour
bien term iner ôc bien polir fon O u­
LE C HB VA L I E Z . vrage. Phidias qui feavoit que les
objets élevez rappetificnt beaucoup
Quelle eft i’Hiftoire des deux
à la v eu e, fit une grande bouche 6c
Minerves ?
fort ouverte à fa figure 6c un nez
LE PRESIDENT. fort gros 6c fort large , donnant i
Je vay vous la conrer. Il y avoit tout es les autres parties des propor.
Cl vi
• L tv\â 'A itim ttiu rt , mwfi iitu mié,
154 ToraïelU des Anciens & des Modernes, i jj
nons convenables par rapport i fa qui la rapporte en la maniéré que
hauteur de la colonne. Çtaand les vous venez de la conter , m ontre
deux figures furent apportées dans bien qu'il étoit un ignorant en perC
la place, Alcamene eut mille louan­ pcclive avec ee nez large qu’il fait
ges ôc Phidias penfaeftre lapidé par donner à Minerve -, car un nez peut
les Athéniens pour avoir tait leur bien paroiftre plus court cftant vi}
D eeflc fi laide 5t fi épouventable * de bas en haut 5c dans un lieu fbrr
mais quand les figures furent ele. élevé , mais non pas en paroiftre
vées toutes deux fur leurs colonnes moins large.
©n ne connut plus rien à la figure LE PRESIDENT.
d ’A lcam ene, 5c celle de Phidias
parut d'une beauté incomparable , Pourquov ne voulez vous pas
ainfi le Peuple changea bien de lan­ qu’il diminué au (fi bien en largeur
gage , il ne pouvoir trop loüer Phi­ quen longueur.
dias y qui acquit dez ce jour- là une
réputation immortelle , 5c il n’y eut L ABS r .
point de railleries qu’on ne fit d’AL Je ne le veux pas, par des raifons
cam ene, qui fut regardé comme un qm feroient trop longues à d ire , 5c
homme qui fe meüoit d’un mener dont ceux qui comme vous fçavent
qu’il ne fijavoit pas. la pcrfpc&ive, n’ont pas beibin. J e
croy donc bien que Phidias qui étoit
V A B B E*. fort habile ne fe donna pas la peine
Il peut y avoir oucîque chofè de d’achever 5c de polir (à figure, par.
vray dans cette hiitoire, mais il elt ce que la grande diftancc n’adoucit
invpofiible que toutes les circonftan- que trop "les objets , mais il n’en
ccs en fuient véritables. * Thetzcs changea point les proportions , il
*Zhrtiui l t b$jt. ly t.
s 56 F4fdielie des Anciens & des Modernes. 157
ne fit point la bouche de fà Miner, flores dont ils prétendent qu'il cft
ve plus grande ny plus ouverte que capable , mais je n’av jamais penfc
fl elle cuit dii eftre veuë de dix pas, qu’ils vo ulurent imiter ces exem­
6c il ne luy fit point le nez plus lar­ ples.
ge qu’une beile D celle le doic avoi^ L’ A B B E\
car maigre l'eloignement 6c la
bouche 6c le nez auroient paru Cela eft ainfi n’en doutez poinr,
avoir la proportion qu’il leur au- Girardon a fait la Minerve qui cfl
roit donnée. Ceux qui Jonc écrit fur le fronton du Château de ScauxT
cette hiitoire ont cru faire merveil­ ]e l'ay vue dans fon atteiier , 6c je
les d’exagerer la laideur de la Mi. l’ay vùë en p lace, elle ne m ’a point
nerve veuët de p rés, 6c la beauté de paru avoir la bouche plus ouverte
cetre Minerve veuë de loing , pour ny le nez plus large dans Partclier
faire valoir la grande habilite de que fur le fronton. Comme cette
Phidias. figure eft afîife, il devoir fuivant les
principes qu’on attribue tautlcmenc
1E CHEVALIER. aux Anciens , allonger le corps de
J ’ay oüy conter de fèmblables là figure de la ceinture en h au t,
hiltoires à des gens fort habiles en parce que les genoux en cachent
Architecture 6c en S culpture, mais une partie plus ou moins félon
je m'en fuis toujours défie , j’ay toà. qu'on /ap p ro ch e ou qu’on le recu­
jours crû qu'ils ne rapportaient le 5 mais il s'eft bien donné de gar­
toutes ces merveilles que pour mon­ de de rien changer aux proportions.
trer qu’ils avaient lu les bons Li- Il a pris un expédient tres-ingemeux
vr- , 6c pour faire honneur à leur 6c tres-fage. Au lieu de faire (à Mi­
A :r , en ccalanc les profonds my- nerve aüue à l'ordinaire, il l'a ce-
15S TaraitSe Ses Anciens & des Modernes. r
suc affife fore haute & i demi de. re tourne à fi grand honneur aux
bouc, de forte que de quelque en­ Anciens , puifque ces ornemens le
droit qu'on la regarde on la voit font comme introduits d'eux-mefi-
toujours prefque toute entière. Un mes 5c infenfiblement * que s’ils font
Sculpteur peut faire fa figure affile beaux, d'autres l'auroienc été éga­
en la maniéré qu'il luy p la id , mais lement , s'ils avoienc eu le bonheiuf
non pas la rendre mondreufe 5c dif­ dredre choifis 5c employez dans des
forme par des réglés d'optique mal Ouvrages magnifiques,ôcfile Temps
entendues. Q u o iq u ’il en toit , je les avoir conlacrez. Il ne fu it pas
fuis perfuade que les Anciens n ’ont non plus tenir beaucoup de compte
jamais penfc à la moitié des finet- à un A rchirede de ce qu’il obfêrve
fes qu'on leur attribue , & que le bien les proportions que les Anciens
hazard a fait plus des trois quarts nous ontlai{Tées,pui{qu’il n'y a point
des beaucez qu’on s’imagine voir de proportions fi bizarres, qu’on
dans leurs Ouvrages y ce n'a ede n'en trouve des exemples dans d'ex-
pour l’ordinaire que la fantaifie ou ceilens Auteurs : D'ailleursr les cinq
la négligence de l'Architecte qui ont ordres d'A rchitedure bien mefurez
caufé du changement dans les pro­ 5c bien defignez (ont dans les mains
portions. Cependant ceux qui (ont de tout le monde, 5c il eft moins diffi­
venus long-temps depuis, ont trou­ cile de les prendre dans les Livres où
ve du mydere à ces changemens, ils ils font gravez , que les mots d'une
en ont marqué foigneufement tou­ langue dans un D idionaire. Mais
tes les différences , 5c les ont fait le véritable mérité d'un Architede
apprendre par cœur à leurs difei- cft de lçavoir faire en obfcrvant les
ples. Il ne faut donc point que l’in­ ordres d'A rchitedure,des batimens
vention des ornemens d’Architc&u. qui fuient tout enfemblc, folides >
i6o Taraidie des Anciens & des Modernes. i 6 î
commodes 6c magnifiques. C ’eft de L'ABBE*
fçavoir donner à la magnificence ce C 'eft la même chofe y mais par­
qu’elle demande, fans que la foiidi. ce qu’il ne nous refte aucun bâti­
té d'une parc 5c la commodité de ment antique qui ait fervi d'habita­
l'autre en fouffrent le moins du tion à quelque P rince, ou du moins
monde ycar ces trois chofes fe com­ qui foit a fiez entier pour juger de
battent prefque toujours. C’eft de l’habileté des Architectes dans la di-
Ravoir rendre les dehors aufii régu­ ftribution des appartenons, nous ne
liers ôc aufll agréables que fi l’on pouvons pas en faire la comparai-
n ’avoic eu aucun égard à la diftri- lbn avec nos bâtimens modernes.
bution 5c à la commodité des de­ Cependant à voir le rafinement où
dans , 6c que les dedans foient aufii on a porté cette partie de l'A rchi.
commodes 5c aufii bien diftribués tedure depuis le commencement
que fi l'on n'avoit pas fongé à la de ce fiecle , 5c particulièrement
régularité des faces extérieures. depuis vingt ou trente an s, on peut
LB C H E V A L I E R . juger combien nous l'emportons de
ce cofté-là fur les Anciens. Il y en a
C'eft donc comme dans la Poê- qui prétendent qu'Augufte même
fie où les rimes 5c la mefure des n’avoit pas de vitres aux feneftres
Vers doivent être gardées, comme de fon Palais.
fi le fens 5c la raifon ne contrai. IE PRESIDENT.
gnoienc en rien , & où il faut que Voila une belle choie à remar­
les choies qu’on dit foient aufii Cen- quer • c’eft comme qui diroit qu'Au­
fées 5c aufii naturelles que s'il n'y gufte n'avoit pas de chemife. Ce font
4voic ny rime ny mefure à obièrver. de petites commoditez donc ils man-
quoient à la v érité, mais qui ne font
îét Partielle des Anciens & des Modernes. i<>$
tien ny à la magnificence ny à la eftre pas dans le portique de ce
beauté d’un fiecie. Temple deux colonnes d’une m e£
LE C H E V A L I E R .
me grofleur.
C etoient là de phifans Héros LE PRESIDENT.
De n avoirpas, mefme au mois de De* Il eft vray que celles des enco-
eembre, gneures font plus grollès que les au­
De vitres dans leur chambre, tres , mais cela eft conforme aux
Ny de chemifefur leur dos. bonnes réglés de i’Arckicc&ure.
LE PRESIDENT.
L’ A B B E ’.
Vous vous réjoüiflez, mais cela
ne fait rien à nôtre queftion. Celle qui eft à droit en e n tra n t,
eft comme vous le dites plus grolTe
L’ A B B E ’- que les autres , mais celle qui cftlx
L e manque de ces petites com- gauche 8c qui iuy fait fym m etrie Y
moditez donne à juger qu’il leur non feulement ne luy eft point pa­
en manquoit beaucoup d’autres; reille , mais eft plus petite que celle
mais revenons à la partie principa­ qui eft enfuice du même côté.
le de i'A rchircdure qui eft la déco*
LE PR ES I DENT.
ration des faces extérieures , je pre-
tens que nous Remportons fur eux Ignorez-vous que ces deux co­
de ce côtéJà. Il ne faut qu’exami­ lonnes ont été changées de place>
ner le P anthéon, le plus magnifique
L’ A B B E\
& le plus régulier des anciens bati-
mens , 8c regardé comme tel par Je l’ay lu dans la nouvelle deferi-
tous les A rciutcdcs, il n ’y a peut» ption qu’on nous a donnée des an-
1^4 Vardette des Anciens dr des Modernes. 1
ciens bâtimens de Rome , * mais je ans avant le Pontificat du Pape Ur­
n e l’ay jamais compris. O n y lit que bain ne marquenc point qu’il man­
ces deux colonnes ayant été tranf. quait deux colonnes à ce P ortique,
portées dans un autre e n d r o it, le 8c c’eft une circonftance trop mé­
Pape Urbain V III. ordonna qu’on morable pour avoir ellé oubliée par
les rem it, & leur fit faire à chacune de tels Architectes. L ’hiftoire du
un chapiteau neufj que TArchice&e tranfporc de ces deux colonnes
les changea de place , ou par inad­ qu’on a imaginée à l'occafion des
vertance ou par ignorance , 8c mit deux chapiteaux neufs, n’a efté in­
la moins grolTe dans Pencogneure, ventée que pour ne pas tomber
& la plus groiîe enfuire, tour à re ­ dans l’inconvenient d’avoüer que
bours de ce qu’il falloir faire. Ileft les Anciens ont fait des fautes.Quoy
vray que le Pape Urbain a donné qu’il en foit , je vous accorde le
des Chapiteaux neufs à ces deux miracle d’un gros entablement d’en-
colonnes en la place de ceux que le cogneure qui fe fouftint en l’air pen­
temps avoir ruinez, mais je ne croy dant plufieurs années , car il faut
rien de tout le relie : quelle apparen­ làuver l’honneur des Anciens à quel­
ce qu’on ait ôté deux colonnes d’un que prix que ce foie -, mais vous
Portique 8c particulièrement dans trouverez que les autres colonnes
une cncognure , 8c qu’on ait pu en de ce portique font prefque toutes
venir à bouc fans que la partie de d’une grolïeur inégale. Les ban­
l’Edifice portée par ces colonnes deaux de la voûte du Temple ne
ne foie tombée. Palladio 8c Serlio tom bent point à plomb lur les co­
qui nous ont donné la defeription lonnes du grand ordre ny fur les pi-
de ce Temple plus de quatre-vingts iaftres de l’a tri que, 8c pofent la pluC
* Defcodtti âJtnt U àefcnftivn du p/tntbt**} part iur le vuide des efpeces de fe-
îé£ Paralelle des Anciens & des Modernes.
neftres qui font au deifous, ou moitié I. E P R E S I D E N T .
fur le vuuie 2c moitié fur le plein.Cet
ordre attique a un foubaiiement 6c C e (ont bagatelles que vous re­
un couronnement d’une grandeur marquez là. 1) foudroie mieux ob-
exorbitante, 6c eft coupé mal à pro­ ferver que l'Archice&e judicieux 2c
pos par deux grandes arcades dont fçavant dans les Mathématiques, a
les bandeaux iouftiennent le mieux eu foin de donner à i'épaiflèur des
qu'ils peuvent les reftes inégaux de murs de ce Tem ple la feptiéme par-
.ces pilaftres cruellement eitropiez, ne de fon diamètre.
Les naiflances de l'une de ces deux 1’ A B b E’.
Arcades au lieu de tom ber à plomb
fur la grande corniche qui leur fert Vous vous mocquez , cela fait-il
d'im pofte, font courbées, fiiivant quelque chofe à la beauté de ce
le trait du compas qui a forme Temple ? cette proportion ne peut
l'A rcade, 6c viennent pofèr à faux regarder que la (olidité qui auroit
fur la faillie de la grande corniche. efté encore plus grande Ci l'Archi­
Les modillons de cerre corniche ne tecte luy euft donné quelque chou
font point à plomb furie milieu des fe de plus que la feprié»ne partie, 5c
chapiteaux des colonnes -, 6 c dans le qui auroit fuffi s'il leur euft donné
fronton du Portique il y a un modil- quelque chofe de mom<. Mais i
lon de plus à un cofté qu'à l'autre j propos d'épai fleur , avez vous re­
car on en compte vingt-trois au cô­ marqué l'épaiflear horrible que les
té droit, èc vingt-quatre au cofté Anciens donnoienc à leurs planchers
gauche ; je ne croy pas qu'il y ait qui eteit le double de celle des murs,
exemple d'une pareille négligence. au Het: que nos planchers n’en ont
ordinairement que la moitié -} ainù
16S Tâtaielle des Anciens & des Modernes.
leurs planchers eftoient quatre fois- L’ A B B B*.
plus épais que les noftres 5 c’eftoit
un fardeau épouventable dont on C ela eft vray, mais comme une
ne voit point la neceflîté. Ils avoienc pierre un peu trop longue 8c qui a
encore une tresm auvaife maniéré trop de portée , fe caderoit infail­
de conftrudion qui eftoit de pofer liblement , ils eftoient obligez de
les pierres en forme de lofànge ou m ettre les colonnes fi proches les
de refeau * * car chaque pierre unes des autres, que les Dames e£
ainfi placée eftoit comme un coin toient contraintes de fe quitter la
qui tendoit à écarter les deux pier­ main , comme le remarque Vicru-
res fur lefqueiles elle eftoit pofée. Je ve , lorfqu’clles vouloient entrer
ne dois pas obm ettreicy qu'ils igno- fous les portiques qui entouroient
roient ce qu'il y a de plus fin 8c de les Temples.
plus artifte dans 1*Architecture , je LE P R E S I D E N T .
