Vous êtes sur la page 1sur 125

Veuillez partager ce livre numérique avec vos amis.

N’hésitez pas à poster un lien


sur votre site web ou à envoyer un lien par courriel. Vous êtes également autorisé à
imprimer le livre en partie ou dans son ensemble. Toutefois, vous êtes prié de ne pas
le modifiez de quelque façon que ce soit, ni de poster the fichier pour télécharge-
ment d’un site web ou tel autre service de téléchargement numérique.

Si vous désirez distribuer des copies multiples imprimés, ou si vous voulez réim-
primer des extraits dans un bulletin ou une revue, veuillez observer les limitations
suivantes :

1. Vous êtes formellement interdit de le reproduire à but lucratif ; et

2. Vous êtes exigé d’ajouter la mention de source suivante :


Copyright © 2011 by The Plough Publishing House.
Utilisation autorisée.

Ce livre numérique est une publication de


The Plough Publishing House
Rifton, NY 12471 USA
(www.plough.com)
et
Robertsbridge, E. Sussex, TN32 5DR
Royaume-Uni
(www.ploughbooks.co.uk).

Copyright © 2011 par


The Plough Publishing House
Rifton, NY 12471
Etats-Unis
Tous droits réservés.
Table des matières
Avant-propos / v
L’amour de Dieu / 1
Le Royaume de Dieu / 18
Jésus-Christ / 40
L’espérance / 73
Une prière / 105
Les Eglises-communautés / 106
Remerciements
Nous tenons à remercier les bibliothécaires de la Faculté
libre de théologie protestante de Paris, rue Arago, pour
les grands services qu’elles nous ont rendues lors de nos
recherches des textes français des Blumhardt.
Avant-propos
Je voudrais dire, en peu de mots, quelle est la raison d’être
de ce petit livre.
Ceux qui ont eu le privilège de connaître Christophe
Blumhardt — ils ne sont pas nombreux, en France —
sentent qu’ils n’ont pas le droit de garder pour eux ce
qu’ils ont reçu de lui.
Mais comment faire partager l’impression si forte que
produisent les écrits de Blumhardt sur des lecteurs qui
l’ont d’abord entendu, — et surtout, qui l’ont vu vivre ?
Blumhardt a été, dans toute l’acception du terme, un
prophète : non pas seulement un orateur inspiré, mais un
voyant. On a pu chercher à définir les origines histor-
iques de sa pensée. C’est ce que tente en particulier M.
Minssen, dans son étude : Christophe Blumhardt; l’Expérience
Religieuse et le Message d’un Prophète Con­temporain. Il y a
des rappro­chements qui viennent tout de suite à l’esprit :
la théosophie de Jacob Böhme ; le biblicisme de Bengel ;
le mysticisme d’Oetinger ; le piétisme dissident de Michel
Hahn et de ses disciples : tout un ensemble de noms et de
doctrines qui concordent. La pensée de Blumhardt offre,
notamment, de remarquables analogies avec celle de
Böhme ; et ceci est naturel : la théologie de Blumhardt
a le goût de ce terroir souabe, tout imprégné depuis des
siècles de la pensée du grand mystique de la Renaissance.
Mais ce serait mal comprendre Blumhardt que de voir
en lui un écrivain de métier, dont on pourrait retrouver
vi Du Royaume de Dieu

les origines littéraires et philosophiques. Blumhardt


n’écrivait pas. Il parlait. Et il parlait d’inspiration. Il est
de la race des théosophes souabes ; il n’a jamais renié ses
origines ; mais ce qu’il y ajoute, c’est l’essentiel : c’est lui-
même un homme, qui donne à ses frères d’humanité la
sensation de la présence de Dieu.
Et cet homme est profondément, il est pure-
ment humain. Sa théologie n’est coulée dans le moule
d’aucune orthodoxie. Peu lui importe la critique. « Mon
cher Abraham ! » disait-il un jour. On ne me l’ôtera
pas. Les critiques peuvent dire ce qu’ils veulent : ils ne
nous enlèveront pas ce qu’il y a de divin en Abraham. »
Les controverses sur l’historicité de Jésus ne pourraient
émouvoir celui qui disait : « Si j’étais séparé du Christ, je
mourrais. »
Un tel homme est libre, comme l’a été, sous le joug
de l’autorité médiévale, François d’Assise. Il a le droit de
dire ce qu’il veut, car il parle sous l’influence de l’Esprit.
Il ne peut errer, car c’est l’amour du Christ et l’amour
de ses frères qui le guide. Et ce fils de la terre de Souabe
n’a pas seulement le sens de l’Invisible ; il a aussi un sens
avisé des réalités qui l’entourent, un bon sens, disons-le,
qui gardera son mysticisme de tout excès.
Personne n’a feuilleté avec plus d’amour le grand livre
de la Nature ; mais il l’a feuilleté à la façon d’un Voyant,
qui aperçoit sur toutes choses un reflet de la gloire divine,
et pour qui la vie de l’univers participe à la vie de Dieu.
Toutefois, la nature n’a pu l’absorber tout entier. Lui
qui vivait à son contact, dans ce coin tranquille et char-
mant de Boll, à l’orée des forêts de l’Alb, il y a une heure
Avant-propos vii

où il s’est senti appelé à descendre vers les villes et à


parler aux foules assemblées par la civilisation industrielle.
A ce moment, il se sépare de son Eglise. Depuis
longtemps déjà, il y est incompris, et il vit sur un plan
supérieur, où l’élève sa conception vraiment humaine et
universelle du règne de Dieu. Le clergé de Wurtemberg
n’a pas compris qu’un des siens adhérât au parti social-
iste. Il a envisagé d’abord cette adhésion comme une
sorte de trahison1. Mais un homme tel que Christophe
Blumhardt, qui ne dédaigne personne, sait pardonner
l’incompréhension humaine. Il poursuit sa voie,
insoucieux des clameurs de ceux qui ne comprennent
pas qu’on délaisse les sentiers battus. Il a un message pour
son peuple. « Je viens à vous en allié, au nom du Christ »,
déclare-t-il au peuple. Et le peuple l’acclame.
Pourtant, Blumhardt ne pouvait se résigner à être d’un
parti. Il avait délaissé l’atmosphère des Eglises, croyant
res­pirer ailleurs l’air pur du large. Bientôt, il s’est aperçu que
l’esprit de parti sévissait, dans les milieux socialistes, d’une
façon autrement âpre que dans l’Eglise de Wurtemberg.
Il n’a jamais retiré son adhésion à l’organisation socialiste
wurtembergeoise. Mais il n’a fait dans la politique mili-
tante qu’une incursion brève. Il l’a quittée, entouré de
respect et de sympathie, laissant derrière lui un sillage de
lumière. A ces militants du « parti », dont la plupart étaient
athées, il avait fait entrevoir quelque chose de Dieu.
L’activité publique n’a été, dans la vie de Blumhardt,
qu’un épisode. C’est par sa puissance spirituelle qu’il a
été grand.
1
Il faut ajouter que, pour finir, l’Eglise de Wurtemberg a rendu justice à
celui qui l’avait honorée, même lorsqu’il la désavouait. Blumhardt est mort
réconcilié avec elle.
viii Du Royaume de Dieu

Le Règne de Dieu a été la pensée dominante de sa vie.


C’est véritablement le seul but pour lequel il ait voulu
vivre.
A ses origines, on retrouve le Réveil religieux qui
s’est déclenché à Möttlingen, autour de son père,
Jean-Christophe Blumhardt1, à la suite de la guérison
merveilleuse de Gottliebin Dittus. Au moment où Jean-
Christophe Blumhardt avait imposé silence aux influ-
ences obscures qui tyrannisaient l’âme tourmentée de
Gottliebin, un cri s’était échappé des lèvres de la malade :
« Jésus est vainqueur ». Ainsi, comme l’a écrit le collab-
orateur de Blumhardt, Eugène Jäckh, « ce n’était pas la
foi de Blumhardt, ni sa personne, c’était Jésus-Christ lui-
même qui s’affirmait vainqueur des maux qui accab-
laient les hommes. » Les âmes obscures, à ce moment,
s’éclairèrent. On vit accourir de toutes parts les êtres
« fatigués et chargés », répondant à ce nouvel appel du
Christ. Ils venaient confesser leurs misères à l’homme
en qui s’était manifesté un tel pouvoir de guérison.
Möttlingen en fut transformé. Blumhardt donnait aux
pénitents l’absolution ; et sa parole, inspirée de celle du
Maître, guérissait les corps en libérant les âmes.
Et ce renouveau spirituel fortifia, en lui, l’espoir d’un
avenir plus merveilleux, où Dieu manifesterait sa souve­
raineté. Les prophéties du Royaume de Dieu lui appa-
rurent avec un nouvel éclat. Ces visions d’avenir, qui
tiennent une si grande place dans la Bible, emplirent
désormais tout son horizon. Il fut un prédicateur de
l’espérance, l’annonciateur du Royaume de Dieu sur la
terre.
1 Voir Jean-Christophe Blumhardt—homme de grand foi, Plough, 2011.
Avant-propos ix

Quand la fièvre du Réveil se fut calmée à Möttlingen, il


jugea le moment venu de quitter sa paroisse pour se consa-
crer dans un champ plus vaste à sa tâche de cure d’âmes et
de guérison. Il se fixa à Bad-Boll. Et la puissance qui était
en lui se manifesta avec une intensité nouvelle.
Christophe Blumhardt était né au temps où le Réveil
de Möttlingen était à son apogée. Il se trouva porté natu­
rellement à continuer l’œuvre de son père. Et Jean-
Christophe, mourant, imposa les mains à son fils. « Je te
bénis pour la victoire », murmura-t-il.
Christophe fut ainsi, tout d’abord, un continuateur.
Et jamais l’espérance du Règne de Dieu ne cessa de
l’inspirer. C’est elle qui relie les divers moments de sa
carrière. Elle en fait l’unité.
Comme son père, il guérissait les malades, mais, peu
à peu, le souci des âmes passait au premier plan. « Il
était toujours entouré des gestes miraculeux de Dieu,
mais ils opéraient en secret. » Insensiblement, le pasteur
de Bad-Boll grandissait : son cœur s’ouvrait à la souf-
france humaine ; il portait sur lui la peine des âmes, dans
le monde entier : il était, devant Dieu, tels les prophètes
d’Israël, l’Inter­cesseur. Il était le confident de détresses sans
nombre, et sa faculté de divination avait quelque chose
de miraculeux ; mais sa sérénité n’en était pas assombrie.
A le trouver si paisible et si fort, à voir le sourire de ses
yeux clairs, qui donc aurait pu se douter qu’il portait sur
ses épaules un tel poids de soucis ? Cette correspondance
qu’il entretenait à travers le monde, ces hôtes qui se pres-
saient autour de lui, avides des miettes de ses entretiens,
cette grande maison, ces nombreux enfants, autant de
causes de fatigue et de préoccupations. Mais il possédait
x Du Royaume de Dieu

le secret des « forces qui se renouvellent ». Il occupait,


entre les médecins des âmes, une place unique. Il n’y a,
à vrai dire, aucune comparaison entre lui et les autres. Il
n’a jamais séparé sa vie intime de son activité profession-
nelle. Il aurait pu dire : Le monde est ma paroisse. Il aurait
pu dire aussi : Le monde est ma famille. Sa maison était
ouverte à tous. Il présidait lui-même les repas, dans cette
salle à manger de Bad-Boll, aux proportions monumen-
tales, où étaient assis, fraternellement assemblés, des gens
de toutes les nations. Il faut citer Ragaz :
« Tout, dans la vie de la maison, se rapportait au Règne
de Dieu... Chaque salutation était une bénédiction. Tout
travail domestique était un service divin ; toute parole
était une louange de Dieu. On n’avait pas d’autre préoc-
cupation que les affaires de Dieu. Tout ce qui était saint
était naturel. Tout ce qui était naturel était saint. La
« méditation » se rattachait au repas. C’était la parole du
père de famille à sa grande famille. Oui, aucune sépara-
tion entre le sacré et le profane. Tour à tour enjoué et
sévère, grandiose et familier, l’entretien avait pour thème
initial les problèmes du jour, si étrangers qu’ils parussent à
la religion. Sur toutes choses, se projetait une lumière qui
venait d’en haut. Il n’y a pas de sanctuaire où l’on se soit
senti aussi près de Dieu, dans le monde d’aujourd’hui,
que cette salle à manger de Bad-Boll. »
« Station de psychothérapie », peut-on dire, mais
quelque chose de plus. Véritablement une Sion, pour
reprendre une image familière à Blumhardt : une des
stations spirituelles ménagées par Dieu sur la terre.
Aujourd’hui, Bad-Boll garde pieusement ses souve-
nirs, confiés à la garde des Moraves. Blumhardt n’a pas eu
Avant-propos xi

de successeur. Quand il a été retiré de la terre, ceux qui


l’avaient connu ont senti qu’une grande lumière s’était
éteinte ; et ils ont eu le cœur étreint par un sentiment de
solitude.
Les pages qui suivent apporteront aux lecteurs un
écho, nécessairement affaibli, de ces entretiens de Boll.
On y retrouvera tout au moins la nuance particulière de
la pensée de Christophe Blumhardt.
Comme on l’a très justement noté, il se refusait à statuer
une double vérité : il ne se résignait pas au conflit de la
science et de la foi. Les lois de la vie lui apparaissaient
divines. Entre l’univers matériel et l’univers spirituel, il
ne voyait aucune contradiction. L’un était le support de
l’autre, et devait se transfigurer en lui.
Blumhardt acceptait résolument l’idée d’évolution.
Dans l’achèvement futur de cette évolution des êtres,
il voyait l’accomplissement des desseins de Dieu. Le
Royaume de Dieu, intégré dans l’évolution, n’était plus
un cataclysme mais un achèvement.
Dans les progrès foudroyants de la science, Blumhardt
saluait les préludes de la venue du Royaume. Mais le
Royaume lui-même devait être établi sur la terre par
Celui que les hommes avaient crucifié, mais qui « ne se
laisserait pas crucifier une seconde fois », le Rédempteur
de l’univers : Jésus-Christ.
L’espérance qui l’a toujours soutenu ne s’est pas réal-
isée. Comme les Voyants d’Israël, comme les premiers
Chrétiens, il a dû mourir sans avoir vu « ce qui, depuis
mille et mille ans, s’efforce à naître ». Il a connu, aupar-
avant, cette souffrance de voir ses forces décliner, son
xii Du Royaume de Dieu

activité se res­treindre. Il est mort en des temps où le


monde, rendu momentanément à la paix, semblait plus
loin que jamais de ces jours du Royaume où tous les
hommes s’aimeront. « Je te bénis pour la victoire », avait
dit son père mourant. Dans ce soir douloureux de la vie
de Blumhardt, où est-elle, la victoire ?
Ceci n’est, toutefois, qu’une apparence. Et ceux qui
lisent le récit des dernières années de la vie du prophète,
y saluent une victoire de la foi.
Blumhardt aimait sa patrie. Il croyait à sa mission. Il
n’a jamais pu se résigner à la croire injuste. Mais il avait
l’horreur de la guerre. Il a souffert indiciblement, comme
père, comme patriote, comme chrétien, pendant ces
années tragiques qui apportaient un tel démenti à son
espérance. Et pourtant, sa foi est sortie victorieuse de la
crise. Il a vu dans la guerre mondiale un jugement divin,
frappant une humanité criminelle. Et dans ses prières, il a
imploré le pardon de Dieu. Il l’a demandé pour tous les
humains sans distinction. Il a prié pour que vînt enfin le
Règne de Justice et pour que du mal sortît le bien.
Il n’a jamais cessé de sympathiser avec les douleurs
humaines. « Nous devons, disait-il, prendre à cœur la
peine de ceux que nous appelons des ennemis. Ils ne
sont pas les ennemis de Dieu, et nous ne les nommons
nos ennemis que d’une façon passagère. » Il conviait ses
fidèles à former, malgré tout, dans le monde, la confrérie
pacifique de ceux qui, en Jésus, se retrouvent unis. « Jésus
nous crie aujour­d’hui, peut-être avec douleur, en France,
en Angleterre, en Allemagne : La paix soit avec vous ! Ici,
il n’y a ni Juif, ni Grec, ni Anglais, ni Français : dans le
Royaume de Dieu, nous devons rester un. Tôt ou tard,
Avant-propos xiii

ces épreuves seront passées, et alors, une communauté se


lèvera, dans la force de l’unité et de la paix. »
Dans cette charité de Blumhardt, on ne trouve aucune
préoccupation de ménager des amis de toujours. C’est le
prophète du Royaume de Dieu qui parle. Il répète : Père,
que ton Règne vienne! et il se garde de confondre la
victoire de Dieu avec la victoire de son peuple.
Il souffre avec l’humanité ; jusqu’à sa dernière heure,
il ne saura pas maudire. C’est pourquoi les membres de
sa grande famille spirituelle, dispersée sur toute la terre,
le retrouvent sans effort à l’heure où le monde entier
est en proie à la haine, et vibrent à l’unisson de son âme
prophé­tique. Jamais il n’est apparu aussi grand que dans
ces années tragiques où, au milieu d’un peuple égaré, il
était seul à ne pas haïr.
On a pu croire, après sa mort, que le monde allait
écouter enfin la parole de celui dont le pharisaïsme
d’une Eglise caporalisée avait trop longtemps méconnu
l’inspiration. L’attention d’une Allemagne alors plongée
dans l’abîme se tournait vers le prophète qui avait
annoncé la venue du Royaume. L’aspect eschatologique
de la prédication de Blumhardt apparaissait en pleine
clarté. La jeune Allemagne pacifique et humanitaire, qui
cherchait sa voie, trouvait dans l’Evangile si humain du
prophète de Boll un encoura­gement.
On a vu, dès lors, se multiplier les publications relatives
à Blumhardt. Ragaz, qui l’a connu et aimé, a publié sur
lui un très beau livre1. Eugène Jäckh, son fidèle collabo­
rateur, a suivi2. Le pasteur Lejeune, de Zurich, ayant eu
1
Der Kampf um das Reich Gottes,“ in Blumhardt Vater und Sohn - und weiter
(Rotapfel-Verlag, Erlenbach - Zurich).
2
Blumhardt Vater und Sohn und ihre Botschaft (Furche-Verlag. Berlin).
xiv Du Royaume de Dieu

l’occasion de connaître cette noble femme que tous les


visi­teurs de Boll tiennent en vénération, sœur Anna, a
com­mencé de publier les sermons de Blumhardt qu’elle
avait rassemblés1.
Enfin, des pensées de Blumhardt ont été extraites des
prédications qu’il a prononcées à l’apogée de sa carrière,
dans les dernières années du dix-neuvième siècle. Ce sont
ces pensées qui ont été traduites par MM. Marc Chabas
et Edouard de Morsier.
L’avenir dira si cette découverte de la pensée de
Blumhardt doit avoir des suites. On doit le souhaiter,
dans l’intérêt du christianisme et de la paix du monde.
Il ne faut pas se dissimuler, toutefois, que les rudes para-
doxes et l’eschatologisme outrancier d’un Barth ont plus
de pres­tige, aux yeux de l’Allemagne contemporaine, que
l’universalisme évangélique d’un Blumhardt. N’importe !
Il y a ici des réalités spirituelles qui survivront à toutes les
modes religieuses ou théologiques. Comme le dit encore
M. Jäckh, dont j’aime à citer la belle conclusion, « l’Evan­
gile vit, et celui qui a rendu témoignage à l’Evangile vit
avec lui. Nous sentons aujourd’hui que, de toutes parts,
un nouvel intérêt s’éveille à l’endroit des deux Blumhardt.
Ces hommes de Dieu ressuscitent véritablement. Mais,
chose bien plus importante, l’Evangile ressuscite... Les
regards se lèvent vers Jésus-Christ. Dans Celui qui fut,
ils aperçoivent Celui qui vient ; dans le Crucifié et le
Ressuscité, ils aper­çoivent le Vivant. Ce n’est pas une
secte, ce n’est pas une communauté visible qui s’attache
1
Christoph Blumhardt, Predigten und Andachten aus den Jahren 1888 bis 1896
(Rotapfel-Verlag, 1925). M. Armand Lederlin a fait connaître d‘autre part,
au public français, la vie et l‘œuvre de Blumhardt par diverses publications
en vente à la Librairie Fischbacher.
Avant-propos xv

au nom des Blumhardt. Mais, sans aucune filiation appar-


ente, les pensées de ces prophètes se réveillent çà et là dans
le monde. Car le Sei­gneur, c’est l’Esprit. Et le Seigneur,
qui est l’Esprit, fait éclore les bourgeons et les fleurs, où il
veut. Il maintient son Evangile, de résurrection en résur-
rection, jusqu’au jour de son avènement. »

Henri Monnier.
L’amour de Dieu
1 Qui donc peut prêcher l’Evangile avec quelque
espoir, s’il ignore ce qu’est l’amour de Dieu, « mani-
festé en Jésus-Christ, notre Seigneur » ? Nous sommes
plongés dans d’épaisses ténèbres. C’est à peine si, grâce
à nos bribes de culture chrétienne nous pouvons nous
soutenir au-dessus de l’eau. Nous sommes profondément
enlisés dans la fange de cette diabolique nature humaine,
qui a en horreur le Seigneur Jésus. Libre à lui de faire de
nous des bienheureux, quand nous mourrons ; mais sur
cette terre qu’il nous laisse tranquilles ! Nous y avons nos
coutumes, nos lois, qu’on ne peut pas modifier.
Il s’agit pourtant de savoir si l’humanité peut sur cette
terre avoir Dieu pour aboutissement.
Si elle ne le peut, la création tout entière a été faite en
vain.
C’est pour qu’il n’en soit pas ainsi que Jésus est venu.
Et c’est parce que Jésus est venu que nous pouvons dire :
Qui nous séparera de l’amour de Dieu ?
Qu’est-ce donc que l’amour de Dieu ? Il consiste en
ceci, qu’il a envoyé aux impies son Fils incarné. Jésus est
la lumière du monde. Il est la Paix qui doit régner sur
la terre. Par lui, la volonté de Dieu doit se réaliser, dans
l’individu comme dans l’ensemble. L’amour de Dieu est
aussi vaste que le monde, il est aussi haut et aussi profond
que la détresse est haute et profonde et qu’est puissante la
mort, jusque dans les profondeurs de la terre.
2 Du Royaume de Dieu

2 Le monde est une réalité : il ne peut être surmonté


que par une réalité.

3 La connaissance de Dieu doit être vécue et non


pas « étudiée ». Quand on a quelque connaissance de
Dieu, cela fait mal d’entendre les hommes philosopher
sur Dieu. Souvent on se dit : Si vous saviez de qui vous
parlez et qui vous disséquez de la sorte, vous deviendriez
blêmes de frayeur. Dieu doit être vécu, et celui qui fait
l’expérience de Dieu, se tait.

4 Nous ne devons pas nous élever au-dessus de Dieu


avec notre raison, mais bien nous soumettre à Lui, avec
notre cœur. Ayons pitié de nos contemporains, qui ont tant
de peine à croire. On a trop exigé d’eux. On les a trop
bourrés de faits historiques. Ils se creusent la tête pour
savoir s’ils peuvent les admettre, et leur cœur ne trouve
rien.
Débarrassons-nous de cet intellectualisme religieux
qui rend la foi si difficile. Ce qui soumet le cœur au Dieu
saint est plus important que tout ce que l’entendement
peut saisir. Tout ce qui n’entre pas dans le cœur, laissons-
le. Mais ce qui entre dans le cœur et le sanctifie, si bien
qu’il s’apaise dans l’obéissance à Dieu, gardons-le : ce
trésor-là, le Malin ne nous le ravira jamais.
Le sens intérieur de l’homme doit se rouvrir à Dieu.
C’est pourquoi nous demandons dans nos prières une
effusion du Saint-Esprit. Les hommes n’ont plus le sens de
Dieu, aussi ne peut-on plus rien exiger d’eux qui heurte
leurs idées innées ou apprises, leur esprit national, ou
L’ a m o u r d e D i e u 3

leurs coutumes. Ce sens de Dieu, c’est la première béné-


diction dont nous ayons à nous emparer. Il y en a bien
d’autres, mais il ne faut pas songer tout d’abord à la béné-
diction suprême. Si nous avons celle qui vient en premier,
à savoir : la connaissance de Dieu, nous progresserons de
grâce en grâce.

5 Il y a une incrédulité qui provient du respect. Un


Thomas a trop de respect pour Dieu. Il sait qu’on ne doit
pas, croire sans réflexion à quelque chose d’aussi grand
que la Résurrection. Bien des hommes n’arrivent pas à
comprendre que Dieu exauce leurs prières ; peut-être y
a-t-il là plus de piété qu’à considérer cet exaucement
comme allant de soi.

6 Nous, les hommes, nous sommes toujours épris de


nous-mêmes, de nos propres pensées et de nos propres
voies. Et nous mettons Dieu dans nos affaires, Dieu
servant nos pensées, Christ marchant dans notre chemin.
D’où le conflit terrible dans la chrétienté entre les Eglises
et les sectes. Et nos pensées humaines ne bougent plus ;
on devient opiniâtre.
Il en est ainsi toujours de même : pendant des dizaines
et des centaines d’années, tout se répète ; pour finir, l’esprit
s’ankylose, on ne peut plus penser autrement. L’humanité
est figée dans la glace de ses pensées. Mais Dieu reparaît
toujours, et l’en arrache. C’est pour cette raison que le
Sauveur est si pressant. Il prie pour que vienne le juge-
ment qui glorifiera le nom de Dieu. Il veut des événe-
ments qui culbutent nos idées et nos désirs. Ainsi, de par
4 Du Royaume de Dieu

la volonté de Dieu, le temps laisse en arrière les concep-


tions figées des hommes : il faut que les Etats, que les
Eglises s’écroulent, pour faire place aux pensées de Dieu.

7 L’amour de Dieu est la clef qui ouvre le monde dans


lequel nous vivons, et notre propre esprit, à nous qui cher­
chons la vérité dans le monde. Ce n’est pas le monde qui
voit Dieu, c’est Dieu qui voit le monde ; et quiconque
voit Dieu sait voir, dans le monde, la vie. Or, la vie est la
lumière des hommes.

