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Pharmacologie des opioïdes


H. Harkouk, F. Pares, K. Daoudi, D. Fletcher

Les opioïdes sont utilisés comme analgésiques en douleur aiguë et chronique. Leur action est médiée par
une interaction avec quatre récepteurs spécifiques. La biologie moléculaire, la physiologie de la nocicep-
tion et la génétique ont permis d’affiner la compréhension de l’interaction opioïde – système nerveux
central et périphérique – et de préciser l’impact du polymorphisme génétique. La pharmacologie clas-
sique permet de classer les différents opioïdes selon la nature de leur interaction avec les récepteurs. Les
nouvelles molécules opioïdes sont rares. En revanche, de nouvelles voies d’administration ont été déve-
loppées comme la voie transmuqueuse sublinguale, transcutanée passive et par iontophorèse. L’action
commune à tous les opioïdes sur le système nerveux central expose les patients à un effet sédatif, un
effet dépresseur respiratoire, une action psychoaffective, une hyperalgésie. Les autres effets secondaires
comprennent les nausées, les vomissements, la constipation, la rétention urinaire, une bronchoconstric-
tion, une dépression de toux. Des antagonistes d’action périphériques offrent une action préventive des
effets digestifs. L’utilisation beaucoup plus large des opioïdes au long cours expose à un accroissement de
l’utilisation inadaptée. Les opioïdes restent une famille d’analgésique de référence utilisée en anesthésie
comme pour le traitement de la douleur aiguë et chronique.
© 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Opioïdes ; Anesthésie ; Douleur aiguë ; Douleur chronique ; Pharmacologie

Plan ■ Utilisation clinique 12


Données générales 12
■ Historique 1 Agonistes opioïdes utilisés pour l’anesthésie 12
Agonistes opioïdes utilisés pour l’analgésie 15
■ Structure générale des opioïdes et classification 1 Antiopioïdes 18
■ Mécanismes et sites d’action des opioïdes 2 ■ Conclusion 19
Famille des récepteurs opioïdes (OR) 2
Récepteur opioïde ␮ 2
Récepteur opioïde ␬, ␦ et NOP 3
Autres effecteurs des opioïdes endogènes 3  Historique
Récepteurs oligomères 3
Endomorphines 3 Les effets de l’opium sont connus probablement depuis plus
Polymorphisme génétique et action des opioïdes 4 de 5000 ans avant J.-C., époque à laquelle les Sumériens culti-
vaient le pavot pour en extraire l’opium à des fins religieuses et
■ Mécanismes de l’analgésie opioïde 7 médicinales. Il faudra attendre 1817 pour l’extraction du prin-
Affinité, efficacité, activité intrinsèque 7 cipe actif de l’opium que l’on nomma morphine en référence au
Mécanismes d’action cellulaire 7 dieu du sommeil, Morphée. La codéine a été isolée de l’opium
Analgésie périphérique et système immunitaire 7 quelques années plus tard. Dans la seconde partie du XIXe siècle,
Désensibilisation, internalisation et séquestration la morphine commença à être utilisée au cours d’interventions
des récepteurs opioïdes 8 chirurgicales durant la guerre entre la France et la Prusse, et pen-
Récepteurs morphiniques périphériques 8 dant la guerre civile américaine. En 1901, le Japonais Katawata
Contrôle de l’analgésie opioïde aux niveaux médullaire injecte de la morphine dans l’espace sous-arachnoïdien. Durant la
et du tronc cérébral 8 première moitié du XXe siècle sont apparus les différents opioïdes
■ Propriétés pharmacodynamiques des agonistes opioïdes 8 [OP] agonistes et agonistes-antagonistes synthétiques comme le
Action sur le système nerveux central 8 N-allyl-norcodéine, la méthadone, la N-allyl-normorphine.
Action respiratoire 11
Action cardiovasculaire 11
Action sur le tube digestif 11  Structure générale des opioïdes
Action sur l’œil 11
Action sur l’appareil urinaire et les voies biliaires 11
et classification
Action sur le fœtus 11 « Opioïde » est le terme utilisé pour définir toute substance
Opioïdes et immunité 12 endogène ou synthétique qui produit des effets semblables à la

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Volume 15 > n◦1 > janvier 2018
36-371-A-10  Pharmacologie des opioïdes

Tableau 1.
Classification des différents opioïdes.

Position 17 N-CH3 Origine de l’opioïde Propriété Activité


Naturels Agonistes purs Forte
Morphine Morphine Morphine
Codéine Fentanyl Fentanyl
Thébaïne Hydromorphone Hydromorphone
Noscapine
HO O OH Semi-synthétiques Agonistes partiels Intermédiaire
Position 3 Position 6 Héroïne Buprénorphine Buprénorphine
Morphine Dérivés de la thébaïne Nalbuphine
Dihydromorphone
Nom de Autres
Radical et position Synthétiques Agoniste-antagonistes Faible
l'opioïde modifications
Benzomorphanes Pentazocine Codéine
3 6 17 Phénylpipéridines Nalbuphine Dextropropoxyphène
(fentanyl et dérivés,
Morphine -OH -OH -CH3 − péthidine, mépéridine)
Héroïne -OCOCH3 -OCOCH3 -CH3
(a) Diphénylpropylamine
Hydromorphone -OH =O -CH3
− (méthadone)
Codéine -OCH3 -OH -CH3
(a) (b) Activité mixte a
Oxycodone -OCH3 =O -CH3
Nalbuphine -OH -OH -CH2 (a) (b) Péthidine
Buprénorphine -OH -OCH3 -CH2 − Tramadol
(a) (b)
Naloxone -OH =O -CH2CH=CH2 Tapentadol
Naltrexone -OH =O -CH2 (a) (b)
a
Activité mixte : un opioïde ayant aussi un autre mécanisme d’action expli-
quant son action analgésique.
Figure 1. Structure de la morphine et des opioïdes dérivés de la mor-
phine.
N terminale

morphine et qui est bloquée par un antagoniste. Le terme « opia- BEC1 BEC2 BEC3
cés », plus ancien, fait référence aux substances morphiniques
synthétiques qui ont une structure non peptidique.
L’opium contient de nombreux alcaloïdes naturels dont la mor-
phine, la codéine, la thébaïne, la noscapine, la papavérine. Cette
dernière est un relaxant des fibres musculaires lisses tandis que les TM TM TM TM TM TM TM
autres possèdent des propriétés analgésiques plus ou moins impor- 1 2 3 4 5 6 7
tantes. La structure de la morphine a été déterminée en 1902.
C’est un dérivé phénanthrène possédant deux anneaux « plans »
et deux anneaux aliphatiques lui donnant une structure en « T ».
Certaines substitutions sur des groupements hydroxylés ou azo-
tés permettent de constituer de nouvelles molécules analogues à BIC1 BIC2 BIC3
la morphine (Fig. 1).
Les opioïdes peuvent être classés en fonction de leur struc-
C terminale
ture chimique. Depuis des années, de nombreux composés
semi-synthétiques (produits par modification chimique de la mor-
phine) et synthétiques ont été produits et étudiés. On peut ainsi Figure 2. Structure récepteur morphinique transmembranaire ; extré-
classer les opioïdes en substances naturelles, semi-synthétiques mités C et N terminales. BIC : boucle intracellulaire ; BEC : boucle
et synthétiques (Tableau 1). Les opioïdes peuvent aussi être clas- extracellulaire ; TM : hélice.
sés en fonction de leur action pharmacologique sur les différents
récepteurs : agonistes purs, agonistes faibles, agonistes partiels
et agonistes-antagonistes, et leur activité plus ou moins forte [M pour morphine], MOR [mu opioid receptor], ou OP3 [récepteur
(Tableau 1). opioïde ␮]), ␦ (aussi appelé delta, DOP [D pour canal déférent] ou
OP1 ), ␬ (aussi appelé kappa, KOP [K pour kétocyclazocine], KOR
or OP2 ) et un quatrième récepteur ORL-1 (opioid receptor like 1)
 Mécanismes et sites d’action (aussi appelé NOP [nociceptin opioid receptor], N/OFQ [nociceptine
ou orphanine FQ ligand du récepteur ORL1 ] ou OP1 ) (Tableau 2).
des opioïdes Ces récepteurs sont activés par des ligands peptidiques endogènes.
Une information actualisée sur la pharmacologie de ces récep-
Famille des récepteurs opioïdes (OR) teurs peut être obtenue sur le site de l’International Union of
La définition des récepteurs opioïdes est restée pharmacolo- Basic and Clinical Pharmacology (IUPHAR). Les quatre récepteurs
gique jusqu’en 1992 grâce à l’utilisation de ligands à grande sont largement distribués dans le système nerveux central (SNC)
affinité. Puis, quatre équipes ont réalisé chez le rat ou la souris et périphérique ainsi que dans des cellules endocrines et immuni-
le clonage des récepteurs ␦ [1] , ␬ [2] puis ␮ [3] . La pharmacolo- taires, d’où des actions physiologiques très variées.
gie des opioïdes s’appuie maintenant sur les données de clonage
et de structure moléculaire obtenues à propos de ces récepteurs
opioïdes [4] . Les récepteurs opioïdes font partie de la famille
Récepteur opioïde ␮
des récepteurs liés à une protéine G. Ils ont tous une partie C- Chez l’animal, le récepteur ␮ est identifié clairement comme le
terminale intracellulaire et N-terminale extracellulaire avec sept récepteur impliqué dans l’effet analgésique des opioïdes. Chez la
domaines transmembranaires (Fig. 2). La famille de récepteurs souris knock-out pour le récepteur ␮ après délétion de l’Exon 2,
opioïdes comprend quatre membres : ␮ (aussi appelé mu, MOP l’effet analgésique de la morphine-6-glucuronide (M6G) est

2 EMC - Anesthésie-Réanimation
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totalement supprimé [5] . Néanmoins, les souris knock-out avec teur ␮ comme par l’externalisation du récepteur ␦ après activation
délétion de l’Exon 1 ont un phénotype légèrement différent avec du récepteur ␮ [8] . Ce trafic du récepteur ␦ des structures intra-
un maintien de l’effet analgésique de M6G et de l’héroïne [6] . cellulaires vers la membrane neuronale et réciproquement peut
Des études utilisant des oligonucléotides antisens ont permis permettre d’envisager une nouvelle approche du contrôle de la
d’observer la grande hétérogénéité des récepteurs ␮, résultat de douleur [8] . Dans le cas des récepteurs NOP, leur activation inhibe
l’épissage alternatif de l’ARN (acide ribonucléique) transcrit [4] . l’effet analgésique lié à l’activation des récepteurs opioïdes fai-
Lors de cet épissage, les introns (séquences internes non codantes) sant considérer le système du récepteur NOP comme un système
de l’ARN messager initial du gène complet ou ARN prémessa- antiopioïde [9] . Cette interaction peut expliquer la limitation de
ger sont supprimés pour ne garder que les exons (séquences l’effet analgésique de la buprénorphine via le récepteur ␮ [10] . Le
codantes). Différentes combinaisons d’exons peuvent être pro- Tableau 3 offre un résumé de l’action des différents récepteurs
duites, conduisant à différentes protéines à partir d’un même opioïdes sur l’analgésie.
gène. Ainsi, 25 variants ou sous-types ont été identifiés à partir
du gène de la souris, huit chez le rat et 11 pour le gène humain.
Il existe une conservation interespèce limitée avec des différences
Autres effecteurs des opioïdes endogènes
importantes entre les humains et les rongeurs, et entre le rat et la Il semble que les opioïdes endogènes aient des effecteurs
souris. Il existe encore un débat sur l’importance fonctionnelle différents des récepteurs opioïdes classiques [11] . Ainsi, les récep-
de ces sous-types de récepteur résultant de l’épissage alterna- teurs N-méthyl D aspartate (NMDA) peuvent être modulés par
tif mais il est possible que l’activation combinée de différents la dynorphine. La Met-enképhaline a été qualifiée de facteur
variants du récepteur ␮ explique des différences subtiles entre de croissance opioïde agissant sur des tissus neuronaux et non
les différents opioïdes observées sur l’efficacité comme la tolé- neuronaux pour réguler le développement, le renouvellement cel-
rance [4] . L’identification récente d’un isoforme du récepteur ␮ à lulaire, l’angiogenèse, la cicatrisation et l’action antitumorale [12] .
six domaines transmembranaires ayant des propriétés excitatrices Le récepteur au facteur de croissance opioïde, présent sur les
fait évoquer la possibilité d’une pharmacologie nouvelle du récep- neurones et la glie, n’a aucune homologie avec les récepteurs
teur mu basée sur la modulation de cette activité excitatrice [7] . opioïdes classiques. L’importance fonctionnelle de ce récepteur
pour l’analgésie opioïde reste encore à définir précisément.
Récepteur opioïde ␬, ␦ et NOP
Récepteurs oligomères
Le récepteur ␮ est le médiateur principal de l’action des opioïdes
alors que les récepteurs ␬ et ␦ n’agissent qu’indirectement ou En dehors des récepteurs opioïdes classiques, il existe des homo-
directement sur la nociception en modulant l’action sur le récep- ou hétéro-oligomères de récepteurs, ce qui peut influencer leur
pharmacologie et les signaux cellulaires induits par leur acti-
vation [13] . La fréquence des oligomères de récepteurs et leur
Tableau 2. importance fonctionnelle restent encore à préciser [14] . On peut
Différentes classifications des récepteurs opioïdes. néanmoins noter qu’il existe des interactions entre le récepteur ␮
Pharmacologie Association internationale Biologie IUPHAR et d’autres récepteurs liés à la protéine G comme le récepteur CB1
classique de pharmacologie (IUPHAR) révisée ou ␣2a. La pharmacologie précise de ces oligorécepteurs n’est pas
encore définie mais constitue certainement une aire nouvelle de
␦ OP1 DOR DOP la pharmacologie des récepteurs opioïdes. On peut en effet ima-
␬ OP2 KOR KOP giner une définition différente de la cible de futurs opioïdes. On
␮ OP3 MOR MOP peut ainsi évoquer la piste de produits ayant une action bivalente
ORL1 OP4 NOR NOP sur les récepteurs ␮ et ␦ qui représente une piste pharmacolo-
gique intéressante pour obtenir une analgésie sans certains effets
DOP : récepteur opioïde ␦, D pour canal déférent ; DOR : delta opioid receptor, secondaires comme la tolérance [15] .
récepteur opioïde ␦ ; KOP : récepteur opioïde ␬, K pour kétocyclazocine ; KOR :
kappa opioid receptor, récepteur opioïde ␬ ; MOP : récepteur opioïde ␮, M pour
morphine ; MOR : mu opioid receptor, récepteur opioïde ␮ ; NOP : nociceptin opioid Endomorphines
receptor, récepteur à la nociceptine ; OP1 : récepteur opioïde ␦ ; OP2 : récepteur
opioïde ␬ ; OP3 : récepteur opioïde ␮ ; OP4 : récepteur opioïde ORL1 ; ORL1 : Près d’une trentaine de peptides opioïdes endogènes ou
opioid receptor like type 1. endomorphines activent les récepteurs opioïdes classiques ␮,

Tableau 3.
Action des récepteurs opioïdes sur l’analgésie a .
Récepteur Actions agonistes Action antagoniste/KO
␮ Analgésie (Sys, ICV, IT) efficacité dans la majorité des modèles de Hyperalgésie (KO)
douleur inflammatoire Aversion (antagoniste Sys, ICV) b
Dépression respiratoire, constipation, récompense, perturbation du Récompense réduite liée à l’alcool, THC et nicotine (KO) b
système immunitaire, augmentation de la locomotion a Réduction du comportement d’attachement (KO) b
␦ Analgésie, mais faible ou absente sauf externalisation induite (par Hyperalgésie dans les modèles de douleur inflammatoire
morphine ou inflammation) chronique (KO)
Convulsions, antidépresseur/anxiolytique, altération de la mobilité Moins de tolérance à l’analgésie morphinique (KO)
intestinale a Anxiété accrue, consommation d’alcool et dépression (KO) b
␬ Analgésie faible, effets hallucinogène et catatonique potentiels Antagoniste bloque l’analgésie liée au stress
Effet aversif, catatonie, hallucinations, hyperthermie a Augmentation de la sensibilité à une douleur viscérale
chimique (KO)
Blocage de l’immobilité liée au stress (KO) b
ORL1 Bloque l’analgésie opioïde et celle liée au stress (ICV) Hyperalgésie à la suite d’une stimulation nociceptive
Analgésique (IT) chronique (KO)
Anxiolytique ; altération de la mémoire et de l’apprentissage (KO) b Réponses adaptatives auditives, mémorisation et
apprentissage augmentés ; effet antidépresseur (KO) b

Sys : administration systémique ; IT : administration intrathécale ; ICV : administration intra-cérébro-ventriculaire ; KO : un phénotype fiable de souris avec un récepteur
inactivé ; THC : tétrahydrocannabinol.
a
Les informations sont tirées de données obtenues chez les rongeurs. Informations complémentaires sur le site web de l’Association internationale de pharmacologie
clinique et fondamentale.
b
Effets qui peuvent être considérés comme des effets secondaires, mais qui peuvent interagir avec le processus nociceptif.