veux dire le T rait ou la Coupe des
pierres } de là vient que prefque L ’architrave qui portoit fur les
toutes leurs voûtes étoient de bri­ colonnes de la porte du Tem ple
que recouverte de ftuc , 8c que leurs d’Ephefe , avoir pourtant plus de
architraves n’eftoient ordinairement quinze pieds. Il cft vray que 1*Ar­
que de bois ou d’une feule pierre. chitecte effrayé par la grandeur
8c p ar la pefenteur de cette pierre,
LE P RES l D HNT. dcfefperoit de pouvoir l’élever , 8e
Ces architraves n’en eftoient que Pline ajoute que s’eftanc endormi
plus belles d’eftre d’une feule pierre. après avoir faic fa priere à D ian e,
il trouva à Ion réveil l'architrave
* Rttic*l*tum, Vilr. pofee en place : Ce qui fait voir,
L*A b B£*«
iyo tarâletle desAnciens & des Modernes. 171
qu'on regardoit comme une chofe les intervales, maniéré d’arranger
miraculeufc Padrefle qu’il avoir eue des colonnes qui donne beaucoup
de l’élever 2c de la pofer. de grâce 2c beaucoup de force à un
édifice. Il n’y a peut-eftre rien de
L’ A B B E\
plus ingénieux dans tous les A r a ,
Si cet Architecte avoir fçu la cou­ ny où les Mathématiques ayent plus
pe des pierres, il n’auroit pas efté travaillé que le trait 2c la coupe
em b ara J e , il auroir fait ion archi­ des pierres. D e là font venues ces
trave de plufieurs pièces taillées fé­ trompes étonnantes où on voit un
lon le trait qu’il leur faut donner, édifice fe porter de luy-mefme par
2c elle auroit efté beaucoup plus fo­ la force de fa figure 2c par la taille
nde. Mais qu'aurait fait cet Archi. des pierres dont il eft conftruit $Ces
te d e de Diane s’il avoir eu à éle­ voûtes furbaifTées 2c prefque toutes
ver deux pierres comme celles du plates, ces rampes d’efcallier, qui
fronton du Louvre de cinquante- fans aucuns pilliers qui les fbùtien-
quatre pieds de long chacune, fur rfent, tournent en l'air le long des
huit pieds de largueur , & de quinze murs qui les enferm ent, 2c vont fe
pouces d’épaifleur feulement, ce qui rendre à des pallicrs également fuC.
tes rendoit tres-aifees à fe cafter, pendus, fans autre appuy que celuy
ny luy ny fe Dcefte n’en feroient des murs 2c de la coupe ingenieufe
jamais venus à bout. L’impofïU>ilité de leurs pierres.Voila où paroift Pin-
de faire de larges entrecolonne- duftrie d’un Archicc&e, qui fçait fe
m ens, parce qu’ils ne faifoient l'ar­ fervir de la pefenteur de la pierre
chitrave que d’une feule piece, les contr’eile-mefme, 2c la f.iire foute-
a aufti empefehé d’accoupler les nir en Pair par le mcfme poids qui
colonnes 2c d’élargir par ce moyen la fait tomber. Voila ce que n ’onc
H ij
J71» TsraUde des Anciens dr des Modemes. 173
jamais connu les Anciens, qui bien roient eftre d’aucun ufage , ou que
loin de Ravoir faire tenir les pierres d'un ufage rres-peu commode.
ainfi fufpenHuës , n’onr f<ju inven­ LE PRESIDENT.
ter aucune bonne machine pour les Tout cela eft le plus beau du
élever. Si les pierres étoient peti­ monde , mais où nous m ontrerez,
tes ils les portaient fur leurs épaules vous des bacimens modernes qui
au haut de l’edifice • Il elles étoient puiflent eftre comparez au Pan­
d’une grofleur confiderable , ils les théon dont vous parlez fi m a l, au
rouloient fur la pente des terres Collifée , au Theatre de M arccilus,
qu’ils apportoicnc contre leur baf- à l’A rc de Conftantin* St à une in .
timent à rrtefure qu’il s’élevoic, Sç mté d’autres fêmblables édifices.
qu’ils remportoient enfuite à mefu-
re qu’ils en failoient le ravalement, v ABBE* .
Çela ctoit à la vente bien naturel Il y a deux chcfes à confiderer
mais peu ingénieux , St n’appro- dans un bâtiment , la grandeur de
choit gucres des machines qu’on a la m a lle, Scia beauté de là ftru<ftu-
inventées dans ces derniers temps * re j la grandeur de la malle peut
qui n’élevenc pas feulement les pier­ faire honneur aux Princes ou aux
res à la hauteur que Ton dciire, Peuples qui en ont fait la dc-
mais qui les vont pofer precifement penîc. Mais il n’y a que la beauté
à l’endroit qui leur eft deftinc. Il du deilein St la propreté de l’exe­
eft vray qu’ils avoient quelques ma­ cution dont il faille véritablement
chines pour élever des pierres, qui tenir compte à l’A rchitecIc, autre­
font décrites dans Vitruvc ; mais ment il foudroie cftimer davantage
ceux qui fe connoillënt en machi- ccluy qui a donné le dciîèin de la
pçs conviennent qu’elles ne fçaq- moindre des Pyramides d’Egypte,
174 ToralelU des Anciens & des Modernes. 175
qui ne confifte qu’en un flmple je foùtiens que dans la feule face du
triangle que tous les Architeâes devant du Louvre , il y a plus de
Grecs 5c Romains , puifque certc beauté d’architecture qu’en pas un
Pyramide a plus confommé de pier­ des édifices des Anciens. Q uand
res 5c plus occupé d’ouvriers que le on prefenra le dellèin de cette fa­
Panthéon nyie Collifée.Pour mieux çade , il plut extrêmement. Ces
concevoir ce que je dis, fuppofons Portiques majedueux dont les co­
qu’un Prince veille faire baftir une lonnes portent des architraves de
Gailerie de cinq ou fix cens toiles de douze pieds de long, 5c des plafonds
longueur, nVd.il pas vray que lorf- quarrez d’une pareille largeur , fure­
quel* Architecte, après en avoir bien prirent les yeux les plus accoutu­
imaginé 5c bien digéré le deflein, en mez aux belles choies, mais on crut
aura élevé 5c achevé quinze ou vingt que l’execution en étoit împoflible,
toifès, il fera auffi loiiable entant 5c que ce Dedèin cftoit plus propre
qu’Archite&e que s’il l’a voit con­ pour eftre peint dans un tab leau ,
fiante toute entière ? 11 ne faut donc parce que c’efloit encore feulement
point appuyer fur la grandeur ny en peinture qu’on en avoir vu de
fur l’étendue des baftimens, quoy- femblablcs , que pour fervir de
que peut-eftre y trouverions-nous modelé au frontifpice d’un palais
noftre compte j car où voit-on chez véritable. Cependant il a cfte exé­
les Anciens un Palais de deux cens cuté entièrem ent, 5c il æ maintient
toifes de face comme eduy où nous fans qu’une feule pierre de ce lar­
fommes i Mais encore une fois la' ge plafond tout plat 5c fufpcndu en
maflè 2c l’étendue des édifices ne l’air fe foit démentie le moins du
roulent point fur l’Architecte. Ce­ monde. Tourc cctrc façade a clfé
la ne pouvant recevoir de difficulté, d ’ailleurs conftruice avec une pro-
H mi
I jG VATM i t des Anciens & des Modernes. 177
prêté 2c nne magnificence fans éga­ fc peut faire que nous les furpaflîons
les. Ce font toutes pierres d’une du coflé de la Sculpture ? Cer arti­
grandeur demefurée, dont les joinss cle ne fera pas moins curieux à en­
lont prelque imperceptibles , ôc tendre , 5c fera peut-eflre plus diffi­
tout ie derrière des portiques a elle cile à prouver.
appareillé avec un tel loin r qu’on L' ABBE* .
ne voit aucun joint montant dans
toute retendue de cette façade ; Nous avons, je l’avoue , desfîgu.
O n a eu la précaution de les faire res antiques d’une beauté incom­
rencontrer contre les coitez des parable 2c qui font grand honneur
piiaftrcs Sc contre les bandeaux des aux Anciens.
niches qui les cachent par leur fail­ LE chevalier .
lie , en forte que chaque affife fem-
ble eftre toute d’une piece d’un Je vous confeille, vous le defFen-
bout à l’autre de chaque Portique j feur de l'Antique , de vous retran­
beauté de conftrudion qui ne fe cher derrière ces figures. M ettez
trouvera point dans aucun bafli- autour de vous l’Hcrculc , l’Apol­
m ent ny des Anciens ny des Mo- lon, la Diane , le Gladiateur , les
dernes. Lutteurs, le Bacchus, le Laocoon 2c
deux ou trois encore de la mefmè
LE PRESIDENT. force, après cela laiflèz-le faire-
Ainfi nous voila, félon vous, au t ’ABB E\
dcfTus des Anciens du cofté de l’Ar-
chicedure, je ne l’aurois jamais cru L ’avis cft b o n , mais il ne faut pas
2c ne ie croy pas encore ; mais y en appeler d’autres $ car par exem­
voyons je vous fupplie comment il ple , fi vous y mettiez la Flore donc
H Y
i-]% Pdrôlefis des Anciens & des Modernes. i 79
la piufpart des Curieux font tan t de que les vétemens de ces fortes de
c a s , il feroit aifc de vous forcer de D ivinitez font de la mefinc nature
ce coftc-lâ. que le plumage des oifeaux aquati­
ques , qui demeurent dans l’eau
LE P R E S I D E N T . fans fe mouiller. Le Sculpteur n’y
Pourquoy > la Flore efl un des a pas fait atfeurément de reflexion,
plus beaux ouvrages de Sculpture il a mouillé la draperie de fon mo­
que nous ayons. dèle pour luy faire garder les plis
qu'il avoir arrangez avec foin, 2c
L' A b -b s*. en fuite il les a defignez fidèlement.
C ’eft une figure vécue, ainfi il en Rien n’étonne davantage que de
faut regarder la Drapperie comme voir un morceau d’étoffe , qui au
une partie principale. Cependant lieu de pendre à plomb lélon l’in­
cette D raperie n ’eft pas agréable, clination naturelle de tous les corps
& il iemble que la Deeflefoic vê­ pefans, fe tient collée le long d’une
tue d’un drap moüillé. jambe pliée 2c retirée en defTous. La
mefme choie fe voit encore à l’en­
Il PRESIDENT.
droit du fein où la drapperie fuie
Auffi. eft-elle, 8c le Sculpteur l*a exactement la rondeur des mam-
voulu ainfi , pour faire mieux pa* melles. Il y a d’autres maniérés
xoiftrc le nud de fa figure. plus ingenieufes que celles-là pour
marquer le nud des figures, 2c faire
l ’ A B B E*.
voir leurs jufles proportions.
Si c’eftoit une Nymphe des ea?%
LE P R E S I DEN T.
à la bonne h eu re, encore cela fe-
roir-il bizarre^ car il faut fuppofer Ji fe p e u r faire que les Anciens
H v,
iSo VdtdeSe des Anciens & de/Modernes. i£r
n'ont pas efté quelquefois fotz étouffée 8l comme captive fous la
exa&s dans leurs drapperies. C'eft maffe 8c l'immobilité de fa matière»
une choie qu’ils ont négligée 8c L a plupart des Anciens n’y trouu
qu'ils ont mcfme affe&é de négli­ voient point d’autre fineflè que de
ger pour donner par la plus de ferrer les drapperies contre le nud ,
beauté au nud de leurs figures. & de faire un grand nombre de pe­
tits plis les uns auprès des autre;.
L ' A B B E\
Aujourd'huy fans cet expédient on
Je fois perfuadé que les Anciens fait paroiftre la drapperie auffi min­
auifi bien que nous faifoienc de leur ce que l’on veut , en donnant peu
mieux en tout ce qu'ils entrepre- d'épaiffeur aux naiffances des plis 8c
n o ie n t, 8c où eft la finefie de faire aux endroits où ces mêmes plis font
mal une choie capitale comme l'eft interrompus.
la Drapperie dans une figure qui
1 E CHEVALIER.
eft veftuë > Il ne faut pas d'ailleurs
s’imaginer que de bien drapper foie A voir les petits plis de certaines
un talent peu confiderable dans un drapperies antiques ,elpacez égale­
Sculpteur, le beau choix des plis, m ent , 8c tirez en lignes paraleiles ,
la grande 8c noble maniéré de les il femble qu'on les ait fait avec un
jetter font des fecrets qui ont leur peigne ou avec un rateau.
m érité, & peut-eftre n'eft-il rien de
LE P R E S I D E N T .
>his difficile que de donner de la
1egeretc i des vetemens. C ar fi les Ces fortes de plis fc tronvent dans
pi * ne font bien naturels 8c ne mar­ quelques figures de Dames Ro­
quant adroitement le pea d’épaifo maines ou de V eftales, dont les Ro­
feur de i’etoÆL* , la figure fcmble bes croient ainfi piilTces avec des
lSx Tmlelle des Anciens & des Màdernes. \8$
eaux gommées , de forte que lés p erfèd io n , ou s'ils ne viennent point
Sculpteurs ne pou voient pas les re- en partie de cette inclination natu­
prefenter d’une autre maniéré que relle que nous avons tous à ellimer
celle que vous leur reprochez. dem efurém ent, les chofcs qu’une
longue fuite de temps a comme con-
L’ ABBE.
facrées 5c mifes au defius du juge­
A la bonne heure, fi cela efl ain- m ent des hommes. C ar quoy que
fi , mais je crains bien que ce ne foie je fois toujours en garde contre ces
là une érudition fuppoiée pour leur fortes de préventions , elles font fi
fèrvir d’exeufe. Quoy qu’il en foir, fortes 5c elles agi fient fur noftre ef-
les Anciens n'ont pas excelle de ce prit d’une maniéré fi ca ch é e, que
collé-là, & il en faut demeurer d’ac­ je ne fçay fi je m’en defFends bien.
cord comme il faut convenir qu’ils Mais je fuis tres-bien perfuadéquefi
étoient admirables pour le nud des jamais deux mille ans pafient fur le
figures. Car j’avoüe que dan s l’A­ grouppe d’Apollon , qui a été fait
pollon, la D ian e, la Venus, l’H er­ pour la grotte du Palais où nous
cule , le Laocoon & quelques autres fouîmes , 5c fur quelques autres ou­
encore , il me fcmble voir quelque vrages à peu prés de la mefme force,
chofe d’augufte ôc de divin, que je ils leront regardez avec la mefme
ne trouve pas dans nos figures mo­ vénération , 5cpeut-cflre plusgran-
dernes , mais je diray en melme de encore.
temps que j’ay de la peine à démef-
LE C HE V A L I ER.
1er (i les mouvemens d’admiration
& de rcfpcd qui me faififiènt en les Sans attendre deux mille a n s, il
yoyant , naiilènt uniquement de fèroit aife de s’en éclaircir dans peu
l'çxcçi de leur beautc & de leur de jou rs, on fçait faire de certaines
1&4 Paralelie desAnciens & des Modernes. i Î5
eaux ronfles qui donnent fl bien au LE CHEVALIER.
m arbre ia couleur des antiques,
qui! n’y a perfonne qui n'y foie P our moy je n’y voy pas de di£.
trom pé j ce feroit un piaifîr d’en­ ference, fl ce rieft que les faux An­
tendre les exclamations des Cu­ tiques me plaifent davantage que
rieux qui ne fljauroient pas la trom ­ les véritables qui la plupart ont l’air
perie , 2c de voir de combien de pi­ mélancolique , 2c font de certaines
ques iis les m ettroient au defliis de grimaces o ù j’ay de la peine à ra ’ac.
tous les Ouvrages de noftre flecle- co ûtumer.
L’ A B BEV L’ A B B E\