8 Ne renversons pas les rôles, en disant : « Jésus est


venu pour moi, comme mon Sauveur ; par conséquent,
il est aussi venu pour le monde ». C’est l’inverse. Dieu a
aimé le monde, donc il m’a aimé. Jésus est venu pour le
monde ; donc, aussi pour moi.

9 Autant les cieux sont élevés au-dessus de la terre, autant la


bonté de Dieu est grande pour ceux qui le crai­gnent. Bien que
le ciel soit très haut, et justement parce qu’il est si haut, il
est près de nous. Ce qui est le plus élevé peut devenir le
plus proche. La bonté et la grâce divines doivent être très
élevées, afin d’être hors de notre portée et de faire péné-
trer partout leur lumière.
Bien des gens aimeraient que Dieu fût plus près d’eux ;
ils cherchent péniblement à fréquenter Dieu comme on
fréquente les hommes. Mais, déjà parmi les hommes, il n’est
pas bon de se rapprocher trop : il y a tant de malentendus !
Ce qu’il y a de spirituel et de bon chez les hommes ne
peut pas se développer librement, quand la vie sociale les
L’ a m o u r d e D i e u 5

rapproche par trop. Il serait encore plus fâcheux que Dieu


se mêlât trop à notre vie. Aussi longtemps que le péché est
en nous, il faut que Dieu nous domine.
Jésus aussi doit dominer pour pouvoir s’approcher
de nous. Dès sa vie terrestre, il a toujours été revêtu de
noblesse. Il est l’être supérieur, sublime ; et, comme tel,
il est notre prochain, car il veut s’approcher de tous les
hommes, pour qu’ils soient un en lui.

10 Du haut de toute chaire, dans toute mission, cet


appel devrait retentir : « Hommes, vous êtes à Dieu. Que
vous soyez impies ou déjà pieux, sous le jugement ou
sous la grâce, sauvés ou condamnés, vous êtes à Dieu,
Dieu est bon, il veut votre bien. Morts ou vivants, justes
ou injustes, au ciel ou en enfer, vous êtes à Dieu. Dès que
vous serez entraînés dans le torrent de la foi, le bien qui
est en vous apparaîtra ». Prêchez ainsi, vous aurez d’autres
succès qu’en annonçant cet Evangile truqué qui offre
d’une main et retire de l’autre.
Ah ! si les chrétiens finissaient par extirper la colère
de leurs cœurs ! s’ils pouvaient cesser de maudire ! s’ils
voulaient enfin apprendre à voir dans le péché une
maladie, et distinguer entre le pécheur et le péché !
Notre foi doit être un resplendissement de Dieu. Il faut
entraîner le monde dans le courant de la foi. Alors on
verra les plus impies devenir des justes. Dieu nous a aimés,
quand nous étions encore pécheurs. Si Dieu t’a aimé quand tu
étais encore pécheur, s’il t’a plongé dans le courant de la
foi et ramené à lui, comment peux-tu encore condamner
les autres ? Ce n’est qu’une question de temps, les autres
y viendront aussi. Mais si nous mettons des obstacles, si
6 Du Royaume de Dieu

nous avons des scrupules religieux et ecclésiastiques, d’où


viendra le courant qui entraînera le monde ?

11 L’homme appartient à Dieu, voilà l’Evangile. Si on


le comprend bien, le péché disparaît. Mais il ne faut pas
mêler des menaces à l’Evangile. On ne peut pas imposer
d’obliga­tions aux hommes, tant qu’ils ne sont pas venus
à Dieu. Personne n’est libre. Voulons-nous être pour ces
captifs de vrais annonciateurs de l’Evangile ? Alors il faut
que l’Evangile soit une puissance de Dieu comme il le
fut chez Paul, et non un prêche ou un ordre. L’Evangile
est une force, et non un simple message. Aussi faut-il le
garder pur. Associé à de nouvelles menaces, il se gâte :
la lumière et les ténèbres s’y mélangent. L’Evangile des
apôtres était pur. Tous ceux qui sont venus ensuite y
ont ajouté des menaces. La première notion de Dieu
consiste à dire : « Tu appartiens à Dieu. Dieu prend en
main le droit des hommes. Il ne consent pas à ce qu’un
seul d’entre eux ne lui appartienne pas. Pour l’instant ils
sont encore dans l’obscurité, mais il faut que tous soient
libres. C’est un droit à revendiquer en dépit des hommes.
Damner un homme, c’est venir en aide au péché et à la
mort ; c’est ravir à Dieu un droit qui lui appartient. Tu
dois confier le pécheur au cœur de Dieu ; sinon, tu n’es
pas un disciple de Jésus. Il te faut voir en lui un être en
qui Dieu fera éclater son droit, et pour toi-même, il faut
que tu aies la même assurance. » Voilà l’Evangile.

12 Etre juste, c’est appartenir à Dieu comme au Père,


et se tenir pour son enfant. En cela consiste la vraie nature
L’ a m o u r d e D i e u 7

de l’homme. Même à celui qui est en enfer, il faut répéter :


Tu appartiens au Père qui est aux cieux. L’homme n’est
plus un juste, s’il ne se considère plus comme apparte-
nant à Dieu. Dès l’instant où il recommence à savoir qu’il
appar­tient à Dieu, il retrouve sa vraie nature : il brave le
péché, la mort et l’enfer. Un homme qui sait qu’il appar-
tient à Dieu, surmontera tout. C’est Dieu qui surmonte
tout en lui. Parce que Jésus vit, tu es à Dieu. Non pas
parce que tu es Juif ou Chrétien, mais parce que Jésus vit.
Le diable n’a pas de droits sur un homme, Dieu seul en a.
Maintenant, il est vrai, tu as à souffrir. Mais au milieu de
ton enfer, de tes épreuves, et jusque dans la mort, garde la
certitude d’appartenir à Dieu. Alors, Dieu fera de toi son
fils. Il te mettra dans sa poche comme la drachme ; il te
prendra dans ses bras, comme la brebis.
Il est encore caché, ce grand Evangile mondial. Le
Prince de ce monde a réussi à le voiler. Mais il faudra
bien qu’il passe encore une fois sur le monde comme
une tempête.

13 Dieu veut le bien des hommes. Il est toujours lois-


ible de sentir son action bienfaisante. L’homme est enclin
au pessimisme. Certains conducteurs de l’humanité ont
entraîné au pessimisme des générations entières. Mais les
hommes ont toujours à nouveau besoin de joie ; et Dieu,
par ses bienfaits, leur permet de retrouver la joie.
C’est pourquoi un chrétien doit s’associer à la joie du
prochain. Il ne faut pas se scandaliser de sa gaîté, ni lui
interdire tout plaisir. Cherchons plutôt à développer, à
ennoblir cette joie, même chez les enfants de ce siècle.
Dieu veut le bonheur des hommes : réjouissons-nous
8 Du Royaume de Dieu

donc si les hommes sont contents. Dieu ne les a pas


créés pour souffrir, mais pour lutter ; et, tout en luttant,
ils devraient se sentir heureux ; car Dieu leur redit sans
cesse : Tu es quand même mon enfant !
S’ils n’ont pas conscience de la bonté divine, les peuples
piétinent sur place et tombent en décadence. Mais à
travers le christianisme, en dépit de tous les sermons sur
la damna­tion et l’enfer, filtre toujours la conviction que
Dieu nous aime. Là où le christianisme pénètre, il n’y a
plus de trêve : la question religieuse finit par l’emporter
sur la question nationale. Il n’y a de progrès parmi les
peuples que là où Jésus habite ; là où la bonté divine
se manifeste, l’homme reprend vie. L’Evangile est annoncé
aux pauvres : désor­mais, les pauvres eux-mêmes peuvent
se sentir heureux.
La bonté de Dieu, manifestée en Christ, est préfigurée
dans le peuple d’Israël, en Jéhovah. Les païens eux-mêmes
étaient soumis à Dieu ; mais Israël l’était à Jéhovah. Jéhovah
est celui qui participe à la vie des hommes. A l’origine,
ce nom ne signifie rien d’autre que l’exclamation : « Il
est là ». Quand Jacob, couché sur la pierre, vit l’échelle
céleste, cela signifiait : « Il est là » ; et ce fut un très doux
bienfait de Dieu.
Mais en Christ, Dieu s’est entièrement incarné. En lui,
tu peux espérer ce grand bienfait de Dieu qui pénètre
jusqu’au fond de la misère humaine. Il atteint jusqu’à
l’enfer, car Christ est descendu aux enfers. Il n’y a point
d’endroit, point de condition, où ce bienfait de Dieu ne
se réalise. Personne n’a le droit de se tenir pour perdu. Il
n’y a pas de verrou que Jésus ne puisse ouvrir. La Parole
a été faite chair. Quand le pécheur sent cette réalité, elle
L’ a m o u r d e D i e u 9

le sanctifie, et le sépare du péché : une nouvelle chair se


constitue, unie à Jésus-Christ, le Sauveur. C’est pour cela
que Jésus s’ap­pelle la Résurrection et la Vie. Auparavant,
ce qui était dans la chair, c’était le principe de mort, le
péché ; maintenant, c’est le principe de vie. Jésus vit :
l’action bienfaisante de Dieu pénètre la chair et fait
mourir le péché.
La Parole a été faite chair. Quand ceci vit en toi, tu peux
commencer à chanter. Vienne la douleur, tu chantes ;
viennent les tribulations, tu chantes ; vienne la mort, tu
chantes. Ne laisse pas ravir ce chant à ton cœur : tout
en toi sera lumière. Chantez, si obscur qu’il fasse encore,
louez, remerciez, magnifiez. Jésus est vivant : nous aussi,
nous vivons.

14 La crainte ressortit au code, non à l’Evangile.


15 Les hommes sont dans la boue. Ils n’en sont pas
moins des pierres précieuses. Un diamant qui est dans la
boue ne peut pas briller ; mais, étant, par nature, noble,
il ne risque pas de s’y altérer. On peut l’en retirer et le
nettoyer. Il ne cesse pas d’être un diamant et de briller.
Et toi, même quand tu es dans la boue, ne crois pas
pour cela que tu ne vailles rien. C’est une sorte de crime
envers Dieu de dire qu’un homme est mauvais. Ce que
Dieu a créé n’est pas mauvais. Mais nous sommes dans une
fausse situation, et ce que nous sommes apparaît sous un
jour tout à fait faux. La pierre précieuse doit, pour briller,
être exposée à la lumière ; de même, il nous faut être en
rapport avec Dieu pour que notre vraie nature puisse
10 Du Royaume de Dieu

briller. On ne peut pas, au fond, dire à un païen qu’il est


pécheur. On doit d’abord lui faire connaître l’amour de
Dieu. Le péché commence lorsqu’étant venus à Dieu,
nous ne restons pas fidèles. Il y a péché quand la pierre
précieuse, une fois nettoyée, se jette de nouveau dans la
boue. Quand l’homme ne sait encore rien de Dieu, il ne
faut pas parler de péché, mais de malheur.

16 Une imposture prend beaucoup de force quand


je m’y laisse prendre. Le péché ne serait rien, s’il ne
donnait à l’homme l’illusion complète de le séparer
de Dieu. Dès l’âge apostolique, l’Antéchrist a essayé de
séduire les hommes en disant : « Qui n’obéit pas à la loi,
est un pécheur ». La première épître de Jean combat cet
Antéchrist, quand elle déclare : Croyez au Fils. Quiconque
croit au Fils sait qu’il est, lui aussi, un enfant de Dieu.
Toi aussi, sois, en face de ton péché, un enfant de Dieu :
dissipe l’illusion qui prétend te séparer de ton Père. Tu ne
peux pas lutter contre le péché, tant que le Fils de Dieu
ne t’a pas délivré de la crainte.

17 Le péché est une erreur de jugement. Nous


croyons être ailleurs que là où nous sommes en réalité.
Nous sommes en Dieu, nous possédons la vie éternelle ;
or, nous vivons comme s’il n’y avait ni Dieu, ni vie éter-
nelle. Nous ne vivons pas en harmonie avec ce qui nous
entoure : là est la source de tout péché. Mais si Dieu nous
rend sa grâce, le voile disparaîtra : nous connaîtrons Dieu
et la vie éternelle.
L’ a m o u r d e D i e u 11

18 Cesser de se mépriser et de mépriser les hommes,


c’est la base de toute vie morale et sociale. Hors de là,
point de morale durable. Sur cette base seulement peut
s’établir la paix entre les peuples. Les peuples doivent
apprendre à s’estimer. De même, dans la vie sociale d’un
peuple, c’est sur ce respect mutuel que repose toute soli-
darité. Voilà pourquoi l’Evangile de l’amour de Dieu, de
Dieu qui aime ce monde impie et non délivré, ce pauvre
monde, est la base même de toute culture, de toute
morale.

19 Mon père m’écrivait une fois que je devais


me faire une règle, où que je fusse, de ne jamais tenir
personne pour incroyant. On peut y arriver. Dieu croit
en l’humanité : nous aussi, ayons foi dans les hommes. Si
l’homme parvient à la foi, c’est que Dieu croit en lui. Tu
peux t’approcher de Jésus, parce que Jésus s’approche de
toi.

20 A l’amour de Dieu correspond notre foi. Dieu


vient au-devant de nous ; notre cœur se remplit d’amour
pour Dieu. Dieu vient au-devant de nous comme Père :
ce n’est plus le Dieu élevé, inaccessible, insondable ; c’est
un Père qui nous entoure de toutes parts de sa sollici-
tude. C’est à la rencontre de ce Père que va notre foi. Elle
n’est pas autre chose que la fidélité, qui s’attache ferme-
ment à l’amour que le Père nous a témoigné comme à
ses enfants. La foi, c’est ce qui monte de la terre ; l’amour,
c’est ce qui descend du ciel sur la terre. Dieu lutte pour
que cette foi qui vient de la terre jaillisse en nous comme
12 Du Royaume de Dieu

une source. Ne doutez jamais de l’amour de Dieu ; cet


amour ne cessera jamais. Pas plus que Dieu, il n’aura de
fin. Nul ne peut se débarrasser de Dieu ; fût-il le pire des
hommes, il reste lié à Dieu. L’amour du Père est toujours
vivant ; l’amour ne cessera jamais. Christ est venu dans le
monde pour que toujours soit sue et vécue cette réalité.
A quoi bon prêcher Christ si, en même temps, nous nous
condam­nons nous-mêmes ? Pourquoi donc Christ est-il
venu dans ce monde ? Tout homme peut et doit se tenir
devant Dieu en disant : « Père, je sors de tes mains ; de tes
mains, il ne peut venir que du bien ; quand je te demande
ton Esprit, ma prière doit être exaucée : elle deviendra
une réalité. »
Tout ce qui prétend s’interposer entre Dieu et nous
doit disparaître. L’amour de Dieu vient d’en haut ; notre
foi vient d’en bas : ce qui se met à la traverse doit être
broyé. C’est cette union de la foi et de l’amour de Dieu
qui permet à l’homme véritable de se développer. Un tel
homme a encore des combats à livrer. Pareille lutte est
salutaire ; le mal se trouve alors pris entre notre foi et
l’amour divin : il est forcé de disparaître. Quand le mal
s’interpose entre Dieu et moi, je me découvre moi-même,
je découvre le bien qui est en moi, je découvre la justice.

21 C’est par sa foi qu’Abraham est devenu un juste.


En rejetant délibérément les pensées des hommes, il s’est
rangé du côté de Dieu : il a quitté définitivement la région
du péché. La justice ne consiste pas à ne plus commettre
de fautes, mais à mettre l’être tout entier en harmonie
avec Dieu. Le soleil est juste, qu’il ait ou non des taches.
En tout ce qui est créé, il y a la justice de Dieu ; il n’existe
L’ a m o u r d e D i e u 13

pas dans la création de justice en dehors de lui. Aussi nous,


les hommes, ne devons-nous pas chercher la justice dans
des préceptes de morale, mais dans un rapport, conscient
ou inconscient, avec Dieu. Nous ne devons pas juger un
homme d’après ses actes, mais considérer sa justice. Il
arrive souvent qu’on ait beaucoup de justice en soi, mais
sans en avoir bien conscience : l’esprit ne prend point part
à cette justice latente. Quand Jésus apparaît, il regarde les
hommes comme justes ; s’il peut pardonner leurs péchés,
c’est qu’il les tient pour justes et qu’il croit au lien qui les
unit à Dieu, quoiqu’ils le brisent sans cesse par leur folle
conduite. Nos erreurs amènent entre nous et Dieu une
séparation au moins apparente, si bien qu’une quantité
de gens cessent de croire qu’ils appar­tiennent à Dieu. Ils
se croient rejetés. Cette opinion fait notre malheur. S’il
était possible de la détruire, l’humanité serait élevée à une
hauteur prodigieuse, car les hommes seraient alors justi-
fiés par la foi.

22 Quand nous lisons la parabole du trésor caché,


voici notre prière : « Père Céleste, fais-nous trouver le
trésor caché du Royaume des Cieux ! » Dans le champ
de la vie, en creusant, en fouillant, nous pouvons décou-
vrir le trésor caché. Même aujourd’hui, dans le désordre
et le trouble universels, où tout paraît aller mal, nous
retrouvons le gouvernement de Dieu. Dieu se trouve
dans les afflictions, dans les angoisses, dans les détresses et
dans les luttes. Il y a là un trésor.Vends tout ce que tu as
et achète le trésor...
C’est ainsi que le Sauveur a vécu sur la terre. Il ne s’est
pas détourné du monde, même pas du monde pervers,
14 Du Royaume de Dieu

même pas de ses ennemis. Même dans ce qui arrive


de fâcheux, il découvre Dieu le Père. Dieu soit loué !
le Dieu tout puissant est dans le monde, et maintenant
je sais pour­quoi mon Père m’y a envoyé. Il s’y trouve
un trésor ! Quand Jésus assiste à une noce, il y trouve le
trésor ; quand il va au désert et que les affamés l’entourent,
il trouve le trésor ; quand il est en proie à l’angoisse et à
la détresse, quand il lutte, il trouve un trésor ; quand sur
la croix il gémit de douleur, quand il descend dans le
tombeau et aux enfers, il trouve le trésor. Père, Père, Père,
tu es toujours là !
Voulons-nous faire de même ? Oui. Nous disons à
Dieu : « Permets que nous te trouvions en toutes choses ! »
Nous qui sommes aux côtés du Sauveur, nous devrions
baisser la tête ? nous devrions désespérer ? Non, non !
Que nous soyons affamés ou rassasiés, dans les larmes
ou dans le rire, nous possédons un trésor pour lequel
nous oublions tout. Où est notre Père Céleste ? Dans le
monde, dans les afflictions, les angoisses, les détresses, les
erreurs. Soyons sans crainte : le trésor demeure, et nous
appartenons au Père Céleste.

23 Nous, les hommes, nous sommes entre la lumière


et les ténèbres. Dans la lumière est la vie ; dans les ténè-
bres, la mort. Dans la vie est le bien ; dans la mort, le mal.
Cette dualité nous plonge en une détresse extrême. C’est
vraiment l’énigme du monde. Dieu est au-dessus de la
lumière et des ténèbres ; nous devons tout ramener à lui.
Il est l’Unique. Ce qui veut régner à côté de lui, devient
par là même le mal. C’est donc par Dieu que le mal est
mal, que les ténèbres sont ténèbres, n’étant pas restés en
L’ a m o u r d e D i e u 15

rapport avec lui. Il n’y a de ténèbres qu’en dehors de lui,


il n’y en a pas en lui. Dieu est par essence le bien ; dans
la création tout bien procède de lui ; aussi faut-il appeler
ténèbres tout ce qu’on ne peut pas mettre en relation
avec lui. C’est par rapport à Dieu qu’il peut être question
de ténèbres et de mal.
Il y a là pour nous une grande consolation : nous
savons que les ténèbres elles-mêmes relèvent entièrement
de lui, que le mal lui-même ne peut pas lui échapper, et
subsister pour soi. Ceci nous permet de voir le monde
entier dans la main de Dieu ; il n’y a pas deux mondes,
l’un qui lui soit soumis et l’autre qui lui échappe. Là
où il fait tout à fait sombre, Dieu seul est Seigneur : le
diable n’a pas le champ libre ; par la volonté de Dieu, il
est dans les ténèbres. Il a là une sorte d’existence contag-
ieuse, mortelle, pour ceux qui s’en laissent infecter, mais
le domaine du péché et de la mort reste tout entier dans
la main de Dieu.
En Christ, Dieu a aimé le monde, le monde impie,
le monde devenu diabolique. Ceux qui étaient assis dans
les ténèbres, ont vu une grande lumière. Des désespérés, les
condamnés, les assassinés, les misérables, pour qui il n’y
avait plus de consolation ont pu voir le Père qui les aime.
Dans son amour, Dieu étend la main sur les ténèbres.
On ne s’écrie plus comme autrefois : « Il est terrible de
tomber entre les mains du Dieu vivant », car Dieu, par
son amour, étend la main sur le péché, la mort et l’enfer.
Si donc nous suivons Jésus-Christ sans accepter aucun
autre Maître, si nous ne croyons pas au diable, mais à
Dieu, si nous disons : « Jésus est vainqueur et il n’y a
pas de puissance des ténèbres qui ne soit obligée de se
16 Du Royaume de Dieu

courber sous l’autorité de notre Seigneur », il faudra bien


que les ténèbres reculent. Nous avons à les chasser de
notre âme et du monde, en ne reconnaissant que Dieu et
en nous en tenant à l’Evangile de Jésus-Christ, qui nous
dit que nous sommes à Dieu.

24 Quand on regarde au monde, il semble que tout


ce que réclame Jésus soit impossible. Les hommes veulent
tout autre chose que ce que Dieu veut ; ils sont « enfermés
dans la désobéissance », ils ne comprennent pas Dieu ; dès
lors il faut bien qu’ils se créent d’autres maîtres. C’est
ainsi qu’ils en viennent à désobéir à Dieu. Il se constitue
des autorités qui se traduisent dans des usages et des
coutumes. On les suit, et ainsi, on désobéit à Dieu. En
lui désobéissant, on devient malheureux. Le Chinois qui
enterre vivant son fils, la femme hindoue qui jette son
enfant dans le Gange, ne trouvent pas le bonheur dans
leur désobéissance : par elle, ils sont des « esclaves » et non
des « maîtres ». Dieu les a tous enfermés dans le malheur,
pour faire misé­ricorde à tous, afin que l’heure vienne où ils
reconnaî­tront tous que Dieu seul peut leur venir en aide.
Dieu ne peut pas secourir, tant qu’on s’imagine trouver
ailleurs le bonheur. Il n’y a rien à faire avec un homme
obstiné. Il faudrait l’enfermer : Dieu n’agit jamais de
la sorte. S’il y a des prisons, elles se constituent d’elles-
mêmes par la déso­béissance des hommes. Dieu n’a rien à
voir avec l’enfer : nous nous le préparons à nous-mêmes.
Dieu est prêt à anéantir toute espèce d’enfer, si nous le
voulons ; mais il faut le vouloir. Si nous nous obstinons à
ne pas discerner en nous-mêmes le divin, notre obstina-
tion créera sans cesse de nouveaux enfers. Il y a des enfers
L’ a m o u r d e D i e u 17

visibles et des enfers invisibles. D’enfer dont nous parlons


n’est pas un lieu déter­miné : un lieu n’a jamais fait le
malheur de personne ; il y a des gens qui vivent dans les
lieux les plus misérables et qui sont heureux. Il n’y a pas
d’enfers de ce genre, mais il y a des situations torturantes
où nous nous sommes mis par notre égoïsme et notre
bêtise. Il en sera toujours ainsi, tant que nous n’aurons pas
de lumière sur la vraie nature de Dieu et sur le chemin
qui seul conduit à la vie.

25 Même aux Pharisiens, Jésus dit : « Le Royaume de


Dieu est en vous ». Pourquoi ? Parce que Jésus ne se laisse
séparer de personne, pas même de ses ennemis achar­nés ;
il les considère comme des gens liés, mais il discerne en
eux le germe du Règne de Dieu. Par Jésus, Dieu a déposé
un germe dans le genre humain ; ce germe doit se dével-
opper dans chaque individu, pour que de tous ensemble
sorte le Royaume de Dieu : de vous et de moi, des Juifs
et des païens, des croyants et des impies. Et quand viendra
le Royaume de Dieu, le miracle sera qu’il ne soit pas
l’œuvre de quelque grand homme, mais une réalité
vivante, surgissant de la multitude.
Le Royaume de Dieu
26 Comme chrétiens, nous devons attendre le
Royaume de Dieu, bien plus : avoir le souci du Royaume
de Dieu. Nous n’avons pas le droit de ne penser qu’à nous-
mêmes. Le christianisme n’est pas une religion comme
les autres, qui mette en première ligne le bonheur des
hommes : Christ est venu pour établir la souveraineté de
Dieu ici, sur notre terre, afin que sur la terre s’accomplisse
la volonté de Dieu, et qu’alors, naturellement, notre
bonheur s’ensuive. D’ici là il ne saurait y avoir de béati-
tude, sauf celle de Jésus sur la croix : celle que nous possé-
dons dans nos souffrances, celle qui inonde notre cœur
lorsqu’il nous est donné d’aller à la détresse, à la mort,
pour notre Seigneur et notre Roi.

27 En Jésus, Dieu nous fait ce serment : Par cet


homme, je vous garantis que le monde n’est pas perdu et
qu’une humanité véritable est possible. C’est dans votre
chair elle-même, dans cette chair qui fait presque votre
désespoir que la lumière doit se lever.
Pourquoi le Sauveur a-t-il guéri des malades, ressuscité
des morts, accompli des miracles ? Si ce n’avait été que
service de médecin, ou feu d’artifice momentané, œuvre
de début destinée à insuffler l’enthousiasme aux disciples,
la vie de Jésus serait une grande duperie de l’humanité.
Si la vie de Jésus dans son ensemble, avec ses miracles
et ses prodiges, n’a pas une signification éternelle, si elle
n’annonce pas que la terre va être secourue, si elle ne
Le Royaume de Dieu 19

me sert que pour mourir et vivre là-haut dans les cieux,


tandis que la terre reste maudite, tout ce que disent les
apôtres n’a point de sens.
Dans le Royaume de Dieu, on ne peut pas tirer parti
de tous ces croyants qui doutent que le Sauveur puisse
assurer la victoire du bien sur la terre et justifier les
pécheurs, qu’il ne condamne pas un monde impie, mais
qu’il le délivre de son impiété, créant ainsi une évolution
qui mène à la vie éternelle.

