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UNIVERSİTÉ D’ANTANANARIVO

Faculté de Droit, d’Economie, de Gestion et de Sociologie


Domaine des Sciences de la Société
Mention Sociologie
Formation Professionnalisante en Travail Social et Développement
MASTER 2 Professionnel
SOCIOLOGIE DE LA FAMILLE ET PROBLÈMES D’INTÉGRATION SOCIALE
Intervenant : Gil Dany RANDRIAMASITIANA, Professeur Titulaire

(DOCUMENT NON REPRODUCTIBLE SANS L’AVAL DE L’AUTEUR)

OBJECTIF :
A la fin du traitement du module / de la matière/ de l’élément constitutif, l’étudiant sera
capable d’utiliser à bon escient les outils conceptuels et les modèles théoriques en Sociologie de la
famille et les entraves liées à l’intégration sociale de la cellule familiale dans divers champs
sociaux du développement, de l’administration, des organisations, des politiques sociales, du contact
de cultures et de la communication.

TECHNIQUE DE TRANSMISSION DES CONNAISSANCES ET SUPPORTS


PEDAGOGIQUES:
On y privilégie l’approche communicative et la dimension pragmatique du contenu de
formation avec l’utilisation de cours polycopiés (permettant une optimisation des interactions en
classe), de supports audio et / ou audio – visuels et le recours aux conférences – débats et de
visioconférences.

TYPES D’ÉVALUATION :
Compte rendu de lecture, exposés, discussions – débats, restitutions des points forts d’une
conférence – débat ou d’une visioconférence, Présentation et / ou Restitution de documents ou de
travaux scientifiques sur powerpoint + Commentaire, contrôle continu, examen final, test, essais,
épreuve orale, simulation, rapport de stage, mini –dossier, Mémoire, Thèse…

ÉTAPES DU COURS :
1/ Partie théorique
2/ Applications (Travaux Dirigés, Exposés et Études de cas)
3/ Evaluations
PLAN DU COURS :
- I Les grandes théories de la famille
- II Socialisation familiale et Entraves liées aux problèmes d’intégration sociale
- III Familles contemporaines et Travail social
- IV Etudes expérimentales et ré - investissement des acquis

1
BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE (à étoffer par les apprenants)
- ABELES, M. (2008) Anthropologie de la globalisation, Paris, Payot
- ASTIER, I. (2007) Les nouvelles règles du social, Paris, P.U.F.
- BETOINE et al. 2002, Sciences sociales, 3ème édition, Paris, Editions Sirey
- BOHANNAN, P. et CURTIN, P. (1971) L’Afrique et les Africains, Artigues – Près – Bordeaux,
Société nouvelle des imprimeries Delmas
- BOUCHER Manuel (2000) Les théories de l'intégration. Entre universalisme et différentialisme. Des
débats sociologiques et politiques en France : analyse de textes contemporains, L'Harmattan.
- BOURDIEU, P. (1989) La Noblesse d’Etat, Paris, Minuit
- BREMOND, J. et GELEDAN, A. (1990), Dictionnaire économique et social, Paris, Bordas.
- CLAVEL, G.(1998) . La société d’exclusion. Comprendre pour en sortir, Paris, L’Harmattan,
- COUET, J-F et A. DAVIE, A(1999) . Dictionnaire de l'essentiel en sociologie, Paris, Ed. Liris.
- DUBAR, C.(2000) La socialisation – Construction des identités sociales et professionnelles, Paris, A.Colin,
p.73
- DURAND, G.(2014) L’abécédaire systémique du travailleur social, Paris, Editions Fabert
- FISCHER, G-N. (1992) La dynamique du social : violence, pouvoir et changement, Paris, Dunod.
- GARDOU, Ch. (2012) La Société inclusive, parlons-en ! Paris, Editions Erès
- GROSS, Martine (2005) Homoparentalités, état des lieux, Paris, Editions Erès
- GUILLIEN, R. et VINCENT, J. (2003), sous la dir, Lexique des termes juridiques, 14è édition, Paris,
Dalloz, p. 268
- Haut Conseil à l'intégration, L'intégration à la française, rapport à Monsieur le Premier ministre,
1993
- INSTAT/DSM/EPM2005, Antananarivo, p.33
- JULIEN, D.(2006) Les politiques familiales, Paris, Presses Universitaires de France « Que sais-je ?
», 128 pages.
- KELLERHALS, J. et MONTANDON, C. (1991) Les stratégies éducatives des familles, Lausanne,
Delachaux et Niestlé
- LALLEMENT, M.(1993) Histoire des idées sociologiques, Paris, Nathan.
- MENDRAS, H. (1975) Eléments de sociologie, Paris, A. Colin, p.165 – 156
- RANDRIANARISOA, P. (1981) L’enfant et son éducation dans la civilisation traditionnelle
malgache, Antananarivo, SME
- ROLLET, C. (1993) « De l’intérêt de l’Etat aux droits de l’enfant », Le groupe familial, n° 138, p.p.
4-11.
- SABEAU – JOUANNET, L. (1974) Essai de psychologie transculturelle appliquée au groupe
ethnique merina, Mémoire de fin de CE de psychiatrie, Université Paul Sabatier
- SEGALEN, M. (1993) Sociologie de la famille, Paris, A. Colin
- SILLAMY, N. (2004) Dictionnaire de psychologie, Paris, Larousse
- TOUZARD, H. (1977) La médiation et la résolution des conflits, Paris, PUF, p.88 et 114 – 115

WEBOGRAPHIE
- VINGT ANS DE PLANIFICATION FAMILIALE EN AFRIQUE SUB-SAHARIENNE, Thérèse
LOCOH, Centre Français sur la Population et le Développement (C E P E D), Groupement d'Intérêt
Scientifique EHESS-INED-INSEE-ORSTOM-PARIS, Les DOSSIERS DU CEPED No 19 Paris,
Février 1992.
- DURKHEIM, E. (1988) Introduction à la sociologie de la famille, Les classiques des sciences
sociales, site web de l’Université en Québec à Chicoutimi

- http://fr.wikipedia.org/wiki/Politique_familiale

- La politique familiale, pourquoi? Arguments et thèses, Kurt Lüscher, Publié par la Commission
fédérale de coordination pour les questions familiales COFF, Isabelle VILLARD et Ruth
CALDERON-GROSSENBACHER, COFF, Berne, 2004
- http://www.untm-mali.org/index.php/societe/politique-familialeion
- Madagascar Action Plan, version électronique
- Les Maisons familiales rurales, actrices de l’insertion socioprofessionnelle des jeunes

2
L’expérience des MFR dans 17 pays à travers Le Monde, exemples du BrésiL, du Burkina Faso, du
Caméroun et de Madagascar, Coopération internationale des MFR, AFD, www.mfr.fr

- http://latribune.cyber-diego.com/societe/538-la-monoparentalite-a-madagascar-les-femmes-chef-
de-menagenr.html

- Pauvreté, culture et exclusion. La question du sens en anthropologie urbaine, par Michel