Nous fçavons le Commerce qui Si le titre d’A ncien, eft d’un grand
s’eft fait de ces fortes dTAntiques, 2c poids 2c d’un grand mérité pour un
qu’un galand homme que nous con- ouvrage de Sculpture , la circonfl
nouions tous,en a peuplé tous les ca­ tance d’eftre dans un Pais éloigne,
binets des Curieux novices. Un jour 2c qu’il en coûte pour le voir un
que jr me promenois dans fon jardin, voyage de trois ou quatre cens
on m’afleura que je marchois fur lieues, ne contribue pas moins à luy
une infini té de Buftes enfouis dans donner du prix 2c de la réputation.
terre qui achevoient li de fe faire Q uand il failoit aller à Rome pour
Antiques en beuvant du jus de fu­ voir le M arc A urele, rien n’eftoit
mier. J*ay vu pluiieurs de ces Bulles, égal à cette fameufe figure equeC
je vous jure qu’il eft difficile de n'y t r e , 2c on ne pouvoir trop envier
d ir e pas trom pe le bonheur de ceux qui l’avoient
veuë. Aujourd’huy que nous l’a­
vons à P a ris , il n’eft pas croyable
t %6 TsràleJU des Anciens & des Modernes. 187
combien on la négligé, quoyqu'elle LE PRESIDENT.
foie moulée tres-exadem ent, 8c que
dans une des Cours du Palais Royal Plufieurs croyent que l’original
où on l’a placée elle aie la mefme s’eft ainfi élargi par le ventre pour
•beauté 8c la mefme grâce que 1*0- avoir eflé accablé fous la ruine d'un
riginai. C ette figure eft affiirémcnt baiHmenc.
belle, il y a de l’adion , il y a de la L’ ABBE’ .
v ie, mais toutes chofes y (ont ou­
tres. Le Cheval leve la jambe de Com ment cela p e u t-il avoir
devant beaucoup plus haut qu'il eflé penfé ? Et qui ne fçait que de
ne le peut , il fe ramené de telle la bronze fondue fe caiîèroit cent
forte , qu’il femble avoir l'enco- fois plutofl que de plier.
ieure demifc 8c la corne de les LE P R ES I DENT.
pieds excede en longueur celle de
tous les Mulets d'Auvergne. Vous ne fongez pas qu'on tient
que cette figure cqueflrc eft de
LE C H E V A L I E R . cuivre corinthien, que l’or 8c l’ar­
La première fois que je vis cette gent qui y font mcllez comme vous
figure, je crus que l'Empereur M arc fijavez, rendent doux 8c pliable..
Aureie montoit une Jum ent pouli­ VA BBS*.
nière , tant fon Cheval a les flancs
larges 8c enflez , ce qui oblige ce Bien loin que ce mélange préten­
bon Empereur à avoir les jambes du d’or 8c d'argent puft rendre du
horriblement équarquillées. cuivre plus pliable, il ne fèrviroit
qu'à le rendre encore plus fier 8c plus
inflexible 3 c'eft l'effet neceffaire du
i$8 Paralelie des Anciens & des Modernes. 18 9
mélange dans tous les métaux , mais dans une attitude agréable , 8c le
il n*y a rien qu’on ne cherche pour copier enfuite fidcllemenc. Il n ’dfc
excufer les Anciens , ny rien de fi point necellaire que le Temps aie
incroyable qu’on n aime mieux croi­ donné lieu à plufieurs 8c diverfes ré­
re que de s’imaginer qu’ils ayent flexions , 8c qu’il le ioit fait un amas
fait la moindre faute. de préceptes pour fe conduire. Il
a kiifi que des hommes foient nez
LE P R E S I DE NT . avec du genie, 8c qu’ils ayent cra-
Ce n’eft pas fans raifon qu'on a vaille avec application. U efl enco­
pour eux une vénération extraor­ re à remarquer qu’il y avoit des ré-
dinaire. Vous avoüe7 v ous-m ê­ compenfes extraordinaires atta­
mes qu’il cft fôrti de lcursmains un chées à la reüflite de ces fortes d’ou­
certain nombre de figures qui font vrages , qu’il y alloit de donner des
incomparables. Dieux à des Nations entières & aux
Princes mefmes de ces Nations ^ 8c
L’ A B B E*. enfin que quand le Sculpteur avoic
reüfïî , il n’eftoit gueres moins f a
J ’en demeure d’ac co rd , & cela
ne m’étonne point. La Sculpture noré que le Dieu qui fortoic de fes
mains. Les Anciens ont don^ p £
eft à la vérité un des plus beaux
exceller dans les figures de ronde
Arts qui occupent l’efprit 8c l’induf-
boITe , & n’avoir pas eu le mtfme
trie des hommes 5 mais on peut di­
avantage dans les ouvrages de^ au.
re aufîî que c’efl le plus fîmple & le
très Arcs beaucoup plus compo,
plus borné de tous , particulière­
fez 8c qui demandent un plus
ment lorfqu’il ne s’agit que de fi­
grand nombre de reflexions 8c d*,
gures de ronde bofle. Il rl’y a qu’à
préceptes. Cela eft fi vray , que
choifir un beau modèle, le pofer
190 Tiraielie des Anciens & des 'Modernes. 191
dans les parties de la Sculpture A rts , n’auroit pas envoyé à Rome
mefine où il entre plus de raifonne. mouler cette colonne & n’en auroit
ment & de reflexion , comme dans pas fait apporter en France tous les
les bas-reliefs ils y ont efté beau, moules , & tous les bas reliefs mou­
coup plus foibles. Ils ignoroient lez ch* ~un deux fois , ce qui n’a pd
june infinité de fecrets de cette par­ fe faire fans une dépenle confide
tie de la Sculpture dans le temps rabie.
mefme qu’ils ont fait la colonne L ' A B B E*.
Trajane où il n’y a aucune perfpec-
tive ny aucune dégradation. Dans Il paroift à la vérité que Mon.
cette colonne les figures font pref- fieur Colbert a donné en cela une
que toutes fur la mefme ligne 3s’il y grande marque de fon ellime pour
en a quelques-unes fur le derrière, la Sculpture dés Anciens 3 mais qui
elles lontaufïï grandes Ôcaufîî mar­ peut aflèurer que la politique n’y
quées que celles qui font fur le de­ euft pas quelque part. Penfez-vous
vant j en forte qu’elles fèmblent que de voir dans une place où fe
elfoe montées fur des Gradins pour prom ènent fans ceflè des étrangers
fe foire voir les unes au deflus des de routes les Nations du m onde,
aütra*. une conftruction immenfe d*écha£
fauts les uns fur les autres autour d*u.
LE P R E S I D E N T . ne colonne de fix vingts pieds de
Sii la colonne Trajane n’eftoic haut, & d’y voir fourmiller un nom .
pas un morceau d’une beauté fiiv. bre infini d’ouvriers, pendant que le
g u f e r e , Monficur Colbert dont je Prince qui les fait travailler eft i
v<»us ay oüy loüer plus d’une fois la tefte de cent mille hommes, ôc
\ e gouft exquis pour tous les beaux foumet à fès ioix toutes les Places
191 fâfdeüe des Ancien s & des M ode rnes. 195
qu’il attaque ou qu’il menace feu­ voyant fes Soldats prefque tout
lement. Penfez-vous, dis-je, que ce nuds, pendant que le Prince qu’il
fpedacle tout agréable qu’il éto it, avoir à combatre faifoit payer des
ne fût pas en mefine temps terrible Comédiens Efpagnols qu’il n’avoit
pour la plupart de ces étrangers, retenus que pour la fatisfadion de la
2c ne leur hft pas faire des refie*> Reyne , 2c à condition de ne leur
xions plus honorables cent fois à la voir jamais joüer la Comedie.
France , que la réputation de fe L’ A B B E‘.
bien connoiftre aux beaux ouvra*
ges de Sculpture. Je veux bien que le feul amour des
beaux Arts ayt fait mouler 2c venir
LE CHEVALI ER. icy la Colonne T rajan e, voyons-en
Il arriva dans le mefine temps, le fuccez. Lorfquc les bas. reliefs fu­
une chofe à peu prés de la mefine rent debalez 2c arrangez dans le
nature qui me fit bien du plaifir. Le Magafin du Palais R o y al, on cou­
C ourier qui portent le paquet de rut Tes voir avec impatience 3 mais
Monfieur Colbert pour lors en Flan* comme fi ces bas - reliefs euflène
dres auprès du Roy , fut arrêté par perdu la moitié de leur beauté, par
les Ennemis 5 entre plufieurs O r­ les chemins, on s’entreregardoit les
donnances pour les baftimens du uns les autres, furpris qu’ils répon-
R oy , qui montoicnc à de grandes dilïent fi peuàla haute opinionqu'on
lommes , il s*en trouva une pour en avoir conçue.On y remarqua à la
le payement du fécond quartier vérité de très-beaux airs de telle Sc
des gages des Comédiens Efpagnols. quelques attitudes allez heureufes,
Quelle mine faifoit, je vous p rie, le mais prefque point d'A rt dans la
G eneral de 1*Armée ennem ie, en compofition , nulle dégradation
voyant
i $4 Psralelie dts Anciens à 0des Modernes. 19j
dans les reliefs , Sc une profonde ricaft particulièrement d'd ire admi­
ignorance de la perfpeélive. Deux ré , il ne rencontra jamais heureufe-
ou crois Curieux pleins encore de ce ment. D ’abord ce fut fur une telle
qu’ils en avoienc oüy dire à R o m e, qui efloit beaucoup trop grollè , &
s'épanchoient en louanges immo­ il en demeura d’accord j enfuite fur
dérées fur l'excellence de ces Ou­ un Cheval qui clloit beaucoup trop
vrages, le refte de la Compagnie petit : Cependant il perlida tou­
s’eftorçoit d'eftre de leur avis 5 car il jours à fodtenir que le tout-enlém-
y a de l'honneur à d ire charme de bie en elloit admirable.
ce qui eft antique , mais ce fuc in­ v a a B E\
utilement & chacun s'en retourna
peu fâtisfair. Les bas-reliefs font de­ Si l’on examine bien la plulpart
meurez là où ils occupent beaucoup des bas-reliefs antiques, on trouvera
de place, où perfonne ne les va co­ que ce ne font point de vrais bas-
pier , 5c où peu de gens s’avifent de reliefs , mais des reliefs de ronde
les aller voir. boll'e, fciez en deux de haut en bas,
dont la principale moitié a eflc
LE C H E V A L I E R . appliquée 8c collée fur un fond
Je me fouviens qu’un de ces Cu­ tout uni. 11 ne faut que voir le bas-
rieux zelez pour l'Antique, voulant relief des danleulès , les figures en
faire valoir quelques-uns de ces bas- font afïèurément d'une beauté ex­
reliefs , pafloit 8c tournoie la main traordinaire , 8c rien n’ell plus no­
deflus en écartant les doigts, 5c di- ble, plus fevelte 8c plus galant que
fôit , voila qui a du g ra n d , voila l’a ir, la taille 8: la démarche de ces
qui a du beau ; on le pria d'arrefter jeunes filles qui danfentj mais ce
fa main lùr quelque endroit qui me- font des heures de ronde boflê.
PArdelle des Anciens dr desModernes. 197
faces en deux , comme je viens de luy a donné cette élégance merveik
d ire , ou enfoncées de la moitié de leufe que nous y admirons.
leur corps dans le champ qui les
LE PRESIDENT.
foûtienr. Par là on connoift claire­
ment que le Sculpteur qui les a fai­ Si la Sculpture moderne l’empor­
tes manquoit encore, quelque ex­ te fi fort fur la Sculpture antique
cellent qu'il fuft, de cette adrefTe par cet endroit que vous marquez,
que le temps & la méditation ont il faut que la Peinture d’aujeurd'huy
enfeignée depuis. & qui eft arrivée foit bien fuperieure à celle des An­
de nos jours à fa derniere perfec­ ciens , puilqu'enfin c’eft d’elle que
tion 5je veux dire cette adrefle par k Sculpture a appris tous cesfecrets
laquelle un Sculpteur avec deux ou de dégradation & de perfpe&ive.
trois pouces de relief, fait des figu­
I- A 8 fi E\
re s, qui non feulement paroi fient
éde ronde boflè & détachées de leur J'en demeure d’acco rd , & 1a con-
fonds , mais qui femblent s’en­ fequence en eü tres-jufte j mais pui£
foncer les unes plus , les autres qu’il s’agit prefentemenc delàPeiir-
moins dans le lointain du bas re­ ture , il faut commencer par la di-
lief. Je «rcmarqueray en paflanc ftinguer fuivant les divers temps où*
que ce qu'il y a de plus beau au elle a fleuri, & en faire trois claflèsr
bas relief des danfeufes , a efté fait Celle du temps d’À ppelle,de Zeuxis,
par un Sculpteur de noilrc temps * de T im ance, & de tous ces. grands
car lorfque le Pouflin l'apporta de Peintres dont les Livres rapportent
Rome en F rance, ce n’efeoit preC tant des merveilles * Celle du temps
.que qu’une ébauche affez informe, de R ap h aël, du T itie n , de Paul V e-
ce ç'a eftc l’aifné des Anguicts qui ronefe de pluûcurs autres ex -
if$ PsrdleSe des Anciens & des Modernes. 199
cellcns Maiftres d'Italie, & Celle du ia Sculpture n’eft point capable.
fiecle où nous vivons. Si nous vou­
L’ ABBE*.
lons fuivre l'opinion commune qui
réglé prcfque toàjours le mérité fé­ C ’eft par cette raifon là mefme
lon l'ancienneté , nous mettrons le que la confèquence que vous rirez
fiecle d'A pelle beaucoup au dcfTus n’eft pas recevable. Si la Peinture
de celuy de R a p h aë l^ celuy de Ra­ citait un A rt auifî fimpie & au IG
phaël beaucoup au defTus du noflre^ borne que 1’eft la Sculpture en fait
mais je ne fuis nullement d’accord d'ouvrages de ronde bofle , car
de cet arrangem ent, particulière­ c'eft en cela feul qu’elle a excellé
ment à l’egard de la preference parmi les A nciens, je me rendfois
qu’on donne au fiecle d'Apclle fur à voftre advis, mais la Peinture eft
celuy de Raphaël. un A rt fi vafte & d'une fi grande
LE P R E S I D E N T . étenduë , qui! n’a pas moins fallu
que la durée de tous les ficelés pour
Comment pouvez-vous ne pas en. découvrir tous les fccrets & tous
convenir d’un jugement fi univerfèl les myfteres. Pour vous convaincre
& Craifonnable, fur tout après eflre du peu de beauté des peintures anti­
demeuré d'accord de l’excellence ques , & de combien elles doivent
de la fculpture de Phidias & de P ra­ eftre miles au- deflbus de celles de
xitèle j car fi la fculpture de ces R aphaël, du Titien & de Paul Ve-
temps-là l’emporte fur celle de tous roncfè , ôc de ceiles qui fc font au-
les accles qui ont fuivi, à plus forte jourd'huy, je ne veux me fèrvir que
raifon la Peinture, fi nous confîde- des loüanges mefmes qu’on leur a
rons qu’elle eft lufceptibie de mille données. O n dit que Zeuxis repre-
beautez & de mille agrémens donc fenta G naïvement des rai fins que
2,00 VA T d tilt des Anciens (jr des Modernes, lo t
des Oifeauxles vinrent becqueter : retenir par Ion lico u , 8c làns deux
Quelle grande merveille y a-il à cé- forts garçons qui luy donnèrent cha­
la ? Une infinité d'oifeaux fe font cun quinze ou vingt coups de bâ­
tuez contre le Ciel de la perfpe&i- ton pour le faire retirer , il auroic
ve de R ü e l, en voulant pafïèr ou­ mangé le c h a r d o n je dis m ange,
tre fens qu’on en ait efté fùrpris, parce qu'eftant nouvellement fait r
& cela mefine n ’cft pas beaucoup il auroit emporté toute la peinture
entre dans la loüange de cette per£ avec fà langue.
pedive. V A B B E\
LS CHEVALIER. Ce chardon vaut bien les raifins
Il y a quelque temps que pafiant de Zeuxis dont Pline fait tan t de
fur le foiré des Religieufcs An- cas. Le mefine Pline raconte enco­
gloifcs, je vis une chofe auffi hono­ re que Parrhafius avoit contrefait
rable à la Peinture que l’H iftoire fi naïvement un rideau, que Z eu­
des rai fins de Zeuxis , 8c beaucoup xis mefine y fut trompé. D e lèm-
plus divertifiante. O n avoic mis fe- blabiés tromperies Ce font tous les.
cher dans la cour de M. le Brun , jours p ar des Ouvrages dont on ne
dont la porte eftoit o uverte, un ta­ fait aucune eftirne. Cent fois des-
bleau nouvellement p e in t, où il y Cuifiniers ont mis la main fur des
avoit fur le devant un grand char­ Perdrix & fur des Chappons naïve­
don parfaitement bien reprefêntc. ment reprefentez pour les mertre
Une bonne femme vint à palier avec à la broche j qu'en cft.il arrivé? on*
lbn afne qui ayant vit le chardon en a ri , & le tableau cft demeuré
entre brufquemcnr dans la cour, à la cuifine. Le mefine Autheur rap.
renvcrlè la femme qui ta choit de le porte comme une merveille de ce.
T v
10 2 ParaleEe des Anciens & des Mtdernes^ 103
qu’un Peintre de ces temps. Ii en ges fuppofent d’ignorance eu fait de
peignant un pigeon , en avoir rc. pcinrurc & en celuy qui les donne,
prefenté l’ombre fur le bord de l’au. & en ceux à qui elles font données ?
ge où il beuvoic. Cela m ontre feu­ Mais que dirotis-nous de ce coup
lement qu’on n’avoit point encore de Maiftrc au mcfmc Appelle qui
reprefemé l’ombre qu’un corps fait luy acquit le renom du plus grand
fur un autre quand il le cache à la Peintre de Ion ficelé , de cette
lumicre. 11 loüe un autre Peintre adrelle admirable avec laquelle i!
d ’avoir fait une Minerve dont les fendit un trait fort délié par un trait
yeux eftoient tournez vers tous plus délié encore.
ceux qui laregardoient. Qui ne fçnit
1H PRES I DENT.
que quand un Peinrrc fc tait regar­
der de la perfbnne qu'il p ein t, le Je voy que vous n'entendez pas
P ortrait tourne auffi les yeux fur quel fut le combat d’Appelle & de
tous ceux qui le regardent en quel­ Protogene.. Vous eftes dans l'er­
que endroit qu’ils (oient placez. Il reur du commun du monde , qui
dit qu’Appelle fit un H e rc u le , qui croie qu’Appclle ayant fait un trait
citant veu-par le dos ne laidbit pas fort délié fur une toile, pour foire
de montrer le vifâge -, l'étonnem ent connoiitre à Protogene que ce ne
avec lequel il dit qu’on regarda cec pouvoit pas eftre un autre Peintre
H e rc u le , eft une preuve que juf. qu*Appelle qui l’eftoit vcnudenun.
ques-Ülcs Peintres avoienc fait leurs der , Protogene avoit fait un trait
ligures tout d’une picce & /ans leur d’une autre couleur qui fondoit en
donner aucune attitude qui mar­ deux celuy d'A ppeile, fit qu'Ap­
quait du mouvement & de la vie. pelle étant revenu il avoit refondu
Q ui ne voit combien de telles ioüas» celuy de Protogene d’un trait cncou
104 Partielle des And ens & desModernes, to y
re beaucoup plus mince. Mais cc qu’on ne laifle pas de voir que la
n ’eil poinc là la vérité de l'Hiftoi. dcrnicre des trois clt la plus délica­
r e , le combat fut fur la nuance des te? Je ne m’étonne pas que cet Au-
couleurs , digne fujer de difpute 2c rheur ne fçache ce qu'il d i t , rieir
d ’émulation entre des peintres, 2c n'eft plus ordinaire à la plufpart des
non pas fur l'adrelie de tirer des lü Sçavans quand ils parlent des Arts;
gnes. Appelle prit un pinceau 2c mais ce qui m’éto n n e , c'eft la ma­
ht une nuance fi délicate , fi douce niéré dont il traite Pline fur la des­
2c il parfaite , qu’à peine pouvoit- cription qu’il nous a laiflee de ce