28 La Bible n’exclut pas la terre des espérances


d’avenir. La terre est le paradis qui nous a été fermé ; la
terre est le ciel qui nous appartient à nous, les hommes.
La création, dont les premiers chapitres de la Bible
nous racontent le devenir, n’était pas achevée ; elle était
« très bonne », ce qui signifiait très bonne pour l’évolution
qui devait suivre. Le premier homme était parfait, mais en
puissance ; il lui manquait encore l’ossature de sa vie spiri­
tuelle ; il était encore mou : entièrement pur et sain, mais
en quelque sorte comme un enfant qui vient de naître.
Alors commença l’évolution. L’homme devait partir du
jardin d’Eden à la conquête de la terre.Tout était très bon,
mais à présent, homme, lève-toi, crée ton Paradis, lutte
pour le Paradis ! Cette tâche aurait pu débuter ainsi : dans
le domaine immédiat où il était sous la garde de Dieu,
l’homme aurait obéi. Il y aurait eu également lutte, mais
c’eût été moins dur.
Sans doute, personne ne sait s’il n’a pas été heureux
pour l’homme d’être ainsi en contact avec tout ce que
l’être spirituel de la terre avait de misérable et d’inachevé.
Peut-être le conflit est-il d’autant plus profond et
20 Du Royaume de Dieu

produit-il dès lors un plus complet achèvement. En tout


cas, il apparaîtra un jour que Dieu tient tout en mains.
Malgré le péché, l’homme a toujours pour vocation de
conquérir la terre : « Remplissez la terre et l’assujettissez ».
C’est sur la terre que se trouve notre paradis. Comme il
fait bon quand « les bénédictions du Pays », comme dit la
Bible, c’est-à-dire les trésors spirituels que recèlent l’air,
l’eau, la terre et le ciel viennent nous charmer et nous
émouvoir. Si j’obéis à Dieu, déjà sur la terre le bonheur
m’inonde. Mais si je désobéis, je n’ai qu’un avant-goût
du bien, je n’arrive pas à la véritable existence : la vie me
fait mal. Que de fois le printemps nous fait mal ! Tout se
renouvelle autour de nous, et nous n’y avons point de
part. Nous aussi, nous devrions pouvoir chaque année
nous renouveler en même temps que le ciel et la terre.
Toute notre vie, nous devrions avoir la force dont Dieu
veut que nous soyons pourvus. Et nous passons nos plus
belles années à promener avec nous les infirmités et le
malheur. Les biens que nous tirons du sein de la terre,
nous ne les acquérons qu’au prix de notre vie. Que de
sang imprègne le charbon que nous brûlons ! Si nous
voulons combattre pour le Paradis, point n’est besoin de
faire tant de progrès en physique, ni de mener une exist-
ence tellement confortable.
C’est par son Esprit que Dieu a créé la terre. Il y a de
l’esprit partout, dans la matière qui nous environne, et
nous ne l’avons pas encore découvert. Nous-mêmes nous
n’avons pas encore l’Esprit de Dieu, aussi ne le trouvons-
nous pas non plus dans la matière.Tout a soif de ce souffle
vivifiant de Dieu. Mais l’Esprit ne vient pas s’il n’y a
pas d’obéissance. Notre tâche est de découvrir les lois
Le Royaume de Dieu 21

de Dieu dans leur simplicité et de nous y conformer. Il


ne faut pas vouloir faire des choses extraordinaires.Vivre
simplement et droitement. Prendre garde à la façon dont
on obéit à Dieu. Nous pouvons avoir confiance que nous
arriverons à trouver la bonne manière. Si nous faisons des
fautes, ces fautes nous instruiront. Ayons seulement un
cœur bon et fidèle, et Dieu viendra à notre rencontre.
Encourageons notre prochain, disons-lui : « Tu appar-
tiens à Dieu, lève-toi, donne-toi à Lui ». Si nous sommes
décidés, les uns et les autres, à appartenir à Dieu, tout le
bien que renferme la terre nous appartiendra, et finale-
ment, la terre sera notre paradis. Ce que nous aurons à
faire comme citoyens du paradis, nous ne le savons pas
encore. Ce qui importe d’abord, c’est de devenir citoyens
du paradis, et d’apprendre à vivre entièrement de l’Esprit
de Dieu, comme le réclame ce qu’il y a de plus profond
en nous.

29 Dieu veut être roi sur la terre, selon la promesse


d’Esaïe : « L’Eternel régnera sur la montagne de Sion
et à Jérusalem » (Esaïe 23.24). Dieu veut être partout le
principe dirigeant, et les hommes doivent faire sa volonté
de leur plein gré et avec joie. Dieu veut régner dans Sion,
et Sion est sur la terre. Il veut être auprès de nous sur la
terre, afin que chacun sente sa présence et se règle sur
Lui.
Les prophètes ont vu cela très clairement. Mais, si
l’on se demande comment cela peut se réaliser, on se
heurte à une énigme. Nous sommes habitués à imaginer
Dieu en l’air, dans les hauteurs. Nous n’avons pas la
moindre expérience du rôle que Dieu doit jouer dans
22 Du Royaume de Dieu

toute notre activité, et c’est pourquoi nous ne nous en


inquiétons pas. Mais Dieu attend que nous lui frayions
la voie. Il lui faut des cœurs qui ne lui résistent pas ; à
eux de lui servir d’introducteurs. Ces volontaires de Dieu
ne doivent exister que par lui. S’ils s’inspirent de lui, ils
seront toujours bénis : qu’ils voyagent, qu’ils fassent du
commerce, qu’ils cultivent la terre, qu’ils soient hommes,
femmes ou enfants, s’ils s’ins­pirent de lui, ils auront sa
bénédiction.
Dieu ne règne pas parmi les hommes. Le bon Dieu
n’est que l’accessoire ; nous avons d’autres maîtres, et
le bon Dieu bénit par surcroît. Or c’est Dieu qui doit
régner ; le reste doit venir en sus. Il faut prendre pour
mot d’ordre : Honneur et obéissance à Dieu, et qu’on ne
se règle sur rien d’autre ! En prenant d’autres directions,
on fait des bêtises : on ne voit pas clair. Nous devons,
pour ainsi dire, mettre, par la foi, Dieu sur le trône. Alors
il commencera à nous bénir, jusque dans les détails les
plus infimes de notre vie.

30 Il s’agit de ceci : que les hommes soient sauvés,


arrachés à l’emprise des fausses puissances, des puissances
humaines. La domination de Dieu s’oppose à celle des
hommes. Le point est là. Voilà pourquoi tout est si diffi-
cile. Si le Royau­me de Dieu ne consistait qu’en joies
célestes, si bien qu’on dût, dans ce monde, supporter
toutes choses comme elles viennent et reconnaître toutes
les lois du monde telles qu’elles sont, tout serait facile.
On s’installerait dans ce monde le mieux possible et on
finirait par dire que toutes ces histoires de guerre et de
haine sont dans l’ordre divin des choses, que la guerre
Le Royaume de Dieu 23

est le propre de l’homme et que, sans elle, il n’y a pas


d’hommes véritables. C’est au nom de Dieu que des
peuples chrétiens partent en guerre ; c’est au nom de
Dieu qu’on opprime des hommes ; c’est encore au nom
de Dieu que le monde veut rester monde. Il se donne un
dieu à son image. Le Sauveur l’appelle le Prince de ce
monde. C’est lui qui prétend être servi. Mais Jésus se lève,
au nom de Dieu ; il veut que la vie se développe sur cette
terre à l’opposé de ce qu’elle a été pendant des siècles.
De là résulte le grand combat que le Royaume de Dieu
poursuit sur la terre.

31 Quand le Royaume de Dieu viendra, un vent


de tempête soufflera sur tout ce qui est uniquement
d’institution humaine, sur ce qui domine la terre.

32 Crois-tu au Royaume de Dieu ? Alors, cesse d’être


en repos. Le Royaume de Dieu est bon, et tu sais que
tu ne l’es pas ; le Règne de Dieu est vrai, et tu es envel-
oppé de faussetés ; il est juste, et tu vis dans le monde
de l’injus­tice. Il est tout amour ; il est toute miséricorde,
même envers les ennemis, et toi, sans t’en rendre compte,
tu es dur comme pierre. Devons-nous pour cela nier le
Royaume de Dieu ? Bien des hommes désespèrent de la
bonté, de la miséricorde, de la vérité et de la justice du
Royaume, parce qu’ils n’y participent pas. Quant à nous,
nous ne devons pas nous désespérer, mais accepter que
la pensée du Royaume de Dieu trouble notre repos. Le
Royaume de Dieu doit nous faire prendre conscience de
nos péchés et de notre misère.
24 Du Royaume de Dieu

33 Il y a actuellement dans le monde un progrès


intellec­tuel qui exerce une action préparatoire en vue du
Règne de Dieu. L’effort humain accumule des connais-
sances nouvelles : on n’a jamais rien vu de semblable,
depuis que l’humanité lutte pour la civilisation. Jamais
on n’a si bien compris la nature. Jamais on n’a si bien
connu le ciel. Jamais la terre n’a été étalée sous les yeux
des hommes, comme elle l’est aujourd’hui. Durant les
quelques dizaines d’années de notre génération, tout
a changé. Quand de pareils progrès s’accom­ plissent,
ils sont dus au Saint-Esprit, qui s’approche du monde.
Cependant, on agite aujourd’hui parmi les hommes ces
grandes questions : comment l’homme peut-il devenir
un homme ? Comment les hommes peuvent-ils arriver
entre eux à des rapports qui rendent la vie suppor­table ?
Comment la paix peut-elle s’établir entre les peuples ?
On raille ces préoccupations ; les croyants eux-mêmes
les raillent. Mais la raillerie est aisée. Chrétiens, il faut
prendre part à la lutte. Si, après des milliers d’années on
songe à sou­lever aujourd’hui cette question primordiale
pour tous les peuples qu’est l’abolition de la guerre, à
qui le doit-on, si ce n’est à Dieu ? Il y a là des pensées
qui sont bonnes ; et toutes les bonnes pensées viennent
de Dieu. Mais il faut des hommes pour les formuler ; et,
si les croyants ne le font pas, il faudra que les incrédules
s’en chargent.

34 Ce qui distingue le Saint-Esprit de l’esprit humain,


c’est que l’esprit humain use de contrainte, tandis que
l’Esprit de Dieu n’emploie pas la force. Il transforme
Le Royaume de Dieu 25

intérieurement les hommes, en sorte qu’ils trouvent en


eux-mêmes la faculté de vouloir et celle d’accomplir.
L’influence de Dieu s’exerce sur notre être le plus intime,
afin qu’il s’épanouisse dans la vie.
Le Saint-Esprit est un Esprit de tous les hommes, et
non un Esprit des églises et des confessions, des partis
et des nationalités. Il appartient à l’humanité tout
entière. Sans doute, il n’efface pas les différences entre
les hommes, mais il leur fait perdre toute importance.
La société humaine pourrait être comme une belle forêt,
où croissent, pacifique­ ment entremêlés, sapins, hêtres,
chênes, arbustes, petits et grands, formant un ensemble
harmonieux. Ainsi la société, dans sa grande diversité, et
à ses différents stades d’évo­lution, pourrait être une, en
manifestant la grandeur et la splendeur de la vie ; mais
ce n’est possible que par l’Esprit, qui fait de nous des
hommes, qui fait que l’homme est un homme.
Dans la période suprême des révélations divines, l’élé­
ment humain, universel, doit passer au premier plan. Les
hommes doivent apprendre par une éducation intéri-
eure la paix, le respect de tous, la lutte contre toute haine
et contre les mauvais penchants du cœur humain. Ils
doivent s’affranchir de l’idée qu’ils sont mauvais dès leur
jeunesse ; ils doivent oser mettre leur espoir en ce qu’il
y a de bon en eux. Il pourra se faire alors que l’élément
authentiquement humain, qui est aussi l’élément divin,
ressorte chez des enfants de ce monde et que, sans rien
apprendre de nous, il leur soit donné de porter en eux la
vérité divine.
Naturellement aussi, le Saint-Esprit apparaît alors
comme l’esprit du jugement. Dès notre époque, un
26 Du Royaume de Dieu

jugement rigoureux sévit. Aujourd’hui, tout est public ;


les cœurs sont mis à nu ; le bien et le mal viennent au
jour. Plus le Saint-Esprit se manifeste, plus le mensonge
est démasqué. Ni titre, ni privilège ne le protégera.
Le règne du Saint-Esprit se prépare lentement. Les
hom­mes ne veulent pas encore ; il faut qu’ils veuillent ;
ils ne comprennent pas, il faut qu’ils comprennent. Ils
ont beau être insensés au point de croire l’humanité radi-
calement incapable de progrès, il faudra qu’ils changent.
L’Esprit de Dieu souffle sur les cimes et dans les profon-
deurs ; il balaie les moindres recoins. Il fait l’éducation de
tous les hommes, étant l’Esprit du Seigneur Jésus-Christ
qui est le Sauveur de tous.

35 Après ses souffrances et sa mort, Jésus s’est mani-


festé vivant aux apôtres, de maintes façons (Actes 1.3).
Jésus se montre vivant, Dieu se montre vivant : là-dessus
se fonde toute l’évo­lution de l’humanité vers Dieu. Mais
cette manifestation du Dieu vivant varie avec les époques.
Nous ne la retrouverons pas telle qu’elle fut donnée à
Abraham. La révélation accor­dée à Moïse a eu son cara-
ctère propre, conforme aux aspira­tions qui devaient être
satisfaites en ces temps-là. A Samuel, la révélation du
Dieu Vivant est autre qu’à Esaïe. C’est tout différent, et
c’est toujours la même chose : Dieu se manifeste comme
le Dieu Vivant. La plus grande grâce qu’il y ait sur terre,
c’est que Dieu et l’homme puissent correspondre. Si je
veux téléphoner, il faut que mon inter­locuteur ait aussi
le téléphone. Si Dieu veut nous montrer qu’il est vivant,
il faut bien qu’il y ait sur la terre des hommes qui aient
la faculté de correspondre avec lui. Et c’est la plus grande
Le Royaume de Dieu 27

des grâces, qu’en tout temps, aux degrés divers de civi-


lisation, aux époques les plus sombres, il se soit trouvé
des hommes doués de cette faculté. Toujours à nouveau,
un sentiment simple et pur des choses de Dieu se fait
jour n’importe où. La terre était sous un couvercle de
péché et de mort ; voici que quelque part l’étincelle
jaillit, et le contact avec Dieu peut s’établir. Et voici la
grande grâce : Dieu est toujours à notre portée ; il ne
méprise personne. Qu’un cœur s’éclaire tant soit peu :
Dieu peut agir et se manifester dans sa réalité vivante. Il
n’a pas peur d’aller chez les païens. Au temps de Socrate,
de Platon et d’Aristote il s’est manifesté, naturellement
en tenant compte des possibilités d’alors. A travers les
idées de ce temps-là, quoique par exemple on tînt alors
l’esclavage pour nécessaire (c’était aussi le cas, d’ailleurs,
pour les apôtres), Dieu s’est à ce point manifesté, que
notre temps se nourrit encore de ces révélations. Même
dans la rudesse pri­mitive du peuple d’Israël, au temps de
la Conquête, et plus tard sous les Rois, Dieu a attesté sa
gloire.
C’est ainsi que Dieu parle encore aujourd’hui. Il nous
libère des vieilles façons de voir. Nous ne trouvons plus
nulle part de point d’appui solide ; ce que nous tenons
aujourd’hui pour absolument impossible, ne le sera plus
demain ; nous combattons aujourd’hui par le fer et par le
feu des théories et des systèmes que demain nous serons
forcés d’accepter. Combien on a lutté contre l’abolition
de l’esclavage ; aujourd’hui, en Amérique et en Afrique,
on est forcé de reconnaître que l’esclavage est une
barbarie. Dieu brise tout ce qui ne cadre pas avec son
Royaume ; de nos jours, comme aux temps anciens, il
28 Du Royaume de Dieu

s’affirme vivant. Naturellement, les révélations de Dieu


à notre époque ne sont pas les mêmes qu’aux temps
bibliques. Aujourd’hui, Dieu parle au milieu des peuples.
Les idées de justice, de bien, d’humanité sont agitées ;
le langage de Dieu est grand, saint, véridique, miséri-
cordieux envers le monde entier.

36 La lumière révélatrice de Dieu ne peut luire sur


la terre que par des hommes. Un simple chef de cara-
vane, Abraham, est la première révélation de Dieu pour
le salut des peuples. Le Très-Haut, lui-même, ne descend
pas du ciel comme un phénomène extraordinaire. Il
vient tout simplement à nous en un homme qui sera
l’organe du Père Céleste. L’humanité pécheresse essaie
toujours d’écarter Dieu de cette lumière qui le révèle ;
elle s’obstine à chercher une révélation qui lui en impose.
On méprise cette révé­lation de Dieu qui revêt les traits
de l’humanité pour s’approcher de nous, et on se laisse
séduire par un fantôme trompeur, par un faux spiritual-
isme qui nous attire dans l’au-delà. Cet étrange travers de
l’esprit humain, qui cherche une révélation extrahumaine
de Dieu, a vicié jusqu’à maintenant toutes les religions.
Il faut comprendre pourquoi nous en sommes arrivés
à nous mépriser de la sorte. L’homme est, pour ainsi dire,
une miche de pain mal cuite. Personne n’est achevé.
Mal­ heureusement avant d’être achevés, nous avons
conscience d’être, et l’inachevé nous gêne. L’homme
est comme la chenille qui multiplie ses efforts jusqu’à
ce qu’elle soit devenue chrysalide. Nous nous sommes à
charge, nous avons peine à supporter notre imperfection.
On n’écoute pas la voix du Dieu de vérité, qui nous aime,
Le Royaume de Dieu 29

tout imparfaits que nous sommes, parce que notre imper-


fection tend à la perfec­tion ; on en vient à se mépriser.
On se met au rebut.
Dans la religion on parle toujours plus de l’au-delà.
On ne comprend pas que Dieu se manifeste dans l’ordre
sensible. Et ainsi Jésus, par ce qu’il y a de sensible dans
son apparition sainte, « est cause de la chute et du relève-
ment de bien des gens comme un signe de contradic-
tion » (Luc 2.34).
Sans doute, il y a aujourd’hui quelque chose de réjou-
issant : on a soif d’humanité, d’humanité authentique :
aussi devient-on humain. Le monde ne tolère plus qu’un
être inhumain prétende être pieux. C’est l’indice que le
Règne de Dieu se fraye un chemin à notre époque. Car
aimer les hommes et le monde, ne rien mépriser, ne rien
condamner, ni rejeter, c’est le Christ. C’est pour cela qu’il
s’est fait homme. S’il est homme, on n’a plus le droit de
mépriser un seul homme. Telle est la révélation de Dieu
où il nous faut pénétrer. Il faut voir en chacun l’image de
Dieu... « Bonne volonté envers les hommes ! » C’est le chant
de la Nativité.

37 On s’imagine souvent que Dieu n’a parlé qu’aux


époques dont il est question dans la Bible, et qu’il ne
parle plus aujourd’hui. Or, il parle encore de nos jours.
Seulement, autrefois, on avait plus de simplicité et de
tact : on savait distinguer ce qui venait de Dieu et ce qui
n’en venait pas. On était plus attentif, on écoutait mieux,
on y avait gagné une ouïe plus fine.
Les plus belles paroles de Dieu sont celles qui jaillissent
de l’esprit humain : c’est quand le divin jaillit en nous
30 Du Royaume de Dieu

comme l’eau du rocher. Alors la Parole de Dieu exalte,


sanctifie et transfigure notre personne.

38 La bénédiction divine ne tombe pas simplement


du ciel comme la rosée. Il faut qu’il y ait une personne
qui puisse la recevoir. Les forces divines sont toujours là,
mais elles ne peuvent pas toujours se concentrer. Il faut
un homme pour mettre en valeur un champ ou une forêt.
Dieu ne peut pas bénir ton bétail, mais il peut te bénir,
et alors, ton bétail sera béni. Sans un homme qui s’offre
à Dieu comme un réceptacle, la bénédiction ne peut pas
venir. Mais là où il se trouve un homme qui renonce
à lui-même pour Dieu, pour la vérité et la justice, cet
homme priera, et Dieu exaucera sa prière.
Nous nous y prenons bien mal dans nos prières. Le
premier venu de nous répète : « Bénis mon champ, bénis
mon bétail ». C’est du paganisme. Des hommes, qui ne
cherchent pas Dieu, veulent avoir de lui toutes sortes de
choses. Ainsi font les païens ; à la fin ils frappent leurs
idoles, quand elles ne font pas leur volonté. Dieu a besoin
sur cette terre d’hommes qui fassent sa volonté. Il lui faut
des économes, des serviteurs, des servantes ; s’il les a, il est
en état de bénir, et d’exaucer les prières.

39 La gloire de Dieu se fait sentir diversement suivant


les temps et les personnes. Chez Moïse, elle effraye
encore : l’époque était rude et grossière ; les peuples
avaient tous besoin d’une lessive. Il a fallu que la gloire
de Dieu vînt comme un feu dévorant. En Jésus, nous
contemplons la gloire divine comme celle d’un Fils
Le Royaume de Dieu 31

Unique, plein de grâce et de vérité : elle réchauffe ; elle est


bienfaisante. Le feu dévorant s’est éteint : maintenant se
révèle la Gloire qui surmonte le mal par le bien : non pas
celle qui s’irrite et gronde dans le zèle d’Elie, mais celle
qui restaure intérieu­rement toutes choses.
Cette gloire éveille la foi chez l’homme qui s’humilie.
La foi est simplement le reflet de la gloire du Seigneur ;
ce qu’est la lune pour le soleil. La lune n’existe que par
le soleil ; de même, notre foi n’existe que par la gloire de
Dieu. Quand la gloire de Dieu se lève, la foi peut naître
en des milliers et des milliers de cœurs.
Aujourd’hui, ce qui importe, c’est que, comme dit
l’Ecri­ture, l’Etoile du Matin se lève dans vos cœurs. Le monde
doit être éclairé par une lumière intérieure ; la force régé-
nératrice doit procéder des sources même de la vie. Les
miracles extérieurs, les signes, n’y font rien : les hommes
regardent, puis ils se hâtent ailleurs. Tant que la gloire de
Dieu ne s’est pas levée dans nos cœurs, les plus grands
miracles restent sans valeur. Mais que la lumière de Dieu
se lève dans les cœurs : les miracles l’accompagneront
natu­rellement.

40 Le miracle n’est pas une anomalie dans la création :


c’est un retour à la normale. Il y a dans la nature bien
des forces dont les hommes, actuellement, ne savent rien.
Dieu, dans la création, a des possibilités infinies par les lois
qui y sont à l’œuvre ; c’est pourquoi il peut faire cesser
des maux de façon soudaine. Tout médecin voit arriver
chez ses malades des choses qu’il ne comprend pas : l’un
meurt sans qu’on sache pourquoi, un autre guérit sans
qu’on arrive à se l’expliquer. Nous n’apercevons que les
32 Du Royaume de Dieu

grands traits des lois divines. Pour délivrer le monde du


désordre et de l’anormal qui le perd, il faut que les lois les
plus intimes de la vie soient révélées : pas seulement les
lois physiques et chimiques, mais les lois les plus intimes
de la nature, là où gît la force vitale, que nous percevons
si merveilleuse dans toute la création et en nous-mêmes.
Tout homme sent ce qui vit en lui et ce qui n’y vit pas. Si
l’énergie cachée de sa vie s’effondre, il ne peut rien faire.
La possède-t-il, il ignore d’où il la tient. Nous dépendons
intérieurement de lois que nous ignorons ; c’est pour les
révéler que Dieu se manifeste en Jésus-Christ.Voilà pour-
quoi Jésus est le Fils de Dieu : il sait ce qu’est et ce que
fait Dieu ; il est au centre des lois divines.
Il faut que les forces suprêmes de la création inter­
viennent et que les œuvres les plus intimes de Dieu soient
révélées, pour qu’il y ait progrès dans le monde ; autre-
ment, nous demeurons dans notre misère. Quiconque
est entiè­rement uni à Dieu vit au milieu de ces forces
et tient compte d’elles. Elles rendent possibles ces œuvres
plus grandes dont parle le Seigneur Jésus. Sommes-nous
capables de les recevoir, ces forces ? Si nous étions une
vraie communauté de Jésus-Christ nous n’aurions plus
besoin de bien des choses, dont les gens qui font de la
chimie ont encore besoin. Il y a encore tant à découvrir
dans le monde!