AGIER, p.227 – 242, version électronique

- Aubin PIERRE. A propos des prestations familiales dans les territoires français d'Afrique Noire. In:
Population, 9e année, n°1, 1954 pp. 51-60.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/pop_0032-4663_1954_num_9_1_340

- Émile DURKHEIM (1888) “ Introduction à la sociologie de la famille”, Un document produit en version


numérique par Jean-Marie Tremblay, bénévole, professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi
Site web: http://pages.infinit.net/sociojmt, classiques des sciences sociales
- http://jbesse.info/s2/Anthropologie%20de%20la%20famille/#III
- Inspiré de http://www.memoireonline.com/03/08/991/m_place-services-sociaux-politiques-integration-
europe16.html
-

3
I. LES GRANDES THÉORIES DE LA FAMILLE
I.I. Approche philosophique
ARISTOTE reste prisonnier d’une philosophie qui fait de la nature un modèle absolu pour
l’organisation sociale. Premier objet livré par la nature, remarque – t – il, la société est à
l’image du corps, un tout qui prime nécessairement sur les parties qui le constituent. La
famille, lieu de production et d’éducation, forme, dans ce système, le groupe social de
base. L’organisation sociale doit respecter l’étalon de la nature et s’il trouve que,
naturellement, l’homme est dominateur et la femme portée à la subordination. C’est au nom
de ce même principe que le philosophe se refuse à condamner l’esclavage qui touche, à son
sens, les hommes naturellement inférieurs (LALLEMENT, M.1993 : 19)

La famille, que HEGEL range dans l’ordre de la nature et du particulier, est le mode le
plus immédiat de l’existence sociale. L’État donne forme à ce niveau en autorisant le
passage du concubinage (naturalité) au mariage (insertion du désir sexuel dans la société)
[LALLEMENT, M.1993 :87]

I.2 Approche sociologique et anthropologique1


I.2.1 Approche fonctionnaliste
Les fonctionnalistes considèrent la famille comme l'institution la plus importante au sein de la
société. Les sociologues fonctionnalistes considèrent que le nombre croissant de femmes
salariées va causer les changements au sein de la vie familiale. Les relations entre conjoints
vont évoluer, une nouvelle situation va émerger au sein de la famille, les activités
domestiques vont être un peu mieux partagées et la société va chercher un nouvel équilibre
sociétal.

1 Inspiré de http://jbesse.info/s2/Anthropologie%20de%20la%20famille/
- Émile DURKHEIM (1888) “ Introduction à la sociologie de la famille”, Un document produit en version
numérique par Jean-Marie Tremblay, bénévole, professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi
Site web: http://pages.infinit.net/sociojmt, classiques des sciences sociales.
- http://jbesse.info/s2/Anthropologie%20de%20la%20famille/#III

4
Pour DURKHEIM, une société pré-industrielle simple est basée sur une division du travail
rudimentaire, par contre dans une société industrielle complexe la division du travail devient
différenciée. Bien que Durkheim n'ait pas écrit en détails sur la famille, ses points de vue
impliquent l'évolution vers une nouvelle structure familiale.

De tous les groupes familiaux, celui qui nous intéresse par-dessus tout autre et qu'il
importe surtout de connaître et de comprendre, c'est celui qui existe présentement sous nos
yeux et au sein duquel nous vivons. Nous aurions donc pris pour point de départ et pour
thème la famille telle qu'elle se présente aujourd'hui dans les grandes sociétés
européennes. Nous en aurions fait la description et l'anatomie ; nous en aurions dissociés les
éléments et voici quels eussent été en gros les résultats de cette analyse. Il y aurait eu lieu de
distinguer tout d'abord les personnes et les biens ; puis, parmi les personnes, il aurait fallu
compter, outre les époux et des enfants, le groupe général des consanguins, des parents à
tous les degrés ; ce qui reste en un mot de l'ancienne gens dont l'autorité était autrefois si
puissante et qui, maintenant encore, a souvent à intervenir dans le cercle restreint de la famille
proprement dite. Il y a enfin l'État qui, lui aussi, dans des cas déterminés, vient se mêler à la
vie domestique et en devient même tous les jours un facteur plus important. Cela fait, nous
aurions cherché comment ces éléments fonctionnent, c'est-à-dire quelles relations les unissent
les uns avec les autres. Le système complet de ces relations dont l'ensemble constitue la vie
de la famille se trouve à peu près figuré par le tableau suivant 2.

LES CONSANGUINS
1° Relations du mari avec ses parents propres et ceux de sa femme.
2° Relations de la femme avec ses parents propres et ceux de son mari.

1° Quant aux personnes.


2° Quant aux biens.

(Émancipation par le mariage. Dot. Droit successoral. Conseil judiciaire. Parenté par
alliance : sa nature et ses conséquences).

3° Relations des enfants avec les consanguins paternels et maternels.

1° Quant aux personnes.


2° Quant aux biens.

2 Ce tableau n'est, bien entendu que tout provisoire et nous ne le donnons que pour préciser les idées. C'est seulement à la fin
du cours que nous venons de commencer que nous pourrons obtenir quelque chose d'un peu plus définitif. On remarquera de
plus que tous les exemples ci-dessus sont empruntés au droit, et pas aux mœurs. C'est que la détermination des mœurs
domestiques actuelles constitue un problème qui viendra à son heure mais que nous ne pouvions supposer résolue dès notre
première leçon.
5
(Conseil de famille. Tutelle. Droit successoral, etc.)

LES ÉPOUX
1° Relations des futurs époux à l'acte générateur de la famille (mariage3).

(Nubilité. Consentement. Non existence d'un mariage antérieur. (Monogamie. - Non


existence de la parenté à un degré prohibé, etc.)

2° Relations des époux quant aux personnes.

Droits et devoirs respectifs des époux. Nature du lien conjugal dissolubilité ou


indissolubilité etc.)

3° Relations des époux quant aux biens.

(Régime dotal, communauté, séparation de biens. - Donations. Droit successoral, etc.)

LES ENFANTS
1° Relations des enfants avec les parents. Quant aux personnes.
(Puissance paternelle. Émancipation. Majorité, etc.)

2° Relations des enfants avec les parents quant aux biens.


(Héritage4. Droit de réserve. Biens propres de l'enfant. Tutelle des parents, etc.)

3° Relations des enfants entre eux.


(Se réduisent presque actuellement au droit successoral.)