on voir le pillage d’une couleur à Tableau. Pline aflèure qu’il l'a
l'autre. Protogcnefitfur cettenuan. veu 2c mefme qu'il le regarda avec
c e , une autre nuance encore plus avidité peu de temps avant qu’il
fine 2c plus adoucie. Appelle vint périt dans l'enrbrafement du Palais
qui enchérit tellement lur Proto- rie l’Empereur. Il ajoute que ce ta­
gene par une troifiéme nuance qu'il bleau ne contenoit autre chofe
lit fur les deux autres, que Proto. dans toute ion étendue qui étoic
gene confetlà qu'il ne s’y pou voit forr g ran d e, que des lignes prefque
rien ajouter. imperceptibles j ce qui (èmoloic le
i ’ AB B E*.
devoir rendre peu confiderablepar­
mi les b aux tableaux dont il eiîo ir
Vous me permettrez de vous di­ environne , mais que cependant il
re que vous avez; pris ce galimatias attirort davantage la curiofité q u e
dans le Livre de Ludovicus Démons tous les autres Ouvrages des plus,
riofius. Comment pouvez-vous coi*, grands Peintres. Monriofius o ie
cevoir qu'on peigne des nuances de ioûtenir que Pline n*a jamais veu:
couleurs-les unes fur les autres, 2c aucunes lignes fur ce tableau 2c qu’il
10 6 Taulelle des Anciens & des Modernes. 107
n ’y en avoir poinc}que le bon hom­ nanc une feuille de papier en pre-
mes efl imaginé les voir, parce qu’il tencc de l’Envoyé du Pape , il fie
avoit oüy dire qu’il y en avoir, ou d'un feul trait de crayon ou de plu­
qu’il l'avoir bien voulu dire, pourne me , un O aulfi rond que s’il l’euft
pas s’attirer le reproche de ne voir fait avec le compas. C et O le fit
goutte. N 'eft-ce pas là une témérité preferer par le Pape à tous les au­
inlupportable mais afin que vous tres Peintres , & donna lieu à un
ne m’acculiez pas de maltraiter un Proverbe qui fe dit encore dans
homme qui peut-eftre a fait de gros toute l’Italie, ou quand on veut fai­
livres , je ne parle qu’apres M on­ re entendre qu'un homme eft fo rt
te u r de Saumaile qui en dit beau­ ftupide , on dit qu'il eft aulïi rond
coup davantage , qui paroift que l'O de Giotto. Mais il y a d é­
avoir elle plus bleiTé que moy de jà long-temps que ces fortes d*a-
cette infoience. Il eft donc vray dreiîes ne font plus d’aucun mérite
qu’il s’agi (Toit encre Protogcne & parmy les Peintres. Monûeur Me-
Appelle d'une adrelTe de m ain, & nage m'a dit avoir connu un Reli­
de voir à qui feroic un trait plus dé­ gieux qui non feulement faifoit d'un
lié. C ette forte d'adrede a long­ feul trait de plume un O parfaite­
temps tenu lieu d'un grand mérité ment rond , mais qui en mefme
parmi les Peintres. I /O de Giocro temps y m ettoit nn point juftemenr
en cft une preuve, le Pape Benoift dans le centre. Ce Religieux ne s’efk
IX . failoit chercher par tout d’ex- jamais avile de vouloir paflèr pour
cellcns Peintres, &fe faifoic appor­ P eintre, & s'eft contenté d'eftre
ter de leurs Ouvrages pour connoî- loîié de fon petit calent. Le Poufl
rre leur fuffifance. G 'otto ne voulut fin lorlque la main luy trembloie*
point donner de tableau y mais pre- & qu'à peine il pouvoit placer fox»
io8 Parah lie des Anciens & des Modernes. 209
pinceau 5c fa couleur où il vouloir f fecrets de la peifpechve 5c d e la ju -
a fait des tableaux d'une beauté dicieufe ordonnance d'une grande
indüm able , pendant que mille composition. Pour bien me faire
Peintres qui auroient fendu en dix entendre , il faut que je diftingue
le trait le plus délicat du Pouiîîn, trois choies dans la peinture. La
n'ont fait que des tableaux tres-me- reprefentation des figures , l’expref-
diocres. Ces fortes de proiieiTes fion des pallions, 5c la compofition
font des lignes évidens de l'enfance du tout enlémbie. Dans la repre-
de la peinture. Quelques années fentation des figures je comprens
avant Raphaël 5c le Titien , il s'effc nor. feulement la jufte délinéation
fait des tableaux, 5c nous les avons de leurs contours mais aufiî l'ap­
encore , dont la beauté principale plication des vraies couleurs qui
confifte dans cette finefie de linea- leur conviennent. Par l'exprelïï »n
m ens, on y conte tous les poils de des pallions, j'entens lesdifferens
la barbe 5c tous les cheveux de la caraderes des vifages 5c les diver-
telle de chaque figure. Les Chinois fes attitudes des figures qui mar­
quoyque tres-anciens dans les Arts quent ce qu'elles veulent faire, ce
en font encore là. Ils parviendront qu'elles p en lên t, en un mot ce qui
peut-eftre bien-rollà defigner cor­ le paffè dans le fond de leur amc.
rectement , à donner de belles atti­ Par la compofition du tout enfiem-
tudes à leurs figures, 5c mefme des b ie , j'entens l’affemblagc judicieux
exprdfions naïves de toutes les paf- de toutes ces figures , placées avec
üons , mais ce ne lera de long­ entence , 5c dégradées de couleur
temps qu'ils arriveront à l'intelli­ lèlon l'endroit du plan où elles font
gence parfaite du clair o b fcu r,d e pofées. Ce que je dis icy d'un ta­
La dégradation des lumières , des: bleau où il y a piufieurs figures, fe
xio Tarâleie des Anciens dr des Modernes, m
doit entendre autfi d’un tableau où vemenc ie trait 6c la couleur des ob­
il r*'v en a qu’une , parce que les jets , iàns defirer autre chofc, finon
differentes parties de cette figure que ceux qui verroient leurs O u ­
font entr’elies ce que piufieurs fi. vrages peullent dire, voila un H om ­
gures font les unes à l’egard des au­ me , voila un C heval, voila un A r­
tres. Comme ceux qui apprennent bre, encore bien fouvenc mettoient-
à peindre commencent par appren. ils un écriteau pour épargner la pei.
dre à defigner le contour des fi­ ne qu’on auroit eue à le deviner.
gures , ôc à le remplir de leurs cou­ Enfuite ils ont palTé à donner de
leurs naturelles 5 qu’enfuite ils s’etu. belles attitudes à leurs figures , 5c à
dient à donner de belles attitudes à les animer vivement de toutes les
leurs figures 6c à bien exprimer les pallions imaginables : E t voila les
pallions dont ils veulent qu’elles deux feules parties de la pein tu re,
parodient animées , mais que ce où nous fouîmes obligez de croire
n ’eft qu’aprés un long-temps qu’ils que foient parvenus les Appelles 6c
fçavent ce qu*on doit obfcrver pour les Zeuxis , fi nous en jugeons par
bien difpofer la compoficion d’un la vray-femblance du progrez que
tableau, pour bien diftribuerie clair leur A rt a pu faire , 6c parce que
o b fcu r, 6c pour bien mettre toutes les Auteurs nous rapportent de leurs
chofes dans les réglés de la perfpc- Ouvrages j fans qu’ils ayent jamais
cfcive j tant pour le trait que pour connu , fi ce n’eft tres-imparfaite­
l\iffoibli dénient des ombres & des ment , cette troifiéme partie de la
lumières. D e mefmc ceux qui les peinture qui regarde la compofi­
premiers dans le monde ont com­ cion d’un tableau ,Tuivant les réglés
mencé à peindre, ne fe (ont appli­ 6c les égards que je viens d’cxpli-
quer, d’abord qu’à reprefenter naï- quen
in fa rd d te des Anciens & des Modernes. 213
dont j’ay p arlé , qui touche , qui
1S PRESIDENT.
charme 6c qui enieve. Ce n’eft que
Comment cela peut-il s’accorder la jufte délinéation des objets revê­
avec les merveilles qu’on nous rx. tus de leurs vrayes couleurs , 6c fur
conte des ouvrages de ces grands tout l'expreflion vive 2c naturelle
hommes , pour lefqucls on donnoit des mouvemens de l’ame , qui font
des boifteaux pleins d’o r , 5c qu’on de fortes impreffîons fur ceux qui
ne croyoit pas encore payçr fuffi- les regardent. Car il faut remarquer
fàm m ent, ces tableaux qui fufpen- que comme la peinture a trois par­
doient la fureur des Ennemis, 6c ties qui la compofent , il y a auffi
moderoient l’avidité des Conque- trois parties dans l’homme par où
rans moins touchez du defîr de il en eft to u c h e, les fèns, le cœur
prendre les plus célébrés Villes, 6c la railon. La jufte délinéation
que de la crainte d’expofcr au feu des objets , accompagnée de leur
de û beaux Ouvrages. couleur , frappe agréablement les
yeux } la naïve exprefïïon des mou­
L'A BBS-’. vemens de l'amc va droit au cœ ur,
Tous ces effets merveilleux de 6c imprimant fur luy les radmes
kt peinture antique , n’cmpefchent pallions qu’il voit reprefcncces, luy
pai que je ne perfide dans ma donne un plaifir tres.fenfible. Et
proportion car ce n-’eft point la enfin l’entente qui paroift dans la
telle ordonnance d'un tableau , jufte diftribution des ombres 6c des
la jufte difpenfation des lumières, lumières dans la dégradation des fi­
la judicieufe dégradation des ob- gures félon leur plan 6c dans le bel
jçrs y ny tout ce qui compofe ccr- ordre d'une co npoiïtion judicieu-
te troifiéme partie de la peinture femenc ordonnée, plaift à la radon*
*r4 TaraUHe des Anciens & des Modernes, n j
6c luy fait reflencir une joyc moins necellaire de pofleder cette troifié-
vive à la vérité, mais plus fpirituel- me partie de la peinture, qui ne va
le 6c plus digne d’un homme. Il qu’à fatisfaire Iaraifon-, car bien loin
en elt de melme des Ouvrages de que cette partie lèrve à charmer le
tous les aurres A rts: D anslaM ufi- commun du m onde, elle y nuit fort
que le beau Ton 6c la juftelfe de la fou v e n t, 6c n’aboutit qu’à luy dé­
voix charment l’oreille , les mou- plaire. En effet, combien y a-il de
vemens gais ©u languiflans de cet­ perfonnes qui voudroient qu’on fift
te mefme voix félon les différentes les perlonnages éloignez auffi forts
paflions qu’ils exprim ent, touchent 6c auffi marquez que ceux qui font
le c a u r , Ôc l’harmonie de diveriès proches, afin de les mieux voir, qui
parties qui le meflent avec un or­ de bon cœur quitteroient le Peinrre
dre 6c une œconomie adm irable, de toute la peine qu’il fe donne à
font le plaifir de îaraifon. Dans l’e- compolèr fon tableau 6c à dégrader
loquence la prononciation 6c le geC les figures lèion leur plan ; mais
te frappent les lêns, les figures pa­ fur tout oui (croient bien aifes
thétiques gagnent le cœur , 6c la qu’on ne fill point d’ombres dans
belle œconomie du difeours s’élève les vilàges 6c particulièrement dans
jufq u’à la partie fuperieure de l’amc les portraits des perfonnes qu’ils
pour luy donner une certaine joye aiment.
toute fpirituelle , quelle feule efl
LE CHSYAII^R.
capable de reflènrir. Je dis donc
qu’il afuffi aux Appelles 6c aux Zeu- î 1 faut que je vous dife fur ce fu-
xis pour le faire admirer de toute la jet la naïveté d’une Dame qui le
T erre d’avoir charmé les yeux 6c tou­ plaignoità moy d’un Peintre que je
che le coeur, fans qu’il leur ait cité luy avois donne , parce qu’il luy
lié T ir d tiï.t des Anciens é* des Modernes. 217
avoit fait dans fbn portrait une ra- co ntens, mais le menu peuple de la
che noire fous le nez : Je le mon. Paroilfe ne le fut point du tout. Je
Cray hier, me dir-elle, à toute ma me trouvay auprès d’un bon Bour­
famille qui fbupoit chez m oy, il n’y geois qui avoit dans lès Heures
eu t perfonne qui n’en fut icandali- une petite Image de [faint Eftienne
fé , je pris moy-mefme deux flam­ fur du Vélin. Le Saint étoit plan­
beaux dans mes mains pour voir au té bien droit fur les deux genoux
miroir fl j’avois effectivement fous avec une Dalmatique rouge cra-
le nez la tache noire qu’il y a mite ; m oifl, bordée tout alentour d’un
nous eûmes beau reg ard er, ny moy, filet d’o r , il avoit les bras étendus,
ny perfonne de la compagnie ne & tenoit dans l’une de lès mains
pûmes jamais voir cette tache. Je une grande palme d’un beau verd
n e veux point que l’on me flate , d’emeraude. Voila .un faint Eftien­
leur difois-je, mais je ne veux pas ne, diloit-il, en parlant à deux de
aulfl qu’on me falfe des defauts que fes voiflnes, il n’y a pas d’enfant
je n’ay pas -, iis furent tous de mon qui ne le reconnoifle. Et , mon
avis cc haufloient les épaules fur la D ieu, que Meilleurs les Peintres ne
fantaifle qu’ont tous les Peintres de peignent.ils comme cela.
barbouiller les vifages avec leurs
L’A B B E 1.
ombres ridicules & impertinentes.Je
ne fçaurois m’empefeher de vous fai­ Il y a bien de prétendus Connoif-
re encore un conte fur le mefme fu- feurs à P a n s , qui s’expliqueroient
jet.Q uand on porta à faint Eftienne comme ce bon Bqurgeois s’ils ne
du M ont la piece de tapifferie où le craignoicnt d’eftre raillez. Géné­
m artyre de ce Saint eft repreienté, ralement ce qui eft de plus fin 6c
les Connoillèurs en forent allez de plus fpirituel dans tous les Arcs,
contens,
x i 8 T a ta U E c des Anciens & des Modernes. n 9
a le don de déplaire au commun 2C à quel point ils s’y connoiflenc.
du monde. Cela le remarque parti­ Mais revenons à la Peinture. Je puis
culièrement dans la Mutique , les encore prouver le peu de fufhlancc
Ignorans n ’aiment point l’harmo­ des Peintres anciens par quelques
nie de plufieurs parties mêlées en- morceaux de peinture antique qu’on
femble } ils trouvent que tous ces voit à Home en deux ou trois en­
grands accords 2c toutes ces fugues droits j car quoy que ces ouvrages
qu'on leur fait Élire , en quoy con­ ne foient pas tout à fait du temps
fiée pourtant ce qu’il y a de plus d*Appelle 2c de Zeuxis , ils font ap­
charm ant 2c de plus divin dans ce paremment dans la mefme maniere}
bel A r t , ne font qu’une confuiion 2C tout ce qu'il peut y avoir de
delagrcablc 2c ennuyeufe,en un mot différence , c’eft que les Maiftres
ils aiment m ieux, 2c ils le difenc qui les ont faits eftant un peu moins
franchement # une belle voix tou­ anciens, pourroienc avoir fçu quel­
te feule. que chofe davantage dans la peintu­
re. J ’ay vu celuy des Nopces qui eft
le c h e v a l i e r .
dans la Vigne Aldobrandine, 2c ce.
A iTevrement, fur tout fi cette luy qu'on appelle le Tombeau d’O ­
belle voix fort d'une bouche bien vide. Les figures en font bien def-
vermeille 2c pade entre des dents linées, les attitudes fages & natu­
bien blanches, bien nettes 2c bien relles, 2c il y a beaucoup de noblcC
rangées. Te 2c de dignité dans les airs de te lle ,
L* A B B E*.
mais il y a tres-peu d’entente dans le
mélange des couleurs * 2c point du
Cela s’en tend, on peut juger par tout dans la perfpe&ive ny dans
U combien ils aiment la M ufique, l‘ordonnance. Toutes les teintes
K 13
üO fardelle des Anciens & des Modernef. n i
font auffi fortes les unes que les au­ fans je vous prie le tableau des Pei-
tres , rien n'avance, rien ne recule lenns d'Emmaüs , de Paul Vero^
dans le tableau , 5c toutes les figu­ nefè , avec celuy de la famille de
res font prcfque fur la mefme ligne, Darius , de Monfîeur le Brun , auffi
en forte que c’efl: bien moins un ta­ bien venons-nous de les voir tous
bleau qu'un bas relief antique co- deux dans l'A nticham bre du grand
loré , tout y efl fèc 5c immobile % Appartement du Roy , où il fèmbie
fans union , (ans liaifon, 5c fans cet­ qu'on les ait mis vis à. vis l’un de
te molleilè des corps vivans qui les l’autre pour en faire la comparaifbn.
diftingue du marbre & de la bronze LE P R E S I D E N T .
qui les rcprefêntent. Ainfï la gran­
de difficulté n'eft pas de prouver O n ne fçauroit mieux parler fur
qu'on l'em porte aujourd'huy fur les ces deux tableaux qu'à fait un Prélat
Zeuxis, fur les Timantes 5c fur les d'Italie. Le tableau de Monfîeur le
Appelles, mais de faire voir qu'on Brun , dit-ii, eft tres-beau 5c tres-
a encore quelque avantage fur les excellcnt, mais il a le malheur d'a­
JUphacIs , fur les Ticiens, fur les voir un méchant voifîn , voulant
p au ^ Veroncfes , 5c fur les autres foire entendre que quelque beau*
grands Peintres du dernier fîecle. qu'il fuft , il ne l'eftoit guercs de s-
Cependant j'ofe avancer qu'à re­ qu'on venoità le comparer avec ce»
garder l'A rt en luy. mcfine, entant luy de Paul Veronefe.
Qu'il eft un amas 5c une collection L' ABBE*.
Je préceptes , on trouvera qu'il efl
plus accompli 5c plus parfait pre- Comme les François ne font pas-
lentement qu'il ne Pefloit du temps moins portez naturellement à mc-
de ces grands Maiflrcs. Compa- prifer les ouvrages de leur Pais,
K iij
tu Fdrdleile des Anciens ér des Modernes. 125
que les Italiens font foigneux de re­ l’adion* qu'ils font au dehors ; mais
lever à route rencontre le mérité comme un tableau eft un poeme
de ceux de leurs Com patriotes. Je ne m ü e t, où l’unité de lie u , de tem ps
doute pas que ce bon m ot n’ait efté & d'adion doit cftre encore plus re.
reçu avec appiaudiflèm ent, 5c que ligieufement obfervée que dans u n
plufieurs perionnes nefe faflent hotv poème véritable , parce que le lieu
neur de le re d ire , pour faire enten­ y eft immuable, le temps indivifible,,
dre qu’ils ont un gouft exquis 5c un 5c l’adion momentanée j Voyons
genie au deiTus de leur Nation , mais comment cette réglé eft obfervée
cela ne m’émeut point. J ’ay veu dans ce tableau. Tous les perfon­
faire à un autre Prélat d'Italie quel­ nages font à la vérité dans la mefme
que choie encore de plus defobli- cham bre, mais iis y font auffî peu
geant pour le tableau de la famille enfemble que s'ils eftoient en des
de Darius. Il palïa devant,non feule­ lieux feparez : Icy eft noftre Sei­
m ent fans y attacher fes yeux, mais gneur qui rom pt le pain au milieu
fans les lever de te rr e , comme li ce des deux Difciples, la font des Vé­
tableau euft deu luy bleiïer la veué. nitiens 5c des Vénitiennes qui n 'o n t
C ette affèâatioa me mit d'abord prefque aucune attention au myC
en colere, mais elle me fît rire un tere dont il s'agit j 5c dans le mi­
moment apres , 5c me donna de lieu font de petits enfans qui ba­