41 Dieu a toujours fait des miracles, des œuvres


devant lesquelles nous restons muets d’étonnement.
Quand Dieu agit, tout nous stupéfie aussi longtemps
que les canaux de notre intelligence sont bouchés. Alors
nous pouvons même nous choquer d’une intervention
Le Royaume de Dieu 33

supposée de Dieu. On a honte de dire qu’il y a des mira-


cles. Or, depuis l’origine, il y a toujours eu des miracles
de Dieu, et ces miracles ne sont que des miracles de la
Vie.
Nous vivons sur la pourriture des mondes disparus...
Tous ont été détruit ; ce n’étaient pas des mondes
viables ; il y avait là des éléments chaotiques. Sur des
déserts d’eau et de feu, sur un sol calciné, délavé, pétrifié,
s’est édifiée notre magnifique terre. Là où il se montre,
Dieu apparaît dans une puissance toujours nouvelle de
vie. Son énergie créa­trice, qui permet à l’homme de
se réconforter, s’affirme et resplendit aussi souvent que
le soleil après la pluie et que le printemps après l’hiver.
Il y a là tant de puissance, qu’un homme attentif croit
entendre le frémissement de la création primitive. Nous
autres hommes, nous sommes appelés à péné­ trer par
l’intelligence la création. C’est alors seulement que notre
âme connaîtra l’allégresse. Nous devons pénétrer jus­qu’à
l’endroit où Dieu dit : « Que la lumière soit ! »
Or, dans ce courant divin des miracles de la vie est
plongé un monde mort, ou qui meurt : c’est notre
humanité, pareille à un cadavre qui serait immergé dans
une source fraîche. De l’intérieur du cadavre, on ne voit
pas la belle onde claire. Ce cadavre doit être rappelé à
la vie : il doit être guéri, intérieurement et extérieure-
ment ; pour cela, il faut de nouveaux miracles — et ce
sont là les miracles qui scandalisent le plus les hommes.
Ils ne s’étonnent pas des miracles de la création, mais
ils se rebiffent devant ces nouveaux miracles, qui tous
se fondent sur le pouvoir qu’a Dieu de restaurer toutes
choses.
34 Du Royaume de Dieu

Dieu veut que le cadavre reprenne vie. Dans cette


huma­nité où règne la mort, le Sauveur paraît. Il proclame
la résurrection, et nous qui sommes entrés dans le cadavre
et qui sommes déjà en pleine décomposition, nous
enten­dons la parole : « Que la lumière soit ! » et nous
vivons. Nos regards se dessillent, nos cœurs s’ouvrent, et
nous distinguons à nouveau l’onde fraîche de la création.
Assurément nous nous trouvons encore dans le cadavre,
et il nous faut nous armer de courage pour arriver à y
vivre. Représentez-vous le Sauveur dans ce monde de
mort ; vous vous ferez une idée de ce qu’a été le combat
de sa vie. Représentez-vous l’Eglise de Jésus-Christ au
milieu de cette humanité puante. Peu s’en faut qu’elle ne
suc­combe ; pourtant, elle ne meurt pas, parce que Jésus
est vainqueur. Comment l’est-il ? Par la doctrine de la
justifi­cation par la foi, ou par quelque autre doctrine ?
Non, par la résurrection. Jésus vit dans ce cadavre : ceci
permet au torrent des eaux de la vie, qui bouillonne
alentour, d’y pénétrer. Jonas, alors qu’il se trouvait dans
le ventre de la baleine, a crié vers Dieu ; de même nous
qui nous trouvons dans le ventre de l’humanité, nous
nous écrions : « Jésus est vivant : il faut que la résurrec-
tion vienne. Le Tout-Puissant est vivant, Jésus est vivant ».
Alors que nous sommes en pleine mort, la vie s’empare
de nous ; alors que tout est figé dans la mort, le miracle
de la vie s’opère et des événements se produisent sur
lesquels s’édifie l’histoire du Royaume de Dieu. La Bible
ne nous en a rapporté qu’une infime partie : ce n’est pas
la millionième partie des expériences qu’ont faites les
hommes dont Dieu a fait l’éducation, alors qu’ils étaient
plongés dans la mort, pour les rendre capables d’annoncer
Le Royaume de Dieu 35

les miracles de la vie. Il n’était pas possible d’écrire tout


ce que Jésus a expéri­menté, tout ce que Dieu a été en lui.
Mais en attendant, la Bible doit nous suffire. L’essentiel
est que nous luttions, que dans le cadavre nous soyons les
vivants, les ressuscités ; nous pourrons ensuite, non seule-
ment annoncer les miracles de Dieu, mais en vivre nous-
mêmes de nouveaux.

42 L’homme est une création merveilleuse de Dieu.


A quoi bon chercher toujours Dieu en dehors de toi ?
Cherche-le donc aussi en toi-même : tu es tout un
monde de miracles.
La chose la plus merveilleuse de toutes, c’est que
l’homme doive tout se procurer par la lutte. Il doit
préparer ses aliments, cultiver son champ ; il faut que
toujours il peine. C’est le miracle suprême que l’homme
soit lui-même, pour ainsi dire, créateur. Les animaux
restent ce qu’ils sont pendant des millénaires. A l’homme,
il est permis de progresser. En Jésus, notre frère, la Parole
de Dieu faite chair, nous voyons croître l’humanité : nous
avons sous les yeux notre propre progrès.
Revenons toujours à ce tout petit point, qui est
mer­ veilleux : nous sommes des enfants qui doivent
devenir quelque chose. Il faut un commencement
nouveau, une nouvelle naissance. La merveille, c’est
que je puisse être aujourd’hui ceci et cela, et demain
de même, avec une fraîcheur nouvelle. Pour un vieil
arbre, c’est impossible, mais pour moi, homme, c’est
possible. Jésus-Christ est dans le monde une puissance
nouvelle de création : à présent, il peut y avoir en moi
un commencement nouveau, et par là, une merveilleuse
36 Du Royaume de Dieu

croissance. C’est ainsi que le Sauveur, à travers les ango-


isses, les épreuves, la détresse et la mort, n’a pas connu le
recul. Il n’a pas cessé de pro­g resser, jusqu’à la résurrec-
tion. Après la résurrection, il y a eu de nouveaux progrès,
et il en sera ainsi jusqu’à ce que l’humanité ait atteint
toute sa gloire. Il faut consi­dérer toute imperfection sous
l’angle de la perfection ; dans le pécheur il faut voir en
puissance la justice, dans l’affligé, la joie. Se croire voué
à rester ce qu’on est, c’est en quelque sorte renier Dieu.
Rien n’est immuable ; Dieu est vivant ; le mal a une fin ;
l’imperfection se change en perfection. Tu ne peux rester
à ton niveau inférieur, pas plus que Dieu ne peut mourir.
Nous sommes des créatures que Dieu ne condamne pas à
l’immobilité. Nous ressemblons à une graine : elle pourra
longtemps rester au grenier, inerte. Soudain, elle tombe
dans un terrain propice : Dieu la touche, et elle croît.
Il y a une règle de conduite à tirer de là : Mets-toi à
l’œuvre! Es-tu malheureux ? réjouis-toi, jusqu’à ce que
le bonheur vienne. Cela changera ; tu as le droit que
cela change. Si tu dois mourir, réjouis-toi de vivre : avec
ta mort, tout changera. Si tu es plongé dans le péché,
dans la boue, ne te laisse pas submerger par la boue : tout
changera. L’homme est au-dessus de la nature : minéraux,
plantes, animaux, tout est soumis à la loi de la croissance,
mais l’homme croît éternellement.

43 Chaque monde a sa conscience ; la terre a elle aussi


sa conscience. La conscience de la terre, c’est l’homme.
Mais tant que l’homme n’a pas discerné la vérité et connu
le Fils de Dieu, il fait nuit sur la terre. Jésus est la Lumière
du monde. Il est bien aussi dans les siens comme une
Le Royaume de Dieu 37

sorte de lumière, mais cette lumière n’est qu’une veil-


leuse. Il fait nuit, et cela durera tant que l’humanité dans
son ensemble ne connaîtra pas Jésus.
Aujourd’hui nous sommes encore des fils « prod-
igues », qui ne savent pas qu’ils sont des fils : mais
pourtant, nous le sommes. « Vous êtes tous Fils de Dieu »,
déclare l’apôtre Paul : vous êtes tous à l’image de Dieu.
Venant en chair au nom de Dieu, Jésus ne revêt rien qui
lui soit étranger ; il ne le pourrait pas. Venu en chair, il a
conscience qu’il vient de Dieu et qu’il est le Fils de Dieu.
C’est à cette conscience que tout homme doit parvenir :
elle permet de résister au monde, car alors, on est plus
fort que le monde entier. Une fois que nous avons ainsi
pris conscience de nous-mêmes, nous pouvons prendre
conscience de Dieu. Alors nous serons sauvés, et, quand
on est sauvé, on est la Lumière du monde : si l’Esprit de
Dieu est en nous, il y a de la lumière dans le monde.
Nous voyons aujourd’hui l’humanité naître à la cons­
cience de soi. Cette conscience de soi bouillonne, elle
affleure hors de la vase des millénaires. La nuit touche
à sa fin, le jour approche, le grand jour où le Seigneur
Jésus appa­raîtra et aidera toute créature à passer de la
conscience de soi à la conscience de Dieu.

44 Notre foi en Christ englobe la foi en l’humanité


en soi, l’assurance que par Dieu, par l’Esprit de Christ,
par le Saint-Esprit les hommes deviendront quelque
chose. Notre foi doit être créatrice ; créatrice de ce à
quoi depuis des millénaires aspire la société humaine. Il
faut le croire : sur la terre, nous pouvons encore, nous
les hommes, représenter quelque chose. L’homme n’est
38 Du Royaume de Dieu

pas fait pour s’abîmer dans les soucis et les chagrins ; ce


ne doit plus être un opprobre d’être un homme : il faut
que ce soit enfin un titre d’honneur d’avoir su le devenir.
Cette aspiration est au fond de nos cœurs ; c’est quelque
chose qui tient à la racine de notre humanité et qu’on ne
peut arracher. C’est pour y répondre que Jésus est venu.
Aussi vrai que Christ est né, aussi vrai que l’Evangile
est annoncé, il y aura, un jour, un Royaume de Dieu
sur cette terre. C’est pourquoi, comme chrétien, je dois
croire à l’avenir de l’humanité.

45 Nous ne pouvons être heureux qu’en rendant


heureux nos semblables. C’est le propre de notre nature,
comme il est, pour ainsi dire, dans la nature de Dieu,
d’avoir son bonheur par l’amour qu’il porte aux hommes.
Est-ce donc vraiment une exaltation chiliaste de penser
que cet instinct divin dominera un jour dans l’humanité ?

46 L’homme appartient au Dieu créateur du ciel et


de la terre, et non pas au ciel et à la terre qui ont été
créés. Seuls les hommes sont nés, tout le reste est fait.
Nous avons été à l’origine tirés de la terre : nous étions
« poussière de la terre », comme dit la Bible, apparentés
aux animaux, comme le pense la science. Mais l’Esprit
vient ensuite, et le combat de l’Esprit commence dans la
chair. Ce qui est animal semble toujours encore avoir le
dessus, et cela nous coûte une peine immense de sauve-
garder nos droits de naissance. Mais ce qu’il y a en nous
de divin veut être satisfait. Nous devons donner raison à
l’enfant de Dieu qui est en nous, contre la bête. Car par
Le Royaume de Dieu 39

nous, Dieu veut pénétrer de son Esprit tout le domaine


de la création. C’est seulement de ce point de vue que le
drame de notre vie acquiert un sens.
Il serait insensé de laisser l’humanité dans la misère et
dans la détresse, pendant des milliers d’années, s’il s’agis­
sait simplement d’assurer le salut de quelques-uns. Mais
nous avons une vocation. Nés de Dieu, nous avons à faire
pénétrer l’Esprit dans tout ce qui a été créé.
Cette origine divine était complètement éteinte dans
la mémoire des hommes. Elle n’en reste pas moins notre
privi­lège. Elle subsiste jusque chez l’être le plus déchu.
L’amour de Dieu en Jésus-Christ son Fils consiste à
maintenir l’ori­g ine divine des hommes. C’est pourquoi
Jésus devait être Fils de Dieu ; et quiconque lui refuse ce
titre, s’enlève à soi-même le droit de se dire né de Dieu.
Jésus-Christ
47 Jésus est le Fils de l’Homme, l’Homme par
excellence.

48 Qu’est-ce que « la gloire du Fils de Dieu »? La


gloire de la terre, c’est ce qui la constitue terre ; la gloire
du soleil, c’est ce qui le constitue soleil ; la gloire du chêne,
c’est ce qui le constitue chêne ; la gloire du Fils de Dieu
venu en chair, c’est ce qui le constitue homme. En Christ
apparaît pour la première fois la gloire de l’homme.

49 L’apôtre Jean dit dans son épître : « Quiconque ne


confesse pas que Jésus-Christ est venu en chair, n’est pas
de Dieu ». Par où il veut dire que Jésus se trouve à présent
dans l’humanité, et veut descendre parmi les hommes. Il
vous faut en appeler à ce « Jésus dans l’humanité », à ce
Jésus venu en chair, comme au seul qui ait raison et qui,
pour le monde entier, conserve son bon droit. Qui n’agit
pas ainsi fait fausse route, et ne reçoit pas les forces du
Royaume de Dieu.

50 Célébrons la grande bonté de Dieu qui a envoyé


le Seigneur Jésus dans notre chair. Si le Seigneur Jésus
n’avait pas pénétré dans notre impureté et dans notre
péché ; si étant saint, il avait dû se séparer des profanes, où
en serions-nous ? Chantons aussi les louanges des millé-
naires du passé. Dieu a pénétré dans tous les péchés du
Jésus-Christ 41

monde ; il a pris sur lui toutes les barbaries des temps


passés : tout l’orgueil, tout le dérèglement du monde.
Dieu s’est servi d’un David, qui pourtant est tombé dans
la fange ; Dieu s’est servi d’un Nabuchodonosor ; Il s’est
servi des Israélites pécheurs, des Grecs, des Romains.
Dieu a pénétré dans tous les péchés, si bien qu’il se trouve
aujourd’hui des gens pour le critiquer comme s’il était
lui-même un pécheur : à leur gré, un Dieu vraiment juste
n’aurait pas pu bénir ainsi les hommes, qui sont pleins de
péchés. Dieu a pris sur lui l’opprobre de notre folie. Il
faut qu’il soit respon­sable des horreurs de la guerre, de
toutes les impiétés, de tous les mensonges de l’histoire.
Dieu est resté au milieu de nous, parce qu’une fois pour
toutes, Il aime les hommes et qu’il entend les sortir de
leur péché en faisant leur éduca­tion. Il faut que, par son
assistance, ils se développent à la lumière de la vérité.
C’est comme Fils d’un tel Père que Jésus s’est incarné.
Il a pénétré dans ce que l’humanité renfermait de plus
affreux. Il a dirigé par son action immanente les pires des
époques dites « chrétiennes ». Quelle époque que celle
des invasions, où les Barbares adoptèrent le christia­nisme
et mirent à feu et à sang les contrées qu’ils traver­saient,
ou celle des Croisades, où l’on croyait sublime de massa-
crer des Turcs ! Quelle époque barbare que celle où, après
la Réforme, la Guerre de Trente Ans survint ! Alors, il a
fallu que Jésus partît en guerre avec Gustave-Adolphe.
Jésus en guerre ! Jésus tuant des hommes ! Jésus ! Jésus !
O mes amis, que de crimes il a été obligé d’endosser au
cours des siècles ! Dans bien des cas où vous aviez mal
agi, il est intervenu pour ne pas vous lâcher. Si le Seigneur
Jésus vous avait laissés suivre entièrement vos voies, vous
42 Du Royaume de Dieu

ne seriez pas ici. Jésus s’est incarné ; aujourd’hui encore, il


s’incarne. Il prend sur lui l’opprobre et le mensonge. Dans
les errements de l’Eglise chrétienne, il a toujours gardé le
fil conducteur ; il a lutté silencieusement pour l’honneur
de Dieu, afin que de toutes ces erreurs, il sortît quelque
chose de vrai. Si nous pouvons aujourd’hui glorifier le
nom de Jésus, s’il élève bien haut l’étendard du Royaume
de Dieu, étant le seul Seigneur au ciel, sur la terre et sous la
terre, nous le devons à son incarnation.
Mais il est toujours resté le Saint. Lorsqu’il vivait avec
ses disciples, il allait partout avec eux, même chez les
péagers et chez les pécheurs. Le voici qui meurt. Il est
parti ! Après quoi, il ressuscite. Il ne sera pas celui qui
abandonne les hommes. Toutefois, le Ressuscité est autre
qu’il n’était auparavant. Ses disciples le revoient, mais il y
a un abîme entre lui et eux : il est trop saint.
C’est ainsi que Jésus juge le monde. Il le juge en
se retirant de lui. Il nous faut en prendre notre parti.
Persévérons dans la communion de Jésus-Christ, mais en
maintenant nos cœurs très haut. Quand les temps sont
accomplis, Jésus s’en va, afin que l’homme de péché,
livré à lui-même, s’effondre. Les temps viennent de son
retour. Il reviendra pour frayer une voie sacrée vers son
Père, qui est au ciel. Et alors, il faudra le suivre. Car la fin
des temps, ce ne sera pas Jésus venant dans la chair ; ce
sera l’humanité entrant dans l’Esprit de Jésus-Christ. Les
temps sont changés. Jésus ne suit plus comme autrefois le
chemin de la Croix, où il lui faut porter tous les oppro-
bres : il va frayer la voie, et il faudra renoncer à soi-même
pour le suivre. On verra bien alors qui lui appartient et
Jésus-Christ 43

qui ne lui appartient pas : alors s’ouvriront aux fidèles les


portes aujourd’hui fermées.
Tel est le jugement que Jésus exercera sur le monde.
Et c’est ainsi qu’il le guérira. Il a acquis une puissance
énorme en vivant si longtemps parmi les hommes, et en
supportant tout. Il a si bien pris en mains toutes choses,
même dans l’ordre de la chair, que, lorsqu’il apparaîtra
comme le Ressuscité, la chair sera anéantie. Et ce sera
notre salut. Il y a autour des hommes une sorte de brouil-
lard ; Jésus a beau venir, l’ombre ne se dissipe pas. Aussi
vient-il un temps où Jésus sort de ce brouillard, cause
de nos péchés et de notre tourment. Réjouissez-vous, si
Jésus fraye la voie qui conduit au Père, et s’il nous donne
la force de le suivre. En apparence, cette époque sera
bien dure, mais intérieurement tout deviendra plus facile,
quand viendra le temps de la résurrection de Jésus-Christ,
et que la lumière illuminera le Royaume des Cieux. La
voie qui nous conduit au Père doit être frayée, qu’il en
coûte ou non de la souf­france. Et le Père veut restaurer
en nous l’humanité qui est à Lui ; il veut nous arracher à
nous-mêmes et faire de nous des êtres tout de clarté.

51 « Christ dans la chair », c’est le plus fort démenti


qui puisse être infligé au péché qui réside dans la chair.
« Christ dans la chair », c’est la justice de Dieu opposée
à notre justice ; c’est la lutte de la vie contre la mort.
Christ n’est pas venu sur la terre apporter la paix, mais
le glaive. Notre paix consiste à prendre part au combat,
tout comme un soldat est en paix quand il prend part à la
bataille, et non quand il dort sous la tente.
44 Du Royaume de Dieu

« Christ dans la chair » : cela signifie que, de nouveau,


nous nous sentons véritablement hommes. Si Christ est
dans la chair, il n’est pas vrai que nous appartenions au
péché : le péché qui habite dans ma chair doit en sortir ;
je ne serai vraiment un homme que si Dieu habite dans
ma chair.
Cette parole : « Christ dans la chair » nous inspire
de l’amour pour tous les hommes, pour toute la créa-
tion. Car toute chair appartient à Dieu. L’erreur peut
s’insinuer dans tous les domaines de la création. Mais si
Jésus est dans la chair, toute chair devra, finalement, faire
l’expérience de Jésus. Sur toutes les races des hommes,
Dieu se lèvera comme le soleil. Dieu se révèle partout
d’une façon différente : chez les noirs, à la façon noire.
Christ, qui participe à cette humanité noire, en fera des
hommes de Dieu, non pas d’après notre culture, mais
d’une façon conforme à leurs besoins. De même pour la
Chine, le Japon et tous les peuples. « Christ dans la chair »,
ceci nous inspire de l’amour, même pour nos ennemis.
Jésus n’engage pas le combat contre la chair ; mais,
dans la chair, il engage le combat contre les ténèbres et
contre le péché. En nous, ce combat a commencé ; mais
l’individu ne sera pas achevé, avant que la totalité du
genre humain ait appris que Christ s’est incarné et qu’il
est celui qui, au nom de Dieu, remporte la victoire.

52 Par Jésus, une voie nouvelle s’ouvre dans le chaos


de notre existence. Cette voie ne dépend pas de notre
nais­sance, ni de notre éducation, mais du don de Dieu,
de son apparition en son Fils, lequel, étant la plus haute
personnalité divine, peut intervenir également en faveur
Jésus-Christ 45

de tous les hommes. Qu’on n’ôte pas au Sauveur cette


filialité divine ! Dieu a fait l’homme à son image. S’il
n’est pas possible que Jésus soit le Fils de Dieu, Dieu n’est
pas notre Dieu ; il est un Dieu, mais non pas notre Dieu.
Mais s’il est notre Dieu, il peut nous communiquer en
son Fils le divin, qui nous met sur une voie nouvelle.

53 Jésus n’est pas un fondateur de religion. Ce sont les


hommes qui ont fait de lui un fondateur de religion. Il
est un dispensateur de vie.

54 Est-il encore possible aujourd’hui d’apporter aux


hommes le véritable Evangile ? Est-il encore possible
de faire, dans la communion du Christ, l’expérience de
l’homme nouveau ? La plupart ont renoncé à cet espoir.
Mais, quand le monde entier aurait cessé de croire à
l’homme nouveau, formé en Christ, nous devrions y
croire. Christ veut créer des hommes ici, sur la terre.
Mourir en paix, on le pouvait avant lui ; avant lui, on
pouvait avoir une consolation dans la vie et dans la mort.
Mais Jésus est venu pour créer des hommes nouveaux,
remplis des forces de la vie éternelle, ayant en eux l’amour
de Dieu qui est la lumière de la vérité et la lumière de
la vie. Si nous, chrétiens, nous étions restés fidèles dès
le début au Seigneur, qui est l’homme par excel­lence,
nous aurions depuis longtemps d’autres formes socia­les,
qui seraient meilleures et plus vraies. C’est pourquoi il
faut revêtir l’homme nouveau, qui est renouvelé... à l’image de
Celui qui l’a créé.
46 Du Royaume de Dieu

55 La vie de l’humanité trouve en Jésus son


représentant.

56 Jésus vit. La plupart des hommes ne vivent pas,


à proprement parler. Beaucoup sont las. D’autres vivent
mal ; ils ne sont pas vrais dans ce qu’ils sont : ils sont
faussement heureux et faussement tristes ; ils sont fausse-
ment pauvres, ils sont faussement pieux ; ils sont fausse-
ment saints. Quand un homme est franchement ce qu’il
est, il a une action bienfaisante même si sa manière est
quelque peu rude.
Le Sauveur peut dire de lui-même : Je vis ! En moi,
vous voyez enfin un homme qui possède la vie. Et ceci est
vivi­fiant. Car de voir la vie, donne de la force pour vivre.
Si un malade voit un médecin plein de vie et d’assurance,
cela peut l’aider. C’est ainsi que Jésus peut dire : « je vis :
regardez à moi, contemplez jusqu’à ce que vous soyez
ras­sasiés ; car vous aussi vous devez vivre, et c’est pour
cela que je suis dans le monde ».
La vie elle aussi, a quelque chose de contagieux. Les
bacilles de la maladie se propagent ; les miracles de la
vie se propagent également ; surtout les miracles de la
vie de l’Esprit. En ceci, une personnalité comme Jésus
bouleverse le monde. C’est pour cela qu’il s’appelle la
Lumière du monde. Il l’est par sa personne. Au contact de
sa vie, une contagion nous gagne. Laissez-vous prendre
par cette contagion.Vous aussi, soyez de ceux qui vivent.
Jésus n’exige pas de nous un travail de pensée. Il émane
de lui une force créatrice. Jésus n’entend pas rester un cas
unique : nous ne devons pas nous borner à être accrochés
Jésus-Christ 47

à lui comme des pendeloques. Il faut que nous soyons des


vivants.
Jésus a pénétré partout en restant toujours ce qu’il était.
Chez les péagers et les pharisiens, il est resté le même. Il
avait la vie en lui ; la société n’a pas agi sur lui par conta-
gion ; c’est lui qui a voulu agir par conta­g ion sur elle.
Nous devons être nous aussi de ces vivants qui peuvent
s’exposer au contact du monde. Comme tels, nous pour-
rons juger de tout, discerner le vrai du faux. Celui qui vit,
voit la vérité ; il voit de loin s’il peut ou non avoir confi-
ance. Il a de bons yeux et l’ouïe fine ; il discerne aisément
ce qui ne mène à rien, et n’y prend point part. Il fait une
distinction entre Dieu et les choses. Voulons-nous, pour
ainsi dire imposer au monde, il nous faut être des vivants.
Notre théologie n’impose pas. En religion, dans la véri-
table recherche de Dieu, on ne peut faire d’impression
que si l’on vit. Les gens disent alors : « Il vit, celui-là !
Voyez comme il vit ! » Alors, on a le droit de se mêler de
tout, et de rendre partout son témoignage.
Ceci ne va pas, assurément, sans une certaine abné-
gation. Nous devons laisser tout ce qui n’a de la vie
que l’apparence : des mœurs, des pratiques, des institu-
tions dont les hommes font le plus grand cas. Mais ce
n’est pas un renoncement monacal. Le renoncement de
Jésus au monde n’implique pas qu’il le rejette comme
mauvais. Il dit simplement : « Tu ne peux pas me donner
la vie. Même l’Ecriture, dit-il, ne peut pas vous donner
la vie, elle ne fait que rendre témoi­gnage de moi. Mais,
cherchez-moi dans l’Ecriture, et vous trouverez la vie ».
Quiconque peut renoncer à soi dans ce sens, trouve la
vie, qui est en Jésus, et devient lui-même un Vivant.
48 Du Royaume de Dieu

57 Jésus est le serviteur de Dieu, qui ne crie ni n’appelle,


et dont la voix, ne se fait pas entendre dans les rues. Il ne prend
point de part à la lutte pour l’existence. Là où les hommes
se haïssent, se condamnent, se disputent la pre­mière place,
on ne rencontre pas le Serviteur de Dieu. Il aime mieux
abandonner sa vie pour sauver celle des autres, que de
la devoir au sang, à la haine et à la condamnation. Il
s’agit de respecter tout ce qui existe : aussi faut-il que le
Serviteur soit doux et humble. Qui passe brutalement par
le monde, écrase des hommes. Jésus va doucement par le
monde pour n’écraser aucun enfant des hommes ; car en
chacun il y a quelque chose de Dieu qui doit être sauvé.
Il a été promis à ce Serviteur qu’il deviendrait la lumière
des peuples. A lui de faire sortir les captifs de leur prison,
à lui de faire sortir du cachot ceux qui sont assis dans
les ténèbres. Aujourd’hui encore on attend le Sauveur. Sa
voix retentira de nouveau sur la terre. Un temps viendra
où le Serviteur de Dieu prêchera de nouveau l’Evangile
dans cet esprit, et il faut que cet esprit soit d’abord celui
des gens qui le représentent sur la terre. Si quelqu’un a
au cœur le Royaume de Dieu, s’il porte dans son cœur
les peuples et non pas le sien seulement, les races, et non
pas uniquement sa famille, les hommes et non pas seule-
ment soi-même, il comprendra Jésus-Christ, le Servi­teur,
auquel le monde est promis.