3 Règles d’alliance :
- monogame : union légale d’un homme et d’une femme
- polygame : union d’une personne avec plusieurs conjoints
- mariage primaire : première union matrimoniale de l’individu polygame
- mariage secondaire : les unions contractées par la suite
- deux formes de polygamie :
 polyginie : un homme a plusieurs épouses ;
 polyandrie : une femme a plusieurs maris
- lévirat : une femme se marie avec le frère célibataire de son mari
- sororat : lorsqu’une femme meurt ou est stérile, sa jeune sœur peut être envoyée chez son mari pour la remplacer ou
pour enfanter à sa place. Les enfants nés de cette union sont alors considérés comme ceux de la 1 ère épouse stérile.
- exogamie : l’obligation de se marier en dehors de d’un groupe donné
- endogamie : l’obligation de se marier au sein d’un groupe défini
- agamie : l’absence de prescription relative au choix du conjoint à l’intérieur du groupe.
- homogamie sociale : choix d’un d’un(e) conjoint(e) dont les caractéristiques culturelles, sociales et économiques
sont proches des siennes
- inceste de premier type (HERITIER, F.) : unions consanguines défendues (mère /fils, père/fille, frère/sœur…)
- inceste de 2ème type (absent chez LEVI – STRAUSS): interdit portant pour un homme sur la sœur de sa 1 ère épouse,
interdit des deux sœurs

4 La primogéniture donne le pouvoir ou la responsabilité à l’aîné. Le droit d’aînesse n’implique pas toujours
des privilèges ou des avantages. Par exemple, chez les Pramalai Kallar (Inde), le choix du conjoint est pour
l’aîné dicté par la tradition et ne relève pas de sa décision. Les cadets peuvent quant à eux contacter des unions
plus librement.
6
L'ÉTAT
1° Intervention générale de l'État en tant qu'il sanctionne le droit domestique.
(La famille comme institution sociale5.)

2° Intervention particulière dans les relations entre futurs époux.


(Célébration du mariage.)

3° Intervention particulière dans les relations entre époux.


(Substitution du tribunal au mari pour certaines autorisations.)

4° Intervention particulière dans les relations entre parents et enfants.


(Concours du tribunal pour l'exercice de la puissance paternelle.
- Garanties à l'enfant. - Projet de loi sur la déchéance de l'autorité paternelle.)

5° Intervention particulière dans les relations avec consanguins.


(Dans les conseils de famille. - Dans les demandes d'interdiction, etc.)

I.2.3 L’approche évolutionniste


Un philosophe anglais, SPENCER, va appliquer l'idée de DARWIN, qui consiste en la survie
du plus fort, au sein de toute société et parmi toute société. C'est le darwinisme social. Vers
1950, des théories vont émerger et faire écho à Spencer, en insistant sur le fait que les sociétés
en voie de développement devraient évoluer en suivant le processus déjà emprunté par les
sociétés occidentales.

Les institutions sociales évoluent toutes, à commencer par la famille. C'est pourquoi les
fonctionnalistes nous disent que la famille nucléaire est la structure familiale la plus adaptée
pour répondre aux besoins de la société occidentale moderne.

5 Pour DURKHEIM, E. (1858 – 1917) la famille est une institution sociale à la fois juridique et morale :
« Pour qu’il y ait famille, il n’est pas nécessaire qu’il y ait cohabitation et il n’est pas suffisant qu’il y ait
consanguinité. Mais il faut … qu’il y ait droits et devoirs, sanctionnés par la société et qui unissent les membres
dont la famille est composée ». Les membres d’une famille sont principalement soumis à 4 droits et devoirs :
- le devoir de venger les offenses faites à un parent (vendetta) ;
- le droit de chaque parent sur le patrimoine familial ;
- le droit de porter un certain nom ;
- le devoir de participer à un certain culte. (BETOINE et al. 2002, Sciences sociales, 3ème édition, Paris, Editions
Sirey, p.193).
7
Famille élargie Famille nucléaire
nombreuse réduite
travail musculaire intensif travail mécanisé
unité de production unité de consommation
société agraire société industrielle
sert à la survie place dans un paradis
vise à préserver le patrimoine se concentre sur l'éducation
subsistance bien-être

Dans les sociétés pré – industrielles traditionnelles, la famille élargie était fonctionnelle car la
production agricole nécessitait une importante main - d'œuvre.

La plupart des institutions sociales ont souvent augmenté en taille (concept de bureaucratie),
mais la famille va emprunter le chemin inverse. Cette taille de plus en plus réduite de la
famille moderne va être vue par certains comme ce qui va contre – balancer les grandes
institutions sociales de plus en plus anonymes. C'est pourquoi l'approche fonctionnaliste a
tendance à décrire cette famille nucléaire comme un "paradis dans un monde sans coeur".
Cette même phrase est parfois connue comme la théorie du bain chaud.

Talcott PARSONS dit que: "plus la société avance et s'industrialise et plus la famille
s'adapte et évolue. Dans le passé, l'accent était mis sur le besoin économique, mais comme la
société devient de plus en plus complexe avec une division du travail de plus en plus
croissante et une spécialisation de plus en plus poussée, des institutions vont remplacer la
famille dans des domaines divers et variés. De toute manière, la société moderne a besoin
d'une population de salariés qui soient mobiles socialement et géographiquement". La famille
se spécialise donc dans le domaine psychologique, elle sert de soutien.

William GOODE dit qu'il y a une tendance générale vers une famille nucléaire monogame,
vers le modèle occidental de la famille nucléaire, parce que cela fait partie intégrante de
l'expansion de l'industrialisation à travers le monde. À l'appui de cette thèse, il fait référence à
l'expansion des formes culturelles occidentales, qui vont insister sur l'image de l'amour
romantique, l'importance de la famille nucléaire. Ces valeurs vont donc devenir désirables
pour un nombre croissant d'individus à travers le monde.

8
Georges Peter MURDOCK va même plus loin, car il désigne la famille conjugale6 comme
une institution universelle.

Les fonctionnalistes proposent un point de vue éminemment positif en ce qui concerne la


famille nucléaire, qui serait l'institution qui convient le mieux aux besoins de la société
industrielle moderne. Ce type de famille serait bénéfique pour tous ses membres.
Cependant, la proportion de plus en plus élevée de femmes salariées nous montre que ce
modèle est de plus en plus contredit dans la réalité, tout comme l'augmentation de la
cohabitation, du divorce7, ... On va donc vers de plus en plus de diversité familiale.

Pour François De SINGLY, une femme qui possède le capital féminin – l’excellence
esthétique – souhaite rencontrer un homme qui possède – l’excellence sociale. L’échange de
capitaux « équivalents » mais de sexe différent explique l’existence d’union hétérogame.
Cependant, les femmes revendiquent désormais la prise en compte de leur position
professionnelle. Le capital professionnel est l’enjeu d’une lutte entre les sexes au niveau
des représentations matrimoniales, les femmes cherchant à l’inclure dans leur identité sociale
et donc, en quelque sorte, à le désexualiser. La demande des hommes sur le marché
matrimonial restant surtout centrée que le capital esthétique, les femmes fortement dotées en
capital professionnel restent plus souvent célibataires (BETOINE, op.cit, p.209).

I.2.3 L'approche marxiste


Ce courant a été développé par Engels, l'ami de Marx. Il y a quelques points communs entre
le marxisme et le fonctionnalisme, car ces deux théories posent au départ les mêmes
questions: Quelle est la fonction de la famille ? Comment est née la famille moderne ?
Quelle est la relation entre famille et société ?
D'un autre côté, le marxisme n'affirme pas que la famille conjugale bénéficie à tous ses
membres. Les marxistes disent que la famille reflète les inégalités sociales, et qu'elle est là
pour favoriser les valeurs capitalistes. De plus, la famille reste une institution idéologique
et normative.