la joyç. Quoyqu’il en foie, je de­ dinent avec un gros chien. Seroir-
meure d'accord que le tableau des il pas plus raifonnable que ces trois
Pcllerins eft un des plus beaux qu’il fujets tormaflent trois tableaux dif-
fe voye, les perfonnages y font vi- ferens que de n'en compofer qu'uu
vans, 5c l'on croit ne voir pas moins foui qu’ils ne compofent point.
ce qui fe pâlie dans leur penfée que
i* 4 Târdleiît des Anciens & des Modernes. î iy
I.E P R E S I D E N T .
blâme p o in t, quoyque les Peintres
n ’ayent pas fujet d’en efire fo rt
Vous m’avouerez qu’on croit en­ contens. O n voit tous les jours dans
tendre parler les perfonnages de ce des N ativitez , ceux qui ont fait
tableau 3 2c que la gorge de cette faire le tableau , mais à genoux 2c
femme qui efl fur le devant ell d e dans l’adoration comme les Ber­
la vraye chair. gers. O n en voitauffi dans des ta­
bleaux de Crucifix , mais profier-
i ’ A B B E\
nez 2c les yeux levez vers le Sau­
J’en conviens, mais quelle necefl veur , en forte que leur action par­
ficc 2c quelle bienfeance y a-t’il que ticulière efl liée àl'a&ion principa­
ces perfonnages parlent , 2c que le , 2c concourt à la mefme fin. Icy
cette femme vienne m ontrer là fà les perfonnages ne femblenr pas fe
chair? voir les uns les autres , 2c il n’y a
que la feule volonté du Peintre qui
LE PRESI DENT.
les ayt fait trouver dans le mefme
C ’efl un ufàge fi receu de mettre lieu.
dans des tableaux de pieté ceux qui
LE PRESIDENT.
les font faire , 2c d’y m ettre aufll
toute leur fam ille, que cet aflem- Tous ces prétendus defauts ne re­
blage de perfonnes de differens- gardent point le Peintre comme
temps 2c de diff.Tens lieux, ne de- P eintre , mais feulement comme
vroit pas vous étonner. Hiflorien.
L ' A B B E\ L’ ABBE*.
Je connois cct ufàge 2c je ne le Cela cft vrav , fi vous renfermer.
K v
1x6 FdrâiiSe des Ancienscf des Etâdernes. ï i j
la qualité de Peintre à reprefenter cun de ces reproches i faire au ta.
naïvement quelque o b je t, (ans fo bieau de la famille de Darius. C’eft
m ettre en peine s'il y a de la vray- un véritable poëme où toutes les
(emblance , de la bien-fêance 8c réglés font obforvées. L ’unité d’a-
du bon fens dans fa compolition i d ion , c'eft Alexandre qui encre
mais je ne croy pas que les Pein­ dans la tente de Darius. L'unité de
tres vueillenc renoncer à l'obliga­ lieu c'eft cette tente où il n'y a que
tion d'obforver des conditions (i les peribnnes qui s'y doivent trou­
juftes 8c fl neceflàires dans tout ver. L'uniré de temps c'eft le mo­
un ouvrage. Quoyqu'il en foie r je m ent où Alexandre dit qu'on ne
fbubens qu'en qualité de Peintre s'eft pas beaucoup trom pé en pre­
il n’a pas mieux gardé lim ité qui nant Epheftion pour lu y , parce que
doit eftrc dans la compofîtion d'un Epheftion eft un autre luy.mefme.
fiije t, qu'il l'a fait en qualité d’hif- Si Ton regarde avec quel foin on a
to rie n , puilqu'il a mis deux points foie tendre toutes chofos à un foui
de veuëdans fon tableau, l’un pour b u t, rien n’eft de plus lié , de plus
le Païfage, & l’autre pour la Cham­ ré u n i, 6c de plus un vfi cela fe peut
b re, où le Sauveur eft a/Esa table d ire , que la reprefcr.tatioir de cet­
avec (es Difciples 5 car lliorifon du te hiftoire $ 6c rien en meme temps
Païfage eft plus bas que cette table n ’eft plus divers 6c plus varié fi l'on
donc on voit le détins qui tend à confidere le differentesattirudesdes
un autre point de veué beaucoup perfon nages, 8c les expreflions parti­
plus élevé 5 faure de perfpedive culières de leurs pallions. Touc ne va
qu'on ne pardonneroit pas aujour- qu'à reprefenter l'étonnem ent, l’ad­
d'huy à un Ecolier de quinze jours. m iration, la furprife 6c la crainre que
J* ne croy pas que nous ayons aur eaufe l'arrivée dupluscelcbreC on-
TLvj
ParaU&è des Anciens & des Modernes.
qucranc de la T erre , 2c fï ces pafl que la Mere prelènte à Alexan­
lions qui n’ont coûtes qu’un mcf, dre , paroift furpns, mais plein d’u­
me objet le trouvent différemment ne noble aflcurance que luy donne
exprimées dans les diverfes perlon. le fang donc il eft ne , 2c l’accoiicu-
nés qui les rcfTencent. La M ere de mance de voir des hommes armez
Darius abbatuc fous le poids de fa comme Alexandre. Les autres per-
douleur 2c de Ion âge , adore le formages o nt rous aulîi leur caractè­
Vainqueur, 2c profternée à fes pieds re fi bien marqué , que non feule­
qu’elle cmbraflè , tâche de l’émou- ment on voit leurs pallions en ge­
voir par l'cxccz de Ion accable­ neral , mais la nature 2c le degré de
ment j la femme de Darius non ccs pallions félon leur âge , leur
moins touchée, mais ayant plus de condition 2c leur pais. Les délaves
fo rce, regarde les yeux en larmes y font profternez la tefte contre
celuy donc elle craint 2c attend terre dans une profonde adoration,
toutes chofes. Statira dont la beau­ les Eunuques foibles 2c timides lera-
té devient encore plus touchante hlent encore plus failis de crainte
par les pleurs qu’elle répand , pa­ que d’étonnement , 2c les femmes
reil! n’avoir pris d’autre parti que paroi lient nieller à leur crainte un
ccluy de pleurer. Parifaris plus jeu­ peu de ccrtc confiance qu’elles ont
ne 2c par conséquent moins touchée dans l’hor.nefteté qui cl! duc à leur
de Son malheur , fait voir dans les léxe. D ’ailleurs, quelle beauté 2c
yeux la curiofire de celles de Son. quelle divcriîté dans les airs de te f­
fexe, 2c en mcfmc temps le pîai- te de ce tabicaujils font tous grands,
fir qu’elle prend i contempler le tous nobles , 2c fi celafe peut dire
H éros dont elle a oüv dire tant de tous héroïques en leur manière,,
merveilles. Le jeune fils de Darius de mclinc que les veftemens, que;
x}0 fardeSe des Anciens & des Modernes* zyt
le Peintre a recherchez avec un corder enfêmbie, à caufe de la diffé­
foin 6c une étude inconcevable. rence de leur tein te, qui fèm ble la
Dans le tableau des Pèlerins tou. mefme dans la (icuarion où elles
tes les telles 6c toutes les drape­ l'ont ,mais qui paroiftroit alors tres-
ries , hors celles du Chrift 6c des dif&rente. Voila ce qui ne fe peur
deux difciples qui ont quelque n o. pas dire fi poficivcment du tableau
bielle j font pnfes fur des hommes des Peilerins , de Paul Veronefe,
6c des femmes de Ja connoiilance ny de la plupart des tableaux de
du Peintre , ce qui avilit extrême­ fon temps. Amfî je compare les ou­
ment la compofirion de ce tableau, vrages de nos excellons’ Modernes
6c fait un mélange auffi mal aflbrti, i des corps anim ez, dont les parties
que fi dans:unc Tragédie des plus font tellement liées les unes avec les-
fublimes on mefloit quelques Scè­ autres, qu’elles ne peuvent pas eflre
nes d’un Hile bas 6c comique. Si miles ailleurs , qu’au lieu cù elles
nous voulons prefentement entrer font j 6c je compare la plupart des
dans ce quiefl du pur A rt de la pein­ tableaux anciens à un amas de pier­
ture , nous trouverons que non /cu­ res ou d’autres chofes jettées enfèm-
verons que non feulement la Pcrû ble au h azard , 6c qui pourroient fe-
pc&ive y efl partout bien obfervée, ranger autrem ent quelles ne font:
mais que rien ne fe peut ajourer à la Suis qu’on s’en appereuft.
belle ceconomie du tout en/cmble, tE CH EVA I I EX.
les figures qui fcmblent participer
prcfque également à la mefme lu­ Je vous avoue que le tableau de
mière , font neantmoins tellement îa famille Darius m’a toujours fèm-
dégradées,que fi on les vouloir chan­ blé le che&i’œuvrc de Monfièur le
te r de place,elles ne pourroient s’ac*- Brun y & peuc-cftrc que l'honneur
ParaleSe des Anciens & des Modernes. 133
qu’il a eu de le peindre (bus les yeux ce dans l’extremité des parties om-
duRoy,cft caufe qu’il s’y eft furpafle lmccs, n ’empefche pas qu’il ne foie
luy-nieimc; car il le fie à Fontaine­ le premier tableau du m o n d e, à
bleau , où Sa Majefté prenoic une moins qu’on ne luy fade difputer
extreme plaifir cous les jours à le ce rang par le tableau de la limite
voir travailler. Famille.
LE P R E S I D E N T . . LE P R E S I D E N T .
Quoy donc le faine Michel 5c la Vous partez donc condamnation
(àintc tàmiile que nous venons de pour ces deux tableaux ; 5c voila le
voir , ne fèront pas comparables iiccle de Raphaël au deilus du nô­
aux tableaux de Monfieur le Brun. tre.
L’ A B B E\
L'A B BE\
Cela ne conclut pas. Je demeure
Je (crois bien fafché d’avoir avan* d’accord que ces deux tableaux, 5c
ce une telle propofition , ce font plufieurs autres Maiftres anciens,
deux chef-d’œuvres incomparables, excellent tellement dans les parties
& qui (urpaflent comme je l’ay dé. principales de la peinture, qu'à tout
ja d i t , tout ce que l’Italie a de plus prendre ils peuvent cftrc préférez à
beau. Il y a quelque chofe de (i ceux d'aujourd'huv, mais jefoùtiens
grand de de fi noble dans l’attitude que ces grands hommes ont tous
& dans l'air de tefte du (aint Mi­ manqué en de certaines parties, o ù
chel , la correction du dertein y eft nos exccliens Maiftrcs ne manquent
fi jufte v de le mélange des couleurs plus. {Laphacl par exemple a fi peu
û parfair, que ce qui peut y eftre connu la dégradation des lumières,
defire comme un peu moins de for. 5c cet afFoibmTcmeuc des couleurs
*f4 TdrdelU des Anciens & des Modernes.
que caufe i’interpofition de Pair, il y a dans les ouvrages de peinture
eu un mot ce qu’on appelle la perf. comme dans les viandes nouvelle,
peéhve aerienne, que tes figures du ment tuées ou dans les fruits fraifo
fond du tableau (ont prefque auffi chement cueillis, une certaine cru .
marquées que celles du devant, que dite de une certaine â p re té , que le
les feüilles des arbres éloignez fe temps foui peut cuire deadoucir en
voyent auffi diftindem ent que cel­ amorti fiant ce qui eft trop vif, en afr
les qui font proches, de que l’on nra foibliffant ce qui eft trop f o r t, de
pas moins de peine à compter les en noyant les extremitez des cou­
fêneftres d’un baftiment qui eil; à leurs les unes dans les autres : Q ui
quatre lieues, que s'il n’efkut qu’à fçait le degre de beauté qu a-
vingt pas de diftance. Ain fi à re­ querrera la Famille de D a riu s, le
garder la peinture enelle-mefme de Triomphe d’A lexandre, ladcffiite
entant qu’elle eil un amas de pré­ de Porus de les autres grands ta­
ceptes pour bien peindre , elle eft bleaux de cette fo rc e , quand le
aujoura’huy plus parfaite de plus ac­ Temps aura ach :vé de les p e in d re ^
complie qu'elle ne l’a jamais elle y aura mis les mefines beautez donc
dans tous les autres fiecles. Je diray il a enrichi le feint Michel & la fein­
incline que je ne fuis pas bien ferme te Famille. Car je remarque que
dans le jugement que je fri* en fa­ ces grands tableaux de Monfieur le
veur des tableaux de ces anciens Brun fe peignent de s’embellificnc
Mai (1 res, non feulement à cauiè du tous lesiours, deque le Temps en y
refped dont je fuis prévenu pour adouci fiant ce que le pinceau judi­
leur ancienneté , mais au*Ti à caufe cieux iuy a donné pour cffcrc adou.
de la beauté réelle de effective que ci de pour amufer fon a& ivitc, qui
cette ancienneté leur» donne* C ar fens cela s’attaqueroit à la fubitan-
i$6 Paralede desAnciens & des Modernes. 137
ce de l’ouvrage , y ajoute mille Adoucifois les jours, fu rtifoit les om­
nouvelles grâces, qu'il n*y a que iuy bresy
feul qui puillè donner. Et les rendant pim beaux en Us ren­
LE CHEVALIER.
dant pim [ombres,
Leur donnoit ce teint brun qui Us fait
C e que vous dites ià me fait fou. refpc&er,
venir d'une efpece d'Embiême que Et qu’un pinceau mortel ne foauroit
j'ay vûë quelque part dans une poc- imiter.
iïe qui traite de la Peinture. Le Sur les autres tableaux d’un mépris in­
Tem ps y eft reprefènté fous la figu­ croyable y
re d'un vieillard, qui d’une main il pajfoit fans les voir l’éponge impi•
tien t un pinceau dont il retouche toyable :
& embellit les ouvrages des excel­ Et loin de les garder auxfecles à venir,
lons Maiftres , 5c de l’autre une Il en ejfacoit tout jufquesau fouveniu
éponge dont il efface les tableaux
des mechans Peintres. Je me fuis VA B B E \
toujours fouvenu des vers que je Cela eft tres-vray,& il y aura tod-
vais vous dire. jours delà peine à comparer un ta­
bleau ancien avec un m oderne,
Stries uns le Vieillardà qui tout eft parce qu’on ne f^ait ce que fera le
Temps 5c quelles beautez il doit
fajfoit defort pinceau UttAce imperce­ ajouter au tableau nouveau fait.
ptible y Ainfi je fbûricns toujours que la
!>’une couche légere adoit les bruni(font^ Peinture en elle-mcline eft aujour-
Tmettait des bcautez mefme en les cf~ d’huy plus accomplie que dans le
fofane i ilccie racimc de R ap h aël, parce
2)9 fàrsleSe desAnciens & des Modernes. 23*
que du codé du clair obfctir, de U res plûtod que de vrais tableaux ,
dégradation des lumières 6c des di­ nos prétendus Connoiflèurs en iè-
verses bienfeancesde la compofi- roient mille fois plus contens * mais
d o n , on ed plus infirme 6c plus dé­ les Peintres aiment mieux ne plaire
licat qu’on ne l’a jamais edé. qu'à un petit nom bre de gens qui s’y
connoiuent, qu’à une multitude peu
LE P R E S I D E N T .
éclairée. Un feul homme du métier
C e p en d a n t, ce n'ed pas là le qu’ils edim ent ou qu'ils craignent,
{èntimenc commun } 6c fi l'on en les anime plus 6c les fait plus fuer
croit les Connoifieurs, les moindres que tout le relie du monde enfem-
tableaux des Anciens vont devant bic.
les plus beaux des Modernes.
LE CHEVALIER.
L’ A B B E’-
Je trouve qu'ils ont rai (on, ÔCqu’il
Vous croyez fans dpute que cela ieroit plus à propos de noos indrui-
vient du peu d’habileté de nos pein­ re dans la Peinture pour en bien ju­
tres 6c de la grande capacité de ger , que de vouloir qu'ils peignent
ceux qui en ju g e n t, je vous déclaré mal pour nous fatisfaire.
que c'ed tout !e contraire. Si nos LE P R E S I D E N T .
Peintres vouloient bien prendre
moins de peine à leurs tableaux, en Ed-cc que tan t de gens d'efprit;
faire la compofition plus fimple 6c dont le fiecle ed rempli ne fe con-
fims A r t , marquer le proche 6c le noifient pas en peinture ?
loin prefque égalem ent, 6c ne s'at­ L’ ABBE*.
tacher qu'à la belle couleur j en un
m ot faire des dpcces d’cnlumineu- Il y en a beaucoup qui s'y cou-
i 4* Paraleâe des Anciens & des Modernes. 141
noifTent, mais il y en a encore da­ ÏC en raifonnoit fort mai. Si vous
vantage quin’cftanc point nez pour m 'en cro y ez, luy dit Apeile , vous
les Arcs , & n'en ayant fait aucune parierez un peu plus bas, de peur
étude n’y entendent rien du tout. que ce jeune Apprentif qui broyé
là des couleurs ne le moque de vous;
LB CHEVALIER.
T a n t il eft vray qu'on peut eftre de
Cela eft fi vray , que quand ces tres-grande q ualité, avoir de Pefl
gens d’efprit qui n'ont pas le genie prit infinim ent, & ne fè connoiftre
des Arts, font quelque comparaifon pas en peinture.
tirce de la peinture, on ne peut les
LE P R E S I D E N T .
fouffrir pour peu qu’on s'y con-
noille. Mais que direz-vous des Curieux
qui font du mefme avis ? Vous ne
L’ A B B E ’.
pouvez pas les traiter d'ignorans en
C'eft une vérité que je n'au- peinture , eux qui en décident fou-
rois pas de peine à leur dire à eux- verainem ent.
mefmes, puifque Appelle qui n'é-
L* A B B E’.
toit pas moins bon Courtiiàn que
bon P ein tre, n’en Ht pas de fineÜe I l y a quelques Curieux qui ont le
à Alexandre tout Alexandre qu’il g oût très-fin ; mais il y en a beau­
croit j car un jour que ce Conqué­ coup qui ne le connoiflent en ta­
rant de l'A fie, & pour dire quelque bleaux que comme les Libraires
choie de plus dans la chofe dont il fe connoiflent en Livres. Iis fça-
s’agit , que cet excellent difciple venc le p rix , la rareté & la généa­
d*An flore , raifonnoit avec luy fur logie d’un tableau (ans en connoif-
un de fcs tableaux, & en raifonnoit fre le Yray m erite, comme le s L û
L
24* TaraîeSâ des Anciens & des Modernes. 145
braires fijavent parfaitement ce v oient plus que les Raphaeis 2c les
qu’un Livre doit eftre vendu, l'a­ T irie n s, & que ces derniers o n t e lle
bondance ou le peu d’exemplaires de beaucoup plus habiles que tous
qu’il y en a , êc l’hittoire de les édi­ les P eintres de noftre te m p s, qui n e
tions, fans nen (Ravoir de ce qui ett feront jamais que de foibles dilciples
contenu dans le Livre. de ces grands hommes.
LE CHEVALIER. LE C HE V A LI ER.
Je fuis perfuadé que les Curieux Je voy bien que vous ne vous p e r-
dont vous parlez (ont plus habiles fuaderez pas l’un l'autre. Je ferois
que vous ne dites, mais qu’ils font d'avis m aintenant que la plus g ran ­
bien aifes d’entretenir la paflion des de chaleur ett p a ïïc e , de com m en­
vieux tableaux, & pour cauié. ce r noftre prom enade.
i ’ A B B E*. L’ ABBE*.
Il y a un peuple entier que cette Très-volontiers , allons voir let
manie fait iubiilker, & je ne doute jardins , 2c ne faifons autre chofe
point que la manufacture des vieux que de les bien voir. Ce n'eft pas
tableaux ne foit encore d’un plus qu’en confiderant les Jets d'eau de
grand profit que celle des buttes ce Parterre , qu'on peut appcller
antiques dont nous avons parlé. des Fleuves jallifTans, je n’aye bien
de la peine à ne pas demander fi les
LE PRES I DENT.
Anciens ont eu nen de femblable.
Vous direz tout ce qu’il vous plai­
d a , mais je maintien irny toujours
que lés Zcuxu & les Ap-lles en üça-
*44 TaraitSe des Anciens & des Modernes- 1 4f
LE PRESIDENT. L’ A B B£\

