BIM pour

les municipalités

mai 2022
BIM pour
les municipalités

Auteure
Nawel Lafioune. M.Ing, M.Arch, Asset M.Cert, Project M.Cert

Comité d’experts
Phil Healey, Manager, Enterprise GIS Services, City of Kingston
Paul Shaffelburg, Manager GIS, Halifax Regional Municipality
Justin Pockar, Manager, Customer Solutions and Business Registries, City of Calgary
Louis Tremblay, BIM Manager, Ville de Québec

Comité de revue
Bill Moore, President, buildingSMART Canada
Gord McElravy, Director, buildingSMART Canada
Erik Poirier, PhD, Professor, École de technologie supérieure

En collaboration avec :

Aucune partie de cette publication ne peut être reproduite, copiée ou transmise

sous quelque forme que ce soit sans l’autorisation de buildingSMART Canada.

2
À propos du Conseil sur les infrastructures
municipales
Le programme du Conseil sur les infrastructures municipales sur
l’adoption, la politique et les normes BIM offre aux partenaires
municipaux membres un forum de collaboration structuré pour fournir
l’innovation BIM, la pédagogie et les normes BIM ouvertes par la
participation à des projets municipaux réels.

Les participants municipaux ont différents niveaux d’expérience et

de connaissances en matière de BIM. En travaillant ensemble dans
un cadre de collaboration, et en utilisant l’expérience municipale
existante et les connaissances BIM, ainsi que le soutien de l’industrie
et du monde universitaire, les partenaires membres participeront à
des projets municipaux réels conçus et dirigés par des municipalités.
Soutenues par buildingSMART Canada, ses organisations affiliées BIM
et la communauté internationale, les municipalités innoveront dans
l’application des normes, de la méthodologie et des processus BIM
dans un contexte canadien.

À propos de buildingSMART Canada

buildingSMART Canada s’engage à soutenir la numérisation de
l’industrie des actifs bâtis du Canada en élaborant et en aidant
à promouvoir l’adoption de normes et de solutions ouvertes.
buildingSMART Canada est la communauté des visionnaires qui
travaillent à transformer la conception, la construction, l’exploitation et
l’entretien de l’environnement bâti du Canada.

En tant que société sans but lucratif constituée en vertu d’une loi
fédérale canadienne, la section canadienne de buildingSMART
International constitue l’organisme approprié et le foyer pour le
développement de normes et de pratiques exemplaires en matière de
BIM et de réalisation de projets numériques et de cycle de vie d’actifs.
Sa raison d’être est de soutenir la mise en œuvre du BIM d’une
manière et à un rythme qui permettent à l’industrie d’atteindre ses
objectifs et d’offrir de la valeur aux Canadiens.

Le Canada et les professionnels canadiens ont une longue histoire

et une réputation de collaboration et de communication entre pays
et régions. La section continue de remplir ce rôle, en soutenant
le développement et l’application des normes, du haut niveau à
l’utilisation pratique.

3
Table of Contents

5 Introduction

6 Vue d’ensemble sur le BIM

18 Potentiel et avantages du BIM

20 Les enjeux du BIM et les actions à prendre

22 Considérations contextuelles de l’adoption et de la mise en œuvre

du BIM pour les municipalités canadiennes

27 Conclusion et prochaines étapes

4
Introduction
Le Canada, parmi 192 autres États membres Certaines villes ont épuisé leur capacité d’emprunt
de l’Organisation des Nations Unies (ONU), destiné au développement des infrastructures
adopte le Programme de développement horizontales, et n’ont donc pas la possibilité
durable à l’horizon 2030 comprenant 17 de prendre part à de nouveaux programmes
de renouvellement. Les problèmes de gestion
objectifs dont, le n°9 : Industrie, innovation et
s’inscrivent dans un contexte législatif qui ne
infrastructures ; le n°11 : Villes et communautés favorise pas une saine administration.
durables et le n°12 : Consommation et Les enjeux auxquels font face les villes peuvent
production durable. Les villes sont non être maîtrisés avec une compréhension commune
seulement tenues d’atteindre ces objectifs, de celles-ci, en combinant l’expertise de différents
mais elles doivent aussi être capables de domaines, et en utilisant la nouvelle technologie et
répondre aux besoins des citoyens et être les meilleures pratiques en matière d’optimisation
résilientes face aux différents phénomènes et de durabilité.
soudains et complexes (p.ex. les phénomènes
de changement climatique et les phénomènes Tandis que l’implantation du système d’information
géographique (SIG) semble assez avancée au sein
sociaux-culturels).
des municipalités canadiennes, l’émergence du
BIM dans les deux dernières décennies, combinées
Le Canada est le deuxième plus grand pays au
avec les fonctionnalités du SIG, promettent des
monde en termes de superficie. Malgré cela, 80 %
bénéfices considérables. Or, la transformation
de sa population habite dans des régions urbaines
des pratiques qu’impose le passage au BIM-
(Statistique Canada, 2001). Il est composé de
SIGBIM-SIGIG, pose de nombreux défis au niveau
provinces et de territoires et il compte des villes
organisationnel, procédural et technologique.
de toutes tailles. Les désignations « villes » au
Croyant aux bénéfices qu’offrent ces nouveaux
Canada varient selon la province. Ce livre blanc
processus et technologies, certains pays exigent
considère qu’une ville ou une municipalité est toute
l’utilisation du BIM sur l’ensemble des projets
zone urbaine composée de territoires, d’actifs, de
d’envergure, et ce depuis des années. Or, ce n’est
citoyens et de gouvernement.
pas encore le cas au Canada.
La présente recherche s’intéresse aux actifs bâtis
L’objectif de ce livre blanc est de démystifier et de
existants et à construire, que sont les infrastructures
démontrer la valeur potentielle que le BIM peut
urbaines, telles que les bâtiments, les parcs, les
avoir pour les municipalités à travers le Canada s’il
routes, les voies ferrées, les réseaux d’égouts, les
est entrepris de manière structurée et soutenue.
réseaux d’aqueducs, etc. Les actifs comprennent
Il résume son utilisation pour les bâtiments
donc l’ensemble des constructions et des
municipaux et les infrastructures urbaines, son
équipements essentiels à une collectivité. Les
utilité pour la délivrance d’un permis électronique,
actifs bâtis forment la pierre angulaire de la santé
et son rôle au niveau de la gestion du cycle
publique et de la sécurité. Ils nécessitent une saine
de vie des actifs bâtis. Il fournit également un
gestion pour garantir la durabilité et la qualité
aperçu du potentiel, des avantages et des défis
du service offert aux citoyens. Les actifs bâtis
du BIM, mais également les actions à prendre
constituent le pilier du développement économique
pour surmonter ces défis. Ce livre blanc offre les
et social. « Les gouvernements municipaux
bases pour l’implantation du BIM et présente des
possèdent près de 60 % des infrastructures
considérations contextuelles de l’adoption et de
publiques qui soutiennent l’économie nationale et
la mise en œuvre du BIM pour les municipalités
la qualité de vie des Canadiens », l’investissement
canadiennes. Enfin, il présente la route à suivre
de 1 G$ dans les infrastructures crée 1.6 G$ de
au niveau du projet, des aspects politiques et
croissance économique et 18 000 nouveaux
normatifs, de la technologie, du processus, et des
emplois selon la Fédération canadienne des
personnes et compétences. Les communautés
municipalités (FCM 2021). Investir dans les
impliquées dans le Conseil des infrastructures
infrastructures inclut l’investissement dans les
municipales clôturent le livre par la présentation
infrastructures actuelles et nouvelles (à construire),
de leurs perspectives sur l’adoption et la mise en
sachant que le tout est fondé sur les données
œuvre du BIM.
probantes.