6 Nous ne sommes attachées à la famille que parce que nous sommes attachées à la personne de notre père, de
notre mère, de notre femme, de nos enfants. Il en était tout autrement autrefois où les liens qui dérivaient des
choses primaient au contraire ceux qui venaient des personnes, où toute l’organisation familiale avait avant
tout pour objet de maintenir dans la famille les biens domestiques, et où toutes les considérations
personnelles paraissaient secondaires à côté de celles-là. (LALLEMENT, M., 1993 : 164).
7 Le divorce par consentement mutuel, Le divorce par acceptation, Le divorce pour altération, Le
divorce pour faute

9
ENGELS a écrit: L'origine de la famille, propriété privée et État en 1884, un an après la mort
de MARX. Cet ouvrage est perçu comme le premier ouvrage marxiste sur la famille, l'idée de
base étant qu'il y a un lien entre la forme familiale et la propriété privée.
La famille conjugale va émerger en même temps que cette notion de propriété privée, et cette
notion va être consolidée par des lois. MARX était influencé par le travail d'un anthropologue
américain, Louis Henri MORGAN, qui a travaillé sur les sociétés traditionnelles. MARX va
lire MORGAN et prendre des notes, et ce sont ces notes que va utiliser Engels comme bases
d'un article qui va précéder son ouvrage. Les travaux de MORGAN jettent la base d'une
explication de type évolutionniste de la famille moderne, qui aurait évolué en lien avec les
changements sociaux et économiques.
Voici les travaux de Morgan:

Communisme
Féodalisme Capitalisme Socialisme
primitif

Chasseur /
Production Seigneur / Serfs Patron / Ouvriers Propriété collective
Cueilleurs
Aristocratie / Bourgeoisie /
Classes Pas de classes Pas de classe
Paysannerie Prolétariat

Autorité Matriarcale Patriarcale Patriarcale Égalité


Famille
Reproduction Mariage de groupe Famille élargie Famille nucléaire
communautaire

Cette approche marxiste est évolutionniste. Voici de manière plus précise ce que propose
Engels:
Préhistoire Moyen-Âge Âge industriel

Économie Communisme primitif Économie agraire Capitalisme industriel


Propriété Pas de propriété Propriété terrienne Moyens de production
Autorité Matriarcale Patriarcale Patriarcale
Reproduction Mariage de groupe Famille élargie Famille nucléaire
Héritage / Fils ainé Les enfants

La famille monogame va se développer à l'ombre du patriarcat, tout comme la propriété.


Louis Althusser était un marxiste reconnu qui portait ses réflexions sur l'État, et qui
distinguait 2 formes "d'appareils d'états":

10
 les appareils d'état répressifs: tout type de contrôle social qui contrôle de manière
manifeste la société, comme la police. Ces appareils ont le pouvoir de contrôler, de
punir tous ceux qui transgressent le système capitaliste.
 les appareils d'état idéologiques: ils contrôlent le comportement des gens de façon
implicite, comme l'école, les religions, les médias, ...

Pour ALTHUSSER, la famille est un appareil idéologique qui sert le capitalisme, comme
l'école et l'église, car elle est une agence de contrôle social. La famille va donc favoriser
l'acharnement au travail et la compétitivité.
Pour Jacques DANZELOT, un sociologue néo-marxiste français, la famille est une
institution assiégée par toutes sortes d'appareils d'état. Autrement dit, la sphère privée de
la famille est de plus en plus envahie par des "experts" dans le but de la contrôler.
Michel FOUCAULT est un grand historien des idées, sociologue et philosophe qui a inspiré
Danzelot et qui a beaucoup travaillé sur les notions de contrôle, de pouvoir, notamment vis-à-
vis de la sexualité. Il s'oppose à l'idée couramment acceptée qu'avec le temps, la société
occidentale serait devenue plus libérale et que de ce fait les individus seraient devenus
plus libres et autonomes face au contrôle de l'Etat. Foucault considère que ce pouvoir de
contrôle de l'Etat n'a pas diminué, mais qu'il a simplement changé de forme en adoptant une
apparence moins répressive que dans le passé.
LASCH considère que la famille est une sorte de paradis dans un monde capitaliste sans
coeur. Il suggère avec DANZELOT que la vie familiale était meilleure dans le passé, car il
n'y avait pas de capitalisme. Pour ces deux auteurs, le capitalisme cherche à intervenir de
façon de plus en plus croissante dans la vie privée des familles. LASCH considère que le
déclin de l'autorité parentale va mener vers un individualisme croissant et pernicieux.
Que ce soit Lasch ou DANZELOT, ils vont être critiqués par les féministes qui vont leur
reprocher d'avoir idéalisé la famille d'avant le capitalisme, et vont ajouter qu'en appuyant
l'autorité parentale qui était forcément une autorité paternelle, LASCH soutient l'autorité
patriarcale.

I.2.4 La situation familiale moderne


I.2.5.1 Mutations du mariage

Jusqu'au XIX° siècle, tout mariage était un projet économique ou politique, donc n'était
pas fondé sur l'amour. En effet, les conditions de vie n'étaient pas propices à l'attachement, et
l'important n'était pas l'épanouissement personnel mais le fait de perpétuer la lignée en

11
enfantant.
Le sentiment amoureux va commencer à émerger au XIX°, et le mariage amoureux va
cohabiter avec le mariage économique pour finalement s'imposer, notamment grâce à
l'amélioration des conditions de vie et à la montée de l'individualisme qui va entraîner une
recherche de l'épanouissement personnel.

Puisque le mariage est initié par 2 individus, on se dirige vers un mariage "contrat", et plus
vers un mariage "institution". Dans ce cas, le divorce semble être le prolongement logique de
ce contrat. Dans ce cadre, le bonheur des 2 membres a su se maintenir, et l'enfant devient le
pourvoyeur de joie, prenant ainsi de la valeur.
La famille devient un espace de valorisation et de reconnaissance de l'identité personnelle.
Le couple acquiert une fonction de validation réciproque. Le conjoint devient un partenaire
attentif, et la sexualité commence à être l'objet de discussions.

I.2.5.2 Caractéristiques de la famille contemporaine et regards critiques sur la


conception durkheimienne.

 La famille contemporaine est relationnelle


A la famille contemporaine, on préfère associer le terme « relationnelle », retenant
dans sa désignation, la caractéristique principale dont Emile DURKHEIM avait eu
l’intuition dès 1892 :
« Nous ne sommes attachés à notre famille que parce que nous sommes attachés à la
personne de père, de notre mère, de notre femme, de nos enfants. Il en était tout
autrement autrefois où les liens qui dérivaient des choses primaient au contraire ceux
qui venaient des personnes, où toute l’organisation familiale avait tout pour objet de
maintenir dans les familles les biens domestiques, et où toutes les considérations
personnelles paraissaient secondaires à côté de celle-là. » (DURKHEIM, 1921)

 La famille contemporaine est privée/publique


Le repli sur le cercle domestique, la conquête de l’autonomie familiale, les charmes de
l’intimité ont une force cachée : le contrôle de cette vie privée par l’Etat qui garantit aussi
certaines conditions d’un bon fonctionnement.
En France par exemple, le père n’est plus au 19ème siècle le chef incontesté de la
famille, la famille n’est pas patriarcale – L’intérêt de l’enfant est une notion qui a servi et
sert de justificatif aux interventions de l’Etat dans la famille.8

8 ROLLET, C. (1993) « De l’intérêt de l’Etat aux droits de l’enfant », Le groupe familial, n° 138, p.p. 4-11.
12
 La famille contemporaine est individualiste
Dans la famille où le patrimoine économique à transmettre constitue le premier
objectif, le rôle central est donc tenu par le patrimoine. Pour Karl MARX9 qui exprime
bien cette idée.