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Orphanine Figure 3. Précurseurs du système opioïde


endogène. ACTH : adrenotropic hormone ; LPH :
lipotropic hormone ; MSH : melanocyte stimulating
hormone ; CLIP : corticotropin-like intermediate
peptide.
Proorphanine Nocistatine Orphanine-2

110-127 nociceptine MPRVRSLFQEQEEPEPGMEEAGEMEQKQLQ


130-146 orphanine FQFGGFTGARKSARKLANQ
149-165 orphanine-2 FSEFMRQYLVLSMQSSQ

A-mésendorphine dynorphine A
Prodynorphine

Dynorphine B
Peptide F Octapeptide Heptapeptide
Proenképhaline

Proopiomélanocortine

Leu-enképhaline γ-MSH β-MSH


α-MSH CLIP
Met-enképhaline γ-LPH β-endorphine
ACTH β-LPH

␬, ␦ [16] . Ces endomorphines découlent toutes de trois pré- Tableau 4.


curseurs protéiques : la proenképhaline, la prodynorphine, la Affinité des endomorphines pour les différents récepteurs a .
pro-opiomélanocortine (POMC) (Fig. 3). Le ligand peptidique ␮ ␦ ␬ ORL1
du récepteur NOP a un précurseur différent : la pro-orphanine
FQ ou pronociceptine. Ces précurseurs sont ainsi composés de ␤-endorphines +++ +++ +++ –
chaînes d’acides aminés plus longues et activés par hydrolyse. Leu-enképhaline + +++ – –
Ces différents peptides ont une sélectivité particulière pour les Met-enképhaline ++ +++ – –
différents récepteurs opioïdes qui est résumée dans le Tableau 4. Dynorphine ++ + +++ –
Chaque précurseur donne naissance à des peptides avec une affi-
Orphanine FQ/nociceptine – – – +++
nité pour les trois récepteurs opioïdes classiques [16] . Il existe
néanmoins un débat sur la question de savoir si la morphine ORL1 : opioid receptor like type 1.
et les endomorphines sont des ligands des récepteurs opioïdes a
Affinité/faible + ; moyenne ++ ; forte +++. Pas d’affinité.
chez les mammifères [17] . Pour la morphine endogène, des don-
nées semblent suggérer un rôle réel, même si un questionnement
persiste sur les possibilités de stockage et la régulation de l’activité avec désensibilisation du récepteur ␮, peut aussi avoir des variants.
étant donné les possibilités limitées de la morphine pour traver- Ainsi, il a été observé chez les patients cancéreux une associa-
ser les membranes cellulaires [18] . Dans le cas des endomorphines, tion entre un variant du gène de la ␤-arrestine et une tolérance
aucune voie de synthèse n’a été identifiée, quelle que soit la médiocre à la morphine nécessitant des rotations opioïdes.
technique, et beaucoup de travaux antérieurs reposaient sur des
identifications par anticorps de spécificité discutable. Les rôles
physiologiques décrits pour les endorphines sont très nombreux, Cytochrome
touchant le système nerveux mais également les systèmes cardio-
vasculaire, digestif et respiratoire [19] . Le cytochrome (CYP) fait partie d’une superfamille d’enzymes
hépatiques de phase I, avec six sous-classes. Le CYP2D6 présente
un intérêt particulier puisqu’il intervient dans le métabolisme
Polymorphisme génétique et action d’une centaine de médicaments, et que le gène codant cet enzyme
est hautement polymorphique, avec un nombre considérable
des opioïdes d’allèles différents. Il en résulte une activité enzymatique qui
Il apparaît clairement que plusieurs polymorphismes géné- varie de 1 à 200 %. Chaque individu peut ainsi être classé en
tiques contribuent à moduler la nociception et la réponse « métaboliseur rapide », « ultrarapide », « normal » ou « lent ».
antinociceptive aux morphiniques. On peut envisager ce poly- Le CYP2D6 (spartéine/débrisoquine-oxygénase) est absent chez 7
morphisme sur les transporteurs, le métabolisme et les récepteurs à 10 % de la population caucasienne, ce qui rend la conversion
cibles des opioïdes [20–26] (Tableau 5). de la codéine en morphine par O-déméthylation impossible. Il
apparaît donc clairement qu’il serait utile de connaître le profil
génétique de tout individu avant de prescrire la codéine [29] . L’effet
Transporteurs P-glycoprotéine thérapeutique du tramadol est également modulé par le métabo-
Ces transporteurs permettent un transport actif hors de la cel- lisme du CYP2D6 puisqu’une partie de l’effet analgésique dépend
lule pour la morphine, le fentanyl, le tramadol [20] . Certaines du métabolite actif du tramadol formé par O-déméthylation via
mutations sont associées avec une modification des taux des le CYP2D6 [29, 30] . L’influence du génotype du CYP2D6 sur l’effet
opioïdes dans le liquide cérébrospinal (LCS), le plasma ou une inci- d’autres opiacés, tels que l’oxycodone ou l’hydroxycodone, n’est
dence différente des effets secondaires [27, 28] . La ␤-arrestine, qui pas encore totalement élucidée mais paraît également être fonc-
permet une régulation en cas d’exposition prolongée aux opioïdes tion du profil génétique du CYP2D6 [29, 31, 32] .

4 EMC - Anesthésie-Réanimation
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Tableau 5.
Principaux impacts du polymorphisme génétique sur la pharmacocinétique et pharmacodynamique des opioïdes chez l’homme.
Gène Variant Opioïde Pharmacocinétique Pharmacodynamique
Transporteurs
MDR-1 (P-gp) 3435C<T2677G<T/A Morphine Concentration dans le LCS Tendance à utiliser plus de morphine si 3435CT et
plus élevée quand 3435TT [22]
3435TT [21]
G2677T/A Morphine Étude en douleur postopératoire (228 patients) ; pas de
différence en intensité douloureuse
Fentanyl Plus d’effets secondaires si 2677TT et 3435TT
Tramadol Tendance à Cmax et
AUC0-24 plus élevée quand
3435CT et 3435TT
ABCB1
C3435T Morphine Étude clinique (137 patients cancérologie) ; douleur
plus élevée [21]
C-129T, C139T, C1236T, Morphine Étude clinique (28 patients cancérologie) ; pas de
C3435T et G2677T/A différence sur la douleur
rs1045642 Morphine, oxycodone Étude clinique (2294 patients cancérologie) ; pas de
et fentanyl différence sur les analgésiques
Métabolisme des enzymes de phase 1
CYP2D6 Métaboliseur lent Codéine Limitation du métabolisme Réponse analgésique insignifiante, pas d’effet
(homozygote pour allèle de la codéine en morphine respiratoire, pupillaire
nul ayant un produit
génique non fonctionnel)
Tramadol Limitation du métabolisme Moins d’effet opioïdergique, consommation
du tramadol en M1 analgésique accrue
Oxycodone Limitation du métabolisme
en oxymorphone
Métaboliseur ultrarapide Codéine Formation accrue de Effet opioïdergique accru, effets secondaires majorés
(allèle dupliqué) morphine
Oxycodone Analgésie et ES majorés
CYP3A CYP3A5*3/CYP3A4*1G Fentanyl Étude postopératoire (203 patients) : pas de différence
sur la douleur
Métabolisme des enzymes de phase 2
UGT2B7 79G>T Morphine, M3G, M6G Tendance ratio M6G/M et Réponse analgésique insignifiante, pas d’effet
M3G/M plus bas chez respiratoire, pupillaire
hétérozygote
161C>T Morphine, M3G, M6G Moins d’effet opioïdergique, consommation
Ratio M6G/M et taux analgésique accrue
morphine plus bas chez T/T
M6G et M3G plasmatique
plus bas chez C/C
COMT 472G>A Morphine Seuil douloureux plus bas si génotype Met/Met.
Diminution des besoins en morphine pour Met/met
versus Met/Val et Val/Val
4873G Morphine Réduction des nausées et vomissements
G1947A Morphine Étude (102 patients) : réduction dose morphine,
sédation et nausée
rs4680 Morphine, oxycodone Étude (2294 patients cancérologie) : pas de différence
et fentanyl en analgésique
Récepteurs
MOR OPRM1 118A>G Morphine Réduction de l’effet analgésique si allèle G ; utilisation
accrue de la morphine si 118G
M6G Effet analgésique réduit pour 118G
Alfentanil Concentration plasmatique pour analgésie et
dépression respiratoire respectivement plus élevée de
2-4 et 10-12
OPRM1 A118G Morphine Étude (102 patients) : réduction utilisation morphine,
sédation et nausée. Augmentation non significative
des besoins en morphine postopératoire G118>A118
Étude (120 patients) : augmentation des besoins en
morphine G118>A118
Étude (588 patients) : augmentation de la douleur et
des NVPO [22]
Étude (207 patients cancérologie) : augmentation des
besoins analgésiques si A118G [23]
Étude (137 patients cancérologie) : réduction des
besoins analgésiques [21]

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Tableau 5.
(suite) Principaux impacts du polymorphisme génétique sur la pharmacocinétique et pharmacodynamique des opioïdes chez l’homme.
Gène Variant Opioïde Pharmacocinétique Pharmacodynamique
OPRM1 A118G Fentanyl Étude (189 patients) : augmentation des besoins
analgésiques sans différence sur NVPO [25]
OPRM1 A118G Tramadol Étude clinique (160 patients) : réduction NVPO [25]
OPRM1 rs1799971 Morphine, oxycodone Étude (2294 patients cancérologie) : pas de différence
et fentanyl sur besoin analgésique [26]
Récepteur Mc1R R151C ; R160W ; D294H Morphine Augmentation de l’efficacité analgésique chez les
porteurs de deux variants inactifs ou plus
M6G Augmentation de l’efficacité analgésique chez les
porteurs de deux variants inactifs ou plus

COMT : catéchol-O-méthyltransférase ; CYP2D6 : cytochrome P2D6 ; ES : effets secondaires ; LCS : liquide cérébrospinal ; M3G : morphine-3-glucuronide ; M6G :
morphine-6-glucuronide ; Mc1R : récepteur 1 de la mélanocortine ; P-gp : transporteurs P-glycoprotéine ; Cmax : concentration plasmatique maximale ; AUC : aire sous la
courbe.

Gène de la cathéchol-O-méthyltransférase (COMT) toires. En effet, plusieurs petites séries étudiant la toxicité de la
Le gène de la COMT code une enzyme de phase II impliquée morphine-6-glucuronide (M6G), un métabolite actif de la mor-
dans le métabolisme de la dopamine et de la norépinéphrine. La phine, en fonction du génotype du récepteur ␮ ont démontré
variante Val158Met du gène COMT est associée avec une réduc- que les porteurs de la variante G118 avaient une réponse cli-
tion d’un facteur 3-4 de l’activité enzymatique de la COMT. La nique réduite [40] , un effet analgésique moindre après morphine
neurotransmission médiée par le récepteur ␮ est typiquement acti- orale sans protection contre la survenue d’une dépression res-
vée en réponse à une stimulation douloureuse prolongée. Elle piratoire [41] , ou une protection accrue contre l’effet toxique de
est sous l’influence de l’activité de la COMT. Les sujets homo- M6G [42] . Ces résultats chez l’homme vont à l’encontre de ce qui
zygotes pour Met158 ont l’activité enzymatique de la COMT la serait attendu si l’affinité de liaison à l’opiacé était réellement aug-
plus faible, ce qui a, entre autres, comme conséquence une réduc- mentée en présence de l’allèle variant G118, ainsi que le suggèrent
tion régionale du contenu neuronal en enképhaline qui pourrait les résultats de Bond et al. [38] . Une étude française récente s’est
conduire à une diminution de l’analgésie endogène avec une penchée sur l’effet de plusieurs gènes candidats sur les besoins
perception douloureuse accru [29] . Comme ce génotype est fré- en morphine dans le contexte postopératoire aigu [43] . Dans cette
quent (32 %), ce SNP (single nucleotide polymorphism) intervient étude portant sur 74 cas après chirurgie colorectale, le polymor-
dans la variabilité interindividuelle de la perception douloureuse. phisme A118G du récepteur ␮ ne semblait pas affecter les doses
De plus, un effet pharmacogénétique de ce SNP a été démontré de morphine administrées ; toutefois, le nombre de sujets portant
dans le cadre du traitement de douleurs chroniques par morphine l’allèle G118 était trop faible pour pouvoir tirer des conclusions
orale chez des patients cancéreux. En effet, les patients porteurs fermes. Deux études évaluant la consommation de morphine
de l’allèle Met138 requéraient moins de morphine que les sujets postopératoire par AAC (analgésie autocontrôlée par le patient)
homozygotes pour Val158 [20, 29] . Cet effet apparemment contra- intraveineuse dans le contexte gynécologique et orthopédique ont
dictoire et « bidirectionnel » du polymorphisme Val138Met est conclu que les sujets homozygotes portant l’allèle variant (G118)
probablement dû au fait qu’en présence d’une activité réduite de avaient des besoins accrus en morphine [44, 45] . Dans le contexte
la COMT, comme c’est le cas chez les sujets homozygotes pour de douleurs chroniques, une étude a démontré une prévalence
Met158, il se produit une augmentation compensatoire de la den- moindre de l’allèle G118 parmi des patients cancéreux doulou-
sité des récepteurs ␮ (up-regulation), ce qui expliquerait l’efficacité reux en comparaison avec un groupe contrôle [46] . Il n’y avait
accrue de la morphine chez les sujets présentant ce génotype [29] . en revanche pas de différence dans la consommation de mor-
Ainsi, les sujets porteurs de l’allèle variant Met158, bien que phine parmi les sujets traités chroniquement par morphine entre
présentant un seuil de tolérance à la douleur abaissé, ont une ceux portant l’allèle G118 et les autres. De nombreuses études
meilleure réponse à la morphine lorsqu’un traitement est instauré. sont donc encore nécessaires pour apprécier toute l’étendue de
Au vu de la prévalence élevée de l’allèle variant Met158 et du rôle l’influence du polymorphisme A118G du MOR sur l’effet des opia-
clé de l’activité de la COMT dans la perception de la douleur, ce cés, en évaluant également tous les modes d’administration, dans
polymorphisme est la cible de nombreuses études génétiques sur toutes les situations cliniques douloureuses. Les méta-analyses
les différences interindividuelles dans l’adaptation et la réponse à récentes sur les conséquences chez l’homme du polymorphisme
la douleur et à d’autres stimuli stressants. En témoigne une étude du récepteur ␮ ne retrouvent qu’une signification clinique limitée
publiée qui a analysé les effets conjoints du SNP Val158Met de ne suggérant pas pour l’instant la possibilité d’une personnalisa-
la COMT et du SNP A118G du gène codant le récepteur ␮ [33] . Il tion des approches thérapeutiques sur des bases génétiques [47–49] .
semble également que l’activité de la COMT pourrait jouer un rôle
dans le développement de douleurs chroniques chez les individus
à risque [34] .
Autres gènes dont le polymorphisme impacte
l’effet des opioïdes
Récepteur ␮ Des études sur des souris knock-out ont permis d’identifier un
La notion de multiples formes du récepteur ␮ a été évoquée sur gène qui semble affecter la perception de la douleur. Ce gène du
des bases pharmacologiques depuis plus de 25 ans [35] . Le gène récepteur 1 de la mélanocortine (Mc1R) détermine la couleur de la
codant le récepteur ␮ humain a été cloné en 1993 [36] . Depuis, de peau et des cheveux, et est responsable du phénotype des « roux »
nombreux polymorphismes ont été identifiés sur ce gène, dont (peau pâle avec taches de rousseur) et semble inhiber la douleur
deux sont relativement prévalents [37, 38] . L’intérêt particulier du exclusivement chez des souris femelles et non chez les mâles [50] .
polymorphisme A118G réside dans le fait que la variante G118 Mogil et al. ont déterminé dans une étude chez l’humain que le
est, d’une part, relativement fréquente dans la population (2 à polymorphisme du Mc1R augmentait effectivement la réponse à
40 % selon l’ethnie) [39] et qu’elle semble augmenter substan- la péthidine (un agoniste ␬) chez des femmes rousses uniquement,
tiellement l’affinité de liaison, en tout cas in vitro, du récepteur indiquant que ce gène a un rôle inattendu dans la modulation des
variant à la ␤-endorphine [29, 38] . En revanche, il n’y a encore voies ␬-spécifiques chez la femme [50] .
à ce jour que relativement peu d’études cliniques examinant Dans une vaste enquête génétique de type genomic wide asso-
l’effet du polymorphisme A118G sur la perception douloureuse ciation study, il a été observé qu’un polymorphisme spécifique
(nociception de base), la réponse aux morphiniques ou même (rs2952768) proche du gène CREB1 était associé à des besoins
l’incidence de douleurs chroniques de type neuropathique ; de accrus en analgésique opioïde et une moindre exposition à la
plus, certaines de ces études présentent des résultats contradic- dépendance [51] .