58 Jésus vient dans notre monde comme l’Agneau,c’est-


à-dire dans une soumission absolue au Gouvernement de
Dieu, jusqu’à la mort. L’Agneau, c’est l’absolu renonce­
ment à toute action des hommes. L’Agneau ouvre les
Jésus-Christ 49

sceaux du livre. Seule une soumission absolue à Dieu,


comportant un renoncement à tout ce qui est humain,
procure le salut. Au ciel, l’Agneau est acclamé, qui a
trouvé le moyen de tout mettre en ordre ; en espérance,
on voit déjà tous les êtres vivants ramenés à Dieu. Toutes
les créatures célestes s’écrient d’avance : « Dieu soit loué,
le bien triomphe ; gloire à Dieu et à l’Agneau ! »
Mais qui comprend l’Agneau ? Le christianisme
lutte pour l’existence, tout comme le mahométisme, et
l’Agneau reste isolé dans le ciel. Le radicalisme de Jésus
qui remet tout entre les mains de son Père, cette atti-
tude d’agneau qu’il observe, aimant mieux mourir pour
y rester fidèle que de remuer le petit doigt, tout cela
nous est devenu étranger. Les héros que le christianisme a
suscités si sou­vent, ne brisent aucun sceau. Jésus a besoin
d’hommes qui aussi intégralement que lui, remettent la
cause de la Vie aux mains de Dieu.

59 C’est un fait caractéristique que, le Vendredi-Saint,


on coure en masse aux églises : des centaines, des milliers
de gens, qui à part cela, n’y vont jamais, s’y rendent ce
jour-là. D’ordinaire, ils se moquent des obligations reli-
gieuses ; mais le Vendredi-Saint, ils viennent. Il y a là un
signe. Le Crucifié, sans qu’ils le sachent, est leur espé-
rance. Ne raillez plus ces « Chrétiens du Vendredi-
Saint » ! Grâce à Dieu, il nous reste ce signe de l’attirance
que le Sauveur exerce sur le monde parce qu’en lui le
Père a aimé le monde, ce monde que l’on dit perdu parce
que son esprit s’égare. Le monde ne peut s’empêcher
de pousser toujours de nouveaux soupirs. Et où vas-tu
adresser tes soupirs, ô monde ? Que celui qui soupire
porte ses regards vers Jésus-Christ.
50 Du Royaume de Dieu

60 Jésus garde dans sa Passion la même force qui


émanait de lui sa vie durant, par laquelle il rendait la vue
aux aveu­gles, faisait marcher les paralytiques et annon-
çait l’Evan­gile aux pauvres. C’est parce qu’elles décou-
lent d’une force divine que ses souffrances et sa mort
ont une action si puissante. La mort de Christ a renou-
velé l’histoire du monde. Lorsqu’il s’agit des autres
hommes, nous conservons volontiers le souvenir de leur
vie, tandis que nous oublions volontiers leur mort. Pour
le Sauveur, c’est plutôt le contraire : sa mort est restée
si puissamment gravée dans le souvenir de ses disciples,
qu’elle est devenue un bien suprême pour le monde
entier. Aujourd’hui encore, nous ne connaissons rien
de plus grand que Jésus-Christ crucifié. Peut-être nous
est-il difficile de comprendre et d’exprimer par des mots
comment le sang de Jésus-Christ peut nous sauver. Mais
nous en sentons quelque chose et nous contemplons avec
un ardent désir les souffrances et la mort du Sauveur,
cherchant si de cette mort, il ne sortira pas quelque chose
dont nous puissions vivre.
Si pour longtemps encore, ce n’est qu’un petit troupeau
qui y prend part, la force divine qui émane de la mort de
Jésus n’en est pas moins destinée au monde entier. C’est
une force de pardon, une force qui triomphe de la mort,
une force qui fait de nous des hommes nouveaux. Cette
force fait mourir notre être terrestre qui n’est que folie
et néant. Finalement tout ce que nous avons de terrestre
s’évanouit comme la fumée. Et ce que la force de Dieu
crée en nous acquiert toujours plus de puissance, jusqu’à
ce que Dieu soit tout en tous, d’abord dans ses enfants,
Jésus-Christ 51

et puis aussi dans le monde. De cette mort jaillira une


lumière capable d’illuminer le monde et de l’amener à
une vie toute nouvelle.

61 En Christ nous avons « la rédemption par son sang,


c’est-à-dire la rémission des péchés, selon la richesse de
sa grâce » (Ephésiens 1.7).
Dieu soit loué ! Nous avons la rédemption ! Quel
bonheur pour un prisonnier, pour un homme en péril
de mort, de se dire : « Voici le secours ! Je suis exaucé, je
suis délivré. » Cette joie, qui fait tressaillir l’homme tout
entier, s’empare de nous à la vue de ce Sauveur, par qui
nous avons la rédemption, et nous apercevons le salut.
Il est le Fort, le Vainqueur qui peut nous délivrer ; nous
gisons là sans force, et nous ne pouvons sortir de notre
misère. Mais Il vient, lui, et Il a le pouvoir de nous en
retirer.
Il est dit : par son sang. Pourquoi donc par son sang ?
La puissance de Dieu n’aurait-elle pas suffi pour nous
sauver, et le sang du Sauveur n’aurait-il pu être épargné ?
Bien des gens pensent ainsi. C’est qu’ils ne comprennent
pas le ver­dict qui est sur nous : « Tu mourras de mort ! »
et que nous sommes au pouvoir de Satan, dont nous ne
serons affranchis que si nos péchés sont anéantis, et si
notre sang est soustrait à la contamination du péché et
de la mort. Voilà pourquoi le Père Céleste a dit dans le
ciel, au Sauveur : « Descends vers la pauvre humanité !
Ton sang est pur ; je lui donnerai le pouvoir de rendre la
vie, et de laver du péché l’être impur de l’homme ; et ils
revivront, eux, les impurs, par toi qui es le Pur. » Ainsi, le
Sauveur est allé vers la mort. Parce qu’il est pur, son sang
52 Du Royaume de Dieu

reste vivant jusque dans la mort. Chaque goutte de notre


sang est enta­chée de péché, et par là sans vie et sans force.
Mais le sang du Christ est resté pur ; aussi le Sauveur
a-t-il le pouvoir de laisser sa vie et de la reprendre. Il a la
promesse du Père, il sait que son sang peut affranchir des
liens de la mort la race impure des hommes.
Ainsi notre sang, au contact du sang de Jésus, reprend
espoir. Nous nous écrions : Jésus, aie pitié de moi ! Par ton
sang qui donne la vie, aide mon sang criminel. Fais-moi
vivre, racheté, purifié, délivré de la mort. Je me donne
à toi, je me soumets à toi. C’est ainsi que nous avons la
rédemption par son sang.

62 La mort de Jésus-Christ ouvre une nouvelle voie :


elle inaugure une nouvelle alliance. L’homme purement
terrestre n’existe plus. Les plus beaux fruits de l’effort
humain avaient mûri sur le terrain de l’ancienne alli-
ance. Mais il n’en était rien résulté pour le monde, et
lorsqu’à la fin Jésus voulut rassembler son peuple, les
hommes n’étaient pas prêts. Ils ne s’étaient pas libérés
d’eux-mêmes, rivés à leur orgueil humain, à leur égoïsme
humain, et à leurs œuvres humaines. Sur cette voie on
n’arrive à aucun véri­table pardon, à aucune justice ; la
nature humaine, qui croit pouvoir gouverner pour elle-
même, prend trop de force. Il faut que tout le tréfonds
soit changé.
La mort de Jésus bouleverse toute l’économie des
prati­ques humaines. Chez les chrétiens eux-mêmes on
ne vient à bout de rien, eût-on la plus grande piété et la
foi la plus correcte. On croit encore trouver grâce aux
yeux de Dieu en se dépensant en vains efforts, ou en
Jésus-Christ 53

se retirant du monde, et en observant toutes sortes de


règles. C’est toujours la vieille méthode. Croire, ou faire
de bonnes œuvres, c’est encore et toujours l’ancienne
Alliance. La nouvelle Alliance, que Jésus veut fonder, n’est
pas comprise.
Voici cette nouvelle Alliance : Je laisse agir Dieu ; je
me retire. Christ s’efface au profit de Dieu, et remet tout
à son Père Céleste.
Sur ce terrain, Jésus veut nous entraîner. Là les péchés
seront pardonnés. Là, ils perdent leurs racines. Car la
racine de tout péché est dans la séparation d’avec Dieu.
La nature humaine n’est pas mauvaise en soi. Mais, par
le fait de sa séparation d’avec Dieu, la pourriture l’en­
vahit, produisant toutes sortes d’horreurs. Si le contact
avec Dieu est rétabli, c’est le retour à la santé. Et cela ne
peut s’opérer que par le sang de Jésus-Christ.
La Nouvelle Alliance dans le sang de Jésus-Christ
vaut seule pour le pardon et la délivrance du péché. Qui
régnera ? Voilà la question que pose le sang de Jésus-
Christ. Ce sang crie : Règne de Dieu ! Volonté de Dieu !
Si Dieu domine et impose sa volonté, le péché disparaît.

63 La signification des souffrances et de la mort de


Jésus-Christ ne prend son développement qu’après le
fait historique de la Passion. Notre histoire ne consiste
pas seulement en ce qui est visible extérieurement. Ce
qui constitue la grandeur et l’importance de la vie d’un
homme c’est uni­quement ce qui en lui peut, plus tard,
être transfiguré. Il en est ainsi tout particulièrement pour
Jésus-Christ : ce qui se développe après sa vie constitue
une histoire éter­nelle, qui doit faire irruption dans notre
54 Du Royaume de Dieu

époque, afin que notre histoire terrestre soit démolie


et que soit instaurée l’histoire de la vérité, qui se fonde
uniquement sur la croix et la résurrection de Christ.
Ainsi se dresse la croix de Jésus-Christ, derrière le rideau
de l’histoire mondiale ; parfois, le rideau se soulève, et
l’histoire du Crucifié fait irruption dans le monde. Cette
histoire vient sur le monde comme un jugement de
Dieu. Qui peut persévérer dans le péché, quand le rideau
se lève et qu’apparaît Christ, le Crucifié ? Comment un
être vain et éphémère peut-il sub­sister, comment peut-il
se fier à sa nature matérielle du soin de lui donner la paix,
lorsque la croix apparaît ? Elle nous contraint au silence.
Ne nous lassons pas de demander ce jugement dans
nos prières. Car ce n’est pas un jugement qui condamne
à jamais ; c’est un jugement où les pires criminels enten­
dent cette parole : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent
ce qu’ils font. » Cette croix de Christ, demandons-la pour
notre époque. Père, permets que le jugement de la Croix
de Jésus-Christ se manifeste, permets qu’en ce monde
l’or­gueil et l’arrogance soient abattus, que les atrocités du
passé ne renaissent plus jamais, que l’humanité bestiale
et meurtrière soit vaincue par la force miraculeuse de
la Croix du Christ, qui lance dans le monde ce puissant
aver­tissement : Arrête-toi, monde orgueilleux, l’heure de
ta fin est venue.
Quand Jésus-Christ viendra à la fin des temps, investi
de ce jugement que sa croix constitue, ce sera une grande
victoire. Alors commencera le Royaume de Dieu. Quand
les hommes seront enchaînés, que les peuples en furie ne
pourront plus faire ce qu’ils veulent, que le péché sera
contrecarré, que des sentiments plus délicats pénétreront
Jésus-Christ 55

dans les cœurs, que les hommes prendront en horreur ce


qui est grossier, qu’ils auront honte de leurs silences, —
quand ce jugement de Dieu s’achèvera, quelle victoire !
Et, nous l’espérons, c’est de notre temps que la croix du
Christ vaincra.

64 La mort de Jésus n’est pas une mort héroïque au


sens où l’entend le monde. Il y a un certain héroïsme qui
sacrifie sa vie dans une pensée personnelle, pour ne pas
renoncer à une idée ou à une façon de vivre. L’énergie
de Jésus, elle, ne consiste pas en une bravade ; elle est une
véritable force. C’est là ce qu’il y a de merveilleux dans la
croix de Christ. La voie qu’il suit est une voie divine, non
pas une voie humaine. Dieu seul peut changer les souf-
frances et la mort en une force sainte, capable de trans-
former la vie quotidienne des hommes.
C’est pour cela que nous ne pouvons pas faire abstrac-
tion des souffrances et de la mort de Christ. Pour beau-
coup, elles sont encore aujourd’hui un scandale, comme
elles l’ont été pour Pierre ; ils y voient un renon­cement à
toute action, à tout effort vers le mieux. Mais le Seigneur
Jésus a dit à Pierre : Je souffrirai, je mourrai et je ressuscit-
erai le troisième jour. Ses souffrances et sa mort doivent
donc engendrer la vie. Une loi nouvelle est promulguée.
Il faut que ce qui paralyse d’ordinaire notre force, soit
transformé en un élément vivant et vivi­fiant ; il faut que
l’homme intérieur se fortifie jusque dans la souffrance et
la mort. La loi de la résur­rection est à la base même de la
création. Le but de la croix de Christ est d’introduire cette
loi dans notre pauvre et misérable existence. Transformer
une force de destruction en une force de vie, tel est le
56 Du Royaume de Dieu

mystère de la croix de Christ. La mort pure et simple


n’est pas un mystère ; mais la mort qui donne la vie en
est un. Et il faut que ce mystère soit révélé au monde qui
se meurt, afin que les souffrances et la mort ne soient
plus sur cette terre une source de lamen­tations, mais un
triomphe.
Il ne suffit pas de se rendre compte des souffrances de
Christ, ni de s’indigner des maux innombrables qui nous
affligent, pour ôter ce couvercle de la mort qui pèse sur
nous. Nous n’avons pas le droit de nous borner à nous
révol­ter contre la mort ; car la loi de la mort, comme
celle de la vie, régit tous les mondes, et il y a toujours
une partie de la création qui est en train de mourir. Il faut
bien qu’il y ait là un mystère ; car tout ceci vient pourtant
du Dieu qui est le représentant de la vie et en est le
garant. Par la mort de ses feuilles, l’arbre retrouve des
forces. Par la mort de notre être extérieur, nous devrions
aussi nous fortifier dans l’être intérieur auquel la vie éter-
nelle est réservée. Voilà la grande tâche que la mort de
Jésus place devant nous.
La croix de Christ est un mystère. Mais il ne sera pas
donné de force nouvelle : rien que ce grand acte de Dieu,
qui, en Jésus, mène de la mort à la résurrection. Seule la
croix de Christ aura raison du monde. Mettons-la dans
notre cœur, advienne ensuite que pourra ; que ce qui doit
mourir meure, que ce qui doit se flétrir se flétrisse ; souf-
frons, mourons même, nous remportons cependant la
victoire, car Jésus-Christ dans sa nature divine vit en nous.

65 Jésus patiente jusqu’à la croix. S’il n’avait pas été


tout enveloppé de l’amour que Dieu porte au monde, il
Jésus-Christ 57

aurait perdu patience. Car il est terriblement difficile de


rester patient jusque dans la mort. Tous les disciples de
Jésus sont tentés de se laisser aigrir, quand ils se heurtent à
quelque contrariété. Nous perdons la patience de Christ,
et c’est pour cela que nous n’arrivons pas à la résurrec-
tion. Car la patience de Christ mène jusqu’au point où le
monde croit que tout est fini ; alors brille la résurrection.
Et ce n’est que dans la résurrection que le Royaume de
Dieu peut être réalisé sur la terre.

66 Le Sauveur ne peut aider le monde qu’en tant qu’il


est mort et ressuscité. A vues humaines, il semble assuré-
ment impossible qu’un homme qui n’est plus là de façon
visible, puisse remporter la victoire. Mais le Seigneur
Jésus veut dégager complètement des mains humaines la
cause pour laquelle il est venu : c’est Dieu qui doit agir.
Seule, l’œuvre du Père Céleste doit subsister.Voilà pour-
quoi sa mort même ne peut être un obstacle à rien ; il
ressuscite. Il quitte la société des hommes, car il a besoin
d’un séjour où nul ne puisse l’approcher de trop près, où
l’on ne puisse rien fonder d’humain sur sa personne. Car
c’est seulement comme Ressuscité qu’il est le Sauveur.

67 Parce qu’il est le Ressuscité, Jésus n’a pas eu de


suc­
cesseur, comme en ont d’autres hommes. Après
Moïse vient Josué ; après David, Salomon ; en ce sens,
nul successeur n’a pris la suite de Jésus : Jésus continue
à vivre, il est le Ressuscité, celui qui demeure toujours.
C’est précisément pour cela que nous pouvons dire avec
Paul : « Je vis, mais ce n’est pas moi qui vis, c’est Christ
58 Du Royaume de Dieu

qui vit en moi. » Du moment qu’il vit, Christ peut être


en tout homme, donc en toi aussi. Par lui, la propre puis-
sance de Dieu pénètre chez les hommes. Elle peut être
donnée à tout homme ; car ici, « il n’y a ni Juif, ni Grec,
mais Christ est tout en tous. »
Voilà pourquoi il faut lutter pour qu’il n’y ait qu’un
seul Christ, un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême.
Dès qu’une personnalité prend autant d’importance que
Christ, le christianisme redevient un phénomène histo-
rique qui continue son évolution par d’autres personnal-
ités que Christ et alors nous sommes perdus. Alors tout
s’assombrit et l’incrédulité reprend le dessus.
Ce n’est pas une religion que nous avons, mais seule­
ment un Christ. Et voici la grande différence entre Christ
et les autres hommes : Il vit ! Si nous le possédons comme
le Vivant, nous n’avons pas besoin de lois et de préceptes.
Là où Christ vit et règne, il produit du nouveau ; les
choses ne suivent plus leur cours ordinaire. Là où Christ
vit, il faut attendre ses ordres. Il peut donner aujourd’hui
un autre ordre qu’hier. Une fois, il peut guérir d’un mot ;
mais il est également libre, une autre fois, de dire à un
malade : « Aujourd’hui, il vaut mieux que tu supportes
ta maladie ». Il n’est lié à aucune règle. Mais partout où
il est, où on l’élève en majesté, il se produit des miracles.
Notre espérance repose également sur le Christ vivant.
Parce qu’il vit, il faudra que finalement tout se remette
en ordre. Nul ne peut dire : ma vie est perdue, elle est
manquée. Dieu peut en Christ réparer les pires manque-
ments. Parce que Christ vit, les enfants des hommes
peuvent toujours à nouveau renverser les obstacles.
Le monde entier s’était jadis coalisé contre lui, disant :
Jésus-Christ 59

« Il ne doit pas naître ; s’il naît, il doit mourir ; et s’il


vit malgré tout, il faudra qu’il rencontre toutes les diffi-
cultés ». Pourtant, il est né, il est ressuscité et il vit. On
s’en prend de même à la commu­nauté de Jésus-Christ :
toutes les fois qu’il naît des hommes qui soient appar-
entés au Christ, tout se ligue contre eux. Ils subsistent
pourtant, parce que Dieu est avec eux. Ils ne sombrent
pas. L’avènement de Jésus-Christ doit commencer le jour
où Christ cessera d’être opprimé.
Croyez en Dieu, croyez en Christ ! Cela seul importe
pour la venue du Royaume de Dieu. Car seul Christ est
capable de réaliser la domination de Dieu à travers toutes
les circonstances. Nul homme, nulle communauté, nulle
église ne le peut. Seul, Christ en personne est capable
d’établir le Royaume de Dieu, dans lequel il n’arrivera
rien, ni en bien, ni en mal, en dehors de la volonté de
Dieu.
Que votre cœur ne se trouble point. Christ vit !

68 Mon bienheureux père s’est mis dans un singulier


con­traste avec ses contemporains, lorsqu’il a donné son
mot d’ordre : Jésus est vainqueur ! Il vivait au milieu
d’une société chrétienne qui se bornait à répéter sans
cesse : Jésus est mort. Lui-même, il était très imbu de ce
christianisme.
Mais soudain, une certitude jaillit de lui : Jésus vit !
Jésus est vainqueur ! Et les démons de disparaître. Toute
l’obs­curité mystique s’évanouit.Voici un héros ; ce héros
met en fuite tout le monde : il remporte la victoire, et
nous voilà délivrés. Pour délivrer un prisonnier, il faut
que quelqu’un vienne, qui brise la porte et le fasse sortir
60 Du Royaume de Dieu

de sa prison. Au captif, aujourd’hui délivré, les péchés


sont remis. Il a un frère qui l’instruit et lui inculque de
nouvelles habitudes, pour qu’il soit purifié des souil-
lures qu’un séjour prolongé dans les ténèbres lui a fait
contracter. La grâce de Jésus-Christ devient une force
éducatrice ; elle nous soufflette chaque jour pour nous
obliger à contracter de nouvelles habitudes. C’est une
éducation nouvelle. Par notre intimité avec le Christ
vivant, nous acquérons d’autres mœurs, d’autres usages,
d’autres idées.

69 Que signifie le nom de Jésus? Il est la garantie que


le bien vaincra.

70 Il nous est impossible de faire passer entièrement


dans les faits ce que Jésus est ; cela ne veut pas dire que
nous luttions en vain, en communion avec lui ; tout cela
portera des fruits. Mais c’est à lui de donner le dernier
coup, afin que l’œuvre soit achevée, et qu’elle forme un
tout.Voilà pourquoi il s’appelle le Premier et le Dernier.
Entre ce Premier et ce Dernier, nous nous trouvons dans
les douleurs de l’enfantement.
Jésus le Dernier est différent de Jésus le Premier ; il n’en
diffère pas dans sa conviction ; il est tout aussi humble
et doux, tout aussi animé de l’amour de Dieu pour les
malheureux et pour les pauvres. Mais le Dernier est plus
puissant et plus grand que le Premier. Car c’est au ciel
que Jésus le Ressuscité est à l’œuvre depuis sa venue sur
la terre ; c’est là qu’il rassemble sa puissance et sa gloire.
Et quand il se manifestera comme le Dernier, il apparaîtra
Jésus-Christ 61

comme le Seigneur, de qui émane le Commandement


décisif. Avec joie nous attendons cet être unique, qui, en sa
qualité de Dernier, sera grand dans le cœur des hommes.

71 C’est un bonheur pour les hommes que rien ne


puisse les satisfaire.
Toutes les inventions que les derniers siècles ont appor­
tées ne nous ont pas donné le bonheur. Les hommes
veulent autre chose ; ils ne savent pas eux-mêmes à quoi
ils aspirent ; mais ils n’arrivent pas à se satisfaire. Ils ne
peuvent être heureux qu’en comprenant bien ce qu’est
leur Seigneur, ce qu’est Jésus, le Maître de la création, dans
cette lumière de la vie où ils se voient, en tant qu’enfants
du Père Céleste, unis à tout ce qui vit. Aussi longtemps
que nous sommes séparés du ciel et de la terre, séparés de
la vie propre de Dieu, nous sommes malheureux.
Il est bien difficile de faire comprendre à l’homme
que c’est Jésus, le Ressuscité, qui lui manque. Souvent il
croit que ce qui lui manque c’est l’argent, que ce sont les
honneurs ; il demeure accablé, et ne devient pas maître
de son destin, dominé qu’il est par les incidents quoti-
diens de la vie, au lieu de tout dominer par Jésus-Christ,
son Seigneur. Mais c’est son bonheur de pouvoir tout au
moins se dire : tout changera. Et ainsi il va à la rencontre
de Jésus, qui dit : « Voici, je fais toutes choses nouvelles ».