« Le bénéficiaire du majorat, le fils premier né, appartient à la terre. Celle-ci en


hérite ». Dans la famille moderne, au contraire, ce sont les relations entre l’homme et
la femme, entre les parents et les enfants qui font vivre « l’esprit de famille ».

Toutefois, il y a un problème de nature scientifique : il est plus facile d’appréhender de


l’extérieur, de traiter comme une chose le fonctionnement domestique centré sur les
personnes et les relations. Comment objectiver les sentiments, la satisfaction relationnelle,
les divergences privées, la logique d’intégration affective ?

 La famille contemporaine manque d’horizon intergénérationnel


Mettant en forme ses notes de cours, Marcel MAUSS remarque que DURKHEIM a
insisté sur le fait que, dans certaines professions, la transmission intergénérationnelle
était impossible :
« Il y a toute une catégorie de travailleurs qui ne peut plus transmettre à ses enfants
le résultat de son travail, ce sont

Les niveaux d’instruction des parents malgaches sont bas :

Urbain Rural Hommes Femmes ENSEMBLE


Sans instruction 23,8 36,7 32 35,7 33,8
Primaire 47,4 54 53,6 51,5 52,5
Secondaire 21,7 8,3 11,4 11,1 11,2
Supérieur 7,2 1,0 3,0 1,8 2,4
Total 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0

Tableau 84 : Répartition de la population selon le niveau d’instruction, par milieu et par genre
Source : INSTAT/DSM/EPM2005, p.102

DURKHEIM pense, peut – être, à lui – même, à sa renommée intellectuelle, et à son


fils unique, André. Pour s’opposer au divorce par consentement mutuel, DURKHEIM est

9Cité par BOURDIEU, P. (1980) « La terre et les stratégies matrimoniales », Le sens pratique, Paris, Minuit, p.
242.
13
contraint de faire appel à la présence des enfants qui, selon lui, garantit beaucoup plus
l’intégration familiale.

De nouveaux liens de parenté


 La famille et les parents, fournisseurs de capital social

Chez BOURDIEU, P. (1989) La Noblesse d’Etat, Paris, Minuit, le fait que la valeur
d’un individu n’est pas fixée uniquement par le montant du capital possédé par celui-ci,
mais qu’elle dépend aussi des ressources qui peuvent être mobilisées à travers le réseau de
relations familiales, à la condition de ne pas le réserver aux familles les plus riches.

L’autonomisation de l’individu par rapport à la famille contemporaine


 Le sens des transformations de la famille depuis les années 1960
A Madagascar comme en France, les transformations de la famille peuvent être
résumées en 6 points :
- La diminution du nombre de mariages et de remariages et l’augmentation des unions
libres (ou de la cohabitation) ;
- L’augmentation des divorces, des séparations ;
- L’augmentation des familles monoparentales (un ménage d’un parent et d’un ou
plusieurs enfants), des familles composées ou recomposées (un ménage constitué par
un couple dont l’un des conjoints au moins a un passé matrimonial et la garde d’un de
ses enfants) ;
- La diminution du nombre des naissances ;
- L’augmentation du nombre des naissances hors mariage ;
- L’augmentation du travail salarié des femmes, notamment des mères, et, par voie de
conséquences des couples où les deux conjoints ont une activité professionnelle.

Situation matrimoniale
- Homme Femme Ensemble

- Marié (e) Légalement 37,4 2,6 32,4


- Marié (é) Coutumièrement monogame 49,7 4,8 43,3
- Marié (e) Coutumièrement polygame 1,7 0,1 1,5
- Union Libre Monogame 6,3 2,3 5,8
- Union Libre Polygame 0,1 NS 0,1
- Divorcé (e) 0,1 2,6 0,4
- Séparé (e) 1,3 38,6 6,7
- Veuf (ve) 2,4 43,4 8,3
- Célibataire 1,0 5,7 1,7
- Total 100,0 100,0 100,0

14
Source : INSTAT/DSM/EPM2005, p.33

 La famille postmoderne
Contrairement à certains discours utopistes et féministes, la famille n’a pas disparu
dans la mesure où les individus croient qu’elle constitue un des moyens idéaux pour être
heureux, pour se réaliser soi – même.

Les effets associés à l’autonomisation

Complexité de l’environnement familial et situation éducative de l’enfant.


Les histoires conjugales de parents séparés d’origine conduisent l’enfant à vivre dans
ce que Didier LEGALL et Claude MARTIN10 nomment un réseau parental qui peut
comprendre : ses parents d’origine, les nouveaux conjoints respectifs de ses parents, les
anciens conjoints éventuels de son ou de ses beaux-parents. Les enfants circulent au sein de ce
réseau hypothétique en fonction de la manière dont les adultes définissent leur insertion
domestique, leur fonction parentale ou beau-parentale.

Questionnement récurrent : obstinations durables et fragilité conjugale


La question posée concerne non seulement les familles monoparentales et les familles
recomposées, mais l’ensemble des familles qui vivent selon la logique de l’autonomisation
individuelle. Comment l’enfant est – il produit dans un contexte familial où les
préoccupations individuelles semblent l’emporter ? L’enfant est – il toujours porteur d’un
projet familial ? La part des destinations durables – qui marquent la reproduction et par
lesquelles la tradition propre à un groupe familial se transmet diminue – t – elle dans les
nouvelles générations ? Est – elle moins importante pour les enfants qui ont et des parents
valorisant d’avantage l’autonomie ? Dans le cas éventuel d’une baisse de ces obstinations
durables, est – ce dommageable pour les enfants, pour leur avenir, dans un contexte social où
la mobilité (de l’emploi au cours de l’existence, par exemple) est par ailleurs valorisée ?

10 LEGALL, D. et MARTIN, C. (1993) « Transmissions familiales, logiques de recomposition et modes de


régulation conjugales » in M – T, MEULDERS et I. THERY. , dir, (1993), Les recompositions familiales
aujourd’hui, Paris, Nathan, p. 137-158
15
II SOCIALISATION FAMILIALE ET ENTRAVES
LIÉES AUX PROBLÈMES D’INTÉGRATION SOCIALE
L’objectif de l’intégration est de faire entrer dans un ensemble, d’incorporer. Il s’agit de
procéder comme on le dit en astronautique, à l’assemblage des différentes parties
constitutives d’un système, en veillant à leur comptabilité et au bon fonctionnement de
l’intégralité. Un élément extérieur, mis dedans, est appelé à s’ajuster à un système
préexistant. Ce qui est ici premier est l’adaptation de la personne : si elle espère s’intégrer,
elle doit, d’une manière assez proche de l’assimilation, se transformer, se normaliser
s’adapter ou se réadapter. Par contraste, une organisation est inclusive lorsqu’elle module
son fonctionnement, se flexibilise pour offrir, au sein de l’ensemble commun un « chez soi
pour tous ». Sans neutraliser les besoins, désirs ou destins singuliers et les résorber dans le
tout. GARDOU, Ch. (2012 : 36).