6 EMC - Anesthésie-Réanimation
Pharmacologie des opioïdes  36-371-A-10

Récepteur Figure 4. Actions des opioïdes au niveau cel-


opioïde m lulaire. AMPc : acide monophosphorique
cyclique ; PKA : protein kinase AMPc-
Gi/o dépendante ; CREB : cAMP response element
Morphine binding protein ; Ca : calcium ; Na : sodium ; K :
potassium.
Ca2+
Neurotransmetteurs
Morphine K+
Récepteur
opioïde m
Adénylate
cyclase Gi/o

Na+
Membrane AMPc
cellulaire Excitabilité
électrique

Régulation de
PKA nombreux processus
Cytoplasme
cellulaires

CREB
Expression
du gène altéré
Noyau

Interaction entre génétique et environnement la propriété qui permet au ligand une fois lié au récepteur de
produire une réponse. Cette efficacité varie sans doute selon les
Une étude intéressante réalisée chez des jumeaux a permis
conditions d’interaction et les conséquences de cette interaction
d’analyser la part environnementale et génétique expliquant les
ligand-récepteur. L’activité intrinsèque qui permet de classer les
variations de réponses à des stimuli douloureux expérimentaux
ligands en agonistes pur, partiel, antagoniste neutre ou agoniste
(chaud, froid) [52] . Cette étude démontrait que les éléments géné-
inverse fait référence à l’effet maximal (Emax ) d’un ligand donné
tiques expliquaient 12 à 60 % de la variance et les facteurs
dans un système donné. Les agonistes purs ne développent pas
familiaux environnementaux 24 à 32 %. L’impact des éléments
tous la même activité intrinsèque. Ainsi le fentanyl et ses dérivés
génétiques variant selon les modalités de stimulation nociceptive.
ont une occupation fractionnelle de récepteurs plus faible que
Le sexe est aussi un facteur qui modifie l’utilisation des opioïdes.
la morphine expliquant que la morphine soit un agoniste pur à
Une méta-analyse a montré une efficacité supérieure des opioïdes
plus faible puissance d’action que le fentanyl et ses dérivés [56] .
chez la femme, ce d’autant qu’on utilise la morphine et l’analgésie
Il semble par ailleurs que l’interaction ligand-récepteur puisse
autocontrôlée [53] . Cette différence ne justifie pas de stratégie anal-
être plus complexe que la simple reproduction d’une activité
gésique spécifique liée au sexe. Les mécanismes de ces différences
intrinsèque [55] .
liées au sexe sont multiples, associant des facteurs génétiques,
biologiques (hormonaux, neurophysiologiques), psychologiques
mais également environnementaux (culturels, sociologiques) [54] . Mécanismes d’action cellulaire
Les conséquences de l’interaction entre les opioïdes et les
récepteurs sont complexes et ont été abordées dans des revues

“ Point fort dédiées [57] . Les récepteurs opioïdes font partie de la famille des
protéines G de type Gi/o . Ainsi, ils inhibent l’adénylate cyclase
et donc le contenu intracellulaire en acide monophosphorique
cyclique (AMPc), ils permettent l’ouverture de canaux potas-
La biologie moléculaire, la physiologie de la nociception siques entraînant une hyperpolarisation cellulaire au niveau
et la génétique ont permis d’affiner la compréhension de postsynaptique et inhibent l’ouverture de canaux calciques
l’interaction opioïde – système nerveux central et péri- voltage-dépendants, réduisant la libération de neurotransmet-
phérique – et de préciser l’impact du polymorphisme teurs au niveau présynaptique. L’ensemble de ces effets conduit à
génétique. une réduction de l’excitabilité neuronale (Fig. 4). Les récepteurs
opioïdes peuvent se coupler à de multiples systèmes de seconds
messagers comme les MAP (mitogen-activated protein) kinases,
ou la cascade de la phospholipase C induisant la formation
 Mécanismes de l’analgésie d’inositol triphosphate et de diacylglycérol. Malgré le nombre
réduit de récepteurs par rapport au nombre potentiel d’agoniste,
opioïde la diversité de la réponse repose sans doute sur des éléments
comme le polymorphisme des récepteurs, la durée de l’action, les
Affinité, efficacité, activité intrinsèque interactions avec des complexes de récepteurs, les caractéristiques
Comme toute substance agissant sur un récepteur, les opioïdes de l’activation intracellulaire et le trafic intracellulaire de ces
se définissent par une affinité et une efficacité [55] . L’affinité d’une récepteurs.
substance pour un récepteur caractérise la facilité avec laquelle
cette substance se fixe sur son site récepteur spécifique. L’affinité Analgésie périphérique et système
des opioïdes vis-à-vis du récepteur ␮ détermine leur demi-vie de
dissociation. Par exemple, le sufentanil qui a une affinité 16 fois
immunitaire
plus élevée que le fentanyl a également une demi-vie de dissocia- Il apparaît que tous les précurseurs des opioïdes et de
tion plus longue (25 min contre 1,2 min). L’efficacité représente l’orphanin-FQ sont exprimés dans les cellules du système

EMC - Anesthésie-Réanimation 7
36-371-A-10  Pharmacologie des opioïdes

Ganglion
rachidien Cortex
Opioïdes
M ± +
Peptide
opioïde endogène
Thamalus + PAG ± Hypothalamus
Corne dorsale de
la moelle épinière Opioïdes
Récepteur Substance P + +
opioïde ou CGRP
Interleukine 1
Opioïde + NRPG + NRM Faisceau LC
exogène Récepteur dorsolatéral
L interleukine 1 Noradrénaline
− − –
5HT Enképhalines

Neurone afférent
Figure 5. Analgésie morphinique périphérique. L : lymphocyte ; M : Corne dorsale nociceptif
macrophage ; CGRP : calcitonin gene-related peptide.

immunitaire. Les dérivés de la POMC et de la proenképhaline



ont été les plus étudiés. Une expression de POMC a été identi-
fiée dans les leucocytes d’une large variété d’espèce [58] . Les ARNm
Opioïdes –
de la préproenképhaline et les enzymes nécessaires pour la trans-
Périphérie
formation post-traduction sont présents dans les lymphocytes T
et B, macrophages et mastocytes de mammifères [59] . Ces peptides Figure 6. Sites d’action des opioïdes au niveau des voies de la douleur.
opioïdes dérivés du système immunitaire semblent jouer un rôle + : effet activateur ; – : effet inhibiteur ; ± : effet bidirectionnel activateur ou
important dans la cas d’une douleur inflammatoire [58] . inhibiteur. LC : locus coeruleus ; NRM : noyau du raphé magnus ; NRPG :
nucleus reticularis paragigantocellularis ; PAG : periaqueductal grey matter ;
5HT : sérotonine.
Désensibilisation, internalisation
et séquestration des récepteurs opioïdes
III-IV [65, 66] . La plupart de ces interneurones exprimant le récep-
Les mécanismes sont complexes, impliquant les récepteurs teurs ␮ n’expriment pas le récepteur GABA et sont donc considérés
(désensibilisation, internalisation), des mécanismes intracellu- comme excitateurs [67] . L’activation du récepteur ␮ doit inhiber ces
laires et l’activation de systèmes pronociceptifs [60] . La tolérance cellules et bloquer ainsi le passage de l’information nociceptive
aiguë aux opioïdes fait appel à des phénomènes de phosphory- dans la voie polysynaptique. Le récepteur ORL1 présent dans la
lation des récepteurs ␮ et ␬ par la protéine kinase C, protéine moelle semble avoir des interactions complexes avec son ligand,
kinase A, et kinase récepteur ␤-adrénergique [60] . Comme d’autres le OFQ/N, qui est proalgésique à faible dose [68] et analgésique à
récepteurs liés à une protéine G, les récepteurs ␮ et ␦ peuvent forte dose [69] . La libération d’opioïdes dans la moelle épinière est
subir une endocytose ; en revanche, le récepteur ␬ ne subit pas la dernière étape d’une série de circuits neuronaux qui modulent le
d’endocytose. Cette endocytose suit des voies différentes pour les message nociceptif. Les opioïdes interviennent à tous les niveaux.
deux récepteurs et dépend du type d’agoniste. Cette internalisa- Le système le plus étudié est la voie descendante liant le noyau du
tion intervient après la phosphorylation en facilitant l’interaction raphé magnus (NRM), la substance grise périaqueducale (SGPA)
avec les ␤-arrestines. et la corne dorsale (Fig. 6) [70, 71] . Une analgésie, médiée par les
opioïdes, est obtenue en stimulant le NRM [72] ou la SGPA [73] . Une
régulation adrénergique et sérotoninergique est associée sans que
Récepteurs morphiniques périphériques l’on puisse clairement définir le rôle des deux types de régulation.
La SGPA active le NRM par des neurones libérant des acides ami-
Les récepteurs opioïdes synthétisés dans le ganglion de la racine nés neuroexcitateurs. Le NRM possèdent des cellules ON et OFF
dorsale peuvent être activés par des opioïdes dérivés du sys- qui respectivement facilitent et inhibent le message nociceptif au
tème immunitaire. En effet, en cas d’inflammation, la fonction niveau médullaire [70, 71] .
périphérique des récepteurs opioïdes augmente du fait d’une aug-
mentation du transport axonal vers la périphérie [58] , d’un pH
élevé [61] et d’un développement d’afférences primaires dans les
tissus inflammatoires [62] . L’accès des ligands opioïdes aux récep-
teurs opioïdes est donc accru en cas d’inflammation des tissus, ce
 Propriétés
qui constitue dans ce cas un premier niveau de modulation du pharmacodynamiques
massage nociceptif. Les récepteurs opioïdes sont aussi présents au
niveau du ganglion rachidien avec possibilité de migration vers des agonistes opioïdes
les terminaisons périphériques et centrales des neurones afférents
primaires (Fig. 5). Sur les fibres afférentes primaires (A␦ et C) du Action sur le système nerveux central
rat on retrouve 20 % de récepteurs ␮, 15 % de récepteurs ␦ et 10 % Analgésie
de récepteurs ␬ [63] .
Les mécanismes cellulaires de cette action analgésique ont
déjà été évoqués supra. L’analgésie procurée par les opioïdes est
Contrôle de l’analgésie opioïde aux niveaux intense, constante et dose-dépendante. Elle existe pour les dou-
médullaire et du tronc cérébral leurs par excès de nociception mais également pour les douleurs
neuropathiques. L’action est indépendante de l’existence d’une
Les quatre types de récepteurs opioïdes sont présents sur les neu- inflammation et se traduit par une élévation du seuil nocicep-
rones de la moelle épinière. Il existe donc une action spinale des tif, quelle que soit la stimulation utilisée. On classe les opioïdes
opioïdes [64] . Les récepteurs ␮ sont exprimés dans la couche 2 de en fonction de leur effet analgésique maximal en agoniste pur
Rexed, avec des neurones ayant des dendrites orientées en direc- ayant un effet élevé et les agonistes partiels ayant un effet maximal
tion rostrocaudale et des axones projetant dans les couches I ou moins important.

8 EMC - Anesthésie-Réanimation
Pharmacologie des opioïdes  36-371-A-10

Inflammation Figure 7. Mécanismes de l’hyperalgésie opioïde ;


Morphinique rôle du récepteur NMDA. COX-2 : cyclo-
oxygénase 2 ; R␮ : récepteur opioïde ␮ ; PKC :
protéine kinase C ; Ca2+ : calcium.
+ Glutamate
+
+ +
Rµ PKC R-NMDA Introduction de COx-2

Ca2+
+
Inhibition Activation

– + Hyperalgésie/allodynie
Nociception
Analgésie

Résultat

Analgésie Hyperalgésie
Tolérance à la douleur

Tolérance à la douleur

Dose A Dose B
Figure 8. Différence entre tolérance et hyperalgésie. Dans ce modèle expérimental hypothétique chez le volontaire sain, on mesure la tolérance à un stimulus
douloureux (froid douloureux) en fonction de la dose de morphinique administré (rémifentanil) chez un patient sans traitement opioïde en chronique ou
prenant des opioïdes en chronique. La réponse du premier groupe est en ligne continue ; celui du deuxième en ligne pointillée.
A. Hyperalgésie morphinique. La réponse initiale est décalée vers le bas, traduisant une hyperalgésie avant le début du traitement morphinique puis elle est
décalée vers le bas et la droite, traduisant une réduction de l’efficacité et une tolérance tout au long de la courbe.
B. Tolérance morphinique. La réponse initiale est normale, traduisant l’absence d’hyperalgésie. Ensuite, la courbe dose-réponse est décalée à droite, traduisant
une tolérance.