5 5
 Le cycle de
vie BIM
Figure 1: Le cycle de vie BIM
Vue d’ensemble sur le BIM
L’acronyme Building Information
Modeling (BIM)
Le concept du BIM est apparu dans les années 1970.
L’acronyme BIM se décline en trois termes, soit Building
Information Model, Building Information Modelling,
ou encore Building Information Management. Il se
traduit officiellement en français par la Modélisation des
données des bâtiments (MDB). Le mot anglais « building
» désigne pourtant l’ensemble des infrastructures
urbaines (p. ex. des ponts) ainsi que l’acte de construire.
Depuis quelques années, le BIM s’étend à des domaines
pour lesquels il n’a pas été envisagé à l’origine, tels que
celui des projets d’infrastructures urbaines. Le BIM utilisé
pour la construction des infrastructures urbaines et pour
la gestion de la ville par l’acronyme « CIM », signifiant
City Information Modeling (Xu, Ding, Luo, & Ma, 2014)
ou Civil Information Modeling (Hutsel & Bush, 2016).
L’acronyme BIM est maintenu dans cet article, et le mot
anglais « building » désigne les actifs bâtis qu’ils soient
des infrastructures urbaines ou celles verticales comme
les bâtiments.
Définition du BIM
Le BIM a été défini de plusieurs façons au courant des
dernières années. Originalement conceptualisé comme
étant des logiciels ou une technologie de modélisation
3D par Smith & Tardif (2009) ou comme une n façon
de livrer des projets intégrés par Eastman et al. (2011)
et Xiao & Noble (2014), le BIM constitue l’ensemble
des processus, des politiques et des pratiques liés
au développement collaboratif d’une représentation
numérique d’un actif ou d’un ensemble d’actifs bâtis
pour supporter des objectifs d’affaires bien définis
(Succar,2009, NIBS, 2012). Ainsi, le BIM exige que tous
les membres d’une équipe de projet puissent accéder
et travailler sur une conception collaborative unique et
centralisée. Le BIM est bien plus qu’une simple transition
vers la modélisation 3D. Il représente un changement de
cap quant à la manière dont les projets sont entrepris et
dont les problèmes fondamentaux relatifs aux processus
et aux flux de travail se posent. Le BIM est un processus
qui englobe tout le cycle de vie d’un actif bâti. Il constitue
un système sociotechnique qui nécessite un engagement
ainsi qu’un changement de culture organisationnelle de
la part des parties prenantes concernées. Ce changement
porte autant sur les gens et les processus que sur les
technologies.
Comme l’illustre la Figure 1, le BIM permet la
visualisation, la coordination, la simulation ainsi que la
gestion des ressources humaines, des délais, des coûts
de construction et des coûts de maintien et d’entretien
sur tout le cycle de vie de l’actif bâti. La maquette permet
aussi d’assurer le contrôle du respect des normes. Pour
ce faire, une maquette contient des données intelligentes
et structurées, ce qui permet d’analyser et de simuler
l’efficacité énergétique, le calcul structurel et la détection
des conflits entre les différentes maquettes des parties
prenantes d’un projet. De façon générale, le processus
proposé par le BIM débute par l’utilisation de logiciels
pour réaliser une ou plusieurs maquette(s) numérique(s)
paramétrique(s) nD (ou modèles virtuels nD) d’un nouvel
actif construit ou déjà construit.
6
Géomatique ou Système
d’information géographique (SIG)
GIS (Geospatial information system), traduit en français
par SIG (Système d’information géographique), est
un système conçu pour capturer, stocker, manipuler,
analyser, gérer et présenter des données spatiales
ou géographiques. SIG peut relier des informations
non liées en utilisant l’emplacement comme variable
d’index clé. « Les emplacements ou étendues dans
l’espace-temps de la Terre peuvent être enregistrés
en tant que date / heure d’occurrence et coordonnées
x, y et z représentant respectivement la longitude,
la latitude et l’altitude » (Wikipédia, 2020). Toutes
les références de localisation et d’étendue spatio-
temporelles basées sur la Terre doivent pouvoir
être reliées les unes aux autres et, finalement, à une
localisation ou une étendue physique « réelle ». Cette
caractéristique clé du SIG a commencé à ouvrir de
nouvelles voies de recherche scientifique (University of
Wisconsin, 2016).

SIG contient généralement plusieurs sortes d’objets

géographiques qui sont organisés en thèmes que
l’on affiche souvent sous forme de couches. La Figure
2 illustre comment l’information est organisée par
couches.

SIG a plusieurs applications comme l’aide à la décision,

l’organisation des principaux systèmes d’information
de la société, tels que les systèmes cadastraux et la
sécurité nationale, et l’automatisation des flux de travail
techniques tels que la production cartographique
et l’analyse d’images. Il stocke, gère et analyse les
données dans un environnement urbain, tandis que
le BIM effectue les mêmes fonctions mais appliquées
aux données des bâtiments et des infrastructures
horizontales. SIS et BIM gèrent donc tous les deux
l’information spatiale.

7
 Figure 2: L’organisation de l’information par couche
Adapté de NBIMS, 2006
De plus en plus populaire, l’approche intégrée BIM-
SIG couvre un nombre croissant d’applications dans les
différentes phases du cycle de vie d’un actif bâti, depuis
la planification et la construction jusqu’à la démolition.
Premièrement, les bâtiments sont les principaux objets
d’application de cette approche qui se concentre sur les
phases de construction. Durant les phases de planification
et conception, l’approche BIM-SIG intégrée est utilisée
à plusieurs activités telles que la sélection du site, la
conception énergétique, la conception structurelle,
la conception acoustique intérieure, l’évaluation
climatique, l’autorisation de conception et l’évaluation
des performances. Durant les phases de construction de
nouveaux actifs, l’approche s’applique à la gestion de la
chaîne d’approvisionnement et l’échéancier des travaux.
Pour les projets de rénovation de bâtiments, l’approche
aide à la prise de décision.
Durant les phases des opérations et du maintien,
l’approche est très utilisée et bénéficie d’un large éventail
d’activités, notamment la gestion des installations, la
navigation spatiale, la protection du patrimoine et la
gestion des risques.
Durant la phase de démolition, des informations sur
le réseau de transport intégré dans le SIG avec des
informations sur les matériaux provenant de modèles BIM
pour le tri, l’estimation, le calcul du volume et le transport
des déchets.
Ceci permet une capacité d’analyse géospatiale.
L’approche intégrée BIM-SIG s’applique aussi aux
infrastructures urbaines. Elle supporte des utilisations
telles que la simulation des terrassements, l’analyse de la
visibilité et la simulation de trafic. L’approche s’applique
et est utilisée pour l’analyse des quartiers urbains ou
les services publics souterrains, le réseau routier et les
bâtiments sont tous connectés et utilisés pour l’analyse.
Son application est principalement pour les activités telles
que la gestion de l’énergie, les interventions d’urgence et
la gestion des installations.
L’approche intégrée BIM-SIG implique de meilleures
informations dans un environnement numérique. Elle
connecte la chaîne de valeur à la planification urbaine
et donc à la planification d’urgence. C’est très utile pour
la sécurité publique et à la gestion des urgences. Par
exemple, les municipalités peuvent moderniser leurs
systèmes pour interagir avec le 911 et se conformer
aux règlements. Avec les avancées technologiques en
matière d’intégration du BIM et du SIG, les opportunités
et les usages ne cesseront de croitre. Ces opportunités
sont au cœur de la mise en œuvre du BIM au sein des
municipalités canadiennes.
8
City Information Modeling (CIM),
ville intelligente et jumeau numérique
La modélisation de l’information de la ville (ou CIM)
reprend le même concept de modélisation nD du
BIM, mais à l’échelle d’une ville et avec une approche
holistique axée sur les données. CIM offre un ensemble
de modèles formant le modèle de la ville sémantique
riche et intégrée contenant des informations structurées,
partagées et interconnectées, ce qui permet une vision
systémique de la ville.Il permet aux différentes parties
prenantes (p.ex. les gestionnaires, les ingénieurs,
les architectes, les urbanistes, etc.) de collaborer et
de travailler efficacement et en temps réel sur une
même source de données (maquette/modèle de la
ville) et ainsi prendre des décisions mieux éclairées.
Amorim (2015) définit le CIM comme un processus ou
les professionnels de la ville travaillent et produisent
dans un écosystème de données unique et partagé, et
doivent agir de manière coordonnée sur la conception,
la planification, l’exécution, l’exploitation, le suivi,
l’entretien et la rénovation de la ville.
Le modèle de la ville contient des informations sur
les actifs bâtis incluses dans les maquettes BIM des
bâtiments et des infrastructures urbaines. Il comprend
aussi des informations incluses dans le Système
d’information géographique (SIG) et des informations
offertes par d’autres sources, telles que les capteurs et
l’Internet des objets. Par conséquent, CIM regroupe des
bénéfices offerts par le BIM comme la visualisation et
l’analyse des données, mais également ceux provenant
(ou tirés) du SIG, comme la localisation d’étendue
spatio-temporelle basée sur la Terre. En outre, plusieurs
chercheurs discutent non seulement des informations
sur les actifs bâtis, mais aussi des caractéristiques
physiques, des flux de personnes, de biens et de
ressources, y compris ses dimensions politiques,
sociales et économiques. Par exemple, Almeida et
Andrade (2018) définit le CIM comme un modèle
de connaissances basé sur le calcul impliquant des
processus, des politiques publiques et des technologies
qui permet aux multiples parties intéressées de
collaborer au développement de villes durables,
participatives et compétitives. D’autres chercheurs
se concentrent sur les technologies numériques à
disposition et à créer pour soutenir la conception de
la maquette de la ville. Par exemple, la plateforme
Smart World CIM de Cityzenith est utilisée par les
professionnels de plusieurs disciplines dans le monde
entier.
Le paradigme CIM comme modèle de la ville est formé
par l’incorporation des informations incluses dans le BIM
et le SIG. Ainsi, toutes les données relatives aux villes
sont donc disponibles et référenciées dans le modèle
CIM. Il est ainsi possible d’extraire les informations
directement du modèle virtuel afin de suivre la
performance des actifs bâtis et de prendre les bonnes
décisions pour maintenir le niveau de service requis offert
aux citoyens. D’un autre côté, la norme ISO 37120 mesure
les performances des services urbains et de la qualité
de vie par le biais des indicateurs. Ces mesures sont «
faisables » pour la plupart des villes et les données utilisées
sont déjà collectées par les villes, mais pas de manière
standardisée. ISO 37120 permet à n’importe quelle ville,
quelle que soit sa taille, de partager les bonnes pratiques
et de comparer ses progrès sociaux, économiques et
environnementaux en interne et aussi par rapport à
d’autres villes tant au niveau local que mondial. BIM et CIM
contribuent également à accroître la précision des résultats
soumis à la norme ISO 37120 et à alimenter une prise de
décision plus affirmée et efficace.
L’intégration BIM et CIM aide la saine gestion de la ville.
Par exemple, les chantiers de construction produisent du
bruit et des déchets, ainsi les conseils municipaux peuvent
être mieux informés grâce aux modèles BIM et CIM. Ils
peuvent alors prendre des décisions éclairées pour le
bon déroulement de la construction, tout en s’assurant le
bon fonctionnement de la ville. Ces modèles contiennent
des informations permettant aux villes d’être plus
résilientes face à l’urbanisation rapide et à la croissance
démographique. D’ailleurs, dans les petites villes à
population dense comme à Singapour, les propriétaires
et les entrepreneurs doivent fournir les données de
construction à un serveur municipal pour planifier un
développement plus organisé et plus efficace.
Le concept de ville intelligente s’est développé en réaction
aux défis croissants auxquels les villes sont confrontées
car il vise à améliorer l’efficacité opérationnelle des
services des villes afin d’offrir un meilleur endroit de vie
aux citoyens. Pour le même objectif, le CIM ou le modèle
d’information de ville urbaine est créé et se décrit comme
un modèle de ville 3D « super-BIM » entièrement intégré et
sémantiquement activé qui hyper-connecte les utilisateurs à
n’importe quelle source de données contextuelle de projet
ou outil d’analyse - statique ou dynamique, spatial ou non
spatial - des bâtiments aux routes et aux espaces publics
(données ouvertes), aux lampadaires (capteurs / IoT), aux
personnes dans la rue (médias sociaux) » (ARCHITECT,
Traduction libre, 2021). Les simulations des villes sont
possibles aujourd’hui dans le CIM en passant par le BIM.
Le BIM pour les villes intelligentes n’est pas seulement
un choix, il est une nécessité. Le BIM détient la clé de
beaucoup de processus comme la ville intelligente a besoin
d’infrastructures intelligentes.
9
Un autre concept, « jumeau numérique (JN) » permet
de simuler, d’optimiser, de prédire, et de prendre des
décisions de manière dynamique grâce à son IA, qui est
un élément essentiel pour un calcul de niveau supérieur
(Boje et al., 2020). Le JN est capable de traiter une
énorme quantité de données (Howell & Rezgui, 2018;
Qi & Tao, 2018) et d’interconnecter plusieurs bases de Même si les concepts sont
données. Il est, comme le BIM, une source importante nombreux et variés, la ville a
de données. D’ailleurs, le BIM est considéré comme le besoin d’offrir et de maintenir le
point de départ du JN (Howell & Rezgui, 2018; Patterson, bon service pour faire bénéficier
Taylor, & Bankhead, 2016).
d’une meilleure vie aux citoyens
La viabilité d’un JN dépend de la capacité de représenter (ce qu’offre la ville intelligente) ; de
correctement les données et sa sémantique, et de rendre visualiser et garder le fil numérique
l’ensemble des ensembles de données disponibles pour sur ses actifs bâtis et de les simuler
le traitement des connaissances (Boje, Guerriero, Kubicki, (ce qu’offre le BIM) ; de structurer
& Rezgui, 2020). Le JN est capable d’apprendre et de et interconnecter les informations
prendre des décisions grâce à sa base de connaissances
sur la ville (ce qu’offre le CIM) ; de
qui fait partie de son IA (Qi & Tao, 2018 ; Zheng, Yang, &
Cheng, 2019).
créer à tout physique un numérique
et atteindre la prédiction (ce
qu’offre le jumeau numérique).