II.1. Les différents modèles d'intégration en sciences


sociales11
L'intégration est une notion fondatrice en sociologie. La thématique de l'intégration apparaît
avec M. Weber et E. Durkheim au 19ème siècle, alors que la société est déstabilisée par les
conséquences de la révolution industrielle et de la révolution démocratique et politique.

Durkheim définit l'intégration comme un processus par lequel l'individu participe à la vie
sociale. Cette participation s'opère grâce à l'intégration des individus dans plusieurs
instances : familiale, religieuse, groupes professionnels. Ces instances prédisposent
l'individu à vivre en société. L'intégration est donc le résultat de la socialisation.

A l'époque contemporaine, le Haut Conseil à l'intégration propose la définition suivante de


l'intégration : « L'intégration consiste à susciter la participation active à la société tout
entière de l'ensemble des femmes et des hommes appelés à vivre durablement sur notre sol
en acceptant sans arrière-pensée que subsistent des spécificités notamment culturelles, mais

11Inspiré de http://www.memoireonline.com/03/08/991/m_place-services-sociaux-politiques-integration-
europe16.html
16
en mettant l'accent sur les ressemblances et les convergences dans l'égalité des droits et des
devoirs, afin d'assurer la cohésion de notre tissu social »12.

Dans le sens courant, comme dans la littérature sociologique, le terme « intégration » a donc
deux sens :

D'une part, l'intégration désigne un état du système social. Une société sera considérée comme
intégrée si elle est caractérisée par un degré élevé de cohésion sociale. Pour Durkheim, par
exemple, le taux de suicide13 varie en raison inverse du degré d'intégration des groupes
sociaux dont fait partie l'individu (Le suicide, 1897). A l'intégration on oppose donc l'anomie
(absence ou insuffisance de règles sociales permettant d'assurer la coopération des différents
éléments constituant la société) ou la désorganisation sociale.

D'autre part, l'intégration désigne la situation d'un individu ou d'un groupe qui est en
interaction avec les autres groupes ou individus (sociabilité), qui partage les valeurs et les
normes de la société à laquelle il appartient. A l'intégration on oppose donc la marginalité, la
déviance, l'exclusion.

Ces dernières années, en France, les débats politiques et médiatiques ont mis l'accent sur
« l'intégration des immigrés », mais il ne s'agit là que d'un aspect de l'intégration sociale.
« Intégration » et « immigration » sont certes des notions liées, mais la question de
l'intégration ne se pose pas seulement ni systématiquement à propos des immigrés.

Dans le débat actuel sur l'intégration des immigrés, Manuel BOUCHER relève l'existence de
quatre modèles d'intégration distincts : le modèle assimilationniste, le modèle
communautariste, le modèle intégrationniste et le modèle multiculturaliste raisonnable14

12 Haut Conseil à l'intégration, L'intégration à la française, rapport à Monsieur le Premier ministre, 1993

13Suicide altruiste : suicide qui se réalise dans des groupes où les individus existent plus, par et pour le groupe,
que eux-mêmes
Suicide égoiste : suicide d’un individu peu ou pas intégré à son groupe social d’appartenance
Suicide anomique : suicide qui est en rapport avec le relâchement des normes sociales et le dérèglement de
l’activité sociale
Suicide fataliste : suicide d’esclave
14 BOUCHER Manuel, Les théories de l'intégration. Entre universalisme et différentialisme. Des débats
sociologiques et politiques en France : analyse de textes contemporains, L'Harmattan, 2000
17
II.1.1. L'approche assimilationniste

Selon l'auteur, l'approche assimilationniste est représentée par E.TODD, M.TRIBALAT et


A.TAGUIEFF. Les assimilationnistes réfutent l'idée de la décomposition de la société. Ils
considèrent que certains éléments culturels sont incompatibles et la cohabitation de groupes
culturels différents ne peut se vivre concrètement dans la réalité. L'existence de groupes
minoritaires au sein de la société d'accueil, par le biais de revendications identitaires et
religieuses, devient alors un facteur de désordre social, d'anomie et représente donc une
menace.

La volonté de construire le contrat jacobin15 universel, un nationalisme républicain, est


réaffirmée. Ce qui est à défendre, c'est l'identité culturelle française fondée sur un idéal
civique de type républicain, c'est-à-dire « une volonté de synthèse entre l'exigence
d'universalité et le respect des identités, des particularismes culturels à condition qu'ils
restent dans la sphère du privé »16. Ce modèle trouve son sens au sein d'un Etat-nation dans
lequel peut s'exprimer le sens civique. Pour ces auteurs, il s'agit donc d'éduquer les personnes
aux valeurs de la République afin de former un corps de citoyens sans référence aux notions
de race ou de sang.

II.1.2. L'approche communautariste

L'approche communautariste se développe au travers d'une vision « culturaliste » du monde


par laquelle on ne peut penser le migrant en dehors de son groupe d'appartenance d'origine.
Une grande importance est donc donnée à la culture d'origine des migrants.

15 Sous la Révolution française, le Club des Jacobins (installé au couvent des Jacobins de la rue Saint-Honoré à
Paris) a pour but de donner une constitution à la France. Il rassemble des révolutionnaires d'abord modérés,
comme Sieyès et La Fayette, puis se radicalise sous l'impulsion de Robespierre, principal artisan de la Terreur
jusqu'en 1794.

Bien que le nom des "Jacobins" soit lié à la dictature révolutionnaire, les Républicains du XIXe siècle ont
continué à se référer aux idéaux originels des Jacobins tout en les rendant plus consensuels.

Le jacobinisme qui s'inspire des idées politiques des Jacobins est une doctrine politique qui défend plus la
souveraineté populaire et l'indivisibilité de la République française, qu'une centralisation forte de l'Etat.

Pour ses détracteurs, le jacobinisme est à l'origine des Etats totalitaires.

De nos jours, le terme est souvent utilisé comme synonyme de centralisme, faisant de la capitale, Paris, le lieu
primordial d'exercice du pouvoir. On parle aussi de parisianisme. Il s'oppose alors au fédéralisme que l'on
trouve dans certains pays où ont été réalisés d'importants transferts de pouvoir aux entités régionales.
http://www.toupie.org/Dictionnaire/Jacobinisme.htm
16 BOUCHER Manuel, op. cit., p. 227
18
Les adeptes de ce courant thérapeutique sont peu nombreux en France. Son principal
représentant est Tobie NATHAN. Il part du préalable d'une dissymétrie entre la pensée
occidentale universelle et rationnelle et des pensées traditionnelles des migrants, reliées à
des mythes, des croyances ancestrales très riches de diversité.

Selon l'approche communautariste, la civilisation occidentale moderne conduit les migrants


vers une grande souffrance psychique causée par les bouleversements qu'ils vivent lors du
processus d'acculturation17, étant donné que leur culture de référence est niée par la culture
dominante. Les migrants exilés, coupés de leurs repères traditionnels, peuvent vivre alors une
véritable déchirure.