72 Nous vivons à une époque où le monde prend


son essor ; nous assistons à l’épanouissement de toutes
les forces ; la nécessité pousse les hommes à des inven-
tions. Mais il n’en résulte pas le moindre progrès. Déjà
62 Du Royaume de Dieu

l’humanité commence à avoir soif ; l’ivresse se dissipe, et


en fin de compte nous sommes toujours là comme des
hommes qui n’ont rien, s’ils ne possèdent pas l’essentiel,
qui est Dieu. Que sommes-nous donc, privés de ce qui
est bon, juste, vrai, éternel ? Qu’est-ce que le vacarme
des machines et la griserie de l’action ? Nulle machine,
nulle science ne nous aide à trouver ce qui est éternel,
vrai, juste, bon. C’est pourquoi il faut qu’une commu-
nauté des disciples de Jésus-Christ vienne et que pour
finir Jésus lui-même revienne.
Il nous faut de nouveau l’apparition personnelle du
Seigneur Jésus. Dans les affaires humaines elles-mêmes,
on n’arrive à un résultat qu’en s’y mettant tout entier.
Nous ne pouvons pas être indéfiniment chrétiens « en
esprit » : il faut que d’une manière ou d’une autre, Jésus
entre en contact avec nous. De même qu’un chef de
guerre remporte la victoire en personne, il faut que le
Seigneur Jésus repa­raisse avec sa chair et son sang.
C’est pour cela que le Sauveur a reçu la puissance dans
le ciel et sur la terre, au dehors comme au dedans, dans
le monde visible et dans l’invisible. Il a reçu de Dieu
le pouvoir de prononcer sur tout ce qui entrave les
hommes : Ephphatha! (Ouvre-toi).
D’abord, il faut un « Ephphatha » pour lui préparer
le chemin dans les cœurs. Pareil « Ephphatha » a retenti
quand Jésus était sur la terre. Qu’est-ce donc que Pierre
a dû enten­dre pour s’écrier : « Tu as les paroles de la vie
éternelle » ! Un « Ephphatha » l’avait touché. Il lui avait
été permis de contempler et d’entendre ce qu’est Dieu
en Jésus ; c’est pourquoi il a pu l’exprimer. Et lorsque
d’autres, même des païens, venaient trouver Jésus et lui
Jésus-Christ 63

disaient : « Impose les mains à ce pauvre homme », en


pensant avec une sim­plicité d’enfants : « S’il le touche, il
sera guéri », qu’avaient-ils dû entendre avant d’en arriver
à cette foi ? Ephphatha ! Ce coup de clairon précédait
Jésus à travers le pays. C’est déjà un « Ephphatha » quand
les hommes disent : « Jésus, viens à notre secours ! »
mettant de côté toute autre considération. Car la plupart
des gens hésitent entre deux secours : celui de Dieu ou
celui des hommes, l’Esprit ou les esprits ; de là cette
superstition qui ne croit pas entiè­ rement et cherche
ailleurs. Des hommes n’arrivent pas à dire du fond du
cœur : « Seigneur, impose-moi les mains ! » Nous avons
besoin de la grâce pour prendre uniquement Dieu et
Jésus comme rédempteurs, et rejeter tout le reste, afin
que nos sens soient délivrés de la brume qui les enve­
loppe, les empêchant de comprendre ce qu’est Dieu et ce
qu’est Jésus. La révélation de Dieu doit précéder Jésus et
frayer la voie au Royaume de Dieu.
Un deuxième « Ephphatha » doit faire disparaître les
limites intérieures de notre être borné, ces bizarreries de
nos sens déformés, terrestres et misérables, pour que nous
ayons l’œil qui voit vraiment Dieu et que nous deven-
ions ce que nous voulons être. Il ne faut pas que le passé
vienne toujours s’interposer, pour nous faire oublier à
chaque fois notre désir d’appartenir à Dieu. C’est à cause
de ce passé qu’il y a tant d’êtres liés et abattus : ils n’ont pas
écouté l’Ephphatha qui les délivrerait de l’influence des
démons. Car souvent les hommes les plus sains ressem-
blent à des démons : ils se querellent, se disputent et font
le contraire de ce qu’ils voudraient faire. C’est bien là
le seul malheur véritable : les hommes ne peuvent pas
64 Du Royaume de Dieu

s’accorder, il y a du désordre ; nous ne nous comprenons


pas mutuellement ; nous nous mettons en colère malgré
nous. Demandons donc dans nos prières l’Ephphatha, qui
nous libérera de ces liens.
C’est seulement lorsque ce deuxième Ephphatha sera
réalisé, que viendra le moment du troisième, qui délie des
entraves corporelles. Il ne faut pas qu’il vienne trop tôt :
les hommes ne seraient pas encore mûrs pour le recevoir.
Les maladies sont aussi des servitudes intérieures, des
manifestations de la puissance démoniaque. Dans la nuit
qui plane sur l’esprit, règne la mort, qui nous paralyse,
nous rend aveugles, malades ; mais, une fois le second
Ephphatha venu, les miracles extérieurs se produiront
d’eux-mêmes ; ils deviendront aisés, quand le Seigneur
entrera personnellement en contact avec nous. Mais rien
n’est pire qu’une guérison extérieure sans libération inté­
rieure. C’est dans le plus grand silence que le troisième
Ephphatha vient. Il vient sans sonner de la trompette, de
façon sainte. Il faut qu’il reste dans la main de Dieu pour
que personne n’y touche.
Nous avons déjà entendu, à notre époque, le premier
Ephphatha. « Jésus est vivant ! » Le deuxième vient peut-
être maintenant : « Jésus règne et vous libère ! » Ensuite
viendra le troisième : la guérison corporelle.

73 Les hommes cherchent le plus souvent à assurer


leur bonheur en changeant les conditions extéri-
eures de leur existence. Mais l’essentiel est d’arriver au
bonheur inté­rieur, à la félicité. On n’y parvient pas par
les circons­tances, mais par l’influence d’une personne.
Dieu est per­sonnel. L’élément personnel de Dieu, en
Jésus-Christ 65

Jésus, entre en contact avec nous, pour que nous arriv-


ions nous-mêmes à l’existence personnelle. Alors nous
nous élevons ; celui qui est pauvre devient capable de
devenir riche en esprit ; le riche, de supporter sa rich-
esse sans que cela lui nuise. L’ignorant devient cultivé
par soi-même, et l’homme cultivé est sans orgueil vis-à-
vis de son prochain. Chacun doit se libérer à sa manière,
pour devenir à sa manière une plante de Dieu. Tous les
peuples doivent retrouver leurs caractères originels. Car
tout homme, tout peuple, est en soi un acte éternel de
Dieu. Ce que tu es, deviens-le. Si Dieu te permet d’être
toi-même, tu es sauvé.Voilà la béatitude que te réser­vent
tes relations avec la personne de Jésus-Christ.

74 Il nous faut une nouvelle éducation, une éducation


selon Christ. Jusqu’ici nous n’avons qu’une formation
mondaine ; le christianisme lui-même n’a pas pu mettre
sur pied une véritable formation selon Christ. Chez
nous, on s’incline devant les savants et les forts, devant
ceux que le monde honore, devant les puissants. Tel est
l’idéal du monde. Mais quiconque soutient la cause de
Dieu, cherche à réaliser l’idéal de Christ. Le Royaume
des Cieux vient. Et dans ce Royaume, ce ne sont pas
des hommes qui nous instruiront ; chacun sera instruit
par Dieu. Heureux les pauvres. Heureux ceux qui ont
faim. Dieu a-t-il élu les sages ? Non, il a élu les petits, les
pauvres malheureux qui se croyaient rejetés de Dieu.

75 Nous ne sommes pas arrivés, jusqu’à présent, à


mettre sur pied une civilisation, sans tuer des hommes.
66 Du Royaume de Dieu

Que de gens sont obligés de se tuer de travail et de peine,


et de vivre dans les soucis et dans la misère, afin que nous
puissions tranquillement jouir des avantages de la civilisa-
tion actuelle. Tout ce que nous faisons se fait aux dépens
d’autrui ; toute notre vie pousse d’autres êtres dans la
mort. Quand il descend jusque vers les misérables, vers
ceux qui sont perdus, tués, et qu’il prend soin d’eux, Jésus
entend créer une nouvelle civilisation.
Regardez Jésus, qui est né dans l’étable de Bethléem,
qui annonce l’Evangile aux pauvres, qui s’approche des
pauvres et des malades et leur vient en aide, qui nourrit
les foules au désert, qui a pitié du peuple sans berger.
Regardez-le, et la lumière se lèvera pour vous. Dans la
société humaine, il faut que cela change. Quand la grande
masse des hommes aura été secourue, le genre humain
pourra voguer dans d’autres eaux. Par Jésus, ils sont venus
au jour pour la première fois, les malades, ceux à l’esprit
égaré, les méprisés, tous ceux que jusque-là l’histoire des
peuples avait foulés aux pieds dans sa course. Jésus les
a remontés à la surface. Et d’une communauté qui se
groupe autour de lui pourrait émaner la liberté et la vie,
l’esprit, la vérité et la force.

76 Jésus veut être dans le monde le levier et non le


rouleau.

77 Notre temps, le temps de Jésus-Christ, est celui où


le Père veut entrer en contact par son amour avec les plus
grands pécheurs eux-mêmes, non pour les condamner,
mais pour leur venir en aide. Jésus empoigne les pécheurs.
Jésus-Christ 67

Il va jusqu’au fond de l’abîme. Il est le puissant levier de


Dieu.
Impossible de cacher notre mauvais côté ; à chacun,
Jésus veut enlever sa souillure. Tout individu doit être
pris par ce qu’il a de plus mauvais. Il faut que Jésus s’en
empare. Il donne son sang pour les impies parce qu’il
veut nous délivrer tous tant que nous sommes de ce que
nous avons de pire, afin que nous devenions enfants de
Dieu.

78 Depuis le temps des apôtres, il se livre un grand


combat sur la terre : les hommes asservis luttent pour la
liberté, pour la vie, qui ne peut être appelée une vie que
si les multiples chaînes sont brisées, sous lesquelles languit
la plus grande partie de l’humanité. Aujourd’hui, cette
lutte est plus acharnée que jamais, il est redevenu possible
de lever l’étendard des humbles, de prêcher l’Evangile
qui annonce aux hommes une bonne nouvelle et veut
les affranchir de la servitude de la mort. Aujourd’hui
viennent à la lumière du jour les pauvres, dont l’histoire,
jusqu’à présent, était cachée par l’histoire des grands.
Que l’on soit obligé, aujour­d’hui, d’être humain, c’est un
signe que Dieu va s’occuper de nouveau des misérables.
De même, l’aspiration des hom­mes vers la liberté est un
signe des temps.
Voilà pourquoi il nous faut aujourd’hui aider l’Esprit
de Jésus-Christ, qui apporte son assistance aux opprimés
et aux misérables. Car, avec Jésus, l’Esprit qui sauve les
pauvres et les misérables, l’Esprit de justice et de vérité
s’implante sur la terre. Et comme cet Esprit est dans
l’humanité, il y a toujours à nouveau de la fermentation
68 Du Royaume de Dieu

chez les hommes. Mais il est difficile de résister à l’esprit


du monde, qui est si inhumain ; les meilleurs, dès qu’ils
arrivent à une situation élevée et considérée, deviennent
durs à l’égard du prochain ; ils sont dominés par l’esprit
du monde. Or maintenant c’est une question de puis-
sance : quel esprit est le maître ? Celui du monde, ou
celui de Jésus-Christ ? Tôt ou tard, ce problème amènera
une catas­trophe. Quiconque se rallie à l’Esprit de Jésus-
Christ doit, comme l’apôtre Paul, réaliser par avance cette
catastrophe en lui-même, et extirper de son cœur l’esprit
d’inhumanité afin d’y faire régner l’Esprit de Jésus-
Christ. Mais si nous avons gagné en nous cette bataille,
il faut que nous restions nets et que nous ne cherchions
pas à imposer par la force l’Esprit de Jésus. Associer un
glaive à cet Esprit est un crime. C’est par la douceur et
l’humilité que nous servons Jésus, l’Etre doux et humble.

79 Voici le jugement qui est venu dans le monde par


Jésus-Christ : le péché est jugé ; le pécheur est sauvé et
délivré du péché ; les ténèbres sont jugées, c’est-à-dire
que le jugement les fait cesser et permet à la création de
vivre : même, il abolit la damnation et il sauve les damnés.
Telle est la lumière, tel est l’amour de Dieu, dans lequel
nous devons demeurer.

80 Il existe deux sortes de jugements : l’un, qui


enfonce le pécheur dans ses péchés. Il en va ainsi dans
nos prisons. C’est le jugement de colère, d’indignation
contre le péché. L’autre, au contraire, sépare le pécheur
de son péché ; ce jugement, c’est la rédemption, et Jésus
Jésus-Christ 69

s’en est chargé. Il veut nous affranchir de notre péché et


de toute condam­nation. Qui condamnera ? Dieu est là
qui justifie ; Christ est là, qui tient tout dans sa main, lui
qui est mort et ressus­cité pour nous, — pour que nous
portions le sceau de cette existence nouvelle, et que nous
soyons assurés de ne trouver dans la mort même qu’une
sentence de rédemption, du moment que nous sommes
en communion avec Jésus-Christ.
Il est infiniment douloureux de voir combien peu ont
discerné cette lumière, et que l’ennemi ait réussi à entre­
tenir dans le monde une telle angoisse de la mort et du
jugement, là même où l’on croit en Jésus. Là où règne le
nom de Jésus la lumière doit se faire. Quiconque croit en
lui n’est plus soumis au jugement; il est passé de la mort
à la vie. Que le Père Céleste manifeste à nouveau parmi
nous la lumière de son amour, afin que nous puissions
tous faire l’expérience du jugement rédempteur.

81 Jésus doit être pour nous le Premier et l’Unique,


étant celui qui procède de Dieu. En paroles, on le tient il
est vrai pour le Premier ; mais en fait jamais il n’a régné
seul ; on a érigé à côté de lui des tas d’autres souverainetés.
Dans les cercles croyants, eux-mêmes, on croit en Christ,
le Seigneur, et on institue pourtant d’autres autorités : de
là les divisions entre chrétiens. Déjà au temps des apôtres,
on risquait de dire : Je suis de Paul ; je suis d’Apollos, de
Céphas, de Christ. Chez nous on dit : je suis catholique,
je suis protestant, je suis luthérien, je suis calviniste, et
l’amour pour le Sauveur disparaît. Car s’il existe un
autre maître à qui nous appartenions réellement, le véri-
table amour pour le Sauveur se perd et la grande clarté
70 Du Royaume de Dieu

centrale, l’assurance que seul il est venu de Dieu, et qu’il


est notre Roi, s’assom­brit ; nous retombons, et il se crée
un christianisme qui fait toutes sortes d’efforts pour se
maintenir ; qui lutte contre l’Etat et contre le monde, et
naturellement aussi, qui emploie des moyens coupables,
comme la passion, la colère, la haine, l’anathème, ou qui
recourt à la science et à l’art des hommes.
Le Sauveur a déjà rendu ses disciples attentifs aux
dif­ficultés qu’ils auraient à traverser quand ils ne le
verraient plus. « Demeurez dans mon amour », a-t-il dit ;
et là-dessus il a institué la Sainte-Cène, montrant par là
qu’il voulait toujours être considéré comme l’Unique.
Et c’est précisément dans ce repas, où devant lui toutes
pensées égoïstes devraient s’arrêter, où il parle seul, c’est
là que s’est introduit le plus grand nombre de systèmes
et de divisions. Nous devons réapprendre à crier à travers
l’invisible : « Jésus ! » On invoque bien Jésus, mais l’un
est teint de piétisme, il ne veut connaître que le Jésus du
piétisme. Un autre a telle ou telle couleur ecclésiastique
et il invoque Jésus en conséquence. Ainsi la voix d’autres
désirs humains couvre la voix qui crie : « Jésus ! » Nos
souhaits, nos erreurs occasionnelles passent au premier
plan. Et notre appel à Jésus n’a pas de force.
On trouve peu de gens qui sachent sacrifier à Jésus leurs
idées particulières. Mais là où ce sacrifice est accompli,
il y a une force divine, il y a le Saint-Esprit, qui fait
compren­dre à ces quelques-uns que Jésus compte seul.
Quand mon père, en 1842, à Möttlingen, fut au parox-
ysme du déses­poir, tout un monde de pensées s’écroula
en lui d’un seul coup. Il jeta ce cri : « Jésus ! » et c’en fut
fait de la théo­logie. Tant qu’il vécut, son attitude sur ce
Jésus-Christ 71

point ne fut pas comprise ; et moi-même, ma vie durant,


je n’ai pas été compris, sauf par quelques-uns en secret...
Sans doute aussi, en quelque mesure, par un bon nombre
d’autres qui ont tout au moins entrevu quelque chose et
qui ont essayé de trouver ce Jésus dont je parle. Lorsqu’il
se trouve quelqu’un qui le comprenne, se dégageant de
ses connaissances humai­nes, de ses habitudes invétérées,
il se fait des miracles. Du ciel une clarté luit, indicible-
ment grande et rapide. Pas de bruit, pas de tempête, mais
l’amour de Dieu vient. Il rend colossalement fort.

82 C’est justement quand le christianisme est chaud,


qu’il aboutit souvent à un bien maigre résultat. Il
prend le caractère d’une religion qu’on peut comparer
à d’autres. Or, Jésus n’a pas apporté une religion meil-
leure que les autres. C’est lui qui est la religion, c’est sa
personne. « Jésus-Christ est le même hier, aujourd’hui,
éternellement. »

83 Cette proclamation : Jésus est le Seigneur, met à la fois


tous les esprits en mouvement. Tout tourne autour de ce
seul point : Jésus est-il le Seigneur, ou non ? Tout le reste,
même la religion, même le christianisme, est secon­daire
au regard de cette unique question. Malheureusement on
n’a pas réussi à créer une communauté où règne l’esprit
de soumission à Jésus-Christ. Il y a des éléments dans la
chrétienté qui n’ont de zèle que pour leur église, pour
leurs convictions particulières, pour leurs sectes, pour
leurs doctrines, pour le progrès moral de l’humanité.
A Jésus, le Seigneur, ils songent à peine. C’est déjà une
72 Du Royaume de Dieu

grande chose que deux ou trois s’unissent en son nom.


S’il y a là un véritable germe de vie, il faudra bien que
le Royaume vienne. Aussi devons-nous toujours redire
dans nos prières : « Donne-moi l’Esprit. Qu’il me rende
capable de renoncer à moi-même et à ma propre volonté.
Et qu’ainsi, tel le soldat pour son Roi, je ne vive que pour
Jésus afin qu’il règne en moi et dans le monde. »
Voilà le but : Jésus, Seigneur sur la terre ; Jésus, Roi
des rois ; Jésus, Seigneur dans la politique ; Jésus, Seigneur
dans la société ; Jésus, Seigneur dans nos familles, dans
nos mœurs, dans nos coutumes ; Jésus, Seigneur, et hors
de là aucune loi et aucune institution humaine ; rien, si
sacré que cela puisse paraître. Jésus, Seigneur, à la gloire
de Dieu le Père !
L’espérance
84 On parle souvent d’un paradis perdu. Notre véri-
table paradis est à venir.

85 La mort que combat la Bible n’est pas la mort


extérieure, le passage dans l’au-delà ; ceci peut, selon les
circonstances, être une joie. De même, les détresses de
la vie ne sont pas la mort : c’est justement quand nous
sommes en danger de mort que le sublime naît en nous ;
une existence facile et molle n’a jamais mené à rien.
Nous ne devons pas sou­haiter que les crises de la vie
nous soient épargnées.
Il y a mort quand nous ne savons pas être à la hauteur
de notre tâche, quand notre esprit s’obscurcit. Il y a mort,
quand nous restons accrochés dans l’engrenage du temps
et du monde, quand nous ne voyons plus d’issue, et que
nous désespérons. La mort est sur une nation quand elle
reste figée dans ses idées nationalistes. La mort est sur un
homme, quand il se confine dans ses particularités et qu’il
se cramponne à des choses périssables : argent, maison,
ou terres.
C’est à cette mort-là qu’il faut prendre garde. La
société des disciples de Jésus-Christ surtout, doit être
entièrement libre ; elle doit être un exemple de vie ; elle
n’a pas à se construire des nids, et à se battre pour ces
nids, comme s’ils avaient plus d’importance que Dieu
lui-même. Si la société des disciples de Jésus-Christ reste
74 Du Royaume de Dieu

libre en son for intérieur, elle peut être la détentrice de la


vie dans ce monde de mort.

86 Pourquoi le Seigneur lutte-t-il tellement contre la


mort ? Mourir est parfois une joie. Tout en ce monde a
une fin. Comme les plantes et les animaux, l’homme a une
fin : il faut que sa vie cesse. Jésus ne peut pas, en combat-
tant la mort, combattre simplement toute cessation de la
vie. A ce compte, il combattrait la moisson. Une pomme
mûrit et tombe de l’arbre ; les fruits de la terre mûrissent :
alors, ils ont une autre fonction à remplir. De même, en
ce monde, l’homme arrive tôt ou tard à maturité ; alors,
il doit servir ailleurs. Bien des gens sont achevés dès leur
enfance ; ils peuvent mourir, ayant rempli leur tâche, et
ils s’en vont servir ailleurs. Nous ne dépendons pas des
années. Voici la question capitale de notre vie : Quand
es-tu mûr ? Si ta tâche est achevée, c’est bien : tu mourras
avec joie. C’est ainsi que Jésus meurt avec joie en disant :
Tout est accompli.
Ne pas arriver à l’achèvement, voilà ce que c’est que la
mort. Aussi le Seigneur Jésus dit-il : « Quiconque croit en
moi arrive à l’achèvement ; il ne mourra pas, quand même
il serait mort. Je le rends parfait, je supprime ses défauts. Je
suis la résurrection et la vie. Je m’occupe des infirmes et des
paralytiques, des aveugles et des sourds pour qu’ils arrivent
à l’achèvement : chez celui qui vit et croit en moi il y
a une progression jusque dans l’éternité. L’heure critique,
l’heure où il va s’épanouir et arriver à une existence supé-
rieure a sonné pour lui, mais ce n’est plus une mort ».
Toute souffrance réside dans l’inachevé. Traîner après
soi tant d’imperfections, voilà ce qui fait pleurer. Mais ces
L’ e s p é r a n c e 75

larmes, Dieu entend les effacer de nos yeux ; il entend


nous pardonner nos fautes, réparer le mal, et nous placer
sur un nouveau terrain. Ce que nous n’avons pas terminé,
il le termine. Alors, c’est la résurrection. Alors s’achève ce
qu’Adam et Eve au paradis n’ont pu achever et ce que les
hommes, dans l’accomplissement de leur vocation, ont
négligé.
Il y a mort, quand on ne peut plus se développer. Les
hommes sont, de nos jours, en lutte ; ils veulent atteindre
tel ou tel but ; ils ne l’atteindront pas avant que la mort
soit vaincue. S’il n’y a pas de résurrection, causée par la
puis­sance de Dieu, alors il y a des familles, des peuples,
des races, pour lesquels il n’est plus de progrès possible,
mais seulement la stagnation et la décadence. Or la stag-
nation produit le retour à la sauvagerie.
Aussi faut-il souhaiter pour tout homme et pour
tout peuple que l’évolution continue, et tout d’abord,
l’évolution selon l’Esprit. C’est l’Esprit qui a créé le
monde ; c’est lui qui crée les cristaux et les pierres ;
c’est lui qui fait pousser les plantes ; c’est lui qui crée
les animaux. Et l’Esprit ne crée vraiment d’une façon
parfaite qu’en l’homme. C’est ici la force irrésistible de
l’Esprit : il guérit le corps lui-même. Les maux corporels
les plus grands peuvent disparaître, si l’homme recom-
mence à se dévelop­per. Quiconque vit et croit en Celui
qui est la Résurrection et la Vie, ne connaîtra plus d’arrêt.

87 Les hommes qui s’attachent à Dieu travaillent en


silence ; ils « attendent avec patience » (Romains 8.23).
Or cette patience con­siste à tendre toute son énergie vers
le but qu’on veut atteindre. Les hommes qui travaillent
76 Du Royaume de Dieu

en Dieu ont la perspective d’une amélioration de notre


condition humaine, de la « rédemption de notre corps. »
L’histoire naturelle nous dit qu’un être vivant se
forme suivant ses désirs. Des insectes qui ne veulent
pas être dévorés par les oiseaux, finissent par prendre la
couleur d’une feuille ou celle d’un morceau de bois, afin
d’induire l’oiseau en erreur. Dans les pays du Nord le
pelage des lièvres devient blanc comme la neige ; chez
nous à peine distingue-t-on un lièvre d’une motte de
terre. Ainsi le corps se conforme au sens de la vie. Mais
nous autres hommes, nous retardons sur le sens de notre
vie. Inclinons-nous devant le lièvre : il est ce qu’il doit
être et nous, nous ne sommes pas ce que nous devons
être. L’abîme qui sépare en l’homme l’idéal de la réalité,
nous cause de grandes souffrances. L’homme pense autre-
ment qu’il ne vit ; car il ne pense pas, mais on pense en
lui. Notre moi, souvent, n’est pas plus maître de la pensée
que de la vie. Ainsi, il y a souvent en l’homme un sens
de la vie que le corps ne peut pas suivre, et une énergie
corporelle que le sens de la vie ne peut pas rejoindre.
L’homme est inachevé, et c’est cet inachèvement qu’on
appelle mort : il y a un arrêt dans la nature humaine.
Dans cet état d’inachèvement, l’espérance pénètre par
la résurrection de Jésus-Christ. Si la résurrection nous
paraît tellement merveilleuse, c’est que nous n’en voyons
que la fin ; si nous en voyions le commencement, nous la
compren­drions mieux. Chez Jésus, dès la naissance, tout
tend vers elle ; le sens de Dieu qui est en lui, l’homme
véritable, la prépare. L’esprit de cette humanité glorieuse
agit sur ses semblables, si bien que, placés dans la véritable
situation, leur nature devient saine.
L’ e s p é r a n c e 77

C’est pourquoi il est si important que nous reconnais­


sions en Jésus le Fils de l’homme. N’accentuons pas
unique­ment son caractère divin. Nous devons « croître
dans la connaissance de Jésus-Christ », c’est-à-dire dans
la connais­sance de son humanité, qui est pour nous une
garantie de la forme nouvelle que prendra notre propre
existence. Croire en lui, c’est dire simplement devant lui :
Voici l’homme véritable ! Si ensuite, unis à Jésus, nous
nous développons selon cette humanité véritable, de
façon que notre vie corporelle elle-même se conforme
à la pensée de Dieu, alors peut apparaître une société
humaine digne de vivre, une communauté de Jésus-
Christ, un corps de Jésus-Christ. Ils ont de la valeur, les
hommes qui, selon la pensée de Dieu, sont aptes à revivre.
Ils possèdent ce qui mène à la résurrection, au dével-
oppement normal du corps, conforme à ce sens de la vie
qui est en l’homme, créé à l’image de Dieu.
Veux-tu commencer dès aujourd’hui à être un disciple
de Jésus ? Sois un imitateur de Jésus-Christ : sois joyeux
dans l’espérance, persévère dans la patience. Ne laisse pas
ton énergie s’épuiser dans les polémiques religieuses et
con­fessionnelles ; assigne-lui comme but de te rendre un
homme normal. Que Dieu réveille encore une fois les
hommes pour la « rédemption du corps » !

88 Nous en avons la promesse : un jour, Dieu trans-


figurera notre corps périssable. Alors notre être corporel
lui-même sera si bien transporté dans le Royaume des
Cieux, que, même dans cette vie corporelle, aucune
tentation ne pourra plus nous abattre. Mais Jésus-Christ
peut dès aujourd’hui faire entrer dans notre corps une
78 Du Royaume de Dieu

puissance de transfigura­tion. Car tout ce que Dieu réalise


en nous commence par un germe simple et naturel. Dès
aujourd’hui, notre être tout entier peut être placé dans la
main de Dieu. Acceptons la volonté de Dieu, non seule-
ment dans la chambre haute de l’esprit, mais aussi dans
la chair et dans le sang, tout au moins dans nos résolu-
tions, dans la promesse que nous faisons au Père Céleste,
dans tout notre effort pour que son nom soit sanctifié
parmi nous, pour qu’en notre qualité d’hommes placés
sous sa main, nous soyons complètement libérés de toutes
les puissances des ténèbres.