N ous ne lifons pas qu’ils ayenc eu Si vous pouviez voir le nombre


des fontaines aufli magnifiques que infini d’aqueducs qui lerpcntcnt icy
ceiles-cy, ils aimoicnt mieux pour Jous terre de tous codez , vous ver­
l’ordinaire voir tom ber l’eau de riez que la différence n’ed pas fi
haut en bas félon fon inclination na­ grande que vous vous l’imaginez ~
turelle , ce qui peut-eflre n’a pas je foûtiens d’ailleurs que la lèuiema­
moins de grâce que ces jets violens chine qui élevé l’eau de la Seine
St forcez, qui fatiguent les yeux Sc pour edre amenée dans ce p a rc , a
l’imagination par leur contrainte quelque chofe de plus étonnant &
continuelle. de plus merveilleux que tous les
Aqueducs des Romains. Quoy qu’il
L'A B B E'. en fo it, s’il ed vray que l’eau fiait
Quand on a des eaux qui jallif- l’ame des jardins, quels jardins ne
fent , il ed aifc d’en avoir qui tom . paroidront morts ou languiflans
bent de haut en bas. auprès de ceux-cy ? Je fuis leur que
fî en nous en retournant nous trou­
LE PRESIDENT. vions ceux de Semiramis ou ceux de
Cependant on ne peut pas dire Lucullus, ils nous fembleroicnt bien
que les Anciens aycnt cdé moins mornes & bien mcianchoiiques.
magnifiques qu’on ne l’ed aujour- LE CHEVALIER.
d’huy fur les fait des fontaines , fi
l ’on coniidcre feulement la gran­ Je croy mefme que les Jardins du
deur immcnie de leurs aqueducs. Roy A lcinoüs, auroient peine à ie
foûtenir malgré la bc.uirc de leurs
L iij
i *6 faralnle /es Anciens dr des Mêdernes. 14 7
eaux qu’on die avoir eflé incompar ces fbeies 5c ces efeaiiers de mar­
rable 5c donc H o m ère, à ce que bre n'eftoient que de pierre il y a
j’ay oüy dire à un forthabilehomme, quelques années.
a fait une deferipnon fi belle 5c li L* À B B E*.
naïve, que tous les Poëtes qui luy
ont fuccedé , 5c tous ceux qui vien­ Cela eft vray , 5c l'on peut dire
dront iufqu'à la fin du m onde, n’en, de Verfailles ce qu'on difoit de Roi
feront jamais de femblahie. me , que de brique qu'elle é to ic ,
Augufle l'avoit rendue toute demar.
l ’ A B B E\
bre. Il eft raifonnabieque tout aug­
Je n’ay point veu cette deferi. mente dans ce Palais , 5c le propor­
ption , Homere * dit fimplmenc tionne de jour en jour à la grandeur
que dans le jardin d'Alcinoüs , il y du Maiftre. Confiderons , je vous
avoir deux fontaines , dont l'une prie , ces trois fontaines, celle du
iê répandoit dans tout le jardin ; milieu fè nomme la fontaine de 11
5c l’autre paflanr fous le feiiil de P yram ide, 5c celle des collez les
la porte , alloic fe rendre dans un fontaines des Couronnes , ce font
grand refervoir , pour fournir de des morceaux d'ouvrages qui méri­
l'eau aux Habitans de la Ville. C et te ro n t long-tem psd'eifrcregardez.
habile homme donc vous parlez, Mais que dites-vous de cette nap­
s'eft mal adrcfle pour loüer H om è­ pe d’eau 5c du grand bas relief qu'el­
re , qui en cet endroit ne mérité ny le couvre entièrem ent fans le ca­
blâme ny loüange. cher , ne vous femble-il pas que le
LE C HE V A LIER. mouvement de l'eau donne aulli du
11 me fcmble quecespiedsd'éftaux. mouvement aux figures, 5c que ces
mphes qui fe baignent, le bak
Qdt‘7. Uv 7.
%4$ TaralcÜe des Anciens & des Medernes. 14?
gnent dans de l'eau véritable. Voi- cod é-là , vous arrêteront long­
ia un bas relief dans toutes lès réglés, temps fi vous voulez en remarquer
il eft du fameux Girardon. N on toutes les beautez.
feulement les figures y paroiflènede
LE CHEV A L I ER *
ronde bofic $c détachées de leur
fo n d , mais éloignées les unes des C c d une tentation dont il faut
autres , 6c s'enfoncer les unes plus, bien fe donner de garde quand on
les autres moins dans le lointain du veut parvenir à voir tout Verlàilles,
païfage : Voila l'adrefie du Sculp­ on n'en viendroit jamais à b o u t, al­
teur de Ravoir, comme nous l'avons lons donc à l'Arc de Triomphe dont
dcjrfdir, avec deux ou trois pouces on ouvre la porte.
de relief, feindre toutes fortes d'é-
L* A B B V.
loignemens. Defcendons par cette
allée qu'on nomme l'ailée d'eau. C e d icy où il feroit mal-aile de
Ces Guéridons de part 6c d'autre s voir bien exactement tout ce qu'il y
qui portent des Flambeaux de crifl a de beau, de fingulier 6c de remar­
t a l , mais d'un cridai mouvant & quable.
anim e, vous plaifènc aHèurément:
LE P R E S ! DEN T.
E t ce Dragon d'où fort une mon­
tagne d'eau, a quelque chofc de ter. Ce mélange d'or 6c de marbre de
Tible qui ne vous plaid pas moins ; differentes couleurs Ibus cette eau
c’cd le Serpent Pichon qu’Apollon qui redouble leur éclat naturel 6c
a bielle à m orr, 6c qui lèmble vomir parmi cette verdure qui leur lcrt de
fa rage avec Ion lang. Je prevoy que fo n d , forment je ne fijay quoy défi
cette fontaine 6c la magnifique piè­ charm ant 6c de fi fabuleux tout cn-
ce d'eau qui termine le parc de ce femble , qu'on fi: croit transporté
i jo Parait lie des Anciens & des Modernes, îjf
dans ces palais enchantez dont par­ & par* des degrez heurcuièment pla­
lent les P o rte s ,& qui nefubllitcuc cez , fe prefenre fi agreablemencà la
que dans leur imagination. veue,qu’elle qe peut fe laller d’un ob­
r a b s E\
jet fi naturelle fi aimable.Cettepiece
elfcune de celles où l’exeelent M on.
Je ne ftay fî l’imagination des fieur le N o llrc,q u i a donné Sc fait
Poctes a.eité auflîloin, nous avons exccuter tous les defilins des Jardi­
les longes de P'oliphiîe, où celuv nages , a autant bien reiifiî. Patfons
qui en eft l*A uthcur, homme tres- dans la pièce du Marais qui nous at­
ingenieux, Sc qui s’eft piû à former te n d , ne trouvez vous pas que ces
dans fon efpric tout ce qui peut buffets Sc ces grandes tables de mar­
rendre des Jardins- agréables Sc bre blanc font bien luptrbc.^quc ces
magnifiques , n’a rien penfé- qui jets d’eau qui fortent de ces joncs Sc
e n approche. Nous allons pafler de ces branches d’arbres (ont bien
dans un endroit tout different de ruftiqueSjSc que ce mélangé du riche
ccluy. cy , qui cependant ne vous Sc du champeftre donne du plaiiir i
plaira pas moins , on l’appelle i£s l'imagination. Il faut remarquer que
Trois fontaines. Il femble que l’Arc dans Tes Tardons de ce Palais tout s’y
ne s’en foit pas m ellé, Sc que la N a­ rclfembfe pour cftrc beau , magnifi­
ture feule en ait pris le fôin } point que St agréable,8c que rien ne s’y refe
de m arbre, point d*6 r , point de femble ncantmoins, parce que tou.
b ro n z e , ce n’Sft que de l’eau SC du tes les choies qu’on y v o ir, ont cha­
gazon au milieu d’u i bois, mais cet­ cune un different cara&crc de beau­
te eau & CC'gazon font fi bien dif- té, de magnificence Sc d’agrcmcnt.
pofez, Sc le "terrain qui s’élève in- Le nombre infini de merveilles
ifcnfibicrocnc par une douce pente dont font remplis les autres endroits
Lvj
îft farrfiU i
qu'ils vificerent , lesBofquets, l'E-
toiile, l’Encelade , la Salle des Fc-
ftins, la G ailenc des A ntiques, la
C olonnade, le Labyrime, & la Sal-
le du Bai , les convainquirent de
cette veritc. Las de marcher à n'en
pouvoir plus, ils ne Te pouvoient lail
ièr de voir tant de chefd'ocuvres &
de l’A rt & de la Nature. La N u it
feule mit fin à leur promenade y 2c
Jes obligea de Ce retirer pour p rès,
dre du repos.

F I N.
ï

L E S I E C L E
D E

L O U I S LE G R A N D
P O E M E .
î j A belle A n tiq u ité f u t toujours ve n era b lel
A fa i t je ne cru t jam ais q u elle fv jl adorablo*
Je voy l i t A ttù e n s f o n t plier les g e n o u x ,
U t jo n t g r a n d s , i l e f iv r a y . mass hommes comme n o m •
E t l'on p eu t comparerfa n s craindre d'eflre injufie *
L e Siecle de Lo ü i s au beau Siecle d ’Augujle.
E n quel temps fp û t-o n n u tu x le dur m étier de M a r t i
Q u a n d d ’un p ius t i f a j a u r força-l'on des rempart i
E t quand v i t on monter au jom m et de la gloire x
D 'u n plus rapt de court le chat de la P iâ e ir t i
S i nous voulions of e r le voile fp e cttu x »
»
Q u e la Prévention nous m et devant le ty e u x
E. UJfex. d’applaudir à mille erreursgroÿteret»
M u t fervir quelquefois de net propret hument,
9 L z S i x c 11 ii Louis t! G jlahj: ff
Pere de têtu les A r ts , a qui du B ie n des JPune p im fine entente & d'un art plus h a b ile .

L e s M yfieres profonds ont efié découverts -, A u r o it efié forgé le bouclier d ’A chille ,


Vafie & p u iffant g é n ie , inim itable Homcre , C hef, d œ uvre de V o lca n , oit f i n fi a v a n t b u rin*

D 'un refpeâ infini m u M u f i te revere: S u r le fr o n t lu m in e u x d un refinnant a ir a in .

N o n cen'efipas À tort epte tes tnventions , A v o i t g r a v é le C iel les A i r s , l'O nde & la Terre '»

dEn tout temps ont charmé toutes les N a tio n s ; E t tout ce q u 'A m p h itrite en f i s deu x brae enferre •

jg u e de tes d eu x H éros Us hautes a vam ures >• O u l'on v o it éclater le bel A f i n au tour.

Sens le noble Jhjet des plus doEles peintures > E t la L u n e , au m ilieu de f a bridante Cour ,

E t m e de'g ra n d s Palais les murs & les lambris* Oit l'on v o it d eu x Citez, parlant diverfes langues »

Prennent leurs omemens de tes d iv in s écrits • O ù de d eu x Orateurs on entend les harangues »


Cependant f i le C iel favorable a la France ,. O u de jeunes Bergers f u r la rive d'un b o ù .

A u Siecle on nous v iv o n s eufi rem û ta naiffiaucêi D a n fe n t l'un après l'a u tre , & puis tout a U fo û »

Cent defauts ejuon impure au fiêcle oit tu n a q u û f


O ù m ugir un taureau qu ’un p er lion dévoré »
N e p nphanertient pas res ouvrages exquis. O ù fo n t de doux concerts ;& cent chofis sveort
Q u e jam ais d ’un burin quoy au en la nu.. - des D ie u x à
T e s fitperbes Guerriers prodiges de vaillance »
L e langage m uet ne fia u ro tt dire a u x y t : : x :
P rtfis de s'entrepercer du long fe r de leur lance *
Ce fa m e u x bouclier dans un Siecle plus fig e »
N 'a u ra ien t pas f i long-tem ps tenu le bras le v é î
E u t efié p im corretl & moins chargé d ouvrage.
E t lorfque le combat devroit efire achevé ,
T on g enie abondant en f i s deferipuons »
E n n u y é les Lecteurs d'une longue T n f a c e ,
N e t'auroit p a t permis ta n t de digreffions •
S u r les fa i t s éclat an s des Héros de leur Race .
E t modérant le x c e z .d e tes a d e g r its ,
T a v e rv e aurott form é ces vaillons demy- D ieu x ,
E û t encor retranché cent doclts rêveries.
ébiains b r u ta u x , moins cruels £ moin: capricieux.
£ L e S iicle ie Loan i i G x a î / d. q

L ’homme de mille erreurs autrefois prévenu, Q ié in fr u its dans la Couf u m e , ils m etten t Is u re fu d e

E t m algré fort f f a vo ir à foy-m cm e inconnu , A p tju v e r d ’un egoujl la ju fe fe r v itu d e ;


Ignoroit en repos , ju fju a u x routes certaines, Ou qu’en riche appareil la force de le u r A n i

D u * M éandre v iv a n t qui coule dans fe s veines. E c la tte a fiu fle m r les droits de Jean M a ilia r:.

L e s utiles va ijfeaux où de je s ahm ens > S i leur haute éloquence ,e n f i s démarchés fier: s ,

Se fo n t pour le nourrir les heureux changemens » R tfu fe de defeendre d ces v ile s m a tiè re s ,

/lignorait em or la firuÜ ure & l ’u fa g e , Q u e nos g rands Orateurs /o ie n t affez. fortune*.

E t de f i n propre ccrps le d iv in ajfemblage. Pour défendre comme e u x » des *d i t ns couronnez, i

N o n non fu r la grandeur des miracles d iv e r s , O u qu un g ra n d Peuple e n fo u is accoure les entendre

D ont le fouveratn M aifirc a remply l'univers , Pour déclarer la guerre a u P e re * d ’A lexa n d re,

L a d o tle .A ntiquité dans toute f a durée, Plus q u ’eu x pcut-cfire alors d iferts & vehem ens »

A l ’égal de nos jours ne f u t point éclairée. Us donneraient l ’effort au p lu s gra n d s m ouvem ent i

M a is f i pour la N a tu re elle eut de va in s A u teu rs, E t f i p e n d a n t le cours d ’une longue Audience >
Je la voy s'applaudir de fe s grands O rateurs. M a lg r é les tra its hardis de leur v i v e éloquence %

Je voy les Citerons , je voy les Demojlhenes , O n v o it nos v ie u x Cotons fu r leurs riches tapis j

Ornemer. s éternels & de Rome & d ’A th è n e s , Tranquilles astditeurs & fin ir e n t a ff iu p it,
Dont le foudre cloquent m é fa it déjà trem b le r, O n pourrait v o ir alors au m ilieu d ’une place i
E t qui de leurs grands N om s viennent nous accabler. S ’émouvoir, s’écrier l'ardente Populace.
Q u j l s viennent je le ve u x, mais que fa n t avantage A m f i quand fous /*effort des A u ta n s irritez.]
E n tre le, combat an s le terrain fe partage s L e s paifibles E fla n g t fo n t d peine a g ite* «
Q ue dans nofbre Barreau l ’on les voye occupez. L e s moindres A jutions fu r les p la in es fa ite s ,
A dépendre a un tham p trois filions ufurpez . } Elcvi.nt jufqu 'a u x Cic i x les vagues ébranlées.
* C itro n piit'.j ,u u : If R jv U cio u m f.
t fltuvt 4c Uliccc fu»f*u iuy ra<fiat| • DïnvilUtruc tai4n(uuu cen ti: Piuiïpp; p*r» à W ic x i.iin .
T L e Si 2 c l f ©*e L o u i s le G a a m d.
Ci i$* e fp n t s'égart & prend de tels effort, Q u i fa r ta n t de fo n roc fu r l'herbe de fe s r iv e s ,
Q u'H orace te fa te graie en d ifa n t que tu dort. T ronloit inconnu fe s ondes fu g itiv e s .
M tn a n d r e > j'en conviens eut tut rare génie » Donc quel haut rang d h o n n e u rn e dev ro n t p o in t tenir
JEt pour p U tr t an Tbeatre une adrrffe infim e . D ans les fa jles facrcz. des Siècles a v e n ir , [b et,
V irgile j ’y confens m en te des A tu e ls , L esH egntcrsilcs M a yn a rd sd e sG o m b a u d tje s M a lh c r.
O vid e eft digne encor des honneurs im m ortels : L e s C a d e a u x , les R a c a n s , d o n t les écries fùperbes *
M a is ces rares A u teu rs qu'aujourd'huy l'on adort « E n fa r ta n t de leur v e in e & dés q u 'ils fu r e n t nez. »
E ftoient-tls adorez, quand ils v iv o ie n t encore ? D 'u n la u rier im m ortel f i v ire n t couronnez..
Ecoutons * M a r n a i. M en a n d re efprit charm ant g> Combien fe ro n t chéris p a r les races fu tu re s ,
f u t du Theatre gree applauds rarement: L e s g a la n t S a rre fin s , & les tendres Voitures*
l'trgtle v i t les vers d'E nn iu s le bon.hommê « L e s M a lie n s n a ïfs >Us R e tro u s, Us T n f a n s ,
L u s . c h é rit, ejhtr.cz. des connoiffeurs de Home • E t cent autres encor délices de leur temps :
Pendant qu'avec langueur on écoutât les fietts ^ M a is qu el fe ra le fo r t du célébré Corneille ,
T a n t on cjr amoureux des A u teu rs anciens . D u T heatre français l'honneur & la m e rv e ille .
E t m algré la douceur de j d veine d iv in e > Q m f f ù r f i bien m êler a u x g rands evenem ens.
O vide c fo it connu de f a feule Corinne, L'heroique beauté des nobles fe n tim e n s ?
Ce n e f qu’avec le temps que leur nom s'accroijfanti Q u i des peuples p r tff z . v ie cent fo is l affluence ,
E t toujours p lu t fa m e u x d'âge en âge p a ff a it, P a r de long cris de joye honorer fa p rcfcn cc ,
A la f.n ï e j l aequu cette gloire éclatante , E r Us plus fig e s Rois de f a vein a charr. ez. ,
Q u i de tant de dtgrtz. apajfé leur attente, Ecouter Us H iros q u 'il a v a it am m ez..
T l a fl.tf é p a n i’.u un fleuve im p étu eu x, D e ces rares A u te u r s , a u Tem ple de meme ire y
En abordant l.t mer coule m a-efaeux » C n ne petit concevoir quelle f t r a la gloire ,
• » '«• f .'- 'I 'S fi**- ùev*htp g !•*.
jfc L*i Sr t i cLr » i L otns li G h a k &; t
N o u s verrions d u r e m e n t que fa n s tém érité JX une épaijfe vapeur f i formate la Comeee.