Pour Tobie NATHAN, l'intégration implique alors un processus de transformation


culturelle18 qui, pour réussir, doit ouvrir un espace de négociation interculturelle où chaque
appartenance culturelle a la possibilité de s'exprimer et de créer pour elle-même ses chemins
par rapport aux autres. Elle implique de ce fait l'indispensable prise en compte de la culture
particulière d'appartenance des migrants. Il faut donc parler le même langage, utiliser les
codes connus du migrant, prendre en considération ses manières de faire, alors même que trop
souvent les professionnels intervenant auprès des migrants, qu'ils soient thérapeutes ou
travailleurs sociaux, apportent des réponses inadaptées en référence à leurs propres codes
culturels.

II.1.3. L'approche intégrationniste

L'approche la plus répandue en France est l'approche intégrationniste, représentée notamment


par D.SCHNAPPER et J.COSTA-LASCOUX. Les intégrationnistes refusent l'idée d'une
dérégulation politique et insistent sur la nécessité de construire une citoyenneté pour tous.

L'approche intégrationniste s'appuie sur les principes du modèle français d'intégration

17 Acculturation : résultat du contact direct et prolongé entre deux cultures conduisant à une modification de
certaines caractéristiques de l'une au moins des cultures (J.-F. COUET et A. DAVIE, Dictionnaire de l'essentiel
en sociologie, Ed. Liris, Paris, 1999, p. 56)

18 A Madagascar, les migrations sont essentiellement de type économique. Très souvent, les groupes enclins
aux « migrations intérieures » (Merina, Betsileo, Antandroy…) tentent de reproduire les modes de vie dans
leurs localités d’accueil et de transit et ont tendance à occuper de façon concentrique (cf Théorie de l’Ecole
de Chicago) ces localités.
19
républicaine mais elle va au-delà. Il s'agit, dans une France devenue composite, où les
personnes sont en recherche d'identité, de construire un « contrat de citoyenneté », nouveau
contrat social, dans le prolongement et au-delà de certaines définitions historiques imposées
par la Révolution française. Ce contrat, grâce à une pédagogie du civisme qui repousserait la
logique des origines et des appartenances, serait défini sur la base des valeurs communes des
droits de l'homme et de la solidarité.

Le processus d'intégration est confondu avec la citoyenneté. L'intégration signifie


l'articulation entre trois types de citoyenneté : la citoyenneté civile (droits et libertés), la
citoyenneté politique (droits politiques) et la citoyenneté sociale (droits sociaux, éducation,
travail).

Pour J.COSTA-LASCOUX, « l'intégration est un processus qui doit permettre l'octroi de la


citoyenneté aux résidants étrangers. Chaque personne vivant durablement sur le sol national
doit avoir « son mot à dire » et pouvoir l'exprimer démocratiquement »19.

Cinq moyens doivent être employés au niveau institutionnel pour construire l'égalité et la
citoyenneté :

· l'égalité de traitement avec les nationaux,

· l'acquisition de la nationalité,

· les politiques sociales (logement, formation, emploi),

· la lutte contre les discriminations,

· les droits politiques au niveau local.

D'après J.COSTA-LASCOUX, jusqu'à présent, la France a recouru aux quatre premiers


moyens mais n'a pas encore eu le courage politique de mettre en oeuvre le cinquième.

II.1.4. L'approche multiculturaliste raisonnable

L'approche multiculturaliste, défendue par les sociologues M.WIEVIORKA et

19 BOUCHER Manuel, op. cit., p. 256


20
A.TOURAINE, part du constat que, lors du passage d'une société industrielle à une société
post-industrielle, nous assistons à la construction de nouvelles formes de mobilisation sociale,
qui prennent la place des grandes mobilisations dans le cadre du mouvement ouvrier. Il s'agit
de construire des espaces d'autonomie et de réaffirmer l'indépendance de formes de sociabilité
privées contre l'emprise de l'Etat (luttes étudiantes, mouvements régionalistes, féministes,
mouvements de sans-papiers,...). Ces mobilisations valorisent les questions identitaires et
affirment l'estime de soi. L'identité devient alors un enjeu majeur, d'autant plus dans un
contexte d'érosion de l'Etat-providence, de mondialisation, de flux migratoires, de
désintégration de l'identité nationale.

La France vit ainsi « une disjonction croissante entre son modèle d'intégration républicaine,
hostile à toute intrusion des différences identitaires dans l'espace public, et sa réalité sociale,
qui dément quotidiennement et de plus en plus ce modèle théorique et son universalisme
abstrait »20.

Mais l'approche multiculturaliste veut montrer que la crise du modèle français d'intégration et
l'affirmation d'identités culturelles ne mène pas nécessairement vers le chaos ; les
revendications identitaires ne sont pas forcément en opposition avec la démocratie
républicaine. Pour cela, l'Etat doit se moderniser, par un traitement plus démocratique et
ouvert des différences culturelles, en ne confondant pas revendications identitaires et
communautarisme, ainsi que par la mise en place d'une politique alliant le social (lutte contre
l'exclusion et les inégalités sociales) et le culturel (nécessité d'une reconnaissance des
différences culturelles)21.

20 WIEVIORKA Michel, Racisme, racialisation et ethnicisation en France, Hommes et Migrations, n° 1195,


février 1996, pp. 27-33

21 WIEVIORKA Michel, A propos du modèle français d'intégration républicaine, Migrants-Formation, n° 109,


juin 1997, pp. 7-21

21
II.1.5. L'approche transversale interculturelle

Lors du séminaire international « Travail social et diversité culturelle »22, Manuel BOUCHER
développe une cinquième approche, l'approche interculturelle. Il s'agit d'un courant socio-
politique, adoptée par M.COHEN-EMERIQUE et C.CAMILLIERI, qui prône le
développement de la pédagogie interculturelle. Elle est fondée sur le respect de la
différence, l'ouverture à l'autre et la diversité culturelle.

La démarche interculturelle passe par trois étapes :

· La décentration (prendre conscience de ses propres cadres de référence),

· La pénétration du système de références de l'autre (tenter de se placer du point de vue de


l'autre et de le comprendre),

· La négociation ou médiation (identifier l'espace de négociation possible afin de trouver des


solutions que chaque partie admettra en conscience, impliquant souvent un minimum de
compromis).

Pour Manuel BOUCHER, cette approche est liée au courant essentialiste relativiste, qui
définit l'individu par son appartenance culturelle uniquement.