1010
BIM pour les bâtiments municipaux
« Les municipalités sont des entités possédant une
autonomie politique et administrative qui assument
des responsabilités variées, telles que l’aménagement,
l’urbanisme, l’habitation, l’hygiène publique, la
sécurité publique, […] », etc. (MAMOT, 2010). La ville
intervient sur tout le cycle de vie du bâtiment (p.ex.,
l’exploitation, l’entretien et le maintien, la gestion des
risques, etc.). Elle joue souvent les différents rôles
de gestionnaire de projet, d’installations, d’actifs,
gestionnaire immobilier, etc. L’objectif de la ville est BIM pour les infrastructures
de maintenir un bon niveau de services et d’assurer et
d’assurer la pérennité des bâtiments.
municipales
Une ville ne gère jamais un seul type d’actifs
Au niveau stratégique par exemple, le BIM pousse
isolément, un bâtiment est nécessairement
la réflexion sur le besoin en information pour bien
toujours connecté et intégré à d’autres
mener la réalisation d’un nouveau projet de bâtiment
infrastructures, telles que le système de transport,
(la conception et la construction) ou d’un bâtiment
les services publics, etc.
existant (l’exploitation et le maintien). La définition des
exigences en information influence l’organisation et
Les villes développent et renouvellent leurs
l’échange d’information. Ce processus est normalisé
infrastructures. Celles-ci sont dispersées à travers
par l’ISO19650 où les exigences en information
différents secteurs et domaines, entraînant
sont classées et bien structurées. CEN TC442 (2019)
de nombreux problèmes de gestion des
ajoute les requis en information du cadre normatif
infrastructures urbaines linéaires. Cette gestion
et du code du bâtiment. Lors de la planification, les
englobe celle des projets de construction des
usages de modèle sont définis et l’information à livrer
IU (p. ex. le calcul de capacité de drainage)
se structure dans une seule source de données : le
ainsi que celle des actifs des infrastructures
modèle numérique de l’actif bâti. La préparation des
linéaires déjà construits (p. ex. la gestion des
usages de modèle permet de formaliser les requis en
anciens réseaux d’égouts). Les problèmes de
information d’une manière plus précise et concrète en
gestion des infrastructures linéaires ne peuvent
phase planification.
pas être résolus en s’appuyant sur les données
bidimensionnelles inscrites sur les plans. Par
Le modèle peut être conceptualisé comme une
conséquent, il est indispensable de déployer le
collection de bases de données contenant les
caractéristiques et les composants techniques, BIM pour les infrastructures linéaires.
cette base aide à alimenter les logiciels d’opération
du bâtiment. Les différentes informations sur
les composants en architecture, en structure, en
mécanique, en électricité et en plomberie sont
intégrées dans cette base de données : composition,
volume, forme, couleur, résistance au feu, matériaux,
fonctions, surface, consommation d’énergie, impact
environnemental, etc. Les modèles BIM sont une base
d’informations cruciales pour les opérations et ont un
impact positif majeur sur l’ensemble du cycle de vie
du bâtiment. Par exemple, le modèle BIM facilite la
localisation des équipements et des systèmes dans
le bâtiment, donne un accès rapide aux données de
garantie et de spécifications des manufacturiers.