89 Dans la résurrection, il faut voir une chose bien


simple. De même que les arbres dont la coupe a été
décidée, se mettent tout à coup à verdir et à fleurir, allant
ainsi à la vie et non à la pourriture, de même en sera-
t-il de la résurrection. Nous sommes en toutes choses
sur le chemin de la mort. Mais, à un moment donné,
cette régression s’arrête et devient une progression. Cette
transformation s’opère sous la conduite de Dieu, qui agit
en silence. Dans le Royaume de Dieu l’époque la plus
silencieuse sera celle de la résur­rection. C’est alors que se
produira, dans un silence absolu, la véritable rénovation
des hommes. « Il viendra dans un grand silence, le jour
de la résurrection. »

90 Les bonnes gens pensent qu’avec la mort tout


s’arrange d’un coup. Mais si tu ne possèdes pas ici-bas la
vie éternelle, crois-tu que les choses iront mieux là-haut ?
De quel droit croyons-nous que la mort nous délivre de
L’ e s p é r a n c e 79

la vanité ? Telles gens après leur mort sont exactement


pareils ; ils ne voient et n’entendent qu’eux-mêmes.
Mais celui qui dès ici-bas possède la vie éternelle, peu
importe s’il dépose son corps : c’est pour lui le début
d’aspi­rations nouvelles et d’une vie bienheureuse.

91 Jésus-Christ est pour nous le Prince de la Vie.


Nous vivons bien par nous-mêmes, mais nous ne vivons
pas la vie éternelle ; notre vie peut ne pas cesser, mais elle
ne peut pas parvenir à sa vraie valeur, car celui-là seul qui
vit dans l’éternité acquiert sa véritable valeur. Et ne pas
par­venir à sa vraie valeur, c’est n’être pas heureux, c’est
souffrir, c’est être dans les tourments. Jésus est le Prince
de la Vie ; nous, les êtres qui ne devons pas finir, nous
serons transportés dans l’éternité avec cette vie qui n’a
pas de fin. L’éternité supprime la souffrance. Dans l’éter­
nité, tout est purifié du péché et de la mort ; l’éternité
élimine ce qui est impur, car ce qui est éternel appar-
tient à Dieu seul. Il n’y a pas de place dans l’éternité pour
Satan, pour le mal, pour le mensonge, pour la tromperie,
et par conséquent pour la mort. L’éternité est une réalité,
un monde plein de vie.
Si notre monde, qui est en quelque sorte exclu de l’éter­
nité, entre en contact avec elle, il se produit des dévelop­
pements de vie qui ne comportent plus d’interruption.
La mort est une interruption de la vie. Par la mort, je
ne prends pas fin, mais je ne peux pas aller plus loin ;
si, au contraire, nous sommes dans l’éternité, nous allons
toujours plus loin, notre vie croît et prospère toujours
plus en se rapprochant de Dieu.
80 Du Royaume de Dieu

C’est pour cela que Jésus entend être le Prince de laVie.


A un prince il faut un peuple, et un peuple doit être élevé
de façon à vivre dans son prince, comme son prince vit
en lui. C’est comme Prince que Jésus se compare au pain
qu’il veut donner à manger aux siens. Il veut être en nous
l’Eternel, afin que nous-mêmes nous devenions éter­nels.
Jésus est seul à avoir la vie éternelle ; aussi subsiste-t-il de
tout temps — il survit aux siècles et aux races. C’est pour
cette raison que le christianisme, si abîmé qu’il puisse
être, reste toujours, malgré tout, le terrain sur lequel on
peut espérer de rencontrer le Prince de la Vie.

92 Les Juifs sont religieusement fort au-dessus des


autres peuples en ce qu’ils ont dit : Ce dont les hommes,
à pro­prement parler, ont besoin, viendra, mais n’est pas
encore là. Aussi leur histoire est-elle traversée par un élan
de progrès, une poussée de l’évolution. Ils ont toujours
vécu dans l’attente.
Après les plus grandes apparitions religieuses, ils sont
restés pauvres. De leurs héros, ils n’ont pas fait après coup
des Dieux. Ce qu’il y a de plus grand est non pas derrière
eux, mais devant eux.
Et cette promesse reste toujours dans la ligne de ce qui
est sobre et humain. Aucune exaltation. Cette pro­messe
veut que le monde entier vive un jour dans l’har­monie ;
mais elle reconnaît qu’auparavant l’homme lui-même
doit changer. Pas un prophète n’a songé à fonder, avec les
hommes tels qu’ils sont, un état idéal, au moyen de lois et
d’institutions magnifiques. On savait que le Royaume des
Cieux allait venir, mais, qu’auparavant, les cœurs devaient
changer.
L’ e s p é r a n c e 81

La religion du peuple d’Israël renfermait donc un germe


actif de progrès, qui a agi puissamment ; l’apparition de
Jésus-Christ y a répondu.

93 Dieu veut de nouveaux cieux et une nouvelle


terre. Les hommes, eux aussi, veulent du nouveau. Ainsi,
Dieu et les hommes sont d’accord. Les hommes veulent
se déve­lopper ; ils veulent faire des progrès. Au fond,
l’homme, depuis qu’il existe, n’a pas fait de progrès véri-
tables. Les vieux actes de ventes assyriens nous révèlent
les mêmes hommes qu’aujourd’hui, animés des mêmes
sentiments, des mêmes désirs. Cependant les hommes
ne se lassent pas ; ils espèrent fermement un progrès ;
ils veulent atteindre la perfection. Dans ce désir ils sont
d’accord avec Dieu. On ne doit pas mépriser un homme
qui veut le progrès, et pas davantage un parti qui y aspire.
C’est justement dans le christianisme que cette idée
de progrès s’est affirmée. Les païens piétinent sur place ;
aux Indes, il y a depuis des millénaires les mêmes castes.
Mais dès qu’il y a quelque part une parcelle de christian-
isme, une fermentation commence. Nous devons être des
hommes de progrès, à l’unisson de Dieu, qui, lui aussi,
veut faire du nouveau.
Seulement, la fermentation qui se manifeste dans les
peuples chrétiens provient trop souvent de la haine. Or,
du côté de Dieu, le progrès doit être suscité par l’amour.
Si cette fermentation progressive se fait avec l’Esprit de
Jésus, les malheureux, les opprimés, les souffrants, les
méprisés obtiendront justice. Jésus est le représentant
de l’amour de Dieu, qu’il veut répandre dans le cœur
des hommes : ne méprisez personne, ne condamnez
82 Du Royaume de Dieu

personne ; sortez les petits de la poussière, faites de tous


les hommes des égaux — par amour ! Tout doit être
renouvelé par amour : le ciel et la terre. Les chrétiens
eux-mêmes ont fait des révo­lutions par haine, et ont cru
par là servir Dieu. Mais Dieu aime le monde ; c’est pour-
quoi il veut faire toutes choses nouvelles. Toi aussi, sache
voir ce qu’il y a de bien dans le monde : si tu veux le
progrès, aime.

94 Celui qui persévérera jusqu’à la fin, sera sauvé. Il faut


aller jusqu’à la fin. Alors, un commencement nouveau
amè­nera des choses toutes nouvelles. Mais jusqu’à la fin,
il y aura des tribulations. Des attaches et des hérédités,
visi­bles ou invisibles, doivent être supprimées, et quand
on les supprime, c’est comme une opération chirurgicale.
Aussi le Seigneur Jésus attend-il pour la fin des trem-
blements de terre, des tempêtes épouvantables, la peste,
le chaos mondial, la guerre. Ces tribulations ne sont pas
encore la fin, mais elles doivent pousser dans le sens de
la fin ; et la fin viendra, quand toutes ces épreuves qui
renferment un principe dissolvant, auront accompli leur
œuvre et seront achevées. C’est alors que viendra le salut.
Quiconque invo­quera le nom du Seigneur sera sauvé. C’est
la fin, mais c’est en même temps un commencement
nouveau. Car, devant Dieu, il n’y a pas de fin sans un
commencement nouveau. Le péché cessera. L’injustice, le
mensonge, la fausseté, tout ce qui est mauvais, cessera tôt
ou tard, pour que Dieu commence.
Chrétien, il faut lutter de toutes tes forces pour que
vienne la fin du mal, et il ne faut jamais que tu murmures
contre ce qui est bien. Le mal périt, le bien subsiste. Dans
L’ e s p é r a n c e 83

l’individu, rien de ce qui est bon ne se perd. Mais tout


ce qui n’est pas bon est voué à la ruine. Quiconque ne
veut pas se résoudre à sacrifier ce qu’il y a de mal en lui,
s’expose à de grandes tribulations. Il y a des hommes qui
se cram­ponnent au mal ; en le retenant, ils luttent contre
Dieu. D’autres lâchent tout, leur vie est un perpétuel
détachement, jusqu’à la fin ; mais pour finir, ayant tout
quitté, ils rece­vront tout : le Royaume de Dieu viendra à
eux, avec toutes ses gloires.
Persévérer, ce n’est pas se roidir et défier le monde. On
peut aller à la mort par pure obstination, mais c’est une
fin humaine et non une fin divine. Si on veut m’enlever
ma maison, qu’on la prenne ! Si on veut me ravir mes
droits, qu’on les ravisse ! Le mal a une fin, la persécution
a une fin ; toi, tu n’en as pas. Laisse-toi donc persécuter,
laisse-toi injurier, laisse-toi maudire ; tout cela cessera
bientôt. Prie pour les persécuteurs. Pour toi, tu n’as pas
de crainte à avoir, si tu es bon, et attaché au bien.
Laisse aller ce qui est mal et tu collaboreras à la fin.
Oh ! que les hommes seraient sages en lâchant tout, et en
ne se cramponnant pas à des choses qui n’ont même pas
une valeur terrestre, encore moins une valeur éternelle !
Per­sévère, et tu seras sauvé.

95 C’est le désir le plus ardent du Sauveur que la fin du


monde vienne. Quiconque sent en soi les maux indici-
bles du monde actuel, au point que son cœur sensible ne
puisse les supporter, porte un lourd fardeau. C’est pour-
quoi Jésus travaille de toute son âme à mettre fin à cet
âge de dou­leurs ; c’est dans ce but qu’il donne ses ordres.
Quand il appelait ses disciples, il le faisait seulement pour
84 Du Royaume de Dieu

arriver le plus vite possible à la fin de cet âge. Le Seigneur


se hâte vers le but. Pour le dire en langage humain, Jésus
a cru qu’il trouverait des disciples avec lesquels il pour-
rait faire une trouée dans le monde. Mais nul ne comprit
cette impa­tience du Sauveur et de ses disciples. Nous
contemplons mélancoliquement aujourd’hui cette façon
joyeuse et pleine d’espoir de se hâter vers la fin. Quand
nous voyons le Sauveur et ses disciples dans cette prodi-
gieuse tension, nous devons accueillir en nous les ordres
de Jésus, avoir une immense pitié pour tout ce qui existe,
et tendre toutes nos énergies pour que la fin vienne,
pour qu’il y ait au moins des progrès auxquels on puisse
reconnaître qu’elle approche, et que l’indicible détresse
du monde va cesser.

96 S’il est dit dans la Bible : « La fin de toutes choses


est venue », cela ne signifie pas naturellement que la fin
des œuvres de Dieu soit venue. Seule est venue la fin
de toutes les choses humaines, faites sans Dieu. Il y aura
une fin pour le mal : on ne peut pas éterniser le péché,
la mort et l’enfer. Le bien étant éternel, le mal ne peut
l’être. Parce que Dieu est, tout ce qui n’est pas Dieu doit
cesser.

97 Quand Nietzsche dit que Dieu est mort, il y a là


quelque chose de vrai. Dieu, en soi, n’est pas mort, mais
pour les hommes, il est quelque chose de mort. Les hommes
poursui­vent tous les buts possibles, ils écoutent n’importe
quoi ; mais quand on parle de Dieu, la plupart du temps,
on les ennuie. Il est de plus en plus clair aujourd’hui que
L’ e s p é r a n c e 85

notre civilisation se passe de Dieu. Pour les païens, les


Dieux sont vivants ; pour nous, Dieu est mort.
Mais Dieu n’est pas mort. Dieu vit. Il est l’Alpha et
l’Oméga, le commencement et la fin, le Vivant. Entre
l’Alpha et l’Oméga, il y a le chaos. Cet état chaotique n’a
pas encore été surmonté de nos jours, tant au point de vue
spirituel qu’au point de vue physique. Assurément il y a là
un com­mencement, mais la fin n’est pas encore là. A cette
fin, les hommes doivent travailler ; ils doivent s’associer au
labeur qui la prépare. Or, ils ne s’y associent pas. C’est dès
le paradis que l’homme aurait dû le faire. Le serpent ne
pouvait être vaincu sans son concours. Mais l’homme ne
fit pas son devoir, il laissa se produire une fissure entre Dieu
et lui, et ainsi fut arrêtée l’évolution qui tendait à la fin.
C’est dans ce chaos, qui a persisté, que se dressent les
grandes personnalités des prophètes : des hommes qui
disent avec toute leur énergie : il faut en finir ; il faut que
les hommes se soumettent ! Finalement paraît celui qui,
de corps et d’âme, travaille en vue de la fin, Jésus-Christ.
Il se dresse au milieu, entre l’Alpha et l’Oméga. Dès le
début, ce devait être le devoir de la communauté chré­
tienne, de vivre toujours en vue de la fin, en répétant :
« C’est la fin ! tout change ! Dieu vit, notre Dieu vient ! »
Mais on a négligé ce devoir. Le chaos ne peut être vaincu
sans une lutte à mort. Pour les enfants de Dieu, il n’existe
pas sur la terre de félicité confortable, mais des luttes ; il
faut brandir opiniâtrement l’étendard des droits de Dieu
contre tout ce qui ne plie pas devant Lui.
Si notre espérance ne se réalise pas, qu’adviendra-t-il
de notre terre et de l’humanité ? Si les fauves de notre
civilisation vont en terre païenne sans le Dieu Vivant,
86 Du Royaume de Dieu

qu’ad­viendra-t-il de ces hommes simples et enfants que


sont les païens ? Dans notre civilisation, les hommes sont
égorgés par milliers ; et on ne comprend pas le Dieu qui
permet cela. Notre pauvre petite culture chrétienne ne
nous mettra pas à l’abri, si la fin ne vient pas. Le progrès
ne viendra véri­tablement que le jour où Dieu aura son
trône sur la terre, et pas seulement au ciel. C’est alors
que commencera le vrai développement de l’homme, car
jusqu’ici la véritable essence de l’homme n’a pu encore
se développer.
A cet achèvement, sachons collaborer. Cessez de
recher­cher vos aises ; ne secouez pas loin de vous tout ce
qui est difficile et pénible. N’appelez pas constamment
Dieu à votre secours dans vos afflictions.Viens toi-même
en aide au bon Dieu, charge-toi de ta croix, jette-toi au
plus fort de la mêlée. Jésus est vivant ; Jésus est vainqueur,
et il nous donne l’ordre de collaborer à la venue de la fin.

98 Tant que l’achèvement n’est pas arrivé, le monde


n’est bon à rien. Aussi, ne vous fâchez pas contre le
monde. Il ne peut pas. Pour le moment, nous ne pouvons
être dans le monde que des gouttelettes de rosée, qui
lui permettent de briller un peu ; et nous annonçons au
monde l’Evangile : Jésus est votre Sauveur !

99 Ne croyez pas que le monde se convertisse avant


le jour de Jésus-Christ. Nous prêchons l’Evangile au
monde, parce qu’il y a partout des âmes affamées ; mais
ne croyons pas que, par là, le monde soit déjà vaincu.
Laissons-le venir à nous ; portons-le sur notre cœur ;
L’ e s p é r a n c e 87

confions-le à l’amour de Dieu. Persévère dans cet amour


de Dieu et tiens ferme jusqu’à la fin !

100 La parole : « Voici, je viens bientôt », divise


l’histoire de la communauté de Jésus-Christ en deux péri-
odes : le temps de la préparation, et celui du Royaume
de Dieu.
La période préliminaire du Royaume de Dieu a
com­mencé avec la venue corporelle du Sauveur. Dans cette
période, nous avons l’Evangile, « la Puissance de Dieu, qui
donne le salut à tous ceux qui y croient ». Le Royaume de
Dieu est annoncé ; les précurseurs le fondent sur la terre.
Mais la domination de Dieu en Christ n’est pas encore
éta­blie ; elle ne fait que commencer en silence, à l’insu du
monde, chez les croyants. Tout le reste de l’humanité, la
masse, quand même elle entend l’Evangile, reste enrégi-
mentée sous le péché et la mort. Seule la lumière de l’espé­
rance brille au sein de cette masse, grâce à l’Evangile, qui
révèle l’amour de Dieu pour le monde. Par cette espé-
rance la victoire des ténèbres est enrayée. Mais l’être inté-
rieur des hommes n’est pas encore libéré pour Dieu, et
ne possède pas la force qui remporte la victoire sur le
péché. Un monde nouveau, une création nouvelle, n’existe
qu’à l’état latent, chez ceux qui croient. Ceux-ci sont les
pré­curseurs du Royaume de Dieu. Leur mission est d’être
fidèles jusqu’à la mort, et, en combattant, de revendiquer la
terre comme appartenant à Dieu, jusqu’à ce que le Fils de
l’Homme vienne dans la gloire de son Père.
Alors seulement se manifestera envers les peuples la
puissance de Dieu en Jésus-Christ. Alors apparaîtra le
88 Du Royaume de Dieu

jugement. Sans le jugement, même au temps de l’Evangile,


nul ne pouvait être sauvé. Il en sera de même à la fin des
temps. La masse des hommes ne pourra être sauvée sans
le jugement, que le Fils de l’Homme exercera lors de sa
venue. Au jour du jugement dernier, on verra tomber
bien des choses que nous tenons encore aujourd’hui
pour justes et bonnes, mais que Dieu ne fait que tolérer
provisoirement. Avant ce jugement, nous ne pouvons rien
espérer pour le renouvellement de l’humanité dans son
ensemble. Aussi ne devons-nous pas nous décourager, si,
actuellement, le monde n’est pas encore atteint, et si la foi
ne peut s’affirmer qu’en se cachant. Le monde n’est pas
pour cela irrémédiablement perdu. Il est dans l’attente de
la suprême révélation de Dieu, où Jésus-Christ apparaîtra
comme le Roi des rois. Tout dépend de la fidélité des
précurseurs ; elle est pour eux, surtout pour les « élus »,
les « serviteurs qui attendent leur Maître », la réponse à
leur ardente prière : « Voici, je viens bientôt. »

101 Un « Evangile éternel » nous est promis dans


l’Apo­calypse (14.6). Il viendra à la chute de Babylone.
Babylone, c’est la tentative gigantesque des hommes
pour se tirer eux-mêmes d’affaire, l’effort désespéré pour
s’affranchir des puissances sinistres et néfastes du destin.
C’est dans cette destinée tragique de l’homme et dans ce
dédale de fatalité que pénètre l’Evangile.
En premier lieu vient l’Evangile humain, tel que nous
l’avons eu jusqu’ici. Son propre est de diviser. Des indi-
vidus sont mis à part, des communautés sont fondées, se
distin­guant du milieu ambiant. C’est en se séparant ainsi,
L’ e s p é r a n c e 89

tout d’abord, qu’on annonce le nom de Jésus-Christ


comme celui du Seigneur du ciel et de la terre.
Mais dans cet Evangile se glisse facilement une erreur
fondamentale. Ceux qui se sont mis à part se considèrent
comme meilleurs que ceux dont ils se sont séparés. Or, s’ils
se sont mis à part, ce doit être uniquement pour apporter
dans ce monde l’amour de Dieu ; ils doivent être pour les
autres hommes un peuple sacerdotal. Spirituellement, ils
doivent vaincre le monde. Or, si je remporte la victoire
sur le monde, je l’attache à moi, je n’accepte plus qu’il
soit sans Dieu. Des hommes animés de pareils sentiments
sont la lumière du monde. Ils sont qualifiés pour travailler
au jour de Jésus-Christ, qui amènera le second Evangile,
l’Evan­gile éternel.
Cet Evangile éternel ne provoque plus de scission ; il
ne sépare pas ; il s’étend sur tous : sur tous les peuples, sur
tous les païens. Car ce qui est éternel embrasse les cieux,
la terre et ce qui est sous la terre, la mer et tous les abîmes.
N’entendez-vous pas dès aujourd’hui l’ange de l’Evangile
éternel ? Les barrières disparaissent. Le progrès se fait
insensiblement ; les uns s’en rendent compte, d’autres ont
peur de cet Evangile. Mais qu’on s’en rende compte ou
non, cet Evangile vient. Aujourd’hui, déjà, on commence
à ne plus demander : « Es-tu chrétien ? » on demande :
« As-tu la crainte de Dieu ? » Car l’ange de l’Evan­g ile
éternel le proclame sans distinction : « Craignez Dieu,
vous, païens, peuples de toutes langues, adorez Celui qui
a créé les cieux et la terre.Vous êtes libres : Babylone est
tombée. Tous vous appartenez à Dieu. »
Le temps vient où Dieu ne fera plus de distinction
entre qui est pieux et qui ne l’est pas, entre les justes et
90 Du Royaume de Dieu

les injustes, les chrétiens et les païens. Heureux qui ne se


scandalise pas de ce Jésus, et de cet Evangile !

102 Il faut accepter de ne pas voir aujourd’hui le jour


du Fils de l’Homme. Ce moment n’est pas encore venu.
Soyez patients ! Il faut encore beaucoup travailler avant que
le Jour véritable vienne. On peut fabriquer des pseudo-
jours. Mais le vrai Jour, on ne le fabrique pas : il vient de
Dieu. C’est aussi un précepte de la sagesse du Royaume :
renoncer au jour de Jésus-Christ, jusqu’à ce qu’il vienne.

103 Il était nécessaire que l’Evangile fût prêché


au peuple comme il l’a été, sous une forme qui était
l’enveloppe de la vérité. Or, maintenant, l’enveloppe
éclate. C’est le moment où Jésus vient. Ce jour approche
déjà. Mais il nous faut consentir à ce que tout change.
Croyez-vous donc que le Sauveur puisse s’accommoder
de quoi que ce soit d’existant ?

104 C’est du Royaume des Cieux qu’il s’agit pour


le Sauveur.
Tous les efforts des chrétiens pour arriver à la justice, à
la vérité et à la vie n’arrivent pas au but. On a beau lutter
et combattre, c’est tout au plus si un individu ou une
communauté arrive à se mettre sous la protection parti­
culière de Dieu, de façon que l’esprit du monde et les
portes de l’enfer elles-mêmes ne puissent en avoir raison.
Mais où est la victoire ? Voilà dix-neuf siècles qu’on
lutte. Où est la victoire ? la victoire du Dieu tout-puis-
sant, qui fait resplendir la terre, où le péché languit et
L’ e s p é r a n c e 91

meurt, où Jésus est roi et où les hommes, par lui, devi-


ennent véritablement libres ? La victoire complète ne
vient qu’avec l’achèvement du Royaume des Cieux. Les
associations reli­g ieuses font beaucoup ; la prière silen-
cieuse, dans le recueillement d’une petite chambre, est un
pur joyau ; mais nous attendons encore le Royaume des
Cieux. Le Royaume des Cieux, c’est une nouvelle révéla-
tion, un nouveau déploiement de la gloire de Dieu, qui
dépassera tout ce dont, jusqu’ici, nous avons été témoins.
Le Royaume des Cieux prendra des formes toujours
nouvelles, jusqu’à ce que vienne la dernière, où le Roi
pourra apparaître. Par les formes variées de la vie chré­
tienne, le Père Céleste n’a pas cessé de conserver et de
préparer l’idée du Royaume des Cieux, et la foi en lui.
Mais à la fin le Royaume des Cieux sera semblable aux
dix vierges dont le principal souci est d’attendre la venue
de l’époux. Ce qui, à la fin, doit par-dessus tout nous tenir
à cœur, c’est la venue du Roi. Il manque aux hommes un
Roi. Ils sont comme des brebis qui n’ont pas de berger.
Ils ont faim et soif d’un Roi, souvent sans s’en rendre
compte. Si nous apercevons cela, nous devons concen-
trer toute notre force pour nous soumettre, par amour au
Seigneur Jésus : nous n’avons plus le droit de rechercher
notre avantage personnel, mais seulement Jésus.
Seules les « vierges sages » seront admises à la réunion
suprême où se traiteront les événements futurs autour du
Roi : aucun de ceux qui cherchent leur propre intérêt ne
pourra prendre part aux délibérations intimes avec Jésus.

105 L’espérance du retour de Jésus, chez les premiers


chrétiens, exprimait fortement cette conviction, qu’il y
92 Du Royaume de Dieu

avait encore quelque chose à achever ; Jésus a commencé


une œuvre, mais elle est restée inachevée. Comment Jésus
reviendra-t-il ? Ceci reste caché. Son mode de réappari-
tion sur la terre pourrait être passablement différent de ce
qu’on se représentait autrefois. Dans l’oppression effroy-
able sous laquelle gémissent les hommes, on s’est fait, à
des époques particulièrement difficiles, toutes sortes de
conceptions mystiques comme, par exemple, le chiliasme.
Dans cette gangue, l’idée du Christ a été préservée, mais
aujourd’hui nous comprenons que, si l’on se contente de
laisser le champ libre à Dieu, le Royaume de Dieu pourra
venir et se développer de façon toute simple et naturelle.