O n p e u t n'adorer pas toute l'A n tiq u ité * S u r un filid e Ciel Toulon chaque Planette ,-
E t qu enfin dans nos jours , fa n s trop de confiance l E t tous les autres fe u x dans leurs v a fis dorez .• * ‘
O n luy peut difputer le p r ix de la fcience. Pendoient du riche fo n d des lam bris azjtrez..

Platon qui f u t d iv in du temps de nos ayeux > G rand D ieu depuis le jour qu'un art incomparable «

Commence à dev en ir quelquefois ennuyrux : T rouva l'h eu reu x fic re t de ce Perre admirable

E n v a in f i n * T raduftettr p a r tiftn de l'A n tiq u e >. P a r qui rien fu r la Terre Q* dans le haut des d e u x \

E n conferve la grâce & tout le f i l at tiq u e, Q uelque éloigne q u 'il fa it, n e f i trop loin de nosyeux-,

D u leeleur le plus ajpre & le plus refit lu , D e quel nombre d'objets d'une grandeur im m enfi ,

V a dialogue entier ne fpauroit ejlre lu. S'ef} accrue en nos jours l ’humaine connotffance.'

Chacun f f a t t le decri du f a n e u x A rifio te . D ans l'enclos incertain de ce vafie V rnvers ,


E n Phifique moins f i u r qu’en H ifiotre Hérodotei M ille M o n d es nouveaux ont efié découverts,

Ses écrits qui charmotent les p lus in te llig e n t , E t de nouveaux Soleils,quand la n u it tend f i s voiles* *
Sont a peine repus de nos moindres Regens. E g a le n t déformais le nombre des efiotles.

Pourquoy s'en étonner ? D ans cette n u it obfiurt P ar d ts Perres encor non moins tngenienx >
O it f i cache a nos y e u x la fierette N a tu re , L'oeil v o it crotfire fous luy m ile objets c u r ie u x ,

Q uoique le plus fç a v a n s d'entre tous les humains P voit, lors qu'en un point f a force efireiinit >
Jl ne voyott alors que des phantofmes va in s. D e l ' A tom e au N é a n t la d i tance infinie ;
Cher, l u y , fa n s nul ég a ri des véritables caufis, ]• entre dans le fo in des moindres petits corps ,
D e fim plcs qualitez. op roitnt toutes chofes, De la fitre N ature il y v o it les rtffo rtr .

E t f t n fy fitm : obfcur rouloit tout f u r ce point , • E t portant f i s regards ju fq u e n f i n S a n îlu a irt 1

Qjéytne chofi f i f a n de ce quelle n e f i point. ■ A d m ire avec quel a rt en fic re t t l e spere.


• M 1 At&c de Mauciei?.
Li Si ï c l! «I LflüIJ i ! G r a k ». f
Lors qu'infenfiblem ent confieront leurs écrits* L 'B u fire R aphaël y cet tm m enfi g é n ie ,
h * Tem ps aura pour eux g a g n é tous les ejprtts ; Pour peindre , eut une fo r c e , une grâce in fin ie ,
E t parce h aut r e lie f qu'il donne a toute choie » E t tout ce que form a l'adrefie de fa m a in .
ji m t n é le m oment de leur Apotheofe. Porte un a ir noble & grandyqut fem bleplut qu'humain-
M a in te n a n t d lo ifirfu rie s autres beaux A r t s * A p r è s luy s’éleva f i n échoie [ p a v a n te .
Tour en v o ir le fucctz. »promenons nos regards. E t celle des Lombards d l'en vy triom phante.
A m a n te des appas de la belle N a tu r e , T e ces M a îtr e s de 1‘ A n les T a b lea u x précieux
Venez. & dites-nous , agréable Peinture: Seront dans tout les temps le doux charme des y e n *
Ces P eintres f i fa m e u x des Siècles plus a g e z f T e vofrre A r t cependant le fccret le p lu t rare ,
T e ta len t moûts fu r e n t-ils partagez. ; N e leur f u t déparry que d'une m ain a v a r e ,
E t le doit-on juger par les rares merveilles L e plu t docle d'entre eu x ne [ f u t que faiblem ent *
D e n t leurs adorateurs rem phjfent nos oreilles : T a clair & de l'obfcur l'heureux ménagement.
f a u t - t l un f i grand art pour tromper un oyfeau , O n ne rencontre point dans leur fim plc manière
V n Peintre ejl-tl p a rfa it pour bien peindre un rideau f L e m erveilleux effet de ce p oint de lu m ière ,
E t fu t-c e un coup de l'a r t f i digne qu'on f honore. Q u ifi tr ttn fe u i endroit v i f & refilendifj'ont,
T e fe ndre un mince t r a it, d u n tra it plus mince encorct V a de tout les cafiez. toujours s'afiotblifiam .
A pem e m aintenant ces exploits finguliers Q u i de divers objets que le fitjee affem ble.
Sero itn t le coup d ’ejfai des moindres écoliers. P a r le noeud des couleurs ne f a i t qu un tout cnfcmblt»
Ces Peintres com m ençais d ans le peu qu'ils apprirent E t prefente d nos y e u x l’cx a ü e v é rité
N en/ fu ren t gueres plus que ceux qui les adsniient. T a n s toute la douceur de fa n a iv tté .
T a n t le Sieclepajfé. des hommes excellens So u ven t fa n s nul é .a r d du changement fin fib le
fiffe d ç ie n t > i l efi v r a y , vos p lu s riches ta lu s * Q u e fa it t de / ’a ir épais ,1a ma f i imperceptible •
Le S n c u © e L otj i s li Gaanu n
L es plut fo i blés lointains & l u plue effacez S i du Laocoon la taille v é n éra b le,
Sont comme les d ev o n s dijim clem ent tracez * D e celle de f i s fils ejl p a r trop dtjfim blable
N e fçaehantpae cnccr qu'un Peintre en f i s ouvrages E t f i les mottes corps des ferpens in h u m a in s ,
D es objets éloignez, doit form er les im ages . A u lieu de d e u x enfans enveloppent d e u x n a in s »
JLorfque confufement f i n oui les avpercoir , S i ie fa m e u x H ercule a d tv e rfis p a rtie s ,
N o n telles qu'elles f o n t , m ais telles qu il les vo it. P a ru es m u fi le s trop fo r ts un peu trop reffentxes ,
C e f l varia que le B run ton-ours in im ita b le , Quoique tous les fç a v a n s de l'A n tiq u e enteflez
Donne a tout ce q u 'il fa n un a ir fi v é rita b le , E rig en t ces deffauts eu de grandes beautez. ,
E t que dans 1‘a v e n ir f i s ouvrages fa m e u x D o ive n t-ils nous fo rce ra ne v o ir rien de rare»
Seront l'étonnement de nos derniers n eveux. A u x chefs-d'œ uvre s n o u vea u x dont P I .fu tile sfi p a re,
N o n loin du beau fijo u r de l'aim able Peinture Q u e tout homme éclairé qui n ’en croit que f i s y e u x ,
H abite pour jam ais la tard ive Sculpture ; N e trouve p a s m oins beaux pour n'efire pas f i v ie u x !
Prés d'eile ejl la y : n u t , VH e rc u le , l'A p o llo n , Q u i f i fo n t a d m ire r, & fim b le n t p le in s de v i e .
L e Baccbm , le L a n ttn & le Laocoon , Tout expofiz. qu'ils fo n t a u x regards de l'E n v ie *
C kcf-d'œuvres de f i n a r t , chotfis entre d ix rm d t * M a u que n'en d iront po in t les ficelés éloignez •
Leurs d iv in es b coûtez, me rendent immobile a Lors q u 'il leur manquera quelque bras , quelque nez i
E t f i u v t n t in te r d it i l me fim b le les vo ir Ces ouvrages d iv in s où to u t ejl a d m ira b le .
K tf iir tr comme noue . parler & Je mouvoir. S ont du temps ^Loois ce Prince incomparable
C e f i te y , je l ’avoue , oit l'audace efi extrêm e. D iront les C urieux. Cet augufie Apollon
D e foutem r encor mon fu rp rtn a n t Problème ; S o r t de la fa g e m a in du fa m e u x Cirardon,
M a u f i l 'A r t qui jamais ne f i peut contenter, Ces C h ev a u x du Soleil qui m a rc h en t , qui bondiffint i
Découvre des defauts qu’on leurpeut imputer * E t qu'au rapport d i t y e u x on crotroit q u ils ka n n ijfin f.
M
14 Ll S l!C t ! SB L OOI s LE G a A NTl. IÇ
Sont rouvrage im m ortel des d eu x freres Ga fa r d s , E t leur eau quidcfcend a u x ja rd in s qu'elle arrofe»

E t cet aimable A c is qui charme vas regards * D a n s cent riches P alais en p a jfa n t f e repofi.

O u tout e f n aturel a u ta n t qu’i l e f a r tijle , Q u e leur peut oppofer toute l 'A n t i q u i t é ,

N a q u it fous le ctfeau du gracieux Bapttfle, Pour égaler leur pompe & leur v a n t t é ?

Cette jeune D ia n e où Vœil à tout marnent » N aguerri dans f a Chaire , u n m a tflre en Rhétorique*

D e [on gtfie léger, croit v o ir le mouvem ent Plein de ce fo l amour qu'ils ont tous pour V A n tiq u e •
Q u i placée à fo n g r é le long de ces bocages , D ouant ces b ea u x Ja rd in s q u 'il d ifo it a v o ir v u s .

Semble vouloir fa n s ccjfe entrer fous leurs fe u illa g e s , O n les p ren d ra it, d i t - t l . pour ceux £ A lctnous.

Se doit à * r O u v r ie r dont la fç a v a n te m ain » L e Ja rd in de ce Roy , f i l'on en croit H om ère ,

Sous les tra its anim ez, d'un Colc/fe d 'a ir a in , Q u t /è p lu t à fo rm er une belle ch im ere ,
V tile m c n t rem pli de bons arbres fruitiers
Secondant d'A u b u jfo n dans 1‘ardeur de fon zjele »
D u Héros im m ortel f t l'im age immortelle. R e n fe r m â t d ans f i s murs quatre arpens tous entiers.
A llo n s fa n s différer dans ces aim ables li e u x , L à f i cueillott la poire >& la fig u e , & l ’orange ,

D e ta n t de grands objets r a fifie r nos y e u x . Jcy d ans un recoin f i fo u lo it la va n d a n g e ,


E s là de b eaux raifins fu r la terre épanchez.»
Ce n e f pas un P a la u , c’cfl une P ille e n n e re ,
S'étalloient au Soleil p o u r en eflre fich ez..
Superbe en f a g ra n d eu r, fuperbe en fa matière ;
D a n s le Royal enclos on vo ya it d e u x fontaines»
N o n , c e f p lu tô t un monde , où du g rand V n iv e r s
N o n s'élever en Va ir fuperbes & h a u ta in e s .
S * trouvent ra ftm b le z. les miracles divers.
M n i s fo rm er à l'e n v y d eu x paifibles n iijfia u x »
Je voy de toutes p a rts des fe u v e s qui ja lliffe n t .
V o n t l'un moût ll o it le p ie d de tous les arbrrjfeaux»
E t eut form ent des M e rs des ondes qui ils vom ijfent >
E t Vautre sécbapant du Jardin m agnifique ,
F a r un A r t incroyable ils ont été forcez.
A b r e u v a it les p a jfa n t d * n t la place publique.
• D e monter au fom m et de ces lieu x exhaucez. >
M'ij
t t Si s c i i de Louis le Grand; 17
T els fo n t dans les ham eaux des prochaine environs Elle d it qu’à te l po in t dans le cœur le plus fa g e l
L e s rujhques jardins de nos bons vignerons. Ses joueurs a Injhrumens faijoient entrer la rage

Q u e ]'aime la fratfcheur de cesboccages fom bres , E n fo n n a n t les accords du mode P hrygien,

O ü fe fo n t retirez, le repos & les ombres , Q u e les meilleurs anus & les plus gens de bien i

O u fa n s cejfe on entend le murmure des eaux C rioient, fe querelloient,fa ijo ie n t nulle vacarmes »
Q u i jc r t de fymphonie au concert des oyféaux '» E tp o u r s’entretuer couroient prendre des armes :

M a is ce concertfi doux ohleur atr.ottr s'e x p liq u e , Q u e qua n d ces enragez, ccumant de courroux >
M accufe d'oublier la charmante M itfiquc. Se ttn o ien t a u x cheveux & s ’afiommotent de coups 1
L a Grèce toujours v a in e efi encor f a r ce p o in t, L e s joueurs d ’tnjbrumens pour adoucir leur b ile ,

p a buiutfe à Vexcez. & ne fe dtm en t p o in t , Touchoieytt le D o ritn mode fa g e d r tranquille ,


S i l'on ofe Ven croire, un Chantre de la Thrace » E t qu alors ces m utins k d e f i doux accens >
forpoit les a n im a u x de le J m v re a la tra c e , S ’appaifant tout à coup rentraient dans leur bon fin s]

JEt même les fo re jls , ju fq tia u x moindres buifions , Elle fe v a n te encor quelle eue une M u fiq u e

T a r t le charme é to ttfo rt de fe s douces ckanfons. XJtile au dernier point dans une République ,
V n autre p lus e x p e r t . non content que f a lyre Q u i de tout f o l amour a m o rtifo it l’ardeur ,

f i f m a n h e r fu r fes pas les rochers q u elle a ttire • E t du f i x e charmant confcrvott la pudeur ;

l rtt ces rnejmes rochers de f t lyre enchantez . , Q ifu n e * Reine autrefois pour l'avoir écoutée >

Se pcferi'nn fu r Vautre CT fo rm er des citez.. F u t prés d ’un lufire entier en v a in folhcttée ;

C u ‘a b lc s . i l e f vray .fig e m e n t in ven tées , M a is qu'elle fuccomba dés que fon fe d u d tu r ,

V a r ia Grèce avec art ont tfié racontées » E u t c ha fie d auprès d'eile un excellent fu r e u r ,
fais comment Véceuter quand d ’un ton fe r ie u x $ D o n t , pendant toute ce temps la haute f u f i fa n ce »

E t m ettant a Vécart tontfens w ) f e r i e u x , A v oit de cent p trtls g a r d é fo n innocence.


»Cijriemncltxe, ^ j|j
r» Li S u c i* b e L o ü x s i l G r a n i .

A v e c toute fa pompe & fort riche a p pareil , M a is f i de ces b eaux f e u x les courfes mefurées «
L a M u fa u c en nos jours ne f a i t rien de p a reil. D e coluy qui Us v o it ne fo n t pas ignorées,
Ce bel A r t tout d iv tn p a r je s douces m erveilles j S 'il connot si leurs afpecis & leurs déclinas fo n t
JNe fe contente pas de charm er les oretiles , L e u r chute & leur retour qui form ent les faifottS »
LJy d ’aller t u f u'au coeur p a r fe s exprefions Combien adore- 1 i l la Sagcffc infime ,
E m ouvoir à fo n gré toutes les palpons : Q u i de cette nombreufe & ceiefle h arm onie ,

Jl v a »pajfaut pl us lo in , pa r f a beauté fuprcme , D 'un ordre cotnpaffé ju fq u 'a u x moindres m om ent ,

A u p lus h aut de i ‘ciprtt charm er la R a i fon met me. Réglé les grands accords & les grands mouvem ent f

L a cet ordre , ce choix & ces jujîes rapports L a Grece , je le v e u x >eut des v o ix fa n s pareilles »
Des divers m ouvem ent & des d ivers accords » D o n t i*extrême douceur enchantait l a oreilles »

L e choc h a rm o n itu x des contraires p a r tie s , Ses M a i f r e t pleins d 'efp rtt cotr.voferont des chants »

D a n s leurs tons oppofez. fix e m e n t afforttes . 'Tels que ceux de L u i l t , naturels cr touchant ;
D o n t l'une f u i t les pas de l ’autre qui s'e n fu it : - M a ie * n ayant point connu ta douceur in e n ya b lë

L e mélange difcret du filtn c e & du b rm t Q i e produit des aceorJs U rencontre ag réa b le ,

E t de mille reforts la conduite adm trable M a lg r é tout le g ra n d b ru it que la Grece en a f a i t *


Enchante la Ratfon d ’u n p la ifir tnejfable. Chez, eâe ce bel a rt f u t un a rt im p a rfa it :

A t n f i pendant la n u it q u a n d on levé les yeux Q ue f i de f a M u fq u e on la v i t e nchantée .

V e n les aflres brillons de la voûte des d e u x . C efl quelle fe fia t a de l'a v o ir in v e n té e .

P lein d'une douce joye on contem ple , on adm ire E t f i n raviffem ent f u t l ’e fc td e l'am our

Cet éclat v t fO " pur dont on les v o it relu ire, D o n t on efl enyvré pour ce qu’on m et an jtiur.