Hyperalgésie volontaire sain qu’un sevrage progressif permettait de limiter ce


phénomène d’hyperalgésie induite par le rémifentanil [84, 85] . Pour
Malgré un scepticisme initial, l’hyperalgésie induite par les
les patients, cette observation a été faite chez le toxicomane sub-
opioïdes (HIO) est un concept confirmé à la fois par la recherche
stitué, le patient traité chroniquement par les morphiniques ou
animale, la recherche chez le volontaire sain et la recherche
en postopératoire [74, 86] . L’apparition d’une HIO en postopératoire
clinique [74–77] . Ce concept important, apparu au début des
après administration de rémifentanil semble dose-dépendante [87] .
années 2000 [76] , conduit à la notion nouvelle que les opioïdes
L’HIO se traduit par un tableau de tolérance aux opioïdes avec
peuvent avoir un effet pronociceptif par une action de sensi-
une nécessité d’augmenter les doses pour être efficace. Une méta-
bilisation du système nerveux. Chez l’animal, les hypothèses
analyse récente a décrit l’importance clinique de cette HIO induite
physiopathologiques sont complexes, évoquant des causes péri-
par le rémifentanil en périopératoire avec une surconsommation
phérique [78] , médullaire et supramédullaire qui impliquent
en morphine estimée à 18 mg pendant 24 heures et une légère
principalement les systèmes du RNMDA (Fig. 7), mais également
augmentation de l’intensité douloureuse pendant 24 heures [88] .
les cytokines, la dynorphine, la sérotonine [74] . L’inflammation
Pour la différencier d’une simple tolérance aux opioïdes ou d’une
médullaire avec l’activation gliale par les morphiniques via les
augmentation de la cause de la douleur, il faut s’appuyer au mieux
récepteurs toll-like semble aussi jouer un rôle [79] . Il existe par
sur l’utilisation de tests nociceptifs quantifiés à la recherche de
ailleurs des facteurs génétiques expliquant une variabilité de ce
signe d’allodynie (réduction du seuil nociceptif) ou d’hyperalgésie
phénomène [80, 81] . Enfin, les modifications épigénétiques liées à
(augmentation de la réponse douloureuse pour un stimulus dou-
l’acte chirurgical peuvent participer à cette modification de fonc-
loureux) et sur des signes cliniques associés comme l’apparition
tionnement du système nerveux [82] . Cette HIO semble exister
d’une allodynie clinique, une modification de la topographie ou
pour tous les opioïdes, même si le rémifentanil a une action
des caractéristiques différentes de la douleur [75] (Fig. 8). Les don-
spécifique d’activation du récepteur NMDA, ce qui, en associa-
nées chez le patient démontrant avec les tests quantifiés une HIO
tion avec sa cinétique d’action très particulière, majore encore
existent en postopératoire [86] et chez le patient douloureux chro-
le phénomène [83] . Il a été noté in vivo chez l’animal et chez le
nique traité par opioïdes [89] . La prévention pourrait passer par

EMC - Anesthésie-Réanimation 9
36-371-A-10  Pharmacologie des opioïdes

la rotation des opioïdes [90] , la réduction des doses de morphi- cancéreuse pour laquelle la prescription s’est largement étendue
niques en utilisant le principe de l’association aux analgésiques représente sans doute une catégorie plus exposée de patients [97, 98] .
non morphiniques ou aux anesthésiques locaux utilisés dans les Ce phénomène a connu une très forte croissance aux États-Unis,
techniques locorégionales [91] . On recommande également cer- devenant un enjeu de santé publique avec un taux d’overdoses
tains produits qualifiés d’antihyperalgésiques en association avec secondaires à la prise d’opioïdes multiplié par quatre en dix ans,
les opioïdes pour limiter le risque d’HIO : les antagonistes du et un nombre de décès recensé plus important que par accident
RNMDA et en particulier la kétamine [86] , les inhibiteurs de la Cox- de la voie publique ou arme à feu [99] . La persistance de la dou-
2 [92] , les agonistes ␣2 [74, 75] , le propofol [93] . Enfin, des pistes plus leur ne protège pas contre cette dépendance physique [100] . Ainsi,
expérimentales suggèrent l’utilisation de la rapamycine qui est un la migraine traitée par opioïdes peut être responsable d’une aug-
anticancéreux inhibiteur du complexe mTOR [94] . mentation des doses d’opioïdes utilisées avec aggravation de la
symptomatologie [101] . La prescription chez le patient ayant déjà
Actions psychomotrices un terrain de toxicomanie (drogue ou alcool) expose à l’utilisation
Les opioïdes peuvent être à l’origine de deux comportements de doses plus élevées d’opioïdes ainsi que de combinaison avec des
opposés : soit un état de sédation qui est l’effet secondaire sédatifs [102] . Cette toxicomanie est parfois difficile à identifier [103] .
le plus fréquent après les nausées et vomissements, soit un Le détournement a deux présentations principales :
état d’agitation psychomotrice plus fréquent chez certains sujets • prise des opiacés par l’entourage et non pas la personne suppo-
(sujets âgés, jeunes enfants). Il faut rappeler le lien potentiel avec sée bénéficier de la prescription ;
une HIO. La dépression du système nerveux central se fait à un • patient ayant développé une addiction et feignant la douleur
niveau sous-cortical au niveau de la formation réticulée et du pour obtenir une prescription [100] .
système limbique. Un tableau trompeur décrit dans les années 1980 est qualifié de
pseudoaddiction. Cette maladie iatrogénique est provoquée par
la prescription insuffisante ou inappropriée d’opioïdes, et mime
Actions psychoaffectives les symptômes de l’addiction [104] . Elle se déroule en trois phases,
Les réactions psychoaffectives sont de deux natures : le plus le stimulus lié aux doses insuffisantes d’opioïdes, l’escalade avec
souvent, chez le sujet algique, les opioïdes créent euphorie, une demande légitime, puis la crise avec une demande illégitime
impression de bien-être avec dépression de l’émotivité et de d’opioïdes. Ce concept est néanmoins peu étayé par la littérature
l’agressivité ; plus rarement, les opioïdes provoquent une dys- scientifique et beaucoup de preuves ont été obtenues avec des
phorie avec une impression générale de malaise, d’angoisse et travaux soutenus par l’industrie du médicament [104] .
d’hallucinations. Il semble que les opioïdes peuvent induire La France n’est pas encore au même niveau de problématique
euphorie et impression de récompense en interagissant avec la que les États-Unis mais le risque lié au mésusage existe bel et
dopamine dans des zones spécifiques comme le noyau accum- bien, ce d’autant que la consommation d’oxycodone augmente
bens, partie du striatum impliquée dans la motivation et l’affect, fortement. C’est pour cela que la Société française d’étude et
et l’aire tegmentale ventrale pour l’euphorie. Il existerait une pré- de traitement de la douleur a publié des recommandations défi-
disposition génétique à la dépendance aux opioïdes expliquant nissant les bonnes conditions de prescription des opioïdes au
30 à 40 % du phénomène d’addiction. Ce sujet est largement long cours afin de limiter les indications, les doses et la durée
évoqué aux États-Unis ou l’on estime que plus de 30 % de la de traitement, et pour contrôler le suivi [105] . Les autres élé-
population américaine souffre de douleurs chroniques et peut, de ments de prévention sont la détection des patients à risque par
ce fait, se voir prescrire des opioïdes. En revanche, il n’existe pas l’interrogatoire, l’examen clinique et paraclinique, notamment les
de lien démontré chez l’homme entre l’administration prolongée dosages urinaires [100] . Les facteurs de risque sont le nomadisme
d’opioïdes et l’apparition d’une dépression [95] ou d’une altération médical, le sexe masculin et le faible niveau d’éducation [106] . Un
des fonctions cognitives [95] . questionnaire français, traduction de l’opioid risk tool et du pres-
cription opioid misuse index (POMI), est recommandé pour détecter
Tolérance, dépendance physique, assuétude, les patients à risque de mésusage [105] .
Les autres éléments de sécurisation de la prescription sont
usage inadéquat
l’utilisation d’un logiciel de prescription afin de garder une trace
La tolérance ou accoutumance désigne la diminution d’un effet informatisée et pour limiter le nomadisme médical. Bien sûr,
pharmacologique ou la nécessité d’augmenter la dose nécessaire l’information du patient sur la molécule prescrite et ses événe-
pour obtenir le même effet pharmacologique. La dépendance phy- ments indésirables potentiels est un élément important de cette
sique apparaît à la suite d’un arrêt brutal de l’administration de démarche. On propose également, afin d’éviter le mésusage des
l’opioïde ou de l’administration d’un antagoniste ; elle comprend opioïdes par limitation de l’effet de « récompense » : une asso-
des signes de sevrage psychiques, physiques et neurovégétatifs. Si ciation de l’opioïde agoniste avec un antagoniste ; l’utilisation
la tolérance et la dépendance physique sont fréquentes, elles sont d’un opioïde sous forme non injectable, un opioïde associé avec
plus rarement associées à un syndrome de manque ou psycholo- une molécule déclencheur d’effet indésirable si administré à haute
gique (addiction ou assuétude). dose ; le développement de nouvelles molécules contenant des
De plus, le développement de la tolérance concernant l’effet de prodrogues nécessitant une réaction enzymatique pour bénéficier
récompense est rapide dans le temps et plus rapide que la tolé- de son effet.
rance aux effets dépresseurs, ce qui explique que, lors de prises
répétées avec des doses de plus en plus élevées, survient un risque
Effets neuroendocriniens
de dépression respiratoire et donc d’overdose pouvant conduire
au décès. Les opioïdes inhibent, au niveau de l’hypothalamus, la libéra-
Les principales manifestations de l’assuétude sont un craving tion de GnRH (gonadotropin releasing hormone), CRF (corticotropin
(envie irrépressible de la substance), une obsession pour la sub- releasing factor), LH (luteinizing hormone), FSH (follicule stimula-
stance, une perte de contrôle de l’individu sujet à l’addiction et ting hormone), ACTH (adrenotropic hormone) et ADH (antidiuretic
une prise compulsive de la substance (DSM-V) (Diagnostic and Sta- hormone). Il existe néanmoins une possibilité de tolérance lors
tistical Manual of Mental Disorders). En plus de l’effet direct, il d’administration chronique d’opioïde avec, par exemple, dispa-
existe une réaction « acquise » sur les récepteurs d’opioïdes qui rition lors d’un traitement de morphinique de substitution des
entraîne une activation de la réponse analgésique et euphorisante anomalies menstruelles observées en cas d’administration inter-
par ce biais. Cela explique les sensations de craving éprouvées par mittente d’héroïne.
les patients consommant ces substances. Cet effet de « récom-
pense » procuré par les opioïdes est majoré en cas d’action rapide Prurit
au site-effet, par voie intraveineuse, d’où la consommation de ces Le prurit survient avec les opioïdes administrés par toutes les
opioïdes préférentiellement par cette voie. voies mais son incidence est plus élevée en cas d’administration
Cette assuétude est rare dans le contexte du traitement chro- spinale. Le mécanisme paraît être médié par les neurones spinaux
nique de la douleur cancéreuse [96] . La douleur chronique non et est réversible par la naloxone.

10 EMC - Anesthésie-Réanimation
Pharmacologie des opioïdes  36-371-A-10

Action respiratoire Actions sur la contractilité myocardique


Dépression respiratoire Les opioïdes n’ont pas d’action sur la contractilité myocardique
en l’absence de pathologie cardiaque existante ou d’hypertonie
Les opioïdes diminuent, de façon dose-dépendante, la réponse sympathique.
des centres respiratoires bulbaires aux stimuli hypoxémiques et
hypercapniques [107] . Cette action de dépression respiratoire est
indissociable de l’effet analgésique. L’effet sur la réponse au Action sur le tube digestif
dioxyde de carbone (CO2 ) est plus rapide et important ; le sti-
Nausée et vomissement
mulus hypoxémique persiste plus longtemps. L’apport d’oxygène
majore donc le risque de dépression respiratoire. La dépression Les nausées et vomissements sont les effets secondaires les plus
respiratoire est la cause principale de décès lors des intoxica- fréquents des opioïdes, avec une incidence moyenne de 30 %
tions aux opioïdes. Elle s’accompagne toujours d’une baisse de (20 à 60 %) en postopératoire comme en douleur chronique.
la vigilance avec une sédation. Tous les opioïdes exercent cette L’incidence est similaire quelle que soit la voie d’administration.
action au même niveau à des doses équianalgésiques. L’impact Il existe une relation entre la dose d’opioïde utilisée et l’incidence
sur la sensibilité au CO2 apparaît dès les plus petites doses des effets secondaires [108] . En revanche, les opioïdes peuvent varier
analgésiques [107] . Cet effet apparaît cinq à dix minutes après admi- dans leur capacité à induire ces nausées et vomissements. Il est
nistration de morphine intraveineuse et 30 à 90 minutes après donc logique de proposer une rotation opioïdes à dose équianal-
administration de morphine sous-cutanée. L’effet dépresseur res- gésique quand le patient se plaint de ces effets secondaires. Les
piratoire maximal est d’autant plus important que l’opioïde est mécanismes de ces nausées et vomissements sont périphériques
liposoluble [107] . On peut démontrer que, lors d’épreuves de sti- et centraux. L’action centrale est une stimulation de l’area post-
mulation au CO2 , les courbes rapportant le volume de ventilation rema. Toute stimulation additionnelle de cette zone, comme les
aux CO2 expiré sont décalées à droite avec un aplatissement de afférences vestibulaires lors de la déambulation, majore le risque.
leurs pentes. Les opioïdes dépriment aussi les centres bulbaires Cela explique la plus grande incidence des nausées et vomisse-
impliqués dans la régulation de la fréquence respiratoire avec ments au mouvement. L’action périphérique est un retard de la
bradypnée, respiration périodique de Cheynes-Stokes (phases de vidange gastrique par atonie des fibres longitudinales gastriques
respiration d’amplitude croissante puis décroissante entrecou- et l’hypertonie du pylore.
pées de pauses) [107] . À la bradypnée s’associe une augmentation Les produits utilisés pour prévenir ou traiter les nausées et
®
compensatrice du volume courant. La fréquence respiratoire et le vomissements sont les neuroleptiques (dropéridol, Droleptan ,
® ®
volume courant ne peuvent permettre d’apprécier de façon fiable Haldol ), les sétrons (ondansétron, Zophren ) et les corticoïdes
l’importance de la dépression respiratoire. Par voie spinale, les (dexaméthasone) [109, 110] .
opioïdes peuvent réduire le volume courant en inhibant les moto-
neurones des muscles intercostaux [107] . L’effet maximal se traduit Constipation
par une apnée. Il a été décrit aussi des pics de désaturation chez L’effet des opioïdes sur le transit a un mécanisme périphérique.
les patients en ventilation spontanée sous opioïdes traduisant des Elle se traduit par une réduction des contractions propulsives de
apnées occlusives [107] . L’action au niveau cortical commence juste l’intestin grêle et du côlon. La prolongation du transit expose
à être appréhendée [107] . à une réabsorption plus importante d’eau qui est associée à la
réduction des sécrétions biliaire, pancréatique et intestinale, et
Rigidité thoracique augmente la viscosité du contenu intestinal. Le tonus du sphincter
anal est augmenté et la sensation de distension rectale est réduite.
Il s’agit d’une rigidité induite par une action centrale et surtout Cette constipation est l’effet secondaire majeur des opioïdes en
visible avec les opioïdes utilisés pour l’anesthésie du fait de leur douleur chronique. Il justifie l’utilisation préventive ou curative
puissance et de la voie et des doses utilisées. de laxatifs. La voie transcutanée expose moins à la constipation
que la voie orale. Cet iléus est encore majoré en postopératoire par
Bronchoconstriction les conséquences inflammatoires de la chirurgie [111] . L’utilisation
d’antagonistes opioïdes d’action périphérique est une avancée
La bronchoconstriction est due à une action directe des opioïdes capitale dans la gestion de cette constipation induite par les
sur le muscle lisse bronchique du fait de l’histaminolibération. opioïdes.
Les opioïdes les plus souvent responsables sont la morphine et la
péthidine.
Action sur l’œil
Dépression de la toux Les opioïdes exercent une action myotique par stimulation du
noyau parasympathique du nerf moteur oculaire commun. Le
Les opioïdes dépriment la toux dès les plus faibles doses. Cet
myosis des opioïdes est antagonisé par l’atropine, les ganglioplé-
effet n’est pas parallèle à la dépression de la respiration et semble
giques et la naloxone.
être médié par des récepteurs médullaires moins sensibles à la
naloxone que ceux qui sont impliqués dans l’analgésie.
Action sur l’appareil urinaire et les voies
biliaires
Action cardiovasculaire
Les opioïdes augmentent le tonus des fibres circulaires du
Actions sur la fréquence cardiaque sphincter vésical et diminuent la tonicité et l’activité des fibres
Les opioïdes créent une bradycardie sinusale par stimulation du longitudinales par voie médullaire. Cela favorise la rétention
nerf vague au niveau du plancher du quatrième ventricule. Cette d’urine. L’incidence est accrue pour les opioïdes par voie spinale.
bradycardie est antagonisée par l’atropine. Un effet périphérique similaire est observé sur les voies biliaires,
avec comme conséquence une hyperpression importante des
voies excrétrices biliaires qui apparaît 15 minutes après une injec-
Actions sur les vaisseaux tion de 10 mg de morphine sous-cutanée et peut persister pendant
Les opioïdes histaminolibérateurs créent une vasodilatation deux heures.
artériolaire et veineuse dépendante de la dose. Le blocage des
récepteurs H1 et H2 antagonise cet effet hypotenseur.
Tous les opioïdes peuvent, en cas d’hypertonie sympathique
Action sur le fœtus
réduite par l’effet analgésique, créer une hypotension. Cet effet Le fœtus est exposé à une dépression respiratoire en cas
est très significatif en cas d’hypovolémie associée. d’administration à la mère.