11

Vingt-cinq entreprises parmi les plus
grandes entreprises en construction
du monde ont indiqué que les
mauvaises prévisions, l’identification
des risques et l’augmentation des
coûts étaient les principaux défis de
la construction de routes selon KPMG
(2005). Flyvbjerg (2005) le confirme
dans son étude basée sur 167 cas
répartis en 20 pays et cinq continents,
que les projets avec des phases de
mise en œuvre plus longues ont une
plus grande augmentation des coûts.
Le BIM contribue à la résolution de ces
problèmes.
BIM dans les projets routiers
En pratique, l’utilisation du flux de travail BIM dans
les projets routiers et autoroutiers commence par la
création d’un modèle 3D intelligent de l’autoroute
dans lequel les composants sont liés les uns aux
autres de manière dynamique ; cela signifie qu’un
ensemble d’informations de conception coordonnées
et fiables du projet sont regroupées dans un même
écosystème. Cette méthode de conception basée
sur un modèle d’informations offre la possibilité de
prendre en considération différentes variantes de
conception afin d’atteindre la solution optimale. Un
autre avantage de la conception avec le BIM réside
dans la possibilité d’implémenter les modifications de
conception les plus récentes en peu de temps et de
bénéficier d’un système de mise à jour automatique qui
intègre toutes les modifications dans les documents,
tels que les devis quantitatifs, les planifications, etc.
De plus, quelques usages de modèles sont aussi
valables pour les bâtiments que pour les infrastructures
linéaires. Par exemple, la détection des conflits entre
la structure et les services mécaniques et électriques
peuvent être utilisés efficacement pour la conception
et la construction des routes afin d’éviter les conflits
entre les infrastructures souterraines, les réseaux
d’aqueduc et d’égouts, les câbles électriques et de
télécommunication, etc.
Le BIM peut être utilisé pour simuler l’éclairage, les
lignes de la vue, le drainage, la signalisation et bien
d’autres besoins. De la planification à la construction,
le BIM prévoit des erreurs coûteuses en amont de
la réalisation du projet. Il permet une meilleure
communication, l’optimisation des coûts et des délais,
le contrôle de la qualité, la prise en compte de mesures
préventives, la réalisation de calendriers et des analyses
énergétiques plus précises.
12
BIM et le permis électronique «
e-permitting »
La ville délivre des permis de construction pour tout
projet sur son territoire, qu’il s’agisse d’une nouvelle
construction ou de travaux de rénovation. L’obtention
d’un permis de construction passe par un processus
d’examen et d’approbation de tous les dessins de
construction, ce qui nécessite des coûts et des délais.
Ce processus est nécessaire afin de vérifier, améliorer
et s’assurer de la conformité aux codes actuels et
applicables (p.ex. zonage, bâtiments, prévention des
incendies).
Le processus actuel d’examen des dessins repose
en grande partie sur des processus manuels. Il est
généralement itératif et long en raison de la nature
complexe des codes et des normes ; des exigences
et des interprétations et du langage utilisé entre
différentes les parties (p.ex. examinateurs, concepteurs,
etc.) ; de la capacité de l’examinateur à interpréter
la conception 2D et de grande quantité de papiers
inutiles. Ces problèmes entraînent des retards dans
le processus de délivrance des permis et entraînent
parfois des risques pour la sécurité.
Les examinateurs, qui ont une compréhension et des
connaissances approfondies des codes du bâtiment,
font des commentaires par rapport aux conflits entre les
disciplines de conception ou au manque d’informations
contenues dans les documents 2D. Ils travaillent à
partir de documents 2D, mais ils appliquent un code
du bâtiment qui a des considérations 3D, alors que,
d’autres parties de l’industrie, telles que les équipes de
conception et de construction passent rapidement au
BIM. La vérification manuelle est complexe et sujette à
des erreurs humaines avec des implications financières
importantes. Ce processus d’examen des plans est
demeuré pratiquement inchangé malgré les progrès
technologiques.
L’automatisation de la vérification du code est un
processus de révision qui promet d’être plus rapide.
La délivrance du permis de construction pourrait utiliser
le BIM pour normaliser le processus d’examen des
plans par différents examinateurs et aider à éliminer les
interprétations contradictoires de la conception et du code.
La recherche de Belliard (2016) a révélé que le BIM a le
potentiel d’aider le processus à visualiser le projet et ses
données, à extraire des informations à partir d’objets et à
leur permettre de mieux comprendre la relation entre les
caractéristiques uniques de l’actif bâti et d’autres éléments
de l’actif bâti. De plus, les concepteurs n’ont pas à préparer
tous les documents 2D traditionnels. « Ils existent des
produits logiciels pour la vérification de la conformité des
modèles 3D, mais les ensembles de règles basés sur des
codes pour régir le processus ne sont pas encore bien
développés ou testés. La création d’un flux de travail
automatisé de vérification des codes n’est pas non plus
(n’est pas quoi ?), et bon nombre des utilisateurs prévus-
les responsables de l’application des codes - sont peu
exposés à tout cela » (ENR, 2012).
Ainsi, les différentes juridictions municipales qui
effectuent le processus d’examen des plans pourraient
grandement bénéficier de l’automatisation du processus
pour la délivrance d’un permis électronique. Les
avantages de cette automatisation, identifiés par une
enquête internationale de l’Autorité norvégienne du
bâtiment (2014), sont : les exigences légales en matière
d’informations pour toutes les autorités locales; l’évaluation
égale de l’information pour des types de projets
identiques; la réutilisation à d’autres fins des informations
numériques ; des solutions pour la pré-vérification de la
demande avant la soumission formelle et la prise en charge
de la conception conformément à la réglementation.
D’un autre côté, l’utilisation du BIM dans le processus
d’examen des plans présente quelques défis, telles que
l’exactitude du modèle, le niveau de détail modélisé, les
implications juridiques et la capacité des examinateurs à
utiliser le BIM.
13
Autres exemples

Plusieurs gouvernements à travers le monde qui utilisent le BIM

ont déjà commencé à automatiser le processus de délivrance
du permis de construire. En 2020, 14 pays ont pris part à un
séminaire de partage de certains des derniers développements
des meilleurs pratiques dans ce domaine. De nombreuses
solutions ont été présentées par l’Estonie, la Finlande,
l’Allemagne, les Pays-Bas et le Royaume-Uni. Par exemple, la
solution Web estonienne de preuve de concept (POC) basée
sur des composants Open Source a souligné les avantages des
contrôles basés sur des algorithmes qui sont moins sensibles
aux erreurs BIM par rapport aux contrôles strictement basés
sur des règles. L’Estonie prévoit mettre en œuvre la vérification
des modèles basée sur le BIM dans le système de permis de
construire existant en 2021.

BuildingSMART International a souligné la nécessité d’un

échange de données ouvert et neutre et que l’IFC était le
choix pour la plupart des autorités publiques. BuildingSMART
Finlande a également noté dans sa présentation qu’il n’est
pas possible d’atteindre une automatisation complète sans de
bonnes normes BIM.

14
BIM pour la conduite de projet de par exemple, ce sont les entreprises de construction qui
mènent le BIM (Lebègue et Segura, 2015). Utiliser le BIM
construction et la gestion des actifs lors des chantiers permet une bonne planification du terrain
bâtis BIM in Construction Projects (BIM 4D), l’optimisation des constructions (BIM 5D), la
préparation d’une bibliothèque des matériaux sélectionnés
and Built Asset Management au préalable (BIM 6D), etc.
Dans une ville, comme dans n’importe quel autre
En d’autres termes, le BIM 4D améliore la planification
organisme, la conduite d’un projet de construction
des travaux et l’optimisation de la planification, permet
passe par différentes phases. Lorsque BIM est
le partage de l’information, ce qui répond aux attentes
préconisé pour le projet, rendre disponibles les
du calendrier et évite ainsi les retards coûteux. Le BIM 4D
outils BIM et entamer la modélisation 3D n’est pas
permet une coordination transparente entre les différentes
suffisant pour réussir le bon déploiement du BIM. Il est
disciplines et les équipes sur chantier, et une amélioration
important de comprendre qu’il y a une démarche BIM
de la sécurité et de l’efficacité. Le BIM 5D est utilisé pour
approfondie à poursuivre qui mérite des mesures à
l’analyse et le suivi budgétaire prévus et réels au fil du
étudier puis à instaurer pour chaque phase.
temps, pour estimer les coûts nécessaires dès le début
de tout projet. Il permet la visualisation des coûts en
L’industrie de la construction, au Canada est confrontée
temps réel et démontre tout changement de coûts. Le
à de problèmes de gestion des projets de construction,
BIM 6D permet d’analyser la consommation d’énergie de
notamment en ce qui a trait à la collaboration, à la
la construction et de la réduire à long terme. La prise de
coordination entre les différentes parties prenantes
décision en ce qui concerne le choix des matériaux est
(les architectes, les ingénieurs, les entrepreneurs, les
plus rapide et plus précise, apportant ainsi des économies
propriétaires, etc.) ainsi qu’aux échanges et à la gestion
d’énergie sur l’ensemble du cycle de vie de la construction.
des données. D’autres problèmes concernent la gestion
des délais de réalisation des projets de construction
BIM contribue à la sécurité des chantiers de construction
ainsi que la gestion des risques, notamment en ce qui a
des bâtiments. Il permet d’identifier les situations à risque,
trait à la santé et à la sécurité sur les chantiers.
de les anticiper et de les limiter grâce à la réalité virtuelle.
Les travailleurs prennent connaissance des dangers et
La mise en œuvre du BIM renforce la collaboration et
des situations à risque avant de se rendre sur le chantier.
facilite la communication permettant une réalisation
Dès la préparation du chantier, BIM offre une visualisation
de projet performante. En effet, le BIM permet à
statique et dynamique qui facilite la prise en compte des
plusieurs parties prenantes (p. ex. ingénieurs, sous-
risques et évite les nombreux dangers liés à la précipitation
traitants, fournisseurs, etc.) de travailler ensemble sur
et à l’improvisation. Par exemple, la visualisation des zones
un seul modèle virtuel visuel et interrogeable. Les
d’accès et des besoins de stockage, des stationnements,
usages de modèle sont définis pendant la planification,
de la circulation des piétons ; des véhicules et des
évitant ainsi l’apparition d’inefficacités en amont de la
engins, des flux des livraisons. Les travailleurs sont mieux
mise en œuvre sur le terrain. Par exemple, le modèle
sensibilisés et peuvent donc appréhender et proposer
permet de détecter les conflits entre les différentes
des solutions adéquates à toutes situations critiques
disciplines, de préparer l’estimation, de vérifier
potentielles.
l’efficacité énergétique. Grâce à un processus de
simulation, appelé BIM 4D, il est possible d’obtenir une
Le modèle BIM et l’essor actuel des « serious games »
augmentation de 30% de la précision entre le temps
reproduisent le monde totalement virtuel et le représentent
prévu et le temps réel de l’exécution sur le terrain selon
très proche au réel ce qui permet de visiter et visualiser
(GARRIDO & al., 2017). Chaque dimension du BIM a
l’actif bâti et le site du chantier en mode virtuel. Grâce
une valeur ajoutée.
à une immersion dans le chantier modélisé en réalité
virtuelle, il est possible de simuler des risques de façon très
Il est à rappeler que le déploiement du BIM intéressait,
réaliste, d’analyser des réactions individuelles et collectives,
en premier, les entreprises pour la construction et
et d’améliorer la capacité à faire face à des événements
était déployé sans exigences contractuelles des
indésirables.
bénéfices qu’il apporte aux opérations. Aux États-Unis,
15
La gestion des actifs (GA) permet de prendre les
meilleures décisions concernant le choix de projets à
prioriser. Elle aide à la gestion du portefeuille et vise à
maintenir au plus long terme possible un bon niveau
de service tout en considérant la capacité financière de
l’organisation. La GA bâti couvre et coordonne toutes les
activités des phases, de la planification à la livraison du
projet de construction ou son acquisition, et intervient
le plus dans les phases de d’exploitation, d’entretien et
du maintien sur le cycle de vie. Ceci s’étend jusqu’à la
gestion des risques et le renouvellement de l’actif.