E t d'un rejpeti profond on fe n t toucher fon catur A in f i tors q u ’un en fa n t dont la langue s'ejfty e .

P a rle u r nombre étonnant & leur va fle grandeur: Commence à prononcer, f a i t du bru it & bégayé .
ü Lm An.icui li ent peint connu la M ufrpc i[>!vfwi:n
IO Le Si«c l i » t Loris n Grand. U
L a mere qui le tient a fes fen s plus charmtx. E t cet u n ie ama» des chofis qu'on in v en te ,

D e trou ou quatre mots q u 'a p u n e i l a form ez., S a n s ccjfe chaque jo u r , ou s ’épure, ou s'augmente :

Q u e de tou» les difeourspleins d'art & de fac tic e , A in f i les humbles toits de nos premiers a ye u x >
Q u e déclamé en public la p h u haute éloquence. Couverts négligemment de joncs & de g la y eu x »
Q u e ne puis-je évoquer le célébré A r t on , N 'eu ren t rien de pareil en leur archttetlur : ,
L'incomparable Orphée & le fi g e A m vh to n , A nos riches P a la u d'éternelle firutlure :

Tour les rendre témoins de nos rares merveilles , A i n f i le jeune chefne en fon âge naiffatte »
Q u i dans leur f c c U heureux n curent point de parades. N e peut fe comparer au chefne v ie illijfa n t ,

Q u a n d U toile fc levé * CT que les fons ch.rrm.uj> Q u i jettant fu r la terre un fp a c ie u x ombrage

D 'un innombrable amas de divers tn fru m en s , A v o t f n e le Ciel de fo n vafie branchage.

J arment cette éclat otite & g ra ve fym phom e , M a u ce fip eu , dira t o n . que p a r un long progrès. >

Q u i ravutOH» les fens par fa noble harm onie » L e Temps de tous les A r ts découvre les fe c r e ts ,

L t par qui le moins tendre en ce prem ierm om ent, L a N a tu re affotblie en ce Stecle ou m tu fo m m ts ».


Se t tout fon corps émû d u n doux frém ijfem ent » N e peut plus en fa n ter de ces m erveilleux hommes .
O u quand d aimables v o ix que la Scene rafiem bU , D o n t avec abondance . en mtile endroits d iv e r s ,

M ê le n t leurs divers chants & leurs plaintes enfem blo Elleornott les bea u x jours dis n ai fia n t V envers .

£ : par l a longs accords de leur tn j h langueur, E t que tous p lein s d ardeur, de force & de lumière

P<
■m irent yafou au fond le moins fe n fb le coeur ; EUe donnoit au monde en fa v ig u eu r prem ière .

S u r des m at f r e t de l a r t . fu r des ornes f i belles > A fo rm er Us efprtts comme a fo rm er les corps ,

Q u el pouvotrn aurotent pat tant de grâces nouvelles t L a N a tu re en tout temps f a i t Us mefines ciftrrs

1 out A n n e f i compofé que des fecrets divers Son Efire efi im m u a b le, & cette fo rce aifé e

Q u aux hommes curieux *'ufage a découverts > V m clic produit fo n t, ne s é fi point épuisée .•
M v
•xi Lî S ü ct» 01 L otï i s i l G u a n ». i
Ja m a is/*Afhre du j our quaujourd’huy nous V y o f t t l P a r tordre des D efhns la Pïcloire affervse

A7,eut It fr o n t couronné de p la t b r tia n s ra yo n s , A fu t v r t tous les pas de fon tllufire v i e ,

Jam ais d a is le Printemps les rofes empourprées, A n i m a n t les efforts de fe s v a illa n t G u erriers ,

D 'un p.'tu v i f incarnat ne fu r e n t colorées : D és qu'il régna fu r nous le couvrit de lauriers ;


ATon moins blanc qu autrerois brille dans nos jardins M a is lorfqu il entreprit de m ouvoir p a r luy-nufm c >
L'éblouiffant étnail des iss ô~ des ia tn in s , L e s pénibles r e fo n t de la grandeur fuprém e »
E t dans le fu c le d ’or la tendre Phtlom ele, D e quelle majefié »de quel nouvel éc la t,

Q u i cbarmott nos a ye xx de f a chanjon nouvelle. pie v u . on pas brider la fa c e de t E f a t ?


î d ’az ott rien de plus doux que celle dont la v o ix L a pureté des lo ix p a r tout efl reflablie »
Réveille les éthos qui dorment dans nos bots : D *s funefles duels la rage efl abolie;
D e cette mefme m ain les forces infimes S a V aleur en tous lie u x fo û tie n t fe s alitez. »
Rrcdm fcnt en tout ternes de femblables gem es. Sous E d e , les ingrats tombent hum iliez . .
L es Siècles ^ il eji vray , fo n t entre eu x d ifferen t? E t l'on v o it tout à coup les fiers peuples de t'E b r e ,
i l en f u t d'éclairez. >il en f u t d'tgnorans , D u r a n g q u il tien t f u r eu x rendre un aveu-çeiebre-
M a is f i l e régné heureux d'un excelent M onarque Son bras je fig n o la n t p a r te n t d ivers e x p lo its ,
F u t !ou ours de leta p r ix & la c.tufe Q" la marque D es places qu'il attaque en prend quatre a la fois ;
Q u e l Siecle peur fes R o )s, des hommes révéré , 'A ujfi QH t l l t v e u t i l eflend fe s fr o n tiè r e s .
A » Siecle de L o u i s peut efire préfé ré l E n d i x jours il fcù m e td es Provinces entières,
De L o rj j s qu environne une gloire im m ortelle , Son A rm é e a fes y e u x p 'ffe un fleu ve profond,

D o L o tj i s des grands Roy s le plus p a rfa it m odela Q tte Cefar ncpaffa qu'avec Vaide d 'u n pont.
L e Ciel en le form ant eputfa je t trefors . D e trois vajîes E ftats les haines déclarées
le combla des dons de l ’E fp rù & du Corps ; T ournent contre luy f i n i leurs armes conjurées j
M vj
*4 L b S u c i i d ï L o u i s le G r a n d , zj

I l ubbat leur orgueil , i l confond leurs projets , Pour v e n ir à f i s pieds luy rendre un humble hommage
E t pourtour c h â tim en t le ur tm pafi la p a ix . Pour f i rem plir les y e u x de f i n augufle im a g e ,
h f r u i t à où v ie n t en luy cet excez. de put fiance, E t go û ter le p l a i f r de v o ir tout a la fo is .
I l s ’en fe r t plein de zjele & de reconnoifiance . D es hommes le plus f i g e , & le plus g r a n d des Roys.
u i rendre à leur bercail les troupeaux égarez., C iel a ejut nous devons cette fplendeur im m en fi ,
Q u m e mortelle erreur en a z o tt feparez. » V o n t on v o i t e d a tte r nojbe Siecle & la F rance,
E t p a r fes p te u x fo in s l'H c n fie étoufiée P o u r fu s de tes bontés, le fa vo ra b le cours »
Four n s a fe s vertus un immortel trophée. E t d ’un f i dsgne Roy conjerve les beaux jours
Peut-eftre epiéblouis p a r t a n t d ’heureux progrex. » D un Roy qui dégagé des tr a v a u x de la Guerre r
N o u s n'en j.tgeons pat bien pour en ejlre trop p r é s , A i m é de f i s S u je ts , cra in t de toute la T erre ,
Concilions an dehors & form ons nos fufirages N e v a plus occuper tous fe s fo in s généreux »
A n g ré des N a tto n s des p lus lointaines p ln g e s , Q f i à nous régir en p n x , ' j ' q u a nous rendre heureux.
V e ces Peuples h e t n u x oit plus g r a n d , plus v e tm e tl,
S u r un char de rubis f i leve le S o le il ,
O u la T e r re , en tout temps >d'une m a in liberale ,
Prodigue f i s trefirs tp i avec pompe elle eflale » F I N,
V o n t les fu p e rits Roy s fo n t f i va in s de leur fo r t.,
Q u 'u n f i n i regard f u r e u x ejl f i n i de la mort.
JUinvincible Louis fa n s flo tte , fa n s a rm ée,
E ue fie a gir en ces lieu x f a fin ie renommée.
E t ces Peuples charmez, d é fis exploits d iv ers *
T r a t erfint fa n s repos le vafle f i i n des m ers >
*7

L E G E N I E .

E P I S T R £
A M O N S I E U R

DE F O N T E N E L L E *

[ O M M E on voit des Btemez. font frété


& font eppoe *
Q*t (îerprennent les yeux >mets que ne touchent pAS.
Oit brille v ornement fur un jeune tnftge
De U rofe & dm lys le pompeux *jfembUge>
Oit feue un front ferein de bumx yeux f i font voit
Comme des Rou ceptifi , feus force & font pouvoir e
Tels on voit des Efpriu eu defftee du tmlfdire .
Q*i purmi etnt toitns n'ont point celuy de pluirel
*9 L e Gi nn, 11 G i i i t if.
E n v a i t t , cher Fonccnelle, ils fç a v e n t prudemment Des plus tendres accords Iss f f o v a n te t morveUne
Em ployer dans le m s v e r t jujqu'a» moindre ornement. F rappent fa n s le charm er fe s flu p id es oreifUe •
Prodiguer les g ra n d s m o ts, les figures fublitnes , E t les p lu s b ea u x objets q u i pa jfen t p a r f i s f i n s ,
E t porter à l'excez. la richejfe des rtmes ; N 'o n t tous, p our f a R a t fo n d u e dss tr a its im puiffans }
O n b a s ie , on s'a ÿ o u p it . & tout cet appareil I l luy manque ce f e u , cette d iv in e fla m m e .
A p rès m i longenttuy estufe enfin le fom m eil . L 'E fp r it de f i n E fp r tt & C A m e de f i n Am *.
l l f d u t (ju une chaleur dans ram e répandui » Q u e celuy qui pojfcde un don f i p récieu x >
P e u r a g ir au dehors lé lè v e & la remue., D ’un encens éternel en rende grâce a u x d e u x >
L u y fournijfe u n dtfcomrt qui dans chaque auditeur Eclairé par luy-mcm e & f i n s eftmde » h a b ile,
O u de force ou d e g r é trouve m approbateur. I l trouve 4 tous Us A r t s uno route fa c ile ;
Q u i fatfiffe C e fp r it, le convainque & le pique, L e fp a v o ir le provient & fim b le luy v e n ir
Q m déride le f r o n t du p lu s fondre C ritiq u e . S ie n m oins de f i n tr a v a il que de f i n fiu v e n ir.
E t qui p a r la beauté de fe s exprefftons S a n s peine i l f i f a i t jour dans cette n u it obfcure
q itu m r dans le coeur toutes les pajfions. O u f i cache a nos y e u x la ficreete N a tu r e ,
C e fl ce fe u qu'autrefois , d'u n s audace nouvelle, I l v o it tons les refo r ts q u i m eu ven t C V nivers ;
Prssm thée enleva de la voûte éternelle, E t f i le fo r t Rengage a u x d o u x mefiier des vers*
E t que le Ciel rép a n d , fa n s jamais s ép u ifir P a r luy nulle beautés . à tout* hem * f i a t vernis ,
D a n s Casus dss M o r te ls qu'il v e m fa v o n fe r . Q u e les autres M o r te ls n o m jam ais appeneuès ;
L 'H a m a tt, fa n s es bsa» fe u q m T é c la ire & l'ép u re , Q uelque pare q u 'a u m a tin i l découvre des fleurs »
P f t f l que l'ombrs de i ’Homsus & f a va in s fig u re , R v o it la jeune A u ro re y répandre d u pleurs;
M demeure i n f njîble à mille doux appas S 'il jette f i s regards fier les ptasnes h a m d e s
Q u e i u n m l lauguijfant t i v u t & m tm e p a t. I l y v o it f i jouer les v e r t u N e r ty d u -
ji Li Gi Si f; L i G a K i f.' fi
E t f i n o r t i i t entend tê tu les d iffe re n t tons Q u i féconda* p ro d u it p a r f i s ve rtu s ficrettes
Q uep o n flcm dans U s a irs U s conques des T rito n s , L es Peintres , les Sculpteurs* les C hantres »les Poètes*
S U promène f i t p a t dans une fo r e f i fi m b r e * Tous ces hommes enfin en q m l'on v o it regner
JLJ v o it des SilvA tn s & des N y m p h e s fa n s nombre, V n m erveilleux f f a vo ir qu'on ne p eu t enfeigner »
Q u e toutes L’arc en m a in , U carquois f u r le dot • V ne J o in te fu reu r* une fage m a n te ,
D e Leurs cors enroues. réveillent les échos E t tous les autres dons qui form ent le Genie.
E t chajfant a g ra n d b r u it v o n t term iner leur cottrfi A u diffus des beautez. >au diffus des appas
J i u to r d des claires e a u x d'une bruyante fource. D ont on v o it fe p a rer la N a tu re icy bas *
Tasttofi U les v e rra fa n s arc & fa n s carquois S o n t dans un g ra n d P a la is foigneufementgardées
D . n fe r d u ra n t la n u it au filence des b o is . D e t im m uable Beau les bridantes Id ées ;
E t fo u s Les p a s nom breux de leur d an f i legert M odedes éternels des tr a v a u x p lu s qu humains
f a i r e d peine p lie r la moufle & la fo u g e r e * Q u enfantent les efp rits ou que fo rm en t les m ains .
fe n d a n t qu’a u x mefrnes lie u x U refie des H u m a in s C eux qu'anim e & conduit cette flam m e d iv in e
N e voie que des chevreuils , des biches & des daims" Q u i du flambeau des d e u x tire f i n origine.
C e fi dans ce fe u fa c r é que germ e l'E lo q u en ce* Seuls y trouvent accès , & p ar £ heureux efforts
JQ uelle y forge f i s tr a its , f a noble vehem ence , T vie n n e n t enlever mille riches tr tfir s ;
Q n td a y rend f i s d$fours f i b rid a n t & f i clairs ; L e s célébrés M ir o n s * les id n firet A petits
C e f i ce fe u qui fo rm a it la foudre & les éclairs T p rir e n t à t e n v i milia grâces nouvelles
D ont le fils de* X a n tip p e CT le g ra n d D tm ojlhenes Ces charm âm es fe n u s *ces Jupieers tonnons
E ffrayaient à leur g î t tout le peuple d* A th è n e s . O u to n v i t éclater ta n t de tra its efionnaus *
C e fi cette même ardeur qui donne a u x a u tret A r t s Q ue la N a tu r e mefme en f i s p lus beaux ouvrages
C i qu» m e n te en tu a déa ttir e r nos regards. N f p e u t n o m tn donner que de faibles images »
t futtiu,
Li G i ü ?l Il G I N1 £ ï§
C i f m là q$ta u tr e fo is fa u t Vnfage des y e u x ? ( f t f i l â que i élevoit le H eres de ta noce
D u fie c le s tE to u le C hantre g lo r te u x ComedU • dont tu f iu s la glorteufe trace »
D e c e m m r de fem A r t le t f l u s fie r e z , m yfieros , C efi la q u e n cent fa g e n t fions de fa n tô m es v a in s
E s pr$t de f i t H e r t le t d e v in t ctera£ltrès ; S'apparoifioit â lu y la V ertu des R o m a in s ,
Ce f m la q u 'il fo rm a la vaillance d H t& »r. Q d habile i l en ttra ces v iv a n te s images
L e centrent I A j a x . le ken fient de N e f ie r , Q u i donnent ta n t de pompe à fies d iv in s ouvrages i
U n fie r A gam em non le ccndm te fievere. E t q u 'il relevé encor p a r l ’éclat de fies v e r s ,
E t d » fils de T h etis l'im placable celere ; Deiices de la France & de te u t CXJnévert.
V l y j f e y f n t c m en teûjout t f i g e & p r u d e n t, E n v a in quelques A u te u rs dont la M ufieflerite
T h erfite tou, ours lâche & toujours im pudent. N ‘eû t jam ais rien chanté fiant Homere & V irg ile •
D a n s ce même fiejemr te u t briUant de lum ières P rétendent q u e n n t t jours on fie doit contenter
Oie Cen v o it des objets le t images prem ières . D e v o ir le t A n c ien s & de let im iter »
I lfiç n t tro u ve r encor ta n t de v a rie re z , Q f i j n leurs dettes tr a v a u x fo n t tom es le t Idées
T a n t de f a i t t m erveilleux Jugem ent i n v e n te z , Q u e veut donne le Ciel pour titr e regardées .
Q u e m a ig ri de f i n tem ps Cignorance pro fo n d e, E t que e'efi u n orgueil a u x p lu t ingenreux.
D e fion tem ps trop voifin de l ’enfance d u monde * D e porter a utre p a rt leur efipnt & leurs y e u x ]
M a lg r é de tout fies D ie u x le t dsficours in d é c e n t . Combien fiant le fiecours de ces rares modeüts
S e t red itet fiant f i n . fies contes l* n g m fia n t F u voir-on s'élever p ar des ro m ts nouvelles t
D o n t l'harm onieux fion ne fia t te que Coretllo, Combien de tr a its charm ant fermez dans ces écrits]
E t q u 'il lot fie échapper qua n d fia M u fie jem m etüe. N e d o iven t qu'à toy fieul & leur t t r e & leur p r ix l
E n tout I tt u x on r a d o r e . en tous lie u x fies écrits N o r t o n pas v ù des M o r ts a u x rive s infernales

D u n charme inévita b le enchantent les t f i r t u . fyiilcr de c m btamtSL têtues erigiuales,


1 1 G z ü i i,
JE; f l a ir e 4M.v p im chagrins fa n s redire en fr a n c m
C e qu'un astnaele *-Crec leur f i t dire autrefois i
D e ÏE g lo g u e , en tes is r s , éclate le m e r tte ,
S a m q u 'il en confie rien au fa m e u x T heocrite
Q u i jatuaie ne fi t p la in d re u n am oureux dejiin »
D’un ton f i d é lic a t . f i g a la n t & f i fin ,
f o u r to y , tie n doutons pas >trop het
D es nobles fittio m la Jource efi éten
fourt o y . pour tes égaux . d 'u n im m
U s coule fa n s ctjfe & coulera toù j

fin .

a P A R I :
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