EMC - Anesthésie-Réanimation 11
36-371-A-10  Pharmacologie des opioïdes

Opioïdes et immunité Pharmacocinétique des opioïdes utilisés pour


l’anesthésie
Les actions des opioïdes sur le système immunitaire sont com-
plexes [112] . Il existe une possibilité d’impact direct des opioïdes Les délais et durées d’action des opioïdes par voie intraveineuse
sur les cellules immunitaires et indirect via des mécanismes neu- dépendent de deux paramètres pharmacocinétiques : la demi-vie
ronaux [58] . Il existe un effet aigu via l’activation du système d’équilibration au site d’action (t1/2 Keo) et la demi-vie rapportée
sympathique et une action à plus long terme via l’axe hypotha- au contexte clinique ou demi-vie contextuelle qui découle d’une
lamohypophysaire. Les actions sur les cellules de l’inflammation simulation informatisée de la cinétique où interviennent d’autres
passent par des mécanismes différents via les récepteurs opioïdes ␮ paramètres pharmacocinétiques et la durée de perfusion.
et ␦, avec inhibition du NF-␬B, l’activation de la MAP-kinase avec
inhibition de l’activité [112] . L’effet global des opioïdes semble Demi-vie au niveau du site d’action
être une dépression de l’immunité. Dans des modèles animaux La t1/2 Keo est calculée pour divers opioïdes. Elle est égale à
il apparaît une susceptibilité accrue aux infections et la diffusion cinq minutes pour le fentanyl et le sufentanil et une minute pour
tumorale. À l’inverse, les opioïdes inhibent l’action immuno- l’alfentanil et le rémifentanil. Cette t1/2 Keo dépend des proprié-
suppressive de la douleur. Les effets immunitaires des opioïdes tés physicochimiques des molécules. La fraction diffusible est la
pourraient dépendre donc du contexte de prescription. Les don- fraction libre (non fixée aux protéines plasmatiques) et non ioni-
nées claires n’existent pas encore chez l’homme car les travaux sée. Elle dépend du degré de fixation aux protéines plasmatiques
rétrospectifs sont contradictoires [113–115] , une étude prospective et du pKa. Les morphiniques sont tous des bases faibles. Le pKa de
est négative [116] et une méta-analyse est non concluante [117] . l’alfentanil étant le plus bas, sa fraction diffusible est importante
malgré une fixation protéique élevée [124] . Il en est de même du
rémifentanil [125] . Le pKa du sufentanil est légèrement inférieur à

“ Point fort celui du fentanyl, mais, étant donné que sa fixation protéique est
plus forte, sa fraction diffusible est égale à celle du fentanyl. Les
fractions diffusibles du fentanyl et du sufentanil varient signifi-
cativement avec le pH plasmatique, compte tenu de leurs valeurs
En dehors de leur action analgésique, l’action commune à de pKa. En revanche, la fraction diffusible de l’alfentanil n’est pas
tous les opioïdes sur le système nerveux central expose modifiée pour des variations de pH entre 7,20 et 7,60.
les patients à un effet sédatif, un effet dépresseur res- La diffusion de la base non liée aux protéines (fraction diffu-
piratoire, une action psychoaffective, une hyperalgésie. sible) dépend de deux facteurs : la liposolubilité et le volume
Les autres effets secondaires comprennent les nausées et du compartiment central [126] . La diffusion des morphiniques
vomissements, la constipation, la rétention urinaire, une de part et d’autre de la barrière hématoencéphalique est pas-
bronchoconstriction et une dépression de la toux. sive, elle répond au gradient de concentration transmembranaire
et s’effectue d’autant plus rapidement que la molécule est plus
liposoluble. Ainsi, quand l’agent est très liposoluble, la diffusion
transmembranaire est importante et l’équilibre de concentration
est rapidement atteint entre le plasma et le SNC. En revanche,
 Utilisation clinique quand le morphinique est peu liposoluble, l’équilibre ne peut pas
être atteint. Les morphiniques diffèrent par leur liposolubilité. Le
fentanyl et le sufentanil sont les plus liposolubles. La base est
Données générales légèrement plus liposoluble pour le fentanyl que pour le sufenta-
Les opioïdes représentent une famille capitale pour le nil. Cependant, le pourcentage de base pour un pH de 7,40 étant
traitement de la douleur aiguë et chronique, et l’anesthésie- plus élevé pour le sufentanil que pour le fentanyl, la liposolubilité
réanimation. De multiples recommandations sont disponibles, du sufentanil dans l’organisme est supérieure à celle du fentanyl.
définissant les modalités d’utilisation en douleur aiguë postopé- L’alfentanil se classe parmi les morphiniques à liposolubilité inter-
ratoire [118] , la traumatologie et les urgences (voir le site web médiaire se plaçant entre morphine et fentanyl ; la péthidine se
de la Société française d’anesthésie et de réanimation), les soins situe dans ce groupe.
palliatifs, la douleur chronique cancéreuse [119–121] , la douleur Le volume du compartiment central (V1) est également déter-
chronique non cancéreuse [122] , l’anesthésie et la réanimation, le minant de la quantité de molécules diffusant dans le SNC puisque
sujet âgé [123] , l’enfant. Les grands axes de ces recommandations cette diffusion est dépendante de la concentration. Plus V1 est
sont d’utiliser les opioïdes en association avec d’autres analgé- réduit et plus la concentration initiale du médicament dans ce
siques, de titrer l’effet analgésique pour permettre d’utiliser les compartiment est élevée. L’alfentanil a un V1 particulièrement
doses minimales efficaces, d’utiliser la voie la plus adaptée au petit, comparé au fentanyl et au sufentanil, si bien que les concen-
contexte de prescription et de savoir utiliser les différents opioïdes trations initiales équivalentes à une même dose injectée sont sept
disponibles. fois plus importantes pour l’alfentanil que pour le fentanyl et le
sufentanil. L’index de diffusion répond, pour l’ensemble des rai-
sons précitées, à l’équation suivante : index de diffusion = fraction
diffusible × liposolubilité / V1.
Agonistes opioïdes utilisés pour l’anesthésie Le Tableau 6 exprime les valeurs d’index de diffusion de dif-
Données générales férents morphiniques rapportées à la péthidine prise comme
référence (index de diffusion = 1).
Ces produits sont surtout utilisés par voie intraveineuse en Le fentanyl et ses deux dérivés ont de meilleurs index de dif-
anesthésie ou réanimation et plus rarement par voie spinale en fusion que la morphine et la péthidine. En conséquence, pour la
douleur aiguë postopératoire ou douleur chronique. Le fentanyl, morphine, il existe un décalage important dans l’évolution des
le sufentanil, l’alfentanil et le rémifentanil ont un effet anal- concentrations entre le SNC et le plasma, ce qui n’est pas le cas
gésique semblable à celui observé avec la morphine. Ils sont d’une molécule très diffusible comme le fentanyl pour lequel le
néanmoins plus puissants avec, par exemple, une puissance du pic de concentration dans le LCS est atteint très rapidement, en
fentanyl et du sufentanil respectivement 100 et 1000 fois plus quelques minutes, et la décroissance dans le SNC est parallèle à
importante que la morphine. Leurs autres effets pharmacodyna- celle du plasma. Ces données pharmacocinétiques expliquent le
miques sont également semblables à ceux déjà décrits pour les délai d’action court du fentanyl et sa durée brève quand la dose
opioïdes. L’absence d’histaminolibération n’expose pas à un effet injectée n’est pas trop importante, la décroissance dans le SNC
vasodilatateur, avec donc une stabilité cardiovasculaire. Les effets s’effectuant par rediffusion du morphinique des sites d’action vers
secondaires sont semblables à ceux décrits pour les opioïdes. Seule le plasma puis les muscles. Les index de diffusion de l’alfentanil
la rigidité thoracique médiée par voie centrale est spécifique du et du sufentanil sont encore plus élevés, si bien que les pics de
fait de leur puissance et des doses utilisées par voie intraveineuse. concentration dans le SNC devraient être encore plus précoces

12 EMC - Anesthésie-Réanimation
Pharmacologie des opioïdes  36-371-A-10

Tableau 6.
Fraction diffusible et index de diffusion.
Opioïde pKa (pH 7,4) Base (%) (pH 7,4) Fraction libre (%) V1 a Coefficient octanol/eau (pH 7,4) Index de diffusion (pH 7,4)
Morphine 7,9 23 70 23 1,4 1,1
Péthidine 8,6 7 30 88 39 1
Alfentanil 6,5 89 9 11 128 100
Fentanyl 8,4 9 16 60 813 20,4
Sufentanil 8,0 20 7 50 1778 53,5
Rémifentanil 7,1 67 30 8 17,9 –

V1 : volume du compartiment central.

Tableau 7.
Pharmacocinétique des morphiniques utilisés pour l’anesthésie a .
Demi-vies Volumes de Clairance plasmatique Métabolisme Coefficient
distribution (ml kg−1 min−1 ) d’extraction hépatique
Distribution Élimination
Nom générique t1/2␣ (min) t1/2␤ (min) t1/2␦ (h) Initial (l kg−1 ) Total (l kg−1 )
Morphine 1,2 9 1,7 0,13 3,4 23 CYP2D6 0,7
Fentanyl 1,8 13,4 3,7 0,36 4 12,7 CYP2D6 0,7
Alfentanil 1,3 9,4 1,5 0,12 1 7,6 CYP3A4 0,61
Sufentanil 1,4 17,7 2,7 0,16 1,8 12,7 CYP3A4 0,8
Rémifentanil 0,9 6,3 0,59 0,12 0,34 40 Estérases tissulaires
a
Les valeurs sont des moyennes. t1/2␣ : demi-vie de distribution rapide ; t1/2␤ : demi-vie de distribution lente ; t1/2␦ : demi-vie de d’élimination ; CYPx : sous-type de
cytochrome P450.

qu’avec le fentanyl. D’ailleurs, les délais d’action sont plus courts,


particulièrement pour l’alfentanil. 100 Fentanyl

Demi-vie apparente (min)


Demi-vie d’élimination, volume de distribution et clairance
plasmatique 75
Comme pour tous les médicaments, la demi-vie d’élimination Alfentanil
est proportionnelle au volume de distribution (Vd) et inverse-
ment proportionnelle à la clairance totale (Cl). Le volume de 50
distribution des morphiniques est principalement constitué par
le territoire musculaire du fait de sa vascularisation [127] . Ces dis- Sufentanil
tributions et redistributions du morphinique dans les muscles 25
dépendent également de leur liposolubilité (plus le morphinique
est liposoluble et plus grand est le Vd). Il n’est donc pas éton- Rémifentanil
nant de constater que le volume total apparent de distribution 0
à l’équilibre (Vdss) de l’alfentanil soit plus faible que celui du
0 100 200 300 400 500 600
fentanyl et du sufentanil (Tableau 7). Le grand Vdss du fentanyl
est responsable de sa longue demi-vie d’élimination bien que sa Durée de la perfusion (min)
clairance plasmatique soit élevée. En effet, le facteur limitant de Figure 9. Demi-vie contextuelle des opioïdes utilisés en anesthésie
l’élimination du fentanyl de l’organisme n’est pas le métabolisme réanimation. Simulation du temps nécessaire pour une diminution de
hépatique, mais le volume de distribution. 50 % de la concentration plasmatique (demi-vie apparente) après des
Demi-vie contextuelle durées variables de perfusion continue de fentanyl, d’alfentanil, de sufen-
La demi-vie contextuelle est un paramètre pharmacocinétique tanil et de réminfentanil.
qui découle d’une simulation informatisée à partir de para-
mètres pharmacocinétiques connus. Sa définition est le temps
de décroissance de 50 % dans le compartiment central après péridurale, le sufentanil dans la graisse de la substance blanche et
des durées variables de perfusion continues. Cette donnée reflète l’alfentanil vite réabsorbé au niveau systémique. Il apparaît ainsi
l’accumulation de l’opioïde dans l’organisme. La demi-vie contex- que l’action analgésique du sufentanil est moindre par voie spi-
tuelle pour une perfusion de quatre heures est de 3,7 minutes pour nale que systémique [130] . Les recommandations cliniques sont
le rémifentanil, 33,9 minutes pour le sufentanil, 58,5 minutes donc d’utiliser en priorité la morphine par voie spinale si l’on
pour l’alfentanil et 262 minutes pour le fentanyl [128] (Fig. 9). cherche un effet spécifique.
Pharmacologie de la voie péridurale
Fentanyl
L’administration des opioïdes par voie spinale vise à agir direc-
tement sur le système nerveux (moelle et cerveau) en limitant la Pharmacocinétique
diffusion systémique pour avoir une action spécifique. La phar- Le grand volume de distribution du fentanyl est responsable de
macologie des opioïdes par voie spinale est complexe. L’espace sa longue demi-vie d’élimination avec un risque d’accumulation
péridural et intrathécal sont en relation l’un avec l’autre et avec en cas d’administration de forte dose unique, doses répétées ou
le système nerveux central et le plasma. Il semble que la biodispo- administration prolongée. Dans ce cas, le fentanyl devient un
nibilité des opioïdes par voie spinale soit surtout gouvernée par morphinique de très longue durée d’action. La deuxième consé-
leur hydrophobicité, les produits les plus hydrophobiques (fen- quence du grand Vdss est la recirculation du fentanyl depuis le
tanyl, alfentanil, sulfentanil) étant les moins biodisponibles [129] . territoire musculaire à l’occasion du réchauffement de la phase
D’autres revues ont identifié que la morphine était le produit avec de réveil par la réversibilité de la vasoconstriction peropératoire
la plus grande biodisponibilité locale et donc une action spéci- de ce territoire. Ces recirculations créent des pics secondaires le
fique au niveau spinal, le fentanyl était stocké dans la graisse long de la phase d’élimination et peuvent ainsi participer aux