La GA émerge assez rapidement dans les municipalités

du fait qu’elle apporte plusieurs avantages. Elle améliore
la compréhension des options de niveaux de service, des
coûts et des risques associés. Elle favorise une meilleure
prise de décision, basée sur les avantages et les coûts
des différentes options. La GA permet d’informer les
décideurs (internes et externes) et les citoyens des
besoins financiers et de justifier ces besoins auprès d’eux.
Elle justifie les prochains investissements et démontre
une gestion responsable des fonds publics. Elle définit
des indicateurs de performance, évalue la performance
et permet à la ville de se comparer aux autres.
En outre, la gestion de projet permet de prendre
les meilleures décisions concernant le pilotage du
projet choisi. Le BIM est plus déployé par l’industrie
pour supporter la gestion de projet de construction
de la phase conception à la livraison du projet, son
déploiement pour le reste des phases du cycle de vie de
l’actif n’est pas si étendu en pratique. Reconnaissant le
potentiel qu’offre le BIM, il est de plus en plus déployé
dans les municipalités.
Voici quelques avantages de l’application de l’approche
intégrée BIM/GA sur le cycle de vie des actifs bâtis :
• Garder une trace de l’actif construit, ce qui permet
de créer un contenu avec un format normalisé pour
le transfert d’informations vers l’exploitation et la
maintenance.
• Permet le partage de modèles 3D entre plusieurs
parties prenantes, améliorant ainsi la gestion
intégrée, permettant le partage d’informations et
la réutilisation du modèle contrôlé tout au long
de la vie de l’actif avec facilité et possibilité de
consulter l’historique du maintien de l’actif (registre
des actifs).
• Permettre une plus grande clarté sur les attentes
à long terme en matière de rendement en service
et les conséquences des décisions en phase de
conception sur la performance et le coût du cycle
de vie.

Bien qu’il y ait beaucoup d’avantages potentiels de • Comprendre les coûts du cycle de vie avec plus de
l’approche intégrée BIM/GA, il y a peu de références prévision de la performance environnementale.
concernant la réalisation de ces avantages réellement.
Actuellement, la série de normes ISO55000, • Réduire des coûts de démarrage du projet
conjointement avec l’ISO19650, sont les principales en raison de la disponibilité d’une meilleure
références pour toute tentative de mise en œuvre information au début du projet (les exigences
particulière. Il est aussi nécessaire d’examiner l’arrimage en information) ; des coûts de construction et
entre la structuration et la normalisation du modèle d’exploitation en raison de la réduction des défauts
de gestion de projet qu’offre le Project Management de construction ; des coûts des processus de
Institute (PMI). L’approche intégrée BIM/GA ne peut gestion découlant de données incomplètes.
se concrétiser sauf s’il y a plus d’intérêt et de volonté
chez les dirigeants, plus de projets d’application, plus • Connaître la composition des structures avant la
de méthodologie et du soutien avec plus de recherches démolition. Identifier les éléments qui peuvent
dans ce domaine. être recyclés ou ceux qui nécessitent une attention
particulière (p. ex. les matières dangereuses).
Il faut poursuivre la gestion continue des informations
sur l’actif et profiter des avantages des deux processus
séparés et intégrés. Un modèle virtuel de l’actif,
plein d’informations, permettra d’optimiser les coûts
d’exploitation et du maintien. Il facilitera la modélisation
de la résilience des infrastructures et l’identification des
stratégies les plus efficaces afin d’améliorer l’efficacité
énergétique et de réduire les émissions de carbone.
Cette approche intégrée BIM/GA est une démarche
axée sur la maturité organisationnelle, les processus, la
technologie et la gestion du changement.
16
L’exemple de Singapour

La Ville de Singapour est un leader mondial dans

l’adoption du BIM, elle s’est fixée pour objectif de mettre
en œuvre le permis de construire électronique le plus
rapide au monde (Tracks, 2014). Plusieurs leçons apprises
de l’expérience de la Ville de Singapour, de vingt ans de
travail acharné, de soutien et d’investissement de la part
de l’État. L’évolution de la démarche tirée de Shahi (2018)
est résumée dans le Tableau1. L’expérience a permis
d’énormes progrès en termes d’efficacité et d’économies
pour tous les organismes privés et publics.
Le succès de Singapour est en partie dû à sa structure
ville-État, une seule agence centralisée supervise
l’autorisation dans tout le pays selon Shahi (2018).
La mise en œuvre réussie de la délivrance de permis
électroniques relève aussi du plein appui et du
leadership des villes. Les différentes parties prenantes
(ex : fabricants, concepteurs, fournisseurs de logiciels,
etc.) travaillent en collaboration avec les autorités
qui créent des arrêtés, des statuts et des règlements
pour se préparer au passage à l’examen électronique
des permis de construire. Le permis électronique
nécessite l’appui des politiques d’approvisionnement
du gouvernement et le soutien des juridictions par le
biais d’activités de passation des marchés publics et
d’élaboration de normes.
Le passage par une période de transition est parmi les
clés du succès. Le cadre du permis électronique a été
mis en œuvre progressivement, entraînant ainsi moins
de coûts directs pour le gouvernement. L’approche
descendante a offert plus de contrôle et de gestion
lors de cette période de transition (Shahi, 2018). Cette
dernière comprend, par exemple, la formation du
personnel hautement qualifié qui a dirigé l’industrie
pendant la transition.
Tableau 1 Évolution de la démarche du permis
électronique da la Ville de Singapour
Concentration du plan directeur 1990s
IT2000 sur l’utilisation des technol-
ogies de l’information
Connexion des entreprises privées 1995
et les agences gouvernementales
Création de norme commune de 2001
partage de données CP83 et signa-
ture d’entente par les associations
professionnelles et les organismes
publics pour son utilisation
Obligation du permis électronique 2004
Passage des délais de traitement 2009
des permis de 102 à 38 jours
Couverture des coûts de formation 2010
et du matériel BIM par Building
Construction Authority (BCA)
Acceptation des soumissions ar-
chitecturales BIM par le Réseau de
la construction et de l’immobilier
(CORENET)
Acceptation des soumissions struc- 2011
turelles, mécaniques, électriques et
de plomberie BIM par CORENET

Passage des délais de traitement

Le déploiement du BIM était parmi les initiatives des permis à 25 jours
de soutien à la transition progressive du cadre de
permis électroniques. Par exemple, « Building and Soumissions BIM obligatoires des 2015
Construction Authority » de Singapour a alloué 4,2 projets de plus de 5 000 m².
millions de dollars américains spécifiquement pour
l’adoption du BIM, couvrant les coûts de formation, Développement en cours de la 2018
de conseils et de logiciels dans le secteur de la vérification du code automatisé à
l’aide de logiciels liés au BIM
construction ».