II.1.6 Intégration et travail


Avec l’apparition de la société salariale23, le travail est devenu un facteur d’intégration
fondamental
• La société salariale définie par R Castel se caractérise par
− Un statut de salarié valorisé.
− Un développement de la protection sociale et du droit du travail.
− Une diminution du nombre d’indépendants.
• Le travail reste effectivement un des principaux facteurs d’intégration dans la société
− Il permet l’accès à la sécurité sociale aux mutuelles, aux prêts immobiliers, à des
activités collectives (syndicats, œuvres du comité d’entreprise)
− Il est source de reconnaissance sociale
− Il favorise l’implication dans la société

22 Séminaire organisé par l'Institut Social Lille-Vauban dans le cadre du Master du Travail Social en Europe, du
14 au 16 mars 2005
23 Inspiré de http://sesalaprovidence.free.fr/specialite/Durkheim/Durkheim%202009%20et%20voca.pdf

22
− L’importance des emplois flexibles conduit à une baisse du taux de syndicalisation parmi
les salariés. Les travailleurs en CDD, en intérim ou en temps partiel sont proportionnellement
moins nombreux à se syndiquer que les travailleurs en CDI.
L’absence d’esprit collectif, la distance prise avec le travail, et la très forte désyndicalisation
des salariés poussent à la concurrence entre salariés et au ressentiment à l’égard de ceux qui
sont considérés comme responsables de la dégradation des conditions de travail, du pouvoir
d’achat ou de logement.

II.2.7 Intégration et Déficit de lien social


La perte du lien social24 se caractérise d’abord par l’isolement qui concerne, dans notre
société, de plus en plus d’individus : les ménages composés d’une seule personne dépassent
les 7 millions, soit une augmentation de 83% depuis 1968, mouvement qui affecte davantage
les hommes (INSEE, Tableaux de l’économie française, 1996 – 1997). Cet isolement est dû
généralement à des ruptures brutales ou plus souvent progressives, les incidents
s’enchaînant et se cumulant : raréfaction des réseaux de relations professionnelles ou
amicaux due au chômage, ruptures familiales (le divorce concerne près d’un mariage sur
deux) ; le nombre des familles monoparentales a doublé entre 1968 et 1990 où il atteint le
million, soit 4,6% des ménages ; en 1997 leur nombre dépasse 1.600. 000 : celles-ci sont
parmi les populations les plus démunies puisque 17% d’entre elles sont en dessous du seuil
de pauvreté absolue ; elles représentent 20% des bénéficiaires du RMI et 32% des usagers
des centre d’hébergement (CHRS). Parmi les causes d’isolement25, il faut noter le veuvage, la
vieillesse, la prison, la maladie ou l’accident, les jeunes prolongeant leur vie de
célibataire faute de moyens réguliers de subsistance ou de logement indépendant…Si
l’isolement est souvent la conséquence d’une chaîne d’évènements, il rend aussi plus
vulnérable et dépendant socialement : 60% des bénéficiaires du RMI par exemple sont
seuls et relativement jeunes puisque 32% d’entre eux ont moins de 30 ans ; beaucoup d’exclus
sont des personnes isolées (mais tous les isolés ne sont pas des exclus : veufs ou veuves,
retraités…).
Le déficit de lien social se repère également au degré de désocialisation des individus, qui
est la manifestation extrême du processus d’exclusion : délinquance, drogue, diverses
formes de prostitution (souvent pour des raisons de survie), vagabondage, pathologies
diverses (violence, dépression, paranoïa, suicide…). De plus en plus de jeunes sont concernés

24 CLAVEL, G.(1998) . La société d’exclusion. Comprendre pour en sortir, Paris, L’Harmattan, p.202 – 203.

On peut évoquer aussi le cas des handicapés

23
par ces situations. A cette désocialisation se conjugue une perte de civilité : non
participation à la vie associative ou à des organisations ; l’abstention politique lors de
votes est plus fréquente lorsque l’on est moins diplômé, chômeur, exclu (INSEE Première,
n°546, septembre 1997).

III FAMILLES CONTEMPORAINES ET TRAVAIL


(SOCIAL)
III.1 Cycles de vie et problèmes familiaux26

Les contes de notre enfance se terminaient invariablement par : « Ils vécurent


heureux et eurent beaucoup d’enfants », formule laissant supposer que la vie se déroule
comme un long fleuve tranquille. La réalité, hélas, est un peu différente. Tout groupe, y
compris le groupe familial, connaît des moments de tensions et de crises. Tensions,
problèmes, crises voire pathologies, qui ne sont pas le fruit du hasard, mais surgissent
lorsque le système est contraint pour une raison ou une autre de modifier son
fonctionnement, ses règles ou même sa structure.
Deux ordres de facteurs peuvent être à l’origine de tels changements. Les uns extérieurs
au système : guerre, cataclysme, accident, chômage, etc. Les crises qu’ils provoquent sont
alors imprévisibles, accidentelles et aboutissent fréquemment à un renforcement de la
cohésion du groupe. Les autres sont internes au système et sont liés à l’évolution d’un ou
plusieurs de ses membres, en premier lieu les enfants.
Cette évolution obéissant à des lois bio-psychologiques bien connues, les crises qui en
résultent sont dès lors prévisibles et liées à ce que Erick ERIKSON a décrit dans son ouvrage
Enfance et société sous le nom de « cycles de vie » commun à toutes les familles, qu’elles
soient originelles ou recomposées. Pour ces dernières s’ajoutent deux crises importantes tant
pour les partenaires adultes que pour les enfants : celle de la séparation préalable des
conjoints, puis celle d’un nouveau modus vivendi (manière de vivre) provoqué par
l’éventuelle arrivée de nouveaux partenaires. Selon ce concept, la vie de tout groupe
familial peut être considérée comme une sorte de paliers où le système connaît un état
d’équilibre et de calme permettant à chacun de satisfaire ses besoins de manière suffisante.
Mais entre ces paliers apparaissent des périodes de difficultés, de tensions, de conflits, voire
de souffrance, qui signifient que certains membres ne trouvent plus à satisfaire leurs besoins
les plus essentiels et contraignent consciemment ou non le système à changer.

26 DURAND, G.(2014) L’abécédaire systémique du travailleur social, Paris, Editions Fabert, p.90 – 91.
24
Deux éventualités se présentent alors : ou bien le groupe familial trouve en lui-même les
ressources efficaces pour assumer les changements nécessaires et accède à un nouveau palier
(cycle) pour une période plus ou moins longue ; ou bien aucune issue satisfaisante n’étant
trouvée, les difficultés iront croissant et de pseudo solutions apparaîtront sous forme de
comportements déviants ou de symptômes divers, expressions de l’impossibilité pour le
système d’y parvenir

III.2 Classes sociales et habitus : positions et trajectoires27


(BOURDIEU)
Bourgeois « distingué » Petit – bourgeois « prétentieux Peuple « modeste »
Aisé, ample (esprit, geste, Etroit, étriqué, emprunté Gauche, lourd, embarrassé
etc.)
Généreux, noble Petit, mesquin Timide, maladroit
Riche Chiche (peu abondant) Gêné, pauvre
Large (d’idées, etc.) Parcimonieux Modeste
Libéral, libre Stricte, formaliste
Souple, naturel, aisé Sévère « bon enfant », « nature »
Désinvolte, assuré Rigide, crispé
Ouvert, vaste Contraint, scrupuleux28, Franc (parler), solide
précis…

27 DUBAR, C.(2000) La socialisation – Construction des identités sociales et professionnelles, Paris, A.Colin,
p.73
28 Qui a des scrupules, qui est inquiet et exigeant sur le plan moral.

25

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