EMC - Anesthésie-Réanimation 13
36-371-A-10  Pharmacologie des opioïdes

dépressions respiratoires secondaires rapportées avec le fentanyl concentrations plasmatiques deviennent rapidement inférieures
au cours de la période de réveil [131] . Le fentanyl est métabolisé aux seuils plasmatiques efficaces. Ainsi, la durée d’action est plus
dans le foie, sous l’effet de l’isoenzyme 3A4 du cytochrome P450, courte que celle du fentanyl et, en cas de perfusion continue,
essentiellement en norfentanyl, métabolite qui semble pharmaco- une accumulation significative du sufentanil dans l’organisme,
logiquement inactif et qui est excrété par voie urinaire. Moins de susceptible d’induire une prolongation de l’effet après l’arrêt,
7 % de la dose sont excrétés sous forme inchangée dans les urines apparaît pour des durées de perfusion plus longues qu’avec le
et seul environ 1 % est excrété sous forme inchangée dans les fentanyl [128] .
selles. Le taux de liaison du fentanyl aux protéines plasmatiques Présentation et utilisation clinique
est de 80 à 85 %.
Le sufentanil est l’opioïde utilisé le plus souvent en anesthésie
®
Pharmacocinétiques particulières comme en réanimation (Sulfenta ; ampoules de 10 et 50 ml à
Voie transdermique. L’utilisation d’une diffusion passive du 5 ␮g ml ).
–1

fentanyl à travers la peau a permis de développer le fentanyl


®
transdermique (Durogésic ) qui permet une administration de Alfentanil
morphinique en douleur chronique. Par voie transcutanée, le fen- Pharmacocinétique
tanyl se caractérise par une constante de vitesse d’absorption lente Par opposition au fentanyl, l’alfentanil a un volume de dis-
qui confère une relative inertie au comportement pharmacociné- tribution beaucoup plus petit [132] (Tableau 7). Les conséquences
tique du fentanyl. Cette inertie est due à un stockage cutané du pour l’alfentanil sont les suivantes : demi-vie d’élimination courte
fentanyl, principalement dans la couche cornée de l’épiderme. bien que la clairance soit plus faible que celle du fentanyl ;
Cet effet « réservoir » cutané se traduit par l’augmentation absence de recirculation ; accumulation dans les muscles beau-
progressive des concentrations plasmatiques qui atteignent un coup plus faible que le fentanyl ; en revanche, la distribution
état d’équilibre vers la 24e heure et une demi-vie d’élimination de l’alfentanil est rapidement terminée et la pharmacocinétique
apparente d’environ 20 heures, plus lente que par voie intravei- de ce type de médicament est beaucoup plus susceptible d’être
neuse. En raison, probablement, de la dose de charge contenue modifiée par des retards d’élimination hépatique que le fenta-
dans la couche adhésive du système transdermique, on observe nyl [133] . Certains avaient envisagé la possibilité que l’alfentanil
qu’environ 80 % de la valeur du plateau des concentrations ait une pharmacocinétique beaucoup plus prédictive que le fen-
plasmatiques est atteint dès la 12e heure, les concentrations aug- tanyl du fait d’une t1/2␤ plus courte et moins susceptible de
mentent ensuite progressivement pour se stabiliser entre la 24e et s’allonger en cas d’administration prolongée (Tableau 7). Cette
la 48e heure et se maintiennent jusqu’à la 72e heure. hypothèse a été démentie par de nombreuses études qui ont mon-
®
Voie iontophorétique. La voie iontophorétique (Ionsys ) tré que la demi-vie d’élimination de l’alfentanil peut, chez certains
abandonnée depuis la fin de l’année 2008 va être remise sur le malades, être beaucoup plus longue que prévue. Ces retards
marché en 2017. Cette voie consiste à permettre une ionisation d’élimination sont responsables d’accumulation de l’alfentanil en
intermittente du fentanyl contenu dans un réservoir placé sur cas d’administration prolongée et induisent une imprécision dans
la peau avec ainsi la possibilité d’administrer en transcutané des la prédiction des concentrations plasmatiques atteintes avec une
bolus de fentanyl. Ce dispositif avait été abandonné à la suite des perfusion continue [134] . Ils correspondent à des diminutions de
déclenchements spontanés du dispositif d’administration mais clairance plasmatique consécutives à des anomalies de l’activité
la conception d’un nouveau dispositif en deux parties (réservoir métabolique des enzymes participant à la dégradation du mor-
et partie régulant l’autoadministration) a réglé ce problème. Les phinique. L’alfentanil est métabolisé au niveau du foie par des
données cinétiques du dispositif montrent un pic à 15 minutes enzymes spécifiques du cytochrome P450 (Tableau 7). Il est estimé
(0,5–1,5 ng ml–1 ) et une demi-vie d’absorption de 15 minutes. Les que 10 % des malades n’ayant pas d’atteinte hépatique peuvent
données cinétiques du nouveau dispositif sont strictement super- avoir des retards de métabolisation de l’alfentanil par suite d’un
posables à celles de l’ancien dispositif. Le poids, l’âge, l’origine polymorphisme génétique dans la synthèse de ces enzymes [135] .
ethnique et le sexe n’ont pas d’influence. L’absorption augmente Le métabolisme hépatique de l’alfentanil est également altéré en
sur 24 heures (dose initiale = 40 %, dose finale à 24 h). Il n’y a pas cas d’insuffisance hépatocellulaire, de diminution du débit car-
de métabolisme cutané ; 92 % du fentanyl délivré sont présents diaque, d’interférences médicamenteuses avec la cimétidine et
dans la circulation systémique. Il existe une absorption passive l’érythromycine conduisant à utiliser avec précautions l’alfentanil
très limitée estimée à 2,3 ␮g h–1 de fentanyl. chez un malade traité avec cet antibiotique.
Voie transmuqueuse. La liposolubilité du fentanyl a permis
Présentation et utilisation clinique
de proposer deux modes d’administration transmuqueux. Le pre- ®
®
mier à travers la muqueuse nasale (Instanyl ), le second à travers L’alfentanil est disponible par voie intraveineuse (Alfenta ;
la muqueuse buccale (Abstral ).
® ampoule de 10 ml à 50 ␮g ml ). Son utilisation optimale est
–1

pour des gestes courts ou sa titration est possible avec peu d’effets
Présentation et utilisation clinique prolongés dans le temps.
Le fentanyl est peu utilisé maintenant en anesthésie comme en
réanimation du fait du risque d’accumulation. En revanche, son Rémifentanil
utilisation se développe dans des galéniques nouvelles comme Pharmacocinétique
®
la voie transdermique (Durogésic ; patch de 12,5, 25, 50 et La puissance du rémifentanil est semblable à celle du fentanyl
100 ␮g h à placer toutes les 3 j), la voie transmuqueuse (détaillée
–1
et 20 à 30 fois plus importante que celle de l’alfentanil. Le rémi-
plus loin) et la voie iontophorétique, remise sur le marché fentanil est unique car métabolisé par des cholinestérases non
®
(Ionsys ). spécifiques présentes dans de nombreux tissus. Le métabolite prin-
cipal du rémifentanil acide est plus de 1000 fois moins puissant
Sufentanil que le rémifentanil. La demi-vie terminale de ce métabolite est de
Pharmacocinétique 90 à 130 minutes. L’hypothermie de la circulation extracorporelle
diminue de 20 % la clairance du rémifentanil par inhibition des
À la suite des premières études pharmacocinétiques, le sufen-
estérases tissulaires. Il n’y a donc aucun impact de l’âge, du méta-
tanil était classé comme intermédiaire entre le fentanyl et
bolisme hépatique ou de la fonction rénale. En revanche, la dose
l’alfentanil (Tableau 7). Il apparaissait, en particulier, qu’il
doit être réduite chez le sujet âge et adaptée à la masse maigre chez
s’accumulait moins que le fentanyl. En fait, des travaux étudiant
le sujet obèse. Le volume de distribution est petit, proche de celui
le sufentanil en perfusion continue révèlent que le volume de dis-
de l’alfentanil, avec une clairance totale élevée huit fois supérieure
tribution du sufentanil avait été sous-estimé et qu’au contraire son
à celle de l’alfentanil (40 ml kg–1 min–1 ). La demi-vie contextuelle
Vdss est même plus grand que celui du fentanyl. Cette distribution
est de trois minutes, quelle que soit la durée de perfusion.
du sufentanil plus importante que celle du fentanyl rend compte
d’une décroissance plasmatique plus rapide et plus profonde, Présentation et utilisation clinique
®
et par suite d’une demi-vie de décroissance des concentrations Le rémifentanil est disponible par voie intraveineuse (Ultiva ;
dans le compartiment central particulièrement courte [128] . Les ampoule de 2 mg). Le rémifentanil est très utile pour des

14 EMC - Anesthésie-Réanimation
Pharmacologie des opioïdes  36-371-A-10

Tableau 8.
Profil d’action clinique des opioïdes utilisés pour l’analgésie.
Médicament Présentation Administration Début d’action Pic d’action Durée Demi-vie Remarques
(min) (h) d’action (h) d’élimination (h)
Morphine Morphine PO 15 1–2 4–5 2–3 Premier choix pour
SC 15–30 1–1,5 4–5 l’analgésie
IV 5 min 0,25 4–5
Codéine Dafalgan PO 30–60 1–2 4–6 3–4 Variabilité efficacité
®
codéine et tolérance
Efferalgan
®
codéine
®
Dicodin LP
®
Codenfan
®
Hydromorphone Sophidone LP PO 30 1,5–2 4 2,5–3
®
Oxycodone Oxynorm PO 15 0,5–1 3–6 3–4
®
Oxycontin LP
®
Nalbuphine Nalbuphine IM 30 1 3–6 3–4
IV 3 min
®
Tramadol Contramal 15–30 2 4–6 6
®
Topalgic IV
®
Tramadol PO
®
Contramal LP PO
®
Topalgic LP

IV : intraveineux ; SC : sous-cutané ; IM : intramusculaire ; PO : per os ; LP : libération prolongée.

interventions de courte durée et peut en chirurgie lourde per- sont ensuite éliminés par voie urinaire, principalement sous forme
mettre un réveil très rapide. Néanmoins, le rémifentanil du fait de M3G. L’insuffisance rénale augmente donc très nettement le
de sa cinétique et d’une action spécifique sur le récepteur NMDA risque d’accumulation des métabolites de la morphine.
expose à une douleur postopératoire intense après chirurgie
lourde [86] . L’hyperalgésie induite par le rémifentanil semble dose- Modalités d’administration particulières
dépendante [87] . La prévention de la douleur postopératoire passe Administration périphérique. En cas d’inflammation, les
par une diminution des doses de rémifentanil [86] , une anticipa- opioïdes peuvent avoir une action analgésique périphérique [141] .
tion par des analgésiques morphiniques et non morphiniques [136] , Cette propriété est utilisée pour justifier une administration
l’association à des techniques de locorégionales [137] , l’association intraarticulaire en postopératoire avec possibilité d’avoir une anal-
à de la kétamine périopératoire [86] . gésie modérée de 24 heures dès la dose de 1 mg de morphine [142] .
L’efficacité analgésique peut être complétée par la combinaison
avec les anesthésiques locaux.
Agonistes opioïdes utilisés pour l’analgésie Voie orale. L’absorption par voie orale est erratique. Il existe
un effet de premier passage hépatique expliquant la faible biodis-
Données générales ponibilité estimée à 30 % [143] . Le rapport dose orale/intraveineuse
Le Tableau 8 reprend les éléments synthétiques sur la phar- est ainsi estimé à 1/6 en aigu et 1/2–1/3 en prise chronique du fait
macocinétique des différents opioïdes utilisés pour l’analgésie. sans doute de l’accumulation de métabolites actifs. La biodisponi-
Les opioïdes sont absorbés en général par voie orale avec une bilité orale de la morphine est encore plus faible en postopératoire
biodisponibilité réduite par le premier effet hépatique. La voie du fait sans doute des modifications du transit [144] .
transmuqueuse et transcutanée est réservée aux opioïdes lipo- Voies sous-cutanée et intramusculaire. Ces deux voies ont
philes. des cinétiques similaires. Le pic d’effet se situe 60 minutes après
l’injection et l’efficacité est de quatre à six heures. La voie sous-
cutanée est utilisée en France et la voie intramusculaire en
Morphine
Amérique du Nord. L’utilisation de la morphine sous-cutanée
Pharmacocinétique générale représente encore plus du tiers des prescriptions de morphine en
C’est une base faible (79 % sous forme ionisée à pH 7,4) comme postopératoire [145] . Elle souffre toujours de déficit de prescription
la plupart des autres opioïdes. Elle diffuse lentement à travers la (dose insuffisante et intervalle trop long) et de non-respect de la
barrière hématoencéphalique. Après absorption, la morphine est prescription par les infirmières [145] .
principalement fixée à l’albumine (30–35 %). La morphine est Voie intraveineuse. La voie intraveineuse est utilisée comme
avant tout métabolisée dans le foie par le cytochrome CYP2D6 dose de charge pour traiter une douleur intense en postopéra-
puis par glycuroconjugaison. La demi-vie d’élimination chez toire [146, 147] ou dans le cadre des urgences [148] . La cinétique de la
le jeune adulte est de deux heures. Les métabolites sont la morphine dans cette période de dose de charge a été étudiée [149] .
morphine-3-glucuronide (M3G ; 50 % des métabolites) et la Analgésie autocontrôlée par le patient. C’est l’admini-
morphine-6-glucuronide (M6G ; 10 % des métabolites). La M3G, stration par le patient lui-même de l’analgésie opioïde. Il
la plus importante en quantité, n’a pas d’action analgésique mais s’agit, à travers un dispositif, de permettre au patient d’activer
peut être responsable de toxicité neurologique avec des effets exci- l’administration d’une dose prédéfinie d’opioïde (dose uni-
tateurs chez l’animal, effets non confirmés chez l’homme [138] . La taire) avec un intervalle minimal de temps (période réfractaire).
M6G a une action analgésique deux fois plus importante que la L’administration d’une dose en débit continu n’est pas recom-
morphine et une demi-vie d’élimination bien plus longue (10 h mandée sauf en substitution d’un traitement antérieur qui
dans le LCS). En postopératoire, la M3G semble exercer un léger ne pourrait pas être poursuivi par voie orale. L’utilisation de
effet antagoniste qui pourrait être cliniquement significatif après l’AAC est de 20 % des patients chirurgicaux à 24 heures de
un ou deux jours [139] . Le rôle de la M6G dans l’analgésie devient l’intervention [145] .
important en cas d’administration chronique de morphine. La Voies péridurale et intrathécale. La morphine est hydrophile
M6G fait d’ailleurs l’objet d’un développement spécifique comme et, après injection dans l’espace péridural, elle diffuse peu vers la
analgésique intraveineux [140] . Il existe une recirculation entéro- circulation ou le système nerveux central et reste donc dans le
hépatique qui explique la présence de morphine dans les selles et LCS avec possibilité de diffusion rostrale et de dépression respi-
les urines plusieurs jours après la dernière prise. Les métabolites ratoire retardée. Les recommandations sont d’utiliser l’analgésie

EMC - Anesthésie-Réanimation 15
36-371-A-10  Pharmacologie des opioïdes

morphinique péridurale en association avec les anesthésiques Tableau 9.