La progression dans le processus de délivrance

du permis électronique a incité l’industrie locale à
soumettre des modèles BIM pour l’obtention de
permis électroniques et la vérification automatisée de
la conformité au code, ainsi que pour l’intégration SIG.

17
Potentiel et avantages du BIM

Énormément d’avantages ont été mis en lumière lors de

cette recherche sur le BIM, mais la plupart des projets
pour lesquels le BIM est utilisé concernent les projets
des actifs bâtis qui se développent à la verticale.

Informations fédérées et
réutilisables
Le BIM offre une source d’informations fédérées
et réutilisables grâce au modèle 3D. Ce dernier
peut inclure la géométrie, les relations spatiales,
les informations géographiques, les quantités et les
propriétés des éléments de construction, l’estimation
des coûts, le matériel d’inventaires et le calendrier
des projets (Le & Hsiung, 2014). Le modèle peut être
utilisé sur tout le cycle de vie du projet (Bazjanac, 2006 ; Gestion des coûts
Eastman et al., 2011). Le BIM fournit non seulement des
modèles virtuels 3D, mais il permet aussi la visualisation Le BIM permet de tester, d’analyser et de
(Azhar, Nadeem, Mok, & Leung, 2008 ; Bentley, 2018 simuler en temps réel afin d’atteindre une
; BIMhub, 2018) et une meilleure compréhension meilleure efficacité énergétique ainsi qu’une
d’un projet. Il facilite aussi la communication entre les meilleure gestion des coûts avant même la
parties prenantes (Le & Hsiung, 2014). Donc, l’échange construction. Il entraîne aussi une réduction
et le partage d’informations sont plus efficaces, et la des déchets et des aménagements (Azhar
circulation des informations se fait en temps réel au et al., 2008 ; Bentley, 2018 ; BIMhub, 2018).
cours du développement d’un projet. Le BIM a un Généralement, les coûts d’entretien et de
profond impact sur les participants dans un projet de maintien d’un actif ne sont pas inclus dans
construction (Smith, 2014 ; Xiao & Noble, 2014) en le coût de sa construction, bien que ceux-ci
raison du partage des risques et des connaissances. Il peuvent représenter plus de la moitié des
permet d’éviter les pertes financières graves et, de ce coûts totaux à dépenser au cours du cycle de
fait, les répercussions sur l’échéancier des travaux. vie d’un projet (Becerik-Gerber, Jazizadeh,
Li, & Calis, 2011). À ce sujet, le BIM offre la
possibilité de gérer les coûts de planification,
Saine gestion de projets de construction, d’exploitation, de maintien et
d’entretien sur tout le cycle de vie d’un projet,
Le BIM peut générer d’énormes avantages relativement
et ce, jusqu’à sa démolition.
à la gestion de projets de construction, favorisant
ainsi l’amélioration de la prise de décisions. Gould
(2010) propose que le BIM soit principalement orienté
vers la gestion, en combinant les aspects sociaux et
technologiques de projets de construction. Deutsch
(2011) ajoute que l’adoption du BIM nécessite une
approche holistique impliquant plus que la technologie.
Dans cette optique, cela implique des changements
sociaux. Lewis et al. (2010) indiquent quant à eux que
les informations relatives à l’entretien et au maintien
doivent être correctement ajoutées au modèle BIM
avant la transmission du projet pour qu’ainsi les
gestionnaires d’installations puissent réaliser des
économies de 70 % grâce à l’adoption de procédures
de maintenance proactive. Aram et al. (2013) le
confirment, ils affirment qu’une fois que les équipes
de projet développent des capacités BIM pour la
création d’informations, la collaboration et la prise de
décision, il s’ensuit une amélioration considérable de la
performance des projets.
18
Les avantages du BIM en chiffres

À partir des informations fournies par la présentation Le taux de réduction de l’échéancier sur les chantiers
de Poirier (2017), les avantages du BIM sont regroupés de construction est le plus élevé, ce qui créé une très
dans le Tableau 2 de manière chiffrée, en général et bonne opportunité.
pour l’industrie de la construction au Québec.
Alors que ce livre blanc présente quelques bénéfices du
Tableau 2 Les avantages du BIM en chiffres BIM et discute de l’implémentation du BIM au niveau
Reproduit et adapté avec l’autorisation de Poirier des villes canadiennes, certains pays l’exigent depuis
(2017) des années à l’échelle nationale et son adoption ne se
limite pas qu’aux projets de construction. Aux États-
Unis, l’un des plus grands marchés de la construction
Les avantages du BIM en Taux
au monde, un plan de 200 milliards de dollars de fonds
général
fédéraux stimule des dépenses supplémentaires de 1,3
billion de dollars des villes au cours de la prochaine
Augmentation de la productivité sur 20 to 28%
le chantier décennie. L’objectif est de soutenir les investissements
dans les infrastructures, avec beaucoup d’opportunités
Réduction des coûts de construction 3 to 10% BIM, étant donné la population urbaine croissante.
À Singapour, le BIM est considéré comme la clé vers
une nation intelligente. Ils ont dépassé l’objectif
Diminution de la durée du projet (de 7 to 19% BIM d’augmenter la productivité de l’industrie de
la conception à la mise en service) la construction, des permis électroniques et des
soumissions BIM. Ce pays travaille pour le Facility
Baisse des reprises en chantier
Management et la Smart City. Au Royaume-Uni, aucune
50 to 95%
entreprise n’a le droit de soumissionner pour un projet
Réduction du temps d’intervention 66 to 98% si elle n’a pas le niveau 2 BIM. Ce pays capitalise sur le
en phase d’opération succès de son programme national et vise un rôle de
leader mondial dans l’exploitation BIM et l’exportation
Réduction du temps de travail en 55 to 80% de son expertise BIM. Le Royaume-Uni prépare en
phase d’opération parallèle un jumeau numérique national.

Les avantages du BIM dans Taux

l’industrie québécoise

Offre des gains importants en effi- 37%

cacité

Diminution des risques sur le chantier 34%

Offre la possibilité de préfabrication 26%

et d’intégration des manufacturiers

Réduction des déchets et du gaspill- 24%

age

Amélioration du transfert des don- 21%

nées de construction vers la gestion
des actifs

Amélioration de la transparence au 21%

niveau de la communication

Offre un grand potentiel d’automati- 21%

sation pour industrialiser la construc-
tion

19
Les enjeux du BIM
et les actions à prendre

20
La collaboration
Le BIM n’est pas un processus facile à intégrer
dans les entreprises. Cette démarche nécessite des
changements à l’intérieur d’une organisation ou d’une
industrie ainsi que la mise en œuvre de stratégies
de communication pour développer et former des
équipes intégrées. Cette intégration passe par une
utilisation transparente de la technologie et une
formation du personnel qualifié. Pour ce faire, il
est essentiel d’identifier les besoins pour mettre en
œuvre le BIM plutôt que de promouvoir simplement
l’utilisation de sa technologie (Howard & Björk, 2008).
Plusieurs études ont identifié les enjeux à l’origine de
l’inefficacité de son déploiement (Egan, 1998 ; Latham,
1994 ; Wolstenholme et al., 2009). L’enjeu principal
constitue le manque de collaboration. Bien que le
BIM rende visibles les liens entre les membres d’un
projet, il ne favorise pas une collaboration plus étroite
entre différentes entreprises (Dossick & Neff, 2011 ;
Xiao & Noble, 2014). Zutshiet et al. (2012) soulignent
l’importance de l’alignement organisationnel avec les
priorités et les objectifs du projet pour réussir un projet
collaboratif.
Le coût
Le second défi s’avère l’investissement en coût pour
la mise en œuvre du BIM. Ce coût élevé est considéré
comme un obstacle important pour son adoption
dans l’industrie de la construction (Azhar, 2011 ; Giel,
Issa, & Olbina, 2010). Beaucoup d’entreprises ne
sont pas encore convaincues de l’utilité d’investir un
coût supplémentaire pour le déploiement du BIM
comparé aux avantages réels que l’adoption du BIM
peut leur apporter (Barlish & Sullivan, 2012 ; Li, Lu, &
Huang, 2009). Les coûts les plus importants s’avèrent
les coûts initiaux des logiciels, de l’interopérabilité et
de formation du personnel (Hardin & McCool, 2015 ;
Jenkins, 2013 ; Olatunji, 2011).
Les nouvelles technologies peuvent amener des risques
sur un autre aspect crucial. Par exemple, les maisons
logicielles pourraient augmenter leur prix dans l’avenir.
La concurrence au sein du marché des logiciels se
présente comme une solution à ce défi, c’est-à-dire
qu’elle est susceptible de faire baisser les prix.
L’interopérabilité
Le problème concernant l’interopérabilité se situe
au niveau de l’adoption de normes individuelles
qui varient d’un organisme à l’autre, produisant une
fragmentation dans l’utilisation du processus BIM. Cette
fragmentation s’explique par le travail en silo de chaque
organisme possédant ses propres normes en fonction
de ses propres intérêts, alors que le BIM travaille pour
l’intérêt de tous et, surtout, dans l’intérêt des citoyens
d’aujourd’hui et de demain. La solution, déjà adoptée
dans certains pays, passe par l’uniformisation des normes
d’utilisation BIM pour les intervenants ainsi que la création
de normes ouvertes (OpenBIM) qui permet l’échange et
l’interopérabilité entre différents logiciels.
Les aspects juridiques
Un troisième défi concerne les aspects juridiques :
• L’obligation de diligence de chaque professionnel régi
par un ordre, ainsi que les arrangements contractuels
et les politiques gouvernementales.
• Les contraintes entourant les régimes de propriété
intellectuelle (IP), de propriété des modèles
virtuels (VP) et de propriété virtuelle intégrée (IVP)
(Christensen, McNamara, & O’Shea, 2007 ; Olatunji &
Akanmu, 2015). Furneaux et Kivvits (2008) suggèrent
que les gouvernements s’attaquent à ces problèmes.
• Une revue de la définition des rôles et responsabilités
de chaque intervenant pour éviter les risques de
responsabilité (Race, 2012). Selon l’avocat Comeau
(2017), il est important de distinguer la gestion du
risque et la répartition de la responsabilité.
Le niveau de formation
Un autre enjeu important concerne la formation et le
manque de main-d’œuvre spécialisée relativement au
BIM. Il est possible d’observer un manque d’experts
d’implantation BIM, en plus d’une absence de formation
publique. D’autre part, le temps requis pour former le
personnel est une contrainte majeure pour les entreprises.
Les solutions proposées par Forgues (2017) s’avèrent
être la « consolidation des programmes d’architecture,
d’ingénierie, de gestion de la construction et de la gestion
immobilière dans une école de l’environnement bâti »
et le « support aux leaders en enseignement du BIM :
un consortium de recherche en construction digitale du
Québec ».
21
Considérations contextuelles
de l’adoption et de la mise
en œuvre du BIM pour les
municipalités canadiennes