106 Toutes nos espérances s’accomplissent par voie


d’évo­lution, même l’espérance de l’avènement de Jésus-
Christ. D’après l’Ecriture, ce retour doit se produire de
façon catastrophique. Mais sur ce point une extrême
prudence est nécessaire. A l’époque des apôtres, on avait
perdu tout espoir de voir se produire un changement,
aussi ne pouvait-on se représenter l’avènement de Jésus-
Christ autrement que sous la forme d’un grand cata-
clysme : on pensait qu’à la venue du Sauveur, tout se
mettrait à craquer et à trem­bler, au ciel, sur la terre et
sous la terre.
Il s’agissait alors de revendiquer pour ainsi dire une
espérance visible au travers d’une coque transparente.
Personne ne pouvait, en ce temps-là, concevoir comment
un tel changement serait possible par évolution. Aussi,
l’espérance fusa-t-elle comme le boulet sort du canon :
« Jésus viendra bientôt, et il réduira le monde en pous­
sière. » Nous devons ajouter aux déclarations des hommes
L’ e s p é r a n c e 93

de ce temps-là, les expériences faites depuis lors. S’il a fallu


trois cents ans pour que s’effondrât le seul empire romain,
c’est une expérience par laquelle Dieu a parlé. Il a fallu que
d’autres peuples fussent également passés au crible. Dieu a
cherché partout dans le monde des hommes capables de le
servir fidèlement. Des peuples nouveaux ont été appelés.
Dieu ne se hâte pas : il cherche et recherche sans cesse,
jusqu’à ce qu’il ait trouvé des éléments susceptibles de se
développer. L’alliance du christianisme avec l’évolu­ tion
du monde a progressé bien lentement. C’est seulement à
présent que l’Esprit de Jésus-Christ peut commencer à péné-
trer les peuples. Dieu a le temps. Dieu a toujours patience :
pour Dieu, il n’est jamais trop tard.
Mon père, lui aussi, avait une confession d’espérance : il
espérait une nouvelle effusion du Saint-Esprit. Au début
de son activité, il semblait que seule une catastrophe pût
apporter un changement à la chrétienté désemparée ; aussi
mon père croyait-il à la venue soudaine du Saint-Esprit.
Il en a été autrement en apparence. Pourtant, mon père a
eu raison : son espérance se réalise aujourd’hui en ce sens,
que le Saint-Esprit peut commencer à venir. Mais on fera
de nouveau l’expérience que le Saint-Esprit vient à l’insu
des hommes ; seules les « vierges sages » remarquent que la
domination de Christ est en train d’approcher. Le Christ
pourra régner avant qu’on s’en aperçoive. On remarquera
tout à coup qu’il y a quelque chose de nouveau ; mais
on en ignorera l’origine. L’élément nouveau est dans le
monde comme une semence : il croît silencieusement.

107 L’histoire du monde, l’histoire des hommes,


l’histoire des peuples doit passer entre les mains de Jésus.
94 Du Royaume de Dieu

Il le faut, afin que les hommes ne puissent plus en faire à


leur volonté.

108 En ce qui concerne le retour du Sauveur, il


est dit dans la parabole qu’il reviendra « dans sa gloire »
comme « Fils de l’Homme. » Fait infiniment bienfai-
sant : Dieu ne nous éblouira pas en quelque sorte de
sa gloire, dont nous ne pour­rions supporter l’éclat. Il
viendra dans la gloire des hommes, c’est-à-dire dans la
vie pleine et vraie qui est réservée à l’homme et que
chacun peut comprendre. C’est parce qu’il est si humain
que le Sauveur apparaît à « tous les peuples ». Un homme
véritable intéresse tous les hommes ; en lui s’effacent les
différences de classes et de nationalités. C’est pour cette
raison que Jésus vient « dans la chair », c’est-à-dire dans
la plénitude de l’humanité. (L’apôtre Jean le déclare :
quiconque ne reconnaît pas que Jésus est venu en chair,
qu’il est le Juge et le Sauveur de tous les hommes, n’est
pas de Dieu). C’est aussi pour cette raison que Jésus se
manifestera de nouveau en chair lors de son avènement.
Il reviendra comme Fils de l’Homme.

109 A son retour, Jésus reviendra « en chair », c’est-


à-dire qu’il exercera dans nos affaires terrestres une telle
action, qu’on ne pourra plus l’ignorer.

110 L’éternité qui vient avec le Fils de l’Homme


est accom­
pagnée de feu. Dieu soit loué ! voilà assez
longtemps que les hommes complices de Satan osent
corrompre la société tout entière. Seuls le feu éternel
L’ e s p é r a n c e 95

et la justice qui l’accom­pagne détruiront les liens qui


attachent si fortement ensemble Satan et l’homme, que
l’homme appelle le mal bien, et le bien mal.
Tout homme sera jugé d’après cette norme : A-t-il eu,
oui ou non, le sens de l’humanité ? On ne demandera pas :
A quoi as-tu cru et à quoi n’as-tu pas cru ? Mais on pourra
utiliser tous ceux qui ont été des hommes ; il n’y a que
les monstres dont on ne pourra rien faire. Un homme ne
comprendra peut-être pas encore Jésus, mais il ne le mépri-
sera pas. Il y aura bien des incrédules qui auront accès au
Royaume des Cieux, parce qu’ils sont des hommes.
Voici à quoi se reconnaît un homme : il a pitié de ceux
que le Sauveur appelle « les plus petits d’entre ses frères »,
pitié de ceux que l’on maudit et qui souvent inspirent
une aversion physique ; il veut les aider à sortir de prison.
La société humaine est souvent la pire des prisons ; celui
qui est mis au ban de la société, celui qu’on abreuve
d’injures peut justement être de ces petits qui appartien-
nent au Sei­gneur. Souvent dans une famille on méprise
un pauvre diable, un avorton, qui a la crainte de Dieu, et
pourtant, ne peut pas travailler comme les autres. Quand
il meurt, on se dit avec étonnement : « Quel trésor nous
avions près de nous ! » On reconnaît alors qu’il était un
de ces « petits » du Seigneur. Et c’est d’après ton attitude
envers ces petits que Jésus, le Roi des peuples, te jugera.
L’homme inhumain doit disparaître. Quelques suppôts
de Satan suffisent à pervertir des milliers de gens. Comme
on serait d’humeur douce et facile s’il n’y avait pas ces
monstres. Il y a bien des villages qui seraient vite en ordre
si seulement il y avait deux ou trois personnes en moins.
96 Du Royaume de Dieu

Le jugement de Dieu peut frapper dès maintenant, en


silence, ces êtres inhumains.
Un tel jugement est le prélude du Règne de Dieu. Ce
n’est pas la fin ultime. Il faudra que les peuples sortent de
leur fange, qu’ils soient débarrassés des éléments impurs.
Alors seulement commencera la vraie civilisation. La terre
doit appartenir au Seigneur ; de la terre et des hommes
qui y sont, il doit sortir quelque chose de bon. Tel est
l’avenir de Jésus-Christ, le Fils de l’Homme.

111 Voici en quoi consiste le jugement : les œuvres


de chacun seront révélées : il se verra tel qu’il est, et
quiconque est sur la mauvaise voie devra s’arrêter. Vous
non plus vous ne serez pas sauvés sans ce jugement. Il faut
souhaiter un jugement pour nous et pour tous, afin que
soit révélé ce que nous sommes.

112 Il n’y a pas de pardon sans châtiment. Tout se


paie ; on doit sentir qu’on s’est trompé, sans cela on ne se
corrige pas. Avons-nous commis des fautes, elles doivent
s’expier, et alors vient le pardon. On ne bande pas une
blessure tant qu’elle n’a pas été nettoyée.

113 Jésus est venu « ôter nos péchés » (Jean 3.5).


Impossi­ ble d’expliquer théologiquement comment il
le fait. On ne peut que le croire, et l’expérimenter en
fait. Si le péché, c’est quelque chose que l’on puisse ôter,
nous sommes des pécheurs, mais nous ne sommes pas
que péché... Nous devons croire que nous sommes des
créatures qui, par la puissance de Dieu, peuvent être puri-
L’ e s p é r a n c e 97

fiées du péché. Si je crois que Jésus-Christ est venu ôter


nos péchés et si je dis néanmoins : « A moi, il ne les ôte
pas », je pèche. Au long des siècles, Jésus enlève à tous les
hommes leurs péchés, comme une écume.
En tant que prémices de l’humanité nouvelle, nous
devons défendre vis-à-vis du monde cette vérité.
Naturelle­ ment, il faut avoir honte de nos péchés ; il
faut qu’il se fasse entre nous et le péché du monde une
rupture ; nous devons jeter loin de nous la souillure qui
règne dans le monde. Mais ensuite, nous devons tenir
ferme dans le monde, comme des combattants, avec la
conviction inébranlable que Jésus est venu pour ôter le
péché. Murmurer en trem­ blant : Peut-être vais-je me
perdre ! ou le dire d’un autre, c’est déjà donner barre à
l’ennemi. L’anxiété fortifie le péché.
Le jour de Jésus doit être conquis par la conviction
que Jésus ôte le péché. Beaucoup combattent pour ce
jour avec colère : Oh, que le feu du ciel tombe sur ce
monde impie ! D’autres combattent dans l’incrédulité ;
ils se lassent, fai­blissent et veulent abandonner le combat.
D’autres suppor­tent sans s’émouvoir qu’une multitude
d’hommes soit vouée à l’enfer et à la mort, pendant
qu’eux-mêmes sont sauvés. Ce ne sont pas là des soldats
de la foi. Jamais le Jour du Christ ne viendra de la sorte.
Si, entrebâillant de nouveau la porte, je me dis : « Il n’est
pourtant pas possible que Dieu enlève le péché de tous les
hommes », aussitôt le serpent réapparaît, et des millions
d’êtres retombent dans les ténè­bres. Jésus, partagé, n’est
plus Jésus. Si nous croyons faible­ment au Sauveur, nous
ne verrons jamais la victoire.
98 Du Royaume de Dieu

Il faut d’abord arriver à ce que le péché ne fasse plus


partie de nous. Ensuite viendra le tour des autres ; alors
il faudra qu’ils soient jetés en masse dans le feu afin
qu’eux aussi aient honte, et que le péché leur soit ôté. Le
Jugement est sévère, mais toujours en vue du salut. Tout
ce que Dieu fait tend à la rédemption.

114 Quand les hommes jugent, c’est le juge qui


prononce. Dans les jugements divins, c’est le condamné
qui juge. Dieu se tait, mais le condamné s’écrie avec joie :
Dieu soit loué, j’ai appris quelque chose ! Il se courbe
avec joie sous la main puissante de Dieu. Il y a dans ce
jugement une illumination de l’âme.
Le jugement dernier devra sauver la société. Car le
sens de la vie nous fait encore défaut. Pour l’instant, il y
a des individus sauvés, la société ne l’est pas. C’est d’elle
que procèdent le meurtre, l’adultère, la prostitution, le
vol, le parjure, le blasphème. Si l’on ne veille jour et nuit,
on n’échappe pas à l’influence de la société. Dans cette
exis­tence collective de l’humanité il faut que la lumière
pénètre par le jugement.
A notre époque, nous voyons tout au moins se poser
des questions auxquelles on n’avait pas songé autre-
fois. Nous ne nous demandons plus : « Comment faire
la guerre ? Comment conquérir des pays ? », mais
« Comment créer la paix ? Comment assurer le bonheur
des peuples, comment leur permettre de se développer ? »
Aujourd’hui tout homme qui pense moralement doit se
demander : Comment puis-je aider les autres ? Le fait
L’ e s p é r a n c e 99

que ces questions sont dans l’air annonce l’approche du


jugement dernier, qui apportera le salut aux peuples de
la terre.

115 Quand le jugement s’abattra sur le Prince de ce


monde, nous ne nous en tirerons pas indemnes. Le feu du
jugement déferlera sur nous aussi, parce que nous avons
été sous sa domination, et l’homme qui a mené une vie
confortable sous le Prince de ce monde aura beaucoup à
souffrir. Mais, au milieu de ses souffrances, il aura la certi-
tude que c’est pour son bien.
Quand la fausse domination des hommes s’écroule, les
gens se croient perdus ; ils crient mort et malheur. Dieu
soit loué, qu’ils finissent par crier !
Dans le jugement même, nous appartenons à Dieu et
nous collaborons avec lui. Pourvu que nous continuions
à croire qu’il est notre Père. Oui, Dieu est notre Père ;
que le jugement vienne donc, et qu’il nous libère des
influences étrangères. Car nous t’appartenons, ô Dieu !

116 Admettre un enfer où Dieu n’ait plus rien à dire


pour toute l’éternité, c’est abolir l’Evangile tout entier. Il
n’y a rien ni personne dans le monde, si ce n’est Dieu.

117 Celui qui ne croit pas sera condamné. Cela


signifie proprement qu’il restera dans la condamnation
où il se trouve déjà. Par le péché, la condamnation vient
naturelle­ment sur le monde. Nous sommes condamnés si
nous ne croyons pas, car alors le monde va son chemin,
et le destin du monde est aussi notre destin. Mais toute
100 Du Royaume de Dieu

notre énergie doit tendre à faire lever cette condamna-


tion. C’est par notre foi qu’elle sera levée.Veillez donc à ce
que la foi subsiste, et chassez du monde la condamnation.

118 Il nous faut combattre jusqu’au dernier souffle,


jusqu’à la dernière goutte de sang, afin que tout le ciel,
toute la terre et le séjour des morts tout entier soient
soumis à Jésus. Si je dois perdre espoir pour un seul
homme, pour une seule région, le fardeau de la mort
persiste, un fardeau de douleur, de nuit et de ténèbres :
Jésus n’est plus la lumière du monde.

119 Quand il est dit dans la Bible : « Voici, je fais


toutes choses nouvelles », cela répond à l’aspiration
des hommes. Le christianisme a fortifié en l’homme
l’aspiration vers le mieux. On y voit poindre cette idée
que tout doit changer par l’intérieur. Du feu que le
Sauveur a voulu allumer sur la terre provient aussi cette
aspiration au renouvellement total. Pour peu que le
moindre atome de poison pénètre dans notre âme, tout
est gâté. Il faut que tout, sans ména­gement, soit nouveau !
Nous devons dans notre espérance insister davantage sur
l’ensemble, et ne pas nous laisser influencer par des textes
bibliques qui, s’ils ne sont pas mis à jour dans le fond, ne
se laissent pas comprendre. Là où les paroles de Dieu, dans
les Saintes Ecritures, ne laissent pas la moindre incertitude,
elles embrassent tout, le ciel et la terre, dans leur espérance.
Nous autres, hommes, sommes facilement inquiets, et les
inquiets se sentent à moitié condamnés. C’est une raison
de plus pour qu’aujourd’hui nous soyons tenus de saisir
L’ e s p é r a n c e 101

l’ensemble : des cieux nouveaux, une terre nouvelle, un


tabernacle de Dieu au milieu des hommes. Dieu essuiera
toute larme de leurs yeux. Il est dit, ailleurs, que les déses­pérés,
les incrédules, les meurtriers, sont tous condamnés.
Il n’y a pas à effacer de la Bible cette contradiction :
elle y est. Mais la seule question qui se pose est celle-ci :
dans quel sens optons-nous ? Prêcher le salut, la résur-
rection, et ensuite condamner les gens, c’est impos-
sible. Est-ce qu’en fin de compte, toute âme ne pleure
pas ? Considérons l’ensemble de l’humanité. Qui osera
condamner ? Dieu est là qui justifie.
Je ne puis pas dire : le ciel ou l’enfer, la lumière ou les
ténèbres, le diable ou Dieu. Ce serait introduire le dual-
isme dans le monde. Cette distinction ne vaut que pour
la période de lutte. Pour la fin, il y a Dieu, et Dieu seul. Et
quand même je serais puni pour finir, dans les mains de
Dieu, le châtiment aussi est une félicité. Le dualisme doit
cesser. Quand cela durerait des millénaires, il faut que le
salut soit complet. Voici, je fais toutes choses nouvelles.
Sans doute, ce n’est pas chose aisée de lutter pour que
cet avenir soit. Il faut commencer par dire : En moi aussi,
tout doit être rendu nouveau. Il faut alors faire l’abandon
de sa vie. Notre vie doit aller à l’atelier de réparation ; et
là, on prend peur, quand tout est démonté, comme une
vieille machine. Et cette peur enlève la certitude, aussi
longtemps que le but n’est pas fermement assuré. Mais
quand je connais le but, quand je sais que Dieu veut faire
toutes choses nouvelles, la force m’est donnée d’offrir ma
vie, et de coucher sur l’autel mon propre moi. N’offrons
pas nos sacrifices avec des pleurs et des cris, mais avec
joie.
102 Du Royaume de Dieu

Quand il s’agit que toutes choses soient nouvelles, il faut


offrir également ce qui est bon, c’est-à-dire ce qui nous
semble juste, les choses qui nous sont devenues fami­lières
et accoutumées. Les belles mœurs, l’agréable société, Etat,
famille, église, tout doit être porté à l’atelier. Avec joie, il
nous faut remettre à Dieu le monde entier, mais le faire
totalement, chaque jour, en toutes circonstances.
Même dans le bien, nous devons conserver cette
mobilité. Aussi longtemps que nous retenons des parties
de notre vie en disant : « Ceci va bien », elles ne devi-
ennent pas nouvelles. Il faut que nous remettions tout à
Dieu, afin qu’il le renouvelle.
Le peuple de Jésus-Christ doit collaborer à cette tâche.
Et si un jour, la volonté totale de Dieu, la volonté bonne,
parfaite, clémente finit par être dans nos cœurs, si cette
volonté de Dieu sur la terre coïncide avec sa volonté dans
le ciel, les plus grandes choses peuvent s’accomplir.
« Pensez-vous que le Fils de l’Homme trouvera la foi
sur la terre, quand il viendra ? » Trouvera-t-il des gens qui
l’aident et qui soient prêts à le recevoir, qui ne soient pas
retenus par autre chose ? Il y en aura peu ; mais si peu
qu’ils soient, la parole s’accomplira : « Voici je fais toutes
choses nouvelles. » Si la famille spirituelle de Jésus-Christ
atteint l’idéal qui lui est assigné, l’évolution pourra se
faire finalement très vite. Mais, avant qu’on en soit là, il
faudra du temps.

120 La nuit est passée, le jour point. Il ne semble


pas, il est vrai, aujourd’hui, qu’il fasse jour ; nos pieds
foulent encore le péché : nos mains ne parviennent pas
à faire ce qui est bien, vrai et juste. Autour de nous des
L’ e s p é r a n c e 103

milliers et des millions d’êtres s’enfoncent dans la fange


de la vie ; ils y meurent en masse. On ne dirait guère qu’il
fasse jour sur la terre. Mais notre foi, notre amour pour
Dieu, l’espoir que nous mettons en lui exige que nous
disions : pourtant, la nuit est passée, le jour approche. Car
c’est devenu une réalité, à l’heure où Jésus est né. C’est
une réalité devant Dieu ; aussi devons-nous dire au nom
de Jésus-Christ : « Il faut que cela devienne aussi une
réalité sur la terre Jésus est le Seigneur ; donc, le jour doit
venir ! »
Mais qu’est-ce que le jour ? Le jour, c’est l’amour de
Dieu. Le jour se lève dans ton cœur quand tu crois en
l’amour de Dieu. L’amour de Dieu fait s’évanouir tout
ce qui est mauvais, tout ce qui est vulgaire, tout ce qui
est désespéré ; il triomphe aussi de la mort. Mais il faut
que ce soit l’amour de Dieu : un amour qui aime aussi les
ennemis ; un amour qui ne rejette rien ni personne ; un
amour qui franchisse tous les obstacles comme un héros,
par-dessus les insultes, le mépris, le dédain ; un amour qui
marche à travers le monde avec le casque de l’espérance
sur la tête.
Jusqu’à présent, nous n’avons pas osé dire : « Jésus est
né, et par conséquent toutes les créatures sont aimées. »
On ne l’a pas osé, parce que beaucoup semblent ne pour­
suivre que leurs penchants et trouver du plaisir à être
pécheurs. Mais personne ne pèche avec joie ; le pécheur
soupire toujours ; il soupire, celui qui est voué à la mort.
C’est vers ce gémissement des pécheurs et vers ces
plaintes de la mort que va hardiment l’amour de Dieu
qui est répandu dans notre cœur, l’amour de Dieu qui
s’est fait tout homme en Jésus-Christ. Jésus veut qu’on
104 Du Royaume de Dieu

voie en lui l’amour infini de Dieu. Dans cet amour il


veut être la flamme qui purifie ; c’est l’amour de Dieu,
seul, c’est sa miséricorde seule, qui nous englobe dans
son jugement, afin de nous affranchir de tout ce qui fait
de nous actuelle­ment des esclaves, des malheureux, qui
vivent aujourd’hui et qui demain tomberont dans les
ténèbres de la mort.
Il faut que l’amour s’étende à tout. Voilà notre tâche
d’aujourd’hui. Il nous faut devenir des enfants du Père,
qui nous aime tous. Il nous faut aimer le Père Céleste.
Aimez le Père, quand même vous ne comprenez pas !
Vous comprenez pourtant le mot « Père » ; devant lui,
tout cœur d’homme doit s’ouvrir, et aimer.
Remercions le Père Céleste de ce message : Jésus est
né, le jour est venu. Ainsi nous pouvons combattre et faire
s’incarner en nous le jour qui existe déjà, nous pouvons
lutter pour la résurrection et pour la vie. Qu’il rende
grâces aussi, quiconque connaît les afflictions, l’angoisse,
la dé­tresse et la souffrance. Reconnaissant, son cœur sera
plus léger, et il combattra pour que l’amour de Dieu
triomphe et que le jour vienne.
Et ainsi, nous prions non seulement pour nous, mais
pour nos frères et pour nos sœurs, parce que nous sommes
remplis d’amour pour tous les hommes. A travers le
monde entier, nous pouvons devenir une communauté,
dispersée et pourtant une dans la foi, l’action de grâces
et la prière, sous l’inspiration d’un seul et même Esprit.
Une prière
Père Céleste, nous te louons, toi
qui es grand et puissant pour
redresser toutes choses dans les cieux, sur la terre et sous
la terre ; toi qui nous a appelés, nous, les enfants des
hommes, à pénétrer avec amour dans les ténèbres les plus
épaisses, à entourer d’amour nos ennemis eux-mêmes,
à pénétrer le monde par notre foi et par notre amour,
jusqu’à ce qu’il soit illuminé et qu’il resplendisse à la
lumière de ta vérité et de ta justice ; jusqu’à ce que toutes
choses aient trouvé la paix, que tout ait été appelé de la
mort à la vie. Tu entends le soupir du monde et nous
l’entendons aussi. A ceux qui soupirent, tu as donné ton
Fils. Aussi prions-nous ainsi dans ton amour : Aie pitié, ô
Père, aie pitié bientôt de toute la création qui soupire, aie
pitié de ton œuvre ! Oui, tu as pitié. La nuit est passée, le
jour arrive !

Amen.
Les Eglises-communautés
dans notre société, nous tenons
Malgré tout le mal qui existe
à témoigner du fait que l’Esprit de Dieu est à l’œuvre
dans le monde aujourd’hui. Dieu nous appelle encore à
quitter les systèmes qui génèrent l’injustice, la violence, la
peur et l’isolement, et à suivre la nouvelle voie de la paix,
de l’amour et de la fraternité. Dieu nous appelle à vivre
en communauté. Dans ce sens, nous — les frères et sœurs
des Eglises-communautés1 — désirons vous commu-
niquer quelque chose de notre réponse à cet appel.
Notre vie en communauté est basée sur les enseigne-
ments du Christ dans le Sermon sur la Montagne et dans
tout le Nouveau Testament, notamment les enseignements
concernant l’amour fraternel, l’amour envers les ennemis,
le service mutuel, la non-violence et le refus de porter les
armes, la pureté sexuelle et la fidélité dans le mariage.
Nous n’avons pas de propriété privée ; nous part-
ageons tous nos biens comme les premiers chrétiens,
comme le décrit le livre des Actes des Apôtres, chapi-
tres 2 et 4. Chaque membre consacre ses talents et tous
ses efforts aux besoins de la communauté. L’argent et les
possessions sont mis volontairement en commun, et en
échange, chaque membre reçoit ce dont il a besoin. Nous
nous rassemblons tous les jours pour les repas, les réun-
ions, le chant, la prière et pour prendre des décisions.

En 1920, Eberhard Arnold, théologien bien


connu, conférencier
et écrivain, quitta l’abondance, la sécurité et une carrière
1 Church Communities International
Les Eglises-communautés 107

professionnelle importante à Berlin, et vint s’installer


avec sa femme et ses enfants à Sannerz, petit village en
Allemagne, où ils fondèrent une petite communauté —
appelée alors le Bruderhof (foyer des frères) — basée sur
la vie de l’Eglise primitive.
Malgré les persécutions des nazis, la communauté
survécut. Elle fut expulsée d’Allemagne en 1937 et le
mouvement s’établit en Angleterre. Cependant, lors de
la Seconde Guerre mondiale, une deuxième émigration
fut nécessaire, cette fois-ci en Amérique du Sud. Pendant
vingt ans, la communauté survécut dans les régions loin-
taines du Paraguay, le seul pays prêt à recevoir ce groupe
multinational. En 1954, une nouvelle branche du mouve-
ment fut fondée aux Etats-Unis.
En 1961, les communautés au Paraguay furent fermées
et tous les membres partirent pour l’Europe et les Etats-
Unis. Aujourd’hui, il y a quelque trois douzaines de
communautés aux Etats-Unis, en Angleterre et dans
d’autres pays. Notre nombre est insignifiant, mais nous
savons que notre tâche est d’une importance primor-
diale : suivre les enseignements de Jésus dans une société
qui s’est tournée contre Lui.

La mission a toujours été un point essentiel de notre


activité, non pas dans le sens d’essayer de « sauver » les
personnes, ou de gagner des membres pour nos Eglises-
communautés, mais pour témoigner de la puissance du
message de l’Evangile dont le but est une vie de paix,
d’amour et d’unité.
Notre porte est ouverte à toute personne qui veut
chercher la voie de Jésus avec nous. Bien qu’on puisse
108 Du Royaume de Dieu

penser que nous vivons une utopie, ce n’est pas le cas.


Nous ne sommes pas des saints et nous avons les mêmes
problèmes que tout le monde. Ce que nous avons que
le monde n’a pas, c’est un engagement pour la vie et la
promesse de lutter pour l’âme de chaque frère et sœur et
de nous sacrifier jusqu’à la mort si nécessaire.
The Plough Publishing House
Darvell Community
Robertsbridge, E. Sussex TN32 5DR, UK
+44 (0) 1580-88-33-00
Mél : charrue@ccimail.co.uk
Site web : www.editionscharrue.com

Vous aimerez peut-être aussi