locaux pour la prise en charge de la douleur postopératoire en Ratio d’équianalgésie entre les morphiniques.
chirurgie lourde du tronc [150] . DCI Ratio Équivalence de la dose de
L’utilisation peut se faire par voie intrathécale avec administra- morphine orale
tion en continu par des dispositifs implantables en cas de douleur
chronique, cancéreuse le plus souvent [151] . L’utilisation en injec- Codéine (C) 1/6 60 mg de C = 10 mg de morphine
tion unique en postopératoire est faite à de faible dose. Cette Tramadol (T) 1/5 50 mg de T = 10 mg de morphine
technique est efficace mais le risque respiratoire nécessite une sur- Péthidine (P) 1/5 50 mg de P = 10 mg de morphine
veillance en soins intensif sauf si la dose injectée est inférieure ou Dihydrocodéine (DC) 1/3 30 mg de DC = 10 mg de
égale à 0,1 mg chez un sujet ASA I ou II [118] . morphine
Il existe une formulation de morphine à libération prolon-
Morphine orale 1
gée de morphine non disponible en France. Cette formulation,
®
DepoDur , a une action analgésique pendant une durée de Morphine IV 3 1 mg de morphine IV = 3 mg de
48 heures après un bolus unique péridural de 5 à 15 mg. Il a morphine orale
été observé par méta-analyse que, en comparaison avec la mor- Morphine SC ou IM 2 1 mg de morphine SC = 2 mg de
phine intraveineuse et la morphine péridurale classique, une dose morphine orale
®
de 15 mg ou plus de DepoDur occasionnait une surincidence de Nalbuphine SC 2 5 mg de nalbuphine SC = 10 mg
dépression respiratoire (odds ratio : 0,48 ; intervalle de confiance : de morphine orale
0,21–1,09), soit un NNH (number needed to harm) à 14 par rapport Oxycodone orale 2 1 mg d’oxycodone = 2 mg de
au placebo (le NNH décrit les effets secondaires d’un analgésique morphine orale
en donnant le nombre de patients à qui l’on doit administrer Hydromorphone orale 8 1 mg d’hydromorphone = 8 mg de
le produit pour avoir une fois l’effet secondaire attendu. Plus le morphine orale
chiffre est proche de 1, plus l’effet secondaire est fréquent) ; une
Buprénorphine (B) SL 30 0,2 mg de B = 6 mg de morphine
incidence accrue de prurit par rapport à la morphine péridurale ;
orale
une incidence accrue de vomissements par rapport au placebo
(NNH = 5). Cela suggère au minimum la nécessité d’une approche DCI : dénomination commune internationale ; SL : sublingual ; IV : intravei-
combinée utilisant des anesthésiques locaux par voie péridurale, neux ; SC : sous-cutané ; IM : intramusculaire.
voire une inadéquation de cette approche pour le traitement de
la douleur aiguë.
Péthidine
Facteurs de variation de la pharmacocinétique. Ces facteurs
sont les suivants. Pharmacocinétique
Âge. La morphine intraveineuse peut être titrée à des doses simi- La péthidine est métabolisée par le foie avec la production d’un
laires chez le sujet âgé [152, 153] . En revanche, les doses de morphine métabolite actif après déméthylation, la normépéridine. Ce méta-
utilisées pour le maintien de l’analgésie peuvent être réduites de bolite peut s’accumuler en cas d’insuffisance rénale et provoquer
40 % chez le patient âgé [153] . des hallucinations et des convulsions. La demi-vie est courte.
Insuffisance rénale et insuffisance hépatique. L’altération de la Pharmacodynamique
fonction rénale est responsable d’une accumulation des métabo- La péthidine possède, en plus de ses propriétés analgésiques et
lites de la morphine exposant alors à des surdosages. L’insuffisance anticholinergiques, une activité anesthésique locale.
rénale nécessite donc une réduction des doses de morphine. Présentation et utilisation clinique
Présentation et utilisation clinique. La morphine est l’opioïde de La péthidine est disponible par voie injectable uniquement
référence. En France, la morphine est le premier morphinique uti- ®
(Dolosal , injection intramusculaire uniquement, ampoule de
lisé pour la douleur postopératoire chez l’adulte (62 % à 24 heures 100 mg, 600 mg dose maximale par jour). Son utilisation est
postopératoire [145] ). L’administration par analgésie contrôlée par rare actuellement du fait d’une efficacité limitée, de sa demi-vie
le patient est maintenant utilisée en France par plus d’un patient courte nécessitant une administration toutes les trois heures, de
sur cinq [145] . Les recommandations pour l’utilisation de la mor- la toxicité neurologique du métabolite normépéridine.
phine intraveineuse ont été réactualisées par la Société française
d’anesthésie et de réanimation [118] . Hydromorphone
Pharmacocinétique
Codéine L’hydromorphone est un dérivé semi-synthétique (cétone
Pharmacocinétique hydrogénée de la morphine) six à huit fois plus puissant que la
La codéine ou 3-méthyl-morphine est un alcaloïde de l’opium morphine. Sa biodisponibilité orale varie de 35 à 60 % selon les
ayant une faible affinité pour les récepteurs opioïdes. Il s’agit études. Le début d’action se situe après 30 minutes. On note 8 % de
d’une prodrogue car environ 10 % de la codéine est métabolisée liaison aux protéines plasmatiques et une demi-vie d’élimination
en morphine qui, elle, a une activité analgésique. Le polymor- plasmatique d’environ deux heures. Le métabolisme hépatique
phisme génétique touchant le CYP2D6 rend la codéine inactive conduit à la formation de l’hydromorphone-3-glucuronide (H3G)
chez 15 % des sujets caucasiens. Après métabolisme, l’élimination et en moindre quantité à celle du dihydro-isomorphine et du dihy-
est urinaire. dromorphine. Le H3G, contrairement au M6G, serait dépourvu
d’activité pharmacologique. L’élimination de l’hydromorphone
Pharmacodynamique
(5,6 %) et de ses métabolites (38 %) se fait par voie urinaire.
Elle est totalement superposable à celle de la morphine. La L’action de ses métabolites étant encore mal connue, il faut donc
codéine est plus efficace que la morphine par voie orale car l’effet rester prudent lors d’une première prescription chez les patients
de premier passage hépatique est moindre. dont la fonction rénale est diminuée et chez le patient âgé.
Présentation et utilisation clinique Pharmacodynamique
En France, la codéine est le cinquième morphinique en fré- Les effets sont superposables à ceux de la morphine. Le
quence utilisé pour la douleur postopératoire chez l’adulte (3,3 % ratio d’équianalgésie est de 7,5/1 entre morphine orale
à 24 heures postopératoire) [145] . La codéine existe en forme orale à et l’hydromorphone orale (7,5 mg de morphine = 1 mg
libération immédiate toujours associée au paracétamol (Dafalgan d’hydromorphone) (Tableau 9). Les effets secondaires de
®
codéine , comprimé avec 30 mg de codéine et 500 mg de para- l’hydromorphone sont semblables à ceux de la morphine,
®
cétamol ; Efferalgan codéine , comprimé effervescent avec 30 mg mais dans le cadre de la rotation des opioïdes on peut espérer
de codéine et 500 mg de paracétamol), forme à libération prolon- une réduction des problèmes de tolérance. L’hydromorphone
®
gée [LP] (Dicodin LP , comprimé de 60 mg) et forme pédiatrique est contre-indiquée en cas d’insuffisance d’hépatocellulaire
®
(Codenfan , enfant après 1 an, solution à 1 mg ml–1 ). Il faut une grave, d’épilepsie, non contrôlée, d’insuffisance respiratoire
prise trois à quatre fois par jour. décompensée.

16 EMC - Anesthésie-Réanimation
Pharmacologie des opioïdes  36-371-A-10

Présentation et utilisation clinique bolite le O-déméthyl-tramadol ou composé M1 environ trois fois


L’indication est le traitement des douleurs intenses d’origine plus puissant que le tramadol, avec une demi-vie du même ordre.
cancéreuse en cas de résistance ou d’intolérance à la morphine Le tramadol et ses métabolites sont ensuite totalement excrétés
(à partir de l’âge de 7 ans). Il n’existe en France à ce jour que la par le rein.
®
Sophidone LP (gélules à 4 mg, 8 mg, 16 mg, 24 mg). Les formes
Pharmacodynamique
à libération immédiate, orale, buvable, injectable ou suppositoire
Son mécanisme d’action est double, avec une action agoniste
existent dans d’autres pays (États-Unis, Canada, pays européens)
partielle du récepteur ␮ et une inhibition du recaptage de la
et sont largement utilisées en postopératoire. Pour les patients
noradrénaline et de la sérotonine sur les voies descendantes per-
ayant des troubles de la déglutition, il est possible d’ouvrir les
mettant une interaction avec les récepteurs ␣2-adrénergiques.
gélules et de mélanger les microgranules dans un liquide, la bio-
disponibilité de l’hydromorphone restant identique. Présentation et utilisation clinique
En France, le tramadol est le deuxième opioïde utilisé après la
Oxycodone morphine pour la douleur postopératoire chez l’adulte (15,2 %
Pharmacocinétique à 24 h postopératoire [145] ). Le tramadol est disponible avec une
gamme très complète de forme orale à libération immédiate
Le chlorhydrate d’oxycodone est un agoniste opioïde pur des ® ® ®
(Contramal , Topalgic , Tramadol comprimés de 50 et 100 mg ;
récepteurs ␮ et ␬. Le comprimé d’Oxycontin est conçu selon
®
®
Tramadol comprimé effervescent de 50 mg) et libération pro-
un procédé galénique original à libération biphasique. Les 38 % ® ®
longée (Contramal LP , Topalgic LP ), des formes injectables à
de la dose (situés sur la couche extérieure) sont absorbés avec
action immédiate (voie intraveineuse et intramusculaire, ampoule
une demi-vie d’absorption de 37 minutes. Les 62 % restants de
100 mg), des formes pédiatriques (enfant de plus de 3 ans ;
la dose sont absorbés, grâce à un système de matrice hydro- ® ®
Contramal , Topalgic solution buvable à 100 mg ml–1 ). On
phobe, beaucoup plus lentement, soit une demi-vie d’absorption
peut donc l’utiliser pour la douleur aiguë et chronique. La dose
de 6,2 heures. Au total, la biodisponibilité orale est en moyenne de
recommandée est de 50 à 100 mg toutes les quatre à six heures,
60 % (entre 60 à 87 % selon les études). L’oxycodone est métaboli-
sans dépasser 400 mg par jour. Il existe également des formes
sée par le foie en noroxycodone, principal métabolite, sans activité ® ®
orales associant le tramadol au paracétamol (Ixprim , Zaldiar ,
antalgique notable et en oxymorphone, une molécule ayant une
comprimé avec 37,5 mg de tramadol et 325 mg de paracétamol ;
activité antalgique dix fois plus forte que celle de la morphine et
dose maximale de 8 comprimés par jour). Comme ce produit a un
d’ailleurs commercialisée aux États-Unis. L’implication clinique double mécanisme d’action opioïde et non opioïde, le bénéfice
de ce métabolite est cependant négligeable car il est produit dans de son association à un autre opioïde a été discuté. Une méta-
des quantités très faibles. L’oxycodone et ses métabolites sont éli- analyse récente suggère que le tramadol combiné à une analgésie
minés essentiellement par le rein. Le délai pour le début d’action intraveineuse autocontrôlée à la morphine offre une épargne mor-
de la forme à libération prolongée est de 7,99 ± 2,96 heures. La phinique cliniquement non significative de 7 mg par 24 heures et
demi-vie d’élimination de l’oxycodone est de deux à huit heures n’apporte aucun bénéfice sur l’intensité douloureuse ou les effets
pour la forme LP. L’insuffisance hépatique ou rénale nécessite une secondaires [155] .
adaptation des posologies et/ou un espacement des prises dans le
temps car les concentrations plasmatiques d’oxycodone sont aug-
mentées d’environ 50 %, ce qui se traduit cliniquement par une Dextropropoxyphène
majoration de la sédation. Le dextropropoxyphène (DXP) est un opioïde synthétique avec
Pharmacodynamique une structure proche de la méthadone. Il a été retiré du mar-
ché français en mars 2011. La Société française d’anesthésie et de
L’oxycodone est un agoniste semi-synthétique ␮ et ␬ ayant
réanimation avait déjà fortement déconseillé l’utilisation du DXP
des propriétés semblables à celles de la morphine. Le ratio
en 2008 [118] . Ce retrait fait suite à une décision de l’Agence euro-
d’équianalgésie est de 2/1 entre morphine orale et oxycodone
péenne du médicament du 25 juin 2009 qui a examiné les données
orale (2 mg de morphine = 1 mg d’oxycodone) et de 4/1 entre
d’efficacité et de sécurité transmises par les laboratoires concernés
oxycodone orale et l’hydromorphone (4 mg d’oxycodone = 1 mg
ainsi que les données d’intoxication rapportées dans différents
d’hydromorphone) (Tableau 9). La forme parentérale possède
75 % de la puissance de la morphine parentérale. Les effets secon- États membres de l’Union européenne. Cette décision a été moti-
daires sont qualitativement les mêmes que ceux de la morphine. vée par le nombre important de décès retrouvés dans le contexte
d’intoxications volontaires ou accidentelles, une efficacité limitée
Présentation et utilisation clinique et une marge thérapeutique limitée.
Il existe en France une forme orale à libération immédiate,
®
l’Oxynorm (gel 5, 10 et 20 mg) et une forme à libération prolon- Fentanyl par voie transmuqueuse
®
gée, Oxycontin LP (comprimés à 10 mg, 20 mg, 40 mg et 80 mg ;
2 prises espacées de 12 h). L’indication répond aux douleurs chro- Trois produits utilisant du fentanyl permettent une administra-
® ® ®

niques d’origine cancéreuse, intenses ou rebelles, aux antalgiques tion transmuqueuse : l’Actiq , l’Instanyl et l’Abstral . Dans les
de niveau plus faible, chez l’adulte. On utilise des doses de départ trois cas, l’indication est le traitement des accès douloureux chez
entre 10 et 20 mg par prise chez les patients naïfs d’opiacés. le patient cancéreux traité préalablement par morphinique à au
L’adaptation des posologies en fonction de la douleur peut être moins 60 mg par jour de morphine, 25 ␮g par heure de fentanyl
faite toutes les 24 heures. Il est tout à fait possible, voire même transcutané ou 30 mg par jour d’oxycodone. Ces accès douloureux
recommandé, d’associer de la morphine à libération immédiate touchent deux tiers des patients cancéreux durant le déroulement
® ® ®
(Actiskenan , Sévrédol ) à l’Oxycontin LP pour les pics doulou- de leur maladie.
®

reux transitoires. En douleur aiguë postopératoire, il est possible L’Actiq est disponible depuis les années 1990 et se présente
de proposer l’oxycodone à libération immédiate en administra- sous la forme de comprimés avec applicateur buccal à 200 ␮g,
tion orale ou une analgésie autocontrôlée intraveineuse après 400 ␮g, 600 ␮g, 800 ␮g, 1200 ␮g et 1600 ␮g. La sucette doit être
titration [154] . La meilleure biodisponibilité de l’oxycodone que placée dans la bouche, entre la joue et les gencives. Le disposi-
celle de la morphine orale peut être un avantage pour l’analgésie tif est consommé en 15 minutes, en le frottant vigoureusement
par voie orale avec les opioïdes qui se développe. contre la muqueuse des joues, sans le croquer. La pharmacociné-
tique de l’absorption du fentanyl transmuqueux comprend une
absorption rapide initiale à partir de la muqueuse buccale (25 %
Tramadol
de la dose) ; début d’action (5–10 minutes) et une absorption pro-
Pharmacocinétique longée du fentanyl dégluti, à partir du tractus gastro-intestinal
C’est un opioïde synthétique, analogue de la codéine. Après (un tiers de la dose totale), avec une biodisponibilité totale de
administration orale, la biodisponibilité est de 70 à 90 %. La demi- 50 %. La concentration plasmatique maximale est atteinte en 20
vie d’élimination est entre cinq et sept heures chez le volontaire à 40 minutes, la durée d’action est de 1 à 3,5 heures et semble
sain. Le métabolisme se fait à 90 % dans le foie, avec comme méta- augmenter avec des dosages élevés.