22
La résilience
La résilience est la première considération contextuelle
à prendre en compte. Elle peut être considérée
comme quatrième objectif pour un développement
durable, parmi les trois aspects social, économique,
et environnemental. Les villes doivent pousser une
réflexion sur les problématiques et les défis associés à
la gestion des risques dans un contexte d’incertitudes.
Elles doivent développer une stratégie de gestion
efficace à long terme basée sur la résilience, ce qui
veut dire accepter la catastrophe et tout faire pour
en réduire les impacts. Les différents phénomènes
qui surgissent au Canada, notamment les aléas liés
aux changements climatiques, sont toujours plus
nombreux et conséquents. La capacité des villes à
être résilientes est indispensable. Elles doivent être
capables d’absorber les perturbations pour pouvoir
récupérer ses fonctions (manque de précision selon
moi). L’ancienne stratégie utilisée pour se protéger des
catastrophes était de calculer et calibrer pour construire
des bâtiments et des infrastructures (?)résistant aux
aléas. Depuis les 30 dernières années, pour réduire
au maximum les impacts, la stratégie est fondée sur le
concept de résilience.
Appliquée à la gestion des actifs bâtis, la résilience
devient simultanément synonyme de : fiabilisation
des actifs bâtis critiques (généralement opposée
au concept de vulnérabilité) ; gestion intégrée des
ressources et des capacités d’adaptation mobilisables
pendant la crise pour pallier les dysfonctionnements
des services habituels ; capacité à adapter le besoin
de service à la possibilité des systèmes techniques à
le satisfaire ; et la récupération et rebond à la suite de
l’événement.
C’est ainsi que la ville doit se doter d’une stratégie
basée sur la résilience afin que ses systèmes soient
moins vulnérables. Afin d’assurer la survie d’une société
et la relance économique après un phénomène ou
une catastrophe climatique, il faut donc incorporer des
innovations permettant de renforcer la résilience. Par
exemple, les mesures systémiques et prédictives sont
indéniablement les plus précises et les plus efficaces
pour modifier le comportement (de qui ?) face aux
risques, et la construction d’indicateurs est souvent
pertinente. Cependant cette démarche systémique
reste difficile à mettre en œuvre, surtout à l’échelle
d’une ville. C’est pour cette raison que la nouvelle
technologie et les concepts et processus comme le BIM
et le jumeau numérique sont indispensables pour la
ville.
Voici deux exemples de contributions potentielles du BIM à
la résilience des villes :
1. Les actifs bâtis sont généralement construits pour durer
un siècle, mais il va de soi qu’en se préoccupant de la
durabilité d’une ville et du bien-être des générations
futures, il faut viser le millénaire. En effet, cette vision
n’est pas atteignable au vu des règles d’attribution
des contrats de construction privilégiant les offres
les moins-distantes, soit le plus bas soumissionnaire
conforme (Éditeur officiel du Québec, 2017). Cette
manière de procéder à des répercussions sur la qualité
des prestations, le maintien du niveau de service et la
durée de vie de l’actif construit, puisque les entreprises
cherchent de ce fait à économiser en achetant des
matériaux moins chers et en employant de la main-
d’œuvre plus abordable. Dans ce contexte, le BIM peut
faire l’objet d’une analyse coût/valeur de durabilité
et donc prévenir les risques liés à la vétusté des actifs
bâtis.
2. Certains actifs se trouvent sous-terre. Ils ne sont
pas visibles à l’œil et les informations sur leur
composition, le terrain dans lequel ils se trouvent
et son comportement ne sont pas disponibles. Ces
informations sont aujourd’hui stockées dans des
tableaux Excel, des calques, des fichiers pdf et des
cartes ; alors qu’il est maintenant possible de les
conserver de manière structurée grâce aux modèles
BIM, offrant ainsi un accès rapide et géoréférencé.
Dynamiques de diffusion
Plusieurs gouvernements nationaux exigent le BIM pour les
projets de construction publique. Utilisant de nombreuses
stratégies de mise en œuvre, celles de Singapour, des États-
Unis et du Royaume-Uni sont bien connues selon (Smith,
(2014), Atkinson & al. (2014) et Shou (2015)). Dans ces pays,
l’approche descendante est utilisée là où les gouvernements
jouent un rôle vital dans la résolution des obstacles en
appliquant des normes et des spécifications BIM législatives
sur les projets de construction. Il existe une autre approche
dans laquelle les organismes prennent l’initiative de mettre
en œuvre sans procéder aux normes ni aux lignes directrices
nationales ou internationales. En examinant de près les deux
approches, la participation descendante du gouvernement
contribue essentiellement à faciliter une approche
coordonnée plutôt que fragmentée de l’adoption et de la
mise en œuvre du BIM (Atkinson, 2014).
23

six pays
Considérations
internationales
Plusieurs considérations ont été entreprise
depuis des années pour la mise en œuvre
du BIM avec des niveaux de profondeur
différents. Des études présentent des
examens critiques des éléments à prendre
en considération pour une mise en œuvre
efficace du BIM. L’étude de Wong & al.
(2010), met en évidence les initiatives critiques
découlant de l’examen des implémentations
BIM dans les secteurs public et privé dans
six pays sélectionnés, tels les États-Unis, la
Finlande, la Norvège, le Danemark, Singapour
et Hong Kong. Le Tableau 3 résume ces
initiatives critiques.
La réalisation d’un projet avec le BIM, en
particulier dans une organisation aussi
diverse qu’une municipalité, cela nécessite
une adaptation pour passer du processus de
réalisation habituel au BIM. Quel que soit le
plan de mise en œuvre suivi, il est important
et même crucial de se conformer aux
meilleures pratiques qui ont fait leurs preuves
auparavant.
Tableau 3 Résumé des initiatives critiques examinées dans
1. Rôle des prin- Le secteur public est l’un des principaux moteurs de
cipaux acteurs la mise en œuvre du BIM et le secteur privé a égale-
ment un rôle important. Par exemple à Hong Kong, la
contribution du privé est importante surtout quand il
s’agit du développement de la nouvelle technologie.
2. Politique et/ Le gouvernement doit établir une politique spécifique
ou programme d’adoption BIM sur tous les projets. Dans chacun des
BIM six pays identifiés au préalable, différents ministères
avaient la responsabilité de l’établissement d’une
politique BIM qui prend en charge différents sujets tels
que les directives réglementaires, les arrangements
contractuels, la mise en place de meilleures pratiques
et normes, l’octroi de financement pour la recherche
et l’éducation, etc.
3. Dévelop-
pement de
Les normes/directives BIM sont généralement des
composants ou un résultat attendu de la politique BIM
normes/Direc-
tives BIM
dans un pays. Alors que la politique est normalement
attribuée au secteur public, l’élaboration de normes
ou de lignes directrices BIM peut également être
initiée par le secteur privé. Par exemple aux États-
Unis le client public GSA a ses directives BIM qui sont
parallèles aux directives BIM nationales rédigées par le
NIST. Les lignes directrices peuvent servir un but pré-
cis pour une organisation ; par conséquent, dans un
pays, il peut y avoir un ensemble de directives BIM. Le
développement de normes BIM ouvertes est recom-
mandé, ce qui signifie que les normes doivent être
utilisables sur une variété de plates-formes / systèmes
informatiques. GSA aux États-Unis et l’Association
des entrepreneurs finlandais collaborent avec d’autres
partenaires afin d’établir des normes BIM ouvertes.
Dans d’autres pays, il existe de nombreux dévelop-
peurs/fournisseurs BIM concurrents. Leurs efforts
doivent être rationalisés. Le secteur public d’un pays
est mieux placé pour insuffler une synergie à divers
développeurs BIM concurrents sur le marché.
À Hong Kong, HKIBIM joue un rôle proactif en
fournissant une plate-forme d’échange pour recueillir
les contributions des professionnels et des parties
prenantes du BIM
4. Capacité Les informations contenues dans les modèles doivent
d’échange d’in- être accessibles par les parties prenantes, facilement
formations échangeables sans perte de données entre différentes
technologies utilisées.
Par exemple, les certifications IFC, IFD ou IDM sont
destinées à répondre aux exigences BIM avec une
bonne capacité d’échange d’informations.
5. Organisation Il est important d’avoir une ou plusieurs organisations
pour la mise en désignées pour assumer les principales responsabilités
œuvre du BIM de mise en œuvre du BIM, dans un premier temps
à travers certains projets pilotes, par exemple, un
ministère ou une organisation gouvernementale qui
supervise les initiatives BIM sur le territoire.
6. Présentation, Les résultats du programme BIM, une fois établi,
promotion et doivent être diffusés et communiqués.
liaison
24

Considération contractuelle :
Le cas de la municipalité de Dubaï
Les Émirats arabes unis sont une fédération de sept
émirats individuels dont Dubaï. Ils n’ont pas l’obligation
d’adopter un BIM à l’échelle nationale. En 2013, le
circulaire n°196 de la municipalité de Dubaï a exigé
l’application du BIM pour les travaux d’architecture et
MEP (Mécanique, électricité et plomberie). En 2015, le
circulaire n°207 appuyait le circulaire n° 196 et exigeait
que les bureaux de conseil soient responsables de
son application et que les architectes et les ingénieurs
soient responsables de le respecter.
Il est important de signaler que les directives n’ont rien
énoncé sur la manière dont le BIM devrait être mis en
œuvre, sur les exigences minimales, les normes ou le
niveau minimum BIM à appliquer. Il est possible que
cette omission soit pour se familiariser avec le BIM
avant toutes exigences.
Dans ce contexte, les parties ont déterminé elles-
mêmes comment le BIM devrait être mis en œuvre
dans le contrat, ce qui a conduit vers l’échec de
son déploiement. Même si l’expérience de Dubaï
est considérée comme un échec, cela fait partie du
processus d’apprentissage et d’amélioration continue
et elle peut se révéler enrichissante en apprenant
de l’échec. Elles doivent tenir compte des clauses
relatives aux responsabilités de gestion BIM, du choix
et l’incorporation d’un protocole, de la fourniture
de documents et de la hiérarchie des documents
contractuels.
Initiatives et
considérations au Canada
Plusieurs actions sont en cours au Canada en ce qui a
trait à la mise en œuvre du BIM dans le secteur public,
que ce soit au niveau fédéral, provincial ou municipal. De
plus, plusieurs entreprises privées du secteur de l’AEC au
Canada ont adopté le BIM et l’utilisent pour de grands
projets. Les marchés publics n’exigent cependant pas
le BIM, sauf pour quelques exceptions. Par exemple, le
ministère de la Défense nationale (MDN) a adopté le BIM
de manière significative depuis déjà plusieurs années.
Le Québec et l’Alberta progressent rapidement et
semblent les plus avancés et les plus soutenus par
leurs gouvernements provinciaux comparativement
aux autres provinces. Alberta Infrastructure a publié
ses spécifications de réalisation de projets numériques
et les met en œuvre sur ses projets d’investissement
depuis 2018. Au Québec, le ministère de l’Économie
et de l’Innovation appuie l’Initiative québécoise pour
la construction 4.0 (IQC 4.0), en collaboration avec le
Groupe BIM du Québec et l’Institut de gouvernance
numérique depuis 2018. En 2021, le gouvernement
du Québec a dévoilé sa feuille de route pour le
déploiement du BIM dans les projets publics. Les cinq
principaux donneurs d’ouvrage publics au Québec (la
Société québécoise des infrastructures, le ministère des
Transports, la Société d’habitation du Québec, Hydro-
Québec, la Ville de Montréal et la Ville de Québec)
s’engagent à intégrer progressivement le BIM dans les
projets publics.
Dans ce contexte, il est important d’apprendre des
précurseurs et de faire une analyse de l’existant dans le
domaine du BIM à l’échelle locale, provinciale, fédérale et
internationale.
25
Contexte actuel
des municipalités
canadiennes
Le BIM affecte tout aspect d’une organisation, sa mise
en œuvre dans une ville doit donc être considérée
comme une partie intégrante de chaque processus
existant, plutôt que comme une entité BIM isolée liée
uniquement à quelques tâches ou projets spécifiques.
De plus, les différentes applications BIM doivent être
utilisées sur la durée de vie complète de l’actif bâti.
Puisque le BIM impacte le processus décisionnel et vice
versa, il est donc important de connaître la hiérarchie,
les organes délibérants et comment les pouvoirs sont
partagés dans les villes canadiennes. Cette information
aide à définir les comités impliqués et d’adresser le
besoin en exigences d’information que les modèles
doivent contenir.

Le système municipal du Canada varie d’une province à

l’autre, mais il présente tout de même des similitudes.
Par conséquent, ceci mérite une analyse rigoureuse de
la structure organisationnelle, de ses compétences et
ressources, de son cadre juridique, de ses processus et
de son infrastructure technologique.

L’administration des villes au Canada relève de la

compétence exclusive des provinces. Les compétences
et les pouvoirs nécessaires à l’exercice de ces
compétences leur sont délégués à travers diverses
lois générales comme la : Loi sur les cités et villes
; Loi sur l’aménagement et l’urbanisme ; Loi sur le
patrimoine culturel ; Loi sur l’organisation territoriale
municipale ; Loi sur les travaux municipaux ; etc.
Tout dépendamment la charte constitutive d’une
municipalité ou du décret de constitution, certaines
municipalités ont des pouvoirs particuliers.

Ces lois, auxquelles s’ajoutent d’autres, régissent le

fonctionnement et les activités des municipalités.
Elles ont aussi pour objet d’encadrer l’exercice des
compétences déléguées aux entités administratives
que sont les municipalités locales et les administrations
régionales.

26
Conclusion et prochaines
étapes

Les villes doivent relever de multiples défis pour maximiser la

valeur offerte à leurs citoyens. Non seulement elles doivent
planifier, livrer et entretenir des actifs bâtis essentiels, mais
elles sont également responsables de la réglementation et
de l’approbation de tous les bâtiments sur leur territoire.
Ce document montre le potentiel de la BIM pour surmonter
certains de ces défis. La BIM a déjà fait ses preuves en tant
que processus qui fédère de multiples acteurs vers un objectif
commun. Elle permet une coordination transparente entre les
différentes disciplines et équipes sur le chantier. Elle améliore la
planification et l’optimisation des travaux ainsi que la sécurité et
l’efficacité. Le BIM aide les gestionnaires à atteindre les objectifs
de développement durable, social et économique. La prise de
décision est plus efficace grâce aux informations structurées
accessibles dans les modèles BIM tout au long du cycle de vie
des actifs bâtis d’une municipalité. En outre, elle peut aider les
municipalités à fournir de meilleurs services à leurs citoyens grâce
à des processus plus rationnels.

Ce livre blanc est un document d’orientation vers l’implantation

du BIM au niveau des villes canadiennes. Le déploiement du BIM
entraîne vers un secteur de construction compétitif, efficace et
productif. Il aide les gestionnaires à prendre des décisions rapides
et mieux éclairées qui assurent la pérennité des actifs bâtis. Ce
livre blanc offre des considérations contextuelles à prendre en
compte avant toute implantation BIM. Il ne reste qu’à intégrer le
BIM dans le plan stratégique et de communication de la ville et
de préparer une feuille de route qui prend en compte le contexte
particulier de la ville.

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