EMC - Anesthésie-Réanimation 17
36-371-A-10  Pharmacologie des opioïdes

®
L’Instanyl possède l’autorisation européenne de mise sur le
marché depuis juillet 2009. Il s’agit d’un spray intranasal de fen-
tanyl destiné au traitement des accès douloureux paroxystiques.
“ Point fort
Il est observé un soulagement cliniquement notable de la dou-
leur au bout de dix minutes pour 58 % des épisodes douloureux Après des années d’effort pour lutter contre la phobie
®
traités par Instanyl et une bonne tolérance de toutes les doses des opioïdes et élargir leur prescription, l’heure est venue
®
d’Instanyl pendant la phase de suivi de dix mois. de réfléchir aux moyens d’utiliser aux mieux les opioïdes.
L’Abstral est présenté sous forme de comprimé (100–800 ␮g
®

L’action hyperalgésiante des opioïdes est une donnée nou-


de fentanyl) à placer en position sublinguale avec une dilution velle qui s’associe à celle mieux connue de tolérance.
rapide en une minute, un tmax variant de 15 à 47 minutes.
Ces deux données suggèrent un maniement raisonné des
Pour les trois produits, une titration est possible avec adminis-
tration répétée d’une dose. L’intervalle de temps entre deux doses opioïdes pour la douleur chronique en privilégiant les
est au moins de 15 minutes. Le patient doit augmenter la posolo- doses minimales efficaces et les associations à d’autres
gie au dosage immédiatement supérieur lors de l’accès douloureux analgésiques.
paroxystique suivant.
puis élimination urinaire. La demi-vie d’élimination est de trois à
Fentanyl par voie transdermique six heures.
Pharmacodynamique. La nalbuphine a une structure chi-
Par diffusion passive
mique proche de l’oxymorphone et de la naloxone. C’est un
Pharmacocinétique. Le fentanyl est absorbé de façon conti- antagoniste des récepteurs ␮ et agoniste des récepteurs ␬. L’effet
nue à travers la peau sur une période de 72 heures. Après analgésique est plafonné pour une dose de 0,3 à 0,5 mg kg–1 . L’effet
la première application, les concentrations sériques de fenta- analgésique apparaît en deux à cinq minutes après administra-
nyl augmentent progressivement et atteignent généralement un tion intraveineuse et 15 à 20 minutes par voie intramusculaire ou
plateau au bout de 12 à 24 heures, après quoi elles restent rela- sous-cutanée. La durée d’analgésie est de quatre heures. Les effets
tivement stables pendant le reste de l’intervalle de 72 heures secondaires sont ceux des opioïdes. En cas d’intoxication, il peut
entre l’application de deux patchs successifs. Les concentrations apparaître des signes neurologiques avec dysphorie et des signes
sériques de fentanyl atteintes dépendent de la taille du dispositif psychodysleptiques.
transdermique. Quand le traitement est arrêté, les concentra- Présentation et utilisation clinique. En France, la nalbu-
tions sériques de fentanyl diminuent progressivement, en chutant phine est encore le troisième opioïde utilisée après la morphine
d’environ 50 % en l’espace de 13 à 22 heures chez l’adulte. La pour- pour la douleur postopératoire chez l’adulte (11,5 % à 24 h post-
suite de l’absorption du fentanyl à partir de la peau explique que opératoire [145] ). La dose habituelle est de 10 mg toutes les trois à
la réduction des concentrations sériques soit lente. six heures.
®
Présentation et utilisation clinique. Le Durogesic existe en
patch délivrant 12, 25, 50 et 100 ␮g h–1 . L’utilisation est réser- Buprénorphine
vée à la douleur chronique nécessitant un traitement opioïde Pharmacocinétique. La buprénorphine est un opioïde syn-
avec une dose efficace définie et stable. On peut associer cette thétique dérivé de la thébaïne, 25 à 50 fois plus puissante que la
forme d’opioïde à des compléments de morphine orale à libéra- morphine. La biodisponibilité est d’environ 75 %. Après admi-
tion immédiate. nistration sublinguale de 0,4 mg, le produit est détecté dès la
30e minute avec un pic plasmatique à une ou deux heures et
Par iontophorèse une analgésie qui persiste pendant six à huit heures. La liaison
®
Le nouveau dispositif Ionsys mis sur le marché en 2017 a mon- protéique est de 96 %, pas avec l’albumine comme la majorité
tré, sur une méta-analyse sur la chirurgie gynécologique comme des produits mais uniquement avec l’alpha- et la bêtaglobuline.
sur d’autres modèles chirurgicaux, une efficacité supérieure en Toute interaction sur les sites de fixation des globulines est très
termes de satisfaction du patient comparée à la morphine intra- improbable. Le métabolisme hépatique donne naissance à la
veineuse en analgésie autocontrôlée [156, 157] . norbuprénorphine à la N-déalkylbuprénorphine. Deux tiers des
métabolites sont excrétés dans les selles et seulement un tiers par
Sufentanil transmuqueux les reins.
Pharmacodynamique. Elle se caractérise par une action ago-
Le sufentanil transmuqueux sublingual a été mis sur le marché niste sur le récepteur ␮ et antagoniste sur le récepteur ␬. La liaison
®
en 2017 sous le nom de Zalviso . Il s’agit d’un dispositif méca- au récepteur morphinique ␮ se dissocie très lentement. De ce fait,
nique hospitalier utilisable pour la douleur modérée à sévère. Ce la dépression respiratoire de la buprénorphine est mal antagonisée
dispositif médical contient des glossettes de 15 ␮g de sufentanil. par la naloxone.
Le patient peut s’autoadministrer les glossettes en sublingual avec Présentation et utilisation clinique. En France, la bupré-
une période réfractaire de 20 minutes. Un écran permet de suivre norphine est surtout utilisée actuellement comme opioïde de
l’activité de l’appareil (allumé, administration, période réfrac- ®
substitution du toxicomane (Subutex ; comprimé 0,4, 2 et 8 mg).
taire) et de suivre le nombre de demandes et d’administrations. ®
Le Temgesic (comprimé sublingual 0,2 mg, ampoule injectable
L’appareil ne peut être activé que par une carte professionnelle 0,3 mg) est la formulation pour l’analgésie. Son utilisation est
et n’attribuera le traitement qu’à un seul patient identifié par un rare actuellement (1,2 % des patients en chirurgie [145] ), bien que
capteur placé sur le pouce. Dans une étude en chirurgie majeure certaines recommandations le proposent comme opioïde premier
®
orthopédique et abdominale (n = 257), le Zalviso comparé à la choix en particulier chez le sujet âgé du fait de la faible influence
morphine intraveineuse autocontrôlée offre une analgésie simi- de l’insuffisance rénale [123] .
laire, avec une plus grande satisfaction des patients et une facilité
d’utilisation supérieure pour le patient et les professionnels [158] .
Antagonistes
Narcan
Antiopioïdes Pharmacocinétique. La naloxone est absorbée par voie orale
mais totalement métabolisée par le foie avant d’attendre la circu-
Agonistes–antagonistes lation générale. La naloxone est très liposoluble et est métabolisée
Nalbuphine au niveau du foie par glycuroconjugaison. Après administration
Pharmacocinétique. Les pics de concentration par voies intraveineuse de 0,4 mg, la demi-vie de la phase initiale de dis-
intramusculaire et sous-cutanée sont obtenus en 30 minutes. La tribution est de quatre minutes et celle de la phase d’élimination
clairance plasmatique est élevée proche du débit sanguin hépa- est de 64 minutes. Cette demi-vie d’élimination est inférieure à
tique avec donc une biodisponibilité par voie orale très faible. Le celles des opioïdes exposant à la réapparition d’une dépression
métabolisme par voie hépatique se fait par glycuroconjugaison respiratoire.

18 EMC - Anesthésie-Réanimation
Pharmacologie des opioïdes  36-371-A-10

Pharmacodynamique. La naloxone bloque tous les récep- douleur chronique ainsi que durant l’anesthésie. La compré-
teurs opioïdes à l’exception du récepteur ORL1. Elle n’a aucune hension de la génétique permet de mieux cerner certaines
action en l’absence de présence d’opioïde. L’action antagoniste différences d’efficacité des opioïdes selon les molécules et le ter-
est maximale en deux minutes par voie intraveineuse mais son rain. Ces notions de pharmacogénétique éclairent différemment
effet est court : 45 minutes par voie intraveineuse, deux heures l’utilisation des opioïdes disponibles et peuvent faire espérer une
après par voie intramusculaire pour une dose de 0,4 mg/70 kg. Il utilisation plus rationnelle à l’avenir.
existe un risque d’effet de sevrage brutal des morphiniques avec L’arsenal thérapeutique des opioïdes s’est enrichi de nouveaux
réveil brutal, agitation, douleur, tachypnée, tachycardie, hyper- produits pour la douleur aiguë et la douleur chronique, mais reste
tension artérielle. Cet effet s’accompagne d’une augmentation du plus limité que dans les pays anglo-saxons. Il reste dominé par
débit cardiaque et de la consommation en oxygène du myocarde. la morphine. Après des années d’effort pour lutter contre la pho-
La naloxone doit être évitée chez le patient insuffisant coronaire, bie des opioïdes et élargir leur prescription, l’heure est venue de
insuffisant cardiaque ou hypertendu. réfléchir aux moyens d’utiliser aux mieux les opioïdes. L’action
Présentation et utilisation clinique. La naloxone est utili- hyperalgésiante des opioïdes est une donnée nouvelle qui s’associe
®
sable par voie injectable (Narcan ; ampoule de 0,4 mg). Une dose à celle mieux connue de tolérance. Ces deux données suggèrent
initiale est nécessaire pour antagoniser l’opioïde (0,05–0,3 mg) un maniement raisonné des opioïdes pour la douleur chronique
associé soit à une administration de la même dose intramuscu- en privilégiant les doses minimales efficaces et les associations
laire, soit une perfusion continue (3,3 ␮g min–1 ). à d’autres analgésiques. L’utilisation de tous les opioïdes dispo-
Méthylnaltrexone nibles et la notion de rotation opioïdes est une donnée renforcée
Pharmacocinétique. La méthylnaltrexone est le dérivé qua- par ces notions de tolérance et hyperalgésie. La fréquence accrue
ternaire N-méthylé de la naltrexone. Il est particulièrement de l’utilisation inadéquate de morphiniques prescrits en douleur
résistant à la déméthylation chez l’homme, contrairement à chronique doit renforcer la vigilance des prescripteurs et la qualité
d’autres dérivés méthylés comme la méthylnaloxone ou la de suivi des patients traités au long cours.
méthylnalorphine. Comme tout ammonium quaternaire, la
méthylnaltrexone, très faiblement liposoluble, ne diffuse pas au
travers de la barrière hématoencéphalique [159] . Déclaration de liens d’intérêts : le Professeur D. Fletcher a été consultant
®
pour Mundipharma (oxycodone), Grünenthal (Zalviso ) et Medicine Company
Pharmacodynamique. Les résultats positifs des études cli- ®
niques ont permis de donner une autorisation d’utilisation pour la (Ionsys ).
constipation chez le patient traité de façon prolongée par morphi-
nique [159] . L’accélération moyenne du transit est de 52 minutes
par rapport au placebo [160] . La méthylnaltrexone est aussi en éva-  Références
luation pour la prévention de l’iléus postopératoire.
Présentation et utilisation clinique. La méthylnaltrexone [1] Evans CJ, Keith Jr DE, Morrison H, Magendzo K, Edwards RH.
®
(Relistor ; 8–12 mg/2 j selon le poids) est disponible pour une Cloning of a delta opioid receptor by functional expression. Science
administration sous-cutanée pour les patients avec une patholo- 1992;258:1952–5.
gie évoluée. Ce produit sera aussi dans le futur disponible par voie [2] Yasuda K, Raynor K, Kong H, Breder CD, Takeda J, Reisine T, et al.
intraveineuse et orale. Cloning and functional comparison of kappa and delta opioid receptors
Alvimopan from mouse brain. Proc Natl Acad Sci U S A 1993;90:6736–40.
Pharmacocinétique. L’alvimopan est un antagoniste des [3] Chen Y, Mestek A, Liu J, Hurley JA, Yu L. Molecular cloning and
functional expression of a mu-opioid receptor from rat brain. Mol
récepteurs morphiniques ␮ ayant un poids moléculaire de 461.
Pharmacol 1993;44:8–12.
Ce poids moléculaire associé à sa structure chimique et à sa
[4] Pasternak GW. Multiple opiate receptors: deja vu all over again. Neu-
polarité permet d’éviter l’absorption intestinale et la diffusion
ropharmacology 2004;47(Suppl. 1):312–23.
dans le système nerveux central. La biodisponibilité est limitée à
[5] Loh HH, Liu HC, Cavalli A, Yang W, Chen YF, Wei LN. mu Opioid
6 %. L’alvimopan a une forte affinité pour les récepteurs morphi- receptor knockout in mice: effects on ligand-induced analgesia and
niques ␮, cinq fois supérieure à celle de la naloxone, et des affinités morphine lethality. Brain Res Mol Brain Res 1998;54:321–6.
moindres pour les récepteurs ␬ et ␦, évaluées à 10 à 100 fois moins [6] Schuller AG, King MA, Zhang J, Bolan E, Pan YX, Morgan DJ,
que pour les récepteurs ␮. La biodisponibilité de la voie orale est et al. Retention of heroin and morphine-6 beta-glucuronide analge-
extrêmement faible, elle a été estimée à 0,03 % [159] . Il existe un sia in a new line of mice lacking exon 1 of MOR-1. Nat Neurosci
métabolite, l’ADL-08-0011, qui est équipotent avec l’alvimopan 1999;2:151–6.
mais dont on ne connaît pas le rôle dans l’efficacité clinique [159] . [7] Convertino M, Samoshkin A, Gauthier J, Gold MS, Maixner W,
Pharmacodynamique. L’antagonisation des effets gastro- Dokholyan NV, et al. mu-Opioid receptor 6-transmembrane isoform:
intestinaux de la morphine par l’alvimopan sans levée de A potential therapeutic target for new effective opioids. Prog Neuro-
l’analgésie a été confirmée par une série d’études cliniques psychopharmacol Biol Psychiatry 2015;62:61–7.
chez des volontaires et chez des patients (2225 patients dans [8] Cahill CM, Holdridge SV, Morinville A. Trafficking of delta-opioid
5 études) [159, 160] . L’alvimopan a été montré capable de raccour- receptors and other G-protein-coupled receptors: implications for pain
cir la durée de l’iléus postopératoire chez des patients opérés de and analgesia. Trends Pharmacol Sci 2007;28:23–31.
colectomie segmentaire ou d’hystérectomie par voie abdominale [9] Mogil JS, Grisel JE, Reinscheid RK, Civelli O, Belknap JK, Grandy
et dont la douleur postopératoire était traitée par AAC intravei- DK. Orphanin FQ is a functional anti-opioid peptide. Neuroscience
neuse de morphiniques [159] . L’autre effet positif de l’alvimopan est 1996;75:333–7.
la diminution des nausées et des vomissements. Il faut noter une [10] Lutfy K, Eitan S, Bryant CD, Yang YC, Saliminejad N, Walwyn
possible surincidence de néoplasie et d’infarctus du myocarde en W, et al. Buprenorphine-induced antinociception is mediated by mu-
cas d’administration prolongée (dans les 12 premières semaines de opioid receptors and compromised by concomitant activation of opioid
traitement) [159] . Cette éventualité va être analysée dans les études receptor-like receptors. J Neurosci 2003;23:10331–7.
en cours. [11] Wollemann M, Benyhe S. Non-opioid actions of opioid peptides. Life
Présentation et utilisation clinique. L’alvimopan (Entereg ;
®
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gel à 12 mg ; une gélule préopératoire puis en postopératoire [12] Zagon IS, Verderame MF, McLaughlin PJ. The biology of the
2 fois par jour pendant 7 j ; dose maximale 15 gélules). Il sera opioid growth factor receptor (OGFr). Brain Res Brain Res Rev
aussi disponible pour les patients traités par morphiniques et en 2002;38:351–76.
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Les opioïdes constituent le cœur du traitement de la dou- DG. Simultaneous targeting of multiple opioid receptors: a strategy to
leur et leur utilité est indéniable, que ce soit en douleur aiguë, improve side-effect profile. Br J Anaesth 2009;103:38–49.

EMC - Anesthésie-Réanimation 19
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Pour en savoir plus International Union of Basic and Clinical Pharmacology (IUPHAR) :
www.iuphar.org/
Association internationale de pharmacologie clinique et fondamentale : Société française d’anesthésie et de réanimation : www.sfar.org/
www.iuphar.org/ Pcexpsedationeh.html

H. Harkouk.
F. Pares.
K. Daoudi.
D. Fletcher (dominique.fletcher@aphp.fr).
Service d’anesthésie, Hôpital Ambroise-Paré, 9, avenue Charles-de-Gaulle, 92100 Boulogne-Billancourt, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Harkouk H, Pares F, Daoudi K, Fletcher D. Pharmacologie des opioïdes. EMC - Anesthésie-Réanimation
2018;15(1):1-23 [Article 36-371-A-10].

Disponibles sur www.em-consulte.com


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